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8 août 2025
KEUR MASSAMBA GUÈYE II ÉTOUFFÉ PAR UNE DÉCHARGE EN PLEIN MILIEU URBAIN
Fumées toxiques, insalubrité permanente, présence d’enfants et d’animaux au milieu des ordures : ce site, toujours alimenté par des charretiers, symbolise les dérives d’une gestion défaillante des déchets.
La décharge de Keur Massamba Guèye II, un amas d’ordures fumantes qui s’étend sur 6 hectares, au milieu des habitations, pose un véritable problème de pollution et de sécurité aux riverains immédiats de ce quartier situé à la lisière de la ville de Thiès, mais rattaché administrativement à la commune de Fandène.
Dès les premières lueurs du jour, les récupérateurs, hommes, femmes et enfants, prennent d’assaut ce réceptacle des déchets de la ville, qu’ils partagent avec des animaux domestiques en divagation ainsi que des hérons et des corbeaux.
Cette décharge semble avoir atteint ses limites, même si les charretiers collecteurs continuent d’y acheminer des ordures, attirant tout ce beau monde, avec d’énormes risques sur leur santé.
‘’L’odeur et la fumée de cette décharge nous tuent à petit feu’’, gémit une riveraine.
Dans une robe en wax, assortie d’un foulard bien noué à la tête, qui cache mal des cheveux grisonnants, pointant au-dessus d’un front ridé, témoin d’un âge assez avancé, Hadja Aminata Ndiaye raconte les 12 ans de galère qu’elle a vécue dans cet environnement suffoquant.
La maison surplombe la montagne de détritus, entourée de dizaines voire de centaines d’autres habitations. Le dépôt donne sur la route de Mbour, d’où les charretiers y accèdent. Il n’est pas rare qu’un gros nuage visible de loin, s’en échappe enveloppant une bonne partie du quartier et réduisant fortement la visibilité sur la route voisine.
Le voisinage suffoque
En consumant les matières plastiques, les pneus usés, les ordures ménagères et autres cadavres d’animaux morts, déposés dans cette ancienne carrière de calcaire, le feu régulièrement allumé par les récupérateurs, envoie dans l’air un gaz sulfurique.
‘’Si on vous dit que c’était un vaste trou, vous ne le croirez pas’’, taquine Aïssata Aw, une voisine de Hadja A. Ndiaye.
La décharge étant tout le temps en feu, ‘’nous sommes obligés parfois d’allumer de l’encens, de nous calfeutrer, pour fuir l’odeur et la fumée, surtout quand il y a du vent comme aujourd’hui (dimanche 20 avril)’’, relate-t-elle.
‘’Quand je suis tombée enceinte de mon garçon, j’ai dû quitter le quartier, pour aller à Silmang, sur conseil de mon gynécologue, parce que j’étais souvent enrhumé, en plus les meubles, le sol, les rideaux de la maison sont toujours couverts de suie’’, raconte Aïssata Aw.
Au sommet du tas d’immondices, des dizaines de petits feux flambent spontanément, attisés par un vent chaud et sec.
Cette pollution ambiante couvre un vaste rayon tout autour du dépotoir, d’est en ouest, du nord au sud.
Les riverains sont enfumés jour et nuit. ‘’Aujourd’hui, avec le vent qui ne s’arrête pas et le feu qui brûle tout autour de la maison, nous sommes obligés de porter des masques, même dans les chambres et de nous adapter’’, confie Awa Ly, une mère de famille dont le domicile est à moins de dix mètres de la décharge.
S’adapter, c’est ce qu’elle fait d’ailleurs depuis 2012, l’année où elle est venue habiter dans ce quartier. Le décor est le même depuis lors. Les sachets plastiques transportés par le vent prennent feu autour de chez elle.
Ce sont les recycleurs qui brûlent des pneus usés, pour en extraire le fil de fer. En plus de la fumée que provoque cette opération, les objets flambants charriés par le vent constituent un véritable danger pour le voisinage.
‘’Les braises qui sont déplacées par le vent font que partout autour de la maison, on a du feu tout le temps’’, se plaint Aïssata Aw.
‘’Nous souffrons, mais nous sommes obligés de respirer cet air qui n’est pas bon pour notre santé’’, se résigne-t-elle.
A l’image de la fameuse décharge de Mbeubeuss à Dakar, celle de Keur Massamba Guèye II, illustre parfaitement la lancinante problématique de la gestion des ordures au Sénégal, notamment ce dernier maillon de la chaîne, que constituent les décharges.
“Des fois, nous sommes obligés de libérer les élèves’’
Non loin du domicile de Awa Ly, il y a l’école primaire Keur Massamba Guèye II, un établissement à cycle complet, abritant également un cycle préscolaire.
Les 482 élèves de Keur Massamba Guèye II subissent l’assaut quotidien de la fumée qui émane de la décharge.
‘’La cohabitation avec cette décharge est extrêmement difficile (pour l’école), avec des malades qu’on évacue souvent’’, témoigne le directeur de l’établissement Mamadou Fall. Il souligne que la pollution impacte tout le temps, les enseignements et apprentissages.
‘’L’odeur et la fumée, c’est pratiquement irrespirable pour les élèves. L’équipe pédagogique en souffre aussi’’, signale le chef d’établissement. Il décrit une situation dangereuse pour les enfants, surtout les tout-petits âgés de trois à cinq ans qui, très souvent, présentent des maladies liées à ces nuisances et ‘’l’équipe pédagogique est obligée de (les) évacuer, avec ses propres moyens’’.
‘’Des fois, la fumée est telle que dans les salles de classe, nous sommes obligés de libérer, les élèves, car, note-t-il, les potaches suffoquent littéralement’’.
Malgré les odeurs de putréfaction de cadavres d’animaux mélangées à la fumée, donnant un cocktail explosif, des femmes, des enfants des jeunes sans aucune protection ni mesures de sécurité, s’y déploient, à la recherche d’objets à monnayer.
Parfois, du fait du vent tournant et de la densité de la fumée, il est impossible de voir son vis-à-vis, à quelques mètres.
Un ballet incessant de charrettes déversant des déchets à tour de rôle, se poursuit sur le site. Dès leur arrivée, elles sont assaillies par les récupérateurs.
‘’Nous collectons d’abord tout ce qui arrive ici, jusqu’à ce que nous obtenions une certaine quantité d’objets, ensuite nous les trions en séparant les plastiques et le fer’’, explique Fanta Diawara, récupératrice en activité à la décharge de Keur Massamba depuis plus de 20 ans.
Habillée d’un pantalon kaki vert sur un tee-shirt noir, la quarantenaire, adossée à un pan de mur empêchant les ordures de déborder jusque sur la route, elle informe que ce site qu’elle surnomme ‘’Mbeubeuss Thiès’’, est envahi chaque jour par des gens de toutes les catégories d’âge.
“Il n’est pas rare de voir 100 à 150 récupérateurs, dont une majorité de femmes venant de tout Thiès”.
Selon elle, la collecte, le triage et la mise en sac de ces produits est un travail éreintant, qui mobilise des centaines de personnes par jour, “surtout les jours ouvrables”.
‘’Dès fois, je récupère et j’accumule les matières pendant une semaine, après je trie en mettant chaque type de matière dans un grand sac’’, fait savoir Fanta Diawara.
Les objets ramassés sont placés dans des sacs cousus dans une vieille moustiquaire recyclée.
Chaque sac est dédié à un type d’objet. L’un, le “mbouss”, contient des sachets plastiques vendus à 50 francs le kilo. Il “dépasse rarement 25 kilos’’, indique-t-elle. Le sac rempli de différents types de bouteilles vides, est le ‘’pépé’’, qui est aussi vendu à ‘’50 francs le kilo’’.
Quant au sac ‘’matière’’, son contenu, composé de fragments de chaises, de seaux, de bassines et bidons d’huile vides, est cédé à 100 francs le kilo. S’y ajoutent les bidons d’eau de 10 de litres qui sont vendues à 35 francs l’unité. ‘’Il te faut alors 100 bidons d’eau vides, pour récolter 3500 francs, c’est très difficile’’, commente la dame.
Tout d’un coup, une énième charrette débarque remplie d’ordures ménagères. Le jeune charretier, bien qu’étant à longueur de journée en contact avec les déchets, ne met ni gants, ni masque ni chaussures, encore moins de tenue adaptée à son activité.
“Le soir, je bois du lait et après, ça va !”
Très vite, sa charrette est entourée de quatre jeunes garçons et de deux femmes dont Fanta Diawara. Ils plongent sans hésitation leurs mains nues dans ces ordures fraîchement déchargées. Le spectacle est saisissant: voir toutes ces personnes prendre autant de risques pour mettre la main sur des objets de faible valeur, renseigne sur leur niveau de précarité. ‘’C’est notre quotidien, lâche Fanta Diawara, nous prions pour qu’il y ait plus de charrettes, pour que nous puissions récupérer davantage de choses’’.
Malgré les risques que comporte cet environnement sur la santé des riverains, de nouvelles constructions sortent de terre, tout autour de la décharge. Dans les environs, il y a aussi des lieux de travail et des maisons inachevées occupées par des familles, dont des membres s’activent dans la récupération de fil de fer extrait des pneus brûlés.
D’ailleurs, le versant sud de la décharge est bordé de restes de pneus calcinés. L’endroit est noir, l’atmosphère chargée d’un air presque irrespirable.
Des jeunes et des moins jeunes vaquent à la récupération de fil de fer. ‘’Nous en avons l’habitude. Le soir, je bois du lait, et après, ça va !’’, confie Ibrahima Diop. Moustache grisonnante, l’homme est dans son élément. Il est muni d’une barre de fer dont il se sert pour remuer les pneus mis en feu, afin d’en séparer la matière plastique consumée du fer.
“Vers une fermeture effective de la décharge”
S’il reconnaît les risques sanitaires qu’encourent les gens qui vivent dans cet environnement, il estime que cela reste un mal nécessaire. C’est de la vente d’objets recyclés qu’ils tirent leurs dépenses quotidiennes, ainsi que l’argent avec lequel ils achètent des fournitures scolaires à leurs enfants.
Selon les autorités régionales de la Société nationale de gestion intégrée des déchets (SONAGED), les bennes à ordures ont cessé d’acheminer des ordures ménagères vers la décharge de Keur Massamba Guèye.
L’ancienne déléguée régionale de la SONAGED, Korka Seck précise que la décharge est essentiellement alimentée par les charretiers de la ville.
‘’Nous l’avons (la décharge) fermée aux bennes depuis 2022, actuellement seuls les charretiers déversent dans ce site’’, affirme Korka Seck. A l’en croire, la quasi-totalité des camions ramasseurs sont orientés maintenant vers un site provisoire ouvert dans la commune de Pout.
Elle annonce que le Centre intégré de valorisation des déchets (CIVD) de Tivaouane sera bientôt disponible, pour recevoir les ordures ménagères de la ville de Thiès.
Le site provisoire sera aménagé de façon à limiter les nuisances olfactives, explique-t-elle.
En visite récemment sur le site, la présidente de la commission développement durable et transition écologique de l’Assemblée nationale, Amy Ndiaye avait admis les problèmes que posent la décharge de Keur Massamba Guèye. Elle renseigne que la commission a été saisie par les populations riveraines sur les nuisances causées par cette déchetterie.
‘’Nous avons été saisis par les populations riveraines de cette décharge par rapport à ce problème de santé publique, c’est pourquoi la commission est venue avec le directeur général de la SONAGED, pour trouver des solutions’’, avait-elle expliqué à la presse.
Confirmant l’ancienne déléguée régionale, la députée avait noté que la décharge a été “fermée administrativement’’, mais qu’il faudra trouver des “mesures urgentes”, pour empêcher les charretiers de continuer à déverser des déchets. Elle avait préconisé l’érection d’un mur clôturant le site et le déploiement de vigiles en permanence, pour protéger la décharge des feux allumés par les récupérateurs, et qui constituent la “source principale de la pollution olfactive’’.
‘’Nous allons assurer le suivi, pour que la décharge soit carrément arrêtée”, a-t-elle promis.
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LA DÉFENSE DE FARBA NGOM ACCUSE
Des avoirs saisis avant même l'inculpation, une caution rejetée sans motif légal, un traitement différencié entre co-accusés.. Les avocats dénoncent des irrégularités en cascade dans la procédure visant le député poursuivi dans une affaire de blanchiment
Les avocats de Farba Ngom, député incarcéré depuis fin février pour des accusations de "blanchiment, escroquerie sur les deniers publics et association de malfaiteurs", ont tenu une conférence de pressece mardi 13 mai 2025 pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme "une justice de vengeance" à l'encontre de leur client.
Me Dialy Kane, l'un des principaux conseils de l'accusé, a vivement critiqué le traitement judiciaire réservé à son client, pointant des inégalités flagrantes dans la procédure. "Il y a incontestablement une justice de vengeance qui est en cours. C'est ça la réalité", a-t-il affirmé devant les journalistes.
L'avocat a notamment mis en lumière la disparité de traitement entre Farba Ngom et un autre mis en cause dans la même affaire, identifié comme "Tahirou Sarr". Selon Me Kane, alors que les deux hommes se trouvent "exactement dans la même situation", le cautionnement proposé par Farba Ngom sur la base de titres fonciers a été catégoriquement rejeté par le juge d'instruction, tandis que celui de Tahirou Sarr a été "accepté avec beaucoup de diligence" et validé par la chambre d'accusation financière.
"À chaque fois que l'égalité entre deux justiciables est rompue, c'est qu'il n'y a plus de justice", a martelé l'avocat, qualifiant de "violation flagrante des droits de la défense" la décision du juge d'imposer une mesure conservatoire sur les titres fonciers proposés comme caution.
Sur le fond de l'affaire, Me Kane conteste la qualification juridique des faits reprochés à son client. Il estime que Farba Ngom "n'est pas compris dans le champ de répression" des articles 152 à 155 du code pénal sénégalais, qui définissent les personnes susceptibles d'être poursuivies pour détournement de deniers publics. L'avocat affirme que son client ne peut être considéré comme un "comptable de fait" pouvant manipuler des fonds publics.
"Malheureusement dans ce pays, le parquet manipule les concepts juridiques en fonction de sa volonté pour mettre en prison des citoyens", a déploré Me Kane, promettant que "le temps viendra où l'on démontrera de façon nette, claire et précise que Farba Ngom est complètement innocent".
Pour rappel, selon le parquet du pool judiciaire financier (PJF), "les investigations menées révèlent des mécanismes sophistiqués de blanchiment de capitaux par le biais de sociétés écrans qui auraient été utilisées pour des transactions suspectes d'une valeur estimée provisoirement à plus de 125 milliards de francs CFA".
L'avocat a également dénoncé les "pouvoirs exorbitants" du ministère public, capable selon lui de maintenir un prévenu en détention malgré une décision de libération prononcée par une chambre d'accusation. Il a reproché aux actuels détenteurs du pouvoir d'avoir critiqué cette situation lorsqu'ils étaient dans l'opposition, avant de s'en accommoder une fois aux commandes de l'État.
Me Kane a conclu en dénonçant des saisies opérées sur les avoirs bancaires de Farba Ngom "alors qu'il n'était même pas encore inculpé", ce qui constituerait selon lui une nouvelle entorse à la procédure légale.
L'ŒUVRE INTEMPORELLE DE FATOU SOW
Cette sociologue et militante, qui a consacré sa vie à "politiser la question des femmes", verra son œuvre célébrée et réactivée à travers cinq jours de rencontres rassemblant chercheurs, militants et acteurs du changement à Dakar
(SenePlus) - Du 13 au 17 mai prochain, Dakar s'apprête à devenir l'épicentre de la pensée féministe africaine avec un symposium international rendant hommage à l'une des intellectuelles les plus marquantes du continent.
La capitale sénégalaise accueillera pendant cinq jours un événement majeur intitulé "La démocratie au féminin", dédié à l'œuvre et à l'héritage de Fatou Sow, sociologue et militante féministe dont la pensée a profondément marqué les mouvements pour les droits des femmes en Afrique. Organisé par la Fondation de l'Innovation pour la Démocratie, ce rendez-vous intellectuel rassemblera chercheurs, militants, écrivains et acteurs du changement autour de cette figure incontournable du féminisme africain.
Selon WarkhaTV, première plateforme de production de contenus féministes au Sénégal, cet événement ne se limite pas à une simple commémoration : "Ce rendez-vous ne se contente pas de commémorer une trajectoire : il réactive une pensée, une flamme, une invitation à poursuivre la lutte", peut-on lire dans l'article publié par le média féministe.
Une pensée radicale et engagée
Le parcours de Fatou Sow se distingue par son approche sans compromis des questions de genre. "Elle a consacré sa vie à politiser la question des femmes, en interrogeant les structures de domination, les logiques d'assujettissement des corps, et les silences institutionnels", souligne WarkhaTV, qui met en avant "sa parole, rigoureuse et radicale", ayant "permis de poser les bases d'un féminisme africain enraciné, critique et indocile".
L'universitaire et militante a marqué son époque par plusieurs engagements fondamentaux, notamment sa volonté de "transformer la société au-delà du droit formel, en repensant en profondeur les sphères économiques, culturelles et politiques". Elle s'est également illustrée dans la lutte contre les violences sexistes, la défense du droit des femmes à disposer de leur corps, tout en "produisant une pensée féministe africaine, loin des standards académiques occidentaux, en valorisant les savoirs situés des femmes africaines".
Son combat contre les fondamentalismes religieux et leur impact sur les droits des femmes constitue un autre axe majeur de son travail, tout comme sa conception d'un féminisme indissociable des "luttes pour la justice sociale, la souveraineté et la décolonisation", précise la source.
Un film-documentaire comme moment phare
Parmi les temps forts du symposium figure la projection du film-documentaire "Fatou Sow : Devenir féministe en Afrique", réalisé par Mbisin Diagne, prévue le 15 mai à l'Institut français de Dakar. Cette œuvre cinématographique retrace non seulement son parcours intellectuel mais également sa dimension humaine.
"Plus qu'un hommage, cette œuvre nous rappelle que le féminisme, en Afrique, est une histoire de transmission, de courage, de confrontation. Fatou Sow y apparaît comme une femme debout, libre, inflexible – et pourtant toujours à l'écoute des nouvelles générations", indique WarkhaTV.
Dans le contexte actuel où les droits des femmes font face à de nombreuses menaces, l'œuvre de Fatou Sow conserve toute sa pertinence. Pour les mouvements féministes d'aujourd'hui, "elle est un repère, une balise, une voix qui nous oblige à ne jamais dépolitiser nos luttes", affirme la plateforme féministe.
Face au "retour du conservatisme, aux répressions et aux régressions des droits", sa pensée offre des outils intellectuels précieux "pour penser, pour résister, pour bâtir", dans un environnement où les "avancées restent fragiles et les menaces constantes".
WarkhaTV reconnaît elle-même l'influence considérable de Fatou Sow sur sa propre approche du féminisme, qu'elle définit comme "une pratique située, critique, collective et sans concession". Le média sénégalais précise que la pensée de cette intellectuelle "traverse nos productions, nos engagements, nos indignations et nos espoirs. Elle est de celles qui ouvrent des chemins là où le patriarcat cherche à dresser des murs."
Ce symposium s'annonce donc comme bien plus qu'une célébration rétrospective. Il constitue "un appel à l'action, à la continuité, à l'invention politique", conclut WarkhaTV, pour qui "en 2025 comme hier, et demain encore, devenir féministe en Afrique, c'est aussi marcher dans les pas de Fatou Sow — sans jamais cesser de tracer les siens."
L'événement promet ainsi de conjuguer hommage intellectuel et mobilisation pour les luttes contemporaines, prolongeant l'héritage vivant d'une penseuse qui a su redéfinir les contours du féminisme africain.
LE SÉNÉGAL PAIE SA DETTE AU PRIX FORT
Dakar se retrouve contraint d'emprunter à des taux prohibitifs via des placements privés d'obligations. Ces mécanismes non conventionnels coûtent au pays près de 100 points de base supplémentaires par rapport à ses Eurobonds traditionnels
(SnePlus) - L'appel de marge de 200 millions de dollars de JPMorgan sur un prêt angolais met en lumière les nouvelles stratégies financières risquées adoptées par plusieurs pays africains, dont le Sénégal.
La dette africaine a grimpé en flèche pour atteindre plus de 1 800 milliards de dollars, selon la Banque africaine de développement, ce qui a conduit à trois défauts souverains au cours des quatre dernières années et à des accords de financement non conventionnels, alors que les gouvernements sont aux prises avec des remboursements élevés.
Face à cette situation, plusieurs pays du continent se tournent vers des mécanismes financiers atypiques pour éviter le défaut de paiement. "Le Sénégal, le Gabon et le Cameroun font partie de ceux qui ont eu recours à des accords dits 'hors écran' comme des placements privés d'obligations au cours des derniers mois, car le poids de leur dette et l'incertitude politique dans certains cas limitent leur accès aux marchés réguliers", rapporte Reuters.
Ces nouvelles stratégies financières s'avèrent particulièrement coûteuses pour des économies déjà sous pression. Comme le souligne l'agence de presse internationale, "le rendement des obligations placées en privé par le Sénégal l'année dernière est près de 100 points de base plus élevé que celui de son Eurobond 2031, ce qui signifie qu'il paie davantage pour cette nouvelle dette". Cette situation illustre les coûts supplémentaires supportés par des pays qui luttent déjà pour financer des secteurs essentiels comme la santé et l'éducation.
Selon Samir Gadio, responsable de la stratégie Afrique chez Standard Chartered à Londres, cité par Reuters, "nous allons voir davantage de ces transactions dans un avenir prévisible, surtout si l'accès régulier et conventionnel au marché des Eurobonds reste limité pour les pays notés B et les pays faiblement notés". Les analystes estiment que les prêts comportent souvent une prime de 150 à 200 points de base par rapport aux obligations existantes.
Si le Sénégal figure parmi les pays cités par Reuters comme ayant eu recours à ces mécanismes de financement non conventionnels, l'article met particulièrement en lumière le cas de l'Angola, qui est devenu emblématique du dilemme auquel sont confrontés de nombreux gouvernements de la région.
L'Angola a conclu en décembre dernier un contrat de swap sur rendement total d'un an avec JPMorgan, un instrument de financement rarement utilisé, adossé à des obligations d'État angolaises en dollars nouvellement émises. Le gouvernement n'a pas réellement levé de fonds avec ces obligations de 1,9 milliard de dollars. Il les a utilisées comme garantie pour deux tranches de financement par prêt de 600 millions et 400 millions de dollars de JPMorgan, afin d'éviter d'ajouter cette dette à ses comptes.
Lorsque les Eurobonds de l'Angola ont chuté après l'annonce par le président américain Donald Trump de vastes droits de douane, JPMorgan a exigé 200 millions de dollars supplémentaires comme garantie. "Le risque avec ce type de transaction, c'est qu'en cas de choc sur le marché, les appels de marge peuvent devenir un fardeau", a déclaré Samir Gadio de Standard Chartered.
Cette situation fait craindre des conséquences similaires pour d'autres pays africains ayant adopté des stratégies financières comparables. Pour l'Angola, les dépenses gouvernementales consacrées aux services sociaux ont chuté de 55 % depuis 2015, selon Tim Jones, directeur des politiques de Debt Justice, un groupe de campagne basé à Londres. La moitié du budget du gouvernement était consacrée au remboursement de la dette.
Pour le Sénégal, comme pour d'autres pays africains, ces coûts de financement élevés rendent plus difficile la levée de fonds pour de nouveaux projets d'infrastructure essentiels au développement économique.
David Omojomolo, économiste spécialiste de l'Afrique chez Capital Economics, a souligné dans une note à ses clients que "des fondamentaux budgétaires médiocres signifient que les craintes de défaut souverain risquent de rester élevées".
Dans ce contexte tendu, le recours du Sénégal à des placements privés d'obligations, avec des taux significativement plus élevés que ses émissions antérieures, illustre les défis financiers considérables auxquels le pays est confronté, à l'instar de nombreux autres États africains cherchant à équilibrer développement économique et gestion d'une dette croissante.
LA CRISE DE LA PÊCHE, MOTEUR DE L'EXODE MARITIME
Un nouveau rapport met en lumière une équation tragique : plus les chalutiers industriels étrangers intensifient leurs activités dans les eaux sénégalaises, plus les jeunes pêcheurs artisanaux quittent le pays sur des embarcations de fortune
(SenePlus) - La pêche illégale et non réglementée ainsi que la surpêche dans les eaux sénégalaises poussent de nombreux pêcheurs artisanaux à entreprendre le dangereux voyage migratoire vers l'Europe, selon un rapport publié par l'Environmental Justice Foundation (EJF) ce mardi 13 mai 2025. Ce document intitulé "La route mortelle vers l'Europe" met en lumière comment la dégradation des ressources halieutiques menace directement la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance de milliers de Sénégalais.
D'après l'étude de l'EJF, la pêche représente un pilier essentiel de l'économie sénégalaise, procurant des emplois à environ 3% de la main-d'œuvre du pays et contribuant à hauteur de 7,9% à l'apport en protéines de la population. Les petits poissons pélagiques, qui constituent 75% des produits de la mer consommés au Sénégal, sont particulièrement importants pour la sécurité alimentaire nationale.
Selon les données rapportées par l'EJF, la proportion des populations de poissons considérées comme "effondrées" - avec des captures inférieures à 10% du pic historique - a plus que doublé entre 2000 et 2019. Cette situation alarmante s'explique notamment par la surcapacité persistante de la flotte de pêche sénégalaise et la dégradation des écosystèmes marins causée par des techniques de pêche destructrices comme le chalutage de fond.
Le rapport souligne qu'une part substantielle de la flotte industrielle sénégalaise est contrôlée par des intérêts étrangers via des accords de coentreprise, arrangements qui ont été fortement critiqués pour leur manque de transparence et leurs pratiques environnementales nuisibles. L'EJF révèle que près de 45,3% des navires autorisés à pêcher sont contrôlés par des entités étrangères, principalement espagnoles et chinoises.
Entre janvier et juillet 2024, les autorités sénégalaises ont arraisonné 24 navires de pêche pour diverses infractions, notamment la pêche dans des zones interdites, le transbordement illégal de produits de la pêche, la pêche sans autorisation ou la capture d'espèces immatures.
Impact sur les communautés côtières et la migration
Face à la raréfaction des ressources halieutiques, la consommation locale de poisson a considérablement diminué, passant d'une moyenne historique de 29 kg par habitant à seulement 17,8 kg en 2021. Cette situation a des conséquences dramatiques sur les communautés de pêcheurs artisanaux qui voient leurs moyens de subsistance s'éroder.
"Si vous ne pouvez pas avoir de nourriture, vous ne voudrez pas rester chez vous. Vous devrez évidemment partir ailleurs pour trouver du travail ou quelque chose à faire. C'est la raison pour laquelle nous avons entrepris cette mission", témoigne Abdou Rakhmane Sow, migrant et ancien pêcheur, cité dans le document.
En 2024, le nombre total de migrants entrant irrégulièrement en Espagne a atteint 63 970 personnes, plus du double du chiffre de 2022, selon les données présentées par l'EJF. Les îles Canaries ont accueilli la majorité de ces arrivées (46 843), en hausse de près de 200% par rapport à 2022.
La route migratoire entre l'Afrique de l'Ouest et les îles Canaries est considérée comme la plus meurtrière au monde. Selon l'ONG espagnole Caminando Fronteras, 3 176 migrants ont perdu la vie en tentant ce périple depuis le Sénégal en 2023.
Le rapport de l'EJF présente plusieurs cas d'étude, dont celui d'Abdoulaye Sady, un jeune pêcheur qui a quitté Joal-Fadiouth pour les îles Canaries en 2020. Il explique comment les conditions de pêche se sont détériorées : "Dans le passé, on n'avait qu'à parcourir 5, 7 ou 10 km pour attraper beaucoup de poissons. Maintenant, on est obligés d'aller jusqu'à 30 ou 40 km."
Son père, Papa Sady, pêcheur depuis 1985, témoigne également : "Nous allons pêcher mais nous ne pouvons attraper aucun poisson. Vous dépensez beaucoup d'argent pour la pêche et vous finissez par ne rien attraper... La mer est presque détruite."
Les recommandations de l'EJF
Face à cette situation, l'Environmental Justice Foundation formule plusieurs recommandations à destination du gouvernement sénégalais, de l'Union européenne et du secteur de la pêche industrielle.
Pour le gouvernement sénégalais, l'ONG préconise notamment de donner la priorité à la restauration des populations de poissons, à l'éradication de la pêche illégale et à la protection des pêcheries artisanales. Elle recommande également d'adopter la Charte mondiale pour la transparence des pêches, d'étendre et de renforcer la zone réservée à la pêche artisanale, et d'améliorer les mécanismes de surveillance participative.
À l'Union européenne, l'EJF demande de renforcer son partenariat avec l'Afrique pour s'attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et de travailler avec le Sénégal pour donner la priorité à une pêche durable, légale et éthique.
"La vision de Son Excellence le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, s'inscrit dans cette dynamique, et l'EJF exprime sa détermination et son engagement à travailler avec les autorités sénégalaises pour parvenir à une gestion durable et transparente des ressources halieutiques du pays, et s'attaquer aux causes profondes et aux principaux facteurs de la migration irrégulière", conclut le rapport.
L'AMBITION DE DIAS TROP GRANDE POUR TAXAWU
Les échecs électoraux de 2024 ont révélé les limites de l'alliance entre Barthélémy Dias et Khalifa Sall. "L'affection naturelle qu'il éprouve pour Khalifa a pu lui nuire", confie un collaborateur du maire de Dakar
(SenePlus) - C'est une séparation qui couvait depuis plusieurs mois. Barthélémy Dias, maire de Dakar, quitte le mouvement Taxawu Sénégal pour poursuivre sa propre voie politique, a annoncé Khalifa Sall lors d'une réunion au Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices) le week-end dernier. D'après les informations recueillies par Jeune Afrique, plusieurs facteurs expliquent cette rupture politique, aussi discrète que significative.
"L'affection naturelle qu'il éprouve pour Khalifa Sall a pu lui nuire", confie à A un collaborateur du maire de Dakar. Selon cette même source, Barthélémy Dias aurait "tout fait pour permettre à ce dernier d'obtenir la consécration d'une première candidature à la présidentielle, quitte à en payer le prix." Une abnégation qui n'aurait pas porté ses fruits, Khalifa Sall n'ayant récolté qu'un score de 1,56% lors de la dernière élection présidentielle.
Le départ de Barthélémy Dias serait également motivé par des divergences profondes sur le fonctionnement interne du mouvement. Toujours selon les témoignages recueillis par l'hebdomadaire panafricain, le maire de Dakar aurait fait les frais de "l'inorganisation interne" et de "certains choix stratégiques" de Taxawu Sénégal. Ces dysfonctionnements auraient limité sa capacité d'action et freiné ses ambitions politiques personnelles.
"Barthélémy Dias songe à quitter Taxawu Sénégal, il espère peser davantage en étant seul", confiait déjà il y a quelques mois à Jeune Afrique une source dans son entourage. Cette volonté d'indépendance politique traduirait l'ambition du maire de Dakar de développer son propre projet, sans être constamment associé à la figure de Khalifa Sall.
Cette séparation s'inscrit dans un contexte plus large des tensions générationnelles qui traversent la politique sénégalaise. Comme le souligne Jeune Afrique, le pays connaît régulièrement des situations où "les dauphins pressentis quittent la maison mère pour s'en aller voler de leurs propres ailes, confrontés à un plafond de verre." À 69 ans, Khalifa Sall reste fermement à la tête de Taxawu Sénégal, limitant potentiellement les perspectives d'évolution de son ancien numéro deux.
Malgré cette séparation, l'ancien leader de Barthélémy Dias a tenu à lui rendre hommage. "Il l'a fait avec respect, en saluant l'engagement passé de Barthélémy et en lui souhaitant bonne chance pour la suite", indique à Jeune Afrique Mamadou Léopold Mbaye, président de la commission scientifique de Taxawu Sénégal. Ce dernier ajoute : "Barthélémy Dias a été un acteur important de notre plateforme, dont il occupait la place de numéro deux. S'il estime aujourd'hui être assez grand pour aller défendre son projet en dehors de Taxawu Sénégal, c'est une décision que nous respectons, même si ce n'était pas notre souhait."
Cette rupture intervient dans un moment particulièrement délicat pour l'opposition sénégalaise, déjà considérablement affaiblie après les échecs électoraux de 2024, qualifiée d'"année zéro" par Jeune Afrique. Face à la domination écrasante du parti Pastef, Barthélémy Dias se retrouve désormais dans une position précaire, "sans tutelle, face à une page blanche", après être également "entré en disgrâce auprès de ses anciens alliés de Pastef, qui cherchent aujourd'hui à l'écarter de l'hôtel de ville de la capitale après l'avoir éjecté sans ménagement de l'Assemblée nationale", conclut l'hebdomadaire panafricain.
LES ALTERNATIVES À LA PUNITION PHYSIQUE À L'ÉCOLE
Faut-il recourir à la punition pour exhorter les enfants à la discipline et à la rigueur ? Si cette question suscite des réactions diverses, elle dégage une position commune chez les éducateurs ...
Faut-il recourir à la punition pour exhorter les enfants à la discipline et à la rigueur ? Si cette question suscite des réactions diverses, elle dégage une position commune chez les éducateurs : les punitions physiques n’ont jamais produit les effets escomptés. Ils reconnaissent les limites de la violence éducative et proposent des alternatives pour façonner un citoyen modèle.
L’avènement des nouvelles technologies de l’information pousse de plus en plus les parents à s’interroger sur le type d’éducation à choisir pour bâtir un citoyen modèle. Nombreux sont ceux qui craignent rater le coche avec une perte en vitesse de l’éducation dite traditionnelle. Celle-ci se fondait généralement sur la violence dite éducative. Elle est présentée, par les experts, comme cette violence physique et ou verbale, partie intégrante de l’éducation à la maison et dans tous les lieux de vie de l’enfant. Mais pour des éducateurs que nous avons contactés, les mutations sociales imposent de nouvelles règles aux parents. Ibrahima Samba, professeur de français au lycée d’excellence, le Prytanée militaire de Saint-Louis (Pms), confirme cet état de fait. « Il est clair qu’aujourd’hui, le système éducatif interdit cela parce que la relation pédagogique ne doit pas aller jusqu’à toucher le corps de l’enfant ; que ce soit dans le sens d’une caresse sur la joue ou sur toute autre partie du corps ; que ce soit dans le sens d’une gifle ou bien d’un pincement sur le corps de l’enfant qui est sacralisé par les nouvelles lois et les nouvelles règles », explique-t-il.
La pédagogie, fait-il savoir, doit se faire dans une façon de conduire l’enfant vers le savoir, le savoir-faire, savoir-être et non de manière violente. « Évidemment, le pédagogue a les moyens, comme le parent, d’user de certaines formes de privation, certaines formes de menace, etc. Mais, il ne peut plus en tout cas utiliser la violence contre l’enfant, même si c’est pour l’amener vers des situations meilleures », note M. Samba. Sa position est partagée par Amy Cissé, coach de vie, par ailleurs militante des droits des enfants. Elle précise d’emblée qu’il n’y a pas d’éducation standard. « Nous devons accepter notre imperfection en tant que parents et revoir notre copie. Nous voulons tous des enfants parfaits, mais ce n’est pas possible, cela n’existe pas. Il faut s’atteler à développer le sens de l’écoute et à créer des liens avec eux pour une communication fluide.
La violence est une atteinte à la dignité de l’autre, elle est contreproductive. Nous avons la fâcheuse habitude de nous déverser sur nos enfants quand on a des soucis ailleurs », soutient-elle. Enseignant de formation et ancien secrétaire exécutif du bureau Afrique de la Fédération internationale des syndicats de l’enseignement (Fise), Djibril Gningue préconise des solutions adaptées aux temps actuels. « Je pense que c’est passé de mode de frapper les enfants, il faut miser sur le sens de l’écoute, la bienveillance, l’éducation par les valeurs familiale et sociale, en l’absence de l’éducation morale et de l’éducation civique à l’école, qui existait jusqu’à une période récente », relève Djibril Gningue. Au niveau des familles, soutient-il, il y avait une éducation morale qui faisait appel aux différentes valeurs, la violence était brandie comme une sorte de mise en garde, mais elle n’était pas systématique. Celle-ci, précise M. Gningue, est devenue une alternative quand il y a eu défaillance à ces niveaux. « Cela n’a jamais donné les résultats attendus d’autant plus que la rue et les réseaux sociaux ont pris le relais », estime M Gningue.
Pour lui, comme pour le Dr Massamba Guèye, la violence a toujours constitué l’ultime recours dans les sociétés africaines. « Nous ne sommes pas une société violente avec les enfants, nous sommes une société de correction (douma en wolof) est différent de (dor ou frapper). On passe toujours par toutes les étapes avant de frapper légèrement l’enfant. On utilise généralement les brindilles de balai à la place du bâton ou de la cravache pour ne pas faire mal. Il est même interdit, dans notre culture, de gifler l’enfant. Notre société est faite de sorte que les punitions corporelles sont interdites. Elles se font exceptionnellement ». Il propose, dans ce sillage, les techniques du défunt guide des mourides, le vénéré Serigne Saliou Mbacké. Il disait : « si on doit frapper un seul enfant pour lui enseigner quelque chose, je préfère fermer tous les daaras ». Et le Dr Massamba Guèye d’ajouter : « il avait su créer un environnement bienveillant mais normé, ce qu’il faut faire pour que l’enfant soit conscient de ses limites ».
Par Samba Oumar FALL
HABITUDES TOXIQUES
Dieu a créé la femme et lui a donné la forme, la couleur et le teint qu’Il a voulus. Celles qui sont belles veulent l’être davantage. Les autres veulent avoir un teint encore plus éclatant, une peau blanche et en font même une obsession.
Dieu a créé la femme et lui a donné la forme, la couleur et le teint qu’Il a voulus. Certaines sont nées belles comme Psyché, Néfertiti, Cléopâtre, Aphrodite, Pénélope, Daphné, Eurydice, Vénus ou encore Lakshmi, d’autres assez belles et le reste, pas belles du tout. En langage clair, cela veut dire que la beauté ne se décrète pas, c’est un don. Mais aujourd’hui, nombreuses sont ces femmes qui se sentent très mal dans leur peau.
Celles qui sont belles veulent l’être davantage. Les autres veulent avoir un teint encore plus éclatant, une peau blanche et en font même une obsession. C’est la course à l’éternelle beauté. Dans ce monde où l’apparence physique joue un rôle très important, la chirurgie esthétique, réservée aux bourses bien garnies, est devenue un moyen pour toujours rester belle. Dans de nombreux pays, les femmes, au nom du progrès, sont de plus en plus enclines à s’offrir un corps à la commande. C’est même devenu chez elles un véritable fantasme. Normal, car aujourd’hui, la beauté est considérée comme une clef sociale. Et comme le disait si bien Aristote, « la beauté est une meilleure recommandation que n’importe quelle lettre ».
Si dans les pays développés de plus en plus de femmes font recours à la chirurgie esthétique pour atteindre l’idéal, au Sénégal, ces interventions ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Les moins nanties se tournent alors vers la dépigmentation cutanée volontaire (Dcv) ; une pratique de blanchissement de la peau banalisée dans notre société. Pour paraître toujours belles, elles n’hésitent pas à renier leur couleur, à faire souffrir leur épiderme en utilisant des produits pharmaceutiques à base de corticoïdes, hydroquinone et dérivés mercuriels détournés de leur indication initiale. Ce qui était, au départ, considéré comme un simple phénomène de mode et esthétique est aujourd’hui devenu un problème de société et de santé publique. En effet, les adeptes s’exposent à des maladies comme l’hypertension artérielle, le diabète, les complications rénales et neurologiques, le cancer.
Selon certains spécialistes, les corticoïdes contenus dans les produits éclaircissants ont non seulement des effets dévastateurs sur la peau, mais aussi, une fois dans le sang, augmentent les risques d’hypertension, de diabète, d’ulcère ou de troubles psychiatriques. Jadis, la dépigmentation se limitait à l’application de crèmes et lotion corporelles sur la peau. Aujourd’hui, la tendance a complètement évolué. Pour altérer leur teint en un temps record, les adeptes de la dépigmentation ont recours à des injections à base de glutathion, un antioxydant prescrit, selon les experts, aux patients atteints de cancer ou de la maladie de Parkinson, avec des risques de mort subite de plus en plus élevés. Tous ces risques, vous dira-t-on, pour plaire aux hommes qui, souvent, semblent avoir un penchant pour les teints plus clairs. Effet de mode ou complexe, certaines femmes, à force de vouloir être coquettes en arrivent à perdre totalement leur identité.
Et il n’est pas rare de croiser des dames à plusieurs couleurs, parfois même avec un visage complètement cramé. Cela n’est rien à côté des tâches et points noirs sur leurs corps, les vergetures inesthétiques au niveau de leurs poitrines, leurs seins et leurs cuisses… La 3e édition du congrès international de la Société sénégalaise de dermatologie organisé récemment à Dakar et qui a vu la participation de centaines d’experts issus de 14 pays d’Afrique (300). Ces spécialistes qui ont planché sur le thème « La dermatologie au carrefour des spécialités médico-chirurgicales » ont plaidé pour la règlementation de l’importation et de la vente des produits destinés à la dépigmentation pour en réduire ses effets dévastateurs. Un combat qui risque de ne pas être gagné de sitôt, surtout dans une société où le complexe face à la peau claire ne cesse de s’accentuer. Le hic est qu’une fois qu’on commence à s’adonner à la dépigmentation, ça devient comme une drogue. Il devient très difficile de s’extirper du piège de cette habitude toxique. Et la plupart des femmes préfèrent poursuivre, en catimini, leur rêve de se blanchir la peau, quel qu’en soit le prix. Mais être belle vaut-il ce suicide esthétique ? Absolument pas. En attendant, la dépigmentation a de beaux jours devant elle et ce sont les industriels de la filière cosmétique qui se frotteront les mains.
LE COMBAT QUOTIDIEN DE ROKHAYA NIANG ET KHADIATOU DIALLO POUR L’AMOUR DE LEURS FILS
Ces deux femmes parlent presque le même langage : l’amour, le handicap, la souffrance et l’isolement ponctuent leur discours. Nous les avons contactées dans le cadre de la célébration du mois dédié à l’autisme.
Rokhaya Niang et Khadiatou Diallo partagent un dénominateur commun : être mères d’enfants atteints de troubles du spectre de l’autisme (Tsa). Ces deux femmes parlent presque le même langage : l’amour, le handicap, la souffrance et l’isolement ponctuent leur discours. Nous les avons contactées dans le cadre de la célébration du mois dédié à l’autisme.
Rokhaya Niang, directrice d’école, est la mère d’Assane Niang, un jeune autiste âgé de 17 ans. Sa fibre maternelle l’a aidé à détecter une anomalie dont souffrait son fils. «Quand il avait deux ans, j’ai remarqué qu’il ne parlait pas et j’ai pensé à un retard de langage », raconte-t-elle. Ce n’est que quatre ans après la naissance de leur fils, plus précisément au retour de son mari d’Espagne, qu’ils se sont rendus compte de l’évidence : leur enfant peinait à communiquer et à interagir avec les autres. Ils prennent rendez-vous à l’hôpital de Fann où il bénéficie des premiers soins. Armée de sa foi religieuse, Rokhaya s’engage à soutenir son fils avec le même amour qu’elle porterait à un enfant. « J’ai essayé de l’inscrire à l’école, mais c’était très difficile. Aucun établissement ne voulait l’accueillir », regrette-t-elle avec tristesse. En 2017, l’école Thianar Ndoye de Rufisque ouvre ses portes à Assane. Des chances de réussite lui sont offertes, mais il ne parvient pas, après trois ans d’études, à passer en classe supérieure. Elle est contrainte de le retirer de l’école. « Maintenant, il reste à la maison», dit-elle, le cœur lourd. Sa chance, dit-elle, est qu’Assane est un enfant de bon cœur. Il est non violent et très attentionné.
La colère de son fils atteint d’autisme crée le déluge chez elle « Il est spécial. Il ne parle toujours pas, mais je l’implique dans les tâches ménagères. Je l’envoie à la boutique et à la boulangerie, et il ouvre la porte lorsque quelqu’un sonne. Je fais tout pour qu’il ne s’isole pas, je le considère comme un enfant normal », explique-t-elle. Elle invite les autorités à aider les parents d’enfants autistes, car la prise en charge est coûteuse. « Les prix des médicaments sont élevés, et les séances avec les spécialistes coûtent 25.000 FCfa chacun. Pour un parent qui ne travaille pas, c’est dur comme épreuve », souligne-t-elle. Rokhaya plaide également pour la construction de centres de formation professionnelle et l’octroi de bourses d’études pour les enfants autistes, ainsi que la création d’écoles publiques spécialisées. Elle déplore que les écoles dites inclusives ne le soient que de nom. Khadidiatou Diallo, résidente à Fann-Amitié, est la mère de Mouhamed Noel Diaw, un enfant autiste âgé de 12 ans. C’est son fils unique. Au début de sa scolarité, ce dernier avait des « comportements bizarres en classe ».
Le médecin de l’établissement l’a convoquée pour l’informer de l’état de santé de son fils : il souffrait de troubles autistiques. Il lui a suggéré de l’encadrer correctement. Car, sans cela, il risquait de sombrer. Elle a été orientée vers l’hôpital de Fann pour sa prise en charge, mais faute de moyens, elle n’a pas pu assurer le suivi. « Mon époux est à la retraite et malade. J’ai donc décidé de canaliser mon fils, de l’aider à évoluer dans un environnement bienveillant et à développer certaines habiletés », explique-t-elle. A l’école primaire, Mouhamed s’en sortait tant bien que mal, bénéficiant de l’écoute et du soutien de sa maîtresse. Cependant, en classe de 6e, au lycée Seydou Nourou Tall de Dakar, il néglige ses études. « Il ne se concentre plus et préfère dessiner ou faire autre chose au lieu de suivre les explications des professeurs », déplore-t-elle.
Un autre défi est son comportement d’isolement. Il n’aime pas être en compagnie d’autres personnes et, lorsqu’il est en colère, cela peut devenir chaotique à la maison. « Lorsqu’il est aux prises à des crises, il met la maison sens dessus dessous, détruit ses affaires personnelles et devient très violent», précise-t-elle. En revanche, elle a constaté des progrès en matière d’autonomie. « Mouhamed gère maintenant ses besoins tout seul. Il se lave les dents et il est très réceptif à mes messages », raconte Khadidiatou. Elle privilégie le dialogue et lui parle avec douceur pour éviter de le mettre en colère. « Ma seule crainte est qu’il pique une crise sur le chemin de l’école où qu’il se mette en colère en plein cours. J’ai été voir ses professeurs pour leur expliquer sa maladie », dit-elle. Comme toutes les mamans vivant avec un enfant ayant un handicap, Khadidiatou demande à l’État de leur donner un coup de pouce dans la prise en charge. *
Par Seckou SAGNA
POUR QUE NUL N’IGNORE
Il serait méthodologiquement hasardeux de réduire l’effondrement de cet immeuble à une simple conséquence de l’excavation voisine ou d’un éboulement isolé.
Il serait méthodologiquement hasardeux de réduire l’effondrement de cet immeuble à une simple conséquence de l’excavation voisine ou d’un éboulement isolé. Un tel sinistre est généralement le résultat d’une combinaison de facteurs géotechniques, structurels et décisionnels, que seule une analyse approfondie peut révéler.
Un ingénieur compétent, sollicité en amont, aurait préconisé des dispositifs adaptés -tels qu’un radier général ou des longrines de redressement dimensionnées selon les sollicitations attendues- pour prémunir la structure contre des instabilités aussi prévisibles. En effet, lorsqu’on parle d’effondrement d’un bâtiment dû à un éboulement provoqué par une excavation voisine, on incrimine souvent la cause externe sans toujours analyser les vulnérabilités intrinsèques du bâtiment lui-même. Explorons cela techniquement :
1. COMPRENDRE LE PHENOMENE : TASSEMENT DIFFERENTIEL
Le tassement différentiel se produit lorsque différentes parties des fondations s’enfoncent à des vitesses différentes dans le sol. Cela peut créer des efforts internes importants sur la structure (fissuration, rotations, flambement local, etc.) jusqu’à la ruine partielle ou totale.
Dans un cas d’excavation à proximité :
Le sol de fondation peut être «déchargé» ou «déconfiné», provoquant une perte de portance localisée.
Le bâtiment voisin subit alors un affaissement partiel ou un basculement si sa fondation n’est pas capable de répartir les efforts correctement.
2. LE RADIER GENERAL COMME SOLUTION
Un radier général est une fondation plate couvrant toute l’empreinte du bâtiment, répartissant les charges de manière uniforme. Ses avantages dans ce cas :
Il agit comme une «nappe rigide» solidaire qui maintient la cohésion du bâtiment, même si une partie du sol est affaiblie
Il répartit les charges sur une plus grande surface, limitant les concentrations de contraintes qui favorisent le tassement différentiel.
Si bien armé et conçu, il peut travailler en flexion pour absorber les déformations du sol et rester fonctionnel.
3. ALTERNATIVE : FONDATIONS FILANTES + LONGRINES DE REDRESSEMENT
Les semelles filantes peuvent être suffisantes dans un sol homogène, mais en cas de risque d’excavation ou de déstabilisation locale, elles doivent être liées entre elles.
Des longrines de redressement, rigides et bien dimensionnées, peuvent compenser les efforts différentiels.
Elles assurent la solidarité entre points d’appui.
Elles peuvent travailler en traction, compression ou flexion selon le cas, stabilisant les semelles même en cas de perte localisée de portance.
4. CONCLUSION TECHNIQUE
Un bâtiment bien fondé ne s’effondre pas pour un simple éboulement latéral, s’il est correctement dimensionné pour redistribuer les efforts.
Un radier général ou des fondations interconnectées par longrines de redressement forment une sorte de «plateforme solidaire» qui évite les tassements différentiels excessifs, réduit les déséquilibres internes et permet au bâtiment de réagir globalement, pas localement.
Seckou SAGNA
Ingénieur en génie civil,
Directeur des études à Diligence Immo