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12 août 2025
LES CORRESPONDANTES DU MONDE ET DE LIBERATION EXPULSÉES DU BURKINA FASO
Les deux journalistes avaient été convoquées vendredi à Ouagadougou à la sûreté nationale et il leur a ensuite été donné l'ordre de quitter le Burkina Faso dans les 24 heures
Les correspondantes des quotidiens français Le Monde et Libération au Burkina Faso ont été expulsées de ce pays samedi soir, ont annoncé dimanche leurs rédactions qui dénoncent une mesure "inacceptable" et "arbitraire".
Les deux journalistes sont arrivées "dimanche matin à Paris", a précisé Libération. Lundi, le Burkina Faso, dirigé par des autorités issues de deux coups d'Etat en 2022 et confronté à une multiplication d'attaques jihadistes meurtrières, avait coupé la diffusion de la chaîne d'information française France 24 sur son territoire.
"Notre correspondante au Burkina Faso, Sophie Douce, vient d'être expulsée du pays (...) en même temps que sa consoeur de Libération, Agnès Faivre", indique le Monde sur son site. "La sanction est tombée et, avec elle, la confirmation que la liberté de la presse au Burkina Faso est lourdement menacée", écrit pour sa part Libération. Le Monde "condamne avec la plus grande fermeté cette décision arbitraire qui a obligé les deux journalistes à quitter Ouagadougou en moins de vingt-quatre heures. "Sophie Douce, comme sa consoeur, exerce pour Le Monde Afrique un journalisme indépendant, à l'écart de toute pression", ajoute-t-il. Le directeur du journal, Jérôme Fenoglio, "demande aux autorités locales de revenir au plus vite sur ces décisions et de rétablir sans délai les conditions d'une information indépendante dans le pays".
Selon Libération, "Agnès Faivre et Sophie Douce sont des journalistes d'une parfaite intégrité, qui travaillaient au Burkina Faso en toute légalité, avec des visas et des accréditations valables délivrées par le gouvernement burkinabè". "Nous protestons vigoureusement contre ces expulsions absolument injustifiées et l'interdiction faite à nos journalistes de travailler en toute indépendance", ajoute le journal.
Les deux journalistes avaient été convoquées vendredi à Ouagadougou à la sûreté nationale et il leur a ensuite été donné l'ordre de quitter le Burkina Faso dans les 24 heures. Libération précise "que la publication le 27 mars de l'enquête de Libération sur les circonstances dans lesquelles a été filmée une vidéo montrant des enfants et adolescents exécutés dans une caserne militaire, par au moins un soldat, avait évidemment fortement déplu à la junte au pouvoir au Burkina Faso". "Le gouvernement condamne fermement ces manipulations déguisées en journalisme pour ternir l'image du pays des Hommes intègres", avait écrit le porte-parole du gouvernement burkinabè, Jean-Emmanuel Ouédraogo, après la publication de cette enquête, assurant que l'armée agit "dans le strict respect du droit international humanitaire".
Début décembre, la junte au pouvoir avait déjà suspendu la diffusion de Radio France Internationale (RFI), du même groupe que France 24, France Médias Monde.
ALERTE CONTRE LA BRUTALISATION DES JOURNALISTES
L’Association de la presse étrangère au Sénégal condamne fermement cette violence gratuite et inouïe que rien ne peut justifier contre le journaliste du bureau régional de l’Agence France presse à Dakar
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué de l'Association de la presse étrangère au Sénégal condamnant la répression des journalistes par la police.
"L’Association de la presse étrangère au Sénégal (APES) a appris avec indignation, des violences de la Police sénégalaise sur un journaliste du bureau régional de l’Agence France presse (AFP), à Dakar, qui couvrait une manifestation à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, dans la journée du mercredi 29 mars 2023.
Le reporter qui faisait partie d’un groupe de reporters sur les lieux, a été brutalisé, avec des coups de points sur le corps et derrière la tête, puis embarqué dans un véhicule de la Police, avant d’être relâché plus tard.
L’APES condamne fermement cette violence gratuite et inouïe que rien ne peut justifier contre le journaliste, d’autant plus qu’il n’a pas provoqué, en plus, il était facilement identifiable et reconnaissable comme journaliste.
L’Association exprime sa totale solidarité et son soutien sans faille à l’équipe du bureau AFP Dakar, et souhaite un prompt rétablissement à son collaborateur, injustement brutalisé."
par Chérif Sy
MAME M’BAYE NIANG, POURQUOI RASER LES MURS AU LIEU D’INTENTER UN PROCÈS À SONKO ?
Monsieur le ministre, saviez-vous qu’au plan national, seulement 31,5 % des enfants ont une fréquence minimum recommandés pour les repas ?
L’état nutritionnel des enfants au Sénégal est globalement inquiétante à l’échelle nationale.
Monsieur le ministre,
Saviez-vous qu’au plan national, seulement 31,5 % des enfants ont une fréquence minimum recommandés pour les repas.
Au niveau régional, elle varie de 16,6 % dans la région de Kaffrine à 53,6 % à Sédhiou pour l’ensemble des enfants.
Alors que l’agriculture sénégalaise c’est principalement :
près de 4 millions d’hectares (19% de la superficie du pays), inégalement répartis dans les zones éco-géographiques ;
des mises en valeur agricoles qui ne portent annuellement que sur 65% de ces terres, soit environ 2.5 millions d’hectares ;
98% de ces terres cultivées sous pluie, induisant une activité́ agricole fortement exposée aux aléas climatiques.
Pire monsieur le ministre, la prévalence de l’insécurité alimentaire est très élevée chez les ménages résidant le milieu rural avec 32,4% (contre 23,6% en milieu urbain) dont 0,7% grave (contre 0,3% en milieu urbain).
Du point de vue géographique, la prévalence de l’insécurité alimentaire montre des proportions supérieures à 50% dans les départements de Malem-Hoddar (54,3%), Ziguinchor (53,9%), Koungheul (53,9%) et Salémata (50,3%) où le phénomène est plus accentué, Louga (2,6%), Saraya (2,2%), Kédougou (2,0%) et Tambacounda (1,7).
Ce qui extrêmement révoltant monsieur le ministre, c’est que l’économie sénégalaise repose principalement sur le secteur de l’agriculture qui occupe plus de 60% de la population active.
Pourquoi monsieur le ministre vous devriez raser les murs avec votre bilan catastrophique à la tête du Prodac ?
Monsieur le ministre,
Voici quelques pistes pour votre gouverne :
1)Vous devriez mettre en place des mesures visant à
réduire la vulnérabilité de l’agriculture due aux facteurs climatiques.
2)Vous devriez accroître les disponibilités alimentaires à travers : le renforcement des systèmes de mobilisation de l’eau.
3)Vous devriez soutenir les producteurs par un accès plus facile aux intrants agricoles par le développement de variétés adaptées aux conditions climatiques pour accroître la production.
Et enfin,
Vous devriez mettre en place une vraie politique nationale de vulgarisation agricole.
Je vous prie d'agréer, monsieur le ministre, l'expression de mes salutations distinguées.
par Ousseynou Nar Gueye
LE MONTANT FARAMINEUX DU MANQUE-À-GAGNER DE LA COMMUNAUTÉ ARTISTIQUE DU SÉNÉGAL PAR DÉFAUT DE COPIE PRIVÉE
C'est un serpent de mer depuis le vote de la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins en janvier 2008, dans laquelle les acteurs perdent au moins 16 milliards de FCA depuis 2008, selon les calculs les plus modestes d’une étude que j’ai commanditée
« Le ministre de le Culture et du patrimoine historique classé a fait une communication sur la mise en œuvre de la Rémunération pour Copie privée », indique le communiqué du Conseil des ministres sénégalais du mercredi 29 mars 2023.
Vivement que les décrets d’application soient enfin pris dans cette affaire de rémunération de copie privée, serpent de mer depuis le vote de la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins en janvier 2008, dans laquelle la communauté des créateurs, éditeurs, interprètes et producteurs d’une part, et le financement des festivals et de l’éducation aux pratiques culturelles et artistiques d’autre part, perdent au moins 16 milliards de FCA depuis 2008, soit depuis 15 ans, selon les calculs les plus modestes d’une étude que j’ai commanditée et supervisée, basé sur une redevance d’un pourcentage de 1% du prix hors taxes des appareils d’enregistrement concernés, notamment les smartphones qui sont plus nombreux que la population du Sénégal de 17 millions d’habitants, avec un taux de couverture du smartphond de 103% en 2022.
En bref, dans la Rémunération pour Copie Privée, chères Sénégalaises et chers Sénégalais, hôtes étrangers vivant au Sénégal, on imposera au moment de l’entrée en douane sur notre territoire, une redevance sur tous vos appareils d’enregistrements (et de streaming), y compris vos chers smartphones et vos clés USB, pour la rétrocéder aux auteurs, interprètes et producteurs, avec une part de l’argent (25% à 50%) qui sera réservée à la promotion des activités culturelles et artistiques.
Ce qui n’est que justice, pour ne pas précariser le présent des créateurs et pour ne pas les clochardiser dans leurs vieux jours.
Le ministre Aliou Sow, animal politique dans l’âme qui n’a jamais vécu que de cela, est d’évidence désireux d’apporter des réalisations palpables dans la balance, pour étayer le bilan culturel du président Sall à la fin prévue de son quinquennat en février 2024.
Je l’encourage à y persévérer : surtout pour ce qui est de la rémunération pour Copie Privée, qui est un droit de la communauté artistique et non une aumône à lui faire.
Sur cette question, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire qui ont adopté la rémunération pour Copie Privée (en octobre 2022 pour le cas de la Côte d’Ivoire) sont bien en avance sur le Sénégal. « Ceci n’est pas normal ! », comme le rapperait Didier Awadi.
L’attente n’a été que trop longue, depuis 15 ans.
Ousseynou Nar Gueye est Écrivain & éditeur, membre de la SODAV, candidat au poste électif de président du Conseil d’Administration de la SODAV en 2023 (SODAV, Société Sénégalaise du Droit D’auteur et des Droits Voisins), fondateur du site d’information Tract.sn.
par Jean-Baptiste Placca
UNE CONFUSION BIEN ENTRETENUE
En quoi est-il indispensable, pour Macky Sall, d’écarter Ousmane Sonko, pour briguer un troisième mandat ? Un chef d’État n’a pas à dire qu’il ne fera pas ce que la Constitution lui interdit de faire. Lorsqu’il doit partir, il s’en va. Et c’est tout
Deux mois de prison avec sursis, 200 millions de francs CFA de dommages et intérêts. Contrairement à ce qu’il semblait craindre, Ousmane Sonko n’est pas écarté de la prochaine présidentielle par ce verdict. Au regard de l’émoi de ces dernières semaines, comment comprendre ce jugement, qui ne semble, d’ailleurs, satisfaire aucune des deux parties ?
Au-delà du jugement lui-même, ces tensions sans fin rendent totalement illisible l’échiquier politique sénégalais. Ces deux dernières années, ce pays vit en permanence des psychodrames artificiellement générés, sur la base de suspicions récurrentes : la première prête à l’actuel chef de l’État un désir de troisième mandat, et la seconde suggère que le meilleur moyen, pour lui, d’y parvenir, serait d’éliminer de la course celui qui se présente – et que certains présentent – comme un possible prochain président du Sénégal, en l’occurrence Ousmane Sonko.
Voilà comment deux dossiers qui n’auraient jamais dû quitter le strict périmètre judiciaire sont devenus une source permanente de crises, le justiciable Ousmane Sonko dénonçant sans cesse une instrumentalisation de la justice visant à le rendre inéligible. Beaucoup auraient souhaité que tous accordent à la justice une présomption de droiture, pour aller paisiblement au bout de chaque plainte, notamment celle de cette employée de salon de massage, qui accuse. La tournure politique prise par cette affaire n’a, pour le moment, permis de rien trancher. Le plus triste, en mars 2021, était de voir ces jeunes gens, fiers partisans d’Ousmane Sonko, affirmer, à visage découvert, être prêts à « mourir pour leur leader». Quel que soit le camp, en politique, au Sénégal, il y a trop de gens prêts à mourir pour leur leader, alors que ce serait tellement plus constructif, pour tous, de savoir mourir un peu pour la patrie.
L’instrumentalisation de la justice reprochée au président Macky Sall ne se fonde-t-elle pas sur un réel désir de troisième mandat ?
En quoi est-il indispensable, pour Macky Sall, d’écarter Ousmane Sonko, pour briguer un troisième mandat ? En dépit d’une opposition autrement plus forte et plus large, Abdoulaye Wade s’était présenté pour le troisième mandat, dont tous lui contestaient le droit. Le lien entre une éventuelle disqualification d’Ousmane Sonko et le sort de Macky Sall comporte sans doute des subtilités qui nous échappent... Par ailleurs, tout président qu’il était, Abdoulaye Wade avait été battu… par Macky Sall, justement. Les tensions, les destructions et même les morts, au nom de la méfiance vis-à-vis de la justice, tout cela laisse une impression de ce que les marxistes lusophones africains qualifiaient, dans les années 80, de confusionnisme.
Les études c'est important et tout parents souhaitent que son enfant son concentre et se consacre à ses études. Mais à côté des papiers, certains enfants ont un talent naturel qui à un moment donné, a besoin d'être valorisé. C'est le cas d'Abiba
Les études c'est important et tout parents souhaitent que son enfant son concentre et se consacre à ses études. Mais à côté des papiers, certains enfants ont un talent naturel qui à un moment donné, a besoin d'être valorisé. C'est le cas d'Abiba qui est devenue aujourd'hui une artiste qui prend de plus en plus sa place.
Ce qui avait commencé comme un jeu en 2015, a vite pris une sérieuse allure en un laps de temps : la carrière musicale d’Abiba. Étudiante en marketing et communication, c’est à l’âge de 14 ans qu’elle a commencé à chanter, épaulée en cela par sa grande sœur qui avait-elle, 17 ans en tant que manager. Le temps passant, les deux jeunes lycéennes continuent à travailler ensemble et ont gagné chacune en maturité et en expériences. Elles sont donc capables de mener un projet artistique en toute sérénité.
Aujourd’hui Abiba, c’est un nom qui est bien connu dans la scène musicale sénégalaise. Abiba se présente surtout comme la chanteuse sénégalaise la plus suivie sur les réseaux sociaux au Sénégal.
Abiba continue de tracer son chemin et n’a vraisemblablement aucune envie d’arrêter en si bon chemin même après ses études qu'elle suit encore.
Malgré les défis qui existent dans l'industrie musicale, Abiba, nous assure qu'elle arrive à tirer son épingle du jeu. Elle conduit beaucoup de projets musicaux dans le cadre de sa carrière et fait des investissements. In fine, elle vit de son art, de sa musique. Nous l’avons interrogée au centre culturel espagnol lors du Festival Women art show. Suivez son entretien avec AfricaGlobe Tv.
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CE QUE VEND L'ALLEMAGNE À TRAVERS SA LANGUE
Dans un contexte de mondialisation, la connaissance d'autres langues, notamment des langues étrangères, est toujours un plus, un atout pour accéder à des opportunités, interagir avec d'autres cultures et même marquer des points lors des recrutements.
Menacée de suppression au collège, il y quelques années, les professeurs d'allemand du Sénégal s’étaient levés pour défendre leur discipline : l’allemand. Plus que jamais, l’allemand figurera en bonne place dans le système éducatif du Sénégal, dans les collèges en l’occurrence. D’ailleurs, les enseignants de la discipline sont en train d’implémenter de nouvelles méthodes d’enseignement qui, selon toute vraisemblance, sont bien plus efficaces et stimulantes comme nous explique El Hadj Ibrahima Wone Bousso, le président de l’association des professeurs d’allemand du Sénégal (APAS). Il a été interrogé récemment, lors d’une réception en prélude aux journées pédagogiques des professeurs d’allemand.
Pour lui, l’intérêt d’apprendre l’allemand va au-delà du simple apprentissage d’une langue. Connaitre l’Allemand, c’est accéder à l’idéologie allemande : la rigueur allemande, le mode de pensée allemand la science aussi.
Il faut noter en effet que si le français est la langue de la diplomatie, l’italien, la langue de l’opéra, l’anglais, la langue des affaires et des relations internationales en plus d’être une Lingua Franca et si la philosophie parle grec, sans doute, l'allemand est la langue de la science.
D'ailleurs, l’on peut faire facilement une revue de nombre de savants, et même de grands philosophes et scientifiques produits par l’Allemagne.
Dans un contexte de mondialisation, la connaissance d'autres langues, notamment des langues étrangères, est toujours un plus, un atout pour accéder à des opportunités, interagir avec d'autres cultures et même marquer des points lors des recrutements.
Toutes les anciennes puissances colonisatrices nous ont légué l’enseignement de leur langue, enseignées dans nos écoles et universités, en Afrique.
Bien que le français soit notre première langue d'éducation et que l’anglais en raison de sa position de linga Franca est une bonne assise partout dans le monde y compris en Afrique l’apprentissage des autres langues est toujours utile. C’est le cas de l’allemand.
Même si cette langue n’est pas parmi les 5 ni 10 les premières langues du monde, il y a un grand intérêt à apprendre la langue de Goethe parce qu' elle est la voie royale pour accéder aux ONG aux Fondations allemandes et autres projets de la république fédérale d'Allemagne en Afrique.
Première économie de l’Union européenne et troisième puissance du monde l’Allemagne est un des grands partenaires de l’Afrique. Pour cette raison, des étudiants ont intérêt à s’intéresser à cette langue. Menace de suppression au collège, germanisants et germanophone se sont mobiliser pour ramener à la raison l’État du Sénégal a renoncer à ce projet.
L’allemand ne risque donc pas. Au contraire, les germanisants ont adopté des nouvelles méthodes de transmission calquées sur ce qui se fait dans les pays germanophones d’Europe, favorisées en cela par la pandémie de Covid-19.
Récemment, les professeurs d’allemand ont à cet effet tenu la 3e édition de leurs journées pédagogique pour remettre au goût du jour ces nouvelles pratiques. Une réception avait été offerte à la résidence de l'ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne.
C’est en marge de cette réception que nous avons interrogée le président de l’association des professeurs d'allemand du Sénégal, Monsieur El Hadj Ibrahima Bousso Wone.
par Ndongo Samba Sylla (septembre 2013)
SIX PROPOSITIONS POUR ANCRER LA DÉMOCRATIE
Pour parer au biais monarchique de notre Constitution bien française de par son inspiration, il faut faire en sorte qu’elle consacre désormais l’initiative populaire au niveau du processus parlementaire et au niveau du processus référendaire
« S’agissant de la politique, ce que doivent savoir les politiciens et les pilotes, c’est ce que veulent les gens ou les passagers. Et ce qui donne le pouvoir d’agir à partir de ces savoirs, c’est l’autorisation des gens ou des passagers eux-mêmes. » (Michael Walzer)[1]
Officiellement mise en place en mai dernier, à l’initiative du président Macky Sall, la commission nationale de réforme des institutions (CNRI) va livrer ses conclusions dans environ deux mois. Par sa démarche de consultations citoyennes, la CNRI donne l’occasion à chacun d’entre nous de s’exprimer sur notre régime politique et sur les changements appropriés qu’il faudrait lui apporter. Comme tout citoyen soucieux du bien-être de sa communauté politique, nous souhaitons apporter notre pierre à l’édifice.
Une séparation plus effective entre les pouvoirs, une plus grande indépendance de la justice, un meilleur équilibre entre les pouvoirs, une rationalisation du nombre de partis politiques, une plus grande distanciation entre le rôle de chef de l’exécutif et celui de chef de parti, la limitation du cumul des mandats etc., ces différentes propositions sont certainement importantes. Néanmoins, elles ont pour caractéristique commune de présupposer que le peuple doit toujours être représenté partout - sauf dans des domaines comme l’impôt et les travaux ingrats. Par contraste avec cette ligne de raisonnement, nous nous situons essentiellement dans la perspective de renforcer les pouvoirs des citoyens ordinaires.
Ce qu’on appelle de nos jours « démocratie directe » est le pan largement ignoré voire éludé par les différentes tentatives de réforme institutionnelle qui ont été menées jusqu’ici au Sénégal. Or, il nous semble que c’est à niveau que l’on peut véritablement faire avancer la cause de la démocratie. Nos experts, acteurs politiques, organisations de la société civile ont beaucoup médité et glosé sur les mécanismes d’une représentation optimale. Il est temps qu’ils abordent plus sérieusement la question de la démocratie stricto sensu.
L’idée de base de la démocratie est que la politique, les délibérations publiques plus précisément, ne peut être une affaire d’expertise ou de richesse. Tout un chacun doit avoir voix au chapitre quelle que soit son origine sociale. Par contraste, l’idée de représentation part à l’origine du principe que la voix du peuple est dangereuse et que seuls ceux qui disposent du savoir et/ou de la richesse doivent s’exprimer et gouverner au nom du peuple. « Le grand avantage des représentants, note Montesquieu, c'est qu'ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n'y est point du tout propre; ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie »[2].Dans ce sillage, Emmanuel Kant écrivait pour le déplorer que la « démocratie rend la représentation impossible »[3]. De même, le président John Adams, le rédacteur en chef de la Constitution du Massachusetts, première Constitution adoptée au sein de la jeune républicaine américaine et qui a servi par la suite de modèle à la Constitution fédérale, soutenait qu’« une démocratie simple par représentation est une contradiction dans les termes »[4]. Tout ceci pour dire que, autrefois, les penseurs et hommes politiques étaient conscients du conflit irréductible entre « démocratie » et « représentation ». Malheureusement, cela n’est plus le cas de nos jours où le langage politique s’est corrompu à un point tel qu’un oxymore comme « démocratie représentative » ne choque plus grand monde.
Dans le cadre des initiatives cherchant à rendre notre régime politique plus démocratique, nous soumettons au débat public et à la CNRI six propositions majeures. Vu qu’elles militent pour la participation populaire et le contrôle citoyen, nous ne doutons pas qu’elles trouveront une large résonance auprès de la plupart de nos compatriotes.
Consacrer l’initiative populaire
En matière de participation populaire, force est de remarquer que les Constitutions qui se sont succédé jusqu’à aujourd’hui n’ont guère pu s’élever au-delà de ce qu’il faut bien considérer comme des référendums facultatifs, d’initiative monarchique. Depuis son indépendance, le Sénégal n’a organisé que trois référendums, tous à l’initiative du chef de l’État. En 1963, le président Senghor, alors en conflit avec Mamadou Dia, voulait supprimer le poste de Premier ministre. Pour faire adopter sa nouvelle Constitution, taillée selon ses besoins du moment, il organisa un référendum qui lui assura l’adhésion de 99,45% des votants. Sept ans plus tard, le président Senghor avait changé d’avis. Il souhaitait dorénavant rétablir le poste de premier ministre. Le triomphe fut encore plus manifeste puisque 99,96% des votants avaient répondu positivement lors d’un nouveau référendum. En 2001, le président Abdoulaye Wade organisa un référendum pour faire adopter une Constitution qui réduit la durée du mandat présidentiel (de 7 à 5 ans) et qui dissout le Sénat (institution introduite deux ans plus tôt par l’ancien parti au pouvoir et réintroduite par Wade lui-même en 2007 pour être dissoute par Macky Sall en 2012 !). Sans surprise, 94% des votants accordèrent leurs suffrages avec les vœux du Chef de l’Etat.
Le recours au référendum a non seulement été exceptionnel au Sénégal. Mieux, l’on constate que l’initiative du recours au référendum, prérogative constitutionnelle dont disposent le chef d’Etat et les députés, a été de fait un monopole monarchique. Or, les chefs d’Etat n’organisent pas des référendums qui peuvent les affaiblir sur le plan politique. Toutes les fois qu’ils y ont recours, c’est souvent pour chercher à maquiller « démocratiquement » des forfaits institutionnels servant une rationalité purement politicienne. Sinon, de manière générale, ils préfèrent faire de « l’assemblée nationale » dominée par leur parti le seul dépositaire de la « souveraineté populaire » : si 37 révisions constitutionnelles ont été validées entre 1960 et 2009, cinq seulement sont d’initiative parlementaire. Comme quoi le document fondamental de notre République a été jusque-là une sorte de palimpseste pour les abonnés à l’encre monarchique.
Pour parer au biais monarchique de notre Constitution bien française de par son inspiration (il est assez drôle de noter que le texte de présentation de la première révision constitutionnelle de l’histoire de notre pays se termine comme suit : « Fait à Paris, le 12 novembre 1961 »), il faut faire en sorte qu’elle consacre désormais l’initiative populaire au niveau du processus parlementaire et au niveau du processus référendaire.
Nous proposons tout d’abord que notre Constitution garantisse aux citoyens sénégalais la possibilité de porter des propositions législatives devant le Parlement qui devra les étudier et les soumettre au vote, sans passer par un référendum. Les conditions d’exercice de cette initiative populaire (par exemple le nombre de signatures requis) devront bien entendu être déterminées par la loi. Ce type de mesure permet de rendre la sphère législative plus sensible aux préoccupations populaires, y compris celles des organisations de la société civile. L’agenda législatif ne devrait plus être le monopole des élus ou du gouvernement.
Nous proposons ensuite que notre Constitution aménage un espace pour le référendum d’initiative populaire (RIP). En quoi le référendum d’initiative populaire consiste-t-il exactement ? Comme son nom l’indique, il s’agit pour les Sénégalais et Sénégalaises d’avoir la possibilité, une fois qu’ils ont atteint le nombre de signatures requis, de soumettre au vote du peuple des questions clés portant sur notre vie nationale. Pour prendre le cas de la Constitution suisse, il est possible pour 100 000 citoyens suisses ayant le droit de vote, dans un délai de 18 mois à compter de la publication officielle de leur initiative, de proposer la révision totale ou partielle de la Constitution (articles 138 et 139). Dans le cas du Sénégal, le référendum d’initiative populaire pourrait porter sur (i) la révision totale ou partielle de la constitution ; (ii) l’adoption de nouvelles lois ; (iii) l’abrogation de lois existantes ; (iv) le rejet de lois récentes qui ne sont pas encore entrées en vigueur. Autant de points qui doivent naturellement faire l’objet de débats.
En plus de renforcer significativement la participation populaire, le référendum d’initiative populaire a deux autres avantages majeurs : il nous préserve de la tyrannie des partis et il les oblige à travailler ensemble pour obtenir un consensus sur les questions importantes. Par exemple, si le RIP avait été permis par notre Constitution, il n’y aurait certainement jamais eu de « 23 juin » 2011. Ce jour-là, le parti au pouvoir, profitant de sa majorité absolue, a voulu faire passer une loi controversée (portant sur le « ticket présidentiel ») qui n’avait pas l’approbation de la majorité des Sénégalais. Il a fallu le recours à la violence pour faire reculer la majorité parlementaire. Or, si le RIP avait cours chez nous, le problème aurait pu être géré de manière beaucoup plus civilisée, sans toute cette tension sociale et ces effusions de sang. La majorité parlementaire aurait alors compris que cette loi, à supposer qu’elle fût éventuellement votée, allait être contestée par les Sénégalais qui auraient demandé la tenue d’un référendum de rejet. Les épisodes type « 23 juin », au même titre que la bataille mortelle autour de la constitutionnalité du troisième mandat de Wade, ne peuvent être recensés que dans les pays dont les Constitutions consacrent le despotisme des « représentants du peuple » sur le peuple.
Assainir la sphère publique et les pratiques des politiques
D’ordinaire, les usurpations des « représentants du peuple » ne se limitent pas seulement à la manipulation des règles du processus démocratique. Bien souvent, elles se manifestent également sous les traits regrettables de la démagogie, de l’incompétence, de l’opacité et de la corruption. Autant de maux qui justifient à leur tour la faible qualité du débat public, l’évitement des questions fondamentales au profit des considérations partisanes, les situations d’enrichissement illicite et l’inefficacité des politiques publiques lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins de base de nos concitoyens. Face à cette situation aussi dangereuse que consternante, il nous faut travailler à changer le rapport des hommes et femmes politiques à la politique. La politique est une chose beaucoup trop importante pour être laissée aux seuls politiciens. Il ne faut plus que la politique soit chez nous une sphère où l’élite gouvernante s’occupe uniquement de trafiquer postes, honneurs, influence et richesses dans l’indifférence envers les devoirs liés à ses charges. Pour nous épargner le spectacle désolant offert par les fortunes suspectes, les exactions bureaucratiques et la domination de l’incompétence dans l’allocation des postes clés de l’Etat, nous proposons les trois mesures suivantes.
Tout d’abord, la déclaration annuelle et publique de patrimoine doit être institutionnalisée à tous les niveaux de la sphère publique. Ce qui inclut tous les titulaires de fonctions électives (chef d’Etat, députés, sénateurs, maires, conseillers municipaux, etc.), les titulaires de fonctions soumises à la nomination de certains élus (ministres, sénateurs, conseillers de la République, ambassadeurs, préfets, gouverneurs, etc.), de fonctions administratives supérieures (directeurs, présidents de Conseil d’administration, secrétaires exécutifs, directeurs administratifs et financiers, etc.), les leaders et membres des bureaux des partis politiques.
Ensuite, pour que cette déclaration de patrimoine ne se réduise à une simple formalité administrative sans conséquence aucune, nous proposons la mise en place au niveau national et local de commissions citoyennes indépendantes des partis politiques et de l’État et dont les membres pourraient se recruter dans toutes les catégories sociales. Ces commissions dont les modalités de fonctionnement pourront être discutées ultérieurement auraient une mission de veille, de contrôle et d’alerte. Elles devront à l’échelle administrative appropriée s’assurer que la déclaration annuelle de patrimoine a été effectuée en bonne et due forme par ceux qui doivent s’acquitter de cette obligation. Pour cela, elles doivent être en mesure de demander des justifications aux personnes dont les déclarations de patrimoine souffriraient de lacunes ou de problèmes de cohérence. De même, elles devront pouvoir saisir les autorités judiciaires compétentes toutes les fois que cela s’avère opportun. Last but not least, les personnes qui n’ont pas effectué leur déclaration de patrimoine en bonne et due forme ou qui ont été condamnées pour corruption ne pourraient ni être candidates aux élections ni être nommées à de hautes fonctions administratives ni créer un parti politique.
Ces différentes mesures favoriseront sans aucun doute la transparence publique, la prévention et la répression de la corruption. De manière indirecte, elles susciteront l’éclosion de comportements de type nouveau dans une sphère publique en mal d’assainissement éthique. Les dégâts occasionnés par la corruption ne peuvent être réparés par la justice des tribunaux car ils laissent des traces profondes sur l’équilibre de nos sociétés et sur les conditions de vie de nos populations. C’est pourquoi une stratégie préventive basée sur le contrôle citoyen est la meilleure pour limiter les impacts nocifs de la corruption publique. Sous une acception plus démocratique, l’équilibre des pouvoirs doit également pouvoir signifier la possibilité d’institutionnaliser un contrôle citoyen indépendant et effectif.
Enfin, nous proposons une extension des droits à l’information de nos concitoyens, notamment dans leurs rapports avec les autorités publiques. Des pas significatifs ont sans doute été faits dans ce domaine. Il importe cependant d’aller un peu plus loin. Les documents à la disposition des autorités publiques doivent dans la mesure du possible être accessibles à tout citoyen qui pourrait en faire la demande. Chaque citoyen devrait pouvoir requérir des informations vis-à-vis des autorités publiques qui le cas échéant seraient dans l’obligation de leur délivrer les informations souhaitées, si elles l’ont à leur disposition, dans les conditions prévues par la loi. Dans le monde anglo-saxon, ce type de mesure relève d’ordinaire des lois sur la liberté d’information (Freedom of Information Act).
L’un des effets de cette mesure est de renforcer le dialogue entre l’administration et les usagers ainsi qu’une plus grande transparence dans le fonctionnement des pouvoirs publics. Face aux nombreuses demandes qui vont s’adresser à eux, les pouvoirs publics seront obligés de publier le maximum de documents en ligne. Ce qui facilitera également le travail d’investigation mené par les médias, les chercheurs et les organisations de la société civile. Il est vain de parler de contrôle citoyen quand les pouvoirs publics ont le monopole de l’information publique. Au XXIe siècle, on ne peut concevoir la citoyenneté démocratique en l’absence d’un accès public universel aux documents de l’administration.
Accorder une protection constitutionnelle à nos ressources naturelles
Notre constitution est silencieuse sur la question de la protection de nos ressources naturelles, ces leviers de notre prospérité et de celle des générations futures. Face à la recrudescence des pratiques d’un autre âge, nous pensons entre autres à la « boulimie » foncière et aux impacts écologiques délétères de l’exploitation minière, il est important que notre Constitution affirme avec panache l’obligation pour l’Etat de protéger nos terres, nos ressources en eau, nos ressources naturelles, notre environnement de manière plus générale. Ce qui passe entre autres par un renforcement des pouvoirs des populations au niveau des communautés de base.
Telles sont pour le moment nos principales propositions. Nous sommes disponibles à échanger plus en profondeur là-dessus et à les confronter avec d’éventuels arguments contradictoires. Sans un élargissement des pouvoirs des citoyens ordinaires, nous ne pourrons que difficilement émerger des sempiternelles turpitudes de notre vie politique.
Le président de la CNRI, le professeur Amadou Mahtar Mbow a déclaré dans la presse que « la démocratie participative est la meilleure des choses pour engager tous les citoyens. Nous pensons qu’une Constitution si complexe qu’elle soit, ne doit pas être le fait seulement de quelques spécialistes, mais elle doit être l’affaire de l’ensemble de la collectivité nationale pour laquelle elle est élaborée. La Constitution n’est pas destinée à une élite intellectuelle, mais à tout le peuple. »[5]
C’est exactement sur ce terrain que nous attendons la CNRI. Certes, il est toujours bien de consulter le peuple. Mais c’est encore mieux de donner l’initiative au peuple. La capacité à franchir ce pas décisif sera le test ultime de la vigueur et de la sincérité des convictions démocratiques de la CNRI et du Chef de l’Etat. Ce sera la seule manière de donner un contenu conséquent à une souveraineté populaire qui demeure largement fictive malgré les incantations de nos infatigables démagogues.
(Cet article a été initiallement publié à Sud Quotidien dans son édition du 1er septembre 2013)
Références
[1] Sphères de Justice. Une défense du pluralisme et de l’égalité, Seuil, 2013, pp.398-399.
[2] Montesquieu, De l’Esprit des Lois, Livre XI, chap.6.
[3] Emmanuel Kant, Projet de Paix Perpétuelle, Königsberg, chez Frédéric Nicolovius, 1796, traduit de l’allemand, pp.29-30.
[4] Charles Francis Adams eds. The Works of John Adams, Second President of the United States, volume 4, Boston, Charles C. Little and James Brown, 1851, p.316.
[5] Voir l’article du journal Le Soleil du 21 juin 2013, « La commission nationale de réforme des institutions ouverte à toutes les sensibilités ».
UNE ENQUÊTE RÉVÈLE QUE EVGUENI PRIGOJINE A APPUYÉ FINANCIÈREMENT KÉMI SEBA
Le militant panafricaniste a reçu plus de 400 000 dollars d'aide financière de la part du groupe russe Wagner, pointé du doigt pour les exactions commises par ses mercenaires dans plusieurs pays, notamment africains
Kémi Séba a reçu plus de 400 000 dollars d'aide financière de la part du groupe russe Wagner, pointé du doigt pour les exactions commises par ses mercenaires dans plusieurs pays, notamment africains, affirme Jeune Afrique dans une enquête sur les liens financiers entre l'activiste franco-béninois et Evgueni Prigojine, le patron du groupe paramilitaire.
En collaboration avec le magazine « Sources » de Arte/CAPA, le quotidien allemand Die Welt, ainsi que les organisations All Eyes On Wagner et Dossier Center, le magazine Jeune Afrique s'appuie sur des dizaines de documents internes issues de plusieurs entités appartenant au milliardaire russe. Ils montrent que Kémi Séba a été pris en charge par différentes structures d'Evgueni Prigojine pendant plus d'un an, de mai 2018 à juillet 2019.
Ces documents venant de diverses structures appartenant à la galaxie Evgueni Prigojine laissent apparaître plusieurs fois un certain « projet Kémi ». Un document, par exemple, indique que le groupe du patron de Wagner conseille et informe Kémi Seba en fournissant du matériel de recherche, veut l'aider à construire un parti panafricain et développer ses ressources médiatiques.
L'enquête démontre surtout que durant cette période, l'activiste a reçu plusieurs versements successifs de dizaines de milliers de dollars, 440 000 au total.
LE MONOPOLE RELATIONNEL DE MACKY SALL CASSÉ SUR L'AXE PARIS-DAKAR
Désormais, la France parle ouvertement avec Ousmane Sonko qui a adouci sa virulence à son égard. Elle préférerait sans doute continuer avec Macky Sall, accommodant et familier, qu’aller à l’aventure avec un souverainiste incontrôlable
C’est notre confrère « Le Monde » qui nous l’apprend : Nadège Chouat, numéro deux de la Cellule africaine de l’Elysée (Cellule Afrique), s’est entretenue pendant deux bonnes heures environ avec le chef de l’opposition sénégalaise Ousmane Sonko le 23 mars dernier à Dakar. Le président du parti Pastef-Les Patriotes a encore dénoncé devant son hôte la nécessité de réformer le caractère « asymétrique » des relations entre la France et le Sénégal pour les rendre plus équitables.
Le 9 mars dernier, sept leaders de l’opposition dont Ousmane Sonko ont été reçus par les ambassadeurs de l’Union européenne - dont le Français Philippe Lalliot - au siège de la Délégation de l’UE. Cette rencontre faisait suite à un coup de gueule du même Sonko reprochant à l’UE et à d’autres représentations diplomatiques leur frilosité à prendre langue avec l’opposition sénégalaise. Plus énigmatique par contre est ce rendez-vous organisé au début de cette année entre des agents des services de renseignements français et l’opposant sénégalais à Ziguinchor, ville du sud dont il est le maire, ajoute le journal.
Ces contacts divers entre Ousmane Sonko, candidat déclaré à la présidentielle du 25 février 2024, et des émissaires français sont une brèche de taille dans le monopole relationnel dont disposait le président Macky Sall sur la ligne Dakar-Paris. Officiellement, l’axe Sall-Macron est toujours été d’excellente qualité, les deux hommes étant même assez familiers dans leurs échanges réguliers. A l’Elysée, le numéro 1 sénégalais est considéré comme un interlocuteur accommodant, regardant sur les intérêts économiques, financiers et stratégiques de la France au Sénégal. Dans le fragile contexte sécuritaire ouest-africain, il est vu comme un élément stabilisateur fiable de ce qui reste du fameux pré-carré français.
Candidature « hypothétique »
Néanmoins, au nom du principe « les hommes passent, les institutions restent », l’Elysée ne veut rien s’interdire en termes d’options pour le futur. Il se prépare à toutes éventualités d’autant plus que la candidature du président Sall reste « hypothétique », selon le mot de la porte-parole du Quai d’Orsay. Le futur président sortant va devoir faire face à de nombreux barrages de la part des partis politiques et des mouvements de la société civile sénégalaise s’il décidait de franchir le Rubicon et son potentiel de violences. En 2011-2012, dans une posture à peu près similaire, son prédécesseur Abdoulaye Wade avait choisi le passage en force avec l’appui du conseil constitutionnel pour briguer en vain un troisième mandat. Derrière lui, une quinzaine de morts lors de manifestations diverses contre sa candidature auxquelles... Macky Sall avait pris une part active.
Ousmane Sonko – en attendant que son horizon judiciaire s’éclaircisse ou s’obscurcisse - est donc devenu un interlocuteur important, pour ne pas dire incontournable, sur l’échiquier politique sénégalais, en dépit d’une posture indépendantiste et souverainiste qui ne plaît pas forcément à Paris. Mais la France a-t-elle le choix de ses partenaires (futurs) dans un pays comme le Sénégal où le phénomène Pastef a radicalement fait basculer le rapport de force politique en s’appuyant sur une jeunesse revendicatrice d’un rééquilibrage substantiel et global de la coopération avec l’ancienne métropole ?
Neutralité dynamique
Aujourd’hui, c’est en pleine tempête politico-judiciaire que l’Elysée multiplie les contacts informels avec le leader de l’opposition sénégalaise, mais aussi avec la présidence sénégalaise. Sur son compte Twitter, l’avocat franco-espagnol Juan Branco révèle que des émissaires de l’Elysée et du Quai d’Orsay ont effectué une mission secrète auprès du président sénégalais quelques jours avant le procès en diffamation intenté contre Sonko par le ministre sénégalais du Tourisme le jeudi 30 mars. Branco qui devait faire partie du pool défense de l’opposant a été rapatrié à Paris sitôt après avoir débarqué à Dakar pour des propos jugés irrespectueux envers le chef de l’Etat sénégalais. Macron voulait-il signifier à Sall une ligne rouge à ne pas franchir dans ledit procès ?
En parlant « avec tout le monde » tout en restant à équidistance des acteurs politiques concurrents, la France ne souhaite clairement pas insulter l’avenir, soucieuse juste de préserver des intérêts et de l’influence au Sénégal. Ce que l’Elysée appelle « neutralité ». Mais avec les incertitudes politiques et judiciaires au Sénégal, cette neutralité semble plutôt dynamique. Elle s’active en secret à travers une diplomatie d’anticipation prête à composer avec la mouvance politique que les Sénégalais se donneront eux-mêmes en février 2024.