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10 août 2025
LA LITTÉRATURE AFRICAINE EST NÉE DANS LE CHAMP COLONIAL
Les Bons ressentiments. Essai sur le malaise post-colonial est le titre du nouvel ouvrage de l'écrivain et sociologue sénégalais Elgas, paru aux éditions Riveneuve. L'auteur explore la complexité des relations entre les écrivains africains et l'Occident
Les Bons ressentiments. Essai sur le malaise post-colonial est le titre du nouvel ouvrage de l'écrivain et sociologue sénégalais Elgas, paru aux éditions Riveneuve. L'auteur explore la complexité des relations entre les écrivains africains et l'Occident. Il passe en revue plus d'un demi-siècle d'histoire intellectuelle et littéraire de l'Afrique - de Cheikh Anta Diop à Mohamed Mbougar Sarr, en passant par Léopold Sédar Senghor ou encore Yambo Ouologuem.
Face au malaise persistant, à la radicalisation des discours et à la tentation de la surenchère identitaire, Elgas invite ses pairs à s'ouvrir davantage au pluralisme des idées, condition sine qua non à l'éclosion d'idées et initiatives nouvelles, porteuses d'avenir et de réussite pour le continent.
L’Europe et l’Afrique doivent regarder dans la même direction pour ‘’retisser’’ leur lien et ‘’faire communauté’’, a estimé le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne
’La meilleure manière de retisser un lien, de faire communauté, c’est de regarder dans la même direction et de se fixer des objectifs communs’’, a-t-il dit.
L’enseignant à l’université de Columbia aux Etats-Unis s’exprimait récemment à la fin du colloque ‘’(Re)fonder le lien Europe-Afrique’’, organisé à l’Auditorium du journal Le Monde, à Paris, par les magazines Le Monde diplomatique et Continent premier.
Des diplomates, d’anciens ministres, des chercheurs, des économistes, des jeunes de la diaspora, etc., ont participé à cette rencontre qui entre dans le cadre du ‘’Gingembre littéraire’’ initié par le directeur du magazine Continent Premier, Gorgui Wade Ndoye, un journaliste sénégalais basé à Genève.
La nécessité de bâtir une nouvelle relation entre les deux continents a été abordée pendant une journée à travers trois tables-rondes ‘’Europe-Afrique : dialoguer autrement’’, ‘’Relations économiques, de la verticalité Nord-Sud à l’horizontalité d’un partenariat entre égaux’’ et ‘’La nouvelle géopolitique, une chance pour renouveler la relation Europe-Afrique ?’’.
Dans son propos de clôture, le philosophe a vanté une ‘’Afrique nouvelle’’ qui se met en place dans la perspective d’‘’un futur souhaitable’’ à co-construire avec l’Europe.
‘’Il est question de construire un lien avec une Afrique nouvelle. Une Afrique qui a pris conscience d’elle-même, avec les atouts que représentent ses ressources naturelles, mais aussi démographiques, pourvue que ces populations soient bien formées et mises en situation d’entreprendre, d’innover et de créer’’, a-t-il souligné.
Selon lui, le colloque ‘’a permis de voir profond et de voir large sur un sujet qu’est la refondation de la relation entre l’Europe et l’Afrique ; quelles actions devons-nous entreprendre aujourd’hui en vue d’un futur souhaitable à co-construire dans la relation entre l’Europe et l’Afrique’’.
Affronter le poids de l'histoire
Il a souligné que ‘’dans cette démarche, l’histoire a toute son importance et a son poids’’. L’histoire entre l’Europe et l’Afrique étant ‘’une histoire qui pèse, ce poids il faut l’affronter’’, a-t-il suggéré.
Après l’afro-pessimisme, une ‘’Afrique nouvelle’’ se met place et construit ‘’de plus en plus son propre agenda’’, qui est celui ‘’d’un panafricanisme revivifié’’, a-t-il salué.
Il a rappelé l’avènement, depuis janvier 2021, de la Zone de libre échange continentale (Zlecaf). ‘’(…) ce n’est pas rien. Cela veut dire que la direction est prise. (…) L’idéal fédéraliste s’est au fond réveillé’’, a-t-il dit, non sans reconnaître que la démocratie ‘’est en très mauvaise santé’’ sur le continent, comme dans le reste du monde d’ailleurs.
Selon lui, ‘’l’Afrique est en train de développer des partenariats et entend développer des relations avec elle-même’’.
‘’Cela veut dire que les pays africains eux-mêmes sont en train d’avoir des politiques africaines’’, s’est réjoui le philosophe.
Dans le cadre de ces partenariats, dit-il, le continent entend que ‘’son propre agenda’’ soit pris en compte, a-t-il dit.
Il a rappelé que ‘’ce qui a établi une asymétrie dans les relations entre l’Europe et l’Afrique, c’est que l’Europe avait son agenda’’ alors que ‘’l’Afrique ne semblait pas avoir d’agenda’’.
Souleymane Bachir Diagne a évoqué la construction d’une Afrique qui n’est plus celle des ‘’liens verticaux’’ avec l’ancienne puissance coloniale, symbolisés par le fait que la plupart des infrastructures-routes et chemins de fer-partaient des points d’extraction des richesses jusqu’à la côte. Il s’agit maintenant, selon lui, de mailler l’Afrique en infrastructures pour construire l’espace africain.
L’enseignant a relevé que c’est dans ce cadre qu’il y a un agenda qui indique qu’il faut accorder la priorité aux infrastructures, pour que l’Afrique ‘’soit véritablement unie’’. Cette perspective permet que l’on puisse quitter, avec sa voiture, Dakar pour se rendre à Lagos, a-t-il encore dit.
“S'endetter pour construire des infrastructures a un sens”
Partant de là, il ne faut pas s’étonner de la place importante qu’a prise la Chine sur le contient, a estimé Souleymane Bachir Diagne.
Il a rappelé que ce n’était pas la tradition des puissances européennes d’investir dans les infrastructures qui estimaient qu’il y avait ‘’très peu de rendement, de retour sur investissement’’ dans les infrastructures.
Selon lui, la Chine présente l’intérêt pour les pays africains d’investir dans les infrastructures, c’est-à-dire de faire en sorte que l’Afrique ‘’soit un espace unifié, un espace plus homogène possible’’.
Par rapport aux voix qui s’élèvent contre cette politique, il a déclaré : ‘’On a raison de dire qu’il faut se méfier ; qu’il ne faut pas qu’on soit prisonnier de la dette, mais il y a de bonnes et de mauvaises dettes. S’endetter pour cela a un sens. Et de toutes les façons, tout le monde s’endette vis-à-vis de la Chine. Ce n’est pas pour rien qu’elle est la deuxième puissance économique mondiale (…)’’.
Pour sa part, l’ancien ministre des Affaires étrangères, du Sénégal, Cheikh Tidiane Gadio, a estimé que refonder le lien entre l’Europe et l’Afrique prendra du temps à cause du passif humanitaire lié à l’esclavage, la colonisation et le post-colonialisme.
Selon lui, il faut ‘’inventer une nouvelle relation’’ et ‘’ne pas vivre dans l’amertume’’.
Les Africains peuvent prendre leur destin en main grâce aux nombreux atouts dont regorge le continent, de l’avis de M. Gadio.
Défaut de leadership
‘’Nous avons tout. Nous sommes le continent potentiellement le plus riche du monde. On a un milliard de jeunes, des terres qui nous permettent de nous nourrir. On a toutes les ressources naturelles du monde. Il nous manque juste un leadership’’, a-t-il dit.
Selon lui, l’Afrique doit réfléchir et régler elle-même ses propres problèmes.
‘’Nous sommes des adultes. Nous voulons prendre notre destin en main. Nous voulons régler nos problèmes, qu’on arrête de réfléchir pour nous’’, a-t-il exhorté, déplorant l’existence de ‘’20 vingt stratégies’’ pour le règlement de la crise sécuritaire au Sahel.
Il a déclaré que ‘’vingt stratégies Sahel ont effondré le Sahel’’. Reprenant une expression des jeunes en guise de conclusion, il a dit : ‘’Tout ce qui se fait pour nous, sans nous, se fait contre nous’’.
LA GALÈRE DES ÉTUDIANTS
Face aux tensions politiques au Sénégal, les étudiants doivent se taire sur leurs problèmes au risque d’être classés dans le camp du pouvoir ou de l’opposition
La tension politique au Sénégal fait oublier certaines réalités quotidiennes, comme la précarité de la vie des étudiants à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Les problèmes de transport, de restauration et de logements sont toujours préoccupants malgré les efforts des autorités.
Ces étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar racontent donc, sous anonymat, leurs conditions de vie et d’études précaires.
"Moi aussi, j’ai besoin d’un logement comme tous mes autres camarades. La majorité, ce sont des étudiants qui vivent en dehors de Dakar, raconte Adja* avant d’ajouter : Venir de la banlieue, vers Pikine, s’il n’y a pas d’embouteillage, tu peux mettre entre deux heures et deux heures et demie de route. S’il y a un embouteillage, cela peut prendre trois heures de route. C’est anormal pour nous les étudiants."
"En ce qui concerne le logement au campus social, nous avons des chambres qui abritent 23 personnes. C’est vraiment dégoûtant. A l’université, si tu es apolitique, tu vas souffrir sur tous les plans", déplore Cheikh*.
Haut lieu du savoir, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar est en effet un espace politique où s’activent les bases des différents partis et mouvements politiques du Sénégal.
La politique prend le pas sur les problèmes sociaux
Pour Ibrahima Ndoye, étudiant à l’Institut de la gouvernance territoriale, coordonnateur des écoles et instituts de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, les luttes politiques pour le pouvoir font ombrage aux conditions de vie précaires des étudiants. Car elles empêchent les syndicalistes d’exprimer leurs revendications.
"Le syndicalisme est apolitique. Si toutefois ces tensions existent ou sont en cours sur le territoire national, nous sommes obligés, d’une part, de mettre de côté nos revendications et d’observer, d’attendre que la situation revienne à la normale pour ne pas être taxés de politiciens, affirme sur la DW Ibrahima Ndoye. C’est quelque chose que nous déplorons parce que le syndicalisme, je pense que c’est le moteur ou le noyau de la défense des intérêts matériels et moraux des étudiants."
Ces dernières années, des efforts ont été faits pour améliorer les conditions de vie des étudiants de l’Ucad mais ils sont insuffisants, estime Ibrahima Ndoye. Chaque année, entre 85.000 et 93.000 étudiants sont inscrits.
Mais l’université manque d’outils pédagogiques pour les accompagner dans le cadre de la recherche. La qualité de la restauration, l’accès à l’eau et le logement sont autant de défis à relever par les autorités.
* Noms d'emprunt
AFFAIRE PRODAC, LA POSITION CLAIRE D'ALIOUNE TINE
De l’avis d’Alioune Tine, abordant l’affaire Prodac opposant le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang à l’opposant Ousmane Sonko, la question de la diffamation est secondaire. Il l’a fait savoir devant le Jdd, ce dimanche 9 avril.
De l’avis d’Alioune Tine, abordant l’affaire Prodac opposant le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang à l’opposant Ousmane Sonko, la question de la diffamation est secondaire. Il l’a fait savoir devant le Jdd, ce dimanche 9 avril.
Il explique : “Quel est le problème principal qui a été soulevé et qui reste encore une grande énigme ? Les 29 milliards, en 2018, on en a parlé, reparlé. Quand vous prenez les audios et vidéos de débats de télévision, vous entendez des ministres parler du rapport. Cette question est la question la plus éminente. C’est pour cela que je parle de gouvernance d’allégeance. Selon que vous soyez dans ou contre le gouvernement, vous bénéficier de l’impunité. Cela veut dire que l’état de droit ne s’applique pas à vous.”
Or, défend-il : “Nous avons besoin en tant que citoyen sénégalais d’avoir une clarification sur les 29 milliards. Si le procureur de la République est indépendant, il doit permettre aux Sénégalais de savoir. Tant que cette question n’est pas réglée, on ne peut pas parler de diffamation. Cette question est celle à laquelle dépend la question de la diffamation. Cela veut dire que si vous l’éclairez, à partir de ce moment-là, vous pouvez dire s’il y a diffamation ou pas. D’autant plus que le spécialiste sur ces questions, Birahim Seck a écrit un livre, et il est prêt à témoigner.”
Pour rappel, le leader de Pastef Ousmane Sonko reconnu coupable de diffamation a été condamné à deux mois avec sursis et à payer 200 millions F CFA au plaignant. Ce dernier, pas satisfait du verdict, a interjeté appel, tout comme le Parquet.
DÉCÈS D'IBRAHIMA SÈNE
Le chargé des questions économiques du Parti pour l’indépendance et le travail (PIT) est décédé cette nuit, à 76 ans. Grande figure de la gauche et proche collaborateur de feu Amath Dansokho, il a été de toutes les luttes politiques depuis 1960
Le responsable des questions économiques au Parti de l’indépendance et du travail (PIT), Ibrahima Sène, est décédé à Dakar dans la nuit de samedi à dimanche, à l’âge de 76 ans, a appris l'APS de sources médiatiques, dimanche.
Le défunt fut un proche collaborateur d’Amath Dansokho, leader et fondateur du PIT, jusqu’au décès de ce dernier en août 2019. Comme lui, Ibrahima Sène fut une grande figure de la gauche sénégalaise.
A l’image de M. Dansokho, il a aussi pris part à toutes les luttes politiques depuis les années 60. Brillant intellectuel et débatteur hors pair, M. Sène, qui avait aussi le sens de la formule et de la répartie, publiait régulièrement des contributions dans les médias, notamment sur la situation socioéconomique du Sénégal.
Né le 1er mai 1946, Ibrahima Sène a été formé en Union soviétique et aux Etats-Unis. Recruté comme ingénieur agronome dans la fonction publique, il a tour à tour servi à Kolda (sud) et au centre de recherche agricole de Bambey (centre).
A la fois chanteur, journaliste, ingénieur et politicien, il est emprisonné en 1976 pour ses idées communistes. Après sa libération, il est recruté par l’ISRA, l’Institut sénégalais de recherches agricoles.
Entre 1979 et 1986, il devient inspecteur régional de l’agriculture de la région du Sine-Saloum, d’où il est par la suite expulsé par un puissant responsable du Parti socialiste, à l’époque au pouvoir. Il pose ses baluchons à Thiès (ouest), au service semencier du ministère de l’Agriculture, et y reste de 1987 à 1990.
A parti de juin 1990, il est nommé conseiller technique au ministère de l’Agriculture, poste qu’il gardera jusqu’à sa retraite.
PAR Malick Diop
MULTIPLE PHOTOS
RENDRE À CÉSAR CE QUI EST À CESAR
Joseph Diallo était le dernier vivant du groupe des premiers Professeurs africains de ce qui était la Faculté Mixte de Médecine et de Pharmacie des années 1910-1920. Hommage à ces Maîtres auxquels l’Afrique francophone et la France doivent tant
La mort du Professeur Joseph Diallo, ancien chef du Service Universitaire d’Ophtalmologie de Dakar.
« Rendre à César ce qui est à César… »
Le Professeur Joseph Diallo, ancien chef du Service Universitaire d’Ophtalmologie, est décédé le 18 Novembre 2022 à Nice, en France, selon l’annonce du Professeur Alassane Wade, son digne successeur. Il était dans sa 103èmeannée. Le Professeur Diallo était probablement le dernier vivant du groupe des premiers Professeurs africains de ce qui était la Faculté Mixte de Médecine et de Pharmacie, nés autour des années 1910 et 1920. Aux côtés de leurs homologues (et Aînés) français, ils ont bâti une école et créé les conditions d’une tradition marquée par une richesse incommensurable. Ils étaient diplômés, pour l’essentiel, de l’ancienne Ecole de Médecine de l’Afrique Occidentale Française.
A défaut de connaitre leurs parcours respectifs, il me semble important, pour tous les anciens de notre Faculté, d’en connaître au moins les noms, pour remplir un devoir fondamental : celui de la reconnaissance et de la gratitude.
Après avoir longuement échangé avec des collègues, j’ai souhaité rendre hommage à ces Maîtres auxquels l’Afrique francophone et la France doivent tant. Au demeurant, je garde encore vivaces de nombreux souvenirs m’attachant à chacun d’eux.
Qui sont donc ces valeureux pionniers ?
Sauf oubli involontaire de ma part, ils sont au nombre de 27 : Professeur François Dieng (Sénégal, Médecine Légale), Professeur Sadio Sylla (Sénégal, Anatomie-Urologie), Professeur Henri Tossou (Dahomey, Urologie) , Professeur Oumar Bao (Sénégal, Médecine Interne), Professeur Biram Diop (Sénégal, Médecine Interne), Professeur Joseph DIALLO (Sénégal, Ophtalmologie), Professeur Paul Correa (Sénégal, Gynécologie Obstétrique), Professeur Lamine Sine Diop (Sénégal, ORL), Professeur Vincent Dan (Dahomey, Pédiatrie), Professeur Alioune Badara Diouf (Sénégal, Chirurgie Générale), Professeur Edouard Goudote (Dahomey, Chirurgie Pédiatrique), Professeur Ibrahima Faye (Sénégal, Dermatologie), Professeur Ibrahima Diop Mar (Sénégal, Maladies Infectieuses), Professeur Papa KOATE (Sénégal, Cardiologie), Professeur Paul Adolphe Menye (Cameroun, Cancérologie), Professeur Marc Sankale (Sénégal, Médecine Interne), Professeur Gabriel Senghor (Sénégal, Pédiatrie), Professeur Oumar Sylla (Sénégal, Chimie Analytique, Pharmacie), Professeur Ibrahima Wone (Sénégal, Médecine Préventive, Hygiène), Professeur Mawupé Valentin Vovor (Togo, Chirurgie Générale), Professeur René Zinsou (Dahomey, Gynécologie Urologie), Professeur Cyprien Quenum (Dahomey, Anatomie Pathologique), Professeur Alfred Quenum (Dahomey, Histologie), Professeur Idrissa Pouye (Sénégal, Orthopédie), Professeur Michel Attisso (Togo, Pharmacie Galénique), Professeur Papa Abdourahmane Kane (Sénégal, Pneumologie), Professeur Samba Ndoucoumane Gueye (Sénégal, Anesthésie Réanimation).
Comment ne pas y associer le Docteur Moussa Diop ? Né en 1923, il est bien de cette génération. Il n’a certes pas été Professeur, ayant été terrassé en 1967, à l’âge de 44ans, par une maladie fulgurante, mais il fut l’un des plus brillants de sa génération. Il en avait bien l’étoffe, la carrure et la légitimité. Premier psychiatre sénégalais, son Maître Henri Collomb, l’un des plus grands Neuropsychiatres dans le monde francophone de son temps, lui vouait un respect et une amitié sans aucune réserve.
Tout naturellement, le Service de Psychiatrie de l’Hôpital de Fann porte son nom.
Force est aussi d’y inclure le Dr Mbaye Ndoye, né en 1928, à Rufisque. Il fut le premier Radiologue Sénégalais, formé à Bordeaux, et pendant longtemps le seul. Il quitta l’Hôpital Aristide le Dantec, où il travaillait depuis plusieurs années, pour s’installer dans le privé, en 1974, sans avoir eu de fonctions universitaires formelles.
Il est celui qui a installé le premier scanner au Sénégal en 1993.
Il en est de même du Dr Thianar Ndoye, né à Rufisque en 1921, et grand spécialiste de la Nutrition. Du haut de ses 195cm, avec un tour de taille de type S, il ne manquait pas de faire sourire l’auditoire de ses conférences, lorsqu’il parlait de son sujet favori…
Pour le Professeur Pape Toure, les premiers Professeurs africains de notre Faculté ont eu des parcours différents. Sans aucun doute.
Parmi les 30, incluant donc les Docteurs Moussa Diop, Mbaye Ndoye, et Thianar Ndoye, on ne compte que 2 Pharmaciens. Sur les 28 restants, 23 avaient été admis, après une rude sélection, à l’Ecole de Médecine d’Afrique Occidentale Française.
La création de cette Ecole avait été décidée avec autant de vision que de cohérence par le Président Georges Clemenceau et le Député Blaise Diagne, en 1918, et sa direction confiée au Dr Aristide le Dantec. Ce dernier dirigeait déjà « l’Hôpital Central Indigène de Dakar », ouvert en 1913, qui allait par la suite porter son nom.
L’Ecole a compté deux futurs Présidents de la République (Félix Houphouet-Boigny et Emile Derlin ZINSOU) parmi ses élèves.
Après une formation de 4 ans, aussi solide que sévère, ils obtinrent, avec une certaine condescendance, le titre de Médecin africain.
Tous comprenaient alors que, pour obtenir le titre de Médecin de plein exercice, il leur fallait passer le baccalauréat et reprendre des études de Médecine, en France.
Auparavant, ils devaient travailler dans des hôpitaux -ou formations sanitaires- de seconde zone, au Sénégal ou dans d’autres pays d’Afrique occidentale.
Avant la création de l’Ecole de Médecine, existait, depuis 1906, une école des Aides médecins indigènes, à laquelle donnait accès l’obtention du certificat d’études primaires. La formation durait 30 mois.
En 1953, après 35 ans d’exercices, l’Ecole de Médecine avait formé 582 médecins, des pharmaciens et des sages femmes. Elle devient alors l’Ecole Préparatoire de Médecine et Pharmacie, prélude à l’avènement d’une Faculté Mixte de Médecine et de Pharmacie.
Parmi ces 28 médecins, le Professeur François Dieng a certainement eu le parcours le plus atypique. Il fut en effet, avant d’être recruté à la Faculté de Médecine en 1964, Docteur en Médecine, Docteur en Médecine Vétérinaire et Docteur en Droit. Il obtint aussi des diplômes de Bactériologie, de Biologie, de Botanique et de Chimie, toujours en France. Après quelques années d’exercice - comme médecin - il allait être nommé ministre de l’Education Nationale dans le Premier Gouvernement du Président Léopold Sédar Senghor, en 1960.
Le Sénégal venait d’accéder à l’indépendance et les défis étaient nombreux, pour un pays essentiellement agricole.
La Faculté de Médecine venait d’être inaugurée en 1957, remplaçant l’Ecole de Médecine. Le soutien de la France était substantiel, notamment au plan du personnel enseignant. Les laboratoires étaient bien équipés. Le ratio enseignant/étudiants permettait l’établissement de relations d’une grande proximité, gage d’une formation solide. Les hôpitaux -rares- ne souffraient d’aucune contrainte budgétaire et étaient donc bien équipés.
Recrutés à la Faculté, trois fonctions furent dévolues à ces pionniers : les Soins, l’Enseignement et la Recherche. Ils s’en acquittèrent avec une rectitude, un désintéressement, une compétence, un engagement, une présence et une exemplarité sans faille. Ils firent alors de Dakar un pôle de formation privilégié pour les africains au Sud du Sahara, les marocains et les tunisiens, mais aussi de jeunes français.
Tous considéraient ces fonctions comme sacerdotales. Pleinement conscients de leur responsabilité historique dans l’exercice des tâches qui leur étaient confiées, ils mirent un point d’honneur à transmettre, en les enrichissant, les connaissances acquises durant leur long parcours, à leurs successeurs.
Je me suis souvent plu, en discutant avec des condisciples, à mettre en exergue ce qui, à mes yeux, constituait la force et l’attrait de chacun d’eux.
Je retiens, par exemple :
Du Professeur Marc Sankale
Qu’il était responsable de l’enseignement de la Médecine Interne. Je retiens aussi le rituel de l’organisation des séances de présentation de malades du vendredi qu’il avait mis au point, entouré par MM Biram Diop, Oumar Bao, Ahmédou Moustapha Sow et Djimathie Coly : tous de redoutables cliniciens. La salle Lavéran en était le cadre, l’accès libre à tous les étudiants en stage à la clinique Médicale, c'est-à-dire ceux affectés aux pavillons Laennec et Pachon. Les patients étaient introduits - présentés - à tour de rôle pour la lecture de leur dossier devant donner lieu à une large discussion.
Dans ce groupe de pionniers, le Professeur Marc Sankale fut le premier à être Doyen de la Faculté, de 1968 à 1976. Il avait succédé au Pr Robert Camain, dont nous avons reçu l’enseignement de l’Histologie en 1ère année de médecine. Le Professeur Camain avait succédé, brièvement, au Pr Maurice Payet, premier Doyen.
Vêtu d’un costume bleu marine, le Pr Sankale nous souhaita la bienvenue à la Faculté de Médecine, lors de notre première journée d’université, le 25 Novembre 1968. Pendant une quinzaine de minutes, en sa qualité de Doyen de Faculté, il nous parla des études universitaires, bien différentes de celles du lycée, mais aussi des perspectives qui s’offraient à ceux qui réussiraient à les mener à bien. C’était à l’Auditorium, appelé maintenant, fort opportunément, Khaly Amar Fall.
Impérial en salle d’hospitalisation comme en salle de cours, le Professeur Sankale inspirait le respect et même la crainte.
En témoigne cette scène cocasse à laquelle j’ai assisté. Il avait remarqué un jour, durant la visite, qu’un de nos camarades mâchait du chewing gum, ostensiblement. Il lui dit : « Mr X, vous mâchez du chewing gum, vous ? » Le camarade cessa de mâcher et lui dit : « Non, Monsieur. » Une belle leçon de conduite pour un futur médecin.
Il avait une formidable capacité de travail. Il a rédigé des centaines d’articles consacrés à la pathologie tropicale : cancer du foie, cirrhose, amibiase, diabète, etc.
Il était né à Saint Louis du Sénégal en 1921, et fut un élève de l’Ecole de Santé Navale de Bordeaux. Son autorité de chef de la Clinique médicale, où il avait succédé au Pr Maurice Payet, était incontestable.
Du Professeur Ibrahima Diop Mar
L’autorité et la compétence, avec lesquelles il supervisait les séances de présentation et de visite des malades au service des Maladies Infectieuses à l’hôpital de Fann. La discussion de chaque dossier était libre et riche. Le service de garde était obligatoire pour les étudiants de 4ème année que nous étions, en stage dans le service.
Des cas graves de méningite, de rougeole, de tétanos, mais aussi de diphtérie y étaient observés. Nous vîmes réaliser des trachéotomies en extrême urgence, pour ces deux derniers types de maladies.
Le Professeur Diop Mar avait remplacé le Pr Rey, successeur du Professeur Maxime Armengaud.
Dans sa jeunesse, il était footballeur, à l’instar de beaucoup de saint-louisiens. Plus tard, il fonda avec ses amis le Comité National Olympique et Sportif Sénégal (CNOSS) en 1961, avec notamment MM Papa Gallo Thiam et Kéba Mbaye.
Il introduisit à la Faculté de Médecine, en 1971, l’enseignement du Module de « Biologie appliquée au sport ».
Quand vint pour lui, en 1985, l’heure de « faire valoir ses droits à une pension de retraite », il se retira et fonda une Clinique où il se rendait, je puis en témoigner, avec les mêmes horaires qu’à l’hôpital et à la Faculté.
Il créa en 1999, avec d’autres scientifiques sénégalais, l’Académie Nationale des Sciences et Techniques, dont il devint le Secrétaire Perpétuel. Le Président en était le Pr Souleymane Niang, ancien Recteur.
En 1998, le Pr Awa Marie Coll Seck en fit, avec beaucoup de finesse et de cohérence, le Parrain du Service Universitaire des Maladies Infectieuses.
Après le Professeur Marc Sankale, il fut le deuxième Doyen de Faculté du groupe. Ses qualités personnelles de dirigeant furent reconnues par ses pairs des pays francophones et firent de lui le premier président de la Conférence des Doyens de Faculté des Pays Francophones d’Afrique et de Madagascar.
C’est d’ailleurs à ce titre qu’il allait organiser, avec le Professeur André GOUAZE de Tours, en France, le 1er Concours d’Agrégation du CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur).
Le concours eut lieu, tout naturellement, à Dakar, avec une cérémonie d’ouverture présidée par Monsieur Abdou Diouf, président de la République du Sénégal, en Novembre 1982. Sur les 4 candidats présentés par le Sénégal, 3 furent reçus. Le Professeur Diop Mar a organisé, en fait, les 2 premières éditions du concours : à Dakar en 1982, et à Brazzaville en 1984.
Du Professeur Alioune Badara Diouf
Son élégance physique, son éloquence et sa dextérité.
Il était le Chef de la clinique chirurgicale. Si la cavité abdominale n’avait pas de secret pour lui, il s’aventurait parfois dans le domaine cervical, pour des cas de goitre, et même facial, pour des enfants porteurs de malformation labiale. Il partageait cette dextérité avec ses collaborateurs tels que Adrien Diop, Pape TourE et Nazaire Padonou.
Ce sont bien ces trois derniers qui guidèrent mes premiers pas dans la chirurgie thyroïdienne, lorsque je décidai d’effectuer mon troisième semestre d’internat en Chirurgie Générale où je retrouvai mon ami Ardo Boubou Ba, condisciple d’Internat. Je leur sais gré de la générosité et la patience qu’ils manifestèrent à mon endroit, à la Salle 4 du bloc opératoire central. L’expérience ainsi acquise auprès de ces talentueux chirurgiens allait permettre, sur ma modeste initiative, l’introduction de la thyroïdectomie dans le programme de formation des ORL à Dakar, en prélude à l’exercice d’une carcinologie cervico-faciale réglée.
Le Professeur Alioune Badara Diouf avait succédé au Professeur Jean Chabal en 1973, à la tête de la clinique chirurgicale qui, comme la clinique médicale, ne disposait que d’enseignants talentueux.
J’ai cependant beaucoup regretté son départ volontaire et anticipé de la Faculté de Médecine en 1977, pour une installation dans le privé. Il avait encore tant de connaissances à transmettre aux jeunes…
Du Professeur Cyprien Quenum
Un visage incarnant à la fois l’austérité et l’assurance. Si son domaine - l’Anatomie pathologique - est un complément indispensable à la chirurgie, le Professeur QUENUM inspirait la compétence et la fiabilité. Les résultats des prélèvements qui étaient envoyés à son laboratoire de l’hôpital Aristide Le DANTEC étaient obtenus en moins de quinze jours, déposés dans les services par son planton, en deux exemplaires, aussi concis que précis. Il avait remplacé le Pr Claude Richir.
A la fin des années 1970, il obtint un poste de chef de Service au Centre Hospitalier d’Amiens en France où il n’eut aucune peine à s’imposer.
Du Professeur Paul Menye
Un abord plutôt impressionnant, avec sa petite taille, un périmètre crânien au-dessus de la moyenne, et un front large. Il était cependant d’une grande générosité en salle d’opération, pour le partage de son immense savoir chirurgical, avec un sens de l’humour insoupçonné. Il aimait à recommander de n’ordonner que des tâches qu’on pouvait soi-même exécuter. Il était le responsable de l’enseignement de la Cancérologie. Son ascension académique fut des plus rapides, après son admission au concours de l’internat en 1959.
Du Professeur Ibrahima Faye
La solidité de la formation qu’il dispensait quant à la reconnaissance des signes des maladies pour lesquelles le patient entrait en salle de consultation. Celui-ci s’asseyait alors en face du chef de Service, lui-même entouré par ses Assistants, son Interne, en l’occurrence le Professeur Bassirou Ndiaye, les Etudiants et l’Infirmier chargé de rédiger les ordonnances. Un proverbe chinois dit qu’« il vaut mieux voir une fois que d’entendre 100 fois ». Je garde encore précieusement les notes prises durant notre stage de 6ème année de médecine, en Dermatologie. C’est d’ailleurs durant ce stage, en 1974, que nous apprîmes, avec beaucoup de tristesse, son décès, suite à un accident de la circulation. Le Professeur Faye est né à Gorée et était un grand amateur de sports moto.
Son nom et celui de son Patron, le Professeur André Basset, sont désormais rattachés à un de signes de la leishmaniose cutanéo-muqueuse bien connue des dermatologues tropicaux, selon le Professeur Mame Thierno Dieng, le halo hypopigmenté de Faye Basset, autour de la lésion cutanée.
Du Professeur Henri Tossou
Le respect qu’il inspirait, du fait non seulement de son âge, mais de sa grande expérience de la pratique médicale dans les villes secondaires du Sénégal, et de l’Urologie, pour les hommes comme pour les femmes. Il passait pour être un spécialiste du traitement de la Fistule vésico-vaginale, maladie honteuse s’il en est, encore couramment rencontrée dans nos contrées éloignées. Notre Faculté se souviendra de lui comme étant le seul, dans ce groupe de pionniers, à avoir effectué toute sa carrière universitaire dans notre pays, tout en étant originaire d’un autre africain, en l’occurrence le Bénin, ex Dahomey.
Du Professeur Pape Koate
Qu’il a été le premier cardiologue sénégalais. Il a été formé à Bordeaux, en France. Dans un élan d’orgueil autant que de vision, il avait quitté la clinique médicale, alors sous l’autorité des Professeurs Sankale et Payet, pour s’installer dans un bâtiment situé à moins de 50 mètres. Le Professeur Serigne Abdou Ba, un de ses élèves, vient de m’apprendre que le bâtiment en question résultait de la fusion de 2 logements de fonction, avec l’aide du Directeur de l’hôpital.
Il avait une carrure de boxeur, une taille au-dessus de la moyenne. Il parait qu’il était un spécialiste du 400m, dans sa prime jeunesse.
Une grande assurance se dégageait de son visage avenant. Il avait une voix douce et ferme…
Dans l’amphithéâtre Claude Bernard, il faisait son cours en marchant d’un coin du tableau à l’autre, à grands pas, sans note écrite.
Lors des visites à l’hôpital, moment privilégié pour la formation des stagiaires, il savait écouter et encourager ses jeunes collègues lorsqu’ils présentaient les malades, avant de faire appel aux principaux outils d’examen de l’époque le stéthoscope et le tracé électrocardiographique. Il pouvait nous parler pendant des heures des cardiopathies rhumatismales.
Habitant à l’Internat de l’hôpital Aristide le Dantec, je le voyais parfois entrer dans son service vers 22h, sans savoir ce qu’il pouvait bien y faire.
Le Professeur Ba, encore lui, également pensionnaire de l’Internat, m’a indiqué récemment la principale raison de ses visites nocturnes. Selon lui, le Professeur Koate venait voir ses patients, en l’absence de médecin de garde, effectuant ainsi ce qu’en langage médico-hospitalier on appelle contre-visite, ayant lieu en général l’après-midi.
A l’Ecole de Médecine, où la compétition faisait rage, il était régulièrement dans le peloton de tête.
La Faculté de Médecine lui est notamment redevable de l’ouverture d’un programme de formation de spécialistes de haut niveau en Cardiologie, au début des années 1980, pour de nombreux pays d’Afrique.
Du Professeur Lamine Sine Diop
Qu’il est certainement celui que je connais le mieux, pour avoir passé 15 ans de ma vie professionnelle sous son aimable autorité, avant de lui succéder en Janvier 1990. Il avait remplacé en 1969 le Pr Jean Reynaud qui venait d’être nommé au Service d’ORL de Tours, en France.
Le Professeur Lamine Sine Diop pourrait être présenté comme un alter ego du Professeur Pape Koate. Né à Rufisque pour le Professeur Diop, et à Saint-Louis pour le Professeur Koate, tous les deux se sont retrouvés au collège Blanchot, situé dans l’ancienne Capitale du Sénégal. Puis ils ont été condisciples à l’Ecole Normale William Ponty de Sébikotane, creuset pour la formation des élites africaines. Le Professeur Lamine Sine Diop m’a fait part de son attachement au sport : dans l’équipe de football de l’Ecole William Ponty, il jouait au poste de gardien de but. « Comme j’étais costaud, me dit-il, on me surnommait « taureau sympathique ».
Après Ponty, ce fut, pour nos deux Maîtres, l’Ecole de Médecine pour des études d’une durée de 4 ans, Ils obtinrent leur diplôme de Médecin Africain en 1946, avec un rang fort honorable. Après avoir servi dans plusieurs pays d’Afrique et obtenu le baccalauréat – Dieu seul sait à quel prix ! – ils furent autorisés à s’inscrire en Faculté de Médecine : l’un à Paris et l’autre à Bordeaux.
Devenus Docteurs en Médecine, le Professeur Koate s’inscrivit en Cardiologie à Bordeaux, tandis que le Professeur Diop optait pour l’ORL à Paris, sous l’autorité du Professeur Paul Pialoux, puissant Administrateur de l’ORL dans la capitale française, et chef de Service à l’Hôpital Lariboisière : un service où j’ai effectué plusieurs séjours estivaux.
Généreux dans la transmission des connaissances, dans un domaine où l’anatomie et la physiologie sont si complexes, comme son frère Pape Koate, le Professeur Diop y ajoutait une pointe d’humour rendant la compréhension de l’espace sous-parotidien de Sébileau plus aisée. C’est au décours d’une de ses visites hebdomadaires du service, un samedi matin, qu’il me confia un sujet de thèse portant sur les tumeurs des glandes salivaires. Quelques mois plus tard, en Décembre 1975, la soutenance eut lieu, présidée par le Professeur Cyprien Quenum, entouré par les Professeurs Alioune Badara Diouf, Paul Menye et Lamine Sine Diop.
Au milieu des années 1980, avec mon modeste concours et celui du Docteur Gilbert Tending, le Professeur Diop, à l’instar de son frère et ami, le Professeur Koate, fit démarrer un programme de formation de spécialistes en ORL (CES ou Certificat d’Etudes Spéciales). De nombreux africains, du Nord, du Centre, de l’Est et de l’Ouest doivent au Professeur Lamine Sine Diop et à son équipe, une qualification dans un domaine à la fois méconnu et si sollicité. Il nous a quittés le 03 Février 2008, dans sa 87ème année. Il fut inhumé au cimetière de Dangou, à Rufisque, en présence de son frère et condisciple Thianar Ndoye. Ce dernier fit son éloge. Je lui rendis hommage dans un quotidien de la place.
Tout naturellement, je proposai à mes collaborateurs de donner son nom au futur service d’ORL que je faisais construire à l’Hôpital de Fann : un des plus grands services d’ORL en Afrique, inauguré en 2011.
Du Professeur Joseph Diallo
L’attachement à la discipline, l’ordre, la netteté, la clarté, mais aussi la richesse des connaissances dans un domaine où il était quasiment le seul Spécialiste au Sénégal en Ophtalmologie, après le départ du Professeur Quere pour Nantes en France.
Avec sa voix de stentor, le Professeur Diallo n’avait aucune difficulté à s’imposer. Dans sa jeunesse, il fut à la fois un champion d’athlétisme et de judo. Il fut un peu plus tard Vice-président de la Fédération Internationale de judo.
Avec une poignée de condisciples, je m’étais inscrit au module optionnel de Pathologie de la Face, co-dirigé par le Professeur Lamine Sine Diop (ORL), le Professeur Guy Grappin (Stomatologie) et lui-même. Nous avions déjà pu noter à quel point il était impressionnant. Nous étions alors en 4e année de Médecine.
C’est donc en 6e année que nous vîmes le Professeur Diallo dans son service installé dans un recoin de l’Hôpital Aristide Le Dantec. Le service était bien à l’image de son chef : bien organisé, avec une répartition claire des tâches. Le Professeur Souleymane Bassabi était son assistant et le Professeur Alassane Wade, premier Interne sénégalais en Ophtalmologie, en cette année 1974. Le rituel de la visite du patron était strict et tous les malades étaient à l’étage du bâtiment. J’y faisais mon stage avec mes camarades Ali Diab, Youssoupha Diallo, Talibou Dabo, Victor Amoussou, Lamine Diop, Moussa Badiane, Nicolas Bassène, Bousriou Cissé
Ancien élève de l’Ecole de Santé Militaire de Lyon, ancien Médecin Colonel, comme le Doyen Marc Sankale, ancien amateur d’arts martiaux, le Professeur Diallo connaissait bien la place et l’importance de la discipline, non seulement dans l’armée mais aussi pour un pays (jeune de surcroit) et donc pour une équipe universitaire.
C’est d’ailleurs avec son équipe qu’il fit démarrer (parmi les premiers) un programme de formation de spécialistes pour plusieurs jeunes médecins d’Afrique.
Enfin, il était proche du Président Léopold Sédar Senghor et joua un rôle important dans l’organisation des premières fêtes de l’indépendance, dans la construction de l’Obélisque et du village Artisanale de Soumbédioune.
Les Successeurs des Pionniers.
Pour des raisons pratiques, je mets dans ce groupe les professeurs africains successeurs de ceux déjà cités. J’y mets aussi ceux de la même génération mais n’ayant pas eu des « Patrons » africains.
Ils sont tous nés après 1930 et ont eu à cœur de poursuivre l’œuvre accomplie par leurs aînés et Patrons, en la développant, dans des conditions parfois difficiles, pour des raisons tenant notamment au manque de moyens pour les besoins croissants d’une médecine de qualité.
Ils sont tous porteurs d’une formation solide acquise sous l’ombre tutélaire de leurs vaillants devanciers, et dans de prestigieux centres à l’étranger. Enfin, ils sont tous sénégalais. Cela est dans l’ordre naturel des choses. Les africains, non sénégalais, formés par les pionniers, sont rentrés dans leur pays respectif, pour devenir à leur tour, des formateurs de qualité.
Il s’agit des professeurs suivants, sauf oubli involontaire : Adrien Diop (Chirurgie Générale) Pape Toure (Cancérologie), Seydina Issa Leye et Souvasin Diouf (Orthopédie), Aristide Mensah (Urologie), Bassirou Ndiaye (Dermatologie), Alassane Wade (Ophtalmologie), Elhadj Malick DIOP (ORL), Fadel Diadhiou (Gynécologie Obstétrique), Sémou Diouf (Cardiologie), Ahmédou Moustapha Sow et Thérèse Moreira Diop (Médecine Interne), Ibrahima Seck (Biochimie), José Marie Afoutou (Histologie Embryologie), Abdou Sanokho et Mouhamadou Fall (Pédiatrie), Moussa Lamine Sow (Anatomie), Abibou Samb (Bactériologie), Moussa Badiane (Radiologie), Abdourahmane Sow, Awa Marie Coll Seck et Salif Badiane (Maladies Infectieuses), Abdou Almamy Hane (Pneumologie), Babacar Diop (Psychiatrie), Ibrahima Pierre Ndiaye (Neurologie), Anta Tall Dia (Hygiène et Santé Publique), René Ndoye (Biophysique), Fallou Cisse (Physiologie), Mamadou Gueye (Neurochirurgie), Bineta Ka Sall (Anesthésie-Réanimation), Papa Demba Ndiaye (Anatomie Pathologique), Samba Diallo (Parasitologie), Issa Lo, Doudou Ba, Mamadou Keith Badiane, Babacar Faye, Balla Moussa Daffe (Pharmacie), Renée Ndiaye et NDioro Ndiaye (Odontologie), Meissa Toure (Biochimie).
Concluons cet hommage, délibérément résumé !
Il me faut d’abord remercier des collègues et amis qui m’ont communiqué de précieuses informations sur l’histoire de nos braves devanciers :
Il s’agit des Professeurs Pape Toure, Alassane Wade, Nazaire Padonou, Serigne Abdou Ba, Bara Ndiaye, Doyen de la Faculté de Médecine, Pharmacie, Odonto-Stomatologie, du Docteur Ali Diab, du Professeur Thierno Diop (Cesti), de Monsieur Momar Coumba Diop (IFAN). Il faut se réjouir de la bonne tenue des archives de notre Faculté.
« Quand la mémoire va chercher du bois mort, elle rapporte le fagot qui lui plait ». Cette pensée de Birago Diop, écrivain, ami et confrère du Pr François Dieng, a inspiré le titre de l’excellent ouvrage autobiographique du Pr Souleymane Bachir Diagne. Dans les deux cas, il s’agit de la mémoire individuelle. Je considère, pour ma part, que rendre hommage au groupe des premiers Professeurs africains de la « Faculté Mixte de Médecine et de Pharmacie de l’Université », devenue Faculté de Médecine, Pharmacie et Odonto-Stomatologie », peut contribuer à la consolidation d’une mémoire collective au sens où le conçoit Pierre Nora : « le souvenir ou l’ensemble des souvenirs, conscients ou non, d’une expérience de la collectivité ».
Pour notre Faculté, cette mémoire s’adosse à un patrimoine dont la richesse mérite d’être connue et reconnue. Elle doit être, dans la mesure du possible, renforcée par ceux et celles, nombreux, qui en sont issus. Le travail des premiers enseignants africains, aux côtés de leurs aînés français, a été un socle solide pour la construction d’une prestigieuse école de santé dont le Sénégal peut tirer une légitime fierté.
La génération actuelle et celles à venir ont donc le devoir de porter haut le flambeau pour rester fidèles à leur mémoire.
Au moment de terminer la rédaction de ce texte, le Professeur Nazaire Padonou du Bénin m’apprend le décès du Professeur Vincent DAN, du même pays et ancien chef du Service Universitaire de Pédiatrie de Dakar. La mort du Professeur Vincent Dan marque sans doute la fin d’une époque...
Professeur E. Malick Diop est ancien chef du Service Universitaire d’ORL de Dakar, Directeur du Centre Médical de Fann Résidence
Email : emdiop9@gmail.com
par Yoro Dia
LE SÉNÉGAL, ENTRE POPULISME ET ÉTAT DE DROIT
La pétition des 104 intellectuels qui dénonce un « recul de l’État de droit » est une prise de position politique, partisane. Empêcher Macky Sall de se présenter est un objectif politique de l’opposition et menacer de brûler le pays relève de la terreur
Le jour où 104 « intellectuels » signent une pétition pour inviter le président Macky Sall à « revenir à la raison », un haut cadre sénégalais lance la pétition « 1 million de signatures » parce que, de son point de vue, il y a « 1 million de raisons de continuer » avec Macky Sall. C’est précisément cela, la démocratie : un conflit d’interprétations, parce que la démocratie est un champ absolu d’incompétence où chacun a le droit d’avoir une opinion. En cherchant 1 million de signatures, le partisan de Macky Sall se comporte en fedayin. Il en est de même pour les 104 intellectuels qui, sans aucune nuance ni aucun relativisme, ont instruit uniquement à charge. Ce « fedayisme » intellectuel qui n’est pas digne de leur rang confirme la nécessité de la prudence et de la distance que recommande Max Weber aux intellectuels qui s’aventurent en politique.
Dans son Le Savant et le Politique, un ouvrage devenu un classique, Max Weber nous dit de façon fort sage qu’« en prenant une position politique, on cesse d’être savant » parce que on s’éloigne alors de ce qu’il appelle la « neutralité axiologique », laquelle doit être consubstantielle à la démarche de l’intellectuel ou du savant. C’est pourquoi, ajoute le célèbre sociologue, « les associations de savants, dès qu’elles discutent de la paix et de guerre, sont des associations politiques non scientifiques ».
Position partisane assumée
Le manque de rigueur scientifique est flagrant quand les 104 se concentrent uniquement sur les conséquences en oubliant la cause : la volonté du chef de l’opposition, Ousmane Sonko, de se soustraire à la justice dans des affaires privées en utilisant les foules et la rue comme un rempart afin de se trouver dans une zone de non-droit. La pétition des 104 intellectuels qui dénonce un « recul de l’État de droit » et des « atteintes aux droits de l’homme » est une prise de position politique, partisane et assumée.
Si ces intellectuels étaient un tant soit peu préoccupés du respect de la « neutralité axiologique », ils auraient pu, certes, dénoncer ce qu’ils pensent être une régression de l’État de droit, mais ils n’auraient pas volontairement passé sous silence les excès du leader de l’opposition, qui, au cours d’un meeting, a publiquement menacé de mort un président de la République démocratiquement élu, insulté les généraux et menacé les magistrats, puis ajouté « se foutre des institutions » et de la loi, dont le noble respect garantit pourtant la survie des institutions, selon Cicéron.
La justice, le seul service de l’État qui porte le nom d’une vertu, est une institution sacrée. Et donc, contrairement à ce que dit l’activiste Alioune Tine, l’État ne « fout pas le camp » parce qu’un ministre a porté plainte contre le chef de l’opposition. C’est même le contraire : la judiciarisation des conflits politiques est un critère de l’État de droit car elle met fin à « l’insoutenable autonomie du politique », comme disait le doyen Georges Vedel.
D’ailleurs, le verdict du tribunal est une preuve de l’indépendance de cette justice que l’opposition et ses supplétifs de la société accusent de tous les péchés d’Israël. La justice a clairement montré que c’est un fantasme politicien que de l’accuser d’écrire sous la dictée de l’exécutif. Mieux encore, elle a montré, durant toute la procédure et lors du jugement, que son temps n’était pas celui de la politique.
En Inde, la plus grande démocratie du monde, Rahul Gandhi, le chef de file du Parti du Congrès (opposition) vient d’être condamné à deux ans de prison pour diffamation envers le Premier ministre, Narendra Modi. Aux États-Unis, Donald Trump devenu opposant va lui aussi devoir répondre de ses actes devant la justice.
L’ère des furies et des foules
Inde, États-Unis et Sénégal, que le politologue français Christophe Jaffrelot présente comme des exemples de démocraties, vivent aujourd’hui les excès inhérents à tout système démocratique. Pourquoi le Sénégal serait-il l’exception ? Pourquoi le chef de l’opposition serait-il au-dessus des lois lorsqu’il veut semer le chaos pour se soustraire à la justice ?
Après 40 jours de jeûne, de prière et de privation, les chrétiens célèbrent ce week-end du 8 et 9 avril, la fête de Pâques. Des messes seront dites dans toutes les églises et basiliques du monde en souvenir de la mort et de la résurrection de Jésus
Après 40 jours de jeûne, de prière et de privation, les chrétiens célèbrent ce week-end du 8 et 9 avril, la fête de Pâques. Des messes seront dites dans toutes les églises et basiliques du monde en souvenir de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. Á Dakar, Mgr Benjamin Ndiaye préside cette nuit à partir de 22 heures, la veillée pascale à la cathédrale Notre Dame des Victoires. Demain, le prélat dirigera la messe de la résurrection du Christ à Malika dans le département de KeurMassar.
Vendredi Saint. Jour de la souffrance et de la mort de Jésus-Christ. Arrêté à cause de fausses accusations, jugé par le Conseil des prêtres et par le gouverneur romain Pons Pilate, Jésus est abandonné par ses amis, trahi par Juda, renié par Pierre et chargé d’une croix trop lourde. Le Fils de Dieu tombe et se relève plusieurs fois, pour poursuivre le chemin de la mort. C’était une mort douloureuse et déshonorante.
Mais Jésus malgré ses pouvoirs accepte tout : insultes, crachats, humiliations, coups, tortures, sans rien dire. Sa seule parole est le pardon car le fils Dieu sait qu’au troisième jour de sa crucifixion, il vaincra la mort. C’était la passion du vendredi saint. Après cette journée mouvementée, le samedi sera une journée calme. Oui le samedi saint, contrairement au vendredi, c’est le jour du silence jusqu’à la nuit pascale. Ce silence cédera la place à la grande célébration de la Veillée Pascale où l’Église célèbre la lumière avec la bénédiction du feu dehors et partagé à l’intérieur de l’Église, ensuite la bénédiction de l’eau pour le baptême.
« La victoire sur la mort ».
Ces deux moments sont suivis par la célébration de la parole avec, au menu, 9 lectures dont 7 de l’ancien testament et 2 du nouveau testament. C’est après ce rituel que les fidèles, aux environs de minuit, c’est-à-dire dimanche de la résurrection, entonnent « Alléluia, le Christ est vraiment ressuscité ». Ces deux beaux chants sont exécutés à chaque veillée pascale dans les églises pendant au moins une dizaine de minutes pour magnifier la victoire du Christ sur la mort.
Pour les chrétiens, Pâques évoque le souvenir de Jésus-Christ, mort et ressuscité autour de l’an 30. Le dimanche de Pâques suit la semaine Sainte, durant laquelle Jésus prit son dernier repas avec les apôtres (Jeudi Saint) avant d’être crucifié le lendemain (Vendredi Saint), puis ressuscité dimanche de Pâques, qualifié de jour de réjouissance. Et ce passage de la Bible nous demande ceci : « Ne cherchez pas parmi les morts celui qui est vivant ». Cette phrase biblique sera lue et relue dans les familles chrétiennes pour marquer l’événement et dire aux fidèles que le Christ est parmi les hommes.
Cette parole devant le tombeau vide va raisonner dans les cœurs des chrétiens ce, durant tout le temps pascal jusqu’à la Pentecôte. Ceci pour dire que malgré ce contexte difficile, les fidèles fêteront Jésus de Nazareth qui a vaincu la mort. Il est le premier homme à passer de la mort à la vie. C’est d’ailleurs tout le sens de la foi chrétienne. Avec cette résurrection, le fils de Dieu inaugure une nouvelle vie. Que le Christ ressuscité nous inonde de l’existence de la grâce pascale. Que sa lumière rayonnante aide chaque être humain à vivre dans la vérité, en disciple authentique et crédible, libre et heureux, réconcilié avec Dieu et ses semblables.
LE SÉNÉGAL MET AU POINT UNE VARIÉTÉ LOCALE DE BLÉ
Des chercheurs agronomes sénégalais ont commencé à récolter une culture expérimentale de blé local, adapté aux conditions climatiques du pays, dernière étape d'un projet entamé il y a plusieurs années
Des chercheurs agronomes sénégalais ont commencé à récolter une culture expérimentale de blé local, adapté aux conditions climatiques du pays, dernière étape d'un projet entamé il y a plusieurs années pour tenter de réduire la dépendance à l'égard des importations.
Deuxième céréale la plus consommée après le riz, le blé est un élément important de l'alimentation dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, friand de pain. Mais le Sénégal, comme beaucoup de ses voisins, dépend entièrement de l'étranger : il importe 800.000 tonnes de céréales par an. Son climat tropical n'est en principe pas adapté à la culture du blé, mais des essais d'acclimatation sont en cours.
Depuis la fin de la semaine dernière, des chercheurs de l'Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA) récoltent quatre variétés de blé sur une parcelle expérimentale à Sangalkam, à 35 km de Dakar. Trois de ces variétés proviennent d'Egypte, une quatrième a été développée par l'Institut, qui a testé des centaines de variétés de blé, a expliqué à l'AFP Amadou Tidiane Sall, l'un des chercheurs de l'Institut.
Le ministre de l'agriculture, Aly Ngouille Ndiaye, a visité la parcelle au début du mois. Il a indiqué qu'il avait demandé des semences égyptiennes lors d'une visite dans ce pays d'Afrique du Nord à l'occasion de la conférence des Nations unies sur le climat (COP27) en novembre. "Nous avons un potentiel important", a déclaré le ministre lors de sa visite. Il a toutefois reconnu que le manque d'eau pour irriguer les cultures était un défi de taille.
Amadou Gaye, le président de la Fédération nationale des boulangers du Sénégal, qui représente quelque 2.500 boulangeries dans le pays, a déclaré à l'AFP qu'il préférerait que des ressources soient consacrées à la production de céréales locales telles que le millet, le maïs ou le sorgho.
QUAND LE NGALAKH NATIONAL DEVIENT UN FARDEAU !
Ce week-end, la communauté chrétienne célèbre la fête de Pâques. Cette année, dans des quartiers de la capitale sénégalaise, la préparation du Ngalakh (plat à base de mil, pâte d’arachide, sucre et pain de singe), rime avec beaucoup de difficultés
Au Sénégal, le partage de mets entre personnes de différentes confessions à l’occasion des fêtes religieuses est l’une des manifestations du bon vivre ensemble. Pour perpétuer cette « tradition sénégalaise », les Chrétiens distribuent, chaque année, le Ngalakh à leurs amis et voisins musulmans. Cependant, cette année, cette particularité conservée depuis des générations risque de subir les coups de la rareté de certains produits et la hausse vertigineuse des prix sur le marché.
Ce week-end, la communauté chrétienne célèbre la fête de Pâques. Cette année, dans des quartiers de la capitale sénégalaise, la préparation du Ngalakh (plat à base de mil, pâte d’arachide, sucre et pain de singe), rime avec beaucoup de difficultés. Pour cause, la cherté des produits. Trouvée dans sa maison située à la Gueule-tapée, Madeleine qui vient juste de revenir du marché, raconte les difficultés liées à la préparation du Ngalakh cette année. « Tout est cher actuellement au marché. Avec ces prix-là, nous sommes dans l’obligation de diminuer drastiquement la quantité (de Ngalakh) par rapport aux années précédentes », lance la quinquagénaire.
Dans le même quartier, à quelques encablures, se situe la maison des Thiaré. Pour cette famille chrétienne, l’idée de renoncer exceptionnellement pour cette année, à la préparation du Ngalakh n’est pas exclue. « Il est impensable que nous préparions le Ngalakh sans partager avec nos voisins musulmans, comme nous le faisons chaque année. Et comme vous le constatez, avec les prix qui ont grimpé, on ne pourra malheureusement pas préparer une grande quantité », déclare Angel, l’ainée de la famille. Si la flambée des prix du mil, du sucre, du pain de singe ou encore de la pâte d’arachide oblige certaines familles à renoncer à la préparation du Ngalakh, ou en préparer que pour la consommation familiale, d’autres décident de perpétuer la « tradition », malgré les immenses difficultés. Au quartier Fass, nous sommes chez la famille des Gomis. Ici, tout est fin prêt pour la préparation du mets prisé. Cependant, ça n’a pas été sans difficultés pécuniaires. « Pour la pâte d’arachide, le seau de 20Kgs qu’on achetait à 13 000FCFA, coûte aujourd’hui entre 25 000FCFA et 30 000CFA. Quant au mil, le kilogramme est maintenant entre 600 et 700, alors que les années précédentes, il variait entre 300 et 350 FCFA. Financièrement c’est compliqué pour nous. Mais il faut savoir qu’au-delà d’une simple nourriture, le Ngalakh est chez nous, un symbole de la « fraternité inter-religieuse », affirme Mélanie, le sourire aux lèvres.
LE SUCRE ET LE PAIN DE SINGE SONT INTROUVABLES
En plus de la cherté des ingrédients, l’autre problème qui impacte la préparation du Ngalakh pour cette année reste la rareté de certains produits, principalement le sucre et le pain de singe. Jointe au téléphone, Louise, résidente de Yeumbeul dans la banlieue dakaroise se plaint de la situation. « Le sucre et le pain de singe sont introuvables. J’étais partie au marché pour avoir du pain de singe, mais celui que j’y ai trouvé est de très mauvaise qualité. Je suis obligée de rentrer bredouille », déclare-t-elle. Avant de continuer : « avec la situation actuelle du des prix, nombreux sont ceux qui ne pourront pas respecter la tradition cette année-ci. » Nombreux sont ceux-là qui avaient vu cette situation venir. Interpelées à maintes reprises par les consommateurs, les autorités sénégalaises avaient récemment annoncé l’autorisation à titre exceptionnel, de la mise dans le marché, de 20 000 tonnes de sucre en poudre. Cependant, selon les consommateurs, la situation reste jusqu’ici inchangée.