ARRESTATION DE PAPE ALE NIANG, LA REACTION DU SYNPICS
Le journaliste de DakarMatin Pape Alé Niang arrêté ce dimanche peut compter sur le soutien du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics).
Le journaliste de DakarMatin Pape Alé Niang arrêté ce dimanche peut compter sur le soutien du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics).
Le syndicat, qui « suit l’affaire avec intérêt », en rapport avec « les membres de la Coordination des associations de presse » (Cap), annonce avoir « pris contact avec l’avocat Me Bamba Cissé pour s’enquérir des motifs de cette arrestation et lui apporter toute l’assistance requise », dans son communiqué.
Pape Alé Niang a été arrêté par la Sûreté urbaine du commissariat central de Dakar sur instruction du procureur de la République, suite à ces lives sur l’affaire Sonko-Adji Sarr.
PAPE ALÉ NIANG PLACÉ EN GARDE À VUE
Le journaliste arrêté en début d’après-midi est soupçonné d'avoir appelé l’armée à la révolte, jeté le discrédit sur l’institution militaire et divulgué des documents classés secret-Défense
L'étau se resserre autour de Pape Alé Niang ! Suite à son arrestation suivie de son interrogatoire , le journaliste d'investigations, par ailleurs administrateur du site Dakarmatin, vient d'être placé en garde à vue dans les locaux du commissariat central de Dakar, selon des sources de Seneweb.
Pour rappel, Pape Alé Niang a été arrêté et conduit à la Sûreté urbaine de Dakar en début d’après-midi. D'après nos sources, le journaliste est dans le viseur de la justice pour avoir appelé les troupes de l’armée à la révolte, jeté le discrédit sur l’institution militaire et divulgué des documents classés secret-Défense en plus du délit de propagation de fausses nouvelles.
DES MILLIERS DE PARTISANS CÉLÈBRENT LES 40 ANS DE BIYA AU POUVOIR
A bientôt 90 ans, le "sphinx" est le deuxième chef d'Etat au monde encore vivant à la plus grande longévité au pouvoir --monarchies exceptées--, derrière son voisin Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, président de la Guinée équatoriale depuis plus de 43 ans
Plusieurs milliers de partisans du président camerounais Paul Biya ont célébré dimanche à Yaoundé, en l'absence de l'intéressé, ses 40 ans à la tête de ce pays d'Afrique centrale confronté à des défis politiques, sécuritaires et économiques majeurs.
A bientôt 90 ans, le "sphinx" est le deuxième chef d'Etat au monde encore vivant à la plus grande longévité au pouvoir --monarchies exceptées--, derrière son voisin Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, président de la Guinée équatoriale depuis plus de 43 ans.
Mais, après une réélection très contestée pour un septième mandat en 2018, et alors que ses apparitions publiques se font extrêmement rares tant il est apparu affaibli physiquement ces dernières années, il a lancé ces derniers temps ses forces de l'ordre dans une répression encore plus implacable de toute opposition.
Sur l'esplanade de l'Hôtel de Ville de la capitale, à l'appel de son tout puissant Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), plusieurs milliers de partisans ont crié et dansé au rythme d'une sono diffusant des chansons en l'honneur du chef de l'Etat.
Au son entêtant des tam-tam et sous une chaleur écrasante, ces sympathisants se sont massés vêtus de chemises, robes, casquettes et d'écharpes aux couleurs vives à l'effigie de Paul Biya : marron et blanc pour les aînés du parti, bleu pour les femmes et violet pour les jeunes.
Un immense portrait déployé sur la façade de la mairie était frappé du slogan: "Un Président d'exception" en français et anglais, les deux langues officielles du Cameroun, qui a acquis son indépendance en 1960 de la France et, pour une petite partie anglophone dans l'ouest, du Royaume-Uni en 1961.
- Défis -
Le Cameroun est cependant confronté à de lourds défis, notamment sécuritaires, avec la lutte contre les jihadistes dans l'Extrême-Nord et un conflit sanglant dans les deux régions peuplées par la minorité anglophone dans l'ouest, entre l'armée et des groupes indépendantistes, les deux camps commettant crimes et atrocités contre les civils, selon l'ONU et des ONG.
Plusieurs membres du gouvernement étaient présents aux festivités de Yaoundé, le Premier ministre Joseph Dion Ngute en tête, ainsi que le président du Sénat, Marcel Niat Njifenji.
"Quarante ans à la tête de la Nation, ça ne s'usurpe pas, ça se gagne et ça se mérite, ce n'est pas à la portée de qui veut mais plutôt de qui peut", a lancé à l'ouverture des festivités Jean-Marie Abouna, maire du Ier arrondissement de Yaoundé et hôte des célébrations.
Mais évoquer la succession du président est un tabou absolu, même pour les plus proches, personne n'ayant jamais osé sortir du bois ni esquissé, du moins publiquement, la moindre intention, suscitant toutes les spéculations.
-"Corruption"-
Paul Biya "a toujours bien géré le pays malgré des périodes difficiles.Comme dans une famille, il y a des hauts et des bas", s'enthousiasmait dans la foule Emmanuel Watat, un commerçant de 36 ans et militant du RDPC depuis 17 ans.
"Nous sommes fiers de lui, nous nous levons le matin et nous sommes à l'aise dans notre pays, nous vivons en paix, et c'est une chance quand on voit la situation des pays voisins", assurait à l'AFP Florentine Ahanda, une femme de ménage de 57 ans.
Pourtant l'économie camerounaise n'est pas à la hauteur de son potentiel après quatre décennies de promesses d'un pouvoir accusé par l'opposition de corruption et de mauvaise gouvernance.Plus de 30% de la population vit dans l'extrême pauvreté en 2022 et quelque 9 millions de personnes n'ont pas accès à l'électricité, selon la Banque mondiale.
Samedi, sur Facebook, le principal opposant de M. Biya, Maurice Kamto, rival malheureux en 2018 à la tête du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), a vu dans ces 40 années de pouvoir "un piétinement arrogant des droits fondamentaux des citoyens et des libertés publiques" dans un pays où règne une "corruption systématique et généralisée".
Après sa réélection en 2018, le régime de M. Biya a fait violemment taire toute opposition politique, faisant arrêter - et condamner lourdement- des centaines de manifestants pacifiques, dont M. Kamto lui-même, emprisonné neuf mois sans procès en 2019 et libéré seulement après d'intenses pressions internationales, notamment de la France.
L'opposant a aussi qualifié sur Facebook de "rêve sans contenu" le "Renouveau du Cameroun" promis il y a quarante ans déjà par un Paul Biya ex-Premier ministre désigné successeur du Président démissionnaire Ahmadou Ahidjo, le 6 novembre 1982.
par l'éditorialiste de seneplus, Emmanuel Desfourneaux
LES RETOURS AU PAYS NATAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Qui ne pense pas comme ce député incriminé en France ? La célèbre phrase de Philippe de Villiers, « La France tu l’aimes ou tu la quittes », récupérée par Sarkozy nous rappelle étrangement le « Qu’il retourne en Afrique »
Emmanuel Desfourneaux de SenePlus |
Publication 06/11/2022
(Destin croisé de « migrants » vers la France et le Sénégal)
« Qu’il(s) retourne(nt) en Afrique. » Ces relents de racisme, au Palais de Bourbon, émanant des bancs du Rassemblement National (RN), ont ému jusqu’au Palais de l’Elysée.
« Le racisme n’a pas sa place dans notre démocratie », a entonné la Première ministre Elisabeth Borne. Toute la classe politique française, à l’exception du RN, bien sûr, a été unanime pour refleurir le front républicain fané jusqu’alors par des calculs d’une basse-cour d’élevage politicien peu scrupuleux. La République, en de pareils moments, retrouve des couleurs.
C’est facile de se défausser sur le Rassemblement National lorsque le mal est fait. Ce jeudi, la suspension de séance par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, sonnait faux dans l’hémicycle où cette même présidente avait rappelé à l’ordre, il y a quelques semaines, une députée de la majorité dont le tort avait été de dénoncer « l’ADN xénophobe vieux de 50 ans du RN. »
C’est facile de se défausser sur le Rassemblement National dès lors qu’Emmanuel Macron a encouragé la banalisation de ce parti d’extrême droite et a facilité son ancrage institutionnel lors de la dernière élection législative. C’est ce même président qui avait poussé la porte du journal Valeurs Actuelles, pour séduire les électeurs du Rassemblement National sur l’immigration et la sécurité, oubliant en passant ses promesses fallacieuses tenues à l’occasion du Sommet des Nations Unies de Marrakech sur les migrants.
C’est facile de se défausser sur le Rassemblement National alors qu’hier Emmanuel Macron établissait des liens contestables et nauséabonds entre l’insécurité et l’immigration en région francilienne. Une émission populaire du groupe Canal + de Bolloré appelait à une justice expéditive contre une immigrée sans papiers, après le meurtre odieux d’une adolescente, nous faisant faire un grand bond en arrière, plus spécialement à l’époque de l’épuration. Lorsque des Français de bonne souche, issus de notre bon terroir, dépècent leurs victimes, leur origine n’est jamais abordée.
Que dire de toute cette classe politique qui, depuis des décennies, applaudit un dispositif révoltant : Retourne en Afrique, cher immigré en situation irrégulière, pour quelques euros, et ouvre si possible ta superette ou cultive ton champ de patates ! Le retour en Afrique a bien été institutionnalisé par la France. Même des intellectuels africains de renom ont théorisé le retour en Afrique pour les Afro-américains face au racisme systémique des États-Unis. Admettant à demi-mot la ségrégation raciale des continents !
Pourquoi cette soudaine fausse pudeur sur le sort du migrant ? Aucun État européen ne veut voir débarquer sur son sol ces Africains sauvés par les arches de Noé. Au centre de cette polémique du député du RN, se trouvait, en effet, un appel de détresse lancé par cette ONG « SOS Méditerranée », lauréate du prix Houphouët Boigny de l’UNESCO, qui se substitue aux États pour sauver des êtres-humains. Au moins, les propos du député auront eu le mérite de faire sortir du bois les hypocrites (qui, sans son intervention, auraient été indifférents au sort de ces migrants) et d’accueillir ces Africains chez nous (selon le ministre des Solidarités) ! Merci à vous monsieur le député, ces Africains vous doivent une fière chandelle.
Il y en avait un à qui on a proposé de rentrer en bateau au Sénégal, à la veille de l’élection présidentielle de 2019. Un vrai scénario à la James Bond ! Après avoir obtenu le soutien de quelques députés français et d’une certaine presse, Karim Wade devait débarquer incognito, comme un clandestin, sur une plage de Dakar grâce à un bateau de type Bombard, et rejoindre la maison familiale au Point E. Vous imaginez la scène : Karim Wade, chevelure au vent, euh plutôt casquette au vent, lunettes aux teintes noires, à l’avant du bateau, regard pointé vers l’horizon ! Là, en sécurité, dans le cocon familial, selon l’échafaudeur du plan, Karim Wade aurait fait basculer l’élection. Comme vous le savez, ce plan n’a jamais été mis à exécution, l’intéressé ayant interrompu toute communication avec son ami intermédiaire en France.
Le retour au pays natal de Karim Wade relève aussi du bal des faux-culs. A Doha, Karim Wade m’a donné une version plus officielle sur son retour en février 2019. Il prétendait que son jet privé, mis à disposition par ses amis fortunés pour parcourir librement le monde et les pays africains, était prêt à décoller, sous ses ordres. L’avion n’a jamais quitté le tarmac de l’aéroport Hamad international. Karim Wade ne voulait pas se sacrifier inutilement dès lors que l’opposition a décidé de se présenter contre Macky Sall. Difficile de quitter le confort de sa Range Rover blanche pour un petite cellule VIP de Rebeuss !
La condition sine qua non du retour de Karim Wade est bien connue de tous, la révision judiciaire. Il faut lui reconnaître le mérite de la constance. Il a toujours rejeté l’amnistie. Doudou Wade en avait fait les frais : ce dernier, à l’instar d’autres – majoritaires - au sein du PDS, plaidait en faveur d’une amnistie, accélérateur de la vie politique, tandis que la révision ne garantissait pas un procès rapide et une issue favorable.
Aujourd’hui, je suis convaincu que cette doléance révisionnelle nous en apprend beaucoup plus sur la vraie personnalité de Karim Wade. En l’état actuel du droit sénégalais, la révision de son procès est impossible. En conséquence, son retour est inenvisageable. Depuis son exil, la révision est son seul programme politique. Il fait semblant de ne pas vouloir la vengeance, mais il la rumine davantage qu’Edmond Dantès.
Karim Wade est obsédé par la révision judiaicire, il ne pense pas comme un politique, mais plutôt comme un justiciable. Il a pris le contrôle du PDS non pour décliner un programme envers le Sénégal 2024, mais pour mettre la pression sur Macky Sall. J’ai été témoin de son espoir lorsque Me Abdoualye Wade se rabibocha avec Macky Sall. Karim Wade pensait alors que le Comité des droits de l’homme de Genève serait l’aboutissement de sa quête à la révision.
Le ministre de la Justice, Ismaila Madior Fall, l’a justement souligné : la révision implique un fait nouveau. Jamais les avocats de Karim Wade n’ont fait le nécessaire pour tirer les conséquences juridiques des observations du Comité et de la condamnation du Sénégal pour non-respect du double degré de juridiction.
Karim Wade pense que tout se résout au niveau politique, entre coups de téléphone et entre émissaires. Il a oublié qu’il fallait aussi travailler à l’Assemblée nationale et déposer une proposition de loi semblable à la loi française qui, dans un procès pénal, assimile à une révision une condamnation de l’Etat français par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Peut-être serait-il inspiré de donner des consignes à ses députés en ce sens que de les menacer de se retirer de la vie politique.
D’autres s’accrochent à leur pays natal, ils veulent y rester coûte que coûte. C’est ainsi que, de plus en plus, des voix proches du président sénégalais dépoussièrent la jurisprudence de Me Abdoulaye Wade sur le troisième mandat. Là-aussi quel bal des faux- culs ! Le référendum de 2016 légitimait le troisièmemandat de Macky Sall, c’était sa seule raison d’être. Tout le monde a fermé les yeux, sous prétexte d’une phrase dans la constitution. Il faudra encore compter sur le sacrifice du peuple au moment venu.
Quant à moi, après 3 mois d’absence, je profite de mon retour à SenePlus en relisant le Cahier d’un Retour au pays natal, et la dénonciation du racisme qui, malheureusement, est loin de disparaître dans la classe politique française : « Ma négritude n'est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour ma négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'œil mort de la terre
ma négritude n'est ni une tour ni une cathédrale ».
PAPE ALÉ NIANG ARRÊTÉ
L'arrestation du journaliste serait liée à ses révélations explosives divulguées ces derniers jours sur l’actualité notamment l’affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr
Le journaliste Pape Alé Niang vient d’être arrêté par les éléments de la Sûreté Urbaine sur instruction du procureur de la République.
À en croire Seneweb, le patron du site Dakarmatin a été acheminé dans les locaux du commissariat central où il est actuellement en détention.
L’arrestation de Pape Alé Niang serait liée à ses révélations explosives divulguées ces derniers jours sur l’actualité notamment l’affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr, relève la même source.
L'ÉLAN BRISÉ DES DÉTENUS INNOCENTÉS DANS L'AFFAIRE BOFFA BAYOTTE
Emprisonnés dans l’affaire de la tuerie de Boffa Bayotte, ces habitants de Toubacouta ont finalement été acquittés après plus de quatre ans de détention. Depuis le retour à la maison, c'est l'angoisse. Car, ils ont presque tout perdu
Tourment, dénuement, dépit, sentiment de vide… le récit de leur vie est hérissé d’épines. Le sort les accable depuis 2018. Maudite année ! Arrêtés cette année-là dans l’affaire de la tuerie de Boffa Bayotte, puis envoyés en prison où ils ont séjourné pendant quatre ans et six mois pour la plupart, des habitants de Toubacouta ont finalement été acquittés le 13 juin 2022, au terme d’un procès longtemps espéré. Toutes les charges retenues contre eux ont été abandonnées. De retour dans leur village natal, une angoisse quotidienne étreint leur cœur. Car, ils ont presque tout perdu. Ces infortunées âmes survivent, aujourd’hui, grâce au soutien des habitants de ce village situé dans la commune de Nyassia. Retour à Toubacouta, dans l’antre des « acquittés du 13 » qui veulent être dédommagés par l’État du Sénégal.
Toubacouta étale ses charmes et ses « infirmités » en cette matinée du vendredi 28 octobre 2022 ! Une douce quiétude, rarement troublée, se répand. Les rayons du soleil déchirent le sol sans en faire une terre inhospitalière. Pour accéder à ce village, il faut, à partir de la route nationale menant à Mpack et en Guinée-Bissau, emprunter une piste latéritique distante de moins de cinq kilomètres. Dans ces allées lumineuses, des femmes, par petits groupes, se rendent à Mpack, village de la commune de Boutoupa Camaracounda, pour assister aux funérailles de deux garçons décédés la veille par noyade dans les carrières. À quelques encablures de là, les manguiers qui enserrent Toubacouta s’offrent au visiteur. Cette terre a, pendant longtemps, croupi ainsi dans cette douce routine jusqu’à la tragédie de Boffa Bayotte et sa nuée d’épreuves.
L’assassinat, en janvier 2018, de 14 exploitants forestiers dans les forêts de Boffa Bayotte, village situé en Basse Casamance, dans la commune de Nyassia, a sorti Toubacouta de l’anonymat. Vingt de ses fils ont, en effet, été envoyés en prison. Toubacouta, tombé dans le désarroi, s’est pratiquement vidé de ses hommes. Quatre ans plus tard, il y a eu l’ouverture de leur procès, le lundi 21 mars 2022. La Chambre criminelle a prononcé, le 13 juin dernier, jour du délibéré, l’acquittement en faveur du groupe de détenus. Abdou Karim Sagna, Adama Diémé, Tombon Arona Badji, Cheikh Omar Diédhiou, Nfally Diémé, Lansana Badji dit Assane, Alphouseyni Badji, Papya Sané dit Daguen, Jean Christophe Diatta, Ibou Sané et Abdou Sané ont recouvré la liberté. Mais ils étaient loin de voir le bout du tunnel.
Supplice moral et anéantissement
Les incertitudes subsistent malgré les joies de la liberté. Car, la réinsertion hante le sommeil de ces villageois. Le temps infini passé en prison a anéanti des années de labeur, bouleversé leur vie et compromis leur carrière professionnelle. Aide-soignant à la case de santé de Toubacouta au moment de son arrestation, Abdou Sané, trouvé à son domicile, soutient qu’il s’occupait « très bien » de toute sa famille. Cependant, les années passées en prison ont précipité sa retraite. « Nous avons passé quatre longues années en prison au terme desquelles la justice a prononcé l’acquittement. Depuis lors, on tente difficilement de redémarrer une nouvelle vie. Avant notre arrestation, je travaillais. Tout allait très bien, car je parvenais à prendre en charge ma petite famille. Mais, aujourd’hui, je n’ai rien, plus rien. Je n’ai plus de travail », se désole-t-il.
Regard lointain, Abdou Sané est père de trois enfants, dont une fille et deux garçons. Le plus âgé a sept ans. Sa fille cadette est née pendant qu’il était encore en prison. À sa sortie, renseigne-t-il, ces propres enfants avaient du mal à le reconnaître. L’un d’eux a dû quitter l’école parce qu’il n’y avait personne pour s’acquitter de sa scolarité. Abdou Sané est sorti de prison, mais il y a laissé une part de lui. « On nous a arrêtés et envoyés en prison. Un beau jour, on nous libère, disant que nous n’avons rien fait. Effectivement, nous n’avons rien fait. C’est vraiment injuste parce que, dès le début, ils savaient que nous n’étions pas coupables. Mais, il fallait à tout prix trouver des coupables. Au-delà de cette longue détention provisoire, nous avions été détenus dans des conditions extrêmement difficiles. Et depuis que nous sommes sortis de prison, nous n’avons reçu le soutien de personne, encore moins de l’État du Sénégal qui doit nous dédommager », tempête Abdou Sané.
« Je n’ai pas assisté aux obsèques de ma mère »
Aide-soignant, Abdou Sané avait entrepris de petits projets avant que sa vie ne bascule, le dimanche 21 janvier qui coïncide avec son arrestation. Il faisait du maraîchage et de l’élevage de poulets de chair. Actuellement, il ne travaille pas. « C’est le cas de tout le monde », confie-t-il. S’il parvient à joindre les deux bouts, c’est en grande partie grâce à la solidarité villageoise. À leur sortie de prison, les Toubacoutois ont décidé de leur venir en aide en leur apportant des vivres. « Le jour où je suis revenu à la maison, je n’y ai trouvé que ma femme et mes deux enfants, en plus de mon petit frère que j’ai laissé ici. Ma maman était déjà décédée. Je n’ai pas assisté à ses obsèques parce que des gens m’ont accusé d’une chose que je n’ai jamais faite. C’est trop dur. Beaucoup de nos proches sont décédés derrière nous », souligne l’ex-prisonnier de la Maison d’arrêt et de correction de Ziguinchor, du Camp Pénal et de Rebeuss, à Dakar.
Arrêté lui aussi dans cette affaire, Nfally Diémé revient de loin. Il se rappelle encore ses derniers instants passés à Toubacouta avant de prendre congé de son épouse et de ses enfants sous la pression des forces de défense et de sécurité. Une triste et éprouvante nuit du 13 mars 2018. Ce jour-là, à quatre heures du matin, alors que tous les villageois dormaient, des hommes ont fait irruption à Toubacouta pour procéder à l’arrestation des personnes accusées d’être mêlées à la tuerie de Boffa Bayotte. « Ils m’ont trouvé chez moi. Je dormais. C’est ma femme qui a entendu le bruit. Elle a pris le temps de s’assurer de leur identité. Dans un premier temps, je pensais que c’était les gens de l’autre côté (les éléments du Mfdc). À ma grande surprise, c’était des gendarmes habillés en civil. Ils avaient réussi à défoncer la porte en fer pour s’introduire dans ma maison. Ils m’ont arrêté et jeté par terre avant de me mettre les menottes. Avec le reste du groupe, ils nous ont conduits à la gendarmerie de Néma, dans la ville de Ziguinchor. Et sans chaussures », relate Nfally Diémé, la mine triste.
L’heure de la réhabilitation
Tout comme Abdou Sané, M. Diémé travaillait avant son arrestation. Il « bossait » à Ziguinchor dans une entreprise spécialisée en voirie. Les quatre ans et demi passés derrière les barreaux lui ont causé du tort : « J’ai perdu mon travail. Je suis resté quatre années sans travailler. Depuis que je suis sorti de prison, je ne suis pas retourné à mon lieu de travail parce que je sais que c’est déjà fini. Je ne travaille pas et c’est le cas des 19 personnes arrêtés dans l’affaire de Boffa. Nous n’avons rien à offrir à nos familles. Ce sont les villageois qui se cotisent pour nous aider. Tout est à refaire », regrette M. Diémé.
De la gendarmerie de Néma, ils ont été déférés et placés sous mandat de dépôt. C’est le début d’une longue période de détention. « C’était terrible. Ils refusaient que nos parents viennent nous voir. Pire, ils ne voulaient pas que nos familles nous apportent à manger. Ils savaient que nous étions innocents. Cette prison a gâché ma vie. Il appartient à l’État du Sénégal de nous réhabiliter parce qu’on nous a porté un préjudice moral et matériel », martèle Nfally Diémé.
Après avoir passé un mois à la Mac de la capitale régionale du sud, les 26 détenus ont été transférés à Dakar par un vol spécial. C’était le mercredi 21 février 2018. « Cette nuit-là, ils nous ont réveillés à cinq heures du matin. Je pensais qu’on allait être libérés. Les véhicules sont immobilisés, direction l’aéroport de Ziguinchor, sans nos bagages. À bord de cet avion, nous étions seuls avec les gendarmes. Nous étions menottés et en cagoule. Nous avons passé deux ans à Dakar. C’était compliqué pour nous. On attend d’être indemnisés », soutient-il. Loin de leurs familles, restées à Toubacouta, Abdou Sané, Nfally Diémé et leurs camarades d’infortune disent être victimes d’injustices et de traitements inhumains pendant quatre années. C’est pourquoi, disent-ils, l’heure de la réhabilitation a véritablement sonné.
Sény Sané, 73 ans, une triste fin
Âgé de 73 ans, Sény Sané, alors chef de village de Toubacouta, a été arrêté, lui aussi, suite aux malheureux évènements de Boffa Bayotte. Tout comme les autres, il a été en détention préventive avant de décéder, en 2019, au pavillon spécial de l’hôpital Aristide Le Dantec, à Dakar. Et très loin de sa famille. Plus de trois ans après le rappel à Dieu de son père, Ousmane Sané réclame justice et réparation. Sa douleur est encore vive. « Au moment de son arrestation, mon père avait 73 ans, voire plus. Il venait juste de subir une opération. Ceux-là qui l’ont arrêté le savaient parce qu’il a été admis au pavillon spécial où il est décédé. Vous imaginez un vieillard de 73 ans se rendre dans les forêts pour commanditer ce massacre. Cela fait très mal de perdre son père dans ces conditions », confie-t-il. Ancien travailleur de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra), Sény Sané ne reviendra jamais à la maison. Il a été inhumé, en 2019, au cimetière de Kantène. Pour son fils, Ousmane Sané, il faut une explication claire sur la mort de son père. Aussi, demande-t-il, à l’État d’indemniser ceux qui sont encore en vie. Boffa Bayotte continue de charpenter un récit de souffrances.
Une détention provisoire «anormalement longue»
Président de la Ligue sénégalaise des droits humains, Me Assane Dioma Ndiaye est l’un des avocats des détenus, en plus de Me Ciré Clédor Ly. Après l’acquittement de ses clients et le non-lieu prononcé en faveur d’un autre groupe de détenus avant l’ouverture du procès, ce dernier, interrogé par des journalistes, a regretté que cette « détention provisoire ait été anormalement longue ». De plus, persiste-t-il, cette longue détention est « une atteinte grave aux droits de l’homme ». Me Assane Dioma Ndiaye a précisé que tous « vont demander des dommages et intérêts prévus par la loi, estimant que les conditions pour une indemnisation sont réunies ». Une thèse confortée par son confrère, Me Ciré Clédor Ly qui, lui, estime que cette longue détention est « injuste et incompréhensible lorsqu’on dit que nous sommes dans un État de droit ».
PAULIN HOUNTONDJI, AU-DELÀ DE LA CRITIQUE DE L'ETHNOPHILOSOPHIE
Et s’il fallait passer par Husserl pour comprendre Hountondji ? C’est le pari du philosophe sénégalais Bado Ndoye dans son nouvel ouvrage qui vient de paraître intitulé « Paulin Hountondji : leçons de philosophie africaine » (Riveneuve, 2022, 181 pages)
Et s’il fallait passer par Husserl pour comprendre Hountondji ? C’est le pari du philosophe sénégalais Bado Ndoye dans son nouvel ouvrage qui vient de paraître intitulé « Paulin Hountondji : leçons de philosophie africaine » (Riveneuve, 2022, 181 pages). À rebours de ceux qui réduisent très souvent l’œuvre de Hountondji à la critique de l’ethnophilosophie, Ndoye change de perspective et nous fait découvrir une autre facette du philosophe béninois, différente de l’image du « philosophe positiviste eurocentré » que l’on s’était faite de lui.
Paulin Hountondji est l’une des figures les plus marquantes de la philosophie en Afrique. Mais il existe, si l’on peut dire, un quiproquo dans la compréhension des « deux moments » de sa pensée : sa vive critique de l’ethnophilosophie exposée dans « Sur la philosophie africaine », son ouvrage polémique publié en 1977, et les articles et ouvrages publiés par la suite à propos de la réappropriation des savoirs endogènes africains. Ainsi, même si l’on reconnaît au philosophe béninois (il est né en 1942 à Abidjan) d’avoir fixé pour l’essentiel les termes du débat philosophique africain tel qu’il s’est constitué dès le début des années 1970, il reste qu’il semble avoir renié sur le tard les thèses qui lui avaient valu d’avoir été présenté comme le philosophe africain le plus célèbre de ces cinquante dernières années. Pourtant, nous dit le philosophe sénégalais Bado Ndoye, il n’y a chez Paulin Hountondji « ni reniement ni revirement, mais poursuite d’une même problématique dont les déplacements, rectifications et reprises critiques ont jalonné un même parcours philosophique ». Dans son nouvel ouvrage qui vient de paraître intitulé « Paulin Hountondji : leçons de philosophie africaine » (Riveneuve, 2022, 181 pages), Ndoye met en lumière la logique unissant les « deux moments » de la pensée de Hountondji. En effet, souligne-t-il, l’ethnophilosophie n’est pas le dernier mot de la philosophie de Hountondji et que la critique de l’ethnophilosophie n’a pas pour but de frapper d’anathème pour la bannir la notion de « philosophie africaine ».
Détour par la phénoménologie d’Edmund Husserl
Dès le milieu des années 1970, écrit Bado Ndoye, il a initié une réflexion qui le conduira dans ses écrits tardifs à ce que devait être une approche philosophique des cultures africaines. Mais pour comprendre pleinement le parcours qui avait fait de lui le philosophe de la critique de l’ethnophilosophie, il faut effectuer un détour par la phénoménologie d’Edmund Husserl. C’est du moins le pari que fait Bado Ndoye. Une telle invitation, écrit Souleymane Bachir Diagne, qui a préfacé cet ouvrage, ne pouvait trouver meilleure adresse que celle du philosophe sénégalais (Bado Ndoye), qui, pour avoir lui-même consacré une thèse et des articles remarquées à la phénoménologie husserlienne, « est particulièrement bien placé pour faire voir ici tout le bénéfice théorique qu’il y a à penser avec Husserl les problèmes philosophiques en Afrique ».
À ceux qui trouveraient paradoxal d’inviter parmi les penseurs du continent un philosophe (Husserl) qui a déclaré que la philosophie ne peut appartenir en propre qu’à l’Europe, mettant à part une « humanité européenne » sur laquelle les autres feraient bien, autant qu’elles le peuvent de se modeler, Bado Ndoye maintient, avec Hountondji, qu’il existe dans la phénoménologie de Hussserl une « leçon de philosophie africaine ».
Pour cela, l’auteur distingue un premier Husserl, idéaliste et donc insensible à la réalité empirique des cultures, et un second Husserl plus soucieux de l’hétérogénéité de fait des cultures historiques. C’est plutôt ce dernier qui l’intéresse dans cet ouvrage.
Continuité
Si Paulin Hountondji a été critiqué, ses détracteurs l’accusant d’avoir de la philosophie une conception eurocentrée et élitiste, c’est parce qu’il passe d’ordinaire pour un marxiste althussérien ; et donc convaincu qu’il n’y a de philosophie qu’articulée au développement des sciences. Sans invalider cette approche althussérienne, Bado Ndoye propose une autre lecture qui éclaire sous un jour nouveau l’œuvre de Hountondji et la question des tâches de la philosophie aujourd’hui en Afrique. La critique de Tempels par Hountondji, souligne Bado Ndoye, est allé de pair avec la démarche qu’il a mise en œuvre d’élucidation du statut théorique des savoirs endogènes. « Il faudrait donc savoir tenir les deux bouts de la chaîne et lire d’un seul souffle la critique de l’ethnophilosophie et celui de l’exigence de reconstruction des savoirs dits traditionnels comme procédant d’une seule et même intention », invite l’auteur. Plus loin, il écrit : « (…) de la même manière qu’il y a eu principalement deux moments dans la phénoménologie husserlienne, l’on peut voir chez Hountondji un déplacement similaire qui fait advenir deux périodes dans le développement de sa philosophie » (page 70). Hountondji lui-même revient, dans la préface de son ouvrage autobiographique, « Combat pour le sens » (Les Éditions du Flamboyant, 1997), sur cette cohérence interne, cette « continuité » dans son œuvre. Ainsi, nous dit Bado Ndoye, l’idée de philosophie qui oriente la critique de l’ethnophilosophie ne peut être pleinement comprise que si elle est articulée à la problématique du sujet qui s’élabore d’abord chez le Husserl des « Recherches logiques » et « Ideen, I », et ensuite dans la « Krisis ».
De même, il voit une similitude entre la volonté de Hountondji de penser l’instauration d’une tradition de pensée scientifique en Afrique à partir des savoirs endogènes et celle du dernier Husserl cherchant à articuler l’univers des idéalités logico-mathématiques à la substructure du monde de la vie et à réinstaurer par cette voie inattendue l’idéal de la rationalité scientifique.
Vue sous cette angle, la critique de l’ethnophilosophie est « une manière de sauver les droits du sujet philosophant ». Ce qui suppose que l’on commence d’abord par « faire un sort à l’interprétation convenue d’un Hountondji altussérien » et ainsi « rompre avec la thèse trop longtemps brandie d’un Hountondji marxiste-althussérien et positiviste eurocentré », indique Bado Ndoye.
Arrière-plan idéologique
À travers la critique de l’ethnophilosophie, notamment la thèse du « sujet collectif », Hountondji met à nu l’arrière-plan idéologique qui supporte le livre du Révérend Père Placide Tempels, « La philosophie bantoue » (1947). En effet, fait-il remarquer, l’ouvrage, de Tempels « appartient de part en part à l’histoire de la philosophie occidentale, et qu’il prend part dans un débat intra-européen où l’Afrique n’est présente qu’à titre d’objet ». Or, pour Hountondji le philosophe africain ne saurait être un « ventriloque » qui reproduit les représentations erronées et les préjugés fallacieux que les autres élaborent sur lui. Autrement dit, « si la philosophie doit être conforme à son essence de discours critique sur soi-même et sur le monde, son inspiration ne devrait pas provenir de ce que les autres pensent ou disent des Africains, mais de l’initiative de ces derniers » (p. 85).
Pour ceux qui pensent que la critique de l’ethnophilosophie condamne les penseurs africains à « mourir dans la sociologie ou s’en détourner dans un mépris souverain », Bado Ndoye soutient avec force qu’il existe en réalité, dans la pensée de Hountondji, une « voie médiane ». Celle qui consiste « à penser les dépendances de l’esprit dans une perspective qui sauve à la fois les droits de la philosophie et ceux des sciences humaines et sociales ».
« Ré-instituer le sens de l’universel »
Une fois la critique de l’ethnophilosophie faite, il reste à s’atteler à l’examen sans concessions des superstructures culturelles dans lesquelles baignent les mentalités africaines, de sorte à mettre en lumière la façon dont les pratiques discursives y sont engendrées. Ce qui pose la problématique de l’oralité et la réhabilitation des langues africaines. À ce propos, contre le philosophe rwandais Alexis Kagamé, qui s’est fourvoyé dans la recherche d’une spécificité africaine et d’une « philosophie (bantoue) sans philosophes », Hountondji se tourne vers le ghanéen Kwasi Wiredu, philosophe de la traduction, pour mettre en lumière les véritables enjeux de la question philosophique des langues.
Pour conclure, l’enjeu ultime de penser Hountondji avec Husserl, comme le fait Bado Ndoye dans cet ouvrage, c’est de « ré-instituer pour nous, aujourd’hui, le sens de l’universel ». On l’aura compris, en faisant « dialoguer » un Hountondji soucieux de « démarginaliser » les savoirs endogènes avec un auteur (Husserl) resté « désespérément eurocentré » et qui, en cela, perpétue une tradition d’ostracisme, voire parfois de racisme que l’on retrouve chez de nombreux grands penseurs européens, Ndoye invite au fond à « désenclaver l’idée d’humanité » et l’humanité elle-même.