«Le livre constitue une victoire des hommes sur le temps et sur l’espace. Le livre peut être transmis des anciennes aux nouvelles générations. C’est un combat de gagner sur le temps destructeur […] En définitive, le livre est un instrument efficace pour lutter contre la mort. Les écrivains continuaient à vivre parmi les vivants.»
Amady Aly Dieng, «Don de ma bibliothèque personnelle à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar», Codesria, Bulletin n°1 & 2, 2007, p.42.
Il y a dix ans, nous quittait Amady Aly Dieng, décédé le 13 mai 2015 à Dakar, à l’âge de 83 ans. Né le 22 février 1932 à Tivaouane, au Sénégal, il fut un ancien fonctionnaire de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao). Dans ses Mémoires d’un étudiant africain, il rappelle : «Je suis né le 22 février 1932 à Tivaouane, la septième gare du chemin de fer Dakar-Saint Louis (Dsl) construit en 1885.» (Volume 1, De l’école régionale de Diourbel à l’université de Paris, p.3). Docteur ès sciences économiques, il a enseigné à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il a été parmi les dirigeants de l’Association générale des étudiants de Dakar (Aged), créée en 1950 et devenue en 1956 l’Union générale des étudiants d’Afrique occidentale (Ugeao). Il fut aussi président de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (Feanf) pendant deux ans (en 1961 et en 1962).
Amady Aly Dieng est auteur de plusieurs ouvrages sur des thématiques diverses et variées (philosophie, sociologie, économie, histoire, etc.). Il avait une vaste culture scientifique et littéraire. Il était un ami des livres. Son rapport étroit avec le savoir n’était plus à démontrer. Dans le bulletin Codesria n°1 & 2, 2007, p.41, il écrivait : «Dans ma vie militante estudiantine, j’ai appris à accorder beaucoup d’importance à la fréquentation et à la lecture des livres qui pouvaient nous aider à retrouver les véritables chemins susceptibles de mener nos pays à l’indépendance et à l’unité. Ces livres, à beaucoup d’égards, nous fournissaient les munitions qui nous permettaient de détruire le système colonial. Ils étaient les «armes miraculeuses», pour parler comme Césaire, dont ma génération avait besoin pour vaincre nos oppresseurs.»
Le doyen Amady Aly Dieng était un grand intellectuel. Il n’avait pas peur de la solitude et de la singularité. Car pour lui, un intellectuel doit être singulier. Il doit aimer la marginalité et l’individualité pour produire. Ce qui ne va pas de pair avec la culture sénégalaise : «… en Afrique, rappelle-t-il, la société est franchement anti-intellectuelle, car elle est hostile à l’expression de l’individualité. Les Africains sont soumis aux pesanteurs sociales comme les multiples cérémonies familiales, coutumières ou religieuses.» (Codesria n°1 & 2, 2007, p.42)
Amady Aly Dieng ne pavanait pas dans les couloirs des universités, quoiqu’il ait installé son quartier général sur le campus universitaire de l’Ucad de Dakar, sa seconde demeure. Pour Amady Aly Dieng, l’importance du savoir met en relief la centralité du livre et de la lecture dans une société où la tradition de l’oralité domine encore. Il ne lisait pas en diagonale. Il abordait les livres avec rigueur et entrait dans les textes avec profondeur. Pour lui, «la lecture littérale des textes écrits, qui est très pratiquée dans les sociétés africaines, est stérile. Elle est prisonnière des textes, trop fidèle à la lettre des textes. Cette excessive fidélité au texte est une source d’infécondité» (Codesria n°1 & 2, 2007, p.43).
En 2007, il a fait don de 1500 livres de sa bibliothèque personnelle à la Bibliothèque universitaire de Dakar. C’est exceptionnel et symbolique comme geste vis-à-vis de la postérité. A ce propos, il disait : «J’ai choisi de faire don de ma bibliothèque personnelle aux jeunes générations parce que je veux contribuer à ma manière à l’ancrage, ici, d’une tradition universitaire qui veut que les professeurs, dans tous les pays développés, lèguent leurs ouvrages à leur mort à des bibliothèques ou à des institutions de recherches.» (Codesria n°1 & 2, 2007, p.41) A l’ère d’une civilisation marquée par l’écran, le livre demeure toujours encore un moyen non négligeable pour la formation de l’esprit et la transformation sociale.
Avant de mourir, le doyen Amady Aly Dieng se désolait de la situation de désintéressement de notre Peuple vis-à-vis du savoir, du livre et de la lecture au détriment des activités festives : «Les livres sont aujourd’hui lacérés, déchirés, passés à la lame de rasoir ou volés. Les criminels culturels se multiplient sans qu’on puisse les aligner devant des poteaux d’exécution.» (Codesria n°1 & 2, 2007, p.43) Il termine son texte en rappelant qu’«en Côte d’Ivoire, les fonctionnaires et employés ne bénéficient pas d’avance Tabaski, mais d’avance scolarité. C’est une chose qui doit nous faire réfléchir. Car au Sénégal, on privilégie les activités festives. On privilégie le tube digestif au détriment des activités de l’esprit.» (Codesria n°1 & 2, 2007, p.43)
Il n’a jamais cherché à côtoyer aucun pouvoir, depuis l’indépendance du Sénégal jusqu’à sa mort. Il a su rester libre : libre de ses idées, libre de ses convictions et libre de ses positions, parfois très critiques. C’est dire qu’il est resté égal à lui-même toute sa vie durant.
Il a marqué plusieurs générations d’étudiants et d’intellectuels sénégalais et africains ; et son héritage intellectuel et syndical continue toujours d’inspirer ceux qui voudraient bien s’abreuver aux valeurs cardinales de dignité, de liberté, de désintéressement dans la quête du savoir, de constance et de fidélité à soi-même dans un écosystème idéologique et intellectuel où la carrière a pris le déçu sur la carrure, les grades et les titres sur la vaste culture générale, l’avoir sur le savoir fondamental.
Le 13 mai 2016, lors du premier anniversaire de son décès, la salle de conférence de la maison d’édition L’Harmattan Sénégal fut baptisée du nom de Amady Aly Dieng ; c’était en présence de membres de sa famille, de ses amis, de ses collègues, d’universitaires et de nombreux intellectuels. Une manière d’immortaliser et de rendre hommage à la mémoire de cet éternel étudiant africain.
Le Festival de Cannes 2025, qui se tiendra du 13 au 24 mai, mettra en lumière, parmi les 110 films présents dans les différentes sélections, 4 films qui résonnent avec l’actualité internationale.
Le Festival de Cannes 2025, qui se tiendra du 13 au 24 mai, mettra en lumière, parmi les 110 films présents dans les différentes sélections, 4 films qui résonnent avec l’actualité internationale. Ces quatre longs métrages racontent à leur manière les troubles de notre époque.
PUT YOUR SOUL ON YOUR HAND AND WALK, UN TEMOIGNAGE POIGNANT DE LA VIE A GAZA
Le documentaire Put Your Soul on Your Hand and Walk de Sepideh Farsi, sélectionné dans la section «Acid», est l’un des films qui a faitle plus parler de lui avant l’ouverture du festival. Il est un témoignage poignant de la vie à Gaza depuis le début de la guerre, à travers les yeux de la photojournaliste Fatima Hassouna. Cette dernière ainsi que dix membres de sa famille ont été tués dans une frappe aérienne israélienne sur leur maison à Gaza, le 16 avril 2025, un jour après l’annonce de la sélection du film. Seule sa mère a survécu. Cet événement a suscité une vague de condoléances et de critiques contre la violence en cours à Gaza. Le festival a publié une déclaration officielle exprimant ses condoléances et critiquant la violence continue dans la région. La projection du film sera «une manière d’honorer la mémoire [de la photographe], victime comme tant d’autres de la guerre», a souligné le Festival de Cannes. Le documentaire de Sepideh Farsi, à travers les conversations vidéo avec Hassouna, offre un aperçu intime des réalités de la guerre et de la résilience humaine, mettant en lumière les défis etles espoirs des habitants de Gaza.
OUI, L’APRES-7 OCTOBRE EN ISRAËL SELON NADAV LAPID
Après un Prix du jury en 2021 pour Le Genou d’Ahed, Nadav Lapid est de retour avec Oui (Yes), mais cette fois dans la sélection parallèle de la Quinzaine des cinéastes. Le réalisateur israélien, aux antipodes des idées deNetanyahou, raconte l’histoire d’un musicien de jazz précaire devant créer une musique pour un nouvel hymne national juste après l’attaque du 7 octobre. Très critique d’Israël, le réalisateur pose, pour son cinquième long métrage, encore un regard hautement politique sur la société et l’identité israéliennes.
IL ETAIT UNE FOIS A GAZA, UNE FENETRE SUR LE GAZA D’AVANT LE 7 OCTOBRE
Il était une fois à Gaza (Once Upon a Time in Gaza), des frères Tarzan et Arab Nasser, présenté dans la section «Un Certain Regard», revient sur la vie à Gaza avant les destructions et les milliers de morts. Ce film suit la vie de trois Gazaouis : Yahya et Osama qui tentent de monter une affaire illégale sous l’œil d’un policier corrompu dans le Gaza de 2007. Il offre une perspective humaine, avec une touche d’humour noir, sur les réalités de la survie dans l’enclave. Les frères jumeaux Nasser, nés dans l’enclave et déjà acclamés pour leur film Gaza Mon Amour, continuent ainsi de mettre en lumière les récits des jeunes Palestiniens enfermés dans la bande de Gaza. Le duo de réalisateurs fait son retour à Cannes après avoir été sélectionné en 2015 dans la Semaine de la Critique avec Dégradé.
DEUX PROCUREURS, PLONGEE DANS LES PURGES SOVIETIQUES
Premier film ukrainien à être dans la compétition officielle depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022, Deux Procureurs (Dva Prokourora) est réalisé par Sergueï Loznitsa. Ce dernier est un habitué de Cannes, il y a présenté autant ses films de fiction (My Joy, Donbass) que ses documentaires (Maïdan, Babi Yar. Contexte). Son nouveau long métrage Two Prosecutors nous transporte dans l’Urss des années 1930, au cœur des purges staliniennes. Ce film évoque la justice et la répression, des sujets au cœur de l’actualité dans un monde où les régimes autoritaires et les violations des droits humains augmentent sans cesse. Cette réflexion poignante sur les mécanismes du pouvoir et de la peur prend une résonance particulière dans le contexte de la guerre en Ukraine, rappelant les luttes pour la liberté et la démocratie qui continuent de se jouer dans cette région. Si le film ne parle pas directement de la situation en Ukraine et en Russie, les parallèles sont nombreux avec l’époque des purges staliniennes. Les dirigeants du Festival de Cannes ont annoncé d’ailleurs dédier la première journée du festival, mardi, à l’Ukraine, avec la projection de trois documentaires, «afin de raconter ce conflit au cœur de l’Europe qui affecte le Peuple ukrainien et le monde depuis déjà trois ans».
Rfi
LA SOCIÉTÉ CIVILE MOBILISÉE POUR LA LIBÉRATION DU MILITAIRE DISPARU
Henry Ndécky, coordonnateur de la Cospac, a multiplié les démarches sur le terrain jusqu'au 2 mai et sollicité l'appui de l'Armée pour faciliter cette libération
La Société civile réclame la libération du militaire disparu dans la zone des palmiers lors du ratissage par l’armée de cette zone. aussi, les acteurs pour la paix en Casamance réitèrent leur demande aux réfractaires de rejoindre la table de négociation pour une paix définitive en Casamance.
La Société civile appelle à la libération du militaire kidnappé le 14 avril dernier dans la Zone des palmiers, alors que l’Armée menait une opération de ratissage suite à l’attaque perpétrée à Djinaky par une bande armée non identifiée.
«La personne qui est entre leurs mains, c’est leur frère, c’est leur ami, qu’il faut libérer. Nous avons été vers l’Armée du Sénégal pour demander de nous laisser aller sur le terrain pour solliciter la libération du frère qui est entre leurs mains. Le dialogue à cet effet est en cours», a soutenu Henry Ndécky en marge d’un symposium sur la paix en Casamance. Le coordonnateur de la Coordination sous-régionale des organisations de la société civile pour la paix en Casamance (Cospac) poursuit : «L’incident s’est produit les 14 et 15 mai. Nous avons été sur le terrain jusqu’au 2 pour demander à ce qu’ils nous aident à le libérer. C’est une demande des populations.» Aussi, la Société civile demande à l’Etat du Sénégal de libérer, s’il y en a, des détenus du Mfdc qui seraient dans les prisons. «Egalement qu’ils puissent eux aussi faire preuve de clémence pour favoriser ce dialogue. Aujourd’hui, les différentes factions au front ont besoin de rentrer à la maison», a insisté M. Ndécky.
«Qu’il soit entre les mains des différentes factions du Mfdc, d’un front ou d’une faction, ou de groupes armés, notre demande, c’est de le libérer afin qu’il rejoigne sa famille, mais également qu’on facilite les négociations avec les autres factions et fronts pour le bonheur de la Casamance. Parce qu’aujourd’hui, nous avons tous les programmes. Le Plan Diomaye pour la Casamance, pour qu’il se concrétise, il va falloir de la stabilité», a développé Henry Ndéky.
Mongone, un cas d’école
La paix en Casamance, contrairement au conflit, est la préoccupation la mieux partagée par les acteurs et populations du Sud du pays. Pour les acteurs de la paix, Mongone est un cas d’école qui mérite réflexion. D’après eux, il faut être courageux pour prendre les armes, mais il faut l’être beaucoup plus encore pour les déposer. Et c’est ce que la faction de Diakaye a fait le 13 mai 2023 à Mongone, après plus de 40 années de conflit. «Nous avons fait ce qu’il y avait à faire pour le développement de la Casamance. Personne ne viendra la développer à notre place», a dit Fatoma Coly. L’ex-commandant de la faction de Diakaye s’exprimait hier au symposium organisé sur le thème : «La paix : enjeux et perspectives.» «Nous sommes ici non seulement pour commémorer cet acte courageux, mais aussi pour réfléchir aux enjeux et perspectives afin de consolider les actes et ouvrir de nouvelles voies vers une stabilité durable», a indiqué M. Ndéky. La Société civile invite les dissidents à aller à la table de négociation pour une paix définitive en Casamance. «Seules les négociations ont leur place, après 42 ans», a affirmé le coordonnateur de la Coordination sous-régionale des organisations de la société civile pour la paix en Casamance.
L’adjoint au Gouverneur chargé du développement appelle lui aussi toutes les autres factions encore actives à la table de négociation. «La main de l’Etat reste encore tendue, le dialogue est ouvert, il n’y a pas de chemin plus noble que celui qui mène vers la paix», a dit Alsény Bangoura.
Par Mohamed GUEYE
EFFICACITÉ VS RÉALISME
Le Conseil national à la sécurité alimentaire tourne à vide depuis le limogeage de son dernier Directeur exécutif. Le personnel du Secrétariat exécutif, depuis lors, court après des arriérés de salaires qui remontent à la fin du mois de février
Le Conseil national à la sécurité alimentaire (Cnsa) tourne à vide depuis le limogeage de son dernier Directeur exécutif. Le personnel du Secrétariat exécutif, depuis lors, court après des arriérés de salaires qui remontent à la fin du mois de février. Pour corser les choses, tous les bureaux régionaux sont paralysés, faute de directives et, surtout, de ressources pour leur fonctionnement. Le Secrétaire général du gouvernement dont dépend ce service, a vu l’arrivée à sa tête d’un nouveau responsable, qui ne semble pas pressé de se pencher sur ce dossier. Ce qui bloque tout son travail et plonge les employés dans l’angoisse. Plus aucune enquête n’a été opérée depuis la dernière en date, au mois de novembre. En ce début d’hivernage, quelle structure de l’Etat peut informer les autorités sur la situation alimentaire dans le monde rural, ou sur les prévisions de production et de consommation des populations, surtout dans les zones rurales, si l’une des plus dynamiques à ce jour est privée de moyens ?
Faute de réponse à cette question, plusieurs employés du Se-Cnsa déclarent en être réduits, par la force des choses, à faire du télétravail. Ce qui ne résout absolument aucune question, surtout pour ceux qui se rappellent les dernières prévisions qui avaient été présentées lors de l’atelier d’analyse et d’identification des zones à risque, et des populations en insécurité alimentaire et nutritionnelle. Le 17 mars dernier, lors de l’atelier de présentation du Cadre harmonisé d’analyse et d’identification des zones à risque et des populations affectées, qui s’est tenu à Saly Portudal, il a été mis l’accent sur la situation de précarité menaçant plus d’1, 2 million de personnes vivant dans 9 départements, essentiellement de l’Est et du Sud-est du pays.
Avec l’hivernage qui pointe son nez, face à l’urgence de la situation, le gouvernement, qui a mis en suspens les paiements des Bourses de sécurité familiale -ce projet phare de la gouvernance de Macky que le nouveau pouvoir aimerait beaucoup voir disparaître-, a été contraint de reprendre le décaissement des subventions dues au titre du Projet de résilience agricole aux familles rurales inscrites au Registre national unique (Rnu). Ce projet de résilience agricole, toujours un legs de Macky Sall, vise à permettre aux ménages d’agriculteurs de pouvoir acquérir des semences et intrants de qualité à bon prix. C’est entre 150 mille et 200 mille francs Cfa dont vont disposer chacun de ces ménages ruraux sélectionnés. L’argent, provenant d’un financement de la Banque mondiale, n’est pas destiné à remplacer la Bourse de sécurité alimentaire, mais à permettre, à plus ou moins brève échéance, à ces ménages de vivre décemment de leur métier, en se passant de l’aide de l’Etat. Tout cela, bien sûr, en théorie.
Car il faudrait aussi pour que les ruraux pauvres puissent vivre décemment de leur travail, que les conditions d’une bonne campagne agricole soient réunies pour tout le monde. Or, à ce jour, les beaux et doctes discours du ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire ne parviennent pas à occulter ce qui ressemble déjà à une chronique d’un nouvel échec annoncé. Fier des 130 milliards de Cfa de budget qu’il a pu débloquer pour la campagne agricole à venir, M. Diagne n’hésite déjà plus à faire des annonces tapageuses sur les niveaux de production attendus dans plusieurs spéculations. Il lui faudrait sans doute se rappeler ses déclarations lors de la campagne écoulée, où il nous annonçait non seulement une autosuffisance dans beaucoup de récoltes, mais mieux, une surproduction concernant certaines spéculations. Les revers connus ne l’ont pas poussé à changer de discours, et c’est le problème de ses supérieurs.
Ces derniers estiment peut-être que l’abondance de pluie annoncée pour l’hivernage ne pourrait logiquement pas conduire à un naufrage agricole. Mais ils savent aussi qu’il leur serait difficile de justifier une autre déroute dans la campagne agricole. Surtout après tous les beaux discours qu’ils ont tenus. Mais la vraie question est de savoir s’ils ont fini de prendre des vessies pour des lanternes.
La même question a été posée aux services du ministre du Travail, de l’emploi et des relations avec les institutions. M. Abass Fall a publié, à la fin du mois d’avril, une grille révisée des salaires des domestiques et des gens de maison. On a pu relever que le salaire de base pour une bonne à tout faire varie entre 64 223 et 76 996 francs Cfa, selon les catégories, qui vont de 1 à 7. Beaucoup de jeunes dames qui vendent leur force de travail dans les familles sénégalaises ou établies dans ce pays ont dû sursauter. Pour la plupart de ces gens, la rémunération des bonnes se fait dans le cadre d’une négociation entre la «patronne» qui gère la maison et la postulante.
Il n’y a aucun contrat écrit ni d’heures de travail déterminées, dans la plupart des cas. Pour la plupart de ces dames - ainsi que pour leurs employeurs-, ce barème est une bonne indication. Mais il confirme également que le salaire ne rémunère pas le travail au Sénégal.
Si l’on se fie à la grille salariale en question, peu de ménages sénégalais devraient embaucher des bonnes -à moins de se «dégotter» des personnes taillables et corvéables à merci. Car si une bonne ne peut percevoir moins de 64 223 F Cfa, un «smicard» qui, au Sénégal, n’émarge pas à plus de 89 730 francs Cfa pour certaines catégories socioprofessionnelles les mieux loties, ne pourrait pas être en mesure de l’embaucher.
Ce salaire permet déjà difficilement à son bénéficiaire de vivre décemment, sinon de vivre tout court. Et l’on sait que, malgré les vicissitudes de la vie moderne, dans la majorité des ménages sénégalais, une seule personne pourvoit aux besoins de toute la maisonnée.
Quel était l’objectif de l’arrêté ministériel sur les salaires des gens de maison ? Est-ce pour le futur ? N’y aurait-il pas alors risque d’obsolescence ? Par ailleurs, ce document a dû frustrer certaines d’entre les concernées.
On sait que les ménages d’expatriés ont l’habitude d’offrir un meilleur traitement salarial à leurs employés de maison, allant même, pour certains, à les enregistrer à l’Inspection du travail et à la sécurité sociale. Certaines bonnes perçoivent ainsi, parfois, jusqu’à 100 mille francs Cfa, sinon plus, par mois. On peut imaginer leur réaction quand leur patron leur rétorquerait à la moindre revendication, qu’elles doivent s’estimer heureuses d’être privilégiées, et ne devraient pas avoir leur droit de protester ou revendiquer quoi que ce soit. Cela, en prenant pour référence le document publié par leur ministère. On a le sentiment, sur beaucoup de points, que les décisions de nos politiques, souvent, ne brillent pas par leur réalisme.
Il suffit de voir que le cadre général de la Vision stratégique Sénégal 2050 se détache très peu de celui du Plan Sénégal émergent de Macky Sall. Même les changements de nom, à usage très cosmétique à ce jour, ne cachent pas le manque d’imagination de nos dirigeants. Et quand ils veulent nettoyer les «écuries d’Augias» de l’Administration centrale et des agences de l’Etat, ce n’est pas dans l’idée de faire des économies dans une conjoncture jugée difficile, mais tout simplement pour mettre des proches à la place de ceux qui avaient été nommés par leurs prédécesseurs. Et il arrive le plus souvent que les remplaçants ne produisent pas plus que ceux dont ils ont pris la place.
TF 1451/R, UN VRAI TITRE FLUCTUANT
La célèbre affaire du Tf 1451/R, dans la commune de Jaxaay, revient en scène avec l’annulation de la condamnation du Conservateur de Rufisque et la remise sur la sellette de la Sn Hlm sur 121 hectares.
La célèbre affaire du Tf 1451/R, dans la commune de Jaxaay, revient en scène avec l’annulation de la condamnation du Conservateur de Rufisque et la remise sur la sellette de la Sn Hlm sur 121 hectares. Les héritiers, qui se croyaient à la fin de l’histoire avec la restitution de l’intégralité du site, pointent une «erreur administrative grave», tout en promettant de faire face par tous les moyens nécessaires.
A quand la fin du feuilleton autour du 1451/R ? Alors que les héritiers, armés de leur titre de propriété sur l’entièreté des 258 hectares, entrapercevaient le bout du tunnel après plus d’une décennie de lutte, deux faits nouveaux viennent parasiter leur attente. D’abord, la 1èreChambre civile et commerciale de la Cour suprême a prononcé, le 2 avril, la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel de Dakar de novembre 2022 ; lequel arrêt ordonnait au Conservateur, sous astreinte (100 mille francs/jour), de remettre le site à l’état où il était avant l’acte notarié d’avant-1980 (les 258 hectares au nom de la famille), ce qui a été fait au bout de quelques mois. Dans un second temps, le Conservateur de Rufisque - ragaillardi sans doute par la décision de la Cour suprême- a acté, le 18 avril, la réinscription de la Sn Hlm sur une superficie de 121 hectares 17 ares 07 centiares à distraire du Tf 1451/R.
Les héritiers de Mbeugour Diagne n’ont pas tardé à réagir suite à ces dernières mesures. Ils ont, en effet, tenu un point de presse, dimanche sur le site, pour alerter les autorités et l’opinion sur les conséquences potentielles, non sans dénoncer fermement de «supposées manipulations» de l’opinion au détriment des héritiers. «Ce jugement ne concerne pas Mbeugour Diagne, il ne concerne pas le Jaxaay, mais plutôt une personne citée qui avait été condamnée (…) Donc le document (arrêt de la Cour suprême) rendu pour dégager la responsabilité d’un agent commis (le Conservateur) ne peut amener aucunement la nullité de la propriété intégrale de Mbeugour Diagne sur le Tf 1451/R. Il est regrettable de voir certaines personnes détourner le sens d’une décision judiciaire pour servir leurs intérêts personnels», a noté Mamadou Diop Thioune, dignitaire lébou parlant au nom des héritiers. «Rien ne peut détourner l’Etat à nous rendre nos terres, parce que la communauté a tous les arguments pour que ces terres lui reviennent de droit», a-t-il assuré, avec la conviction qu’«une inscription de la Sn Hlm sur ces 121 hectares ne peut découler que d’un état de concussion». «Comment arriver à prouver qu’un titre foncier puisse avoir trois droits réels différents, transcrits dans un même service ?», a-t-il brandi en cela. «Notre état de droit réel est là, ce sont 258 hectares, et ça nous revient de droit. La Sn Hlm, on leur a sorti dernièrement une surface de 121 hectares, ce qui est une erreur administrative grave et nous allons l’attaquer à notre manière. Comme ils ont fait une erreur, c’est à eux d’assumer leur responsabilité. Il n’y a aucune ordonnance qui l’oblige à inscrire la Sn Hlm sur notre titre de propriété, c’est illégal et inacceptable», a pesté, pour sa part, Demba Anta Dia, détenteur d’un mandat de surveillance de la famille. «Ça ne passera pas. La Sn Hlm fait de la surenchère et de la manipulation, ils n’ont aucun droit», a-t-il encore insisté.
CESSION TOUS AZIMUTS DE PARCELLES, TENDON D’ACHILLE DES HERITIERS ?
Avec l’avènement du nouveau régime, l’optimisme était de mise pour l’issue de ce fameux dossier rendu célèbre par l’actuel Pm Ousmane Sonko. Les héritiers avaient ainsi saisi, le 25 avril 2024 par correspondance, le président de la République à des fins d’indemnisation. «Le chef de l’Etat magnifie votre démarche et vous en félicite vivement. Aussi voudrais-je vous informer que votre requête a été transmise au ministre de la Justice, Garde des sceaux pour étude et suite appropriée», lit-on dans la lettre réponse de juillet signée par le ministre directeur de Cabinet Mary Teuw Niane. Comment un dossier déjà jugé en première instance en appel, puis en cassation peut-il à nouveau être transmis à la Justice ?, s’interrogent ainsi plus d’un. «L’Etat est bien informé de ce qui se passe sur le site», avance à ce propos un fin connaisseur des questions foncières, pointant la désorganisation sur le site avec «des ventes de parcelles à un rythme effréné». Lors du point de presse, Demba Anta Dia en a assumé la responsabilité. «Le fait de vendre des parcelles n’a aucun impact sur cela, car ça nous appartient. C’est la nécessité qui fait loi, et c’est par nécessité qu’on vend, on l’a fait malgré nous», a-t-il précisé, notant aussi des ventes illégales opérées par des personnes étrangères au Tf.
C’est à travers son entreprise immobilière Thiossane Immo que M. Dia disposant, selon son propos, d’un mandat de la famille, établit des actes de cession sur le titre ; ce qui ouvre assez souvent des litiges. «Il y a trop de laxisme au nom de la famille.
Laisser une personne qui n’en fait pas partie vendre des parcelles comme il veut est une chose incompréhensible. Pire encore, c’est cette personne et un cercle restreint qui en tirent profit, alors que la majorité des héritiers sont dans le besoin», a pesté O. G, un des héritiers. «Aucune vente ne nous est opposable et vous ne verrez jamais un acte avec la signature des six mandataires de la famille. A ceux qui vendent maintenant d’en porter la responsabilité», a avisé Djibril Dial, un des mandataires, affirmant que leur seule attente demeure une indemnisation à la hauteur du préjudice subi.
UN REVELATEUR DE TALENTS ET UN VECTEUR DE DEVELOPPEMENT CULTUREL ET ECONOMIQUE
La Basketball Africa League, à la confluence du sport, de l’économie et de la culture, apparait au fil des ans comme un révélateur du potentiel insoupçonné de l’Afrique dans ce sport, offrant un coup de projecteur sur le continent
La Basketball Africa League (BAL), à la confluence du sport, de l’économie et de la culture, apparait au fil des ans comme un révélateur du potentiel insoupçonné de l’Afrique dans ce sport, offrant un coup de projecteur sur le continent aussi bien sur le plan sportif que culturel et économique. Cette compétition, fruit d’un partenariat entre la Fédération internationale de basketball- Afrique (FIBA Afrique) et la franchise africaine de la Ligue de basket américaine (NBA Africa), a été lancée en 2021, en vue de mettre à l’honneur les talents africains dans le domaine du basket.
Elle a depuis pris de l’ampleur pour devenir un rendez-vous incontournable, un vecteur essentiel de développement du continent africain, pour avoir généré plus de 147 milliards de francs CFA dans les pays hôtes, soit 250 millions de dollars, depuis son lancement en 2021 au Rwanda, selon ses promoteurs. Ce qui montre toute l’importance de cette compétition, qui suscite un intérêt grandissant, en faisant se croiser les intérêts du sport, de l’économie et de la culture.
”Au-delà de ce qui se fait sur le parquet, nous voulons aussi avoir de l’impact économique pour booster le développement du continent. C’est pour cela que dès le début de cette ligue, nous avions manifesté notre volonté de faire de ce tournoi une locomotive de développement économique. C’est ce que nous sommes en train de vivre’’, a expliqué le Sénégalais Amadou Gallo Fall, président de la BAL.
Douze équipes représentant autant de pays africains participent à l’édition 2025, qui enregistre la participation de près de 156 joueurs issus de 28 pays venants de cinq continents. Les clubs vainqueurs des ligues nationales de basketball d’Angola, d’Égypte, du Maroc, du Nigeria, du Rwanda, du Sénégal et de la Tunisie se sont qualifiés directement à la BAL.
Cinq autres équipes ont été choisies au terme de tournois de qualification organisés par la FIBA Afrique, l’instance chargée de l’administration du basketball continental, entre octobre et décembre 2024. Les 12 équipes ont été réparties entre trois Conférences, à raison de quatre équipes chacune, dont celle du Sahara qui a accueili ses matchs au Dakar Arena de Diamniadio, au Sénégal, su 26 avril au 4 mai. Rabat, Kigali, Pretoria et Dakar, la capitale sénégalaise, qui est la seule ville africaine à avoir abrité des matchs de Conférence chaque année depuis la première saison jouée à Kigali au Rwanda, accueillent les 48 matchs de cette compétition.
A la fin de la phase des poules que les différentes Conférences disputent, huit équipes se sont qualifiées pour une phase finale dénommée ‘’Final 8’’, que l’Afrique du Sud va abriter cette année, à partir du 14 juin. La cinquième saison a pour objectif de mettre davantage en valeur le talent et la passion des Africains pour le basketball, selon le président de la BAL, le Sénégalais Gallo Fall. ”La BAL sera l’une des meilleures ligues dans 10 ans”
La BAL a déjà produit des pépites comme Khaman Maluach, le pivot SudSoudanais de 18 ans, qui évolue dans le club universitaire américain des Duke Blue Devils. Il a participé à la quatrième saison à la BAL avec le club ougandais des City Oilers, après avoir concouru dans les rangs de Cobra Sport du Soudan du Sud en 2022 et de l’AS Douanes (Sénégal), en 2023. Khaman Maluach s’est inscrit à la Draft 2025 pour être sélectionné en NBA. ”Cette cinquième saison confirme l’engagement sociétal de la Ligue à travers des programmes comme +BAL 4 Her+ pour rendre accessible, l’industrie que nous construisons, aux filles et aux femmes. Nous allons aussi organiser une série de formations pour les entraîneurs. Nous allons poursuivre notre volonté de mettre en place le sport inclusif, le sport pour tous”, a indiqué Gallo Fall. Il a annoncé le lancement, cette année, d’un livre pour enfants qui sera traduit en français, wolof, swahili et zoulou. Une initiative visant à promouvoir ‘’les valeurs de l’inclusion, de l’éducation et de l’autonomisation à travers le basket’’. ”Cette Ligue va devenir une des meilleures ligues professionnelles de basketball dans les années qui viennent”, promet Amadou Gallo Fall. ”Nous sommes en train de construire une marque qui va exporter l’excellence de l’Afrique et porter le continent sur la scène mondiale et donner l’opportunité à des jeunes talents de la culture et de la mode de s’exprimer”, a-t-il ajouté.
BLACK IS BEAUTIFUL
« Jusqu’où peut-on aller pour sauver sa maman cancéreuse, en profonde détresse, délaissée par un mari polygame ? ». La réponse tombe abrupt : « Agir !» C’est ce que fait Khalilou, le double personnage du film Timpi Tampa. Il le fait de manière inattendue.
Lors de l’avant-première de Timpi Tampa de Adama Binta Sow, le jeune acteur Pape Aly Diop dont la prouesse dans la double figure, celle de Khalilou et de Leyla est à saluer. Il a déclaré: « J’ai dit à mes amis alors que nous regardions un film en salle, aujourd’hui, j’ai payé pour voir un film, demain, ce sera à vous de payer pour me voir à l’écran ». Cette phrase, manifeste d’une passion pour le jeu d’acteur, se voit aujourd’hui matérialiser dans Timpi Tampa qui est sa première apparition sur le grand écran.
Le monde est dual. L’Etre humain est dual. C’est sur cette dualité clair-obscur, nuit et jour, tristesse et allégresse que Adama Bineta Sow trouve le chas de l’aiguille pour y faire passer le fil, lui permettant d’assembler l’étoffe de son histoire avec cette question : « Jusqu’où peut-on aller pour sauver sa maman cancéreuse, en profonde détresse, délaissée par un mari polygame ? ». La réponse tombe abrupt : « Agir !» C’est ce que fait Khalilou, le double personnage du film Timpi Tampa. Il le fait de manière inattendue.
Le titre Timpi Tampa, résonne comme le choc d’une auto-tamponneuse. La bande de Khalilou / Leila, avec forte détermination, fonce sur son objectif, celui de faire triompher la peau noire dans un défilé de mode tout acquis aux peaux claires.
Timpi Tampa est le premier long métrage de Adama Binta Sow, qui reprend l’onomatopée du tube de Ismaël Lô des années 90. Ce succès d’antan a été réorchestré en musique de film, ce qui dynamise les images soutenues par un montage aux pas de course. Ismael LO est compositeur de musique et acteur dans plusieurs films dont Camp de Thiaroye de Ousmane Sembéne et Thierno Faty Sow, actuellement restauré. La bandeson à laquelle, il a fortement contribué, donne à ce film choral une fraîcheur qui tempère la souffrance de Rama, maman de Khalilou, atteinte d’un début de cancer de la peau consécutif à l’utilisation de produits dépigmentant.
Dès lors, le jeune Khalilou, fils unique s’évertue à sauver sa maman. La manière, dont il s’y prend est des plus inattendues (quoique s’inspirant du tadjabone et de Koutia Show). Ce qui bascule le film dans la comédie-dramatique.
Timpi Tampa joue sur l’alternance grisaille et ensoleillement, ombre et lumière, fantaisie et drame. Au mépris du côté sombre, le film demeure un film solaire installé dans un système dual. Khalilou a un double visage, ce qui fait de lui Khalilou/Leila. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Le déguisement en Leila fait de Khalilou un passe-muraille qui évolue avec aisance dans deux mondes.
Le quiproquo est savoureux. Le jeune comédien Pape Aly Diop (Khalilou/Leila) est confortable dans ce double rôle, passant de l’un à l’autre avec un naturel digne des grands comédiens. Awa Digueul (Rama) endosse avec une rare crédibilité son personnage, enturbanné d’intensité dramatique. Fatima (Yacine Sow Dumon), cheftaine de bande et rivale de Leila en impose et gagne dans ce film plus d’assurance.
Film-chorale qui entraine le spectateur dans le monde des teenagers. Défilé de mode, élection Miss, farouche compétition, rivalité entre bandes de jeunes filles sont les ingrédients qui pimentent Timpi Tampa. Filmalerte et non film de commande sur les ravages du khessal (dépigmentation en wolof), film d’amour, film-battle entre « Les Naturelles Belles et Rebelles » et « le groupe de la très populaire Fatima », film d’une grande humanité, servi par un casting de jeunes comédiens venus des séries télévisées et qui entament leur entrée dans le grand écran. Pour un coup d’essai, on peut sans sourciller dire qu’ils apportent du sang neuf au cinéma sénégalais par leur jeu sans fioriture.
Sans en avoir l’air, le film dévoile le coté mensonger du corps de certaines femmes : faux cheveux made in India, faux teint, image glacée de photo magazine. Le rêve de devenir Top model est si prégnant, qu’il ne viendrait pas à l’esprit de se dire qu’on s’expose à quelque chose de bien fâcheux. Le film est aussi une prise de risque mais qui finalement a réussi à slalomer entre les récifs de la carricatures et ceux de la maladresse, inhérents à tout premier films. Timpi Tampa est un film novateur. Triplement novateur en ce qu’il attribue un double rôle masculinféminin au personnage central du film. Il aborde pour la première fois par le biais de la fiction, le thème de la dépigmentation tout comme, il revendique clairement son statut de film grand public, marqueur de son époque. Ce changement de fusil d’épaule de la société Cinékap groupe, qui jusque qu’ici ne produisait que des films d’auteurs, n’annonce pas une rupture avec ce cinéma-là, mais ouvre le 7ème art sénégalais à d’autres possibles avec l’apport de jeunes réalisateurs sur des sujets porteurs. L’intérêt de Timpi Tampa ne réside pas seulement sur les innovations déjà citées mais aux thématiques qui traversent le film : amour maternel, lâcheté d’un mari, solidarité dans le combat mené par Khalilou/Leila, pression de la famille en faveur de la dépigmentation comme critère de beauté, naissance d’un premier amour. L’idée centrale du film, c’est la confiance en soi et la valorisation d’un état de fait : Black is beautiful.
LA SOCIETE CIVILE VEUT PARLER D’UNE SEULE VOIX
La pluralité des organisations de la société civile engagées sur les questions électorales pose un défi majeur : l’absence de coordination entre les acteurs limite la portée de leurs initiatives.
Un atelier préparatoire en vue d’une contribution harmonisée de la société civile au dialogue politique national s’est ouvert ce lundi 12 mai à Dakar. Organisée par le consortium ONG 3D – COSCE – GRADEC, dans le cadre du programme Saxal Jam soutenu par l’Union européenne, cette rencontre vise à renforcer l’unité des organisations civiles autour de propositions consensuelles sur les réformes politiques et électorales. Pendant deux jours, les participants plancheront sur trois axes majeurs : démocratie, libertés et droits humains ; processus électoral ; réformes institutionnelles et gouvernance des élections. Une feuille de route commune est attendue pour peser d’une seule voix dans les concertations prévues le 28 mai à l’initiative du président de la République.
La pluralité des organisations de la société civile engagées sur les questions électorales pose un défi majeur : l’absence de coordination entre les acteurs limite la portée de leurs initiatives. Pour éviter de se présenter en rang dispersé au Dialogue national prévu du 28 mai au 4 juin, le consortium ONG 3D, GRADEC et COSCE a réuni ses partenaires à Dakar. Objectif : harmoniser les positions sur les enjeux-clés du système politique.« Cela nous permet d’articuler nos propositions sur toutes les thématiques et de bâtir une stratégie pour un dialogue véritablement inclusif, en accompagnant le facilitateur à mobiliser les acteurs », explique Moundiaye Cissé, président de l’ONG 3D..
La rencontre se tient dans un contexte marqué par l’hésitation de certaines forces politiques à participer aux concertations. D’où l’appel de M. Cissé à la médiation citoyenne : « C’est notre rôle, en tant que société civile, de faciliter la participation de l’opposition, car ce dialogue doit être le plus inclusif possible. C’est là qu’on définit les règles du jeu électoral.». Prenant la parole au nom des organisations féminines, Safiétou Diop, présidente du Réseau Siggil Jigéen, a insisté sur la voix des femmes : « Nos points de vue sont le fruit de vingt ans de réflexion sur les failles de notre démocratie. Ce dialogue est l’occasion d’y faire entendre notre position. Nous représentons 75 % de la population. »
Invité à la cérémonie d’ouverture, Dr Cheikh Guèye, facilitateur du dialogue politique, a salué l’initiative. Il a rappelé que ces assises sont guidées par les principes d’ouverture et d’inclusivité : « Toutes les voix seront écoutées et prises en compte. Le contexte est favorable, car nous ne sommes pas dans une période de crise. »
Selon lui, ce moment de stabilité politique est propice à la recherche de convergences nationales sur la gouvernance. Il attend des propositions structurées de la société civile sur les trois axes des termes de référence : démocratie et libertés, système électoral et financement des partis, réformes institutionnelles et organes de régulation. Le dialogue s’ouvrira officiellement le 28 mai sous la présidence du chef de l’État, pour se poursuivre durant six jours
LE GOUVERNEMENT FIXE UN CAP CLAIR POUR L’HIVERNAGE 2025
À quelques semaines du début de l’hivernage, le Gouvernement du Sénégal a engagé une série de mesures jugées «fortes» pour anticiper et atténuer les impacts des inondations.
À quelques semaines du début de l’hivernage, le Gouvernement du Sénégal a engagé une série de mesures jugées «fortes» pour anticiper et atténuer les impacts des inondations. Réuni en Conseil interministériel hier, lundi 12 mai 2025, sous l’impulsion du ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement et en présence du Secrétaire Général du Gouvernement Boubacar Camara, il a annoncé un vaste programme d’opérations pré-hivernales et de travaux structurants dans les zones vulnérables, à finaliser d’ici le 15 juillet 2025.
Les populations paient un lourd tribut aux inondations dont l’épicentre semble changer chaque année dans Dakar et sa banlieue et certaines localités des régions intérieures du Sénégal. Pour prévenir les risques et atténuer les impacts, un Conseil interministériel sur les inondations a réuni les différentes parties prenantes hier, lundi 12 mai 2025, en cette veille d’hivernage pour adopter une série de mesures. En plus du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement et en présence du Secrétaire Général du Gouvernement Boubacar Camara, d’autres ministères concernés notamment celui de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des Territoires, les départements des Infrastructures et des Transports terrestres et aériens, de l’Intérieur, de l’Énergie et des Mines, et de la Famille et des Solidarités sont mobilisés pour assurer une réponse coordonnée, technique et sociale aux risques d’inondation.
L’ETAT ENGAGE LES SERVICES A FINALISER DES OPERATIONS PREHIVERNAGE D’ICI LE 15 JUILLET
Concernant les décisions issues de la rencontre, le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, en coordination avec plusieurs autres départements ministériels, est chargé de veiller à l’exécution sans délai des opérations pré-hivernage. Il s’agit, entre autres, de l’entretien des ouvrages de franchissement dans les zones vulnérables, de l’installation de motopompes sur les sites stratégiques et du pré-positionnement d’équipements de pompage à haute capacité. Une attention particulière sera portée à la planification des crues avec l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) et l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Gambie (OMVG), notamment pour la gestion des lâchers d’eau des barrages de Diama et Manantali.
Des mesures transitoires sont également prévues sur les chantiers d’assainissement non encore finalisés, en attendant leur livraison. Le ministère concerné devra, dans un délai d’une semaine, soumettre une liste des projets en cours et une matrice de suivi.
DES PLANS DE CONTINGENCE TERRITORIAUX ET UNE PROTECTION CIVILE POUR LA SECURITE DES ZONES VULNERABLES
Sur le plan de la sécurité civile, le ministre de l’Intérieur, chargé de la Sécurité publique, est appelé à mettre à jour l’inventaire des moyens mobilisables et à territorialiser les plans de riposte, notamment dans les zones à risque. D’ici fin juillet, les gouverneurs et préfets devront disposer de plans de contingence, avec du matériel d’intervention, des équipes de secours et des dispositifs d’assistance d’urgence. Des exercices de simulation seront organisés pour tester l’efficacité des mécanismes prévus. Aussi, les bâtiments menaçant ruine devront être identifiés et évacués, tandis que des actions de sensibilisation sont prévues pour prévenir les noyades dans les bassins de rétention, qui devront être sécurisés.
VERS UNE REGULATION DU FONCIER ET LA PROTECTION DES ZONES SENSIBLES
Le Conseil interministériel a également insisté sur le respect des documents de planification urbaine. Les ministères compétents sont appelés à faire respecter l’interdiction de bâtir dans les zones humides, les cuvettes, les bas-fonds et les forêts classées. Une cartographie des zones exposées à un risque de crue sera finalisée, et les lotissements devront désormais prendre en compte l’altitude du terrain, en plus des coordonnées classiques.
UN EFFORT BUDGETAIRE SIGNIFICATIF POUR L’HIVERNAGE 2025
Sur le plan financier, le ministre des Finances et du Budget a reçu instruction de mobiliser rapidement les ressources nécessaires à la poursuite et à l’accélération des travaux d’assainissement. Il devra aussi renforcer de 50% le budget alloué à la Matrice d’Actions Prioritaires de Lutte contre les Inondations (MAP), afin de soutenir les actions d’urgence sur le terrain, et d’accompagner des structures telles que la Direction de la Prévention et de la Gestion des Inondations, les Sapeurs-pompiers, ou encore l’Agence Nationale de l'Aviation Civile et de la Météorologie (ANACIM). Des investissements seront également consentis pour renforcer le maillage territorial en équipements météorologiques (radars, stations pluviométriques automatiques, etc.), en vue d’un meilleur suivi des bassins versants et des précipitations.
L’ETAT ENGAGE LE MINISTERE DE L’HYDRAULIQUE POUR UNE CAMPAGNE NATIONALE DE SENSIBILISATION
Enfin, le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement s’apprête à lancer, dès ce mois de mai, une campagne nationale de sensibilisation axée sur les bons comportements à adopter avant, pendant et après les pluies. Il mettra également en place un dispositif de collecte et de diffusion, en temps réel, des alertes et informations utiles. Avec ce plan global et coordonné, l’État entend éviter le pire, en misant sur l’anticipation, la mobilisation de tous les acteurs et la rigueur dans l’exécution. L’enjeu est de taille : préserver les vies humaines, les infrastructures et la dynamique socio-économique du pays face aux aléas climatiques de plus en plus extrêmes.
Par Cherif Salif SY
LES CHAÎNES INVISIBLES DE L'AJUSTEMENT STRUCTUREL
Depuis l'achèvement officiel des Programmes d'Ajustement Structurel à la fin des années 2000, les pays africains continuent de faire face à des conditions financières rigoureuses imposées par les institutions multilatérales telles que Fmi et la Bm
Le rôle des ministères de l'Économie en Afrique face aux contraintes financières internationales : l'exemple du Sénégal
Depuis l'achèvement officiel des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) à la fin des années 2000, les pays africains continuent de faire face à des conditions financières rigoureuses imposées par les institutions multilatérales telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Ces règles, intégrées dans les prêts actuels, encadrent les politiques budgétaires et limitent la marge de manœuvre des États.
Le Sénégal, fréquemment mentionné pour ses accomplissements en matière de santé, d'infrastructures et de politiques sociales, illustre ce paradoxe : un pays simultanément contraint par des indicateurs macroéconomiques rigides et capable de mettre en œuvre des projets ambitieux. Cette tension souligne le rôle crucial des ministères de l'Économie, souvent relégués au second plan par les ministères du Budget, mais dont l'action stratégique s'avère déterminante pour harmoniser les perspectives à court et à long terme.
Un legs durable : des politiques d'ajustement structurel (pas) aux conditions économiques actuelles
Au cours des années 1980, les PAS ont imposé aux États africains des réformes libérales en échange de prêts d'urgence. Ces politiques se sont traduites par une réduction des dépenses publiques, des privatisations et des dévaluations monétaires. Bien que ces programmes aient officiellement pris fin, leurs logiques perdurent. Les prêts actuels du Fonds monétaire international (FMI), à l'instar de l'accord de 48 mois signé par le Sénégal en 2021 (d'un montant de 1,5 milliard de dollars), sont soumis à des critères stricts. Ces critères comprennent le plafonnement du déficit budgétaire à 3 % du produit intérieur brut (PIB), la préservation de la dette publique en dessous de 70 % du PIB, et l'instauration de réformes structurelles telles que la modernisation de l'administration et la lutte contre la corruption. Ces exigences renforcent le rôle central des ministères du Budget, qui ont la charge de surveiller ces indicateurs, tandis que les ministères de l'Économie éprouvent des difficultés à mettre en œuvre des stratégies à long terme.
Cette dépendance financière se traduit par une gouvernance économique duale. D'une part, les impératifs de court terme, à savoir l'équilibre budgétaire, la prévention du défaut de paiement et la satisfaction des créanciers, prévalent dans l'ordre du jour. Par ailleurs, les objectifs à long terme, tels que l'industrialisation, la transformation structurelle et la réduction des inégalités, sont souvent négligés. Dans ce contexte, le Ministère du Budget joue un rôle crucial en tant qu'interlocuteur principal des institutions internationales. Il est chargé de négocier les prêts, de surveiller les indicateurs macroéconomiques et d'appliquer les réformes exigées. Son rôle à la fois technique et opérationnel le rend indispensable, mais il incarne également une vision réductrice de l'économie, centrée sur la gestion comptable de la contrainte budgétaire plutôt que sur la prospective
Cette démarche met en lumière deux approches distinctes pour aborder la gestion financière, notamment dans un contexte où les ressources sont limitées.
• La gestion comptable de la contrainte budgétaire se concentre sur le respect strict des règles budgétaires et comptables à court terme, en veillant à ce que les dépenses ne dépassent pas les recettes disponibles. Elle implique une attention particulière aux obligations légales et réglementaires ainsi qu'aux contrôles externes visant à garantir la conformité. Cela peut inclure des ajustements immédiats, comme la réduction des dépenses ou l'optimisation des ressources existantes, afin de répondre aux exigences budgétaires actuelles.
• La prospective financière à l'inverse, adopte une vision plus stratégique et à long terme. Elle consiste à anticiper les tendances futures, à évaluer la soutenabilité des plans financiers et à aligner les prévisions budgétaires sur des objectifs à moyen ou long terme. Elle permet de mieux adapter les politiques publiques ou les stratégies organisationnelles aux défis futurs, tout en facilitant la transparence et la comparabilité des performances attendues.
En somme, privilégier la "gestion comptable" revient à se focaliser sur les aspects immédiats et techniques du budget (comme le respect des plafonds d'endettement ou des règles comptables), tandis que la "prospective" encourage une planification stratégique qui anticipe les impacts financiers à venir. Une organisation pourrait choisir l'une ou l'autre approche selon son contexte : par exemple, en période de forte contrainte budgétaire, elle pourrait prioritairement gérer les aspects comptables pour éviter des dérives immédiates, au détriment d'une vision plus large et durable.
Le Sénégal constitue un exemple paradigmatique de pragmatisme politique en contexte de contraintes externes. Sous les gouvernements successifs d'Abdoulaye Wade (2000-2012) et de Macky Sall (2012-2024), le pays a démontré sa capacité à maintenir une certaine autonomie, malgré les pressions internationales. Les gouvernements successifs ont déployé une série de stratégies pour harmoniser les attentes des bailleurs de fonds et les priorités nationales.
En 2020, dans le contexte de la crise du nouveau coronavirus, le gouvernement sénégalais a négocié avec le Fonds monétaire international (FMI) l'inclusion d'une clause de « protection sociale » dans son accord de prêt, qui a permis la mise en place de transferts monétaires d'urgence pour répondre aux besoins des populations affectées par la pandémie. Selon les données communiquées par la Direction générale de la Protection sociale, un montant de 120 milliards de FCFA a été alloué à un million de ménages vulnérables. Cette mesure, bien que temporaire, a permis de limiter l'impact social de la pandémie. Par ailleurs, la suppression des subventions aux carburants en 2012, exigée par le Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre d'un accord de facilité élargie de crédit, a été compensée par des investissements dans le secteur de l'éducation. Le gouvernement a mené des politiques publiques visant à accroître le nombre de salles de classe et à augmenter le taux de scolarisation primaire. En effet, selon l'Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), le taux de scolarisation primaire est passé de 69 % en 2000 à 88 % en 2023, marquant ainsi une progression significative dans l'accès à l'éducation primaire.
Parallèlement, le Sénégal a mobilisé des ressources alternatives pour financer ses projets. Les transferts de la diaspora, qui représentent environ 10 % du PIB (soit 2,3 milliards de dollars en 2022), ont joué un rôle déterminant dans le financement de microprojets sociaux et d'infrastructures locales. Les prêts octroyés par la Chine, notamment le financement de 1,2 milliard de dollars pour le projet de Train Express Régional (TER), ont contribué au contournement des conditionnalités imposées par les instances financières internationales. Cependant, ces emprunts ont contribué à l'augmentation de la dette publique, qui est passée de 48 % du PIB en 2012 à 76 % en 2023, selon les données du Fonds monétaire international (FMI). Les revenus miniers, comme l'exploitation du zircon dans la région de Diogo ou les perspectives économiques liées au projet de gaz offshore Grand Tortue Ahmeyim, ont également été utilisés comme collatéraux pour obtenir des prêts sur les marchés internationaux.
Le Plan Sénégal Émergent (PSE), initié en 2014, a dirigé 40 % des investissements publics vers le développement des infrastructures et de l'énergie. Parmi les réalisations notables, on peut citer l'autoroute Dakar-Touba, l'aéroport Blaise Diagne et la centrale solaire de Bokhol. Selon la Banque mondiale, ces initiatives ont favorisé une croissance annuelle moyenne de 5 à 6 % entre 2014 et 2019. Cependant, leur coût élevé (le TER par exemple représente à lui seul 15 % de la dette extérieure du pays) soulève des questions quant à leur rentabilité à long terme.
Réalisations sociales et limites structurelles
L'amélioration de la situation sociale a été observée à travers plusieurs indicateurs. Cette progression est attribuable à la mise en œuvre de politiques publiques ciblées et à la création de partenariats innovants entre les acteurs du secteur public et du secteur privé. Dans le domaine de la santé, l'instauration de la gratuité des césariennes en 2014 a induit une baisse significative de la mortalité maternelle, avec une réduction de 35 % entre 2010 et 2020, selon les données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans le domaine de l'éducation, les « bourses de sécurité familiale », qui sont financées par des taxes sur les télécommunications, ont contribué à l'augmentation du taux de scolarisation primaire. En matière d'infrastructures, les données de la Banque mondiale révèlent une augmentation significative de l'accès à l'électricité au Sénégal. Ainsi, le pourcentage de la population bénéficiant de cette commodité a plus que doublé, passant de 50 % en 2012 à 70 % en 2023.
Ces progrès ne sauraient occulter des incohérences fondamentales. La dette publique, qui s'élevait à 45 % des recettes fiscales en 2023, constitue un obstacle majeur à la réalisation d'investissements productifs. Il est à noter que les frais liés au service de la dette ont désormais dépassé les dépenses totales en matière de santé et d'éducation. Par ailleurs, le modèle de croissance adopté par le Sénégal reste de nature extravertie. L'industrie ne représente qu'environ 10 % du PIB, et les exportations du pays sont largement tributaires de produits bruts tels que le poisson, l'arachide et l'or. En outre, il est important de souligner que les disparités géographiques persistent. Selon un rapport de l'ANSD, 80 % des infrastructures sanitaires de qualité sont concentrées dans la région de Dakar, tandis que des régions comme Tambacounda et Kédougou sont en situation de marginalisation.
Dans le contexte actuel, marqué par une urgence stratégique, vécu de la même manière pour la plupart des pays africains encore sous ajustement, les ministères de l'Économie se trouvent face à un défi de taille. Pour remédier à cette impasse, il s'avère impératif qu'ils procèdent à une réflexion approfondie sur leur rôle et qu'ils s'inspirent des exemples de succès observés dans d'autres pays du continent. Au Rwanda, par exemple, le ministère de l'Économie a mis en œuvre une stratégie techno-industrielle fondée sur des données locales, qui a permis d'attirer des investissements dans les technologies de l'information et de la communication (TIC). Selon les données de la Banque africaine de développement, le secteur des services y représentait 7 % du PIB en 2023. Au Maroc, le Plan Vert a induit une modernisation de l'agriculture tout en respectant les critères du Fonds monétaire international (FMI), faisant ainsi de ce secteur un pilier de croissance (14 % du produit intérieur brut) grâce à l'irrigation et à la transformation agroalimentaire.
Le Sénégal pourrait s'inspirer de ces modèles pour valoriser ses ressources locales. À titre d'illustration, le projet de parc industriel de Diogo a pour objectif de valoriser localement le zircon, un minerai stratégique utilisé dans les technologies de pointe, plutôt que de l'exporter sous sa forme brute. Si cette initiative est menée à bien, elle pourrait générer des emplois qualifiés et des revenus fiscaux supplémentaires. Par ailleurs, l'exploitation du gaz offshore dans le cadre du projet Grand Tortue Ahmeyim devrait être orientée vers le développement d'une filière énergétique locale, incluant la production d'électricité et d'engrais, plutôt que vers l'exportation.
Par ailleurs, il s'avère également crucial de renforcer l'expertise locale. La création d'organismes techniques autonomes, à l'instar de l'Observatoire des politiques économiques du Sénégal (OPES), est un vecteur potentiel de production de diagnostics indépendants des acteurs financiers internationaux. En outre, la formation de négociateurs spécialisés en droit financier international s'avère fondamentale pour décrypter les clauses opaques des prêts, telles que les taux variables ou les garanties souveraines, qui alourdissent souvent le fardeau de la dette.
Vers une souveraineté collective africaine
Dans le contexte contemporain, l'avenir des ministères de l'Économie sur le continent africain est étroitement lié à leur aptitude à s'intégrer et à contribuer activement aux dynamiques régionales en place. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), mise en œuvre en 2021, constitue une opportunité. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), à condition d'être assortie de politiques industrielles coordonnées, cette dynamique pourrait générer 450 milliards de dollars de PIB supplémentaire d'ici 2035. À titre d'illustration, une spécialisation régionale, à l'instar de celle du Sénégal dans le secteur pharmaceutique ou de la Côte d'Ivoire dans l'agroalimentaire, permettrait d'éviter une concurrence destructrice entre les pays..
La création d'un Fonds monétaire africain, préconisée par l'Union africaine en 2014, pourrait contribuer à réduire la dépendance au Fonds monétaire international (FMI). Ce fonds, alimenté par les réserves de change des États membres, pourrait avoir un double usage : d'une part, il permettrait de financer des projets d'envergure, et d'autre part, il ferait office de filet de sécurité en cas de chocs économiques. À titre d'illustration, le Botswana, grâce à son Pula Fund qui s'élevait à 4 milliards de dollars en 2023, démontre comment les revenus miniers peuvent être alloués à des investissements dans l'éducation et les infrastructures.
Comme nous le voyons, le Sénégal, à l'instar de ses voisins, démontre l'existence de marges de manœuvre dans le cadre d'un ajustement structurel. Les réalisations en matière de santé, d'éducation et d'infrastructures démontrent qu'une autonomie relative est possible, même dans un cadre contraint. Cependant, la transformation de ces exceptions en norme requiert une rupture significative.
Le ministère de l'Économie et de la coopération doit, dans un contexte de développement durable, ancrer ses politiques dans des priorités endogènes, à savoir la souveraineté alimentaire, l'industrialisation et la justice climatique. Il s'avère également nécessaire de repenser les relations avec les bailleurs, en mettant l'accent sur la création de partenariats équitables et en favorisant la mutualisation des ressources régionales. L'instauration d'une démocratie économique participative, impliquant les syndicats, les OSC et les universités, s'avère indispensable pour légitimer les choix stratégiques. De la sorte, le ministère de l'Économie et de la coopération peut symboliser l'aspiration d'un Sénégal autonome, sous réserve que les responsables politiques leur allouent les ressources nécessaires et que les citoyens revendiquent un progrès favorisant l'intérêt collectif.
Sources principales :
• Banque mondiale, Sénégal : Rapport sur la dette et la croissance, 2023.
• FMI, Accords de facilité élargie de crédit avec le Sénégal, 2021-2025.
• ANSD (Agence nationale de la statistique et de la démographie du Sénégal), Enquêtes sur les indicateurs sociaux, 2023.
• CNUCED, Rapport sur la Zone de libre-échange continentale africaine, 2023.
• OMS, Données sur la mortalité maternelle au Sénégal, 2020.
• Banque africaine de développement, Stratégie techno-industrielle du Rwanda, 2023.