EXCLUSIF SENEPLUS - Cette psychologue clinicienne et criminologue a toujours été caractérielle mais, nuance-t-elle, avec de sérieux arguments. Elle espère que les féministes sénégalaises mettent à mort le système qui les oppresse au quotidien
Comme chaque année, la campagne des 16 jours d’activisme bat son plein contre les violences faites aux femmes. Toutefois, il est des violences faites à certaines femmes qui passent (presque) inaperçues. Ce sont les violences des institutions nationales et internationales contre les féministes sénégalaises. L’entrisme dans les institutions qui refusent le progressisme, le copinage, les réflexions absurdes, les considérations et compliments non sollicités, les tentatives de corruption financières ou sexuelles, sans doute pour en délégitimer certaines, le flicage, la pratique du blacklistage, du male gaze qui veut que des anti-féministes demandent à des hommes de pouvoir de valider des féministe sénégalaise ou non ; voire de favoriser des personnes que les féministes ne reconnaissent pas comme tel pour des faits graves d’attaques contre des femmes réclamant leur liberté, des victimes de viol ou encore contre des féministes. Les féministes sénégalaises ne valident pas ce qu’il est commun d’appeler, chez nous, des « pick me women ». Celles qui tirent du regard masculin une valorisation de leur existence.
En cette fin des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, qui nous mènent à la journée des droits humains, le 10 décembre, il nous paraissait nécessaire de faire front commun contre ces pratiques patriarcales. Cela d’autant que le thème retenu cette année par ONU femmes est « Tous unis ! L’activisme pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles ». Not2re unité féministe se restitue donc dans cette action collective de diffusion d’une partie de notre Hall of fame féministe. L’une des premières leçons à retenir du féminisme est que dans la culture féministe, la seule et unique reconnaissance qui nous importe est celle de nos consœurs toutes obédiences confondues. Nous n’avons besoin ni de la reconnaissance patriarcale, individuelle et masculine, ni de celle plus structurée des institutions. Ainsi, voici une série de portraits, dont le projet est validé par une féministe, Pr Fatou Sow, écrits par une féministe, Aida Sylla, corrigés par une autre féministe, Fatima Diallo, et autorisés par toutes celles qui y figurent. Elles ont la reconnaissance et la gratitude de chacune d’entre nous et elles œuvrent au quotidien pour la libération de chacune d’entre nous des fers du patriarcat sénégalais. Et cela bien malgré nos8 divergences d’opinions, de positionnement, de stratégies ou de modes de lutte.
Ainsi donc pour paraphraser un slogan féministe des années 70 : « Ne nous croquez pas, on s’en charge ! »
Khaïra Thiam, une féministe radicale sans fard
Ne vous y fiez pas ! Derrière l’accroche-cœur de son sourire de lune se cache un cerveau vorace, un appétit de justice insatiable, une liberté farouche. Quand elle tient son sujet, elle ne le lâche pas, cela jusqu’à l’épuisement, jusque dans les plus infimes détails. Si elle est exigeante avec autrui, elle l’est avant tout envers elle-même et consent les sacrifices les plus durs pour parvenir à un résultat de qualité. Elle dit qu’elle a toujours été caractérielle et oppositionnelle mais, nuance-t-elle, avec de sérieux arguments. Elle observe, murit sa réflexion et essaie de comprendre les ressorts de certains systèmes particulièrement ceux qui détruisent des vies, avant de les attaquer. Si côté cour, elle affiche une intransigeance intellectuelle sans faille nourrie à l'éthique, côté jardin c'est exactement la même chose.
Dans le registre du refus, c’est une cumularde. Elle est contre la pornographie dont elle estime que c’est le summum de l’humiliation pour les femmes et une manière de les rabaisser à l’état animal dans la société. Elle est contre tous les systèmes idéologiques fermés et en « isme » mis en pratique pour peser sur la destinée d’êtres humains. Khaira est encore contre les systèmes d’oppression : le racisme, le sexisme, le capitalisme, l’impérialisme, l’autoritarisme.
Le féminisme pour elle est une manière de lutter contre toutes les formes d’oppression de manière transversale mais surtout contre l’oppression des femmes par les hommes. Elle le répète souvent : « La liberté que je veux pour moi-même, je la veux pour les autres et je passe beaucoup de temps à défaire des systèmes de pensée et des systèmes plus globaux, plus méta-institutionnels, plus institutionnels, plus politiques."
Sa pratique clinique au Sénégal a mobilisé en elle une colère extraordinaire de voir des femmes et des filles dont la vie est fracassée par des hommes et un système social d’un autre âge qui n’ont aucun sens ni d’un point de vue de la réflexion, ni d’un point de vue socio-historique, ni d’un point de vue pratique et économique. Cela dans l’indifférence générale voire dans une délectation généralisée devant l’expression de formes abjectes de cruauté. Elle estime que les filles sont égales aux garçons et les femmes égales aux hommes et elles doivent savoir se défendre physiquement d’abord, psychologiquement et légalement.
Elle ne sait pas depuis quand elle est entrée en féminisme mais sait qu’en arrivant à Dakar elle a ressenti le besoin de muscler sa pensée par une autoformation massive pour améliorer ses arguments et affûter ses armes. En deux ans, elle a lu tellement d’écrits féministes qu’elle ne sait plus précisément quoi. Pêle mêle, elle cite Sylvia Federetti qui parle d’une guerre mondiale contre les femmes, Mona Eltahawy, l’une des voix féministes les plus entendues du monde arabe qui a écrit un magnifique essai intitulé Fuck le patriarcat ! Les 7 péchés pour prendre le pouvoir dans lequel elle analyse comment se déploient les violences sexistes et sexuelles dans le monde arabe. Elle lit Asma Lamrabet, féministe islamique qu’elle a rencontrée et qui l’a validée comme féministe « révolutionnaire ». Elle a lu les écrits du féminisme lesbien tels que les ouvrages de Monique Wittig. Elle a rencontré Jules Falquet, chercheuse féministe française dont elle affiche la validation avec fierté. Elle a beaucoup lu Professeur Fatou Sow et ses écrits sur les fondamentalismes, les féministes africains anglophones comme Sylvia Tamale, sur les questions des sexualités en Afrique. Elle s’intéresse aux féminismes noirs américains au travers des écrits d’Audre Lorde, aux féministes du Canada et à celles d’Amérique du Sud avec qui elle a un lien particulier car la psychologie politique et les violences institutionnalisées par des systèmes totalitaires ou les questions de guerre civile la passionnent. Elle puise en Amérique du Sud des ressources intellectuelles et féministes.
Une expression revient parfois dans son vocabulaire, la validation par ses pairs. En particulier celle de Patricia Mercader, professeure émérite de psychopathologie et de psychologie clinique, féministe queer française d’origine libanaise à qui elle doit une partie de sa formation universitaire et qui est très attentive à ce qu’elle fait au Sénégal. Dans les validations, elle tient particulièrement à celles des féministes d'Afrique, du Maroc, de la Guinée, du Cameroun, du Togo, de la Côte d'Ivoire…Celles de l’Europe aussi.
Quand on lui demande qui sont ses modèles féministes, la première des femmes qui l’inspirent ne savait pas qu’elle l’était, c’est la Reine du Walo Ndatté Yalla pour le pouvoir qu’elle avait, pour sa direction des armées, pour son opposition à Faidherbe, pour sa capacité à imposer un point de vue et à s’imposer elle-même, sa capacité à diriger, à être un leader. Le féminisme est un pouvoir : celui de dire stop ou non comme de dire oui. Mais en plus, Khaïra aime les femmes de pouvoir. Elle a besoin de femmes de cette trempe-là pour savoir qu’elle a du pouvoir et peut s’en servir. Sa mère, est de ces femmes qui ont fondé son féminisme. Le palmarès de cette algérienne du Sénégal est impressionnant. Elle lui a ainsi démontré par l’exemple qu’être une femme n’était pas un handicap. Une autre forte personnalité l’inspire aussi, c’est Gisèle Halimi, avocate clairement féministe française née en Tunisie qui a beaucoup œuvré pour la criminalisation du viol, l’avortement, qui a défendu des lesbiennes et des personnes du FLN en Algérie contre la France. Professeur Fatou Sow est de celle qu’elle admire pour sa personnalité qui en impose et ses travaux, même si elles ne sont pas toujours d’accord. D’une discussion avec Professeur Fatou Sow, dit-elle, on ne sort jamais amoindrie mais lestée d’arguments supplémentaires de nature à dynamiser sa pensée et à élargir le champ de sa représentation.
Khaïra défend la liberté de tous et de toutes de faire ce que bon leur semble sans être sous contrainte ou soumis ni au regard, ni à la validation, ni au jugement d’un homme ou d’un système hétéronormatif qui se donne pour seule vérité. Elle défend le droit pour toutes et pour tous de ne pas être agressés sexuellement par le viol, par les violences conjugales, par toutes les violences sexuelles, comme l’excision.
Ses modes principaux de lutte sont l’écriture sur les réseaux sociaux, dans les journaux mainstream. Consciente du pouvoir de la parole, elle distille la sienne dans des conférences politiques ou scientifiques, dans les projets qu’elle mène. Elle est engagée dans de multiples projets au Sénégal pour l’émancipation des femmes dans toutes les couches de la société. Si elle prête main forte aux autres projets des autres féministes, en revanche elle est hypercritique envers celles-ci qu’elle trouve encore trop tièdes. Elle voudrait qu’elles arrachent leur liberté à ceux qui la leur refusent, vautrés dans le confort de leurs privilèges. Elle espère que les féministes sénégalaises montent encore d’un cran pour mettre à mort le système qui les oppresse et les esclavagise au quotidien. « La femme sénégalaise n’est pas sortie de l’esclavage de l’homme sénégalais. Il va falloir en sortir car ce n’est pas en caressant leurs maîtres dans le sens du poil ni en mendiant leur liberté que les esclaves se sont libérés ».
CES FEMMES QUI FONT BOUGER LES LIGNES
OUMOU FADLY TOURÉ, UNE FÉMINISTE QUI TAPE DU POING SUR LA TABLE
EXCLUSIF SENEPLUS - La jeune femme médecin spécialisée en pédiatrie veut forcer le monde à revoir ses standards pour que toutes ses paires accèdent au bien-être et à l’accomplissement professionnel
Khaira Thiam, Fatima Diallo et Fatou Sow |
Publication 10/12/2022
Comme chaque année, la campagne des 16 jours d’activisme bat son plein contre les violences faites aux femmes. Toutefois, il est des violences faites à certaines femmes qui passent (presque) inaperçues. Ce sont les violences des institutions nationales et internationales contre les féministes sénégalaises. L’entrisme dans les institutions qui refusent le progressisme, le copinage, les réflexions absurdes, les considérations et compliments non sollicités, les tentatives de corruption financières ou sexuelles, sans doute pour en délégitimer certaines, le flicage, la pratique du blacklistage, du male gaze qui veut que des anti-féministes demandent à des hommes de pouvoir de valider des féministe sénégalaise ou non ; voire de favoriser des personnes que les féministes ne reconnaissent pas comme tel pour des faits graves d’attaques contre des femmes réclamant leur liberté, des victimes de viol ou encore contre des féministes. Les féministes sénégalaises ne valident pas ce qu’il est commun d’appeler, chez nous, des « pick me women ». Celles qui tirent du regard masculin une valorisation de leur existence.
En cette fin des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, qui nous mènent à la journée des droits humains, le 10 décembre, il nous paraissait nécessaire de faire front commun contre ces pratiques patriarcales. Cela d’autant que le thème retenu cette année par ONU femmes est « Tous unis ! L’activisme pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles ». Not2re unité féministe se restitue donc dans cette action collective de diffusion d’une partie de notre Hall of fame féministe. L’une des premières leçons à retenir du féminisme est que dans la culture féministe, la seule et unique reconnaissance qui nous importe est celle de nos consœurs toutes obédiences confondues. Nous n’avons besoin ni de la reconnaissance patriarcale, individuelle et masculine, ni de celle plus structurée des institutions. Ainsi, voici une série de portraits, dont le projet est validé par une féministe, Pr Fatou Sow, écrits par une féministe, Khaïra Thiam, corrigés par une autre féministe, Fatima Diallo, et autorisés par toutes celles qui y figurent. Elles ont la reconnaissance et la gratitude de chacune d’entre nous et elles œuvrent au quotidien pour la libération de chacune d’entre nous des fers du patriarcat sénégalais. Et cela bien malgré nos8 divergences d’opinions, de positionnement, de stratégies ou de modes de lutte.
Ainsi donc pour paraphraser un slogan féministe des années 70 : « Ne nous croquez pas, on s’en charge ! »
Oumou Fadly Touré, une feministe qui tape du poing sur la table
« We should all be feminist » de la très connue Chimamanda Ngozi Adichie est son credo depuis toujours. Alors, le choc de sa vie, Oumou Fadly Touré, l’a eu en découvrant que toutes les femmes n’étaient pas féministes. Le féminisme pour elle est une évidence et devrait l’être pour toutes. D’autant plus fondamentale, que dans le Sénégal qui l’a vu naitre, elle a su très vite qu’en tant que femme, elle devait hurler, taper du poing, travailler deux fois plus que les hommes et que l’on pouvait parfaitement les battre à plate couture dans tous les domaines.
Pour Oumou Fadly Touré le féminisme est un mode de vie qu’elle a affirmé au fil de ses discussions d’adolescente et de ses lectures. Elle reconnait toutefois que le milieu dans lequel elle a grandi l’a favorisé dans ses velléités féministes. En effet, issue d’une famille nombreuse, à majorité féminine, les filles y ont toujours été encouragées à faire ce qu’il faut pour atteindre leurs objectifs. Son cursus scolaire lui a ouvert le monde et l’a poussé sur le chemin de l’achèvement personnel et professionnel.
Notre jeune femme médecin est une fervente défenseuse de l’équité de genre. Elle veut forcer le monde à revoir ses standards pour que toutes accèdent au bien-être et à l’accomplissement professionnel. Eté féministe revient, pour elle, à réclamer un nouvel équilibre mondial, c’est renégocier et redéfinir les rapports sociaux de genre. Enfin, être féministe c’est être consciente du pouvoir que constitue le fait d’être née femme. Et pour cela, elle prend exemple sur des personnalités du soin et qui sont à différents pôles du féminisme. Il s’agit principalement d’Asma Lamrabet, médecin biologiste marocaine, chanteresse du féminisme islamique et Khaïra Thiam, psychologue clinicienne sénégalaise, féministe radicale, universaliste et laïque.
Son métier favorise sa lutte contre les violences obstétricales ainsi que le refus de la discrimination basée sur le fait d’être née fille. Dans le milieu professionnel, elle combat les discriminations à l’embauche fondée sur le genre, le harcèlement sexuel mais encore le libre-choix des femmes de déployer toutes les facettes de leur féminité sans que cela ne soit un frein à leur évolution professionnelle. Comme tout soignant, Oumou Fadly Touré, sensibilise d’abord dans son proche entourage et étend son influence en cercles concentriques du plus proche au plus lointain. Ainsi l’une de ses plus récentes actions a été de dénoncer et de lutter contre les violences subies par les femmes médecins en milieu hospitalo-universitaire. Cela lui a valu une volée de bois vert mais celle qui se spécialise en pédiatrie, n’entend pas se taire sur ces états de fait.
Oumou Fadly Touré espère toutefois, qu’un jour prochain, elle n’aura plus besoin d’être féministe et de devoir se battre ou être combattue parce qu’elle est une femme. Elle espère pour nous toutes un système plus équitable et juste.
CES FEMMES QUI FONT BOUGER LES LIGNES
FATIMA DIALLO, DES CRIS SOUS LA PEAU
EXCLUSIF SENEPLUS - C’est par ses lectures qu’elle a développé les prémisses de son féminisme. Née dans une famille ultraconservatrice, elle suffoque dans ce Sénégal qui impose une culture de la soumission des femmes
Khaira Thiam, Fatima Diallo et Fatou Sow |
Publication 10/12/2022
Comme chaque année, la campagne des 16 jours d’activisme bat son plein contre les violences faites aux femmes. Toutefois, il est des violences faites à certaines femmes qui passent (presque) inaperçues. Ce sont les violences des institutions nationales et internationales contre les féministes sénégalaises. L’entrisme dans les institutions qui refusent le progressisme, le copinage, les réflexions absurdes, les considérations et compliments non sollicités, les tentatives de corruption financières ou sexuelles, sans doute pour en délégitimer certaines, le flicage, la pratique du blacklistage, du male gaze qui veut que des anti-féministes demandent à des hommes de pouvoir de valider des féministe sénégalaise ou non ; voire de favoriser des personnes que les féministes ne reconnaissent pas comme tel pour des faits graves d’attaques contre des femmes réclamant leur liberté, des victimes de viol ou encore contre des féministes. Les féministes sénégalaises ne valident pas ce qu’il est commun d’appeler, chez nous, des « pick me women ». Celles qui tirent du regard masculin une valorisation de leur existence.
En cette fin des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, qui nous mènent à la journée des droits humains, le 10 décembre, il nous paraissait nécessaire de faire front commun contre ces pratiques patriarcales. Cela d’autant que le thème retenu cette année par ONU femmes est « Tous unis ! L’activisme pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles ». Not2re unité féministe se restitue donc dans cette action collective de diffusion d’une partie de notre Hall of fame féministe. L’une des premières leçons à retenir du féminisme est que dans la culture féministe, la seule et unique reconnaissance qui nous importe est celle de nos consœurs toutes obédiences confondues. Nous n’avons besoin ni de la reconnaissance patriarcale, individuelle et masculine, ni de celle plus structurée des institutions. Ainsi, voici une série de portraits, dont le projet est validé par une féministe, Pr Fatou Sow, écrits par une féministe, Khaïra Thiam, corrigés par une autre féministe, Fatima Diallo, et autorisés par toutes celles qui y figurent. Elles ont la reconnaissance et la gratitude de chacune d’entre nous et elles œuvrent au quotidien pour la libération de chacune d’entre nous des fers du patriarcat sénégalais. Et cela bien malgré nos divergences d’opinions, de positionnement, de stratégies ou de modes de lutte.
Ainsi donc pour paraphraser un slogan féministe des années 70 : « Ne nous croquez pas, on s’en charge ! »
Fatima Diallo, des cris sous la peau
Réputée pour sa grande douceur, son respect méticuleux des traditions halpulaar, son écriture sensible à la cause des femmes, Fatima Diallo a pourtant des cris sous la peau. Des hurlements même, disons. Fatima Diallo porte en elle une rage venue du fond des âges devant le traitement qu’elle a subi et que subissent encore des milliers de filles et de femmes, pour le seul fait qu’elles soient nées femmes au Sénégal. Première fille d’une fratrie de sept filles et d’un garçon, les privilèges accordés à son frère du seul fait qu’il soit garçon la mettaient déjà hors d’elle. Ce qui provoquait régulièrement des bagarres entre eux d’ailleurs.
Plus tard, c’est par ses lectures qu’elle a développé les prémisses de son féminisme. Cela notamment au travers des écrits de Simone de Beauvoir, George Sand ou encore Mariama Ba ou Awa Thiam. Au cours de ses études en France, la kâgneuse a réalisé qu’une autre vie était possible. Une vie dont les formes de clivages étaient moins franchement défavorables aux femmes. Aujourd’hui encore, la professeure de lettres, lit assidument des textes estampillés « féministes » tel que ceux d’Olympe de Gouges, de Gisèle Halimi, de Calixthe Beyala, de Françoise Vergés ou encore de Christiane Taubira…
En même temps que Fatima Diallo naissait aux études littéraires, elle mettait aussi le doigt sur les mécanismes de domination mis en place pour former un système de soumission des femmes aux hommes. Elle comprenait également comment ce système s’équilibrait sur la base des freins à l’épanouissement d’un être humain au motif qu’il est du genre féminin. En ce sens, bien avant de mettre un mot dessus, Fatima Diallo, devenait une féministe radicale, au sens premier du terme : celui qui cherche à percer l’origine de la violence à l’égard des femmes : le système de domination patriarcal.
Ainsi s’est-elle progressivement intéressée à la manière de promouvoir une justice dans le traitement des hommes et des femmes. Pour ce faire, c’est par ses textes, ses prises de paroles publiques et son enseignement qu’elle entend lutter contre les injonctions de genre et l’absurdité des assignations faites aux femmes, notamment dans le cadre du mariage. Elle est heurtée par les justifications religieuses données aux violences faites aux femmes et suffoque dans ce Sénégal qui impose une culture de la soumission des femmes, inoculée depuis l’enfance. Elle qui est née dans une famille ultraconservatrice et qui a reçu comme mantra « n’oublie jamais que tu n'es qu’une femme », travaille aussi à sa propre libération et à son propre épanouissement. En effet, elle a de moins en moins peur d’afficher clairement ses positions, y compris en s’immisçant dans des lieux réservés strictement aux hommes et en y prenant la parole, ou encore en marchant, quand il le faut, notamment avec le Collectif de la Marche blanche des femmes, de création récente et dont elle est une des figures de proue.
Fatima Diallo a très bien compris qu’il fallait faire disparaitre d’abord le patriarcat internalisé par les femmes, dans leur tête, depuis leur naissance pour qu’elles soient totalement libres d’aspirer à la vie qu’elles souhaitent. Ainsi espère-t-elle réaliser une égalité de droits et de devoirs entre femmes et hommes, une tolérance des uns vis à vis des autres et une acceptation des différences. Son credo : « Sois comme tu es et laisse-moi vivre sans me dire ce que je dois être !» Cela ne vous rappelle rien ? Le rappel profite aux croyants…
L'ARGENTINE DE LEO MESSI EN DEMI-FINALE
Le Brésil qui pleure, c’est l’Argentine qui rit. Bien avant même de voir Messi et les siens jouer leur quart de finale face aux Pays-Bas, les supporters de l’Albiceleste ont fait la fête à l’entrée du stade de Lusail come au terme d’un soir victoire
Le Brésil qui pleure, c’est l’Argentine qui rit. Bien avant même de voir Messi et les siens jouer leur quart de finale face aux Pays-Bas, les supporters de l’Albiceleste ont fait la fête à l’entrée du stade de Lusail come au terme d’un soir de grande victoire. La raison d’une telle effusion de joie ? La défaite et l’élimination du voisin brésilien par la Croatie quelques minutes plus tôt.
LUSAIL - C’est donc tout sourire que l’écrasante majorité des 88500 spectateurs, quasiment tous acquis à la cause argentine à part quelques petites grappes oranges ici et là, ont entamé ce choc entre deux géants du football mondial. Auteurs d’un parcours séduisant débuté par une victoire (2-0) sur le Sénégal suivie d’un nul face à l’Equateur et de deux autres démonstrations de force sur le Qatar (2-0) et les États-Unis (3-1), les Néerlandais sont tombés hier sur plus forts qu’eux : Lionel Messi.
Les Bleu et Blanc n’étaient peut-être pas les plus forts, Messi le fut et cela suffisait au bonheur de l’Albiceleste
Le numéro 10 argentin ne cesse de monter en puissance dans ce tournoi et semble plus que jamais décidé à graver son nom dans l’histoire de la seule compétition qui lui résiste encore.
Hier donc, il a offert un récital par fulgurances. Une lumineuse passe décisive à la 35e minute pour l’ouverture du score de Nahuel Molina, puis un penalty inscrit en toute lucidité à la 73e. Entre les deux brillances, il a mis le bleu de chauffe pour courir, tacler, faire des fautes, remporter 2/3 de ses duels au sol (6 sur 9), mettre la pression à une vieille connaissance, l’arbitre espagnol Antonio Mateu Lahoz, ou encore gratter des ballons dans les pieds de l’élégant Frenkie de Jong.
Et pour finir, même quand les Oranje trouvaient les ressources pour revenir à égalité et presser l’Argentine jusqu’aux tirs au but, Messi était là pour guider les siens à la victoire au forceps, en transformant son tir avec une sérénité déconcertante. Son gardien de but, l’excellent Emiliano Martinez, faisait le reste pour renvoyer l’adversaire à la maison.
La prophétie ratée d’Aliou Cissé
Désormais seule équipe sud-américaine en lice dans la compétition, l’Argentine affrontera une solide formation croate en demi-finales, avant d’espérer revenir à Lusail, le 18 décembre prochain, pour la finale.
Pour les Pays-Bas, la prophétie d’Aliou Cissé ne se réalisera pas. Le sélectionneur du Sénégal, visiblement impressionné, avait prédit juste après la défaite d’entrée face aux Oranje, en zone mixte, que cette redoutable machine de Luis van Gaal irait en finale. C’était sans compter avec Messi…
LA CROATIE NE SE REND JAMAIS, LE BRÉSIL EN LARMES
Ballottée une grande partie du match, les Croates de Luka Modric ont éliminé le Brésil aux tirs au but (1-1, 4 t.a.b. à 2), leur spécialité, pour rejoindre comme il y a quatre ans les demi-finales du Mondial, vendredi à Doha
Insubmersible Croatie! Ballottée une grande partie du match, les Croates de Luka Modric ont éliminé le Brésil aux tirs au but (1-1, 4 t.a.b. à 2), leur spécialité, pour rejoindre comme il y a quatre ans les demi-finales du Mondial, vendredi à Doha.
Intraitable pendant plus de 120 minutes, sauf sur le magnifique but de Neymar (105e+1), Dominik Livakovic a encore gagné sa séance de "pénos", comme contre le Japon (1-1, 3 t.a.b. à 1) au tour précédent.
Le gardien du Dinamo Zagreb est prêt pour le dernier carré, contre le vainqueur d'Argentine-Pays-Bas (20h00).
Les autres héros de la folle soirée du stade Education City jouent tous dans le plus grand club croate, l'égalisation est signée Bruno Petkovic, sur un centre en retrait létal de Mislav Orsic (117e), un but 100% Dinamo, dévié par le genou de Marquinhos, avec bien sûr le patron Luka Modric au départ, pour récupérer le ballon.
Les "Vatreni" (les Flamboyants) étaient nettement dominés, étouffés même à partir de la seconde période, mais ne pliaient pas.
"Ils ont marqué sur leur seule frappe cadrée, nous avons eu 19 occasions", a pesté l'entraîneur adjoint brésilien Cleber Xavier. "Leur gardien a été très bon".
Avant de repousser le premier tir au but de Rodrygo, Livakovic a réussi dix arrêts, dont cinq très difficiles. Il a tendu son pied comme un gardien de handball devant Richarlison (47e), s'est imposé deux fois devant Neymar lancé (55e, 76e) et sur une reprise de Lucas Paqueta (66e).
- "Nous sommes des guerriers" -
A la dernière seconde, le portier croate a encore barré la route à Casemiro (120e+2). Il avait pris l'ascendant sur les tireurs croates, comme contre le Japon en huitième de finale.
Mais ce talent ne date pas d'hier. Sur ses neuf derniers matches de phase à élimination directe, la Croatie a disputé huit fois la prolongation, s'imposant cinq fois, dont quatre fois sur quatre aux tirs au but!
Elle a inauguré la série à l'Euro-2008, perdant en quart de finale contre la Turquie (1-1, 3 t.a.b. à 1).
Mais depuis, elle a dégoûté les tireurs de penalty du Danemark et de la Russie en 2018, du Japon et du Brésil au Qatar.
"Quand arrivent les tirs au but, nous devenons favoris, comme si l'adversaire avait déjà perdu", savoure le sélectionneur Zlatko Dalic.
"Nous sommes des guerriers", a répondu Livakovic quand lui a été demandé la recette, en bon héritier de Danijel Subasic, un des héros de 2018.
Les tirs au but ne sont pas la seule spécialité de la Croatie. L'équipe de Dalic a été menée au score sept fois sur ses neuf derniers matches de Coupe du monde (dont deux 0-0 contre le Maroc et la Belgique), elle a perdu seulement contre la France en finale 2018 (4-2)!
Cleber Xavier avait raison de se méfier d'une équipe "résiliente".
- Le Brésil s'arrête encore en quarts -
Le Brésil a pourtant longtemps fait le siège, et croyait tenir sa demi-finale quand Neymar a fini par faire sauter le verrou croate, après deux appuis successifs sur Rodrygo puis Paqueta avant de crocheter et de battre enfin Livakovic.
"Ney" a égalé avec un certain panache le record de Pelé, 77 buts pour la "Seleçao", mais cela ne le consolera pas. Le N.10 parisien a fini en larmes, effondré. Sa quête ultime est encore ratée, il ne sera peut-être jamais champion du monde. Il aura 34 ans lors de la prochaine édition.
Les "Neymar ! Neymar !" des supporters "auriverdes" se sont éteints. Placé en cinquième position, il n'a même pas pu assurer son tir au but une fois que Marquinhos a frappé le sien sur le poteau. C'était arrivé à Cristiano Ronaldo contre l'Espagne, à l'Euro-2012, éliminé en demies avant d'avoir pu tirer.
Le Brésil s'arrête en quarts contre une équipe européenne comme il y a quatre ans contre la Belgique (2-1).
La Croatie a éliminé les quintuples champions du monde pour la première fois de son histoire, et atteint pour la troisième fois ce niveau, elle qui ne participe aux compétitions internationales que depuis les qualifications pour l'Euro-1996.
"C'est un grand succès de revenir en demi-finales pour un petit pays comme le nôtre", a conclu Dalic. "Je félicite tous mes joueurs pour la façon dont ils ont joué, seuls des footballeurs croates peuvent faire cela."
plume citoyenne, par Marem Kanté
LE MENSONGE DE COMPLAISANCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Ce qui se passe actuellement à l’Assemblée est le résultat de nos calculs de complaisance fondés sur des choix politiques claniques, intéressés et partisans au détriment d’une vision commune
« Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. »
Chers concitoyens sénégalais. Pour une fois, osons dire la vérité ! Car une vérité qui fait mal est plus salvatrice qu’un débat de faux-fuyants. En cherchant à tourner autour du pot, le mal n’en sera que plus profond et incurable pour la société.
Essayons de nous départir de tout sentiment clanique, intéressé, partisan, et centrons le débat sur « le vrai mal » qui sape les fondamentaux de la politique sénégalaise et qui est en train de gangrener petit à petit nos rapports sociaux.
Il s’agit du « mensonge de complaisance ». C’est ce comportement de jeu d’intérêt calculé. Le plus souvent, c’est fait sciemment dans un but déterminé. C’est-à-dire chercher coûte que coûte à réconforter l’autre dans sa position pour obtenir ses faveurs. Ce dernier flatté dans son ego, se sent obligé de retourner l’ascenseur et faire grâce de ses bienfaits et de sa position sociale.
Oui ! C’est inadmissible et intolérable que l’on gifle une femme ! Oui ! C’est inadmissible que l’on passe tout son temps à manquer de respect au chef de l’Etat ! C’est inconcevable que l’on manque de considération à nos guides religieux ! Mais la grande question que tout le monde doit se poser est : est-ce que ce qui est arrivé à la député madame Amy Ndiaye était prévisible ?
Pour ma part, je pense que oui ! Tout ceci était prévisible dans une société de complaisance où le désir de satisfaire les désirs de l’autre a pris le dessus sur le code des valeurs c’est-à-dire l’honneur et l’intégrité morale, principalement le « téguin » (la pudeur et la discipline)» - le « kersa » (le respect de soi et de l’autre) et enfin le « horma » (la conduite de soi envers l’autre dans l’humilité et la modestie ».
C’est à ce niveau que le vrai débat doit être situé. Car si on laisse le mensonge de complaisance ternir ces trois valeurs cardinales de la société sénégalaise, on ira tous droit dans un mur de chaos. Et, il est grand temps que les conservateurs de ce legs séculaire qui a façonné notre nation et créé un brassage social, culturel et religieux extraordinaire soit remis sur le tapis comportemental de la société. Surtout dans l’arène politique où les intérêts partisans et individuels ont pris le dessus sur l’intérêt général de la nation sénégalaise.
Chers concitoyens sénégalais. À vrai dire, rien de cette 14e législature n’est vrai et sincère. Car tout est calcul et complaisance.
Qui aurait pu imaginer qu’après tant de promesses de rupture faites au peuple, que la 14e législature sénégalaise allait servir au peuple une scène chaotique et honteuse ? Ne croyez en rien à ces promesses ! Que des paroles de complaisance !
Qui aurait pu imaginer que le jour de l’installation de cette 14e législature, après avoir vu des députés fracasser des chaises, monter sur des tables, arracher des urnes, s’empoigner des vestes et caftans, s’arracher des perruques et se jeter des chaussures, on allait, quelques semaines plus tard, assister de nouveau à des scènes de gifle et de coups de pieds dans le ventre d’une femme ?
Et parlons de ces femmes députées dont l’une d’entre elles, est aujourd’hui victime de ce jeu de complaisance. Qui aurait pu imaginer que cette 14e législature serait le lieu de concours de diatribes entre ces femmes députées dont certaines prennent un malin plaisir à se vanter d’être celles-là qui savent le mieux proférer des propos sarcastiques à l’endroit de leurs collègues d'une manière insolente, déplaisante et ridicule ? Détrompez-vous ! Nous les avons choisies par complaisance pour jouer le jeu de complaisance.
Chers concitoyens sénégalais, c’est tout à fait normal ce qui se passe actuellement dans cet hémicycle ! Car ce que l’on donne en bien ou en mal, nous sera retourné forcément un jour.
Nous avons commis l’erreur fatale de délivrer le titre d’« honorable député » à des concitoyens qui n’avaient ni la carrure ni la posture et à plus forte raison les épaules assez lourdes et le mental intellectuel fort et posé pour porter haut les enjeux et défis du peuple.
Où la prestance et le code des valeurs tant promu par le président Senghor ?
Oui ! osons le dire chers concitoyens ! Ce qui se passe actuellement à l’Assemblée nationale est le résultat de nos calculs de complaisance basés sur des choix politiques claniques, intéressés et partisans qui se sont opérés au vu et au su de tout le peuple sénégalais au détriment d’une vision objective, commune et collective.
Quand on délivre des titres « soit disant honorifiques », voici le résultat de nos choix arbitraires. Mais nous oublions que même chez Dieu, la sélection des prophètes et des messagers est rigoureusement réfléchie. Car pour être élu comme messager, il faut d’abord atteindre un certain degré de conduite de soi et niveau d’élévation spirituelle pour pouvoir comprendre le code divin et être apte à délivrer la parole divine sans complaisance.
Au Sénégal, ce nouveau jeu politique est en train de ternir le code des valeurs de la société. Le désir de faire plaisir au chef, au leader, au clan, de rendre service à autrui dans un calcul intéressé a pris le dessus sur la conviction du service désintéressé et dévoué à la cause commune.
Hier, ceux qui chantaient les louanges de l’ancien président Abdou Diouf, ont changé de fusil d’épaules et de couleur de leur caftan et veste quand ce dernier a quitté le pouvoir. Ensuite, ils ont orienté leurs belles paroles complaisantes à l’endroit de son successeur, le président Abdoulaye Wade. Aujourd’hui ce dernier n’étant plus au pouvoir, c’est au tour de l’actuel président de la République, Son Excellence Macky Sall de recevoir les éloges de la terre. Demain à coup sûr et indéniablement, ils l’oublieront comme la plupart des transhumants et profiteurs qui ont changé de gouvernail quand le vent a tourné en leur défaveur. Idem pour l’opposition, beaucoup de leurs militants sont dans le jeu de complaisance. Ils ne croient ni au leader ni à son programme. Mais tous les moyens sont bons pour lui faire plaisir afin de gagner une position sociale.
Dans une société où beaucoup se comportent de manière calculée, la vérité devient orpheline dans un débat de faux-fuyants.
Osons creuser l’abcès ! Ces scènes d’indignation qui ont fusé de partout suite à cet autre incident gravissime qui s’est déroulé à l’Assemblée nationale sénégalaise ne doivent surprendre personne. Ce qui se passe dans l’hémicycle est prémédité et calculé ! C’est un jeu politique de complaisance.
Combien de fois avons-nous vu le président de l’Assemblée nationale sans cesse rappeler les députés à l’ordre sans que ces derniers aient la décence d’accorder de l’attention et du respect à son autorité ? Alors à quoi lui sert son titre si tous les citoyens sont d’accord que le président de l’Assemblée nationale est la deuxième personnalité et autorité de la nation sénégalaise après le président de la République ? Par ignorance et incivisme, ils piétinent nos institutions souveraines, n’ont aucun respect et considération des titres honorifiques et de notre drapeau national en bandoulière sur leurs épaules.
« Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. » Il est temps que les hautes autorités en charge de la stabilité des institutions et de l’équilibre du tissu social, rappellent tous les députés à l’ordre y compris le pouvoir et l’opposition.
Il ne serait plus tolérable de tenir un comportement verbal irrespectueux et irresponsable dans l’hémicycle. La règle d’or du règlement intérieur serait d’ôter l’écharpe tricolore nationale sur les frêles épaules du député incapable de la porter et d’honorer l’image de la nation sénégalaise par son comportement irrévérencieux à l’égard de nos institutions et de ses collègues députés. Sinon, la vraie solution pour éviter la pire comme cette situation de honte (un coup de pied dans le ventre d’une femme), serait qu’un référendum soit rapidement voté pour dissoudre cette 14e législature, afin d’en installer une nouvelle rigoureusement sélectionnée, responsable et consciente des vrais enjeux des dossiers à traiter pour le bien du peuple.
Une législature assise sur des valeurs cardinales que sont le « téguin » - le « kersa » et le « horma », auxquelles tous les députés sans exception doivent s’y conformer.
Oui ! Le peuple a assez trinqué. C’en est trop du jeu de complaisance.
par Mamadou Abdoulaye Sow
UN CONTRAT AUX NOMBREUX IMPAIRS
EXCLUSIF SENEPLUS - Le marché de 45,3 milliards de FCFA entre le ministère de l’Environnement et Lavie Commercial Brokers concernant la fourniture d'équipments sécuritaires viole le droit de la comptabilité publique et le droit de la commande publique
Contrat de 45,3 milliards de FCFA du ministère de l’Environnement publié sur les réseaux sociaux: un marché conclu sans crédits budgétaires et financé à 100% par le fournisseur en violation du droit de la comptabilité publique et du droit de la commande publique
Une partie des médias sociaux a rendu public un contrat de 45,3 milliards de francs CFA qu’aurait conclu le ministre de l’Environnement et du Développement durable avec la société dénommée Lavie Commercial Brokers et ayant pour objet « la fourniture d’équipement de sécurité, de véhicules d’intervention, de matériel technique, logistique, de transmission et de communication ». L’examen dudit contrat appelle des commentaires.
Le contrat ne peut être qualifié de marché de défense
Les marchés de défense sont engagés par les Forces armées, la Police nationale et la Brigade nationale des Sapeurs-pompiers
La disposition dérogatoire de l’article 3 alinéa 3 c) du Code des Marchés Publics (CMP) est d’interprétation stricte. Les autres services de l’État ne devraient pas être autorisés à conclure des marchés de défense ou de sécurité. Dans le cas d’espèce qui concerne le ministère chargé de l’Environnement, il y a donc un défaut de qualité du signataire du marché qui exclut le contrat en question des marchés de défense.
L’objet du marché ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 76.2 du CMP
L’achat d’armes et de matériels d’équipement pour des besoins non militaires ne suffit pas pour emporter la qualification de marché de défense nationale
À notre avis, un marché public portant sur des moyens matériels destinés à l’exercice de missions de contrôle et de surveillance non militaires ne peut être considéré comme un marché de défense au sens de l’article 76 du CMP. En France, le Conseil d’État a exclu de la qualité de marché de défense ou de sécurité « les missions de police en mer, visant à contrôler certaines pêches règlementées et à lutter contre le braconnage, ne poursuivant pas une finalité militaire » (décision du 4 février 2021, société Osiris Sécurité Run, req. n° 445396).
Les marchés passés pour assurer les besoins de la défense nationale ont pour objet :
« la conception, l'essai, l'expérimentation, la réalisation, l'acquisition, le maintien opérationnel, l'utilisation ou la destruction des armes, munitions et matériels de guerre »;
« la réalisation de démonstrateurs ou de prototypes d'armes, munitions ou matériels de guerre ;
« les composants, les outillages, les consommables et les moyens d'évaluation et d'essais spécifiquement conçus pour la fabrication, l'emploi ou le maintien en condition opérationnelle des armes, munitions et matériels de guerre ou l'emploi des armes, munitions et matérielsde guerre ou concourant à leur efficacité militaire »;
(…) »;
des « travaux directement liés à la réalisation, l'emploi, le maintien en condition opérationnelle et l'évaluation des armes. munitions et matériels de guerre ».
En résumant de manière globale, on peut dire que le régime dérogatoire applicable aux marchés de défense nationale porte sur des armes, munitions et matériels de guerre.
La mention règlementaire Secret défense n’est pas apposée sur le contrat publié sur les réseaux sociaux
À supposer que le marché en question soit qualifiable de marché de secret de la défense, ce qui n’est pas établi, a-t-il fait l’objet d’une procédure formelle de classification matérialisée par l’apposition d’un cachet sur la couverture et la première page du document relié ? À titre d’illustration, ce cachet devrait en principe se présenter ainsi :
SECRET DÉFENSE
Toute personne qui détient ce document sans avoir qualité pour le connaître tombe sous le coup des lois sur les crimes et délits contre la sûreté de l’État et sur les atteintes à la défense nationale.
En l’absence de cette mention prévue par la règlementation sur le secret, rien ne permet d'établir le caractère de secret défense du contrat.
Les agents assermentés des Eaux et Forêts ont droit au port d’armes classées dans les deuxième et troisième catégories
La loi n° 80-43 du 25 août 1980 autorise l’usage des armes par les agents des Eaux, Forêts et Chasses et des Parcs nationaux. De son côté, l’article 40 du Code forestier précise que « les agents des Eaux et Forêts assermentés ont, dans l’exercice de leurs fonctions, le droit au port d’armes ». Toutefois, la détention, le port et l’usage des armes et munitions par ces agents sont limités aux armes de la deuxième et troisième catégorie
(Voir la loi n° 66-03 du 18 janvier 1966 avec son décret d’application n° 66-889 du 17 novembre 1966 ainsi que le décret n° 77-577 du 13 juillet 1977).
La catégorie 2 « Armes à feu dites de défense et leurs munitions » comprend les :
« pistolets automatiques et revolvers non classés dans la première catégorie ;
« munitions de tous revolvers et pistolets automatiques classés dans cette catégorie ainsi que leurs canons, carcasses et autres pièces détachées ».
La catégorie 3 « Armes à feu dites de chasse et leurs munitions » comprend les « armes à feu de tous calibres non comprises dans les 1ères, 2ème, 4ème et 7ème catégories ».
Question : les fusils d’assaut sont-ils des armes de la 2ème catégorie ?
Précisons que les agents des Eaux et Forêts ne peuvent faire usage de leur arme « qu’en cas de légitime défense et lorsqu’ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations et autres moyens de transport dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt. Le tir dans ce cas ne doit être dirigé que sur les engins » (article 40 du Code forestier).
Un contrat avec des dispositions non conformes au droit de la comptabilité publique et au droit de la commande publique
Un marché public financé sur des deniers privés en violation du droit de la comptabilité publique
Le budget de l’État doit normalement prévoir les ressources nécessaires au règlement des marchés à lancer au cours d’une année budgétaire. Or, sur la page de garde du contrat, il est écrit : « Financement Lavie Commercial Brokers » ce que confirme l’article 4 du marché qui stipule que le montant du marché est financé à 100% par le fournisseur.
À notre connaissance, il n’existe aucune disposition légale ou règlementaire qui autorise le paiement d’une dépense publique sur des fonds privés.
En passant, a-t-on procédé à des enquêtes sur l’origine de ce financement de 45, 300 milliards de francs CFA que la société Lavie Commercial Brokers se propose de décaisser pour l’exécution du marché ?
Un marché conclu en l’absence decrédits budgétaires suffisants
Aucune inscription budgétaire n’existait au moment de la conclusion du contrat. Ce que confirment les articles 4 et 5 du contrat. L’article 5 dit : « Le montant du marché sera imputé sur le budget de l’État du Sénégal » sans donner des précisions sur l’imputation budgétaire alors que l’article 13 du CMP exige l’indication de l’imputation budgétaire sur les marchés passés en application des dispositions de l’article 76.2 du même Code.
Le marché ne respecte pas l’article 67 de la directive n° 04/2005/CM/UEMOA[1]
Cet article prévoit qu’ « avant signature de tout marché, les services compétents des autorités contractantes doivent fournir à leurs co-contractants la preuve que le crédit est disponible et a été réservé ».
Il ne respecte pas les articles 17 et 24 du Code des Obligations de l’Administration (COA)
L’article 24 du COA dispose : « En vue d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics, la conclusion des contrats d’achats passés à titre onéreux par les acheteurs publics (.. ) suppose l’existence de crédits suffisants selon le principe stipulé à l’article 17 du …Code ». L’article 17 précise : « La conclusion d’un contrat susceptible d’engager les finances de la personne administrative contractante est soumise à l’existence de crédits budgétaires suffisants et au respect des règles d’engagement des dépenses publiques.
Il ne respecte pas l’article 9 du décret portant Code des Marchés Publics
Cet article précise : « Au cours de la phase de préparation des marchés, l'Autorité contractante doit évaluer le montant estimé des fournitures, services ou travaux objet du marché et s'assurer de l'existence de crédits budgétaires suffisants ».
Questions portant sur le dispositif du contrat
Le contrat a-t-il été soumis à l’avis de la Direction chargée du contrôle des marchés publics ?
Conformément à l’article 76 du CMP, les marchés secrets à passer par entente directe sont soumis à l’avis de la Direction chargée du contrôle des marchés publics. Cette prescription a-t-elle été respectée ?
Le contrat étant classé « Secret Défense », le titulaire du marché a-t-il obtenu une habilitation avant l’attribution du marché ?
Avant toute habilitation, le service compétent de l’État chargé de délivrer l’habilitation est tenu de procéder à des enquêtes de sécurité et de moralité sur les personnes composant la société conformément aux dispositions règlementaires en la matière.
L’arrêté du ministre chargé des Forces armées prévu à l’article 77.1 du CMP a-t-il été pris ?
La disposition précitée prévoit qu’ « un arrêté du ministre chargé des Forces armées fixe les conditions dans lesquelles est assurée la protection du secret des informations concernant la défense nationale et la sûreté de l’Etat durant la procédure de passation et d’exécution du marché ».
Pourquoi n’existe-t-il pas une clause type dite « de protection du secret de la défense nationale » ainsi qu’une annexe de sécurité ?
En bonne règle, un marché public qui implique l’accès à des informations classifiées « Secret Défense » devrait inclure une clause type dite « de protection du secret de la défense nationale ». En outre, il devrait comprendre une annexe de sécurité qui détaille les instructions de sécurité relatives au marché de défense ou de sécurité.
Mamadou Abdoulaye Sow est Inspecteur principal du Trésor à la retraite.
[1] La directive porte procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine.