EXCLUSIF SENEPLUS - L’on pense que c’est naturel de suggérer une succession dynastique, en spéculant sur les talents des fils du despote sanguinaire. Nous sommes des territoires néocolonisés et sous occupation militaire (2/4)
Au Tchad, suite à l’assassinat du président Idris Deby Itno au pouvoir de décembre 1990 à avril 2021, son fils Mahamat Deby prend la tête d’un groupe d’officiers : le Conseil Militaire de Transition (CMT), et installe un régime dit de transition dont l’un des objectifs principaux est de préparer le retour à l’ordre constitutionnel au terme d’une période de 18 mois. Un ministère de la Réconciliation nationale a été chargé d’organiser un dialogue national Inclusif DNI, dans le but de faciliter la mise en place d’institutions et mécanismes devant permettre d’organiser des élections libres et transparentes. Ce dialogue, précédé d’un pré-dialogue de groupes de politico-militaires, qui s’est tenu pendant plus de 4 mois à Doha sous l’égide du Qatar et de la France a abouti à un accord entre une partie des belligérants habituels et le gouvernement issu du coup d’état d’avril 2021. Cet accord salué par l’Organisation des Nations Unies, exclut cependant le principal mouvement armé. Ledit dialogue national inclusif (DNI) se tiendra à Ndjaména à partir du 20 Aout 2022.
En marge et pour participer à la réflexion qui se mène dans son pays natal, l’écrivain tchadien Koulsy Lamko publie aux Editions Casa Hankili África, Mexico, un livre d’entretiens dont le titre sibyllin et iconoclaste présage du tumulte ambiant autour d’une rencontre dont il pense qu’elle est pour une énième fois, une ré-initiation avortée tant les dés sont pipés quant à l’issue probable : le risque de la légitimation d’une succession dynastique qui mettra le pays à feu et à sang.
SenePlus lui ouvre ses colonnes permettant que soient partagés de larges extraits de « Mon pays de merde » que j’adore avant la parution de l’essai-conversations à la rentrée d’octobre 2022.
Dans cette deuxième partie, Koulsy Lamko éventre le mythe d'un État-nation usuurpé dès la période post-indépendance, un pays marqué par une succession de régimes militaires fondés sur des rapines diverses.
AR : Une continuité dans le temps sans conteste, dirions-nous ! Mais revenons à notre déroulé…Celui des « pères de la nation en gésine »
KL : Mieux que Goukouni qui n’en a pas eu le temps suffisant, ni probablement l’intention, Idriss Deby a excellé dans l’exercice et poussé le curseur à fond, cumulant toutes les turpitudes de tous ses prédécesseurs, s’enrichissant de toutes les facettes de leur atavisme politique (autoritarisme, clanisme perfectionniste, cynisme, corruption, clientélisme, hypocrisie fine, traîtrise) pour finir immensément riche et mordu par le culte de la personnalité. Il est arrivé à la tête de l’État par les armes, il a régné par les armes et en a été délogé par les armes. Même si on le savait déjà très malade. Entretemps, il a réalisé le rêve suprême du métier des armes : culminer au panthéon des maréchaux avant de tomber sous une balle au front pendant les combats (dixit le roman national) !
ARS : La problématique de l’économie de guerre est donc intimement liée à celle de la conception des frontières. Soit. Cependant, sous Deby, des partis politiques ont revu le jour après la mise en coupe réglée du régime de Tombalbaye…
KL : Habileté politique… plutôt fine stratégie ! Avait-il le choix au début? La Conférence Nationale Souveraine l’y contraignait. Tout comme les subsides qu’il fallait attendre de la fameuse aide au développement qui en réalité n’est qu’un petit bout visible de la dette systémique dans laquelle nous enrôlent les institutions de Bretton Woods et autres « bailleurs ». Mais il a aussi joué et sournoisement la carte sécuritaire du pouvoir civil avec l’organisation d’un multipartisme de façade, d’une opposition probable, d’une conférence nationale souveraine, d’une assemblée nationale majoritairement sous sa botte, d’une constitution. Et pour couronner le tout, des simulacres d’élections. Tout pour créer un cadre propice à la capture clanique collective et systémique des biens de l’État. Chemin faisant, il a eu le temps de faire oublier ses crimes indicibles sous Habré dont il s’est payé le luxe de la condamnation (il a eu la roublardise cynique de faire mettre en taule un vieillard trahi). Belle prouesse pour ainsi occulter l’élimination systématique de ceux des opposants qui lui faisaient de l’ombre tels que Ibni Oumar Mahamat Saleh et faire oublier les massacres du septembre noir dont il semble avoir été l’un des artisans zélés ! Une dualité digne du personnage bifrons, une espèce de Janus des mythes sahéliens ! Affublé tantôt du treillis de soldat, tantôt de la djellaba, tantôt de la casquette militaire du guerrier, tantôt du chechia-bonnet de l’homme de paix, une ambiguïté à l’épreuve de toute cohérence et qui plutôt a consacré la figure du chef guerrier protecteur nécessaire dans un pays voué à l’insécurité permanente provoquée !
ARS : Et la parenthèse du régime de Malloum…
KL : … Ce régime de Malloum que je n’ose même pas évoquer ici du fait de sa vacuité de non-événement puisqu’il n’y avait aucune proposition claire et signifiante. Par son manque de vision prospective et de réactivité, Malloum a consacré sans grand discernement la victoire du Frolinat (appuyé par la France, les USA, la Libye, le Soudan) et précipité le pays dans le gouffre des incertitudes de régimes d’exception. Ce n’était pas de bonne inspiration que de confier à un homme brisé par la prison, la gestion d’un pays divisé. Et qui de surcroit était accusé d’avoir commis bien des actes répressifs sur les populations en guerre qu’il tentait plus tard de racoler et d’agréger à son régime militaire, par une charte fondamentale défaitiste et imposée. Il aurait beau avoir des velléités de réconciliation, pouvait être sincère ou non, l’interprétation que ses protagonistes faisaient de sa posture illisible et surtout sa politique d’une main tendue qui tantôt agite la baston, tantôt la carotte, ne pouvait être que celle de la défiance. Les faiseurs de rois, tels que Kamougué et autres officiers de l’époque en sous-main se déployaient dans une contradiction oppositive à peine voilée, contre son tandem avec Habré et la politique de réconciliation qu’il prônait. Pris en otage et en tenaille entre l’intransigeance d’Hissène Habré et sa charte fondamentale, les velléités de revanche de l’administration militaire française dont il avait permis le retrait des troupes, les manœuvres de coercition de la hiérarchie de son armée qui déjà logeait des taupes, il a juste favorisé l’éclatement du pays en une multitude de territoires occupés par une dizaine de tendances politico-militaires.
ARS : Pour en revenir à la question des partis politiques, en réalité, les libertés du peuple tchadien ont été confisquées très tôt, juste quelques années après les indépendances avec l’imposition et la promotion du parti unique et des cars gentils de Tombalbaye, n’est-ce pas ?
KL : Tous les régimes qui se sont succédé ont régné par le musèlement des masses populaires ou par la fabrique de leur consentement sur des bases irrationnelles confessionnelles et subjectives, démagogiques et ethniques. La peur suscitée par les polices politiques et brigades d’intervention militaire a maintenu une grande partie du peuple dans un mutisme chronique et favorisé une carence de culture et conscience politiques qu’aurait pu faire naitre une tradition du débat contradictoire. Ce qui d’ailleurs a permis de conserver les réflexes grégaires tribalistes que les différents responsables savent finement instrumentaliser quand cela leur est nécessaire.
Il ne faut cependant pas minimiser, dans le cadre civil, les longues luttes courageuses et harassantes des syndicats pour leurs intérêts corporatifs. Mais cela ne concerne qu’une infime partie d’une population à dominante rurale où les revendications potentielles des agriculteurs et éleveurs jamais n’auraient été prises en compte. L’apparente ouverture dit démocratique du régime d’Idriss Deby avec la pléthore de partis politiques aux ordres et la presse semi libre, n’est que l’application de l’autre principe de la dictature : “cause, aboie toujours, la caravane passe”. Ce qui n’a pas empêché, non plus la judiciarisation des rapports citoyens-État, puisqu’une parole libre et critique s’interprète aisément comme délit de calomnie et de diffamation. De nombreux journalistes ont connu l’autocensure, les cellules nauséabondes de prison et payé de leur santé et de lourdes amendes financières. L’autocensure se pratique amplement tout autant au sein des partis politiques d’opposition, certains parfois étant des obligés du régime qui leur cède des prébendes, d’autres se mouvant timidement sous séquestres. Le dogme devient nécessaire pour sacraliser les mots démocratie ou État de droit et créer des sanctuaires où toute critique objective du système est perçue comme un affront au tenant du pouvoir et ses affidés. On vous fait avaler la grosse pilule dorée, bien amère à l’intérieur de l’emballage et vous vous croyez en démocratie parce que vous avez un récépissé pour organiser un parti politique fantomatique sans programme parfois, vous égosiller pendant les campagnes d’élections, distribuer t-shirts et casquettes à votre effigie, avoir pour amuser la galerie quelques députés dans une Assemblée dont vous savez en toute âme et conscience que les propositions structurantes ne franchiront pas le seuil du palais si vous vous opposez à celles, clientélistes de la majorité présidentielle issue du parti-État.
ARS : C’est bien-là un tableau dont les traits de peinture sont un peu forcés, vous ne croyez-pas ?
KL : Cette sanctuarisation s’étend jusqu’au fait que l’on croit que le trésor public, les fonctionnaires de l’État devenus biens meubles, les biens publics, appartiennent au chef de l’État qui devra en disposer selon ses désidératas, ses décrets, ses humeurs primesautières : l’arithmétique des équilibres entre les clans et sous clans. L’on pense que c’est naturel de suggérer une succession dynastique, en spéculant sur les talents des fils du despote sanguinaire comme s’ils devaient être des successeurs naturels ou en lorgnant vers des opposants que l’on devrait préparer à une succession complice subalterne ! Ou d’alternance régionale ou ethnique à la tête de l’État… Absurde ! Comme si la Constitution n’ouvrait pas sur la dynamique électorale qui, seule, légitimerait celui des candidats qui sortirait vainqueur des urnes… lors d’une élection transparente, non sujette à de fraudes et manipulations. Et, l’on se prétend en République et l’on se gargarise d’être dans un État de droit !
ARS : Je pense à ce que vous disiez de la prémonition de Bichara Idriss Haggar… lorsqu’il écrit, il y a vingt ans, s’agissant des mascarades d’élections et de la présidence à vie de Deby, que même dans cette hypothèse de la disparition de Deby, « rien ne garantit pas qu’une fois disparu, un fils ou un autre membre de sa famille au nom du sang versé ne réclamera pas la succession assurant ainsi la continuité de l’État-razzia. Et si les tchadiens sont forcés d’attendre cela, dans quel état sera alors le pays ? »
KL : L’analyse lucide de Bichara Idriss Haggar est nourrie à l’expérience des armes, de la gestion du pouvoir et de la prison. Elle ne pouvait qu’être rigoureuse et logique, un tantinet prémonitoire. Tout de l’art du devin : il connait bien son monde. La prétention actuelle des fils de Deby et des membres de sa famille ou clan à vouloir conserver le pouvoir d’État et réaliser une succession dynastique laisse pantois !
ARS : Pourquoi donc ? Ce sont des citoyens de droit…
KL : Vous souscririez à une succession dynastique ?
ARS : Qu’avez-vous donc contre la succession dynastique ?
KL : C’est juste une question de principe. C’est désarmant qu’au Tchad, la logique du pouvoir échappe toujours à toute rationalité. Ce jeune homme n’avait pas vocation à diriger un pays aussi torturé dans ses limbes que celui-ci. Il s’est formé au métier des armes, a souvent déserté les cours et souvent pratiqué l’école buissonnière pour ce qu’en disent ses enseignants du secondaire. Cela dans le but d’affronter le terrain et de se spécialiser : c’est cela sa vocation, sa passion qu’il a assouvi d’ailleurs de façon fulgurante en devenant général d’armée à la trentaine. L’on nous a seriné qu’il avait pris le pouvoir contre son gré, faute de mieux et par défaut, puisque le dauphin constitutionnel était défaillant. Maintenant qu’on lui demande d’organiser les élections pour céder le trône à l’un ou l’autre de ceux qui se serait préparé pour cet office exigeant, il ne devrait pas y avoir de réticence.
ARS : Mais… l’appétit parfois vient en mangeant, et « le pouvoir, c’est dieu qui donne ! »
KL : Lequel de tous ces dieux qui nous entourent ? Celui des patates, des courges, des pis de chamelle, de l’argent ? des puissants et riches ? des miséreux couchés sous le pont et qui boivent leur urine ?
ARS : Du calme ! N’en devenez pas irrévérencieux !
KL : À la limite, ce qui me préoccupe, ce n’est pas tant, le qui a le pouvoir d’État, d’où il vient, s’il est un magnifique et sympathique ignorant ou un culte ténébreux. Ce que le peuple exige, c’est de ne plus être floué sur la marchandise et que ce qu’on lui vend ne soit pas un autre mythe, le mythe sénégalais du lézard vendu au touriste sous la dénomination et l’emballage « crocodile du Nil ». Si l’on nous dit que l’on est en République, cela signifie que ça ne devrait pas s’apparenter à une copie dégénérée singeant grossièrement les monarchies arabes du golfe. Ce jeune homme a-t-il seulement une vision pour le peuple, un programme politique, des prolégomènes programmatiques ? Comprend-il seulement la complexité du monde actuel mouvant et fait de tant de soubresauts et de vertiges, un monde difficile à dévisager même pour ceux qui se sont longuement préparé à l’animation du pouvoir d’État ? Quant aux autres, alentours qui croient que le nom de papaDeby devra nécessairement leur ouvrir les arcanes du pouvoir d’État, qu’ils rapatrient d’abord et rendent au trésor public, les sommes colossales qu’ils-elles ont amassées, eux-mêmes, leur père, leurs oncles, leurs cousins, leurs femmes et époux. On pourra en faire naitre et éclore des dizaines de maternités, de centaines de puits pour le bétail, fermes agricoles et universités.
ARN : Je crains fort que vos imprécations ne soient que vœux pieux. On sait acheter l’impunité dans votre « pays de merde » que vous adorez. Colima de Pedro Paramo de Juan Rulfo !
KL : Ailleurs, les gens se lèvent pour revendiquer que leur soit redistribuée la plus-value que produit leur travail. Au Tchad le fonctionnaire, l’agriculteur, l’éleveur en est à se demander ce que signifie son travail et s’il a le droit de jouir ne serait-ce que de sa valeur.
ARS : Nous tournons en rond. La réflexion de Gérard-François Dumont me semble perspicace quand on se penche sur la problématique de l’instabilité permanente dans un pays aussi grand que le Tchad et qui n’a pas réussi à tisser un embryon de nation. L’analyste, professeur à la Sorbonne dont il fut Recteur, pose comme apriori observable le carré des diversités du Tchad dont il énumère les composantes : diversité des religions, multiplicité des ethnies, diversité linguistique, diversité économiqu , et en tire une conclusion qu’il faudra scruter de près au lieu de balayer du revers de la main à coup d’arguments anticoloniaux : « La résolution de cette quadrature pour le bien commun supposait surmonter les tensions et les obstacles en résultant. Or, l’histoire du Tchad, depuis l’indépendance, est celle d’un État qui ne parvient pas à se construire, ne réussissant pas à mettre en place des institutions pérennes capables de réguler les rapports de force. Il convient de préciser que cette instabilité quasi permanente du Tchad depuis son indépendance ne peut se réduire à l’héritage de la colonisation car les profonds antagonismes présents sur les territoires correspondant aujourd’hui à l’État tchadien existaient bien avant la période coloniale. »
KL : C’est en d’autres mots, le concentré de nos rengaines depuis le début de ces conversations. Pour lui, il faudra rechercher les causes de cette instabilité permanente de ces rapports de force, et qui s’expliquent par la géopolitique passée et présente des populations. Vous me direz que c’est le cas de bien de pays en Afrique. J’en suis tout à fait conscient. La différence c’est que les autres territoires faits de nations agglomérées qui se sont parfois combattues par la passé, ont essayé par l’éducation, par les liens de solidarité cultivée, le respect des autres, la justice, la redistribution des biens communs, le sentiment de la nécessaire interdépendance, ont essayé de créer un embryon de nation. Au Tchad, les mythes de la domination historique esclavagiste, l’instrumentalisation du leadership politique par les puissances colonisatrices, la corruption et la violence systémique qui l’accompagne, comme un acide sulfurique, ont mastiqué et détruit tous les repères de sociabilité.
ARS : Et si nous revenions à votre titre douteux parce que sibyllin…. Essayons de rechercher un peu plus d’objectivité…
KL : L’objectivité ! C’est parce que l’on joue à l’autruche en créant des dissonances dans la perception des réalités pourtant aisément observables que l’on finit dans la confusion. Souvent l’on créé des faux mythes auxquels l’on s’accroche comme des tiques aux testicules du bœuf.
ARS : Ce mythe de l’État-nation ?
KL : Que voulez-vous que je dise qui ne soit aussi vrai que cela ? Les communautés qui vivent actuellement sur le territoire que l’on a convenu d’appeler Tchad, n’étaient pas nécessairement destinées à se rassembler dans le cadre d’un État-nation viable[1]. Toute la partie méridionale du territoire actuel avait été pendant longtemps constituante de l’Oubangui Chari, et que le colonisateur a rattachée-greffée au reste sahélien-saharien pour des besoins de main d’œuvre et autres inavoués. Un conglomérat d’entités sociologiques diverses, un archipel de valeurs et de volontés différentes, parfois d’intérêts bien divergents.
ARS : Oui, mais la volonté de se rassembler sous une bannière commune s’est concrétisée aux indépendances, fruit d’une longue lutte. L’on ne peut quand même pas se permettre d’ignorer l’enthousiasme collectif généré par ces retrouvailles d’Africains, du continent et de la diaspora, de négro-africains, de berbères et d’arabes, etc. L’exaltation des valeurs panafricaines était à son apogée. Les puissances naissantes se sont lancées dans la construction de nouveaux États-nations dont les principaux objectifs étaient de construire un peuple à partir de la mosaïque de communautés diverses et différentes, développer le nouvel état, avec une vision, en lui donnant un gouvernement, des lois, une structure économique, une infrastructure de transport, des services sociaux et culturels, et ainsi de suite… des états indépendants et souverains… Le Tchad en est un…
KL : De quelle indépendance et souverainetés parlons-nous ? De quelles luttes, qui n’aient été fratricides dès le début des mouvements politiques d’émancipation des peuples précoloniaux devenus sujets français qui vivaient sur ce territoire ? Quand on évoque le destin de nos pays, il est plus juste de poser clairement l’équation indépendance = souveraineté territoriale, militaire, monétaire, alimentaire = autonomie de la pensée et de décision. Dès lors que ces termes ne sont pas envisagés dans une saine relation d’équivalence, nous nous fourvoyons dans l’analyse. Pour le moment, nous continuons de nous battre contre l’hydre de l’Empire et du nouvel ordre mondial qui fait feu de tout bois, envahit le continent avec, la déferlante que sont toutes ces armées, ces bases militaires, ces dispositifs sécuritaires spéciaux, ces mercenaires qui encerclent le continent comme aux temps des comptoirs de la maafa et du yovoda, qu’ils soient français, américains, chinois, japonais, russes ou autres. Les faits sans cesse nous rappellent que nous sommes des territoires néocolonisés et sous occupation militaire. Juste un immense champ de bataille, un espace sécuritaire pour les autres et où se déroule une compétition géostratégique et économique féroce d’anciennes et nouvelles puissances. Nous ne sommes qu’aux initiales de l’ère de la décolonisation véritable.
Et puis comme nous venons de l’évoquer, l’on ne peut parler du Tchad sans une incursion véritable au sein des sociétés africaines précoloniales régies par la structure fractale et que l’on a convenu d’appeler sociétés segmentaires ou « anarchistes » d’une part, et celles regroupées pendant un moment donné de l’histoire, au sein d’États fédéraux multinationaux multiculturels, d’autre part. Et quand je parle de sociétés africaines précoloniales, j’y inclus les sociétés préislamiques qui n’étaient pas nécessairement esclavagistes. Mbog Bassong, parfois nostalgique, évoque ces sociétés africaines précoloniales en ces mots : « Ce tissé africain, senti, vécu, puis pensé, a été formalisé comme un logos de toute action. Puis, sont intervenus l’islam arabe, le christianisme occidental, l’Etat-nation et le capitalisme, tous contraires à la vocation historique des Nations africaines. Depuis leur irruption dans le champ des savoirs endogènes, la grande sagesse a été reléguée au second plan. » [2]
ARS : Ne vous éloignez pas de la question. Notre deal initial c’était de tout recentrer sur votre « pays de merde » que vous adorez. Parlons du Tchad c’est-à-dire…
KL : Le territoire[3] ou l’État-nation ? Le Tchad de Wikipédia avec son vaste million de kilomètres carrés, ses déserts à perte de vue, ses pics montagneux de l’Emi Koussi, ses anticyclones vides ou chargés de pluies selon les caprices des nuages, ses rivières poissonneux, fleuves et ouadi, lacs asséchés, ses parcs et sa faune interlope ? Le Tchad des Empires et royaumes qui se sont étendus sur une partie de ce territoire actuel pendant des siècles, depuis la fin du premier millénaire, tentant de contrôler le commerce transsaharien ? Le Tchad des razzias d’esclavagistes impénitents dont Rabah n’est qu’un prototype répertorié ? Le Tchad des conquêtes et de l’occupation française avec ses missions-courses folles éperdues et sauvagement meurtrières de Voulet-Chanoine, Joalland-Moynier, Emile-Gentil et Fourreau-Lamy, son AEF, son Gouverneur Félix Eboué ?...
Le Tchad des forçats concasseurs de pierres jetés dans les affres des travaux forcés du chemin de fer Congo-Océan ? Le pays du Régiment de Marche du Tchad qui était constitué, entre autres, de braves jeunes gens arrachés à leurs familles et à leurs champs et embarqués dans une guerre qui n’était pas la leur. Le Tchad des batailles électorales violentes entre les partis et les leaders de partis à la veille et au lendemain des premières élections ? Le Tchad de la Communauté française qui sous la Loi Gaston Deferre souhaitait par la voix de Lisette Gabriel se construire à l’identique de la Métropolie ? Le Tchad, celui-là qui a signé les accords BlackBerry qui l’obligent à rembourser á la Métropolie, ad vitam aeternam la dette d’avoir été colonisé ; les accords qui l’obligent à accepter la langue française imposée comme langue nationale, à donner la priorité des marchés aux entreprises françaises et à la puissance colonisatrice, le monopole d’exploitation de ses minerais, à accepter la vassalisation militaire permanente ? Ce Tchad-là qui naissait dans l’obscurité en 1960 pendant que Tombalbaye lisait la déclaration d’indépendance dans le noir, puis à la lampe-torche d’André Malraux, devant une foule d’habitants médusés ? L’acte fondateur fut marqué par le sceau de l’échec, une espèce d’inachevé dans le déroulement de la cérémonie du discours primordial à cause de la panne d’électricité … Prémonition ?
Le Tchad des répressions coloniales dans le BET, le Ouaddaï, celui des interventions militaires français de bérets tantôt verts, tantôt rouges, tantôt bleus, des vols tonitruants des avions jaguars et mirages ? Le Tchad des chars libyens de Kadhafi envahissant le territoire avec la bénédiction de l’armée française, celui des pétrodollars de l’islamisme qatari ou saoudien qui s’évertue à inonder les moindres hameaux de mosquées même quand les paysans réfractaires n’en veulent pas? Le Tchad d’une économie sans direction, exsangue, sous perfusion soutenue par des officines douteuses et de contrôle mondialiste ? Le Tchad étranglé par le Franc CFA et qui pour organiser ses simulacres d’élections a toujours eu besoin du parrainage et des prêts de l’Agence Française pour le Développement et de l’Union Européenne, des ONG caritatives? Le Tchad des bandes armées du Frolinat et autres fronts militaires composites en déferlantes saisonnières ? Celui des toro boro et fonctionnaires véreux rackettant les dene mousso de Chagoua, molestant les paysans d’Oum Hadjer, de Mangalmé, de Daporpoti, de Fianga, l’éleveur du Lac ? Ce Tchad de présidents de partis politiques qui parfois oublient même le nom de leur institution, ces bandes d’affamés volontaires s’agenouillant devant bébé Deby illégitime pour lui quémander de l’essence à verser au réservoir de leur motocyclette ou du sel pour leur gombo ? Ce Tchad d’une pléthore de députés prétendus représentants du peuple, qui en rien ne portent dans l’hémicycle les doléances de ceux dont ils sont censés restituer les voix , députés qui peuvent jouir des législatures gluantes, tant le pays argue n’avoir pas « les moyens » d’organiser les élections législatives quand pourtant il en a pour leur payer des salaires faramineux à passer les sessions à jacter dans un français qu’une minorité feint ne pas comprendre et qui se traduirait dans un arabe classique que l’autre partie de l’assemblée ne comprend pas non plus? Ce Tchad-là où des peuples entiers, de millions d’agriculteurs, d’éleveurs, de pécheurs, de femmes, d’hommes, de jeunes, d’enfants, de vieillards doivent s’aplatir de façon larvaire sous les bottes de bandes de prédateurs de tout acabit qui tissent la dominance par une série de réseaux de violence physique ou symbolique qui englobent tout, prennent le territoire dans une espèce de toile d’araignée carnivore? Ce Tchad-là d’une histoire figée déjà inscrite par ses prémisses dans un scénario turbulent d’incertitudes prévisibles ? Ce Tchad-là, clone monstrueux de l’État africain néocolonial ?
ARS : C’est peut-être ce Tchad-là votre « pays de merde » que vous adorez ?
KL : Non ! J’aurais voulu parler d’un autre Tchad : celui de l’horizon…
ARS : Je vous suis patiemment dans votre désir de lyrisme et, comme convenu entre nous pour ces conversations-ci, je ne vous pose aucune limite, même pas celle du délire. Mais si nous nous penchions un peu sur l’idée d’État-nation failli que vous avez promis de développer
KL : Bridons donc le trop plein de colère ! Le mythe de l’État-nation en Afrique ! Revenons-y. Et surtout permettez-moi de laisser parrainer notre conversation par ces mots de Mbog Bassong lorsqu’il dit avec beaucoup de gravité : « Nos leaders politiques actuels n’ont pas compris que le modèle de l’État-nation, le christianisme et l’islam ont un seul et même projet : assurer la domination du monde nordique avec l'aide de l'élite locale aliénée. Pendant que l’État-nation structure profondément la pauvreté, promeut les injustices sociales et assure toujours davantage la protection, puis la reproduction de la classe politique dominante en relation étroite avec les grandes sectes d’obédience étrangère, les religions de la « foi » se préoccupent de récupérer les dominés, pauvres, démunis et faibles d’esprit éjectés du système politique dominant. Là, elles s’enrichissent au nom de la « foi » et ponctionnent au nom de l’ignorance de la plus grande masse là où, très précisément, nos traditions religieuses avaient obligation de partager pour le bonheur de tous, de commun accord avec la logique initiatique du pouvoir politique africain. »
ARS : Pourquoi donc utilisez-vous l’expression « gobeurs de miettes ?»
KL : O pays sans mythe
O pays, mon peuple, beau peuple
Pays sans mythe, pays sans limite
Dis-moi,-toi qui sais,
De quelle histoire commune
Pourrions-nous tirer orgueil ?
A quel mythe des origines
Nous abreuvons-nous ensemble ?
Où est-ce donc l’ombre d’arbre ou de dunes
Qui nous rassemble ?
Rien ! Le vide blanc ! Rien !
Sauf !
La vacuité de nos viols et violences
Le désir de survie,
Le désir d’idéal ?
Vous savez, c’est triste à dire mais… Je vous rappelle que le Tchad est né d’un territoire délimité par défaut en plein centre-nord de l’Afrique par la Conférence de Berlin entre 1884 et 1885 et qui peu à peu s’est constitué à l’intérieur d’un tracé progressif arbitraire au gré des desideratas et conflits territoriaux entre les colonisateurs européens du 19e-20e siècle. Pour rigoler, bien de politistes l’appelle d’ailleurs « le cœur mort de l’Afrique ». Le patchwork comme le précise Ndjékéry Nétonon, s’est étalé sur des territoires d’anciens royaumes et Empires saharo-sahéliens en ruine, associés à des territoires de communautés acéphales, autarciques à dynamique segmentaire. Les premiers ayant été colonisés par l’islam arabo berbère et yéménite pendant des siècles et les seconds sous le vernis récent de la colonisation française et chrétienne continuent confusément leur culte des ancêtres. Jusqu’aujourd’hui, aucun mythe fondateur qui nous réunisse ! Quand les uns clament que la colonisation française les a libérés de razzias esclavagistes, les autres portent en triomphe l’esclavagiste Rabah qu’ils considèrent comme héros civilisateur. Nous ne sommes que des gobeurs de miettes qui nous entretuons depuis une centaine d’années pour accomplir le dessein de l’Empire français et autres coalisés, le jeu des philosophies morales et moult autres balivernes confessionnelles prosélytes et intolérants… Tandis que nos fossoyeurs se lèchent les babines, repus de notre sang !
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[1] L’histoire récente du Tchad est en effet profondément marquée par cette opposition entre le Nord et le Sud, opposition qui ne procède pas seulement d’une division climatique et écologique (le Nord désertique et le Sud “utile”), religieuse et culturelle (le Nord islamisé et le Sud animiste et christianisé), mais de la mémoire et des stigmates des razzias organisées par les sultans du Baguirmi et du Bornou qui avaient la capture d’esclaves parmi les kirdis (païens) du Sud pour objet. Et ce, avec une régularité telle (notamment saisonnière), qu’on a pu parler, en l’espèce, de l’exploitation méthodique d’un vivier humain. L’explorateur allemand Heinrich Barth, parti de Koukaoua en 1851 dans les fourgons de l’armée d’Omar en expédition contre le Mandara, rapporte comment, le “maître du Bornou” ayant composé, il est décidé d’opérer une razzia contre les Mousgou et livre un témoignage de première main de cette activité (Voyages et découvertes dans l’Afrique septentrionale et centrale pendant les années 1849 à 1855, traduction française, Paris, A. Bohné, 4 vol., 1860-1861 — III 23-37).
[3] Quand Gouraud, ancien commandant du Territoire, parle du Tchad comme du “pays de l’eau”, “avec ses immenses fleuves, Congo, Oubangui, Chari et le grand lac” (Ibid. : IV), c’est pour l’opposer au “pays du sable”, le IIIe territoire dont Zinder était le centre. “Pour maintenir la liaison et protéger l’arrière-pays, fertile et peuplé, contre les pillards et les négriers”, la colonisation christianisa donc et choisit ses auxiliaires administratifs parmi les ethnies du sud, privilégiant notamment les Sara, “la plus belle race que nous ayons rencontrée en Afrique”, dira le gouverneur Clozel. Les cadres de l’Etat devenu indépendant étant majoritairement issus du sud, la situation politique pouvait être résumée par ce constat en forme de jugement exprimant l’état d’esprit des populations islamisées, inchangé depuis l’époque où l’interprète de Gouraud, ancien soldat de Rabah, lui parlait “de ses razzias avec la même fierté qu’un soldat de la grande Armée pouvait parler de Iéna ou de Wagram” (Gouraud, op. cit. : 182) : “Avant, les Blancs commandaient ; maintenant, ce sont les Noirs”. Que les esclaves d’hier soient les maîtres d’aujourd’hui, que des “sous-hommes puissent exercer quelque autorité sur les enfants des Serviteurs de Dieu” (Pascal, 1972 : 6), ces appréciations disent assez la contradiction fondamentale – inexpiable – que le découpage colonial avait enfermé dans les limites de l’Etat tchadien.
ESPERANCE DE VIE, LE SENEGAL A LA DOUZIEME PLACE
L’Afrique a beaucoup progressé dans le monde ces vingt dernières années dans l’espérance de vie « en bonne santé ». Autrement dit, le temps que les individus vivent sans maladies, un indicateur différent de l’espérance de vie globale.
Selon une étude publiée par l’OMS le 4 août, l’espérance de vie « en bonne santé » en Afrique a augmenté de neuf ans entre 2000 et 2019, passant de 47 à 56 ans – contre 64 ans de moyenne mondiale. Les progrès sont loin d’être uniformes, avec des contre-performances dans des pays relativement prospères.
Selon Rfi qui donne l’information, l’Afrique a beaucoup progressé dans le monde ces vingt dernières années dans l’espérance de vie « en bonne santé ». Autrement dit, le temps que les individus vivent sans maladies, un indicateur différent de l’espérance de vie globale.
Principale explication du progrès réalisé : l’accès aux services de santé de base a doublé. Il est passé de 24 % en 2000 à 46 % en 2019, selon le « Suivi de la couverture sanitaire universelle dans la région africaine » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le rapport donne des chiffres par sous-régions, mais pas par pays. L’Afrique de l’Est et les huit pays de l’IGAD ont le plus progressé, étant partis d’une espérance de vie en bonne santé de 43 et 45 ans en 2000 pour atteindre 58 et 57 ans en 2019.
Le Sénégal occupe la douzième place du classement des pays d’Afrique où l’espérance de vie est la plus élevée avec une espérance de vie de 68 ans soit supérieure de l’espérance de vie en moyenne mondiale qui est estimée à 64 ans.
Les 12 pays où l’espérance de vie est la plus forte en Afrique sont successivement : l’Algérie, le Maroc et la Tunisie 76 ans ; les Seychelles et la Maurice 74 ans ; la Lybie et le Cap-Vert 73 ans ; l’Egypte 72 ans ; le Botswana et le Sao Tomé et Principe 70 ans ; le Rwanda 69 ans et en douzième position le Sénégal avec 68 ans.
Pourquoi, par ailleurs, vit-on plus dix ans de plus au Sénégal qu’en Côte d’Ivoire, où l’espérance de vie ne dépasse pas 57 ans, comme en Somalie et au Sud-Soudan ? Et ce, alors que les défaillances de l’hôpital public au Sénégal font les gros titres de la presse…
« Il y a plus de médiatisation au Sénégal, mais des scandales réguliers surviennent en Côte d’Ivoire comme au Bénin, explique Gilles Yabi, le fondateur du West African Think Tank (WATHI). Le Sénégal a fait des progrès plus importants en termes de santé maternelle et néonatale qu’ailleurs dans la sous-région. Or, la santé des 0-5 ans influence beaucoup l’espérance de vie, en plus de facteurs sociaux difficiles à mesurer, tels que l’hygiène de vie, l’activité physique et l’alimentation ».
L’Afrique du Nord, elle, se rapproche de la moyenne mondiale avec 63 ans, tandis que trois sous-régions, Afrique centrale, australe et de l’Ouest restent à la traîne, avec respectivement 54, 55 et 56 ans d’espérance de vie en bonne santé. Deux explications sont avancées par le rapport : d’un côté, la performance des services de santé, qui dépend de l’investissement dans les dépenses de santé publique, et d’autre part, « les pays à revenu élevé ou à revenu intermédiaire de la tranche supérieure ont dans la plupart des cas un Indice de couverture de santé et une espérance de vie à la naissance beaucoup plus élevés que les pays à faible revenu ».
La Centrafrique, record mondial de la plus faible espérance de vie
Les chiffres de la Banque mondiale confirment la nette longueur d’avance du Maghreb (voir tableau) en termes d’espérance de vie en général, que l’on vive malade ou pas. Les pays en conflit, pauvres et/ou qui n’investissent pas dans la santé restent sans surprise en queue de peloton, tels que la Centrafrique, le Nigeria, la Sierra Leone, le Tchad et le Lesotho.
Au Nigeria, la situation est aggravée, comme dans d’autres pays pétroliers par les inégalités sociales, ainsi que par la fuite de cerveaux massive du personnel de santé, attiré par de meilleures conditions de travail à l’étranger. Le même fléau prévaut en Égypte, un pays où l’on vit pourtant jusqu’à 72 ans en moyenne, avec 1 médecin pour 1 240 habitants (contre 1 pour 5 000 habitants au Nigeria). L’explication tient au fait que l’Égypte, comme les autres pays d’Afrique du Nord, a achevé sa transition démographique, avec une baisse concomitante des taux de natalité et de mortalité, et des investissements faits dans la santé.
Quant à l’Afrique du Sud, elle se situait au même niveau que les Comores, le Liberia et le Ghana, 64 ans en 2019. Trois pays qui sont loin d’être industrialisés comme elle. L’ampleur prise par le virus du Sida a tout changé dans les années 2000, avec une part de 19 % des 15-49 ans séropositifs aujourd’hui. Selon Statistics SA, l’espérance de vie à la naissance sans le VIH/Sida, qui cause 23 % des décès, s’élevait à 69 ans en moyenne en 2019. Les ravages faits par le Covid-19 se sont ajoutés à ceux du Sida, et ont fait reculer de trois ans le temps que l’on peut espérer vivre en Afrique du Sud. Celui-ci est passé à 61 ans en 2021, comme au Burundi, l’un des pays les plus pauvres d’Afrique.
par Mamadou Abdoulaye Sow
SOUPÇONS D"ILLÉGALITÉ DANS LA CESSION D'UNE PART DE LE DANTEC
EXCLUSIF SENEPLUS - Seule la loi organise la cession des terrains du domaine privé immobilier de l’État. Quelle disposition du Code du Domaine de l’État ou toute autre disposition législative spéciale autorise le FONSIS à piloter ce dossier ?
La vente d’un bien immobilier du domaine privé de l’Etat est soumise à une autorisation législative
Les conditions de cession de trois hectares du terrain de l’hôpital Aristide Le Dantec soulèvent, à mon sens, deux problématiques : l’autorisation législative préalable et l’autorité administrative compétente pour procéder à la vente du bien domanial.
La vente des terrains du domaine privé immobilier de l’État doit être autorisée par une loi
Considérons que les trois hectares à céder sont distraits d’un terrain dépendant du domaine privé immobilier de l’État, c’est-à-dire d’un terrain qui fait l’objet d’un titre foncier au nom de l’État sénégalais [1].
La vente des terrains à mettre en valeur doit être autorisée par une loi conformément à l’article 41 de la loi n° 76-66 du 02 juillet 1976 portant Code du Domaine de l’État. Les dérogations prévues par le législateur ne concernent que les organismes créés en vue du développement de l’habitat (article 41, paragraphe 1 du Code).
La propriété des immeubles non affectés consistant en terrains mis en valeur ne peut être transférée qu’en vertu d’une loi (article 42 du Code).
C’est ainsi que, dans le passé, en application des dispositions des articles 41 et 42 du Code du Domaine de l’État, le législateur a voté, en matière de transfert de la propriété de terrains relevant du domaine privé de l’État, les textes ci-dessous :
la loi n° 87-11 du 24 février 1987 autorisant la vente de terrains domaniaux destinés à l’habitation situés en zones urbaines,
la loi n° 94-64 du 22 août 1994 autorisant la vente des terrains domaniaux à usage industriel et commercial,
la loi n° 95-12 du 07 avril 1995 autorisant la vente du domaine privé immobilier bâti de l’État à usage d'hôtels ou de réceptifs touristiques et de ses dépendances,
la loi n° 2017-31 du 15 juillet 2017 autorisant la cession définitive et à titre gratuit de terrains domaniaux à usage d’habitation.
L’aliénation des terrains à mettre en valeur a lieu de gré à gré ou par voie d’adjudication
Le législateur n’est pas explicite sur la procédure de cession de gré à gré qui, à mon avis, devrait être précédée d'une publicité permettant une mise en concurrence. Quant à la vente par voie d’adjudication, elle est « réalisée aux enchères publiques ou par le procédé combiné des enchères verbales et des soumissions cachetées, avec obligation de mise en valeur... » (article 41 du Code).
En résumé, le transfert de la pleine propriété du sol à une personne privée ne peut être opérée qu’en vertu d’une loi spéciale complétée par un décret fixant les conditions particulières de la vente et ses caractéristiques essentielles.
La Direction des Domaines du ministère chargé des Finances est compétente en matière d’alinéation des biens domaniaux
Sur le site web du Fonds Souverain d’Investissements Stratégiques (FONSIS SA.), il est publié, depuis le 2 juin 2022, un appel à manifestation d’intérêt intitulé « Avis de vente de 3 hectares dans le cadre du projet de reconstruction de l’hôpital Aristide Le Dantec ». Par ailleurs, il ressort d’un article de presse que le projet est piloté par le Directeur général du FONSIS. On se demande quelle est la disposition du Code du Domaine de l’État ou toute autre disposition législative spéciale qui autorise le FONSIS à publier un avis de vente d’une partie du terrain de l’hôpital Le Dantec et à piloter le dossier de vente.
Dans le droit en vigueur, c’est le ministère des Finances qui est compétent en matière de vente des biens domaniaux. En effet, l’aliénation des biens du domaine privé est effectuée par la Direction chargée des Domaines qui en recouvre le prix de la vente. Sauf l’existence d’une disposition législative expresse, l’intervention directe du FONSIS, dans la procédure de vente d’une partie de l’hôpital Le Dantec, serait illégale.
Mamadou Abdoulaye Sow est Inspecteur principal du Trésor à la retraite
[1] Selon le site Web de la Direction Générale des Impôts et des Domaines, « le « domaine privé » comprend les immeubles immatriculés au nom de l’Etat ne constituant pas les dépendances du domaine public : immeubles affectés nécessaires au fonctionnement des services de l’Etat, terrains non affectés susceptibles d’être attribués à des particuliers dans des conditions conformes à l’intérêt général en vue de la réalisation de projets à caractère économique, social ou culturel ».
LES CANDIDATURES AFFLUENT POUR LE RENOUVELLEMENT DES MEMBRES DU HCCT
Pour l’élection prévue le 4 septembre, la Direction générale des élections (DGE) a reçu 12 listes de candidatures. Ces dernières sont en cours d'examen de recevabilité
Pour l’élection du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) prévue le 4 septembre 2022, la Direction générale des élections (DGE) a reçu 12 listes de candidatures. La commission chargée de la réception des dossiers de déclaration de candidatures, présidée par Abdoul Aziz Sarr, directeur des opérations électorales a commencé, depuis lundi 15 août la phase d’examen de recevabilité juridique des candidatures.
Et le travail va se poursuivre ce mardi, selon nos confrères L’Observateur qui soulignent que les listes seront publiées avant la fin de la semaine, c’est-à-dire 15 jours avant la date du scrutin prévu le 4 septembre 2022, conformément au Code électoral.
Parmi les 12 listes de candidatures déposées pour l’élection du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct), seule la coalition Benno Bokk Yaakaar va briguer le suffrage des conseillers dans l’ensemble des 46 départements. Les autres listes en lice ne vont pas se présenter dans tous les départements. Elles auront des listes dans quelques départements ciblés. C’est le cas de la coalition Bokk Gis-Gis Liggey, dirigée par l’ancien président de l’Assemblée nationale et du Sénat, Pape Diop. Elle a décidé de présenter des listes dans quatre (4) départements sur les 46 que compte le territoire national. La coalition veut concourir dans les départements de Bambey, Mbirkilane, Malem Hodar et Goudiry.
And-Jef/Pads de Mamadou Diop Decroix va se présenter dans deux départements, à savoir Gossas et Birkilane. Natangué Askan Wi parmi les 12 listes déposées pour briguer le suffrage des conseillers le 4 septembre prochain.
Par ailleurs, les membres de la commission de réception des dossiers de candidature pour l’élection du Haut conseil des collectivités territoriales (Hect) ont confirmé le boycott de ce scrutin par certaines grandes coalitions et partis politiques de l’opposition. Comme elles l’avaient annoncé dans la presse, les coalitions Yewwi Askan Wi, Wallu Sénégal et Gueum Sa Bopp. Idem pour la coalition Alternative pour une assemblée de rupture (AAR). Même s’ils ne l’ont pas annoncé publiquement, Docteur Abdourahmane Diouf et ses camarades ne vont pas participer à l’élection du Hcct. Le leader de la coalition « Défar Sa Gokh » Adama Faye, aussi, est dans la même situation.
Le frère de la Première Dame n’a pas déposé de listes pour l’élection du Hcct. Et, pourtant, Adama Faye et sa coalition « Défar Sa Gokh ont obtenu un nombre important de conseillers lors des élections locales du 23 janvier 2022.
par l'éditorialiste de seneplus, Benoit Ngom
L’IMPÉRATIF DE REFONDATION DU SYSTÈME POLITIQUE SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Pour le peuple, il ne devrait plus être question d’organiser des présidentielles en reconduisant les mêmes dispositions juridiques, objet de l'excessif déséquilibre des pouvoirs sanctionné aux locales et aux législatives
Les dernières élections législatives au Sénégal ont été marquées par un fort taux d’abstention et l’expression d’une maturité politique peu commune du corps électoral. L’abstention est liée certainement à un manque de confiance réel des citoyens à l’égard des institutions chargées de réguler le jeu démocratique qui leur parait de plus en plus biaisé. Toutefois, les électeurs qui ont accepté de se déplacer ont délivré à la classe politique un message de défiance en refusant d’accorder la majorité à l’une ou l’autre des coalitions qui étaient en compétition.
À cet égard, après avoir réduit le nombre de députés de la coalition au pouvoir de 125 à 82 et octroyé à la coalition de l’opposition 80 députés, le corps électoral a partagé entre trois partis les trois sièges restants sur un total de 165. Ces résultats constituent incontestablement un camouflet pour la coalition Benno Bokk Yaakaar.
Cette situation a connu, quelques jours après la publication des résultats, une notable évolution avec l’annonce unilatérale par monsieur Pape Diop, leader du troisième parti Benno Bokk Guiss Guiss, de sa prochaine adhésion au groupe parlementaire qui sera mis en place par la coalition au pouvoir. Cette décision permet au président de la République de pouvoir disposer d’une majorité absolue à l’Assemblée Nationale.
Toutefois, même si l’existence de cette majorité ne devrait pas changer fondamentalement la nature du débat politique qui tire sa source de l’épineuse question du 3e mandat, elle aura l’avantage de rassurer, dans ces moments d’instabilité internationale, les partenaires locaux et étrangers, sur la fiabilité des engagements du Sénégal.
Dans l’interprétation de ces résultats, certains observateurs ont pensé que le corps électoral a sanctionné le président de la République pour n’avoir pas clarifier sa position sur le troisième mandat, alors que pour d’autres, les électeurs ont voulu dénoncer l’usage excessif de ses pouvoirs au détriment de l’Assemblée nationale.
Cependant, quelles que soient les appréciations qu’on peut avoir sur les élections législatives, le dilemme auquel le Sénégal est toujours confronté est de savoir s’il est convenable que Macky Sall se représente pour une troisième fois à la présidentielle et s’il est raisonnable de lui refuser le 3e mandat tout en laissant à son successeur la possibilité d’user des mêmes pouvoirs tentaculaires qu’on lui conteste aujourd’hui.
Autrement dit, la solution ne sera-t-elle pas d’établir de nouvelles règles du jeu conformes à l’aspiration du peuple et acceptées par tous les acteurs politiques. Ces nouvelles règles du jeu découleraient de la constitutionnalisation d’un système politique caractérisé par un réel équilibre des pouvoirs entre l’Exécutif, le législatif et le judiciaire.
Dès son accession au pouvoir, le président Macky Sall qui avait bénéficié du grand mouvement de solidarité des partisans de l’adoption des conclusions des Assises Nationales, avait voulu marquer la conscience des Sénégalais grâce à de multiples prises de position saluées haut et fort par le peuple qui l'avait élu à 65% des suffrages exprimés.
Ainsi il déclara solennellement que désormais la doctrine était « la patrie avant le parti » et beaucoup plus tard, il affirmait que dans aucune circonstance il n'envisageait de faire un troisième mandat. Afin de montrer sa bonne foi, il indiqua dans une interview que pour mettre fin à la polémique sur le troisième mandat il avait suggéré aux rédacteurs de la révision constitutionnelle de préciser que « nul » ne pouvait faire plus de "deux mandats consécutifs".
Toutefois, ce qui semblait être verrouillé pour le commun des mortels ne l'était pas pour les juristes et politologues spécialisés en matière constitutionnelle.
Ainsi, le Professeur Babacar Guéye attira très tôt l’attention des lecteurs de la constitution sur l’inexistence de dispositions transitoires dans la nouvelle mouture constitutionnelle indiquant que le premier mandat du chef de l’État faisait partie du décompte. Ce qui allait ouvrir une brèche pouvant permettre à ceux qui voudraient que le président Sall se représente de soutenir que son premier mandat commençait après sa seconde élection pour un mandat de cinq ans.
Par contre, le Professeur Maurice Soudieck Dione estime de son côté que la constitution en faisant référence au terme "mandat" sans autre précision liée à sa durée exprime une position nette et précise. Par conséquent, si nul ne peut soutenir que les sept ans effectués par Macky Sall à la tête de l’État ne constitue pas un mandat, la disposition constitutionnelle doit être considérée comme claire et ne nécessitant aucune interprétation particulière.
Ces deux positions, l'une mettant l'accent sur une interprétation strictement juridique, l'autre se fondant sur une approche de sciences politiques introduisent un débat fondamental entre la légalité et la légitimité de l'acte envisagé. Toutefois, ces deux positions aussi défendables l'une que l'autre ne prennent pas en compte le fait que le rejet du troisième mandat est intimement liée à la peur qu’inspire la perpétuation d’un certain exercice du pouvoir qui a caractérisé le régime politique du Sénégal depuis son accession à l'indépendance.
Par conséquent, ce débat peut continuer à empoisonner durablement la vie politique avec des incidences réelles sur la bonne marche du pays. En effet, bien que par le passé, il ait dit et répété plusieurs fois la même position sur la question, une partie de l’opinion publique, à tort ou à raison, continue de soutenir que la persistance d’une atmosphère sociale tendue est liée au fait que le président Sall ne veut pas se prononcer sur sa troisième candidature. Dès lors, il est permis de se demander à partir de quel moment et dans quelle circonstance l’opinion publique considérera sa déclaration sur le sujet comme crédible et définitive ?
Mais en attendant, la question est de savoir si le devenir du Sénégal doit dépendre des positions adoptées par le président Sall à propos du troisième mandat ou de la refondation d’un système politique décrié qui devrait désormais pouvoir être revitalisé en s’inspirant des conclusions des " Assises Nationales " ?
En effet, il parait évident que pour le peuple sénégalais, il ne devrait plus être question d’organiser des élections présidentielles en reconduisant les mêmes dispositions juridiques qui ont conduit à cet excessif déséquilibre des pouvoirs qu’il a voulu sanctionner.
Cette situation historique offre au président de la République, chef de l’État, gardien de la constitution, l’occasion inespérée de conduire le changement qu’il avait annoncé à son accession à la magistrature suprême.
Dans cet esprit, le président de la République devrait pouvoir organiser une relecture consensuelle des actes des Assises nationales qu’il avait signé avec des « réserves ».
La relecture serait confiée à un groupe d’experts avec une implication significative de la jeunesse dont l’avenir est davantage en jeu.
L’objectif serait de retenir et de constitutionnaliser par voie référendaire les changements susceptibles de garantir l’équilibre des pouvoirs entre l’Exécutif, le législatif et le Judiciaire. Cette révision de la constitution devra intégrer des dispositions qui permettent de contrôler plus efficacement l’action gouvernementale tout en mettant le pouvoir judiciaire à l’abri de toute pression intempestive notamment dans les domaines qui touchent la politique. Ainsi, la séparation des pouvoirs pourrait être pour une fois une réalité au Sénégal.
D’une manière générale, quand les circonstances l’ont exigé, les différents présidents du Sénégal ont toujours su évaluer correctement la situation et adopter la solution qui a contribué à préserver le Sénégal des affres de la déstabilisation. Nous pensons que le président Macky Sall agira, comme il l’a souvent rappelé, dans le sens de l'approfondissement et de la préservation de l’exception démocratique du Sénégal.
PAR Adrien Poussou
LA DÉFAITE DE MACKY SALL AUX LÉGISLATIVES EST AUSSI STRATÉGIQUE
Si nombre d’analystes ont pointé le revers inédit subi par la majorité présidentielle, peu ont constaté l’échec de la tactique du camp du chef de l’État, basée presque exclusivement sur un éventuel boycott du scrutin par l’opposition
Jeune Afrique |
Adrien Poussou |
Publication 16/08/2022
On le sait désormais, les résultats définitifs des élections législatives du 31 juillet au Sénégal, publiés ce 11 août par le Conseil constitutionnel, permettent à la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar d’obtenir 82 députés sur les 165 qui composent l’Assemblée nationale – auxquels s’est rallié l’ancien maire de Dakar Pape Diop. Un ralliement qui porte le nombre des parlementaires du camp présidentiel à 83, contre 80 pour l’inter-coalition Yewwi Askan Wi (YAW) – Wallu Senegal, ce qui est synonyme de la majorité absolue.
Inutile de rappeler que les observateurs de la vie politique sénégalaise ont été unanimes pour dire que c’est une situation inédite, que la mouvance présidentielle a accusé un net recul et que le scrutin marquera, quoi qu’il arrive, l’histoire politique du pays.
En analysant ces résultats, un leader politique sénégalais a déclaré que « les populations ont privilégié la sanction contre le régime actuel en participant à un référendum de fait sur la question du troisième mandat ». Bien entendu, ses propos ont été balayés d’un revers de la main par les membres de la mouvance présidentielle, qui estiment être restés « la plus grande coalition du pays », même si leur camp a perdu au passage une cinquantaine de députés. Autant dire que ces législatives n’ont pas encore livré tous leurs secrets. D’autant que chaque camp crie à la victoire et se tresse des lauriers.
Un stratagème simpliste
En revanche, ce que l’on n’a pas du tout ou très peu entendu dans les analyses, c’est l’échec de la stratégie du camp présidentiel, basée presque exclusivement sur un éventuel boycott du scrutin par l’opposition. Car tout semble démontrer que le pari du chef de l’État Macky Sall était simple, sinon simpliste : pousser l’opposition dans ses derniers retranchements et la contraindre à renoncer de prendre part à ces législatives. Autrement dit, en misant sur les réactions parfois épidermiques de certains leaders de l’opposition, le pouvoir savait que l’invalidation des titulaires de la liste nationale de la coalition dirigée par Ousmane Sonko constituerait un casus belli, en tout cas le piège qui devrait faire trébucher ses adversaires. De fait, la précampagne a été marquée par de violentes manifestations qui ont fait au moins trois morts, justement à cause du refus de l’opposition d’accepter la décision du Conseil constitutionnel.
SI NOS RÊVES NE NOUS FONT PAS PEUR, C’EST PARCE QU’ILS NE SONT PAS ASSEZ GRANDS
Après l’ascension du Mont-Blanc, il se prépare à escalader le Kilimandjaro, le point culminant de l’Afrique. Et ce, dès fin février prochain. Il s’agit de Mohamed Tounkara, premier Sénégalais sur le toit de l’Europe. ENTRETIEN
Après l’ascension du Mont-Blanc, il se prépare à escalader le Kilimandjaro, le point culminant de l’Afrique. Et ce, dès fin février prochain. Il s’agit de Mohamed Tounkara, premier Sénégalais sur le toit de l’Europe. Dans cet entretien accordé à l’équipe d’Emedia.sn, il nous décrit les différentes étapes dans le cadre de sa préparation. Déjà, il faut être au top physiquement. Il faut aussi un budget, nous dit-il. Dans l’immédiat, l’ancien enfant de troupe du Prytanée militaire de Saint-Louis envisage de faire le tour de Dakar dans le sillage des grandes randonnée (GR75) lancées à Paris. Son épouse venue nous souhaiter la bienvenue à la Cité des enseignants, à Golf, nous a confié préférer la terre ferme. Est-ce un sujet de dispute ? Entretien !
Emedia : À quand le Kilimandjaro ?
Mouhamed Tounkara : Le Kilimandjaro est prévu pour fin février (2023).
E : Comment cela se prépare ?
M.T : Déjà physiquement, je fais beaucoup d’entraînement notamment du cardio. Je cours beaucoup. Je fais aussi beaucoup de renforcement musculaire en salle. Tout ce qui est squat, appui avant, traction, etc. Pour bien être solide physiquement. Mentalement aussi, je fais beaucoup de méditation aussi. Parce que je pense que la prière, c’est aussi trouver de la méditation. Et bien évidemment financièrement, en mettant de côté et en cherchant des sponsors.
E : Quel budget pour une telle expédition ?
M.T : Ça dépend en fait des chemins. Parce qu’il y a des chemins qui sont plus chers que d’autres. Les chemins les plus techniques sont moins chers. Pour le chemin le plus populaire, il faut, on va dire, 2000-2500 euros pour l’expédition. Cela va se faire sur sept jours normalement.
E : Quelles sont les différentes étapes ?
M.T : Les différentes étapes, c’est sept jours où tu fais la randonnée en altitude. Sept jours où tu dors aussi en forêt. Donc, il y aura des porteurs qui vont venir t’aider pour la cuisine et porter des bagages. Il faudrait aussi un temps d’acclimatation. C’est une montagne qui va au-delà de 4 mille mètres d’altitude. En général, pour gravir des montagnes au-delà de 4 mille mètres d’altitude, il faudrait prendre le temps de s’acclimater et laisser son corps s’habituer au manque d’oxygène.
E : Qu’est-ce qu’il y a dans le sac d’un alpiniste ?
M.T : Cela dépend si tu veux dormir dans un refuge ou être en parfaite autonomie. Donc, si tu veux bivouaquer, tu as ta tente. Tu as ton sac de couchage, tu as tes vivres. En général, il faut partir très léger. Donc, pâte dentifrice miniature, brosse à dent miniature. La nourriture lyophilisée aussi. Tu as ton piolet qui te permet de gravir les montagnes et de ralentir ta chute. Tu as ton harnais, ton baudrier, tes sangles. Tu as toute une panoplie qui te permet de rester en montagne. Tu as les barres de chocolat, les bonbons aussi parce que cela fait toujours plaisir après quatre heures d’ascension où tu es fatigué, exténué, déshydraté (sa bouteille était tombée dans une crevasse), éprouvé psychologiquement et physiquement, de prendre un petit bonbon. Ce bonbon-là, si tu pouvais même l’acheter à un million de F CFA, tu allais le faire. Parce que ça fait tellement plaisir.
E : Vous êtes le premier Sénégalais à avoir escaladé le Mont-Blanc. D’où vous est venue l’idée ?
M.T : J’ai toujours été un féru d’aventure. Autant que je m’en souvienne, j’ai toujours aimé le dépassement de soi, faire du sport, depuis le Prytanée militaire. Chaque fois, je cherchais ce qu’il y avait au-delà du mur. Et donc, j’ai commencé à faire du sky. J’ai commencé à côtoyer les montagnes avec le sky. Je trouvais (cette sensation) magnifique quand je suis en montagne. L’effet que ça me fait, les sensations que je découvre, etc. Finalement, je me suis dit ‘’descendre juste les montagnes, ne me suffisait pas’’. Il fallait que je commence à les gravir pour être en parfaite communion avec elles. Quand je me suis rendu compte que j’étais sur le toit de l’Europe, c’était une satisfaction profonde, un sentiment d’accomplissement profond. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Il y avait beaucoup d’émotion.
E : Qu’est-ce qui vous manque sur la terre ferme pour que vous escaladiez des montagnes ?
M.T : Chaque montagne est différente. Même si les hauteurs varient, on a la sensation, au sommet, d’être au-dessus du monde. Ça me rend plus confiant et plus fort surtout après ces efforts incommensurables pour arriver au sommet. Je suis aussi une personne qui aime les défis. Même dans le métier que je fais, je ne me suis jamais contenté de ce que j’avais. J’ai toujours essayé d’avoir le plus de diplômes, de certifications. Ce qui a fait que j’avais quitté mon CDI pour me mettre à mon propre compte. Rien que ça, pour moi, c’est une aventure. Je ne me contente jamais de ce que j’ai, je veux toujours plus. Avoir des projets qui te challengent, qui font que tu te découvres encore plus, et que tu grandisses. Pour moi, c’est dans la souffrance que l’on grandit. Pour moi, la zone de confort est la zone la plus dangereuse. Parce que c’est là où on ne grandit pas. Il faut sortir de sa zone de confort pour se chercher.
E :Est-ce que madame Tounkara partage cette passion ?
M.T : Non, madame ne partage pas cette passion. Elle est tout mon contraire. Elle aime la tranquillité. Mais ce n’est pas source de disputes parce qu’elle me soutient dans ce que je fais et elle n’y trouve pas d’objection. En général, ce qui motive souvent mes expéditions, c’est mon amour de la paix, de la cohésion et de l’union. Quand je vais aller sauter en parachute, quand je vais descendre au fond des océans, quand je vais gravir des montagnes, j’ai dans l’âme, l’envie de crier à mes compatriotes de s’unir, de célébrer la paix, de vivre la paix et le dépassement de soi.
E : Qu’est-ce que ça fait d’être le premier Sénégalais à avoir escaladé le Mont-Blanc ? Qu’est-ce que ça a changé dans votre vie ?
M.T : Pas grand-chose. Le fait d’être le premier Sénégalais ne me procure pas vraiment un plaisir particulier. L’important pour moi, c’est que des gens s’y inspirent. Parce que pour moi, c’est plus profond que juste escalader une montagne. Quand j’étais sur une montagne, j’ai eu à développer des capacités que je n’avais pas : beaucoup de courage, de l’abnégation, de la résistance, et essayer de vaincre la peur. Et tout ça, on peut le transposer dans la vie de tous les jours. On a des moments où on est face à des obstacles à surmonter, face à des gens qui vont nous dire, ‘’ce n’est pas possible’’. Pour moi, en fait, si nos rêves ne nous font pas peur, c’est parce qu’ils ne sont pas assez grands.
E : Vous êtes né au Sénégal mais vous travaillez en France. Comment le vivez-vous ?
M.T : Mon travail est en France mais pratiquement toute ma vie est ici au Sénégal. J’ai toute ma famille ici. Donc, je fais souvent la navette. Je suis à mon propre compte (il précise qu’il a créé sa structure en France), je me donne un peu de liberté du coup. Donc, si je termine une mission en France, je rentre au Sénégal pour me ressourcer.
E. : C’est quoi se ressourcer ?
M.T : Il répond en wolof ‘’nampe si sama yaye’’. Être proche de mes parents. Proche de l’environnement sénégalais aussi parce que ça a ses particularités. Même le fait de voir des charrettes dans la rue, ou des cars rapides, ça fait énormément plaisir. C’est ce que je connais.
E. : Un message aux jeunes ?
M.T : Mon message aux jeunes sénégalais, c’est de croire en (leurs) rêves, de se dire que rien n’est impossible. Les seules limites, c’est celles qu’on s’impose. Quand on y croit vraiment, on peut réaliser nos rêves les plus fous. Comme je viens de le dire, de transposer l’ascension du Mont-Blanc à la vie de tous les jours. Ayons des rêves qui nous font peur, qui nous font suer la nuit. C’est comme ça qu’on va arriver à réaliser des choses extraordinaires. Surtout de ne pas attendre de l’aide de qui que ce soit, d’analyser les risques, les opportunités par nous-mêmes. Parce que moi quand je suis parti à Chamonix, le village au pied du Mont-Blanc, les guides m’ont dit que personne ne partait en montagne. Parce que les conditions n’étaient pas bonnes. Donc, tous les guides avaient annulé leurs expéditions. Tout le monde me disait que ‘’c’était de la folie’’, ‘’je n’allais pas revenir’’ ou que ‘’je n’allais même pas faire 100 mètres. Les conditions n’étaient pas bonnes. Même en groupe, les chances étaient à 1%. Donc, si on est solo, c’est très risqué. Moi, j’ai fait ma propre analyse pour évaluer les risques et pour voir est-ce que je suis prêt à supporter ces risques-là ou pas. Donc, j’ai pensé par moi-même et je me suis dit que je suis prêt à le faire et à prendre ces risques. C’est comme ça, Alhamdoulilah, je suis parti et je suis revenu en entier.
E. : Quels sont vos projets dans l’immédiat ?
M.T : J’ai le projet de faire le tour de Dakar samedi prochain. J’ai déjà eu à faire le tour de Paris qui s’appelle le GR75 sur 57 kilomètres. En France, on a des grandes randonnées qu’on appelle des GR et 75 comme Paris 75. Quand je suis venue à Dakar, je me suis dit pourquoi pas faire la même chose. Donc, créer un GRDKR par exemple. Je vais un peu retracer l’itinéraire de Dakar, après enregistrer le fichier GPX quand j’aurais fini de faire la randonnée.
POUR MOI, SADIO MANÉ C’EST LE MEILLEUR JOUEUR DU MONDE
Samuel Eto’o est au Sénégal dans le cadre d’une visite de promotion du Qatar, pays hôte de la coupe du monde 2022 (20 novembre - 18 décembre). Il a animé une conférence de presse au cours de laquelle il est revenu sur la performance de Sadio Mané.
Samuel Eto’o est au Sénégal dans le cadre d’une visite de promotion du Qatar, pays hôte de la coupe du monde 2022 (20 novembre - 18 décembre). Il a animé une conférence de presse au cours de laquelle il est revenu sur la performance de l’attaquant sénégalais, Sadio Mané. « Vous savez, le problème des africains c’est qu’on ne croit pas suffisamment en nous. Et pourtant, nous sommes les meilleurs. La preuve ? Nous avons le meilleur footballeur du monde, Sadio Mané. C’est mon petit frère », a dit Eto’o. Selon lui, Sadio n’a rien à faire pour le ballon d’or mondial. « Pour moi il est le meilleur joueur du monde. Maintenant ça ne dépend pas de lui », a-t-il répondu.
S’agissant des chances de l’Afrique lors de la prochaine coupe du monde Qatar 2022, il a soutenu que c’est la coupe du monde idéale pour nous africains. « C’est possible pour nous africains de gagner la coupe du monde. Je rêve aussi que le Cameroun la gagne, mais c’est d’abord l’intérêt de l’Afrique qui me préoccupe. Je serais heureux si c’est le Cameroun qui gagne et si c’est le Sénégal, je le serais autant. Je vous dis que nos équipes n’ont rien à envier aux autres », a-t-il dit lors de la conférence de presse. Concernant le Sénégal, Eto’o a rappelé que c’est la meilleure équipe d’Afrique actuellement. Elle était la meilleure équipe également lors de la CAN et l’équipe du Sénégal sera tête d’affiche et les autres équipes s’aligneront derrière elle.
Par ailleurs, on note plusieurs techniciens locaux à la tête des sélections africaines. Une bonne chose selon Eto’o qui a pris en exemple Aliou Cissé, entraîneur de l’équipe du Sénégal. « Aliou Cissé il était contesté il y’a quelques années. Il faut qu’il y est une stabilité dans une fédération. Je suis heureux pour lui d’avoir gagné la coupe d’Afrique. J’aime le Sénégal énormément. Il avait quelques difficultés avec certains d’entre nous, mais nous avons tous protégé Aliou pour qu’il nous montrent le meilleur de lui. C’est l’Afrique qui gagne et le Sénégal nous montre la voie », a-t-il déclaré. Cependant, il a déploré le fait que nous avons 5 représentants pour une confédération à 54 pays. « C’est ce que je déplore. Il y’a plusieurs pays qui pouvaient aider cette Afrique à être meilleure, mais malheureusement nous n’avons pas beaucoup de représentants », a également indiqué Eto’o.
Parlant de la prochaine coupe du monde, il a soutenu que le Qatar, en travaillant, s’est dit comment rendre cette coupe du monde meilleure. « Nous avons travaillé pour que ça soit aussi facile pour les fans. Il y’aura l’hébergement pour tout le monde. On dit que c’est un pays cher mais tout a été fait pour loger les supporters à la capacité de leur moyen. Des fan zones seront installées un peu partout à travers le pays. Il y’aura les centres commerciaux, les plages, bref toutes les activités seront mises à disposition parce que ça sera la fête au Qatar », a dit le comité.