Dans son nouvel ouvrage, « Les bons ressentimments : essai sur le malaise post-colonial » (Riveneuve, 2023, 219 p.), l’écrivain sénégalais Elgas fait la généalogie du sentiment anti-français en Afrique, tout en disséquant la sophistication de l’aliénation
Dans son nouvel ouvrage, « Les bons ressentimments : essai sur le malaise post-colonial » (Riveneuve, 2023, 219 p.), l’écrivain sénégalais El Hadji Souleymane Gassama, dit Elgas, fait la généalogie du sentiment anti-français en Afrique, tout en disséquant la sophistication de l’aliénation. Il s’érige notamment contre la « réification du fait colonial », grille d’analyse désuète des accusateurs des temps modernes.
Penser en toute liberté, y compris contre les siens. Qu’importe la fureur accusatrice amplifiée par la poudrière nouvelle des réseaux sociaux. C’est le pari d’Elgas (El Hadji Souleymane Gassama à l’état civil) dans son nouvel ouvrage au titre prometteur : « Les bons ressentiments : essai sur le malaise post-colonial » paru début mars chez Riveneuve. Le fond aussi ne laisse guère indifférent. Dans ce court essai (219 p.), mais dense, au style incisif, l’auteur sénégalais dissèque « l’écosystème global de l’aliénation et de sa forme la plus orageuse et la plus blessante, le ressentiment ». De par sa double culture (il est né et a grandi au Sénégal, mais vit depuis une quinzaine d’années en France), il est bien placé pour connaître ce sentiment né d’un passé qui enferme le présent et l’avenir. Si dans le champ post-colonial africain l’accusation d’« aliéné » a eu autant de souffle et une telle puissance « destructrice », nous dit Elgas, c’est qu’elle a, à une époque, été portée par de belles voix. Des accusateurs de première classe comme Cheikh Anta Diop et Frantz Fanon, « les deux lames de la cisaille accusatrice », dont il ne viendrait à l’idée de personne de remettre en question le crédit ou le génie. Malgré les « erreurs » du premier, et une lecture sélective du second, leurs paroles sont érigées en « oracle », un antidote même contre la perdition. Avec des ambassadeurs d’un tel renom, dit-il, l’accusation jouit, dès le départ, d’instigateurs de grande envergure autant que de faveurs du contexte.
Senghor et la figure de l’aliéné
Si l’accusation peut se prévaloir de figures de proue de premier plan, comme nous venons de le voir, que dire des accusés ? Après tout, les héros africains ne se mesurent pas nécessairement à leur impact positif sur la vie des Africains et leur bien-être, mais à leur capacité à tenir tête à l’Occident. Ainsi, Senghor, l’un des chantres d’une négritude vilipendée pour sa mollesse, devient une cible idéale de l’accusation. Considéré comme le symbole même d’une trop grande déférence vis-à-vis de la France, il incarne la figure de « l’aliéné primal », alors que son compatriote, Cheikh Anta Diop, est considéré comme « l’éclaireur primal ». En pointant le « vernis scientifique » des leçons de l’égyptologue et la « maigreur » de certains de ses arguments, reprenant à son compte une vieille critique provenant des milieux hexagonaux, tout en manifestant, pour le moins, de la sympathie pour l’homme de Joal, victime « d’acharnement », Elgas sait qu’il ne manquera pas de susciter l’ire de ceux qu’Amady Aly Dieng appelait les « Baay Fall » de Cheikh Anta. Et d’être accusé à son tour « d’aliéné ». Mais pour l’auteur de « Mâle noir » (Ovadia, 2021), seule compte la liberté de penser. À tout prix ! Un autre jeune auteur, le Malien Yambo Ouologuem, connut également à son temps un double ban : celui des siens, les tenants de la négritude dont il contrarie la narration sur l’Afrique ; et un deuxième, plus tardif, de ceux qui l’ont primé avant de l’accuser de plagiat. Plus récemment, Mohamed Mbougar Sarr, frais lauréat du Prix Goncourt, fut, lui aussi, accusé d’entente cordiale avec l’ennemi. On se souvient de la polémique qui a suivi sa consécration et dont nous ferons l’économie ici. « Ce n’est pas seulement écrire librement qui est traqué, mais aussi donner des récits sur l’Afrique éloignés des canons nouveaux et laudateurs. Cela suffit à hériter du nom de traitre », regrette Elgas. Il note que la littérature est le champ par excellence de l’accusation. Des accusations et contre-accusations teintées de procès de haine de soi. Le roman francophone recèle de cadavres enfouis sous terre. Dans le rôle d’accusateur parfois des auteurs établis comme Mongo Béti (contre Camara Laye) ou encore Boubacar Boris Diop « passé maître dans l’art de l’accusation ».
Incohérence des « prophètes de l’authentique »
Pourtant, nous dit Elgas, aujourd’hui, la narration a changé et que se risquer à écrire un livre « afro-pessimiste », c’est affronter le véto de la censure, surtout dans les médias hexagonaux de gauche acquis depuis l’époque sartrienne à la cause décoloniale. La langue est aussi un élément de l’aréopage accusatoire au même titre que le déficit d’engagement politique (anticolonial) des œuvres. Avec son style ponctué de phrases assassines, Elgas ne se prive pas de mettre à nu les « contradictions » et les « incohérences » des « prophètes de l’authentique », dont, pour la plupart, le certificat de notoriété a été tamponné en France ! Que ce soit en littérature, en sport ou au cinéma, « il n’y a de gloire africaine que française », écrit-il. Si cette affirmation peut être contestable au vu du décentrement de l’Occident, y compris sur le plan académique (de plus en plus d’Africains choisissent désormais les États-Unis, le Canada ou la Chine pour étudier ou enseigner), elle n’est pas totalement fausse. En effet, sponsorisés par la France qui pave la voie de leur carrière, les maîtres-accusateurs sont plus lus en France que sur le continent et l’ancienne puissance coloniale reste « le centre du débat, le lieu où se fabriquent beaucoup de carrières », y compris pour la frange la plus extrême des accusateurs (Kémi Seba). Comble de l’ironie, les médias français (Rfi, France24) sont devenus des « façonneurs de réputation » pour ces derniers. Cette violence symbolique débouche sur « une aliénation sophistiquée qui a toutes les apparences de l’émancipation », parce qu’en nourrissant les rebelles, la France les domestique presque. Habile, l’aliéneur s’est emparé des armes du rebelle ! Le résultat est une « aliénation du contre-discours » avec, au passage, quelques belles « prise[s] de guerre », à l’image d’Achille Mbembé, symbole du post-colonialisme, choisi par Macron pour piloter le sommet de Montpellier d’octobre 2021 avec la jeunesse africaine, faisant de lui la cible de ses souteneurs d’hier.
Contre l’essentialisation du fait colonial
Notant une « sophistication épistémologique de l’accusation » avec comme cheval de Troie la création du Codesria dont la mission est de s’attaquer à la racine épistémologique de la perdition, Elgas relève un « mariage étrange et tragique entre des devanciers honorables et des héritiers sectaires mais populaires ». On touche du doigt le cœur de son raisonnement : le courant décolonial légitime le ressentiment ! « Les intellectuels qui ont joué avec ce discours sont comptables, parce qu’ils ont donné quitus à une pensée relâchée et vengeresse », accuse-t-il. En dépit de la victoire de la pensée d’émancipation décoloniale, devenue la vulgate admise et partagée, il persiste pourtant un tenace malaise : toute critique de l’Occident, comme le « mal fondateur », découvre, en son cœur même, une critique d’esprits africains représentés comme les « maillons faibles », le vecteur pathogène. Une victoire à la Pyrrhus donc, puisque créant les conditions de la poursuite de l’accusation. S’il critique l’essentialisation du fait colonial – « l’histoire africaine ne se résume pas à la colonisation », écrit-il –, Elgas n’absout pas pour autant la France. Coupable de vouloir maintenir l’illusion salvatrice de sa mission africaine, celle-ci « est la grande responsable de son rejet sur le continent africain », écrit-il, donnant une légitimité historique à ce qu’il est convenu d’appeler le « sentiment anti-français ». La violence de la politique d’accueil des migrants africains, les interventions militaires mal avisées sur le continent et surtout l’extension du domaine de la Françafrique, non seulement dans le champ institutionnel, mais aussi de la médiasphère et du sport, sont le « moteur » de ce sentiment de rejet. Cependant, il urge, à son avis, de se départir du primat communautaire, de « cette passion souvent triste, nourrie par la rancœur ». « Assumer les fêlures, ce n’est ni les guérir, ni vivre sous leur emprise, mais les apprivoiser », dit-il. En définitive, pour Elgas, la querelle de l’aliénation tient beaucoup de l’ego et elle prend en otage le potentiel créatif de la jeunesse africaine. L’autre enjeu, c’est la création sur le continent d’aires de discussion, « des espaces de dialogue apaisés qui n’en réfèrent pas toujours à l’extérieur pour cultiver une conversation sans illusion et sans fétichisation d’un âge d’or ». Autrement dit, se réapproprier l’avenir et assumer pleinement notre destin. Si le diagnostic est imparable, on peut regretter que l’auteur se montre laconique sur comment guérir de cette « passion triste » qu’est le ressentiment ! Ce qui n’enlève rien à la qualité de cet ouvrage…
PAR Dié Maty Fall
SÉNÉGAL, PAYS DE LA TÉRANGA ET DE NOS KHALIFES
Le vrai débat face à cette forme d’opposition dont le visage est sombre, radical et subversif, et qui avance encagoulée, c’est son projet de société. La tentation salafiste, l’insurrection dans une démocratie, la prise en otage de la liberté des citoyens
Ndeketeyo, il y avait pire que la frustration et le refoulement, l’irresponsabilité, l’amateurisme, le dilettantisme, l’inculture démocratique et politique comme mode de fonctionnement des nouvelles forces antirépublicaines. Il y a aussi et surtout l’agenda subversif de l’obscurantisme religieux, l’usage de la violence, des émeutes, de l’intimidation, de la manipulation et du fake news en vue d’arracher le pouvoir. Le parcours de ces nouvelles forces est implacablement jonché de jeunes victimes manipulées, appelées par elles à l’insurrection (mortal Kombat) face à un État de droit, organisé et démocratique.
À cet égard, ne nous laissons pas divertir par le débat sur le 3ème mandat, la 3ème candidature ou le second mandat de 5 ans, qui semble être une grande diversion organisée à dessein dans un amalgame hétéroclite surfant sur l’actualité de la sous-région, l’anti-CFA, la françafrique, morte de sa belle mort depuis, et une nouvelle souveraineté bâtie sur les épaules de Wagner. Face à l’agenda caché religieux, celui de l’extrémisme, de l’intolérance et du radicalisme de triste réputation dans les camps de jihadiste et les pépinières de moudjahid (soldats du Califat), le 3ème mandat reste toujours une ligne de fracture, mais une peccadille au regard d’un pire danger. Avec du réalisme (realpolitik), du dialogue (hiwar) politique et de la sagesse (ikhma), il est possible de venir à bout de cette question.
Cette peste islamiste menace davantage la stabilité de la République, la cohésion sociale de la Nation et la Démocratie que ne peut le faire le débat politique sur le mandat. Dans tous les pays où elle a sévi et continue de sévir, le chaos qu’elle a créé dans l’Etat et la Société, a fait s’effondrer les structures organisées (Syrie, Irak, Afghanistan...) ou menace de le faire (Sahel).
Le vrai débat, c’est la question de la tentation salafiste, de la terreur, de l’insurrection dans une démocratie, de la prise en otage de la liberté des citoyens et des commerçants, à laquelle la société n’est pas prête à consentir. Car c’est méconnaître notre africanité que de jouer avec ces allumettes qui ont fini de faire long feu en Algérie, au Maroc, en Mauritanie, en Égypte (assassinat du Président Sadate par les salafistes) et en Tunisie, pour s’en arrêter à notre continent.
Les vrais enjeux sont environnementaux, sont liés à l’équité sociale et territoriale, à l’égalité des citoyens, entre autres.
Le vrai débat qui nous interpelle face à cette forme d’opposition dont le visage est sombre, radical et subversif, et qui avance encagoulée, c’est son projet de société. Ce qui interroge, c’est le projet de société porté par l’agenda religieux de ces nouvelles forces qui ont fait irruption dans le paysage politique sénégalais. Un agenda en contradiction avec les valeurs sociales, religieuses, sociétales et sociologiques sénégalaises.
Que signifient pour nous autres Sénégalais, croyants ou pas, musulmans, chrétiens, juifs, animistes, ou sans obédience religieuse, les termes da’wa (prosélytisme et activité de propagande basée sur la séduction et la démagogie), émir (celui qui donne les ordres), ansar (chevalier), califat (État soumis à la charia), revenir à la religion pure des anciens (salafisme), faire de l’Islam une idéologie politique figée dans la Charia (islamisme), opérer une rupture complète et intransigeante avec le passé institutionnel et politique (radicalisme), revenir aveuglément au texte originel pur (fondamentalisme), y compris quand cela va à l’encontre des lois et de la laïcité, déclarée comme le plus grand péché (shirk), celui d’idolâtrie et de polythéisme (mushrikin). Cela ne signifie pas grand-chose ou alors rien de rassurant.
Dans le discours actuel que l’on peut voir sur les réseaux sociaux, le projet porté par des apprentis sorciers, qu’on croirait venus du Moyen-Âge, veut faire croire que les Sénégalais seraient des mécréants (kouffar), c’est à dire des gens qui croient mal ou qui ne croient pas à l’Islam, parce que nous pratiquons l’islam sunnite de rite malékite, parce que nous adhérons librement à nos confréries, parce que nous aimons et respectons nos guides religieux. Alors que ces terroristes religieux, eux, n’aimeraient qu’Allah (SWT) et pourfendraient les vices, débauches et turpitudes de leurs concitoyens malgré eux. Ils ne sont pas à une contradiction près, car ils adoreraient aussi ces créatures maléfiques créchant dans des lupanar où l’on masse, tout ce qui est en dehors de Dieu (taghout). Ils respecteraient la femme licite (alzawaj) mais à l’occasion, ils ne cracheraient pas sur un butin de guerre (gnanimah) en chair et en rondeurs. En quelque sorte, ils seraient les farouches gardiens de nos mœurs, us et coutumes. Une rhétorique propagandiste que ledit apprenti-sorcier lui-même a tenté d’atténuer à une autre occasion. Mais le mal est rendu, ce qui est dit est dit, et n’est pas tombé dans l’oreille de sourds.
Cet argumentaire spécieux basé sur le mythe fondateur de la libération du monde arabo-musulman, est, du reste, accrédité par d’autres faits et actes qui laissent conclure au lien entre Pastef et le jihadisme radical islamiste.
Primo. Me Ngagne Demba Touré, greffier au Tribunal de Dakar, Secrétaire général de Pastef Grand-Yoff et Imam a dévoilé le projet de Pastef, le 12 février 2023 : « Élire Ousmane Sonko à la magistrature suprême n’est qu’une étape du projet de Pastef, le but ultime consiste à changer radicalement le visage du Sénégal. Pour savoir les tenants et les aboutissants du projet, référez-vous aux statuts du parti dans son article 5 ou son préambule. Je l’avais dit à Pikine et je le répète, vous allez voir que la conduite de Pastef a pour finalité d’éveiller les êtres humains pour qu’ils cessent de vénérer les humains comme eux au profit exclusif du Créateur (Dieu). Autrement dit, faire de telle sorte que le pays soit souverain sur le plan politique, économique et militaire. En réalité, notre projet, c’est de mettre fin à la vénération de l’homme pour la vénération exclusive de Dieu et point final. » Dans cette harangue, le mot arabe « Da’wa » de Pastef pose problème car il est, ici, manifestement dirigé, contre les foyers religieux de notre pays, les talibés et leurs vénérés guides religieux et la communauté chrétienne. Voici ce qu’on peut lire dans l’Article 5 des statuts du Pastef intitulé Doctrine politique : « Pastef/-Les Patriotes s’attache à promouvoir, en puisant dans les valeurs africaines positives, une doctrine politique centrée sur la défense constante et prioritaire des peuples, dans le respect des orientations et exigences suivantes: la garantie de la cohésion sociale et de l’épanouissement de tous; la souveraineté, le panafricanisme, la solidarité internationale contre l’impérialisme ».
Secundo. Le théologien suisse adepte d’un islam rigoriste, Tarik Ramadan, petit-fils du fondateur des Frères musulmans, Hassan el-Banna, soutient le président de Pastef englué dans des affaires de justice, dans un post Facebook daté du 8 mars 2021: « La France est historiquement une habituée de l’élimination juridique, médiatique et même parfois physique des personnalités politiques qui la gênent. On sait ce qu’il est advenu de certains leaders, de Lumumba à Ben Barka, ou à Sankara…Voilà que le Sénégal, bon élève et aux ordres, suit les traces de son ancien et continuel colonisateur. Ce n’est pas le calme au Sénégal qui est en jeu, c’est surtout les intérêts de l’État français ou de PDG de multinationales, comme Bolloré, qui sont à risques. Le reste, c’est de la mise en scène pour l’écarter… ou peut-être pire, même s’il continue de clamer tout haut son innocence ». Il sera jugé ce premier semestre 2023 pour viol par la justice genevoise, et est également accusé de violences sexuelles par plusieurs femmes, faits pour lesquels il est actuellement mis en examen et menacé d’un procès aux assises en France. À Dakar, ses conférences faisaient salle comble autrefois.
Tertio. L’absence du maire à la commémoration des 20 ans du naufrage du Joola, la première sous son magistère débuté en janvier 2022. Le 26 septembre de la même année marquant la commémoration de cette tragédie maritime qui a anéanti ses administrés, le Premier magistrat de Ziguinchor, ville dont sont originaires l’essentiel des 1863 victimes officielles, est aux abonnés absents. Il a plutôt pris part à la conférence de presse des leaders de Yewwi à Dakar et se fait représenter par son adjoint. La philosophie qui sous-tend cette absence est la même que celle qui a conduit à la destruction des mausolées de Tombouctou…Vénérer ou même visiter des tombeaux serait Haram comme l’est la lecture de livres (Book) occidentaux, selon Boko Haram (Book are Haram).
Quarto. Ibrahima Louis Mango, professeur de Lettres modernes et père du plus jeune bachelier (14 ans) du Sénégal, issu de la génération de Sonko, Yérim Seck, Mounirou Sy et Abdourahmane Diouf à l’UGB (première promotion dite Sanar 1) et actuellement membre du MPCL/Luy Jot Jotna, témoigne, sur la plateforme Facebook-Youtube de "En direct de Pikine", de la réalité politique des leaders du futur Pastef germée à ses débuts dans le terreau de la violence, l'intolérance et le sectarisme. La violence de ces talibans (étudiants), actuels noyaux durs du Pastef, s'exercera selon le témoin Mango, contre le dahira Tidiane des étudiants de l'université, véritables bêtes noires de leur islamisme radical. « Sonko et compagnie ont violemment empêché leurs camarades Tidianes d’effectuer leur wazifa, considérant que c’était du « bida ». Sonko et compagnie n’étaient ni Mourides ni Tidianes, ils leur étaient opposés et pratiquaient déjà du radicalisme islamiste. Les étudiants Mourides sont alors venus au secours de leurs frères Tidianes dès le lendemain, armés de leur « kourou Baye Fall » (gourdins de Baye Fall) et les ont invités à faire leur wazifa sur leur lieu de prière situé sur le terrain de basket. Face à la détermination des étudiants Mourides à protéger leurs camarades Tidianes, le groupe religieux de Sonko avait reculé, mais le mal était déjà fait et l’affaire avait fait grand bruit à l’époque.
Parmi les actes, des déclarations publiques de testament (wasiyah) de martyrs (chahid), prêtant allégeance non pas au Prophète Muhammad (PSL) mais à leur émir du moment, qui s’apprêtent à livrer combat (quital) et à mourir en son nom, contre les fausses religions de la démocratie et la laïcité, à l’encontre de notre libre arbitre. Une véritable secte d’adeptes du schisme politico-religieux, de la guerre civile, de la division des musulmans (fitna). Les fondamentalistes wahabites et salafistes considèrent comme hérésie la vénération des « saints », des mausolées, des mosquées et des manuscrits anciens. Selon leur définition, il ne peut y avoir de vénération que d’Allah (SWT) et il n’y a pas d’élus de Dieu ni d’intermédiaire entre le croyant et le Tout-Puissant. Ainsi, ils considèrent le fait de commémorer l’anniversaire du Prophète Muhammad (PSL) comme une hérésie. Alors si on ne célèbre pas le meilleur des hommes, comme nous le croyons ici au Sénégal, il n’y aurait aucune raison de commémorer de « simples » naufragés.
Bien au contraire, il y a bien des élus de Dieu et des intermédiaires pour la guidance intérieure des âmes sur ordre divin, si l’on en croit ces sourates et versets du Coran : Sourate Les Femmes (An-Nisâ), verset 59 « Ô vous les croyants, obéissez à Dieu et obéissez à Son Prophète et à ceux d’entre vous qui détiennent le pouvoir »; Sourate Le Butin (Al-Anfâl), verset 33 « Dieu ne va pas les châtier, alors que tu es parmi eux », le pronom tu désignant un prophète ou un imam. « Car Dieu retient Son châtiment contre les gens de la terre, quand il y a en elle un prophète et un iman ». Le Coran dit aussi dans la Sourate Les Prophètes (Al-Anbiyâ), verset 73 « Nous les fîmes des imams qui guident par Notre Commandement ». Plusieurs traditions ont été rapportées qui insistent sur la nécessité d’un imam pour diriger les hommes et la création. « Tant que des hommes vivront sur la terre, il est indispensable qu’il y ait une preuve de Dieu, c’est-à-dire un représentant de Dieu pour eux, afin qu’il leur enseigne les règles de la foi, de la pensée et de la société. »
À Tombouctou, en 2012, les jihadiste ont détruit la cité des 333 saints, consacrés par les populations comme « élus de Dieu et dépositaires de sa miséricorde et de sa bienfaisance », réduisant en poussière 24 mausolées datant du XIV ème siècle pour les plus anciens, et dont 16 sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces mausolées qui témoignent du passé prestigieux de Tombouctou, jouent par ailleurs un grand rôle social car ils constituent un rempart psychologique pour les Tombouctiens.
Nous, au Sénégal, notre projet est le suivant : partager un commun vouloir de vie commune, choisir la paix, le pacifisme, la tolérance, la concorde religieuse, le respect de la différence et de la dignité d’autrui, la communion, l’hospitalité, l’ouverture dans l’enracinement, le culte de la mère et, à travers elle, celui de toutes les femmes, le droit au pardon, à l’erreur, au repentir sincère, la main tendue, la liberté de presse et d’expression…..Au-delà de sa différence, l’autre est un autre soi-même.
Nous faisons nôtres les valeurs de l’Islam, religion majoritaire au Sénégal, nôtres aussi les valeurs de la chrétienté, religion minoritaire mais ô combien utile et nécessaire à l’expression complète de notre projet de société. Quelles que soient nos différences, nous nous entendons, une obligation de par notre Constitution par ailleurs, sur le fait de ne pas établir de discrimination entre nous, Sénégalais et hôtes étrangers qui vivent parmi nous. Avant l’irruption de cette tentative d’apostasie politico-religieuse, notre entente sociale, ethnique, religieuse, politique a toujours reposé sur toutes ces valeurs communes, socle de notre projet humain de base. Un peuple, un but, une foi : le Sénégal fonctionne comme une seule tête, on ne peut la couper ni la diviser, alors dans la pirogue Sunugal, mieux vaut ramer dans la même direction.
Vouloir s’attaquer à ce fondement philosophique et à ces fondations religieuses relève d’une vaste blague de potaches islamistes. Chaque génération de post-adolescents a bien droit à son frisson insurrectionnel du rite initiatique traditionnel. Après, il faudrait grandir en sagesse et revenir sur terre. Patience et persévérance font le lit des endurants. Le courant des Frères musulmans ne peut pas s’implanter au Sénégal comme il a pu le faire en Égypte dans les années 20. Nos réalités nationales et intrinsèques jurent d’avec les aspects de la pensée salafiste arabe.
Ce que les anciens ont créé sur la terre sénégalaise, pendant des siècles et des siècles de syncrétisme religieux et de brassage-absorption-fusion de populations, de cultures et de cultes, personne ne peut le déraciner, pas même des apprentis salafistes encagoulés (tiens tiens….).
Cette longue et patiente formation de strates démographiques, culturelles, sociales et religieuses nous vaut aujourd’hui de nous distinguer, en Afrique et ailleurs, comme le pays de la Teranga où tous veulent investir et tenir leurs activités de réflexion (séminaires et ateliers) ou sportives et culturelles, au grand bonheur des réceptifs hôteliers, des sociétés de services, des restaurants, des lieux de loisirs, bref du tourisme et de l’économie en général.
Heureusement pour son propre intérêt, le Sénégal ne vend pas de la violence physique et verbale, des émeutes, des manifestations violentes, des fake news, des comportements antirépublicains, de la terreur, du racisme, du sectarisme, de l’antiféminisme, de la misogynie, de l’enfermement et autres bâches idéologiques. Le Sénégal défend plutôt le respect de la différence dans tous les domaines, du sutura, du jom, du fiit, des valeurs de la philosophie de notre ancêtre Kocc Barma, du pacte ceddo, des recommandations des Livres (Coran, Bible, Torah, Bouddhisme) et de Dieu, dans le respect encore une fois des différences.
Le Sénégal protège aussi la tolérance sexuelle dans le respect de la dignité et des valeurs communes : carnet de santé pour les travailleurs du sexe, place de pionnier dans la lutte contre le sida et la recherche sur le premier vaccin mondial, salons de « massage », et tutti quanti. Le Sénégal préserve l’accès libre et responsable aux breuvages non-sucrés : la plus grande brasserie de boissons non-halal est implantée à Dakar dans un pays peuplé à de 95% de musulmans. Le Sénégal garantit la liberté d’expression, de culte et les libertés collectives dans le respect de la loi et de la responsabilité. C’est pourquoi des offres alternatives dans tous domaines y coexistent pacifiquement. Nous fêtons ensemble Tabaski, Korité, Noël, Pâques, Ascension, le Grand Bal de Youssou Ndour, notre ministre du Bonheur....
Les Sénégalais respectent et vénèrent leurs figures tutélaires et emblématiques de l’Islam noir, et notre archevêque, comme des pères et des grands-pères. Nous honorons Marie, Mame Diarra Bousso et Zeyda Mariama Niasse, entre autres, comme des mères et des grands-mères. Nous élevons Dethiefu Ndiogu et Diery Dior Ndella au Panthéon. Nous aimons et chérissons nos anciens Présidents de la République, qui ne commandent plus que la télécommande de la télé que leurs petits-enfants leur disputent. Libre à chacun de choisir son Khalife général, sa confrérie, son Gamou, son Magal, son Pèlerinage marial, son 15 août, son Église ou son Damel. Face à la croissance exponentielle de notre capitale et dans notre marche vers la modernité et l’émergence, ils nous sont, nos confréries (Layennes, Mouridiya, Tidjaniya et Qadriya), nos Khalifes généraux, notre Grand Serigne de Dakar et tous nos érudits, des acteurs essentiels de notre « dunya » et de notre « al alakhira ». Notre rapport au legs de nos grands érudits est émotif, oui. L’administration sénégalaise, intelligente et faisant preuve de résilience, en prend acte et délivre à qui la demande, une autorisation de s’absenter pour aller honorer sa confrérie ou son église. C’est un héritage dont tout Sénégalais est fier. Ceux qui ont un autre héritage, qu’ils le fructifient en respectant celui des autres.
Le rappel est utile au musulman. Il s’avère nécessaire de rappeler les fondamentaux lorsqu’il advient que des personnes deviennent amnésiques ou aveuglées par leur desiderata. Au Sénégal, le sauveur attendu de tous les musulmans et guidé par Dieu (El Mahdi) a déjà montré le chemin à la fin du XIX ème siècle, à Yoff, en face de la mer. Il est célébré tous les ans par des milliers d’adeptes enthousiastes et sincères : les Layennes sont réputés « opposés au système des castes, connus pour leur souci de la propreté, aussi bien physique que morale, prônant un Islam propre et sincère ». Nous n’avons donc pas besoin d’être « sauvés » par des politiciens en perte de repère et avides de pouvoir et de femmes. Le Sénégal est un pays ouvert et c’est notre liberté d’avoir un islam noir dans la pure tradition négro-africaine. Personne n’a le monopole de la vérité. Chacun pour soi dans l’islam confrérique ou l’islam réformiste, et Dieu (SWT) pour tous. Dieu, et les FDS, sauvent le Sénégal !
par Mohamed Tamega
MERCI CAMARADE IBRAHIMA SÈNE
Son sens de la discussion politique, ses intuitions militantes, ses analyses éclairaient d’une lumière qui n'éteindra jamais l’orientation de notre parti et celle de nos luttes
Ibrahima Sène était une conscience vive et irrésistible de la lutte des classes et de nos combats communs. Bien au-delà des frontières du Sénégal, Sène a marqué de son empreinte l’histoire des luttes des peuples pour leur émancipation. Ses exposés, en tant qu'intervenant, dans les agoras de la fête de l'Humanité à Paris, ont fortement contribué à renforcer parmi nos camarades du monde entier, réunis sur trois jours dans la plus grande fête des progressistes de la planète, l'intelligence des luttes en Afrique et au Sénégal.
De l’intellectuel et du militant qu’il était tout à la fois, sans jamais cloisonner l’un et l’autre, je me rappelle et retiens son rapport critique aux ressources théoriques de nos convictions politiques et de sa récusation constante des réflexes dogmatiques, d'où qu'ils venaient.
Alors que certains veulent imposer à l’avenir de notre pays le choix moribond entre patriotisme étroit et impérialisme aménagé, mon camarade Sène articulait patriotisme et internationalisme progressiste.
Son sens de la discussion politique, ses intuitions militantes, ses analyses éclairaient d’une lumière qui ne s'éteindra jamais l’orientation de notre parti et celle de nos luttes.
Avec son immense culture générale et politique bien ancrée à gauche, Ibrahima Sène était un rempart irrésistible à la contagion sournoise et diffuse du poison du catéchisme néolibéral dans l'opinion.
Je me souviens de l'une de ses remarques, à l'occasion d'une conversation politique et amicale, sur la notion de « résistance », une catégorie passée dans l'usage populaire depuis quelques années. Il soutenait que si cette notion valait son pesant de stratégie, elle n’a pas vocation à devenir l’horizon des luttes d'émancipation. Il ajouta qu'à ce titre il est temps qu'elle cède la place à celle d'alternative, celle dont notre projet et nos propositions sont porteurs.
Depuis près de deux ans les espaces sociaux d'expression de Sène sont assaillis par un nouveau type de phénomène.
Des activistes, se voyant en révolutionnaires, y déversent leurs invectives et chérissent sans le savoir les causes des conséquences qu'ils prétendent combattre.
Des médecins entrepreneurs et intéressés qui caressent le rêve de créer un gouvernement des médecins dans notre pays ; De jeunes entrepreneurs libéraux qui piaffent d'impatience d'accaparer les marchés publics ; De jeunes diplômés friands de "gestions rationnelles mais endogènes" ... Avec ces fêlés qui aspirent à diriger notre pays, précisons que nous n'avons aucun mépris pour ceux qui souffrent de pathologies psychiques mais plutôt une sincère empathie et solidarité, nous sommes littéralement dans la maison des fous.
En bref, un mouvement d'individualisme populaire avec comme seule et unique visée le remplacement de l'oligarchie actuelle par de nouveaux riches qui viendront de leurs rangs.
Ils prenaient d'assaut la page de Sène et l'intimidaient pour le réduire au silence.
Quel soit ce que pensent ces activistes égarés, pour qui, comble de leur tyrannie, la politique n’a besoin ni de la pensée, ni des idées justes, Ibrahima SENE est resté ferme dans ses convictions, face à leurs violences, leurs menaces, leurs insultes, droit dans ses bottes quant à leurs implications et orientations politiques. Sans jamais rien en rabattre.
Militant de l'anéantissement du capitalisme, combattant infatigable de la justice, camarade Sène aura laissé des traces certaines dans la mémoire de nos luttes passées et servi de balise pour celles à venir.
Sène savait que le travail nécessaire au but final de nos convictions est au long cours et laborieux. Il savait surtout que la poursuite de ce but appelait à trouver des appuis dans les contextes politiques précis, nécessaires par moments, mais insuffisants et transitoires. Il savait et expliquait sans ambiguïté que ces appuis pouvaient mener à des alliances politiques difficiles, mais légitimes et utiles à faire avancer notre mouvement vers l’émancipation collective et individuelle. Comment expliquer à ces tard-venus à la politique que l'une des figures emblématiques contemporaines du camp du progrès, de la justice et de l'égalité sociale a fait alliance avec un parti de centre droit, c'est-à-dire une formation libérale, pour reconquérir en 2022 le pouvoir au Brésil. Comment leur expliquer que l'urgence des enjeux l'emportent sur les orientations idéologiques initiales ? Que les dernières impliquent la prise en charge des premières ? Que les deux se confondent dans le long processus des luttes sociales et politiques.
Le devoir de vérité et de franchise impose de leur dire clairement que le nouvel enjeu et la nouvelle urgence auxquels notre pays fait face, auxquels doivent répondre les mouvements progressistes de notre pays, avant toute chose, c'est de conjurer le danger qu'ils représentent, eux et leur projet.
En dépit des violences qui le prenaient pour cible, Ibrahima Sène restait sur le pont, ferraillant à l'appui d'arguments avec ses adversaires, tout en faisant valoir et grandir dans l'opinion les motifs des politiques qu'il soutenait.
La tâche était pénible et grosse de dangers, surtout quand on est pris à partie par des fanatiques agités, des activistes identitaires et individualistes qui crient « vive la violence brute, à mort la discussion politique et la raison" !
Ibrahima Sène le savait, mais n’entendait pas renoncer au combat, ni aux causes, justes, qu'il portait. Ce serait pour lui se livrer pieds et mains liés à la pire des morts que de renoncer à l'effort politique pour rendre meilleur le monde, en changer la base actuelle, cause de tous nos malheurs, "ventre fécond des monstres " qui s'en prennent aux voix discordantes dans notre pays.
Je salue le courage irrésistible de Sène, "refusant de se retirer en silence », pour saluer tous les apports, dont il a été pour notre combat commun, que je ne peux énumérer ici.
Étant resté fidèle à nos convictions, ainsi qu’à notre projet démocratique et républicain d’émancipation de notre peuple, malgré l’injonction ambiante, violente et folle qui se répand dans notre pays et somme tout le monde de rejoindre le messie crétin inculte en chef à la mode, dont le projet exclusivement fiscaliste et moraliste dévoie les aspirations légitimes des masses laborieuses, Ibrahima Sène est désormais le nom propre d’une exigence qui s’adresse à tous les progressistes de notre pays : continuer, continuer le combat contre le capitalisme et les monstres qu’il enfante.
Il était un exemple vivant de l’engagement politique, du bon côté de la barrière, tel que le monde en a besoin pour endiguer la vague de dépolitisation qui y déferle et alimente les politiques de mort, destructrices de « l’Homme et de la nature ».
Camarade Sène, en écrivant ces lignes, depuis un amphithéâtre du palais du Pharo à Marseille, où je me trouve pour le congrès du PCF, que tu reconnaissais et appelais « parti-frère », montent en ce moment même à l’assaut de toutes les transcendances, de celle du capital et de la finance comme du ciel, ces mots de l’Internationale: « Le monde va changer de base. Nous ne sommes rien, soyons tout. » Un militant, un camarade, disons-nous dans notre jargon, ce sont des tâches. Les tâches qui étaient les tiennes, camarade, pour ce changement de base du monde qu'appellent ces vers d'Eugène Potier, tu les as accomplies, avec science, fraternité et générosité, malgré la férocité de la résistance des tenants de l'ordre dominant, la violence de la bêtise de leurs nouveaux idiots utiles sous nos cieux au Sénégal.