EXCLUSIF SENEPLUS - C’est le retour du refoulé, pour beaucoup, avec pour seul bagage l’injure, l’apostrophe grossière, l’invective, témoignant de l’oubli de toutes nos traditions et valeurs de tolérance qui fondent la société sénégalaise
J’ai regardé la vidéo du député de Benno Bok Yakkar, éructant, la bave aux lèvres, index tendu vers d’autres députés, surexcité, hors de contrôle, et appelant à prendre des cordes et des chaînes pour attacher les mains des opposants et les jeter à la mer pour nourrir les poissons. Et le tout sous le regard impavide du président de l’Assemblée, dodelinant de la tête et au pire soutenant ses propos.
Je ne connais pas ce député de la majorité présidentielle qui appelle au meurtre des opposants je ne souhaite surtout pas le connaître. Ce député a ses références, les cordes et les chaînes renvoient à cette période où des négriers et des chasseurs d’esclaves écumaient les côtes d’Afrique pour alimenter ce sinistre commerce. Dans ses propos, j’ai cru comprendre que si le président Macky l’ordonnait, il mettrait ses projets à exécution. Que Dieu nous garde de ces illuminés.
Un autre, triste individu, a menacé de marcher sur les cadavres des opposants au 3ème mandat de Macky.
Jeudi 1er décembre, on a assisté, sidéré, à ce spectacle odieux d’un député de l’opposition, membre du PUR, giflant une de ses collègues, parce que c’est une femme et qu’elle avait, de surcroît, fait des allusions à son mentor et guide religieux lors d’une séance précédente. La politique et la religion ne font jamais bon ménage. Ce député doit être condamné pour cet acte qui nous ramène à toutes les violences que subissent quotidiennement les femmes sénégalaises.
Désormais, ces jours-ci, les citoyens sénégalais se réveillent chaque matin, attendant les nouvelles, plus lamentables les unes que les autres, en provenance de l’Assemblée nationale, avec un sentiment immense de honte nationale.
Qu’avons-nous fait pour mériter ça ?
J’ai toujours considéré, comme réactionnaire et relevant d'une analyse déterministe de la société, cette assertion qui dit que toute nation a le gouvernement qu’elle mérite.
J’ai toujours préféré Alexis de Tocqueville, qui considérait que la Providence n’a créé le genre humain ni entièrement indépendant, ni tout à fait esclave.
Et autour de chaque homme disait-il, il y a certes une fatalité ou, dirions-nous aujourd’hui, des déterminismes sociaux ou de classe, mais ils sont vastes et l’homme est puissant et libre.
Ainsi, les tyrans ne sont grands que parce que les peuples sont à genoux.
Cette institution, l’Assemblée nationale, nous citoyens sénégalais, l’avons gagnée et instituée comme la représentation politique éminente de la nation. Nous avons élu ceux qui y siègent avec nos suffrages.
Mais nous ne sommes pas responsables de leurs turpitudes, de leurs bassesses. Pas en notre nom, mesdames, messieurs. Nos suffrages méritent mieux.
Je pense à tous ceux qui ont bâti la réputation de cette Assemblée, dont la culture politique, l’élégance des propos et la posture républicaine rayonnaient dans ces lieux.
Lamine Guèye, Amadou Cissé Dia, Habib Thiam, Daouda Sow, Cheikh Khadre Sissoko, pour ne citer que ces éminents parlementaires, ont présidé cette Assemblée et ont laissé l’héritage d’un parlementarisme sénégalais inscrit, désormais, comme un des piliers de notre République.
Cette législature a débuté sous de sombres augures, avec des législatives manipulées par le régime de Macky Sall. Ce qui n’a pas empêché qu’il boive la tasse jusqu’à la lie, une totale bérézina électorale.
Et pour la première fois dans notre démocratie, un gouvernement est sans majorité parlementaire avérée. Avec des députés élus, dont la seule consigne, reçue du président lui-même, est une posture de lutteur avec comme chef de meute le griot himself du chef. On a du mal à le comprendre, pour ceux qui croient à un Sénégal moderne affranchi de cette mentalité féodale.
Dans le spectacle offert à longueur de retransmission, mais qui devrait être interdit aux enfants, on entend fuser des insultes si grossières, qu’on doit se pincer pour croire que l’on se trouve vraiment au Parlement sénégalais, siège du pouvoir législatif, à lui confié, par nous citoyens.
On n’est pas surpris de voir Macky Sall dérouler son programme énoncé auprès de ses militants à Kaffrine en 2015 : « je veux réduire l’opposition à sa plus simple expression. »
Et dans une asymétrie presque parfaite, une partie des députés de l’opposition veut en découdre, marquer son territoire, pour lui montrer qu’il est minoritaire dans ce pays, même s’il faut, pour cela, transformer l’Assemblée nationale en arène.
On vitupère. On interpelle. On se marque. Il n’y a plus de nuances, le combat est frontal.
C’est le retour du refoulé, pour beaucoup, avec pour seul bagage l’injure, l’apostrophe grossière, l’invective, témoignant de l’oubli de toutes nos traditions et valeurs de tolérance, de respect de l’autre, de tempérance dans les actes, qui fondent la société sénégalaise du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest de ce pays.
On peine à saisir dans les interventions des uns et des autres, un travail de fond dans le débat d’orientation budgétaire et le vote du budget des différents ministères.
On ne débat plus, on ne cherche plus le compromis, qui est l’essence même du parlementarisme, négocier entre groupes parlementaires, dans l’intérêt de la nation.
« Le parlementarisme, c’est la garantie des citoyens, la liberté de la discussion, la liberté de la presse, la liberté individuelle, le contrôle de l’impôt, le droit de savoir ce qu’on fait de notre argent, le contrepoids de l’arbitraire (...) tout cela n’est plus… », disait Victor Hugo dans son pamphlet Napoléon le petit.
À voir notre Parlement actuel, on pourrait penser que ces phrases d’Hugo ont été écrites cette semaine après le spectacle misérable qui nous est offert tous les jours.
J’ai le sentiment qu’on court tout droit vers une crise de régime.
Sieyès définissait ainsi le principe de la légitimité politique : « le peuple ne peut parler et ne peut agir que par ses représentants. »
Dès lors que le président lui-même, par ses actes et ses consignes aux députés de la majorité ne leur confère aucun rôle dans la conduite des affaires de la nation, mais plutôt les assigne à un rôle de chiens de garde, le moment va arriver où les citoyens de ce pays, au nom desquels on prend les décisions, entrent en rébellion ouverte contre les porte-parole institués.
C’est ce qu’on appelle une crise de la représentation engendrant une crise profonde de la délégation de pouvoirs, donc une crise de régime.
L’inculture politique de ceux qui gouvernent aujourd’hui, les aveugle sur leur capacité à faire le dos rond et rester aveugle devant la crise qui arrive à grands pas, multipliée par les conditions de vie de plus en plus difficiles pour la très grande majorité des citoyens sénégalais.
L’histoire politique de notre pays a connu de multiples crises.
Des crises issues de contextes électoraux comme en 1963, en 1988 et en 1993, et des manifestations et des violences qui ont parsemé la journée du 21 juin 2011 contre les tentatives de Wade de modifier le mode de scrutin et celles de janvier contre le même Wade sur le 3ème mandat.
Et si la crise et les manifestations de mars 2021 ont pris une telle ampleur, c’est qu’elles se conjuguaient avec une véritable défiance vis-à-vis du pouvoir de Macky Sall, la gabegie, la corruption de son clan et la dilapidation des maigres ressources économiques par son régime avec ses marchés publics octroyés presque exclusivement aux firmes étrangères.
Alors, attention à ne pas se retrouver, à force de jouer les apprentis sorciers et à esquiver les réponses aux aspirations démocratiques et sociales de la très grande majorité de notre peuple, face à une situation qu’on n’ose imaginer.
En 1852, au début du dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte, Karl Marx écrivait : « Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages de l'histoire se produisent pour ainsi dire deux fois, mais il a oublié d'ajouter : la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide. »
Il appartient aux républicains de dire maintenant Stop.
Il est temps, maintenant, d’arrêter cette machine infernale qui inéluctablement risque de plonger notre pays dans les abysses.
Le Maroc a sorti mardi l'Espagne aux tirs au but (0-0 a.p.) pour s'offrir un quart de finale historique au Mondial-2022 et effacer la terrible désillusion de 1986 au même stade de la compétition
L'équipe de Walid Regragui affrontera le vainqueur du match entre la Suisse et le Portugal, qui s'affrontent dans la soirée pour le denier billet dans le Top 8.
Un match pour lequel le sélectionneur de la Seleçao Fernando Santos a fait un choix fort en laissant sur le banc l'une des deux grandes stars planétaires du football des quinze dernières années, Cristiano Ronaldo.
En sortant l'Espagne, le Maroc, enthousiasmant depuis le début du tournoi, évite une répétition des scénarios de 2018 ou 2006, quand les quarts de finale avaient tourné au duel Europe - Amérique du Sud.
Ce succès apaisera les vieux démons chez les plus anciens supporters marocains: l'élimination en toute fin de match en 1986, sur un coup franc lointain de l'Allemand Lothar Matthäus.
Cette fois, c'est Pablo Sarabia qui aurait pu endosser le rôle du bourreau mais sa reprise au second poteau dans les derniers instants a manqué le cadre d'un souffle, caressant le poteau du gardien Yassine Bounou, alias "Bono".
Lors de la séance des tirs au but, le gardien du Séville FC a arrêté les deux tentatives de Carlos Soler et Sergio Busquets, alors que Sarabia, premier tireur, avait touché le poteau.
"Les penalties, c'est un petit peu d'intuition, un petit peu de chance", a expliqué le gardien après le match, rendant hommage à ses coéquipiers qui ont "fait le job" pendant 120 minutes.
- Pelé va mieux -
Avec les Lions de l'Atlas en quarts, il y aura quatre champions du monde (Brésil, France, Angleterre et Argentine), et deux vice-champions (Pays-Bas et Croatie).
Avec des affiches alléchantes comme Argentine-Pays Bas ou encore France-Angleterre, un duel qui n'a été joué en Coupe du monde qu'en 1966 et 1982, pour autant de victoires des Three Lions.
Face aux Croates, les Brésiliens partiront encore ultra-favoris.
Lors d'une journée de détente au lendemain de leur qualification facile contre la Corée du Sud (4-1), ils ont reçu des nouvelles rassurantes de Pelé, qui lutte contre un cancer du côlon et dont l'état de santé "s'améliore progressivement", selon son hôpital.
L'autre match du jour, Portugal-Suisse (20H00), s'annonce indécis.
Convaincante depuis le début du Mondial, sortie d'un groupe relevé, très organisée et disposant d'individualités capables de moments de brillance comme Breel Embolo ou Xherdan Shaqiri, la Suisse dispute son quatrième 1/8 de finale en cinq éditions...
En 2006, 2014 et 2018, elle a échoué à retrouver des quarts visités une seule fois, en 1954, dans un Mondial qu'elle avait accueilli, et auquel ne participaient que seize équipes.
"Être en position d'écrire l'histoire n'est pas ce qui compte pour nous. Nous connaissons nos adversaires et nous avons montré que nous pouvons les battre. Ensuite, on pourra peut-être parler d'histoire", a déclaré le sélectionneur Murat Yakin dont l'équipe avait battu le Portugal 1 à 0 en Ligue des nations en juin après avoir subi une déroute à Lisbonne (4-0).
- Ronaldo, un piédestal branlant -
L'histoire, Cristiano Ronaldo entend l'écrire, encore et toujours.
S'il entre en jeu, se qualifie puis joue en quarts, ce collectionneur compulsif de records pourra en ajouter un à sa longue liste, en devenant le joueur le plus sélectionné dans l'histoire du football, ex æquo avec le Koweitien Bader al-Mutawa (196).
Mais l'enjeu pour le quintuple Ballon d'or, champion d'Europe 2016, est désormais de réussir ou non sa sortie avec le Portugal après le fiasco de son deuxième séjour à Manchester United.
En attendant, peut-être, de céder aux lucratives sirènes d'al-Nassr avec qui, selon des responsables du club saoudien, il a entamé des négociations.
S'il est devenu le seul joueur à marquer lors de cinq Coupes du monde, ses performances accréditent la thèse selon laquelle a commencé son inexorable crépuscule.
Le voir reléguer au statut de remplaçant était inimaginable il y a quelques jours seulement. En prenant cette décision forte, Fernando Santos sait qu'il prend un risque. Une élimination lancerait à coup sûr les polémiques.
par Jacques Habib Sy
PAPE ALÉ, NIANG CE JOURNALISTE ORGANIQUE NE MÉRITE PAS LA PRISON
EXCLUSIF SENEPLUS - Il tordait le cou aux commis de la malfaisance financière, aux spécialistes des coups tordus politiques et à tous les bonimenteurs publics. Rendez-nous notre Pape Alé. Il se fait déjà tard
De Pape Alé Niang, l’histoire retiendra sans doute sa brillante contribution au journalisme d’investigation dans une démocratie qui a pris des rides. Au firmament de son art, Pape Alé a choisi de se promener dans les champs de mines de la mal gouvernance et les sentiers administratifs bouffis du vol et du pillage des biens et des richesses publics dont dépendent la survie et l’avenir de millions de Sénégalais. Un avenir largement compromis par les mandats politiques remplis du venin de la tromperie dirigée contre des populations exsangues.
Ce jeune journaliste, formé dans les académies à l’ombre d’ainés dont certains ont marqué l’histoire pionnière du journalisme au Sénégal et en Afrique de l’Ouest, n’a jamais tourné le dos aux miséreux des villages décharnés et des banlieues tristement démunies. Il s’est pleinement investi, jour après jour, et à travers ses fameuses chroniques hebdomadaires toujours attendues par des dizaines de milliers de téléspectateurs et les assidus des nouveaux amphithéâtres que sont les réseaux sociaux, dans une forme de guérilla qu’il savait dangereuse mais à portée de main pour la manifestation de vérités enfouies dans les décombres des « secrets d’État » et les « deals » administratifs maladroitement ensevelis.
Ce qui rend si exceptionnel et cruel à la fois la mise au mitard de Sébikotane de Pape Alé, c’est que ses interventions pédagogiques ont toujours été attendues par des audiences de plus en plus avides d’informations de qualité et de vrais scoops qu’elles savaient ne pouvoir trouver que dans les éditoriaux et les investigations de cet intellectuel organique qui ne s’est jamais laissé griser par un succès mérité. Il tordait le cou aux commis de la malfaisance financière, aux spécialistes des coups tordus politiques et à tous ces bonimenteurs publics qui exercent leur carrière dans les mensonges grossiers et les reniements qui gomment cyniquement les promesses électorales ou envoient dans les cachots et les culs-de-basse-fosse tristement célèbres, les dignes fils d’un pays mis en pièces au bénéfice des centurions de la néo colonie. Aux faux scoops de la démagogie populiste sur une prétendue émergence de notre économie déjà naufragée et comptable de la multiplication des décharnés de l’extrême pauvreté et de la misère la plus indigne, il a toujours opposé un discours mesuré mais ferme toujours soucieux de ne jamais perdre de vue l’équilibre des unités d’information.
Pape Alé n’a fait aucune concession sur la possibilité d’une troisième candidature du président Macky Sall et sur le harcèlement devenu très largement impopulaire du président Ousmane Sonko. Ces deux épines dans le pied du président Macky Sall auxquelles on peut ajouter le détournement présumé de 94 milliards de francs Cfa par l’un de ses collaborateurs les plus proches sont sans doute à l’origine de la querelle engagée contre Pape Alé.
C’est ce journaliste émérite que le président Macky Sall, chef de l’Alliance pour la République, a décidé d’embastiller depuis plusieurs semaines. Des manifestations internationales, nationales et les voix autorisées d’éminents confrères s’exprimant avec compassion sur le sort d’’un Pape Alé dangereusement affaibli par une grève de la faim qu’il s’est imposée et qui commence à perdurer, n’ont pas décidé le président Macky Sall à se départir de ses ritournelles familières sur la prétendue séparation entre les pouvoirs exécutif et judiciaire dans le système de gouvernance du Sénégal.
Pape Alé Niang est désormais arrivé au carrefour de la vie. Son état de santé déclinant est devenu alarmant. Son épouse nous a tous alertés de cette triste situation. Le peuple sénégalais et l’opinion internationale tiennent déjà le président Macky Sall pour responsable de tout ce qui pourrait advenir quant à la santé de Pape Alé Niang. Ils demandent sa libération sans délai et rappellent que la place d’un journaliste est dans sa salle de rédaction et non dans un cachot.
Il se fait déjà tard, monsieur le président de la République. Rendez-nous notre Pape Alé et rappelez-vous qu’il vous a maintes fois tiré du naufrage électoral et politique en vous tendant généreusement son micro. Par souci du respect de l’information équilibrée qui l’a toujours habité, Pape Alé Niang vous a déjà devancé devant l’histoire. Ressaisissez-vous pendant qu’il est encore temps, monsieur le président de la République. Libérez Pape Alé Niang, en vous rappelant que l’appât d’un troisième mandat n’en vaut pas du tout la peine comme le rappellent les récents évènements si tragiques de la scène politique africaine qui a envoyé au rebut de l’histoire tous ceux qui se sont essayé à la dictature et à la confiscation de la station présidentielle.
Jacques Habib Sy est Professeur en Communication.
par Paap Seen
LA RUINE DE LA RÉPUBLIQUE
Une frange de l’opposition a décidé de faire de la violence une arme d’ascension vers le pouvoir. Où va nous mener ce fanatisme aveugle ? L'irresponsabilité des hommes politiques finira par engloutir notre pays
La députée Amy Ndiaye a été l’objet d’une agression sexiste et brutale. Aucun Sénégalais responsable ne peut justifier cette vilénie. Dans cette histoire, il n’y a qu'une seule victime, c’est cette femme violentée devant les yeux du monde. L’acte des députés Massata Samb et Mamadou Niang contrevient à nos valeurs civilisationnelles ainsi qu’à la loi. Il est aussi révélateur du sexisme qui imprègne de plus en plus la société sénégalaise. Mais ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale le jeudi 1er décembre dernier n’est pas un hasard. C’est la suite logique de l’irruption d’une violence alarmante dans les plus hautes sphères de la République, qui se manifeste par le rejet de la contradiction et de la courtoisie.
Que le chef de l'État soit un fossoyeur des institutions est une chose. Le président Macky Sall a mis notre pays dans une situation difficile. Il a, par ses errements, détruit la confiance de beaucoup de citoyens envers les institutions. La Justice est constamment bafouée, la gouvernance est devenue catastrophique. Le président de la République a sabordé les progrès, en matière démocratique, que les Sénégalais ont arrachés aux régimes précédents. Il est en partie responsable de l’atmosphère violente qui s’est constituée dans l’espace politique. En gardant le silence sur le troisième mandat, il continue de se montrer aveugle, face au danger d’explosion sociale auquel notre pays s’expose.
Seulement, le mouvement de haine qui est en train de caractériser la scène politique est aussi la conséquence des agissements d’une opposition qui se veut radicale mais qui est, en réalité, dominée par une culture d’insultes, d’invectives, et de purge. Cette opposition qui veut régler la contradiction par la violence est dans un rapport continuellement conflictuel avec ceux qui ne lui font pas allégeance. Elle ne cherche plus à inscrire son action dans les règles républicaines. Elle est en permanence dans la désacralisation des institutions et le populisme primaire. Elle ne s’embarrasse d’aucun tabou.
Les coups reçus par la députée Amy Ndiaye sont un nouveau palier à cette escalade de la violence. Ils témoignent de cette brutalité posée en action politique. Il n’y a plus de barrière et tous les verrous sautent. La surenchère insurrectionnelle est permanente. Le 12 septembre dernier, lorsque des députés de l’opposition ont voulu bloquer le fonctionnement de l’Assemblée nationale, et ont fait preuve d’une totale irresponsabilité, très peu d’intellectuels ont osé regarder la vérité en face. Devant les images choquantes, il y a eu un silence étourdissant. Certains ont même voulu justifier le comportement abject et la mauvaise foi des élus de l’opposition. L'essayiste Hamidou Anne, dans une de ses chroniques, avertissait alors : « Désormais, le débat public n’échappera pas à la violence et à l’obscénité qui irriguent la société dans toutes ses couches. Nous vivons la revanche des passions. »
Il n'avait pas tort. Une frange de l’opposition a décidé de se passer de la décence et de faire de la violence une arme d’ascension vers le pouvoir. C’est devenu flagrant. Mais, comme le dire c'est s’exposer aux injures, à la désinformation et aux calomnies, tout le monde se tait. Jamais dans l’histoire du Sénégal, l’adversité politique n’avait produit autant de haine et de férocité. La violence n’est pas une nouveauté dans l’espace politique sénégalais mais elle était d’inspiration révolutionnaire.
Aujourd’hui, ce à quoi nous assistons, c’est l’irruption de forces déchaînées, qui luttent pour le pouvoir, et veulent soumettre tout le monde. Les citoyens sont dressés, les uns face aux autres, et on leur demande de choisir un camp. Il n’y a plus d’adversaire mais des ennemis à abattre. Ceux qui sont scandalisés par cette situation et qui le disent sont caricaturés en traîtres ou en « opposants de l’opposition ». Cette intolérance s'est invitée dans les agoras : les places publiques, les discussions dans les foyers ou entre amis, les groupes WhatsApp, les murs Facebook et Twitter. Où va nous mener ce fanatisme aveugle, qui s’est emparé des consciences ?
Le Sénégal n’est pas une exception. Partout où les hommes politiques se sont montrés incapables de délibérer de manière civilisée, l’Etat de droit s’est effondré. Si l’Assemblée nationale devient un cirque, si les intellectuels et les universitaires continuent de fermer les yeux et de se taire, si la classe politique persiste à se montrer grossière, déraisonnable, les digues céderont. Il se passera alors ce qui s’est passé ailleurs dans des démocraties qui se croyaient mûres. La violence politique à laquelle nous assistons n’est pas un chemin de rupture, ni un projet révolutionnaire. Elle nous mène vers la ruine de la République. L'irresponsabilité des hommes politiques finira par engloutir notre pays dans une nuit noire. Où les aventuriers auront leur mot à dire.
LES SENEGALAIS PAS PRETS POUR «L'APOSTASIE»
Distinction entre le religieux et le politique dans l'espace public, L'affaire dite ''Amy Ndiaye Gniby'' continue de faire couler beaucoup d'encre et de salive.
L'affaire dite ''Amy Ndiaye Gniby'' continue de faire couler beaucoup d'encre et de salive. Toutefois, au-delà de l'émoi suscité par ces violences entre députés à l'Assemblée nationale, il est légitime de se demander aussi si l'espace public est assez ''mature'' pour entrevoir la ligne de démarcation entre la dimension religieuse d'un acteur et sa casquette politique.
«Religion et raison publique : opposition ou possible articulation?» Telle est la problématique que le chercheur Jean-Marc Larouche se posait dans un article. Et à l'en croire, les sociétés post-séculières imposent de reconnaître que la modernisation de la conscience publique entraîne et transforme de manière réflexive, dans des phases successives, les mentalités tant religieuses que profanes. Des deux côtés, souligne le chercheur, on peut, à condition de considérer ensemble la sécularisation comme un processus d’apprentissage complémentaire, prendre au sérieux mutuellement, pour des raisons cognitives, les apports de chacun sur des thèmes controversés dans l’espace public. Mais faudrait-il en amont connaître les lignes de démarcation entre le religieux et le politique dans l'espace public. Surtout si l'acteur en question incarne à la fois les deux dimensions.
Au Sénégal, les relations entre les religieux et la politique ont toujours existé. Si on revisite l’histoire, les guides des confréries et des associations islamiques n'ontjamais accepté d'être mis dans un ''carcan'' strictement spirituel. Ils ont toujours leur mot à dire. Rappelons que le Général De Gaulle s'est appuyé sur ces derniers pour le référendum de 1958. Mieux, le défunt khalife général des Tidianes Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Maktoum avait créé, avec l'aide inconditionnelle des personnalités marquantes de l'époque comme Cheikh Ibrahima Niasse et Cheikh Mbacké ''Gainde Fatma'', un parti politique qui avait fait sensation lors des Législatives de 1959. Depuis des années, des guides religieux d'envergure sont devenus en même temps des acteurs de la vie politique. On peut citer Serigne Mansour Sy Djamil (ancien militant de la gauche sénégalaise), Ahmed Khalifa Niasse, Serigne Modou Kara, Oustaz Alioune Sall, Mouhamadou Khouraichi Niasse, et les membres du mouvement «Ibadou Rahman» qui avaient accompagné le candidat Macky Sall en 2012. Mais la personnalité la plus marquante, ces dernières années, reste sans doute le guide des Moustarchidines, Serigne Moustapha Sy qui influe à la fois sur l'espace religieux et politique. Les dernières Législatives ont montré la montée en puissance du Pur dont il est le responsable moral. Sans oublier son apport considérable dans la coalition Yewwi Askan Wi.
Mais qu'il s'agisse du petit-fils de Sidy Hadji Malick Sy ou des autres responsables politico-religieux, sont-ils préparés à accepter les ''coups'' que les hommes politiques se donnent dans les lieux de contradictions par excellence comme l'Assemblée nationale? Peuvent-ils ''apprivoiser'' leur subjectivisme religieux au profit d'un débat démocratique ? La réponse semble être négative si l'on se fie aux propos de certains analystes.
DR MOUSSA DIAW: «LE RELIGIEUX QUI ENTRE EN POLITIQUE DOIT PRÉPARER SES FIDELES A CES GENRES D'ATTAQUES»
«Le problème au Sénégal, c'est qu'il y a un mélange de genres entre le politique et le religieux», soutient le docteur en sciences politiques Moussa Diaw contacté par «L'As». S'appuyant sur les incidents qui se sont récemment produits à l'Assemblée nationale avec l’agression de la député Amy Ndiaye Gniby suite à ses déclarations jugées irrespectueuses à l'encontre du guide des Moustarchidines, le politiste affirme : «Si on veut jouer un rôle important au niveau de l'hémicycle, on doit savoir que c'est un espace politique. Et ce sont des logiques politiques qu'il faut mettre en jeu». A l’en croire, le religieux qui fait de la politique doit se préparer à subir ces genres d'attaques. «Il doit subir les logiques du politique. C'est quoi la logique politique? C'est un débat contradictoire. La casquette religieuse ne doit pas occulter la dimension politique», explique-t-il. Dans le même sillage, il estime que les hommes religieux qui veulent faire leur entrée en politique doivent préparer et sensibiliser leurs disciples. «Qu'ils sachent qu'ils ne seront pas épargnés et leurs habits de religieux seront relégués au second plan», dit-il
Poursuivant ses explications, il considère que la politique, c'est la contradiction. «Alors que la religion est dans le registre de la confiance, d'attachement à une personne par rapport à des convictions confessionnelles», renseigne le politiste avant de souligner que la religion n'a rien à voir avec la politique qui a sa manière de fonctionner et ses règles. Et pour préparer les disciples à ce ''blasphème'', il déclare que cela demande une préparation psychologique et pédagogique des guides qui font immixtion dans l'espace politique auprès de leurs fidèles. ''Pour éviter des écueils, des problèmes comme ceux auxquels on a assisté dernièrement à l'Assemblée nationale'', prône-t-il.
DR CHEIKH GUEYE : «SI ON N'Y PREND GARDE, UN SCÉNARIO PIRE PEUT SURVENIR A L'ASSEMBLÉE NATIONALE»
Pour sa part, le prospectiviste et géographe de formation, Dr Cheikh Guèye, a rappelé que cette problématique du religieux dans l'espace politique ne date pas d'aujourd'hui. «C'est une question qui est ancienne et qui a une grande présence dans la littérature sénégalaise depuis le début du 20ème siècle. On peut déjà voir l'importance épistémologique de cette question depuis Paul Marty ou encore dans la période des années 70 avec les analyses de Christian Coulon avec le Prince etle marabout », analyse-t-il au cours d’un entretien avec «L'As». Disséquant cette problématique, iltrouve que c'est une question très complexe. «Parce qu'au Sénégal, le guide religieux exerce un leadership moral, un leadership social et parfois même économique. Et la dame (Amy Ndiaye Gniby) a fait savoir en filigrane qu'un guide religieux qui entre en politique devra être traité comme les autres. Evidemment que les religieux au Sénégal ne sont pas des citoyens comme les autres. Tout le monde le sait, parce qu'ils appartiennent à des familles confrériques dont plusieurs Sénégalais se reconnaissent», déclare-t-il.
-En s'appuyant sur des études faites à propos de cette question, le responsable de la veille et de la prospective à l'IPAR révèle que 90% des Sénégalais vivent leur foi à travers une affiliation confrérique. «Cela déteint sur les dynamiques sociales», dit-il. Par ailleurs, il a indiqué que la présence conflictuelle des religieux dans l'espace politique est quelque chose qui va s'accentuer. Elle sera présente d'après lui au Sénégal ces prochaines années. Le secrétaire général du Cadre Unitaire de l'Islam signale que certains acteurs ne savent pas la limite à ne pas franchir s'il s'agit des marabouts ''qui ont souvent de fervents militants, de fervents disciples et parfois des fanatiques. Donc la question reviendra ces prochaines années'', prévient-il avant d'ajouter : ''Il faudra davantage encadrer et gérer cette question sinon on risque de vivre des choses plus graves que ce que l'on a vu à l'hémicycle ces derniers temps''. Craignant le pire, il trouve que si personne n'y prend garde, il peut y avoir même des disputes interconfrériques ou interconfessionnelles avec des camps appartenant à tel ou tel parti. ''C'est le scénario que je crains le plus. Un mouride ou un tidiane qui se dispute à l'Assemblée nationale, c'est un scénario catastrophe'', s'insurge Dr Cheikh Guèye dans l'entretien, et explique que sous ce rapport, il pourrait survenir des événements graves.