Le rapport médical (produit dans l’affaire Ousmane Sonko) ne prouve pas l’absence de viol. Le test ADN (proposé dans la même affaire) ne prouvera pas qu’il y a viol
Outil incontournable en matière d’enquête criminelle en ce XXIe siècle, l’ADN, à l’instar d’autres procédés scientifiques, peut permettre d’identifier un coupable comme il peut servir à disculper un innocent. Gare cependant aux erreurs de manipulation et d’interprétation qui peuvent être lourdes de conséquences.
Le rapport médical (produit dans l’affaire Ousmane Sonko) ne prouve pas l’absence de viol. Le test ADN (proposé dans la même affaire) ne prouvera pas qu’il y a viol. Voilà deux enseignements majeurs qui ressortent des échanges avec les hommes de l’art, des médecins et des officiers de police judiciaire. Cela dit, nos interlocuteurs sont unanimes. Dans ce genre de dossier, la science peut être un important allié pour aider à faire la lumière sur certains aspects ; même si elle n’est pas suffisante pour établir de manière irréfutable l’existence ou non des faits incriminés.
Un officier de police judiciaire explique : ‘’Ces procédés, dont le test ADN, sont des moyens de preuve découverts par la science et que la justice utilise en matière criminelle. Ils font l’objet de toute une théorie et ont donné naissance à des cours comme la police technique et la police scientifique, deux matières qui entrent dans la criminalistique. Certains comme Edmond Locard sont considérés comme les précurseurs de la théorie sur les preuves tirées de la science : ADN, empreintes digitales…’’
A en croire l’OPJ, il n’y a pas de dispositions spécifiques dans la loi pénale. Mais comme la preuve est libre dans ce domaine, la justice utilise ces procédés scientifiques, d’autant plus qu’ils peuvent présenter un certain degré d’exactitude et d’irréfutabilité. ‘’En sus du principe de la liberté de la preuve en matière pénale, signale-t-il, il y a les articles 149 et suivants du Code de procédure pénale portant sur l’expertise qui peuvent servir de base légale pour recourir à ces procédés scientifiques dont le test ADN’’.
Très sollicitée dans certaines affaires criminelles sensibles, la science se heurte néanmoins à un certain nombre de limites. D’abord, poursuivent nos interlocuteurs, en matière pénale, à chaque fois que la preuve requiert une intervention sur l’intégrité physique de la personne, son consentement est nécessaire. ‘’C’est comme le malade qui est devant son médecin. Il faut son autorisation, même pour lui administrer une dose de piqure’’, argue l’officier de police judiciaire. Qui ajoute : ‘’La personne poursuivie est en droit de refuser le test qui est avant tout un acte médical, même s’il tend à la recherche de preuve, même si on est dans une procédure judiciaire.’’
D’un point de vue médical, ce médecin soutient que les empreintes génétiques permettent d’identifier une personne, mais pas d’assoir la thèse d’un quelconque ‘’crime’’. Si, par exemple, on retrouve l’ADN d’une personne à l’issue d’un prélèvement de sperme dans les parties génitales d’une femme, on peut penser que cette personne a eu des rapports avec la femme. Mais cela ne suffit pas pour conclure ni à l’existence d’un rapport sexuel, ni au viol. Dans le cas où il y a eu un rapport sexuel, celui-ci peut en effet avoir été fait avec le consentement de la supposée victime.
‘’Il reviendra au juge d’apprécier, en tenant compte de tous les éléments de l’enquête’’
‘’Maintenant, précise-t-il, si par exemple, la personne avait soutenu qu’elle n’a jamais eu un contact sexuel avec la femme, et qu’on trouve que le sperme prélevé dans les parties génitales de la femme est compatible avec son ADN, ça peut peser sur l’intime conviction du juge. Celui-ci peut se dire : puisqu’il a menti, c’est peut-être parce qu’il a quelque chose à se reprocher ; c’est parce que peut-être il est coupable... Ce n’est qu’un élément entrant dans le cadre d’un faisceau d’indices. Il reviendra au juge d’apprécier, naturellement en tenant compte de tous les éléments de l’enquête.’’
Par rapport à l’accusation selon laquelle les prélèvements peuvent être truqués, notre interlocuteur n’a pas voulu trop s’y épancher, pour ne pas entrer dans une polémique stérile. Il se borne à relever ce qui suit : ‘’Il faut juste savoir que tout travail humain peut être l’objet de corruption ou de mauvaise pratique. Comme on dit en wolof : ‘bulmiimalkendara’. Mais il faut quand même qu'on soit d’accord sur les principes. Ceux qui font les expertises, ce sont ces mêmes personnes qui sont sollicitées dans d’autres affaires. Si on prend les garanties nécessaires par rapport à la qualification de la personne, à sa probité morale, à ses compétences techniques, le reste, c’est de l’hyper-confiance. Après, si on n’est pas satisfait par le résultat, on peut toujours demander, par les voies et moyens disponibles, une contre-expertise pour contester les résultats. Mais on ne peut pas, sur la base de simples allégations, refuser catégoriquement des solutions qui peuvent aider à faire éclater la vérité.’’
Refuser systématiquement le recours à la science, selon le médecin, ‘’c’est comme si on se disait qu’on ne doit plus faire de certificat médical pour coups et blessures, parce qu’il est arrivé qu’on fasse un certificat de complaisance ; qu’on ne fera plus de chirurgie, parce qu’un médecin a eu à commettre une erreur… Il faut mettre en place les garanties par rapport à la qualification, exiger un laboratoire qui respecte les normes…’’.
Relativement au temps requis pour réaliser un test ADN efficace, notre interlocuteur avoue ne pouvoir pas trop s’y épancher : ‘’Il faudrait savoir quel est le prélèvement qui a été fait ? Comment il a été fait ? Tout est question de procédure et de normes. Chaque analyse a des conditions à respecter. Et les laboratoires ont des normes bien établies...’’
Par ailleurs, il faut savoir, tiennent à préciser les spécialistes, que la position ou l’apport de la médecine ne se résume pas au test ADN. Le médecin peut aussi intervenir à travers un certificat médical qui donne au juge des éléments pouvant permettre de se pencher dans un sens ou dans un autre. ‘’Le certificat médical, souligne le médecin, donne des éléments qui permettent au juge de se décider dans un sens ou dans un autre. Mais ce n’est jamais le certificat médical pris isolément. C’est toujours en rapport avec l’enquête dans son ensemble. En tenant compte de ce qu’il a vu dans les procès-verbaux et dans le rapport du médecin, le juge peut estimer qu’il y a viol ou non. Ce n’est pas au certificat médical de dire s’il y a viol ou pas’’.
A la question de savoir si l’absence de lésions suffit pour écarter la thèse du viol, la blouse blanche précise : ‘’L’absence de lésions ne signifie pas absence de viol. Une fille qui est violée et qui n’a pas opposé de résistance parce qu’elle avait peur par exemple, si elle n’était pas vierge, on peut ne pas trouver de lésions.’’
En outre, explique la blouse blanche, la particularité de la médecine légale ou traumatologique, c’est la description. ‘’On doit décrire de sorte que celui qui n’est pas là, s’il lit sa description, il va se faire une idée. Et cette description se fait en fonction du cadran d’une montre. Quand il y a une déchirure, il faut bien la localiser. Ici, il s’agit de l’hymen ; on prend repère sur le cadran d’une montre. Une montre, il y a la position de 3 h, de 6 h, de 9 h et de 12 h… C’est ainsi qu’il faut comprendre ces mentions dans le rapport médical.’’
LE PÈRE DE FALLOU SÈNE CONTINUE DE RÉCLAMER JUSTICE POUR SON FILS
Abdoulaye Sène, le père de l’étudiant Fallou Sène, qui a trouvé la mort dans des affrontements entre forces de l’ordre et étudiants de l’UGB, le 15 mai 2018, continue de réclamer la réparation du préjudice causé à son fils
Abdoulaye Sène, le père de l’étudiant Fallou Sène, qui a trouvé la mort dans des affrontements entre forces de l’ordre et étudiants de l’université Gaston-Berger de Saint-Louis (nord), le 15 mai 2018, continue de réclamer la réparation du préjudice causé à son fils.
‘’Cela fait quatre années et six mois que mon fils Fallou Sène est décédé des suites de ses blessures, à la suite d’affrontements entre les étudiants de l’université Gaston-Berger et les forces de l’ordre, et jusque-là l’enquête judiciaire est au point mort’’, a déclaré M. Sène.
Il s’entretenait avec des journalistes devant la maison construite pour sa famille par la Première dame, Marième Faye Sall, à Patar, une commune du département de Diourbel où était originaire le défunt étudiant.
Les autorités ‘’nous ont promis que les circonstances tragiques de sa mort seront élucidées par la justice et que les coupables seront punis conformément aux lois du pays’’, a rappelé le père de Fallou Sène.
‘’Mais à notre grand regret, depuis son décès, le dossier est au point mort au plan judicaire, pendant que d’autres dossiers sont vidés par la justice tous les jours’’, a-t-il fait valoir.
Depuis le décès de Fallou Sène dans des affrontements entre les forces de l’ordre et des étudiants qui réclamaient le paiement de leurs bourses d’études et de meilleures conditions de travail, ‘’le dossier judiciaire n’avance pas’’, a insisté le père du défunt étudiant, disant être à l’écoute des autorités judiciaires.
Avant de décéder le 6 mars dernier, la mère de Fallou Sène avait également ‘’réclamé (…) justice pour son fils’’, a rappelé Abdoulaye Sène.
‘’Je demande à la justice d’élucider cette affaire’’, pour que ‘’les coupables soient punis’’, a-t-il insisté, estimant que ‘’toute la famille’’ de Fallou Sène ‘’souffre de cette situation’’.
Il exhorte les autorités judiciaires à ‘’tirer cette affaire au clair et [à] situer les responsabilités’’.
Fallou Sène, inscrit en licence 2 de lettres modernes à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, a rendu l’âme des suites d’une ‘’hémorragie de grande abondance’’ causée par une arme à feu, selon les résultats d’une autopsie.
Agé de 26 ans, il était marié et père d’un enfant.
par le quotidien burkinabè le pays
40 ANS DE REGNE DE PAUL BIYA, FAUT-IL EN RIRE OU EN PLEURER ?
Paul Biya, au terme de son mandat en cours, gagnerait à renoncer au pouvoir comme l’avait fait son prédécesseur Ahmadou Ahidjo. Car, il ne peut plus rien donner au Cameroun qu’il ne l’a fait en 40 ans
6 novembre 1982-6 novembre 2022 ; cela fait 40 bonnes années que Paul Biya règne sans partage sur le Cameroun. En effet, arrivé au pouvoir suite à la démission du président Ahmadou Ahidjo, Paul Biya que d’aucuns surnomment « l’homme du 6 novembre », lui-même, ne s’imaginait sans doute pas pareille longévité à la tête de l’Etat camerounais. Surtout quand on sait que sitôt après son installation au Palais d’Etoudi, il a été confronté à une série de crises politiques qui avaient pris une tournure particulière avec le putsch manqué du 6 avril 1984, lorsqu’une faction de l’armée avait tenté de lui ravir le pouvoir qu’il avait du mal à consolider. Et ce n’est pas tout. Car, la contestation des résultats de la présidentielle de 1992 par l’opposant John Fru Ndi, avait embrasé le Cameroun au point que certains n’hésitaient pas à parier sur la chute de Paul Biya qui, à travers l’organisation de réformes institutionnelles, a su, à la surprise générale, reprendre la main. Depuis lors, régnant en maître incontesté sur le Cameroun, « l’homme-lion », ainsi que l’appellent certains, régule, en fonction des intérêts du moment et des appétits du pouvoir de ses successeurs putatifs, la météo politique nationale.
Le pays est présenté comme l’un des plus corrompus sur le continent
Ce qui lui vaut, en partie, cette longévité au pouvoir. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Paul Biya, selon toute vraisemblance, n’est pas prêt à faire valoir ses droits à la retraite. « Le Cameroun est dirigé conformément à sa Constitution. Selon cette Constitution, le mandat que je mène a une durée de sept ans. Alors, essayez de faire la soustraction et vous saurez combien de temps, il me reste à diriger le pays. Mais autrement, quand ce mandat arrivera à expiration, vous serez informés sur le point de savoir si je reste ou si je m’en vais au village », avait-il répondu à des journalistes qui l’interrogeaient sur une possible retraite politique. C’était en août 2022. Pour les Raspoutine et autres soutiens zélés qui ne défendent que leur bifteck, avec Biya, c’est la stabilité et le progrès social.
EN PLEINE CROISSANCE, L'AFRIQUE FACE AU BESOIN DE TRANSPORTS EN COMMUN
Beaucoup en Afrique doivent jongler avec l'absence ou l'inefficacité des transports en commun que les autorités locales essaient de développer, un défi immense mais vital à l'heure où le continent est confronté à une urbanisation croissante
A Lagos, Tade Balogun doit planifier ses déplacements bien en avance pour s'éviter le calvaire d'attendre des heures dans des embouteillages monstres qui paralysent la ville de 20 millions d'habitants aux services publics quasi-inexistants.
Chaque jour, M. Balogun part au travail avant l'aube, finit sa journée et attend jusqu'à 21H pour éviter les monstrueux "go-slow" (embouteillages en pidgin nigérian), faits de milliers de voitures et de camions sur des routes abimées où les vendeurs à la sauvette se faufilent dangereusement entre les voies.
Comme ce consultant de la capitale économique du Nigeria, beaucoup en Afrique doivent jongler avec l'absence ou l'inefficacité des transports en commun que les autorités locales essaient de développer, un défi immense mais vital à l'heure où le continent est confronté à une urbanisation croissante et à une explosion démographique.
Selon les Nations unies, la planète comptera bientôt 8 milliards d'humains.A la fin du siècle, les trois villes les plus peuplées au monde seront Africaines.
Déjà l'une des villes abritant le plus d'âmes sur le continent, Lagos deviendra la plus peuplée au monde en 2100, selon une étude.
La façon dont elle gèrera cette explosion démographique pourrait inspirer les autres mégapoles africaines, comme Kinshasa (RD Congo) ou Dar Es Salaam (Tanzanie), qui complèteront le podium des villes les plus peuplées au monde en 2100.
L'Etat de Lagos assure avoir des plans ambitieux - que les sceptiques qualifient de "fantaisistes" -, notamment la création d'un nouvel aéroport et d'un réseau de transports publics (trains, bus, ferry).
- Futures mégapoles -
Mais comment intégrer les vastes réseaux informels de transports dont dépendent des millions de personnes?Comment fournir des logements et de l'électricité ? Autant de questions posées par les urbanistes tant les défis sont immenses.
Effectuer un recensement serait une première étape, rendu compliqué par le nombre de quartiers informels, explique Muyiwa Agunbiade, professeur de développement urbain à l'université de Lagos.
"Si vous ne connaissez pas le nombre d'habitants, c'est difficile pour nous de planifier".
L'Institut des "Global Cities" de l'université de Toronto estime que les trois villes les plus peuplées au monde en 2025 seront situées en Asie: Tokyo, Bombay et Delhi.
Progressivement, les villes africaines prendront ensuite le relais.
Le mois dernier, la présidente de la Tanzanie Samia Suluhu Hassan a alerté sur les défis posés par cette démographie galopante, la population de Dar Es Salaam, capitale économique, devant doubler pour atteindre les 10 millions d'ici 2030.
De son côté, Lagos, économie majeure en Afrique de l'Ouest, devrait abriter 88 millions d'habitants dans 80 ans seulement, soit plus que la population actuelle de l'Allemagne.
"Pour que l'économie de n'importe quelle ville prospère, votre système de transport doit être adéquat et efficace", insiste auprès de l'AFP la directrice de l'autorité des Transports de l'Etat de Lagos, Abimbola Akinajo.
"C'est une grande partie de ce que nous devons mettre en place pour que la ville fonctionne correctement".
Mais certains de ses quartiers se transforment en une masse chaotique de véhicules s'évitant les uns les autres, en particulier les minibus jaunes Danfo omniprésents, réseau informel de transport public.
"Le Nigeria est-il censé être OK comme ça ? Tous ces embouteillages", souffle Ayo Babatunde Ogunleyimu, conducteur d'un Danfo plein à craquer.
- Enfin, un train ? -
Lagos a beau être une puissance économique et abriter les superstars de l'afropop, ses habitants bricolent pour avoir accès à l'eau et l'électricité.
Dr Lindsay Sawyer, du département d'urbanisme de l'université de Sheffield, assure que pour offrir des transports durables à Lagos, il faut maintenir des coûts bas.
"Les Danfo sont toujours présents partout parce qu'ils restent l'option la plus abordable", estime M. Sawyer.
Depuis des années, les autorités de Lagos peinent à finaliser une ligne ferroviaire, longtemps retardée.
Mme Akinajo admet des problèmes de financement mais assure que la première partie de la "Blue Rail Line" sera terminée d'ici la fin d'année.
"Le plus gros problème est celui de la mise en oeuvre", insiste le professeur Agunbiade.Mais si la ligne fonctionne, "cela changera radicalement la donne".
En Tanzanie, Dar Es Salaam a déjà enregistré plusieurs succès avec ses lignes de bus rapides dédiées, qui, grâce à des routes élargies, ont réduit la congestion sur une artère principale.
"Les bus rapides nous aident", témoigne Saidi Jongo, habitant de "Dar"."Au moins, plus d'embouteillages".
- "Maison de fous" -
Pour ce qui est de Kinshasa, capitale de la RDC, la donne est tout autre.Une guerre civile au début des années 2000 et des violences en 2016 ont ajouté des déplacés à une population galopante.
Des masses de gens y "font les pieds" (marchent) sur de longues distances, tandis que les routes sont souvent bloquées en raison d'embouteillages monstres.
En mauvais état dans la plupart des cas, les transports en commun, assurés par des taxis et autres mini-bus sont surnommés "esprit de mort".
"Quand on voit la taille des embouteillages et la masse de gens qu'il y a autour (...), on se rend compte que le transport routier ne peut pas résoudre le problème de mobilité de la population", estime Martin Lukusa, directeur général de la société commerciale des transports et ports (SCTP), l'entreprise publique.
Lagos essaie par exemple de développer un réseau de ferry sur ses lagunes.Mais les financements sont quasi-introuvable car le coût de transport est plus élevé.
Alors, la plupart des habitants de la banlieue, harassés, attendent toujours de meilleures solutions.
"C'est une maison de fous", s'énerve Ochuko Oghuvwu, gérant d'un courtier en bourse, qui fait 20 heures de trajet par semaine."A l'heure qu'il est, Lagos devrait avoir une ligne de métro".
À CHARM EL-CHEIKH, LA SOCIÉTÉ CIVILE AU BAN DE LA COP27
Dès l'aéroport, le jeune ougandais Nyombi Morris a déchanté. Parler aux dirigeants, manifester, porter la voix de l'Afrique à la COP27... Tous ses projets se sont fracassés sur des mesures de sécurité qui alarment les défenseurs des droits humains
Dès l'aéroport, le jeune militant ougandais Nyombi Morris a déchanté. Parler aux dirigeants, manifester, porter la voix de l'Afrique à la COP27... Tous ses projets se sont fracassés sur des mesures de sécurité qui alarment les défenseurs des droits humains.
Nyombi Morris n'avait que dix ans lorsque la maison et la ferme familiales, dans le district de Butaleja dans l'est de l'Ouganda, ont été emportées par des inondations dévastatrices, aggravées selon lui par l'extraction illégale de sable sur les berges d'un fleuve. "Je suis ici pour représenter ma mère, qui a perdu une ferme, une maison, en 2008", confie le militant africain, âgé de 24 ans. "Il y a eu une inondation soudaine et plus de 400 personnes ont dû fuir pour Kampala", la capitale, se souvient-il.
Quand il a appris que la conférence de l'ONU pour le climat se déroulerait cette année à Charm el-Cheikh, en Egypte, Dès l'aéroport, le jeune militant ougandais Nyombi Morris a déchanté. Parler aux dirigeants, manifester, porter la voix de l'Afrique à la COP27... Tous ses projets se sont fracassés sur des mesures de sécurité qui alarment les défenseurs des droits humains.fondateur de l'ONG Earth Volunteers, a décidé de s'y rendre pour faire entendre sa voix et celle des siens. "Je suis ici pour demander compensation pour ma communauté".
Mais dès le premier jour, les obstacles ont surgi. "J'étais tellement heureux quand ils ont annoncé que la COP aurait lieu en Afrique, j'ai pensé que j'aurais peut-être le droit d'entrer dans la salle où se déroulent les négociations".
Pour Nyombi Morris, tout a commencé par un interrogatoire après l'atterrissage à l'aéroport de Charm el-Cheikh, immense station balnéaire du Sinaï égyptien, sur la mer Rouge. "Avec l'interrogatoire qu'on a eu à l'aéroport, ce ne sera pas facile de faire ce qu'on avait prévu", raconte-t-il.
Pour manifester, il faut demander une accréditation 36 heures à l'avance en révélant les noms des organisateurs, leurs badges d'accès et le détail de la marche. Et si l'on obtient ce précieux sésame, manifester n'est autorisé, selon les organisateurs de la COP27, que "de 10 heures à 17 heures", dans une zone spécifique construite à l'écart.
- "La COP des pollueurs" -
"On a commencé à s'inquiéter quand ils nous ont demandé où on allait, où on allait dormir, nos passeports, nos noms", poursuit-il, car tous les militants pour le climat ont en tête une histoire: celle de leur camarade indien Ajit Rajagopal. Une semaine avant la COP27, il a tenté un geste symbolique, en voulant parcourir en huit jours les 500 kilomètres qui séparent Le Caire de Charm el-Cheikh.
Mais à peine parti, il a été arrêté et envoyé en détention. L'avocat égyptien venu à son secours a, lui aussi, fini derrière les barreaux. Ils sont finalement ressortis après une levée de boucliers internationale. "Après ce qui est arrivé à ce militant indien, comment peut-on être sûr qu'ils nous laisseront tranquilles", s'interroge M. Morris.
Pour Volker Türk, le Haut commissaire aux droits humains de l'ONU, "tout le monde doit pouvoir participer pleinement à la COP27". Et "cela inclut la société civile", a-t-il affirmé lundi sur Twitter. Mais pour Adam Coogle, de l'ONG Human Rights Watch (HRW), "le pouvoir égyptien n'a aucune intention d'alléger ses mesures de sécurité abusives pour laisser place à la liberté d'expression et de rassemblement".
Déjà, selon les ONG, au moins 151 "arrestations arbitraires" ont eu lieu pour des appels à manifester ailleurs qu'à Charm el-Cheikh, le 11 novembre, contre la répression et l'augmentation brutale du coût de la vie. "Même si cette COP se déroule en Afrique, on ne nous a donné aucune chance de nous exprimer. Donc pourquoi on est là?", s'interroge M. Morris.
"Ce n'est pas la COP africaine, c'est la COP des pollueurs car ce sont les pollueurs qui dominent, regardez, Coca-Cola qui est là!", lance-t-il alors que la multinationale, l'un des sponsors officiels de la COP27, est, selon Greenpeace, "le premier responsable de la pollution au plastique du monde".
Militants "dehors"
Les militants, eux, "sont dehors","incapables de participer aux négociations" et surtout, dit-il, de "réclamer les 100 milliards (par an) promis en 2009 et jamais donnés" par les pays développés aux pays du Sud pour réduire leurs émissions. L'année dernière, pour la COP26 à Glasgow, en Ecosse, des dizaines de milliers de manifestants venus du monde entier avaient bravé des pluies diluviennes pour réclamer la "justice climatique".
Dimanche, faisant fi des restrictions, une poignée de militants d'une secte vegan ont manifesté en brandissant des bannières "Be vegan, make peace" (soyez vegan, faites la paix, en anglais) à l'entrée du Palais des Congrès où les participants à la COP27 affluaient.
"Nous essayons de promouvoir le véganisme pour aider à sauver la planète des gaz à effet de serre", explique à l'AFP Tom Modgmah, membre du "Culte du maître suprême Cheng Hai". "L'élevage est responsable d'une bonne part du désastre actuel", ajoute-t-il.
Nyombi Morris, lui, est resté devant la porte. "Nos badges 'observateurs' ne nous permettent pas d'entrer. Donc je suis ici, mais je regarde ce qui se passe via les retransmissions en ligne", soupire-t-il.
LA CAP EXIGE LA LIBÉRATION DE PAPE ALÉ NIANG
Le journaliste a été arrêté pour des délits de presse. La CAP rappelle à l'Etat le respect de la Constitution notamment en ses articles 8 et 10 mais aussi ses engagements internationaux relatifs à la dépénalisation des délits de presse - DÉCLARATION
SenePlus publie ci-dessous, la déclaration de la Coordination des associations de presse (Cap) datée du 7 novembre 2022 à propos de l'arrestation du journaliste Pape Alé Niang.
«Pape Alé Niang est accusé de divulgation de documents militaires sans autorisation de hiérarchie de nature à nuire à la défense nationale ; appel à la subversion, recel et diffusion de documents administratifs estampillés secrets et propagation de fausses nouvelles. Les articles 60, 80 et 363 du Code pénal sont visés.
La Coordination des associations de presse condamne vigoureusement son arrestation et exige sa libération sans conditions.
Pape Ale Niang a été arrêté pour des délits de presse. La CAP rappelle à l'Etat du Sénégal le respect de la Constitution notamment en ses articles 8 et 10 mais aussi ses engagements internationaux relatifs à la dépénalisation des délits de presse.
La CAP réitère que la liberté de presse, d'investiguer et d'informer n'est pas negociable.
La CAP s'insurge contre in tendance répressive et à la diabolisation de la presse, autant par le pouvoir que par l'opposition.
La CAP appelle tous les défenseurs des Libertés à se mobiliser et à faire face aux tentatives d'intimidation et de musellement de la presse.
La CAP saisit les organisations de défense des libertés de presse nationales et internationales sur les dérives totalitaires de l'Etat du Sénégal et finalise son plan d'actions.
La CAP œuvre pour un journalisme professionnel, libre et responsable, respectueux des règles d'éthique et de déontologie.»