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21 août 2025
TOUBA, LA CITÉ SACRÉE OU LE SACRE D'UN RÊVE
La fondation de cette localité par le guide de la communauté mouride, en 1888, pour en faire une cité d’adoration d’Allah, est couverte de mythe et de mystère. Elle est surtout le produit d’un rêve devenu réalité : Touba rayonne de grâces
Portée tout haut par Cheikh Ahmadou Bamba, la cité religieuse de Touba est devenue la deuxième ville du Sénégal en termes de démographie. La fondation de cette localité par le guide de la communauté mouride, en 1888, pour en faire une cité d’adoration d’Allah, est couverte de mythe et de mystère. Elle est surtout le produit d’un rêve devenu réalité : Touba rayonne de grâces.
Entre le Cayor, le Baol et le Sine-Saloum, se trouve la ville religieuse de Touba. Fondée en 1888 par Cheikh Ahmadou Bamba, l’histoire de ses origines est couverte de mythe et de sacré. Elle est intimement liée à celle du Mouridisme. Cheikhoul Khadim l’a fondée pour l’adoration de Dieu, explique Khaly Diakhaté, Président de la section Touba de la Ligue des écoles coraniques du Sénégal. En effet, l’inspirateur de cette communauté dévote a, dans ses périples, découvert cette terre située entre plusieurs royaumes de l’époque : le Cayor, le Baol, le Sine-Saloum et, d’un autre côté, le Ndiambour. Cependant, selon Khaly Diakhaté, ce qui fait la spécificité de Touba est que cette partie n’a été sous domination d’aucun royaume. Elle n’a jamais été annexée par un quelconque royaume. Elle est restée une terre vierge jusqu’à sa découverte par le saint homme. Cheikh Ahmadou Bamba cherchait un endroit non souillé, où il pouvait se consacrer uniquement à l’adoration de son Seigneur et d’être au service du Prophète Mohamed (Psl).
C’est cette quête de la « solitude » pour se consacrer à la prière qui l’a conduit à ce lieu. D’après Serigne Fallou Galass Sylla, quand Cheikh Ahmadou Bamba entrait dans ce site qui est devenu, aujourd’hui, la ville religieuse, l’endroit était une forêt où ne vivaient que des animaux sauvages. Le chercheur sur le Mouridisme renseigne que le Cheikh a fait plusieurs jours dans cette immense forêt. Personne ne savait où il se trouvait. Il y a fait des dizaines de jours à la quête du lieu idéal où il devait ériger sa future cité. Ses proches, très inquiets, sont partis à sa recherche, raconte M. Sylla. En entrant dans la forêt de Touba, ils ont croisé un chasseur qui leur a dit l’avoir vu au pied d’un arbre appelé « sexaw ».
Cité des rêves de Bamba
Pourtant, avant Touba, Cheikh Ahmadou Bamba avait fondé Darou Salam. Malgré l’expansion qu’a connue cette première cité quelques années plus tard, il l’a quittée pour trouver un autre endroit où il pourrait s’isoler pour faire ses dévotions. « Touba n’est pas une terre que Cheikh Ahmadou Bamba s’est échiné à trouver pour y pratiquer l’agriculture ou l’élevage. C’est un endroit réservé exclusivement à la prière, à l’enseignement coranique, à la recherche », explique Ahmadou Ndiaye Nguirane, maître coranique et chercheur.
Celui-ci renseigne que le fondateur de l’une des plus importantes confréries du Sénégal a remercié le Seigneur en ces termes après avoir découvert cette luxuriante forêt qui abrite, aujourd’hui, la ville religieuse de Touba : « Je rends grâce à Dieu de m’avoir conduit vers une terre où il a annihilé mes obstacles ». Après avoir fait la découverte de cette belle terre, le Cheikh lui a donné le nom de Touba. Touba, explique Serigne Fallou Galass Sylla, est un imposant arbre qui se trouve au paradis. « Il couvre toutes les demeures du paradis », renchérit-il. Touba est « la cité de ses rêves ». Un grand temple d’Allah. « L’autorisation de fonder Touba m’a été donnée par le Seigneur », disait Cheikh Ahmadou Bamba, selon ce chercheur.
En effet, Serigne Fallou Galass Sylla raconte que c’est à Touba que le Cheikh a écrit son célèbre panégyrique « Matlabul Fawzeyni » ou « La quête du bonheur des deux mondes ». Dans « Xasida », il a formulé tous ses vœux et prières pour « la ville idéale ». Le Cheikh a prié pour le rayonnement de la ville et de ses habitants, pour que Touba reste une cité bénie, à l’abri des mondanités de ce bas monde.
Demeure éternelle
En s’installant à Touba, rapporte Ahmadou Khadim al-Mountakha, fils de l’actuel Khalife général des Mourides, la cité était dépourvue d’eau. Mais, venu avec la ferme intention d’adorer Dieu le Tout-Puissant, Cheikh Ahmadou Bamba s’est installé. Petit à petit, ses disciples commencèrent à le rejoindre dans sa cité. Sa première demeure, indique Serigne Fallou Galass Sylla, est le site qui abrite, aujourd’hui, la grande mosquée. Par la suite, il en a créé d’autres parmi lesquelles Darou Khoudoss. C’est dans cette demeure qu’il a prêté allégeance au Prophète Mohamed (Psl) et a décidé d’être à son service. Ahmadou Ndiaye Nguirane informe qu’après son installation, il a commencé à mettre en place des « dahiras » pour démarrer l’enseignement du Coran. Le guide de la communauté mouride a dédié toute sa vie au Coran, son livre de chevet. Partout où il se trouvait, il lisait les écritures saintes ou se mettait à écrire.
En fondant Touba, le Cheikh voulait en faire le point de départ d’un changement sociétal avec des compagnons capables de pérenniser son projet de société. Ainsi, Serigne Dame Abdou Rahmane, Serigne Mbacké Bousso, Mame Thierno Birahim et d’autres ont reçu la bénédiction de Khadim Rassoul pour commencer les enseignements religieux dans la cité bénie de Touba. Ses disciples venaient de tous les horizons pour rejoindre la ville religieuse. Cependant, explique Ahmadou Ndiaye Nguirane, Cheikh Ahmadou Bamba n’a pas trop duré dans la ville. Il avait déjà réussi la mission que lui avait confiée son Seigneur : mettre en place cette cité bénie destinée à l’adoration d’Allah. Il quitte la terre de Touba en 1895 sans jamais y remettre les pieds. Mais, son rêve pour le rayonnement de sa cité continuait à se réaliser. Même en exil, raconte le spécialiste de cette cité, il priait pour Touba. De retour en exil, Cheikh Ahmadou Bamba n’est pas revenu dans sa cité. Le grand retour n’aura lieu que le 19 juillet 1927, soit 33 ans après. D’après Ahmadou Ndiaye Nguirane, Cheikh Ahmadou Bamba a toujours prié pour que Touba soit sa demeure éternelle. C’est pourquoi, quand il a rendu l’âme à Diourbel, il a été inhumé, le 19 juillet 1927, sur le site de la Grande mosquée de Touba, car de son vivant, il en avait émis la volonté. « Cheikh Ahmadou Bamba a une fois dit à Mame Thierno Birahim (son petit frère), que c’est ici qu’il le verra pour la dernière fois, en désignant l’endroit où il a été inhumé », rapporte M. Nguirane.
Quatre-vingt-quinze ans après sa disparition, les fondements de Touba, tels que voulu par son fondateur, sont jalousement préservés par ses prédécesseurs. Malgré une urbanisation galopante, l’enseignement coranique et la recherche scientifique restent dominants dans la cité de Bamba. Les mosquées, les écoles coraniques et les espaces dédiés à la recherche poussent comme des champignons. Son projet de société pour cette ville continue de faire son chemin, plus d’un siècle après.
PAR Farid Bathily
LE NIGERIA BANNIT LE RECOURS AUX MODÈLES ÉTRANGERS DANS LA PUB
Le pays d’Afrique de l’Ouest dit non à la représentation des personnes de nationalité étrangère sur ses supports publicitaires. Elles sont également interdites de prêter leur voix en off. La décision vise à promouvoir les talents locaux
À compter du 1er octobre 2022, le Nigeria ne va plus admettre que les mannequins étrangers s’affichent dans les publicités diffusées sur son territoire. Il en sera de même pour les artistes dont la voix est utilisée en off dans les films et autres œuvres cinématographiques.
C’est la décision prise par l’État fédéral à travers un communiqué du 22 août 2022. Le texte signé du Conseil national de régulation de la publicité (Arcon) inclut l’ensemble des supports publicitaires et de communication marketing, audiovisuels ou non.
"Les annonceurs, les agences de publicité, les médias et le grand public sont tenus d'en prendre note", indique le texte d’Arcon, laissant toutefois les contrats publicitaires en cours d’exécution aller à leur terme.
Mettre en avant le savoir-faire local
Selon le régulateur, cette mesure répond à une politique gouvernementale visant à mettre en avant le savoir-faire local afin de favoriser une croissance économique inclusive dans le secteur de la publicité au Nigeria.
Le pays est en effet connu pour son industrie cinématographique (Nollywood) – la deuxième au monde derrière celle de l’Inde – extrêmement dynamique, créative et florissante. Elle a ainsi généré 660 millions de dollars de recettes rien qu’en 2021. Soit plus de 2% du PIB du Nigéria.
Nollywood est si attrayant qu’il suscite de plus en plus la curiosité des acteurs du streaming tels que Netflix ou encore Amazon. Ces géants internationaux n’hésitant pas à y investir de gros moyens.
Mesure diversement appréciée
Le bannissement des modèles étrangers devrait également participer au renforcement du sentiment de fierté nationale autour de la filière du cinéma et de la publicité entre autres dans le pays. "Nous avons plus de 200 millions de visages, de top-modèles et de voix au Nigeria. Êtes-vous en train de me dire qu’aucune de ces voix n’est assez bien pour commercialiser un produit ?", s’est notamment demandé le patron de l’Arcon, Olalekan Fadolapo.
La décision fait énormément réagir les populations. D’aucuns saluent une mesure favorable à l’éclosion des talents locaux. D’autres en revanche dénoncent un protectionnisme mal avisé aux effets potentiellement pervers. "J’espère que vous serez aussi fier quand des Nigérians sont aussi bannis ailleurs", a ainsi moqué un internaute sur Twitter.
"Qu’est-ce que l’accent nigérian ? Comment distinguer exactement la voix éligible à l’usage en off de celle qui ne l’est pas alors qu’une personne de nationalité nigériane peut disposer de plusieurs accents ?", s’est par ailleurs demandé la chaîne de télévision locale de divertissement TVC dans un débat le 23 août 2022.
AUDIO
BIDEN S'ÉVITE UNE CRISE DU RAIL
René Lake revient au micro de VOA sur les implications de l'accord scellé entre l'exécutif, les compagnies ferroviaires et les syndicats. Cela empêche de fait, une grève qui aurait été très préjudiciable à l'économie américaine à l'approche des midterms
René Lake revient sur les implications de l'accord de principe scellé entre la Maison Blanche, les compagnies ferroviaires et les syndicats. Cela empêche de fait, une grève qui aurait été très préjudiciable à l'économie américaine à l'approche des midterms. Il est au micro de Yacouba Ouédraogo sur VOA.
DES DÉPUTÉS DE L’OPPOSITION ONT DES COMPORTEMENTS AUX ANTIPODES DE LA DÉMOCRATIE
Le Réseau des Universitaires Républicains (RUR), organe statutaire de l’Alliance Pour la République (APR), en sa qualité de structure d’alerte, de veille et de contribution, a dénoncé fermement, l’attitude de certains députés de l’opposition
L’installation de la 14e législature a été marquée par des scènes de violence. Le Réseau des Universitaires Républicains (RUR), organe statutaire de l’Alliance Pour la République (APR), en sa qualité de structure d’alerte, de veille et de contribution, a dénoncé fermement, l’attitude de certains députés de l’opposition, qui, indique Moussa Baldé, ministre de l’Agriculture et de l’Équipement rural par ailleurs Président du Conseil départemental de Kolda et Coordonnateur du RUR, par des comportements aux antipodes de la démocratie ont voulu empêcher le déroulement serein des travaux au sein de l’hémicycle, présentant ainsi au peuple sénégalais qui leur a fait confiance une face déplorable voire inquiétante de la deuxième institution de notre République.
Par ailleurs, le RUR félicite les députés de la majorité présidentielle qui par leur sens des responsabilités et leur maturité ont évité à l’hémicycle de basculer dans la violence. Il a aussi félicité vivement les forces de l’ordre dont le professionnalisme et le patriotisme ont permis de restaurer l’ordre et permettre le déroulement normal du scrutin pour l’élection du Président de l’Assemblée nationale. Dans un communiqué de presse, le RUR félicite également, son excellence, monsieur le Président, Macky Sall, sur le choix porté sur l’honorable député Amadou Mame Diop, comme le candidat de Benno Bokk Yakaar, pour le poste de président de l’Assemblée nationale. « Le RUR note pour s’en réjouir que ce choix éclairé a été judicieux car ayant obtenu l’adhésion des 83 députés de la majorité présidentielle.
Dans un monde en crise, terreau du populisme et de la violence politique, le RUR constate que grâce à son Excellence le Président Macky Sall, la flamme de notre démocratie reste plus que jamais vivace.
Le RUR félicite le Président Macky Sall et son gouvernement pour avoir piloter avec courage et détermination toutes les joutes électorales qui se sont déroulées en 2022, année éminemment politique, notamment avec les locales, les législatives mais aussi l’élection des membres du HCCT.
BIBLIOTHEQUE DAARAY KAAMIL, UN AMAS DE TRESOR AU COEUR DE TOUBA
La bibliothèque centrale de Touba, appelée « Daaray Kamil », (La maison du Coran), est un haut lieu de savoir et de mémoire. La production littéraire de Cheikh Ahmadou Bamba, des archives de grande importance, des exemplaires du Coran...
La bibliothèque centrale de Touba, appelée « Daaray Kamil », (La maison du Coran), est un haut lieu de savoir et de mémoire. La production littéraire de Cheikh Ahmadou Bamba, des archives de grande importance, des exemplaires du Coran et une documentation fournie et variée y pullulent, au grand bonheur des chercheurs et des disciples.
« Mon trésor est le saint Coran, la tradition du prophète et les règles de bonne conduite, nullement l’accumulation d’argent ou d’or ». Cette prose tirée des écrits de Cheikh Ahamadou Bamba, traduite en français et en anglais puis accrochée sous forme de banderole dans la salle de lecture de « Daaray Kaamil » suffit à montrer ce que représentent, ici, les « xasaïd » et les exemplaires du saint Coran gardés dans la bibliothèque pour Cheikh Ahamadou Bamba et la communauté mouride. Une autre prose sous forme de tableau d’art qui orne une autre partie de la salle.
Serigne Touba y indique la voie aux chercheurs : « Toi qui veux acquérir le savoir, révise à chaque fois, à chaque instant ». Beaucoup de disciples dans cette bibliothèque en ont une règle de conduite. Sac à dos contenant ses habits sous la table, Mbaye Guèye est très concentré sur le livre qu’il recopie. « Je suis à l’école coranique, dans un daara qui se trouve à Thiarène, une localité de la commune de Keur Madiabel dans le département de Nioro du Rip. Chaque année, à l’approche du Magal, qui consacre notre période de vacances, je viens ici à la quête du savoir et aussi pour mieux connaître Serigne Touba, mon guide religieux », confie-t-il. Mbaye Guèye n’est pas le seul à suivre cette recommandation du fondateur du mouridisme.
Assis à la même table que Mbaye Guèye, Cheikh Niang lie un livre écrit par un fils de l’actuel Khalife général des Mourides, Ahamadou Bamba Al-khadim Mountakha. Il est originaire de Touba et enseigne la philosophie au lycée de Sédhiou. Durant ses vacances, c’est à « Daaray Kamil » qu’il passe l’essentiel de son temps. Au même titre que ces disciples et chercheurs, des fidèles mourides, désireux de visiter le patrimoine littéraire légué par Cheikh Ahamadou Bamba, occupent les différentes salles de la bibliothèque.
Visiblement émerveillée par le nombre de documents qu’elle vient de voir dans la salle dédiée aux « xasaïd », Sokhna Asta Guèye s’exclame : « C’est énorme » ! Il fallait une visite dans cette bibliothèque pour croire qu’un être, fût-il un élu de Dieu, peut à lui seul écrire tout cela. Selon Ousseynou Diattara, un agent en service à la médiathèque, en plus des visiteurs et disciples, presque toutes les délégations de diplomates qui viennent à Touba font un tour pour découvrir la bibliothèque.
Une œuvre de Serigne Abdoul Ahad Mbacké
Le nom de la bibliothèque Cheikhoul Khadim écrit en arabe et qui défile en boucle à la devanture attire les visiteurs. « Daaray Kamil », de son nom populaire, se situe entre la grande mosquée et le cimetière. Construit en 1977, cet édifice est composé de quatre salles qui encerclent le mausolée du troisième Khalife général des Mourides, Cheikh Abdoul Ahad Mbacké. D’ailleurs, c’est ce fils du fondateur du mouridisme qui l’a fait construire durant son khalifat (1968-1988). À droite de la porte principale, se trouvent l’administration et la salle d’exposition dans laquelle sont accrochées des photos de l’inauguration, mettant en exergue le premier Président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senhor, et Cheikh Abdoul Ahad Mbacké. À une encablure, se dresse la salle de lecture. C’est une médiathèque avec des tables, des chaises, un studio de télévision numérique, Cheikhoul Khadim Tv, et des écrans qui diffusent en boucle des « xasaïd ».
Elle fait face à la salle 2 dédiée à l’œuvre littéraire de Cheikh Ahamadou Bamba. Ces ouvrages, une collection de « xasaïd », sont classés par thème sur une trentaine de rayons de quatre étagères de couleur grise qui mesurent au moins 20 mètres chacun. Il s’y ajoute une vingtaine de petits rayons adossés au mur tout le long de la salle. Ce même système prévaut dans la salle 1 située derrière le mausolée. Elle est dédiée aux exemplaires du Coran et aux matériels personnels du fondateur du mouridisme. Dans d’autres espaces dédiés sont conservés des documents divers, les archives administratives… La salle d’exposition rend également ce bâtiment majestueux.
FIGURES FEMININES DU MOURIDISME, LES FLEURS DE LA DEVOTION
Symboles de piété, de vertu et de générosité, elles ont marqué l’histoire comme bien d’autres membres de la famille de Cheikh Ahmadou Bamba et de son cercle d’influence.
Symboles de piété, de vertu et de générosité, elles ont marqué l’histoire comme bien d’autres membres de la famille de Cheikh Ahmadou Bamba et de son cercle d’influence. Sokhna Aminata Lô, une de ses épouses, Sokhna Maïmouna et Sokhna Mbène « Ngabou », ses filles, se sont inspirées de la vertueuse Mame Diarra Bousso, illustre mère du fondateur du Mouridisme, pour rendre à cette communauté de foi et à l’Islam d’innombrables services. Les figures féminines mourides ayant contribué au rayonnement de la religion musulmane et au bien-être de l’humain tout court sont nombreuses. Elles sont dignes du récit qui les célèbre. Celles dont les portraits sont, ici, dressés n’en sont pas moins honorables.
SOKHNA AMINATA LÔ, ÉPOUSE DU CHEIKH
L’auréole de la martyre
Parmi les saintes épouses de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, Sokhna Aminata Lô n’est pas des moins illustres. La mère de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, premier Khalife du fondateur du Mouridisme, et de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké s’est entourée de l’auréole des martyrs après avoir consenti des sacrifices pour le rayonnement de l’Islam. Elle est considérée comme la première femme martyre de la voie mouride.
Issue de la grande famille religieuse de Serigne Mokhtar Ndoumbé de Coki, Sokhna Aminata Lô est la mère de deux figures emblématiques de l’Islam et du Mouridisme : Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, premier Khalife de Serigne Touba, et Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké. Un jour, raconte Serigne Cheikh Thioro Bassirou Mbacké, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké avait réuni son entourage juste avant la prière de l’Asr (Takusaan) pour leur dire ceci : « Le Créateur m’a informé qu’il va prendre mon âme, mais il m’a aussi signalé que s’il y avait une personne disposée à me suppléer, ce sacrifice me permettrait de poursuivre ma mission sur terre ». Attentive à ce discours du Cheikh, Sokhna Aminata Lô, soumise et vertueuse, lui répondit : « Je suis avec mes nobles maîtresses (coépouses), Sokhna Awa Bousso et les autres. Je suis votre dévouée esclave, alors je suis prête à vous remplacer pour rejoindre notre Seigneur. Je n’ai que deux enfants, Serigne Mouhamadou Moustapha et Serigne Mouhamadou Lamine Bara ; je vous les confie et vous demande de veiller sur eux ». Serigne Touba, poursuit Serigne Cheikh Thioro Bassirou Mbacké, accepta la proposition de son illustre épouse. Et il en fut ainsi.
À l’approche du crépuscule, relate-t-il, « Sokhna Aminata Lô est allée chercher de l’eau ou du bois de chauffe dans la clairière. Et c’est là qu’elle a été mordue par un serpent ». À son retour, elle trouva le Cheikh en train de prier. Elle finit par succomber à ses blessures. À la fin de la prière, Serigne Bara, alors âgé de sept mois et qui rampait vers sa mère, a été pris et soulevé par son père. Une situation très difficile ».
Ainsi se sacrifia-t-elle pour sa famille et pour toute la communauté islamique. Cette épreuve a sans doute fait de son fils, Serigne Mouhamadou Lamine Bara, un homme d’une dimension exceptionnelle, aux pouvoirs mystiques reconnus. Le Cheikh a alors fait cette prédiction pour son fils : « Mouhamadou Lamine, tu seras élevé à une station qui suscitera l’envie de tes contemporains. Et quiconque sera avec toi aura la félicité ici-bas et au-delà. Il entrera au paradis. N’en doute jamais (…) ». Analysant la portée de ce sacrifice, Serigne Cheikh Thioro Bassirou Mbacké en dit ceci : « C’est ce qui explique la puissance ésotérique du fils du Cheikh. Il est facile de remarquer la baraka d’une femme soumise à travers ses enfants. L’histoire de Birame Yacine Boubou est connue de tous, tellement son acte de bravoure a été chanté, alors qu’elle ne s’était sacrifiée que pour le pouvoir temporel. Vous pouvez donc imaginer à quel point un sacrifice pour la religion musulmane est important ».
SOKHNA MAÏMOUNA MBACKÉ, FILLE CADETTE DU CHEIKH
Une œuvre intemporelle
Elle fut un modèle accompli de la femme vertueuse. Sa formation intellectuelle et son éducation islamique, conformément à son statut, ont fait d’elle une savante, une éducatrice, mais aussi une poétesse réputée.
Sokhna Maïmouna Mbacké, fille de Cheikh Ahmadou Bamba et de Sokhna Khary Darou Sylla, a vu le jour en 1925 à Diourbel. Elle est réputée être une grande formatrice de disciples. La jeune génération qui a eu la chance de connaître la fille cadette de Cheikhoul Khadim retient d’elle ces qualités : piété, générosité, douceur et hospitalité. De Darou Mouhty à Touba, en transitant par Darou Wahab, partout où elle est passée, elle y a laissé une empreinte indélébile. Engagée dans la recherche éternelle de l’agrément de Dieu, elle a été un symbole dans la concrétisation du pacte d’allégeance derrière les vénérables Khalifes de Khadimou Rassoul. De Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké à Serigne Saliou Mbacké, elle a été le prototype du disciple dévoué et du soldat présent à tous les grands combats pour le triomphe de la cause de l’Islam. Sokhna Maïmouna, c’est cette Mouride dont l’amour sincère à l’endroit de son père et maître spirituel n’avait de limite. C’est pourquoi elle s’est engagée dans des chantiers et actions multiples pour le servir.
Cette disciple éprise d’amour pour son guide, Khadimou Rassoul, et animée d’une ferme résolution à le servir a fait de la réhabilitation du Laylatul Qadr (Nuit du destin) dans le Mouridisme un sacerdoce. Durant l’édition de 1998, Serigne Saliou Mbacké, alors Khalife général des Mourides, lui a dit ceci : « Soyez convaincue que les actions que vous entreprenez au service de votre père et maître spirituel sont agréées par Cheikhoul Khadim ». Ce à quoi celle qui a disparu en 1999 a répondu : « Soyez aussi assuré que tout ce que vous voulez dans ce jour, vous et vos illustres prédécesseurs, tout ce que vous y formulez comme prières sera exaucé par Cheikhoul Khadim. Puisse Dieu, par la grâce de l’Élu le plus pur (Al Muçtafâ) et la bénédiction de son vénéré père, Serigne Touba, nous gratifier des bienfaits que renferme le Laylatul Qadr ».
Sokhna Maïmouna Mbacké, à l’instar de ses frères, n’avait comme compagnon inséparable que le Saint Coran et les « Xassaïd » de Serigne Touba. Elle était une référence pour plusieurs générations de femmes qui ont trouvé en elle l’incarnation d’un modèle à tous ses contemporains. Les dignes continuateurs de son œuvre ont hérité d’un legs au poids mystique sans précédent et nécessitant beaucoup de courage et d’abnégation pour mener à bien cette mission.
Les témoignages sur la vie et l’œuvre de cette femme vertueuse, éducatrice hors pair, continuent d’émouvoir la communauté mouride grâce à ses qualités exceptionnelles. Pérenniser son œuvre constitue un défi pour toute une communauté.
SOKHNA MBÈNE « NGABOU », FILLE DU CHEIKH
Une éducatrice au service de l’humain
Khadim Rassoul a donné le nom de Seydatouna Aïcha, l’épouse du Prophète Mohamed, à plusieurs de ses filles et dans son cercle d’influence. Sokhna Mbène « Ngabou », qui s’appelle, en réalité, Aïcha, est l’une d’elles. Elle partage ce prénom avec Sokhna Aïssatou « Gawane », Sokhna Aïssatou « Cadior ».
Sokhna Aïcha Mbacké est née en 1922 à Ngabou, localité située entre Mbacké et Diourbel. Plus connue sous le nom de Sokhna Mbène Ngabou, son nom est lié à cette localité où elle a vu le jour. De l’avis de son fils, Serigne Modou Lô, porte-parole des petits-fils de Cheikh Ahmadou Bamba, Serigne Touba avait érigé, en 1917, une école coranique dans cette localité et y avait logé une partie de sa famille, dont la mère de Sokhna Mbène, Sokhna Faty Khoudia Mbacké, elle-même fille de Serigne Mbacké Ibrahima ou Serigne Mbacké Cadior. Elle était véridique et aimait tous ceux avec qui elle partageait ce caractère, cette vertu. Elle était une grande éducatrice.
Serigne Modou Lô Ngabou est réputé être d’une grande simplicité, d’une grande ouverture d’esprit, d’une rigueur et d’une droiture déconcertante ; des qualités inculquées par une mère vertueuse qui a été au service de la communauté islamique, de l’humain. Il rapporte que le nom de la localité, associé à celle de sa mère, trouve son origine dans ce récit : « Très jeune, un jour, elle et sa mère ont rendu visite au Cheikh à Diourbel. Elle n’a cessé de manifester à sa mère sa volonté de rentrer à Ngabou. Le Cheikh demande alors à son épouse l’objet des sollicitations de sa fille. « Elle insiste pour que l’on retourne à Ngabou ». Et le Cheikh de dire : « Je devrais donc la faire résider à Ngabou, afin qu’elle en fasse sa propriété ». C’est ce qui est à l’origine de cette appellation ».
Serigne Modou Lô Ngabou souligne que sa mère était en bons termes avec tous ses frères et sœurs, et ils le lui rendaient bien. Ils la consultaient souvent devant certaines situations, depuis Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké. Ce dernier l’avait recommandée à des disciples qui, jusqu’à ce jour, lui sont restés fidèles malgré son rappel à Dieu, en 1984, après avoir bien rempli sa mission terrestre.
Sokhna Aïcha Mbacké était connue très dégourdie et entreprenante. D’ailleurs, à l’époque, elle prenait en charge beaucoup d’étudiants de l’Université de Dakar. Elle faisait des pieds et des mains pour leur venir en aide face aux difficultés auxquelles ces derniers étaient confrontés. « Ils venaient constamment lui rendre visite. Je me rappelle, une fois, ils sont venus en nombre impressionnant. Elle m’a alors chargé de les conduire auprès de Serigne Abdoul Ahad Mbacké et de lui faire savoir que si elle prend soin de ces étudiants, c’est juste par rapport à ce que les autorités coloniales ont fait subir au Cheikh. Ces jeunes ayant subi leur formation ne se gênent pas à se confier au Cheikh. Cela prouve juste que le Cheikh a pris le dessus sur elles. C’est la raison pour laquelle elle leur vient en aide », rapporte son fils. Serigne Modou nous apprend également que beaucoup parmi ces étudiants sont devenus, aujourd’hui, de hautes personnalités. Ils ont maintenu le contact et racontent combien l’appui de Sokhna Mbène les a aidés à franchir bien des obstacles. « Quand elle se rendait à Dakar, ces étudiants venaient réciter les panégyriques de Khadim Rassoul dans sa résidence », explique Serigne Modou Lô. Les gardiens de la tradition à Ngabou nous apprennent que les traits dominants de Sokhna Mbène Ngabou étaient, outre une forte personnalité, son culte du travail et sa générosité légendaire.
De son vivant, Sokhna Mbène Mbacké avait choisi le 27ème jour du mois de Tabaski pour organiser des actions de grâce en hommage à Khadim Rassoul. Toutefois, de nos jours, le Magal de Ngabou a lieu le 17ème jour du mois de « digui Tabaski », date à laquelle Sokhna Mbène est venue au monde.
TOUBA A SUIVI LA TRAJECTOIRE DE VIE DE SON FONDATEUR
Cheikh Guèye, géographe et écrivain, s’intéresse à l’articulation entre l’espace et l’identité à Touba. L’auteur de « Touba, la capitale des mourides », aborde plusieurs questions relatives à l’évolution de la ville sainte - ENTRETIEN
Docteur Cheikh Guèye, géographe et écrivain, s’intéresse à l’articulation entre l’espace et l’identité, notamment dans la ville de Touba. Dans cet entretien, l’auteur de « Touba, la capitale des mourides », aborde plusieurs questions relatives à l’évolution de la ville sainte.
Le sacré qui produit une ville. L’exemple de Touba est-il commun dans le monde ?
Cet exemple n’est pas rare. Le sacré produit souvent la ville. D’ailleurs, presque toutes les fondations de cité sont soit précédées, soit accompagnées par le sacré et se définissent par lui. La cité est toujours un mariage harmonieux entre le sacré et le profane qui est également l’autre force motrice de la ville, l’homme étant à la fois matière et esprit. Mais Touba est une ville religieuse et sacrée, la fonction religieuse est essentielle et a la particularité de peser sur tout le reste. C’est elle qui engendre l’organisation spatiale, la gestion urbaine, les principaux évènements (magals et célébrations), la vie quotidienne, etc. En cela, Touba se rapproche des autres grandes cités religieuses comme La Mecque, Homs ou encore le Vatican.
La notion de ville religieuse dépend également de la genèse, des paysages, des représentations, des fonctions. La fonction fondatrice du mythe et du sacré est sans doute importante pour la caractériser. Touba est le reflet et la capitale d’une confrérie soufie musulmane, avec des traits de caractère purement sénégalais et c’est cela qui fait son originalité en tant que cité sacrée dans le monde.
Touba, dont le site a été découvert en 1887, est la troisième fondation de Cheikh Ahmadou Bamba après Darou Salam et Darou Marnane. Mais cette fondation revêt une signification particulière par rapport à toutes les autres fondations. Elle entre dans la série de tentatives de création de retraites spirituelles personnelles (comme Darou Salam) ou de prise en charge des nouveaux disciples, qui ont imprimé le sacré dans cet espace constituant le cœur du pays mouride. Mais elle est surtout perçue par le fondateur comme le signe d’une révélation qui, avec d’autres faits, notamment la « rencontre » avec le Prophète, marque l’aboutissement de sa recherche mystique.
La fondation est donc le fait d’un agent religieux et a un sens religieux, mystique et soufi. Déjà, avant la fondation proprement dite, Touba était d’abord un mythe, un rêve, celui d’un ascète tout tourné vers le recueillement et la contemplation. Entre cette découverte-fondation et la concession foncière faite par les autorités coloniales pour la construction de la mosquée, Touba a suivi la trajectoire de vie de son fondateur qui, malgré exils et « résidences surveillées », a multiplié les efforts pour que le rêve se réalise.
Quelle est la part de légende dans le récit mouride de la création de Touba ?
Cette part de légende est très importante et est une composante de la production de la sacralité et de la sainteté. Toutes les versions considèrent la découverte-fondation de Touba comme un moment d’inspiration divine. Trois ans après la fondation de Darou Salam, le Cheikh reçoit l’ordre de fonder Touba, à la suite d’une retraite spirituelle (khalwatou) de 30 à 40 jours au pied d’un « sékhaw » (combretum micrantum), situé aujourd’hui à l’est de Ndame et ayant donné son nom à un grand quartier. Depuis ce moment, il n’avait plus d’autres soucis que de découvrir Touba. Disparu dans la brousse pendant plusieurs jours et arrivé à l’emplacement actuel de la mosquée où il y avait un grand arbre « bepp » (sterculea), il eut la révélation et ceintura littéralement l’arbre en s’écriant « Voici l’arbre de la félicité (Tuubaa) ! ». C’est au pied de cet arbre qu’un chasseur peulh du nom de Boubou Dia le découvre et avertit disciples et parents qui étaient déjà à sa recherche. Cette version de la légende de la fondation est la plus fréquemment racontée et également la plus proche de la réalité.
Quelle est l’origine du fameux « titre foncier » de Touba ?
Le titre foncier de Touba constitue l’instrument juridique de sécurisation de la propriété issue du « droit de hache » que détient collectivement la famille de Cheikh Ahmadou Bamba depuis 1887. Il devait permettre de protéger la ville contre toute tentative d’appropriation juridique externe à la confrérie aujourd’hui et dans le futur. Un événement décisif pour la légitimation juridique de ce statut particulier survient le 17 septembre 1928 : « un bail dit de longue durée pour une période de 50 ans et concernant un terrain rural ayant la forme d’un carré parfait d’une superficie de 400 hectares sis sur la route allant de Mbacké à Sagata à une distance d’environ 8,5 kilomètres de Mbacké » est accordé par le Gouverneur de la colonie à Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké. Cette première concession foncière est reconnue unanimement comme étant à l’origine foncière et territoriale du statut particulier de Touba.
Le titre foncier de Touba existe donc bel et bien. Immatriculé au nom de l’État colonial, puis sénégalais, sous le numéro 528, il englobe la grande mosquée et s’étendait sur 400 ha autour. Il a été établi le 11 août 1930 sur réquisition du Gouverneur général de l’Afrique occidentale française (Aof) et était conservé au Service des Domaines de Diourbel.
Pouvez-vous nous toucher un mot sur les principales séquences de l’évolution démographique de Touba ?
Entre 1970 et 1976, la population est passée de 6 427 à 29 738 habitants, soit un taux de 29 % par an pendant six années. Cette croissance exceptionnelle exprime un autre tournant décisif, l’accession au khalifat de Serigne Abdoul Ahad qui voit l’explosion urbaine de Touba, après ses appels répétés au peuplement et l’impact de la sécheresse. Dans cet ordre d’idées, la mise en place d’infrastructures a également joué un rôle important. Leur construction a rendu la ville « vivable » et attiré, de manière permanente ou saisonnière, les populations du pays toubien. Serigne Abdoul Ahad est, sous ce rapport, l’initiateur du peuplement massif de la ville dans sa configuration actuelle.
Entre les deux recensements généraux de 1976 et de 1988, la population de Touba s’est accrue de 12,7 % par an, passant de 29 738 à 125 127 habitants. Cette période correspond à l’une des phases majeures de l’explosion urbaine, malgré la baisse relative du taux d’accroissement par rapport à l’ensemble de la période 1958-1988. Elle a vu la ville acquérir ses principales infrastructures, s’étaler par des lotissements massifs, intégrant plusieurs villages satellites. L’accroissement naturel, l’immigration et l’apport des villages intégrés en sont les principaux déterminants.
Mais les statistiques sur la population de Touba font l’objet d’un grand doute scientifique qui interroge les méthodes, les auteurs et les moments des recensements. Depuis 2000, c’est l’incertitude totale sur les chiffres des populations de Touba qui s’étalent, selon les sources et les estimations, entre 500 000 et 2 000 000. Si Touba est devenue la deuxième agglomération du pays après Dakar, elle le doit à une croissance démographique continue et exceptionnelle sur une longue durée.
Quels sont, aujourd’hui, les principaux défis de ce que certains appellent « un village urbain » ?
Je conteste cette notion de village urbain qui est passéiste et ne correspond en rien à ce que la cité de Touba est devenue, c’est-à-dire une métropole qui étend ses tentacules vers tous les points cardinaux. Elle a tellement grandi que ses besoins sont nombreux et complexes et demandent une mobilisation de moyens plus importants de la part de l’Etat, de la commune de Touba et de tous les « dahiras » qui prennent leurs parts dans les investissements énormes attendus. L’exemple de Touba Ca Kanam, qui investit des milliards depuis cinq ans, représente une spécificité toubienne. Il a été précédé par des « dahiras » comme Matlaboul Fawzeyni, Hizbut Tarkhiyya qui ont ouvert la voie d’une participation plus importante des « dahiras » dans l’urbanisation et la gestion de la cité. Ils tentent de répondre aux principaux défis que sont les infrastructures et équipements d’éducation et de santé, l’accès à l’eau et à l’assainissement, l’hygiène et la gestion des déchets, la sécurité, la gestion des eaux pluviales, la lutte contre le chômage des jeunes et la précarité sociale, etc.
Comment envisagez-vous son avenir dans ce contexte de mondialisation et d’expérimentation de nouvelles libertés face aux interdits (alcool, prostitution, jeux de hasard…) ?
Comme toutes les villes, Touba fait face à la révolution numérique et aux bouleversements économiques et sociétaux que génère la mondialisation. Sa jeunesse est tout aussi exposée aux flux d’informations et d’idées qui passent par les réseaux sociaux et Internet. Et les relations entre marabouts et disciples vont beaucoup changer. Mais la ville de Touba, du fait de son identité religieuse et de ses valeurs spirituelles issues des enseignements de Cheikhoul Khadim, est un espace de résistance à la mondialisation et constitue une échappatoire par rapport aux tentations de l’alcool, du tabac, de la prostitution, des jeux de hasard, de la musique profane, etc. Touba est la première ville non-fumeur, non alcohol (sans alcool) du monde. Le contexte actuel valide en quelque sorte les choix d’interdiction du visionnaire qu’était Serigne Abdoul Ahad qui aident tous les Toubiens à se protéger contre la mondialisation débridée et ses effets dévastateurs sur les croyances et les âmes.
PAR Farid Bathily
HOUSE OF THE DRAGON, LE PRÉQUEL QUI VEUT DÉTRÔNER GAME OF THRONES
La série télévisée américaine diffusée depuis le 21 août 2022 suscite un grand engouement. Et les records d’audience de ses débuts rappellent à bien des égards l’œuvre à succès dont elle est dérivée
Depuis bientôt deux semaines, la série télévisée House of the Dragon (La Maison du dragon) mobilise plusieurs millions de téléspectateurs à travers le monde. L’œuvre diffusée de façon hebdomadaire à raison d’un épisode d’une heure environ tous les dimanches sur la chaîne de télévision américaine HBO, n’a pas seulement conquis le public des États-Unis.
Tout le monde ou presque en parle sur les réseaux sociaux et au-delà. Et l’heure tardive de la diffusion pour les personnes se trouvant hors du continent américain notamment (21 heures sur la côte Est, soit en pleine nuit en Afrique et en Europe) ne semble pas être un obstacle pour son audience.
Magnifique saga
Les deux premiers épisodes ont cumulé 20 millions de téléspectateurs aux États-Unis, selon l’annonce de HBO quelques heures seulement après la diffusion du second. Ce dernier vu par 10,2 millions de personnes réalise même une progression d’audience de 2% par rapport à l’épisode inaugural dont les chiffres représentaient déjà le record de lancement dans l’histoire de la chaîne de télévision cryptée. À cela s’ajoutent les téléchargements illégaux dont l’ampleur reste insoupçonnée.
Un tel engouement fait penser à Game of Thrones (GOT) ou Le Trône de fer en français dont la série est le spin-off. Adaptation du livre mythique "Feu et Sang" de George R. R. Martin, House of the Dragon raconte en effet les coulisses de la perte d’influence des Targaryens, une dynastie qui a longtemps régné sur le trône de fer grâce à ses dragons entre autres, avant d’en être dépossédé sur fond de rivalité familiale. La succession du roi Viserys Targaryen (Paddy Considine) étant l’objet d’une lutte d’influence entre son frère Daemon (Matt Smith) et sa fille Rhaenyra (Emma D'Arcy) disqualifiée de fait dès la naissance à cause de son sexe.
Sur les traces de GoT
"Voici la vérité que personne n’a jamais eu le courage de vous dire : ils aimeraient mieux mettre le royaume à feu et à sang que de voir une femme s’asseoir sur le trône de fer", lance notamment Rhaenys Targaryen (Eve Best), appelée "reine qui ne l’a jamais été", à la princesse dans l’épisode 2.
House of the Dragon est une magnifique saga, à l’image de Game of Thrones. D’un réalisme bluffant au plan visuel, la fiction lève le voile sur le patriarcat autour de la royauté. La réalisation y a par ailleurs mis les moyens, à raison de 200 millions de dollars prévus pour les dix épisodes de cette première saison.
Il reste à voir si cet emballement du début se traduira à terme en un succès comparable à celui de GOT. Cette dernière diffusée entre avril 2011 et mai 2019 – soit huit en saisons au total –, est en effet auréolée de plusieurs récompenses dont des Emmy Awards dans la catégorie série dramatique. Elle figure également dans le top 100 des séries les mieux écrites de l’histoire de la télévision, selon le syndicat des scénaristes américains.
HBO a en tout cas d’ores et déjà annoncé le renouvellement de House of the Dragon pour une deuxième saison. Et cela pourrait bien ne pas être la dernière.
SERIGNE MOUNTAKHA BASSIROU MBACKE, UN RELIGIEUX MULTI DIMENSIONNEL
Hommes d’esprit et de sciences, âme bienveillante, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, Khalife général des Mourides, est un être charmant en plus d’être un guide religieux charismatique.
Hommes d’esprit et de sciences, âme bienveillante, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, Khalife général des Mourides, est un être charmant en plus d’être un guide religieux charismatique. C’est Serigne Ahmadou Bamba Al-Khadim Mountakha Mbacké, son fils, et quelques membres de son cercle proche qui nous livrent, ici, une part de ce religieux multidimensionnel.
Qu’elles sont lourdes, les responsabilités qui pèsent sur lui ! Mais, elles ne semblent pas affecter la charmante bienveillance de celui dont le khalifat a été inauguré, le 10 janvier 2018, après le rappel à Dieu de Serigne Sidi Moukhtar Mbacké. Serigne Mountakha Bassirou Mbacké est auréolé de toutes les belles vertus d’un guide religieux. Pour ce fils de Serigne Bassirou Mbacké, le mieux pour un Mouride est d’arborer les habits de disciple et ne de jamais s’en séparer. C’est son fils, Serigne Ahmadou Bamba Al-Khadim Mountakha Mbacké qui livre, ici, une part de son illustre pater. Trouvé chez lui, dans le quartier de Darou Miname, il impressionne par sa modestie. C’est à peine s’il dirige son regard sur son interlocuteur. Avec le sourire qui fait penser à son père, Serigne Ahmadou raconte son modèle avec joie et humilité.
Bonnet bien en évidence, la barbe blanchie, les phrases entrecoupées de sourires, le fils de l’actuel Khalife général des Mourides est tout aussi séduisant que son père. « C’est un amoureux du savoir. Malgré son âge, il continue de lire des livres », a-t-il dit, parlant de son père. Cependant, ce n’est pas ce qui l’impressionne le plus. En effet, bien avant d’être Khalife, Serigne Mountakha donnait régulièrement le « hadiya » (don pieux) aux fils et petits-fils de Serigne Touba. Bien qu’il soit devenu Khalife général, il continue à le faire. Il a gardé les habits de disciple. Il a les mêmes habitudes qu’avant d’être Khalife », confie-t-il admiratif.
Quand le sage convoque ses fils
En effet, malgré ses lourdes responsabilités, le sage de Darou Miname reste très attaché à l’humain. D’après son fils, « Serigne Mountakha a toujours mis l’humain au cœur de toutes ses actions. Il ne peut pas dire non à une sollicitation. C’est un homme généreux ».
Mais, ce qui impressionne le plus Serigne Ahmadou à propos de son père, c’est sans nul doute son stoïcisme. D’après lui, il est très difficile de connaître les peines de Serigne Mountakha : « Il ne se plaint jamais. Les rares fois qu’il partage des choses, c’est avec ses enfants, et ce n’est pas pour se plaindre, mais pour leur apprendre la vie ».
En effet, malgré l’âge avancé de ses fils, il continue de leur rappeler certaines valeurs essentielles de l’existence terrestre. « Il arrive qu’il nous fasse venir pour un discours parfois très ferme. Pour lui, on ne transige pas avec l’orthodoxie. Il estime qu’on ne finit jamais d’apprendre. Il ne veut pas voir ses enfants être mêlés à des futilités. C’est pourquoi il continue d’être très ferme, malgré sa joie de vivre contagieuse », révèle le fils, fasciné par l’humanité de « Borom mbegté », surnom que lui a valu son sourire légendaire.
« Il n’a jamais porté de gris-gris »
Toujours attaché à la lecture du Coran, Serigne Mountakha Mbacké est quelqu’un qui ne s’intéresse guère aux mondanités, même si sa mise toujours soignée peut faire penser le contraire. Selon les révélations de l’auteur du livre « Cheikh Ahmadou Bamba, le serviteur du Prophète (Psl) et le leader spirituel », c’est quelqu’un qui ne croit qu’en Dieu. Pour lui, rien ne compte, rien n’arrive à l’homme si ce n’est ce que le Seigneur a décidé de lui réserver. Par exemple, dit-il, « il n’a jamais porté de gris-gris, encore moins utilisé de potion magique. Même quand quelqu’un prie pour lui pour des mondanités, c’est à peine s’il lui accorde de l’importance ».
Le natif de Darou Kayel, près de Mboul, en 1933, est dans une quête perpétuelle du savoir. S’il est à l’aise dans le maniement de la langue arabe, c’est parce qu’il accorde une importance capitale à l’apprentissage. C’est ce qui l’a conduit en Mauritanie. Selon les confidences de son fils, après avoir fait ses classes chez les différents érudits du pays, il a demandé à son père, Serigne Bassirou Mbacké, l’autorisation d’aller poursuivre sa quête dans ce pays. L’objectif pour lui était de parfaire ses connaissances en grammaire arabe. Il y passe quelques mois avant de rentrer : « Au début, son père n’était pas très favorable. Mais, il a fini par le convaincre ».
Pour Mame Thierno Mbacké, son fils aîné, si Serigne Mountakha a une préoccupation principale, c’est bien la quête de connaissances utiles. Bien avant d’être Khalife, dit son fils, il avait créé des « daaras », lieux de transmission du savoir avec une prépondérance accordée aux sciences islamiques, l’exégèse (tafsir), la récitation (tajwid), la théologie, avec une pédagogie basée sur la mémorisation.
Coordonnateur du Comité d’organisation du grand Magal de Touba, Serigne Ousmane Mbacké Gaïndé Fatma côtoie le Khalife depuis plusieurs années. C’est à peine s’il ne perd pas le verbe quand il s’agit de parler de Serigne Mountakha. « Ce qui est frappant avec le Khalife, c’est le respect qu’il accorde à l’humain, peu importe son statut social ». Mais, ce qui l’a le plus marqué, c’est le rapport du Khalife à l’orthodoxie. Sa chance, estime-t-il, c’est qu’il a fréquenté tous les derniers Khalifes de Serigne Touba et il était très proche d’eux. « Avec eux, il s’est toujours comporté comme un disciple et ils lui vouaient une très grande estime. C’est cette attitude de disciple dévoué qu’il a gardée malgré son accession au khalifat », confie-t-il, heureux de pouvoir partager des moments avec lui.
Cependant, d’après Serigne Ousmane Mbacké, tout ceci n’est qu’un retour à l’orthodoxie. En effet, rappelle-t-il, Serigne Touba avait réuni sa descendance pour leur rappeler qu’il ne s’agit pas d’être son fils pour prétendre avoir les grâces du Seigneur. « Il faut œuvrer pour le Seigneur. C’est la voie tracée par Cheikh Ahmadou Bamba. Serigne Mountakha s’y est toujours inscrit. Quand il parle, il peut donner l’impression d’être un fanatique, mais c’est ce qu’il vit ; ce qu’il sent au quotidien », a-t-il insisté.
L’humain
Fidèle à l’orthodoxie, la « dahira » Hizbut Tarqiyyah accorde une priorité absolue à la quête du savoir. Une approche qui épouse bien la vision du Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké. Selon Serigne Youssou Diop, responsable moral de Hizbut Tarqiyyah, depuis les années 1990, le charismatique guide religieux suit avec beaucoup d’intérêt leurs activités. « Il était toujours impressionné par ce qu’était en train de réaliser la « dahira ». Il n’hésitait pas à nous rendre visite régulièrement quand on était à la Sicap rue 10, même s’il le faisait dans l’anonymat. À Porokhane, c’est lui qui nous accueillait. On passait la nuit à réciter les panégyriques. Il dirigeait la prière de l’aube avant de belles causeries », se souvient Serigne Youssou Diop. Pour lui, Serigne Mountakha Mbacké est membre de la « dahira » depuis très longtemps. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dit-il, il a amené son fils, Serigne Abo, pour en faire un membre à part entière, alors qu’il avait fini ses études coraniques. « C’est un passionné de savoir. Mais, ce qui est le plus impressionnant avec lui, c’est l’importance qu’il accorde à l’humain. Il ne s’attarde jamais sur les insuffisances d’une personne. Pour lui, tout être humain est un ensemble de valeurs, de bonnes choses à chérir. Les défauts n’ont pas d’importance. Et cela, quel que soit le statut social de la personne », renchérit le responsable moral de Hizbut Tarqiyyah. Les éloges enthousiastes des proches de ce sage aimé de tous ne font que confirmer cette bienveillance qui a conquis les cœurs.
BILAN PROVISOIRE DU MAGAL DE TOUBA
La Brigade nationale des sapeurs-pompiers annoncent avoir effectué quelque 235 interventions à Touba et sur les routes menant vers cette ville religieuse, disant constaté 21 décès
Touba, 14 sept (APS) – La Brigade nationale des sapeurs-pompiers annoncent avoir effectué quelque 235 interventions à Touba et sur les routes menant vers cette ville religieuse, disant constaté 21 décès, a-t-on appris, jeudi, du chargé de la communication de BNSP, le lieutenant-colonel Cheikh Tine.
Faisant un bilan d’étape du Magal, l’officier renseigne que ces interventions qu’ils effectuent depuis le 10 septembre ont concerné 574 victimes dont 21 décès, soit un mort de plus après le dernier décompte.
Ces décès, pour l’essentiel, sont liés à des accidents de la circulation, a indiqué le lieutenant-colonel Cheikh Tine
Il précise qu’un décès causé par électrocution et un autre résultant d’une maladie ont été dénombrés au cours de la même période.
Des milliers de pèlerins provenant des 14 régions du Sénégal et d’autres pays se dirigent vers Touba pour la commémoration annuelle de l’exil au Gabon de Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), le fondateur de la confrérie musulmane des mourides.