LES GENDARMES ANNIHILENT LE DIALOGUE DU PEUPLE DE L'OPPOSITION
Pendant que le « dialogue national » voulu par le chef de l’Etat se tenait au palais de la république, l’autre « dialogue du peuple » initié par la plateforme F24 était interdit sur tout le territoire du département de Dakar
Pendant que le « dialogue national » voulu par le chef de l’Etat se tenait au palais de la république, l’autre « dialogue du peuple » initié par la plateforme politique des forces vives de la nation (F24) était interdit sur tout le territoire du département de Dakar. Prévu pour avoir lieu au Jardin public de l’unité 11 des Parcelles assainies, ce « Pencum Senegaal » n’a pas reçu l’autorisation préfectorale.
Dans une tentative de trouver solution, les responsables du F24 se déportent à Ngor-Virage au siège du Grand Parti de Malick Gakou. Mais à leur grande surprise, une cohorte de gendarmes est venue dans ces lieux privés pour exiger que tout le monde en sorte, suivant toujours la même mesure d’interdiction de tout rassemblement dans Dakar intra muros.
LES VÉRITÉS CRUES DE MACKY SALL
Dans son discours de clôture de la cérémonie de lancement du Dialogue national, ce mercredi, le chef de l’Etat, Macky Sall, a abordé les violences notées, depuis quelques semaines, au Sénégal
Dans son discours de clôture de la cérémonie de lancement du Dialogue national, ce mercredi, le chef de l’Etat, Macky Sall, a abordé les violences notées, depuis quelques semaines, au Sénégal. « Il y a une situation nouvelle dans notre pays où certains acteurs ont choisi de détruire la République. C’est leur choix. Et face à ce choix, je suis obligé de défendre cette République et quoi que cela puisse coûter. Nous ne pouvons pas accepter dans ce pays, des gens qui, au quotidien, menacent des juges et recherchent leurs domiciles et d’y mettre le feu », avertit le président de la République.
Non sans s’indigner des critiques dont fait l’objet le Sénégal à l’international. « Nous suivons tous ce qui se passe dans ce pays. Il y a une campagne de dénigrement orchestrée contre la République. S’il s’agissait simplement de ma personne, je pourrais me défendre. Mais contre la République, le Sénégal, ça je ne l’accepterai jamais », ajoute Macky Sall.
Toujours dans cette même logique, le Chef de l’Etat a félicité les forces de défense et de sécurité qu’il considère comme une force républicaine connue et reconnue par les nations unies. Ces accusations disant que les forces de défense et de sécurité tirent sur les manifestants, n’est point conforme à la réalité. « Quel est l’intérêt pour la police et la gendarmerie de tirer sur des manifestants ? Il nous faut faire respecter la loi. Que les gens arrêtent de mettre le feu dans le domicile des gens gratuitement. Nous ne pouvons pas laisser cette situation perdurer », a servi Macky Sall aux fauteurs de troubles en leur précisant que l’État ne démissionnera jamais dans sa responsabilité régalienne qui est d’assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens.
S’agissant, par ailleurs, de la question de la troisième candidature, il fait savoir lors de son discours qu’« il faudra me supplier pour que je vous cède mon mandat. Parce que je peux vous le céder gracieusement si vous n’y mettez pas la forme. Mais dire par la force que je ne serais pas candidat au nom de quoi ».
A l’en croire, « ceux qui combattent le mandat sont ceux qui ont voté le référendum en disant que si le oui passe le président fera deux mandats. Et que tout le monde le sait, tout le monde sait lire le droit ».
PAR Abdoul Mbaye, Aminata Touré et Mamadou Lamine Loum
MONSIEUR LE PRÉSIDENT, VOTRE MANDAT S'ACHÈVE EN FÉVRIER 2024
Vous avez aujourd'hui la responsabilité historique de préserver l'héritage démocratique et de paix du Sénégal, héritage qui s'est construit au prix de luttes et sacrifices de plusieurs générations
En 2012, puis de nouveau en 2019, le peuple sénégalais vous a majoritairement accordé ses suffrages pour présider aux destinées de notre cher pays. Conformément aux dispositions non équivoques de la Constitution, du reste corroborées coniointement par l'entendement conforme des citoyens mandants dûment informés ainsi que par votre acquiescement net et limpide dans des adresses et déclarations publiques orales et écrites, votre dernier mandat s'achève en février 2024.
Nonobstant, votre mutisme prolongé quant à vos réelles intentions ne manque pas d'attiser un climat de forte tension et d'inquiétude générale propice à de graves tensions sociales dans un contexte économique particulièrement difficile.
La démocratie sénégalaise est majeure et tient son rang dans le concert des grandes démocraties. Notre pays qui est connu dans le monde entier pour sa stabilité légendaire évolue dans un contexte sous-régional gros de tous les dangers et vous avez aujourd'hui la responsabilité historique de préserver l'héritage démocratique et de paix du Sénégal, héritage qui s'est construit au prix de luttes et sacrifices de plusieurs générations.
C'est pourquoi, nous vous invitons à sauvegarder ces acquis démocratiques fondamentaux en confirmant vos propos antérieurs selon lesquels vous n'êtes pas candidat à l'élection présidentielle de 2024 et en vous engageant à organiser des élections inclusives, libres et transparentes.
Nous vous prions d'agréer, monsieur le président de la République, l'expression de nos sentiments respectueux et compatriotiques.
ADJI SARR, L'ACCUSATRICE QUI SECOUE LE SÉNÉGAL, FERME DANS LA TOURMENTE
Elle est devenue coutumière des menaces et des invectives. La native des îles du Saloum (centre-ouest) dédiées à la pêche et l'agriculture et prisées des touristes vit sous la protection de la police en un lieu inconnu
Sa plainte pour viols contre l'une des principales personnalités politiques du Sénégal a fait d'Adji Sarr, jeune inconnue originaire d'un village de pêcheurs, une célébrité forcée de vivre au secret sous protection policière.
Victime parmi tant d'autres pour ceux qui la soutiennent ou manipulatrice à la solde du pouvoir pour ceux, nombreux, qui défendent l'accusé Ousmane Sonko, Adji Sarr, 23 ans, est celle par qui est arrivé le scandale, l'affaire qui a dressé à différentes reprises des jeunes, cailloux à la main, contre les forces de sécurité depuis deux ans.
Un personnage à nul autre pareil ces dernières années, qui n'est pourtant jamais devenu la figure d'un combat contre les violences faites aux femmes. Le dossier est trop politisé par la présidentielle de 2024 pour cela.
Adji Sarr, employée du salon Sweet Beauté où il venait se faire masser, a porté plainte en février 2021 contre Ousmane Sonko. M. Sonko était alors député, mais surtout une figure jeune et populaire de l'opposition, troisième de la présidentielle en 2019 en attendant celle de 2024. Une fille du peuple défiant un grand monsieur parlant beaucoup du peuple.
Elle a dit n'avoir pas imaginé l'onde de choc que provoquerait sa plainte. Malgré la haine déversée contre elle sur les réseaux sociaux, elle n'a jamais fléchi dans son exigence de justice.
Elle disait certes en 2022 dans le quotidien le Monde vouloir "devenir une féministe pour défendre les victimes" comme elle. Mais elle ne s'est jamais véritablement érigée en défenseure de la cause. Elle divise les Sénégalaises.
Lors du procès le 23 mai, vêtue d'une robe et d'une coiffe tranchant avec l'austérité des lieux, elle a raconté que M. Sonko avait abusé d'elle "cinq fois" et "sans protection" entre fin 2020 et début 2021.
"Elle paiera"
M. Sonko l'aurait menacée de la faire assassiner ou licencier. Elle a relaté en langue wolof ce qui s'est passé selon elle dans l'intimité du salon, avec des détails inouïs en public mais diffusés en temps réel à travers le pays par les journalistes présents. La crudité des propos en a choqué beaucoup. M. Sonko, absent au procès, a toujours nié les accusations et crié au complot du pouvoir pour l'écarter de la présidentielle. Elle a toujours nié le coup monté.
M. Sonko s'est longtemps gardé de l'attaquer frontalement. Mais la pression augmentant, elle est devenue une "jeune fille manipulée" à qui on a promis un passeport diplomatique et beaucoup d'argent, une "pauvre demoiselle qui n'est pas si innocente que cela puisqu'elle aurait pu se rétracter depuis longtemps". "Tôt ou tard elle paiera le prix fort de son forfait" comme les autres "comploteurs", a-t-il promis.
Elle est devenue coutumière des menaces et des invectives. La native des îles du Saloum (centre-ouest) dédiées à la pêche et l'agriculture et prisées des touristes vit sous la protection de la police en un lieu inconnu. "Elle change de domicile et de téléphone régulièrement", dit un membre de son entourage, qui vante son courage. "C'est comme si elle était dans une prison", dit-il. Mais "elle a pu résister" à ce qu'il appelle le "lynchage médiatique".
"Prison"
Issue de la commauté sérère, orpheline de mère depuis 2010, elle a quitté l'école sans diplôme, travaillé dans un restaurant puis dans la couture. C'est "grâce à une amie" qu'elle est entrée à Sweet Beauté, sans la moindre formation, a-t-elle dit au procès. Elle gagnait autour de 60.000 francs CFA (environ 92 euros) par mois, en plus des pourboires des clients, a-t-elle dit.
M. Sonko en faisait partie, a-t-elle assuré. "Si Ousmane Sonko n'a jamais couché avec moi, qu'il le jure sur le Coran", a-t-elle déclaré en 2021. Elle a aussi dit qu'elle était enceinte de lui. Elle a expliqué ensuite que c'était une ruse pour échapper à l'emprise de sa patronne. Mais elle est raillée depuis comme "la fille à la grossesse de deux ans".
Sa patronne et des témoins ont contesté sa déposition lors du procès. Peu après le procès, M. Sonko l'a traitée de "guenon frappée d'AVC", que l'idée ne lui viendrait jamais de violer.
Adji Sarr décompresse sur les réseaux sociaux. On l'y voit d'humeur joviale, chantant et dansant. C'est là qu'elle a répondu à M. Sonko: "Ousmane, je suis une guenon convoitée. C'est cette guenon qui t'a fait quitter ta maison en plein couvre-feu, à l'insu de tes épouses, de ta maman et des enfants, pour la retrouver".
ÉDITORIAL SENEPLUS
SENEPLUS SOLIDAIRE DE SERIGNE SALIOU GUEYE
Le contenu de l’article reproché à l’éditorialiste de SenePlus n’a rien d’offensant à l’égard de la Justice. Il n’est en rien outrageant. Il participe au débat sur l’indépendance de la Justice au Sénégal – L’arrestation du journaliste est inacceptable
ÉDITORIAL SENEPLUS - Depuis le 26 mai 2023, notre confrère, collègue et éditorialiste de SenePlus, Serigne Saliou Gueye, est injustement emprisonné pour avoir publié dans le quotidien Yoor-Yoor dont il est le directeur de publication, une chronique dénonçant l'absence de volonté de la justice sénégalaise à préserver l'État de droit et les libertés. Cette situation préoccupante suscite une profonde solidarité et un appel à défendre la liberté de presse dans notre pays.
SenePlus aurait pu publier cet article d'opinion intitulé "Chers Collègues Magistrats, Ressaisissons-nous !" en préservant l'anonymat de son auteur. Le contenu de cette chronique n'a rien d'offensant ou de préjudiciable envers la justice. Il se contente de participer au débat public, tout à fait légitime dans une démocratie, sur l'indépendance du pouvoir judiciaire.
L'auteur de l'article incriminé exprimait simplement son aspiration à un contre-pouvoir exercé par la justice. Même si cet appel était formulé avec une pointe de satire, même s'il concernait un procès contre un opposant politique, qu'a-t-il fait de plus ou de mal par rapport à la dénonciation publique de l'ancien procureur, Alioune Ndao, à l'encontre du président Macky Sall et de sa supposée ingérence dans l'affaire Abdoulaye Baldé devant la CREI ?
Même si Serigne Saliou Gueye est soupçonné d'être l'auteur de l'article incriminé, sa détention est manifestement injustifiée au regard du contenu du texte. Cela donne un écho tout particulier à la célèbre Tribune des 104, où d'éminents intellectuels du monde entier avaient signé une déclaration publiée par SenePlus le 21 mars 2023 pour dénoncer l'instrumentalisation politique du système judiciaire par l'administration du président Macky Sall.
La justice sénégalaise a un rôle essentiel à jouer dans la protection des journalistes, notamment en empêchant toute ingérence de l'exécutif dans l'exercice de leur travail. Lorsque cela ne se produit pas, c'est la liberté de la presse elle-même qui est durablement menacée.
Nous, collègues de Serigne Saliou Gueye, condamnons avec la plus grande fermeté les violations flagrantes de ses droits en tant que journaliste.
L'incrimination de discrédit envers la justice et les institutions publiques retenue contre Serigne Saliou Gueye est une copie conforme du code pénal français, restreignant la liberté d'expression et promouvant une conception contestable de la démocratie. L'application de cette loi franco-sénégalaise, en lieu et place des accusations d'outrage ou de diffamation (absentes dans l'article litigieux), vise uniquement à intimider les journalistes critiques comme Serigne Saliou Gueye.
En plus de son emprisonnement arbitraire, le gouvernement cherche à humilier notre confrère en l'accusant d'usurpation de la fonction de journaliste. Serigne Saliou Gueye est indéniablement un journaliste émérite reconnu par toute la profession. Il remplit toutes les conditions énoncées à l'article 4 alinéa 2 de la Loi n° 2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la Presse. Conformément à l'article 22 de cette même loi, bien que la rédaction puisse prêter à confusion, la carte de presse n'a aucune incidence sur la qualification de journaliste. Elle vise simplement à accorder certains avantages à son titulaire.
Notre incompréhension face au traitement judiciaire réservé à Serigne Saliou Gueye ne fait que croître à la lecture du rapport final de l'UNESCO et du Conseil intergouvernemental du Programme International pour le Développement de la Communication, qui, les 22 et 23 mars 2012, ont défini comme journaliste toute personne générant un volume important d'informations d'intérêt public. Notre éditorialiste de SenePlus, fort de ses plus de 20 ans d'expérience dans les médias sénégalais, correspond parfaitement à cette définition.
Nous rappelons également que de nombreux journalistes éminents au Sénégal n'ont jamais détenu de carte de presse ni fréquenté une école de journalisme. Par ailleurs, la liberté d'expression, quelle que soit l'affiliation idéologique ou partisane, ne devrait pas être restreinte. C'est l'un des principes les plus sacrés de la démocratie, que nous devons défendre et préserver à tout prix. SenePlus a toujours été un média pluraliste : si la majorité de nos éditorialistes sont non-partisans, certains sont affiliés à différents partis politiques du Sénégal, dans l’opposition ou au pouvoir, y compris l’APR, le parti du président Macky Sall.
La libération immédiate de Serigne Saliou Gueye et de tous les autres journalistes emprisonnés pour l'exercice de leur métier, ainsi que l'abandon de toutes les poursuites judiciaires engagées contre eux ;
L'abrogation de la loi franco-sénégalaise relative au discrédit envers la justice, qui représente une arme redoutable entre les mains d'un exécutif de mauvaise foi, via le parquet ;
Le rétablissement d'un environnement libre et sûr pour les journalistes sénégalais.
En plus de 10 ans d'existence de SenePlus, c'est la première fois que nous publions un éditorial engageant entièrement notre plateforme. Cela témoigne de la gravité de l'offense faite à l'encontre de Serigne Saliou Gueye, mais aussi de notre consternation face à cet acte d'intimidation de la part de l'administration Sall.
Serigne Saliou Gueye rejoint la longue liste de journalistes brutalisés ou emprisonnés pour avoir exercé leur liberté d'expression et d'opinion. Il est de ceux qui considèrent que leur métier consiste à "porter la plume dans la plaie", sans chercher à plaire ou nuire. À tous ceux qui se reconnaissent dans cette qualité de journaliste, nous les invitons à prendre la parole et à proclamer haut et fort : Ne touchez pas à la liberté de presse !