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25 août 2025
FASS BOYE ENTRE PROSPÉRITÉ ET MANQUES
Dans le secteur de la pêche et de la production maraîchère, l’importance de Fass Boye n’est plus à démontrer. Mais, aujourd’hui, ce village qui compte pas moins de 23 000 âmes manque d’eau et d’infrastructures de base, au grand dam de ses jeunes
Maguette Ndong et Arame Ndiaye et Assane Sow |
Publication 19/08/2023
C’est une route jonchée de nids de poule qui mène à Fass Boye. Situé à un peu plus d’une quarantaine de kilomètres de Mboro, dans le département de Tivaouane, ce village de pêcheurs et d’agriculteurs est l’un des plus grands poumons économiques de la commune de Darou Khoudoss. En cette mi-journée de samedi, il faut surtout essayer de maîtriser les virages et contournements de cette route où passent des taxis-clandos et autres camions frigorifiques qui proviennent du site de débarquement des produits halieutiques. Mais, de part et d’autre de la chaussée, l’on peut admirer les champs verdoyants où sont cultivées plusieurs variétés de légumes allant du navet à l’aubergine en passant par le chou, l’oignon et surtout la carotte.
elon Moda Samb, premier adjoint au maire de Darou Khoudoss, Fass Boye a réalisé, l’année dernière, une production de 21 000 tonnes de carottes entre les mois de janvier et juillet. « Nous maîtrisons entièrement le circuit de production de la carotte. Aujourd’hui, nous sommes champions dans cette filière », rapporte l’élu local. Seulement, l’absence d’unités de conservation et de terres constitue de réelles menaces pour les producteurs de carottes à Fass Boye.
Toutefois, ce village de la grande côte est réputé être une zone de pêche par excellence. Sur le rivage, plusieurs embarcations sont rangées sur le sol fin, tandis que d’autres pirogues, par manque d’espace, sont maintenues en mer.
En compagnie de ses amis pêcheurs comme lui, le jeune Abdou Karim est assis en face de la mer. Ils sont une dizaine de jeunes garçons à s’entasser sur un banc de fortune se trouvant à l’ombre d’une tente. Ils regardent tous les pirogues qui oscillent sur cette mer agitée. « Nous ne sommes pas en mer aujourd’hui, car le poisson se fait de plus en plus rare et les bateaux étrangers nous mènent une concurrence déloyale », se plaint le jeune homme. Cette inertie des jeunes pêcheurs n’enlève en rien l’importance de Fass Boye en matière de pêche dans la zone. « Fass fait partie des quatre centres de pêche de la région de Thiès, à côté de Mbour, Joal et Kayar. Nous avons un parc piroguier de plus de 1000 embarcations. Chaque année, 20 à 25 000 tonnes de poissons sont pêchées ici pour une valeur de 17 à 19 milliards de FCfa », renseigne Moda Samb.
Cette activité économique dynamique de Fass Boye a fini de faire de la localité un melting-pot où les Lébous vivent en parfaite harmonie avec les Sérères, les Diolas, les Mandingues et d’autres ethnies du Sénégal. « Nous avons même un quartier qui s’appelle Thiocé. C’est le quartier des Mandingues », informe Madieb Boye, le chef de village de Fass. Ce dernier est le cinquième chef de village de la localité. Il succède à son grand-père, Mambaye Boye.
FASS BOYE PLEURE SES MORTS
"Les jeunes passent des mois en mer pour rentrer bredouilles.Les autorités ont bradé toutes nos ressources, elles sont donc responsables de ce drame", estime Amedi Dieye, 53 ans, qui dit avoir perdu deux beaux-frères dans la pirogue
Le chef de la localité sénégalaise de Fass Boye fait résonner son appel jeudi dans les haut-parleurs de la mosquée: "Sortez assister à la récitation du Coran pour le repos de l'âme de nos fils, neveux, petit-fils", déclame Madiop Boye.
Plus de 60 personnes, dans leur grande majorité des hommes originaires de Fass Boye et des environs selon des responsables locaux, sont présumés morts en mer après être partis le 10 juillet de cette petite ville de pêcheurs.Leur pirogue a été repérée et secourue lundi au large du Cap Vert après plusieurs semaines de dérive, quand il faut normalement une dizaine de jours pour rallier les Canaries.
Il y avait 38 survivants alors qu'ils avaient été 101 à s'embarquer, tous Sénégalais sauf un.
La nouvelle en provenance du Cap Vert, de plus en plus redoutée faute d'information, a semé la consternation à Fass Boye.
"Ceux qui sont partis sont partis et ne reviendront jamais.C'est notre devoir de prier pour eux", dit Madiop Boye.Sous un ciel nuageux, des dizaines de personnes ont convergé vers le lieu de prière de cette localité de quelque 20.000 âmes sur la côte atlantique, à une centaine de kilomètres au nord de Dakar.
"Cent ans que nos jeunes partent par la mer, mais c'est la première fois que Fass Boye vit une telle situation", assure-t-il.
Certains égrènent leur chapelet de prière, d'autres murmurent des versets, le visage triste, le regard tourné vers le sol.Tous ont en tête le dernier drame migratoire sur la route qui relie le pays ouest-africain aux îles espagnoles des Canaries, porte d'entrée de l'Europe, où les jeunes rêvent d'une vie meilleure.
Les victimes ont succombé à la soif et à la faim, selon des survivants cités par des membres d'équipage du bateau de pêche espagnol qui a secouru l'embarcation en perdition au large de l'île cap-verdienne de Sal.
"Sur les 38 survivants, 32 sont hébergés dans un lycée local et six sont à l'hôpital régional de l'île de Sal; deux des six hospitalisés sont en soins intensifs, mais la plupart des survivants commencent à reprendre des forces", a déclaré à la télévision cap-verdienne Nuno Santos, un commandant local de la Protection Civile.
- Tristesse et colère -
"Nous demandons à l'Etat du Sénégal de tout mettre en œuvre pour le rapatriement de nos fils encore en vie, et de nous ramener les corps de ceux qui ont été retrouvés morts", déclare M. Boye, qui communique par WhatsApp avec des rescapés.
Le ministère sénégalais des Affaires étrangères a assuré œuvrer au rapatriement de ses ressortissants "dans les meilleurs délais".
"Que pareille tragédie ne s'abatte plus sur notre village !", prie l'imam.
Dans les rues étroites en terre qui bordent l'édifice religieux, les gens continuent de sortir et de se réunir."Woy, Woy Dieu est grand", pleure une passante.
Mercredi soir, la tristesse a fait place à la colère.Des jeunes ont brûlé des pneus, barré la route principale avec des troncs d'arbre, accusant les autorités de ne pas avoir fait le nécessaire pour retrouver la pirogue à temps.
Jeudi matin, des véhicules de gendarmerie étaient stationnés à l'entrée de la ville.
- Drames successifs -
"Les jeunes passent des mois en mer pour rentrer bredouilles.Les autorités ont bradé toutes nos ressources, elles sont donc responsables de ce drame", estime Amedi Dieye, 53 ans, qui dit avoir perdu deux beaux-frères dans la pirogue.
"Beaucoup de jeunes du village qui ont rejoint l'Europe achètent des voitures et construisent des maisons à leur retour.Mon fils aussi voulait la même chose", raconte Abdou Aziz Sène, père d'un jeune homme de 25 ans disparu."Il voulait rejoindre l'Europe parce qu'il ne trouvait plus son compte ici", confie-t-il.
Le Sénégal a été endeuillé par de nombreux drames de la migration ces dernières années.Seize migrants ont péri dans la nuit du 23 au 24 juillet dans le naufrage de leur embarcation dans les environs de Dakar. Au moins 13 Sénégalais ont perdu la vie quelques jours auparavant au large des côtes marocaines.
Le gouvernement sénégalais a présenté fin juillet une Stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière, le long de différents axes: prévention, contrôle des frontières, répression, retour et réinsertion des migrants.
Mais chaque année, les départs rythment la vie des villes côtières du Sénégal.Dimanche, les habitants de Fass Boye se retrouveront pour rendre un dernier hommage aux morts et aux disparus.
LA CEDEAO PRÊTE À INTERVENIR AU NIGER
"Nous sommes prêts à intervenir dès que l'ordre sera donné.Le jour de l'intervention a aussi été fixé", a déclaré le commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l'organisation régionale, Abdel-Fatau Musah
La force de la Cedeao s'est dite vendredi "prête à intervenir" au Niger après le coup d'Etat du 26 juillet et le jour de cette intervention armée a été fixé, mais une "possible" mission diplomatique pourrait se rendre samedi à Niamey.
"Nous sommes prêts à intervenir dès que l'ordre sera donné.Le jour de l'intervention a aussi été fixé", a déclaré le commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l'organisation régionale, Abdel-Fatau Musah.
Il s'exprimait à l'issue d'une réunion des chefs d'état-major des armées ouest-africaines réunis depuis jeudi à Accra, plus de trois semaines après le coup d'Etat qui a renversé le 26 juillet au Niger le président Mohamed Bazoum.
Selon lui, ont été convenus lors de cette réunion "les objectifs stratégiques, l'équipement nécessaire et l'engagement des Etats membres" pour cette possible intervention.
Parallèlement, ce responsable a annoncé une "possible" mission diplomatique samedi au Niger "pour continuer à suivre la voie pacifique pour rétablir l'ordre constitutionnel".
"Nous sommes prêts à résoudre le problème pacifiquement, mais il faut être deux pour danser le tango", a déclaré M. Musah.Mais "nous n'allons pas être ceux qui frappent à la porte alors qu'ils nous la claquent", a-t-il toutefois ajouté.
Les précédentes délégations de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest n'ont jusqu'à présent pas réussi à rencontrer le général Abdourahamane Tiani, le nouvel homme fort du pays.
Le 10 août, la Cedeao avait ordonné lors d'un sommet à Abuja le déploiement de sa "force en attente" pour restaurer l'ordre constitutionnel au Niger, sans dévoiler les modalités ni le calendrier.
La Cedeao a dans le même temps continué de privilégier la voie du dialogue avec le régime militaire.Les appels à un règlement pacifique de cette crise se sont d'ailleurs multipliés ces derniers jours, en particulier de la part des Etats-Unis.
Le nouveau régime militaire à Niamey reste pour l'heure inflexible et estime qu'une intervention armée contre leur pays serait une "agression illégale et insensée".
- "De sérieuses conséquences" -
Et les militaires ayant pris le pouvoir continuent de retenir séquestré le président déchu, qu'ils comptent poursuivre pour "haute trahison".
"Les conditions de détention du président Bazoum se détériorent.Toute nouvelle détérioration de son état de santé aura de sérieuses conséquences", a averti le président du Nigeria Bola Tinubu, qui préside actuellement la Cedeao, lors d'un entretien jeudi avec le président du Conseil européen Charles Michel, selon les propos rapportés vendredi par une responsable de l'UE.
De son côté, Charles Michel a "réitéré le soutien et l'appui total de l'UE aux décisions de la Cedeao, ainsi que la condamnation ferme du coup de force inacceptable au Niger", selon cette responsable.
"L'UE ne reconnaîtra pas les autorités issues du putsch.Le président Bazoum, démocratiquement élu, reste le chef d'État légitime du Niger", a-t-il insisté.
Depuis Genève, la volonté affichée de poursuivre M. Bazoum pour "haute trahison" a été dénoncée par le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Volker Türk.
"Cette décision n'est pas seulement motivée par des considérations politiques à l'encontre d'un président démocratiquement élu, mais elle n'a pas de fondement juridique puisque le fonctionnement normal des institutions démocratiques a été entravé", a-t-il déclaré.
Dans son communiqué, M. Türk a souligné que l'élection en 2021 du président Bazoum constituait "la première transition démocratique dans l'histoire du pays, marquée par les coups d'Etat".
Appelant les généraux à le libérer et à "rétablir immédiatement l'ordre constitutionnel", le responsable leur a dit qu'ils "ne pouvaient pas s'arroger le droit de défier - sur un coup de tête - la volonté du peuple".
Egalement depuis Genève, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a demandé la mise en place d'un couloir humanitaire qui permette de d��lester les centres de transit installés au Niger, où des milliers de migrants sont coincés.
En raison de sa position géographique, le Niger est l'un des principaux pays de transit de la région pour les migrants.
Au moins 28 civils ont par ailleurs été tués en début de semaine dans des violences dans plusieurs villages du sud-ouest du Niger, près du Mali, selon une source officielle locale.L'origine de ces violences n'a pas été indiquée.
APRÈS LE COUP D'ÉTAT AU NIGER, LA CACOPHONIE DIPLOMATIQUE INTERNATIONALE
Certains souhaitent une action armée, d'autres privilégient la négociation, quelques uns soutiennent les militaires au pouvoir : après le coup d'Etat du 26 juillet au Niger, les réactions de la communauté internationale tournent à la confusion
Derrière l'immédiate condamnation de façade de l'énième coup d'Etat au Sahel depuis 2020, les réactions des voisins du Niger, du continent africain tout entier et des puissances étrangères majeures - France, Etats-Unis et Russie en tête - témoignent d'une grande perplexité dans les chancelleries.
Les chefs d'état-major des armées ouest-africaines étaient réunis jeudi et vendredi au Ghana pour discuter d'une éventuelle intervention armée, évoquée depuis quelques jours par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao).
Mais au sein de l'organisation, l'unanimité n'existe pas.L'un de ses membres, le Cap-Vert, s'y est ainsi ouvertement opposé."Nous devons tous oeuvrer pour le rétablissement de l'ordre constitutionnel au Niger, mais en aucun cas par une intervention militaire ou un conflit armé en ce moment", a déclaré la semaine passée son président, José Maria Neves.
Les régimes militaires du Mali et du Burkina, voisins du Niger et membres sous sanctions de la Cedeao, ont de leur côté clairement affiché leur solidarité avec Niamey.
- "Escalade" -
Solomon Dersso, directeur du groupe de recherche panafricain Amani Africa, craint, comme d'autres, qu'une intervention armée n'ait des "conséquences calamiteuses". Pour lui, les militaires de Niamey et la Cedeao "s'enferment dans un chemin dangereux vers l'escalade".
Les importantes sanctions économiques prises par le groupe régional et ses menaces militaires "ont donné à la junte le prétexte pour attiser la ferveur nationaliste des Nigériens et surfer sur les sentiments anticolonialistes", écrivait-il en début de semaine.
De fait, l'opération en question, dont les détails restent inconnus, semble improbable sans soutien de l'Union africaine. Or celle-ci s'est réunie lundi et n'a pas communiqué depuis, signe des divergences en son sein sur le sujet.
De leur côté, les deux grandes puissances occidentales impliquées dans le dossier adoptent des positions distinctes.
Les Américains, qui conservent quelque 1.100 soldats au Niger pour lutter contre les jihadistes liés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique, avec notamment une base de drones, ménagent l'avenir.
Sabrina Singh, une porte-parole du Pentagone, a souligné que le Niger était un "partenaire" et devait le rester. "Nous y avons investi dans des bases et nous nous sommes entraînés avec les forces locales. Nous voulons voir une résolution pacifique pour cette démocratie durement conquise".
- La position américaine "confuse" -
Les Etats-Unis ont pour principe de ne pas maintenir de coopération militaire avec des régimes venus au pouvoir par un coup d'Etat.
"Mais la définition est flexible", souligne pour l'AFP Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Group, un institut de sécurité basé à New York, rappelant que Washington avait notamment continué de travailler en 2014 avec le régime contesté du général Abdel Fattah al-Sissi, en Egypte.
Pour l'analyste, "la position américaine est confuse".Les Etats-Unis "ne parviennent pas à adopter une politique claire avec les pays confrontés à un soulèvement ou un coup d'Etat militaire".
Paris, pour sa part, n'accorde aucune légitimité au pouvoir en place.Elle compte aujourd'hui 1.500 soldats au Niger, avec lesquels elle continuait d'effectuer, jusqu'au coup d'Etat, des opérations antiterroristes avec l'armée locale.
La France avait exprimé il y a une semaine un soutien total à la Cedeao après la validation initiale de l'option militaire."On est dans une position d'appui, de soutien à la Cedeao", a répété à l'AFP une source diplomatique française.
"C’est à elle de prendre ses décisions, que ce soit pour les sanctions civiles, ou pour la menace d'intervention militaire".
Autant de divergences susceptibles de profiter à l'autre acteur majeur, la Russie.
Le groupe paramilitaire Wagner, quoiqu'en froid avec le Kremlin depuis sa brève rébellion en juin dernier et son exil forcé au Bélarus, reste à l'affût.
Actif en Centrafrique, au Soudan ou encore au Mali, même si Bamako s'en défend, il lorgne sur le Burkina et ne saurait laisser passer une occasion comme le Niger, dont la richesse des sous-sols en fait une proie naturelle.
"Wagner est très transparent sur ses objectifs.Ils ne vont pas sermonner le régime sur les droits de l'Homme.Ils sont là pour avoir un accès aux ressources et, en retour, apportent une sécurité politique", résume Colin Clarke.
Jeudi, la diplomatie allemande a réclamé des "sanctions" de l'UE contre "les putschistes" au Niger.
Pendant ce temps, les jihadistes poursuivent leur sombre dessein.Ils sont accusés d'avoir tué au moins 17 soldats nigériens et d'en avoir blessé 20 autres mardi, près de la frontière avec le Burkina.
NIGER : BOLA TINUBU MENACE DE SÉRIEUSES CONSÉQUENCES SI LA SANTÉ DU PRÉSIDENT BAZOUM SE DÉTÉRIORE
Le président du Nigeria a averti que toute "nouvelle détérioration" de l'état du président du Niger séquestré depuis le coup d'Etat militaire qui l'a renversé, aurait "de sérieuses conséquences"
"Les conditions de détention du président Bazoum se détériorent. Toute nouvelle détérioration de son état de santé aura de sérieuses conséquences", a indiqué M. Tinubu, qui préside actuellement la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), lors d'un entretien jeudi, selon les propos rapportés vendredi par une responsable de l'UE. Cette responsable avait initialement attribué par erreur cette phrase à M. Michel.
M. Bazoum est retenu dans sa résidence présidentielle depuis le 26 juillet - jour du coup d'Etat - avec son fils et sa femme. De son côté, Charles Michel a "réitéré le soutien et l'appui total de l'UE aux décisions de la Cedeao, ainsi que la condamnation ferme du coup de force inacceptable au Niger", selon la responsable de l'UE. "L'UE ne reconnaîtra pas les autorités issues du putsch. Le président Bazoum, démocratiquement élu, reste le chef d'État légitime du Niger", a-t-il insisté.
Les responsables militaires des pays de la Cedeao sont réunis vendredi à Accra au Ghana pour discuter d'une éventuelle intervention armée au Niger, même si l'organisation semble encore privilégier la voie du dialogue. L'organisation régionale ouest-africaine a adopté des sanctions -- suspension des transactions financières avec le Niger et gel de toutes les transactions de service, incluant le transfert d'électricité -- pour faire pression sur les responsables du coup d'Etat militaire à Niamey.
Pour sa part, l'Union européenne a suspendu son aide budgétaire au pays du Sahel, ainsi que ses programmes de coopération dans le domaine sécuritaire. Berlin a appelé jeudi à adopter "des sanctions" au niveau de l'UE "contre les putschistes".
PLUS DE 70 MIGRANTS SÉNÉGALAIS INTERCEPTÉS AU LARGE DU SAHARA OCCIDENTAL
Leur embarcation de fortune était partie le 12 août des côtes sénégalaises vers les îles Canaries en Espagne, a précisé la source militaire, citée par l'agence de presse marocaine MAP
La marine marocaine a intercepté 75 migrants sénégalais à bord d'une embarcation au large de Dakhla, au Sahara occidental, a indiqué vendredi une source militaire.
Leur embarcation de fortune était partie le 12 août des côtes sénégalaises vers les îles Canaries en Espagne, a précisé la source militaire, citée par l'agence de presse marocaine MAP. Les migrants, secourus jeudi, "ont reçu les premiers soins, avant d'être remis à la gendarmerie royale afin d'effectuer les démarches administratives en vigueur", a ajouté la même source. Cette opération porte à au moins 328 le nombre de candidats à l'émigration irrégulière originaires d'Afrique subsaharienne ramenés sur les côtes marocaines depuis le 8 août, selon un bilan de l'AFP établi à partir de sources militaires marocaines.
Mercredi, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé que plus de 60 migrants sénégalais étaient présumés morts à bord d'une pirogue partie des côtes sénégalaises début juillet et retrouvée lundi au large du Cap-Vert. Une unité de surveillance du littoral marocain avait intercepté samedi une embarcation transportant 130 migrants sénégalais qui s'était échouée au niveau de Dakhla.
Par ailleurs, les garde-côtes marocains ont annoncé le 7 août avoir repêché cinq cadavres de Sénégalais au large de Guerguerat, au Sahara occidental, et porté secours à 189 autres migrants dont l'embarcation avait chaviré. Les migrants sont généralement rapatriés au Sénégal. Au moins 13 Sénégalais ont péri à la mi-juillet dans le naufrage de leur pirogue au large des côtes marocaines, selon les autorités locales sénégalaises.
La route migratoire des Canaries, porte d'entrée vers l'Europe dans l'océan Atlantique, connaît ces dernières semaines un net regain d'activités, notamment depuis les côtes du Maroc et du Sahara occidental.
Des ONG font régulièrement état de naufrages meurtriers --dont les bilans non officiels se chiffrent selon elles en dizaines, sinon en centaines de morts-- dans les eaux marocaines, espagnoles ou internationales.
LES AVOCATS DE SONKO SAISISSENT LE HAUT-COMMISSARIAT DE L'ONU
Les conseils du leader de Pastef alertent sur ses conditions de détention et sur la grève de la faim qu’il a entamée depuis son placement sous mandat de dépôt
Les avocats de Ousmane Sonko ont déposé un dossier de plus de 300 pages au Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Ils ont alerté sur les conditions de détention arbitraires du leader du Pastef, parti politique récemment dissous, et sur la grève de la faim qu’il a entamée depuis son placement sous mandat de dépôt.
« Rien ne sera impuni. En qualité d’avocats, nous ferons tout ce qu’il faut, nous utiliserons tous les instruments juridiques et diplomatiques qui sont à notre disposition pour mettre fin à ces pratiques dignes d’une république bananière » a indiqué Me Said Larifou.
Selon lui, l’internationalisation du dossier au Haut commissariat des Nations Unies n’est qu’un début. Me Said Larifou et son confrère, Me Juan Branco, promettent de se rendre prochainement dans d’autres juridictions internationales.
« Les instruments existent. C’est pour cela que le travail au niveau international doit être très intense » a annoncé Me Larifou.
par Ibrahima Silla
SÉNÉGAL : UNE DÉMOCRATIE EN CAPTIVITÉ
Nous sommes à la fois les victimes et les bourreaux de nos misérables conditions politiques et démocratiques. Nous ne sommes plus dans un État de droit, mais dans un État éloigné de la fausse image qu’on présentait jusqu’ici aux yeux du monde
Nombreux sont ceux que rien – ni l’origine sociale, ni le parcours et encore moins le profil ou l’attitude – ne prédestinent à un sort carcéral. C’est malheureusement le cas de nombre de ces militants politiques, activistes, journalistes, chroniqueurs, fonctionnaires, jeunes méconnus ou connus, dont le respect, la courtoisie, le sérieux, l’excellence, le talent, la tenue et la retenue ancrés dans une admirable élégance existentielle font d’eux des citoyens d’exception aux yeux de tous ceux qui les ont connus, reconnus ou côtoyés. Leur seul « tort » étant de résister, comme la Constitution le permet, à un régime tyrannique périmé non recyclable adossé à un système « irrécupérable » briseur de destins nationaux prometteurs. Au rythme de ces rafales d’emprisonnements, de l’amour de mettre en cellules et de poser des menottes sur les droits et libertés les plus élémentaires, on n’est pas à l’abri de voir la prison devenir une nouvelle double nationalité dans ce pays, sans possibilité de faire valoir une quelconque immunité.
Personne n’est, a priori, vouée à souffrir d’un destin carcéral ; même ceux qui s’y retrouvent avant la naissance, prisonnier du ventre d’une mère détenue. Le comble de la méchanceté à subir avant le berceau. On emprisonne ainsi lâchement des fœtus. Quelle cruauté ! Mais encore, on emprisonne l’excellence et on glorifie la médiocrité tous âges confondus. Il suffit de s’arrêter sur le profil et l’itinéraire de ceux qui sont choisis par la populace pour nous diriger pour se rendre compte à quel point nous sommes à la fois les victimes et les bourreaux de nos misérables conditions politiques et démocratiques. Tel est le paradoxe de notre pays et du régime en place qui, s’il se pense suffisamment fort, ne devrait pas avoir peur des opinions et expressions verbales citoyennes quelles qu’elles soient. Ils ont fait du Sénégal une « démocratie illibérale », cherchant, dans une panique injustifiée, à déguiser une liberté d’expression en appels à l’insurrection, pour mieux propager les arrestations qui s’abattent sur d’honnêtes et vertueux citoyens telle une épidémie.
La prison est devenue de fait une machine à broyer des opposants, c’est-à-dire des citoyens ayant commis le « crime » d’avoir une autre vision idéologico-politique et un autre projet de société, devenus les « cibles privilégiées » du pouvoir. Donnez-leur un opposant, et ils vous monteront une affaire pour aller le cueillir. Peu importe que le travail soit bien fait ou non. L’essentiel est d’obtenir le résultat voulu par le chef. Cette loi des séries est un classique de notre vie politique. De Mamadou dia, à Valdiodio Ndiaye, en passant par Omar Blondin Diop, Abdoulaye Wade, Sonko et les centaines d’autres que je ne pourrais pas citer ici. La liste est top longue. Vivement le jour où on leur consacrera une journée nationale commémorative pour se rappeler des œuvres de salubrité politique qu’ils ont entreprises au Sénégal. Eux qui ont décidé de devenir opposants contre l’injustice après tout ce qu’une telle décision implique dans notre pays qui n’a plus rien de démocratique.
Ici, le mauvais ce n’est presque jamais celui qu’on condamne, mais celui à qui, l’on déroule le tapis rouge ; celui-là qui viole les principes républicains et démocratiques d’un État de droit. Rien d’étonnant, puisque nous ne sommes plus dans un État de droit, mais dans un État éloignée de la fausse image qu’on présentait jusqu’ici aux yeux du monde. Désormais, nous sommes la risée du continent. Nous ne figurons même pas dans la catégorie des « poids plume » des régimes démocratiques et notre licence nous est de fait retirée pour défaut et insuffisance de résultats conséquents. Une démocratie en captivité, voilà ce que nous sommes devenus. Une démocratie en captivité et en route vers le peloton d’exécution si nous n'y prenons pas garde.
Devenir opposant dans ces contrées « hors-la-démocratie », c’est courir le risque de finir en prison, à moins de se faire tout petit et de pleurnicher les genoux, la dignité et l’honneur à terre devant un khalife influent pour être sauvé de la détention. Pleurer devant le peuple tel ce Khalifa ne vous sauvera point. Est-ce normal ? Bien sûr que non. Mais la peur de se retrouver avec des adversaires forts conduit à tous les excès, abus et dérives. Est-il acceptable de laisser un président profiter de sa situation pour disposer comme il l’entend de la liberté ou non de ses opposants et de les éliminer de la compétition électorale ? Négatif. En démocratie, on n’empêche pas les opposants de combattre en première ligne. Les combattre en les mettant derrière des grilles est l’expression d’une absence de courage, cette qualité des hommes d’honneur. Le drame de ce type de présidents est qu’ils pensent, parce qu’ils sont au pouvoir, que tout leur appartient : la vie, le destin, la liberté, la dignité, le peuple, l’honneur des gens, le bien public, l’intérêt national, la Constitution, la souveraineté nationale, la justice, le droit, le calendrier électoral, l’Assemblée nationale, les députés, etc.
L’élection sera le vaccin qui mettra un terme à cette « folie arrestatoire » attentatoire à la garantie des libertés publiques fondamentales. Il ne leur reste désormais qu’à réactiver la peine de mort pour anéantir tous les opposants, après avoir cherché à les neutraliser par le droit, le parrainage, les histoires de mœurs et les technologies numériques. Ces grèves de la faim sont de fait des « peines de mort » destinés à mutiler toute résistance. Comment comprendre qu’un être psychologiquement équilibré, doté de raison et d’un minimum d’humanité puisse trouver du plaisir à envoyer dans ces sales prisons, déjà archicombles, des opposants, c’est-à-dire des citoyens qui ont commis ce « crime de lèse-majesté » d’avoir une vision politique ou idéologique différente sur ce que devrait être la société et qui partagent avec lui la scène politique, avec donc potentiellement la possibilité de le remplacer ? Prendre les corps, broyer les âmes, ruiner la santé dans l’étau de la persécution arbitraire, du mensonge, de l’intimidation et de l’humiliation, est-ce bien raisonnable ?
On découvre avec ces gens-là ce que les hommes sont capables d’inventer en mal, par méchanceté, par peur, par faiblesse, par cynisme pour de l’argent, pour des postes, pour des privilèges et pour le pouvoir : l’arrestation sans crime et l’instruction sans objet. L’on traque derrière la banalité des mots la gravité des motifs d’inculpation. Changer les mots, c’est changer les choses. On tombe ainsi dans les gros mots pour espérer ouvrir de grands dossiers et entreprendre de grands procès : atteinte à la sûreté de l’État, appel à l’insurrection ou discrédit sur les institutions, comme si par leurs attitudes antirépublicaines, antidémocratiques et injustes, ils ne portaient pas déjà atteinte eux-mêmes à la continuité rassurante de l’État et la sacralité des institutions aussi bien visibles qu’invisibles telle que la sincérité, la probité, l’honnêteté, l’intégrité. Comme le disait Albert Camus : « On ne prostitue pas impunément les mots. Après le carnaval des procès, viendra le temps de l’élection, puis éventuellement celui des transes collectives ou hystéries populaires. Au peuple, et non à eux, de choisir ce que sera notre destin national.
Aussi, dois-je dire à tous ces détenus victimes de la méchanceté d’un homme : tenez-bon ! Nul ne peut assassiner votre destin. Leur méchanceté ne rendra pas vos combats et vos paroles inutiles. Bien au contraire. L’histoire nous enseigne, Falla, que les fleurs du bien résisteront et triompheront toujours des épines du mal. Tu as pris le parti d’être une fleur en leur laissant le soin d’incarner l’épine dorsale du mal. Croyez-moi ! Dieu, le « maître des horloges », a le chronomètre en mains. Le moment venu, Il remettra tout le monde à sa place. Les secondes de doute deviendront ainsi des minutes de conviction et les minutes de conviction des heures de gloire. Le compte à rebours a commencé en attendant les règlements de compte. La chasse à la 1ère sorcière et aux grands sorciers politiques, médiatiques, religieux, judiciaires, et autres honorables faux types, pourrait être ouverte avec l’arrivée d’une nouvelle majorité.
Aux dignes fils et fiers patriotes de ce pays, vous qui refusez de suivre le troupeau, sachant bien ce que disait Alexandre Soljenitsyne : « à mouton docile, loup glouton », la patrie reconnaissante, les pages de notre historiographie politique vous réserveront de belles pages et de grands développements à la hauteur de vos qualités et identités respectives, respectables et exceptionnellement remarquables. Le temps dure pour rendre les choses transparentes. Nul n’est censé ignorer cette loi comme nous l’enseigne le Livre de la Vie.
Courage donc dans ce « contre-la-montre » que vous remporterez en dépit et contre ces assauts de l’arbitraire érigé en système acharné et arcbouté au mal. Car, il faut beaucoup de courage pour dire non dans ce banquet des acquiescements opportunistes dévorant par leur complicité gloutonne toute protestation politique, citoyenne et patriotique. Le mal lui ne requiert aucun courage. La lâcheté lui suffit. Aussi, prêts à servir et s’asservir au mal, nuisent-ils au bien à la portée des légitimes intentions et ambitions. L’énorme force utilisée pour détruire les opposants et les esprits libres aurait pu utilement leur servir à libérer des énergies productives indispensables à nos existences essentielles.
La philosophie et la pédagogie qu’il y a derrière l’idée de justice voudraient que la vertu triomphe du vice. Ce n’est pas ce que je vois dans ce pays où la vertu est punie et le vice primé. La démocratie destinée à laver les sociétés de ces impuretés fonctionnelles et égocentriques semble avoir été profondément souillée par le règne de l’injustice. Comment s’en étonner, quand on sait à quel point les actes les plus ignobles sont ici source de prospérité et non des raisons d’être châtiés par le tribunal de la raison et de la vraie justice ; celle qui ne se contente pas d’être effrayante que pour les opposants et les citoyens libres de toute forme d’intimidation et de persécution. La justice ne saurait être le « bras armé » de la cruauté du politicien sans foi ni loi.
Il me sera toujours difficile et pénible de comprendre comment se fait-il que individus bien formés, très bien informés des faits, capables de penser et de juger librement et rigoureusement acceptent tout d’un homme dont ils savent à quel point il est viscéralement accroché à la volonté de neutraliser et donc nuire au bien et de servir le mal ? Comment se fait-il qu’ils puissent accepter de suivre cet homme dans ses caprices et dérives les plus absurdes ? Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres de toute accusation de complicité et d’aliénation. Le destin sociétal doit être la priorité sur le destin individuel.
D’où l’augmentation de mon degré d’incompréhension sur le devenir répressif de notre société aujourd’hui ; de cette « boulimie arrestatoire » propre aux régimes totalitaires, devrais-je dire, qu’ils font d’ailleurs si mal qu’il nous faudrait penser à ouvrir des « masters en arrestatologie » dans nos universités pour leur rappeler qu’il y a des heures, des lieux, des règles et donc toute une procédure à respecter. C’est tout un chapitre à consacrer aux futures assises de la justice pour rappeler qu’une simple convocation suffit plus que toutes ces manœuvres zélées, idiotes et folkloriques. La justice ce n’est pas du cinéma. Les désirs doivent être soumis à la raison et la justice au droit.
La justice ce n’est pas du cirque. La justice c’est tout un circuit et une procédure. Et les arrestations ne devraient pas être aussi aisées. Aucune arrestation ne devrait être considérée comme un butin de guerre ou une « pièce à conviction » motivés par un désir crapuleux, capricieux et vicieux de conservation du pouvoir et encore moins comme une démonstration immédiate et extravagante de culpabilité. Autrement, le Sénégal deviendrait une sorte « d’archipel du goulag sous les tropiques » nous rappelant la Vétchéka, cette « sentinelle de la Révolution russe » qui se chargea de cette tâche ingrate d’infliger la répression sans jugement, notamment en concentrant entre ses mains la filature, l’arrestation, l’instruction, la représentation du ministère public, le jugement et l’exécution de la décision. Et comme l’écrit Alexandre Soljenitsyne : « C’était l’Archipel du Goulag qui commençait ainsi sa croissance maligne, et bientôt il allait envoyer des métastases dans tout le pays. » Ce pays n’a aujourd’hui rien à envier au goulag stalinien.
Les Wolofs n’ont pas tort de dire que : « Prison diommoul kéna » (qu’on peut traduire par : nul n’est prédestiné à ne pas séjourner en prison quel que soit son statut, son profil et ses qualités). Des saints, des cheikhs, d’éminents savants ou universitaires, des ministres, des personnalités exceptionnelles en qualité et en représentativité s’y sont retrouvées le plus souvent injustement. Ce n’est pas pour autant une raison d’en vanter les vertus, l’esthétique ou d’en faire l’apologie. La prison c’est l’enfer… Mais on peut cependant tirer toute une philosophie et une pédagogie de cette obsession des autocraties finissantes à vouloir surveiller et punir à tout-va, humilier et déshonorer au-delà du raisonnable, sans toujours se rappeler les finalités et principes essentiels au fondement des raisons politiques et des rationalités juridiques qui préservent de participer à de « sales affaires », tel ce « dialogue national » entre autres, qui ne conduisent qu’à de pitoyables subordinations.
La prison serait-elle, comme certains le laissent entendre, le tremplin pour espérer réussir en politique ? Ceux qui y sont envoyés méritaient-ils d’y aller ? La révolution passive doit-elle forcément mener à l’enfermement et à la privation de liberté ? Se présentant ainsi comme une sorte de rite d’initiation requérant des qualités guerrières prouvant son aptitude à endurer même les pires injustices. Cette conception erronée de l’engagement politique et du militantisme n’est que l’expression de nos imperfections démocratiques et de nos abus autocratiques. Dans ce contexte, nul n’est à l’abri de voir du jour au lendemain, sa virginité pénale écorchée par un casier judiciaire qui vous expédie arbitrairement dans une cage, surtout si vous n’êtes pas aux yeux du pouvoir tyrannique dans la bonne case partisane. On ne construit pas une société juste avec des jaloux, des envieux, des méchants, des profiteurs zélés et zélateurs.
Oui. C’est vrai. On se passerait bien de la prison, et surtout pour des délits d’opinions. Le mûrissement citoyen et patriotique ne devrait pas en démocratie nous contraindre à côtoyer toutes sortes de moisissures et de supplices immérités dans ces lieux de privation de liberté connus pour leur insalubrité maladive. Il n’est donc aucunement question de faire ici l’éloge de la prison et l’apologie de l’humiliation. La prison ce n’est point du pain bénit. Mais, comme le dirait l’autre : « A l’impossible nul n’est tenu ». Hier comme aujourd’hui encore, les prisons du monde regorgent d’innocentes victimes du système judiciaire coupable et capable du pire. Pensons tout simplement à Serigne Touba, Mamadou Dia, Mandela, Wade et à tous les autres. Ici et ailleurs. La liste est trop longue pour citer tous ceux qui ont subi et subissent encore les forçats de l’arbitraire et de la démesure.
En arrivant en prison, chers amis et amies en détention, j’imagine que vous ne vous êtes certainement pas demandé chacun pris individuellement : « qu’est-ce que je fais ici ? » ; « Je ne suis pas du coin ». On sait toujours par qui et pourquoi on en arrive là, à la faveur des accointances inappropriées entre le politique et le judiciaire. Une telle lucidité est des plus grands réconforts qui soulage le sentiment de dépit, de révolte et haine qui pourrait naître en ceux privés de liberté. En enfermant les corps, ils oublient que la résistance est d’abord et avant tout dans l’esprit et surtout dans le cœur et non pas exclusivement dans le corps à corps. Elle se manifestera, comme le permet la constitution, dans les urnes et s’il le faut dans la rue.
Mal à l’aise dans un premier temps, on finit par prendre son mal en patience en prison. « La prison est l’université du révolutionnaire (…) Les heures s’étirent, la cervelle s’éclaircit » écrit Régis Debray dans son ouvrage intitulé D’un siècle l’autre. En effet, certains, mentalement solides et psychologiquement armés, s’en sortiront métamorphosés ; des livres saints qu’ils survolaient et entrevoyaient à peine, ne pensant jamais les connaître de bout en bout, ils s’en délecteront et sortiront ce cet enfer, plus cultivés, plus matures et plus patriotiques que jamais. Ils s’enrichiront du Livre et des livres, du Texte et des textes, de l’isolement et de la solitude, de soi et d’autrui. D’autres, sans avoir été condamnés à mort, seront brisés à vie. Entre cette résurrection et cet engloutissement, il y a mille et une autres possibilités de ne pas sombrer ; de rebondir vaillamment et valeureusement. Viendront d’autres dignes patriotes pour mettre un terme à cet horrible système pire que le sida, le cancer et la covid réunis. Ils commenceront là où Sonko se sera éventuellement affaissé après Omar Blondin Diop, Mamadou Dia, Cheikh Anta Diop, Maître Babacar Niang et tous les autres. Mais pour l’instant, point d’affaissement et surtout pas d’affolement. Tout est encore possible. L’histoire des tyrans et apprentis dictateurs n’enseigne pas le fatalisme mais l’optimisme.
En attendant, ils peuvent continuer, motivés par une férocité indigne et indécente, à cueillir de nobles et fiers patriotes, avant de nous voir un jour venir nous recueillir, sans avoir besoin d’un mandat de perquisition ni des « franchises universitaires », sur ce qu’ils pensaient être immortels et infinis : la dépouille de leur pouvoir, victime de cette prison de la méchanceté qui empoisonne leur cœur incapable d’envisager une amnestie générale sans délai ni condition. On ne retire aucune gloire de la cruauté contre son peuple. Je suis sûr que vous commencez à vous en rendre compte ; peut-être un peu trop tardivement. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il suffit seulement d’en être encore capable.
par l'édiorialiste de seneplus, René Lake
RÉIMAGINER L'INTERDÉPENDANCE À L'ÈRE POST-CAPITALISTE
EXCLUSIF SENEPLUS - "Faire-Pays" selon Chamoiseau, c'est redéfinir notre appartenance à un lieu, une culture et une histoire. C'est embrasser l'interdépendance tout en célébrant nos racines uniques
Les notions d'identité, de nation et d'appartenance ont longtemps été façonnées par le prisme du nationalisme, des revendications d'autonomie et des aspirations à l'indépendance. Toutefois, le monde d'aujourd'hui, un monde d'interdépendance et de connexions globales, exige de nous une reconfiguration radicale de ces conceptions.
Dans la série "Faire-Pays", Patrick Chamoiseau évoque une vision qui, selon lui, dépasse les "nationalismes des années 50" et les "revendications d’autonomie-indépendance restées inefficientes". Il envisage un remaniement de notre rapport à la notion de pays non pas dans des "exclusives nationalistes ou des indivisibilités républicaines", mais dans une "intensification tous azimuts de nos systèmes relationnels". Il plaide pour une ouverture totale : une mobilité accrue, un multilinguisme babélique, un abandon des normes centrées, et la création de partenariats trans-mondiaux.
Pour Chamoiseau, la clé réside dans l'intensification des relations – la création de ponts plutôt que de murs, l'ouverture vers l'extérieur plutôt que l'enfermement. Tout cela, dit-il, suppose une "entrée en responsabilisation post-capitaliste" pour tous.
La richesse d'une présence collective ne peut se réaliser que si elle est "riche de ses sources, de ses racines, de ses alliances géographiques et historiques multiples". Plutôt que de se fondre dans un mélange globalisé, il s'agit de puiser dans nos propres histoires, d'innover à partir de nos traditions et de nos cultures. Parallèlement à cette idée, il est essentiel d'aller de l'avant, de projeter cette présence collective innovante dans les défis changeants de notre époque. En d'autres termes, il ne s'agit pas simplement de préserver le passé, mais de l'utiliser comme tremplin pour aborder l'avenir.
Cette vision se cristallise également autour d'un désir de "démocratie économique nouvelle, résolument sociale, culturelle, écologique et solidaire". Une intention holistique qui valorise non seulement l'économie, mais aussi le social, la culture, l'environnement et la solidarité. C'est un appel à stimuler notre créativité collective, à imaginer de nouvelles façons de vivre, de travailler et de coexister.
Mais l'exploration de Chamoiseau va au-delà des solutions et des innovations. Il touche également à la profonde mélancolie qui peut émaner d'une telle réflexion. En évoquant les figures emblématiques de Frantz Fanon, Aimé Césaire et Édouard Glissant, il rappelle le drame de vivre "jour après jour dans la splendeur des paysages, mais sans jamais dépasser l'effrayante condition du pays". Ces penseurs, bien que profondément ancrés dans leurs paysages caribéens, étaient toujours aux prises avec la quête d'une véritable autonomie, d'une véritable indépendance.
En conclusion, "Faire-Pays" selon Chamoiseau, c'est redéfinir notre appartenance à un lieu, une culture et une histoire. C'est embrasser l'interdépendance tout en célébrant nos racines uniques. C'est, en fin de compte, une invitation à imaginer un monde où l'identité est fluide, ouverte et résolument tournée vers l'avenir.
LES CONSEILS DE SONKO EN APPELLENT AUX NATIONS UNIES
L'équipe d’avocats de l'opposant sollicitent ce vendredi 18 août 2023 à Genève, le Haut-Commissaire des Nations-Unies aux Droits de l’Homme afin de sensibiliser sur le sort de leur client actuellement en déténtion
Me Saïd Larifou, avocat à la Cour et membre du Conseil de l’Ordre au Barreau de Moroni (Comores), a émis le 16 août 2023, un communiqué concernant la dégradation alarmante de l’état de santé de M. Ousmane Sonko. Ce dernier, figure politique et leader du mouvement Pastef-Les Patriotes, est actuellement en détention.
Dans un geste visant à sensibiliser et à agir contre ce qu’il qualifie d’actes graves et violences perpétrés à l’encontre de son client, Me Saïd Larifou a annoncé que lui et son équipe d’avocats se rendront à Genève le vendredi 18 Août 2023 pour rencontrer le Haut-Commissaire des Nations-Unies aux Droits de l’Homme. L’entretien visera à formaliser une demande officielle d’intervention de cette institution internationale pour mettre fin aux actions préjudiciables à M. Ousmane Sonko, commises par les organes judiciaires, militaires et exécutifs de l’État du Sénégal, et qui portent atteinte à ses droits politiques.
Ce rendez-vous représentera une opportunité pour exposer la situation, en particulier la séquestration de M. Ousmane Sonko et les procédures judiciaires en cours à son encontre. Les avocats soulignent que ces procédures ne respectent ni le principe d’un procès équitable, ni la présomption d’innocence, des droits garantis par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. L’objectif présumé de ces actions serait d’entraver la participation de M. Ousmane Sonko aux prochaines élections présidentielles sénégalaises.
Le communiqué fait état de l’intention des avocats de saisir le Groupe de Travail des Nations-Unies sur la détention arbitraire, ainsi que la Commission Européenne et le Parlement Européen, afin de prendre en considération la possibilité de sanctions contre les autorités sénégalaises impliquées dans les agissements évoqués.
L’annonce de cette démarche internationale intervient dans un contexte de préoccupation croissante concernant la situation politique et les droits de l’homme au Sénégal. L’affaire Ousmane Sonko continue de susciter des débats sur la scène internationale, et les avocats du leader politique espèrent que cette démarche auprès des Nations-Unies contribuera à faire évoluer la situation et à garantir le respect des droits fondamentaux.