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17 juin 2025
Par Mamouda Ibra Kane
DIPLOMATIE , SÉNÉGAL PAYS DE PARADOXES
Le Sénégal : un pays, deux faces de Janus. Deux faces d’une même pièce. Côté pile, une diplomatie politique et religieuse rayonnante sur la scène africaine et mondiale. Côté face, un processus électoral hideux en vue des Législatives du 31 juillet.
Le Sénégal : un pays, deux faces de Janus. Deux faces d’une même pièce. Côté pile, une diplomatie politique et religieuse rayonnante sur la scène africaine et mondiale. Côté face, un processus électoral hideux en vue des Législatives du 31 juillet. Et l’administration n’aide pas à y voir plus clair. Autrement dit, la diplomatie intérieure est en panne.
Commençons par ce qui va. Petit bout de terre de moins de 200 mille km2, le Sénégal a souvent fait preuve de grandeur au plan diplomatique. De Senghor à Sall en passant par Diouf et Wade, la diplomatie sénégalaise brille sur la scène internationale tant par la qualité de ses ressources humaines que par ses positions à la fois de fermeté et de souplesse.
Le conflit israélo-palestinien avec la fameuse visite du Président Léopold Sédar Senghor rendue à Golda Meir, surnommée la grand-mère d’Israël ; la défense des droits inaliénables du peuple palestinien symbolisé par le courageux Yasser Arafat ; la lutte contre l’Apartheid avec le tapis rouge déroulé plus d’une fois par Dakar à Nelson Mandela ; la guerre du Liban ; les crises politiques : ivoirienne, mauritanienne, malgache, malienne, guinéenne, bissau-guinéenne, gambienne, libyenne… On mettrait des heures à lister les succès et quelques rares fois, les échecs diplomatiques du Sénégal qui n’hésite pas, au besoin, à adopter une posture de non-alignement que n’aiment pas toujours certaines puissances. Tant pis ! S’y ajoute, le nombre incalculable de fois qu’un Sénégalais a dirigé une institution internationale, bien que, ces dernières années, des places fortes aient été perdues. La voix du Sénégal compte et pèse encore dans le monde.
Avec 196 722 km2 seulement, le Sénégal est certes un petit pays de par sa superficie. Et comment ! Comparaison : la Russie fait 17,1 millions km2 et l’Ukraine, 603 mille km2. Or, ce sont ces deux pays en conflit mais jumeaux, en référence à leur histoire et géographie commune et à leurs liens de sang, que le Président Macky Sall visite à partir de ce 3 juin. En sa double qualité de chef d’Etat et de président en exercice de l’Union africaine, le numéro un sénégalais s’y rend avec le Tchadien Moussa Faki, président de la Commission de l’institution héritière de l’Oua. Et si seulement l’Afrique allait vers davantage d’intégration et d’unité ? Visez la suite… Avec une surface de 30,37 millions km2, l’Afrique est plus grande que la Chine et ses 9,5 millions km2, les Etats-Unis 9,8 millions, l’Europe 10,5 millions et l’immense Russie et ses 17 millions km2. Première puissance donc, en termes de superficie. Que dire aussi du poids de l’Afrique avec ses ressources de toutes sortes par rapport aux autres puissances ? Il n’y aurait pas non plus photo, si l’unité était enfin au rendez-vous.
Quand l’Afrique se réveillera, la terre entière tremblera… Pour l’heure, cette terre-berceau de l’humanité doit défendre ses intérêts supérieurs, et c’est ce que le président sénégalais, muni de son bâton de pèlerin au nom de tout un continent, va faire auprès de ses homologues, russe Vladimir Poutine et ukrainien Volodymyr Zelensky. Mandat du médiateur de l’Ua : obtenir « l’arrêt des hostilités » entre les deux frères ennemis et « la possibilité de laisser l’Ukraine et la Russie exporter les céréales et les matières premières dont le monde a besoin ». Sans préjuger de son résultat, ce voyage du Président Macky Sall est déjà en soi un succès diplomatique.
Venons-en à ce qui ne va pas. Le Sénégal, un pays de paradoxes. Disons-le nettement. Quel est ce pays qui brille au plan international mais qui offre un pâle visage, politiquement parlant, au plan domestique ! Le pilotage par les acteurs politiques et l’administration des listes pour les élections législatives du 31 juillet est loin d’être un succès. Pour dire le moins. Alors que les « Sages » du Conseil constitutionnel avaient pris des arrêts relativement salutaires pour la démocratie, voilà que le ministère de l’Intérieur sort un arrêté fort bizarre : déclarer « irrecevable » la liste nationale suppléant de Benno en écartant la liste titulaire et inversement, accepter la liste nationale suppléant de Yewwi tout en rejetant la liste titulaire. C’est pire que le déroutant jugement de Salomon !
Attention, le Sénégal n’est plus le même pays dès lors qu’il est devenu producteur de pétrole et de gaz. Ces deux matières très inflammables et hautement convoitées attirent les fauves. A l’image du sang. Si la classe politique n’y prend garde, demain c’est le Sénégal qui aura besoin… d’une MÉDIATION.
MARIE KHEMESSE NGOM NDIAYE OFFICIELLEMENT INSTALLÉE
Marie Khemesse Ngom Ndiaye a pris officiellement service, hier, après avoir reçu le témoin des mains de Diouf Sarr. Une cérémonie de passation pleine d’émotions. La nouvelle ministre assume ses responsabilités dans la gestion de son prédécesseur
Marie Khemesse Ngom Ndiaye a pris officiellement service, hier, après avoir reçu le témoin des mains de Diouf Sarr. Une cérémonie de passation pleine d’émotions. La nouvelle ministre assume ses responsabilités dans la gestion de son prédécesseur et compte sur le personnel pour redorer le blason du secteur de la santé.
Abdoulaye Diouf Sarr a passé le témoin à Dr Marie Khemesse Ngom Ndiaye. La cérémonie de passation de service s’est déroulée, hier, sous une forte émotion, dans les locaux du ministère de la Santé et de l’Action sociale. Les larmes aux yeux, Dr Marie Khemesse Ngom Ndiaye dit compter sur tout le personnel pour tenir bon les rênes de ce département. « Il faut travailler, évaluer, réajuster, pour que des conclusions pertinentes puissent ressortir. Je n’ai pas seule, la solution. Tous ensemble, il faudrait que l’on soit davantage soudés. Quelle que soit la hiérarchie qui sera là, nous allons nous baser sur les structures physiques. Si on n’a pas le personnel de santé qualifié, il n’y aura pas de résultats », a déclaré le successeur de Diouf Sarr. Qui ajoute que le secteur de la santé ne peut avoir les résultats escomptés que s’il y a une prévention réussie. « On peut mettre tout le matériel nécessaire, mais si on n’agit pas dans la prévention, quelle que soit la personne qui sera à la tête de ce département, quel que soit le président de la République qui sera élu, nous n’allons pas atteindre l’objectif de santé pour tous, de santé primaire partout et à tout moment », a-t-elle indiqué.
Marie Khemesse Ngom : « Je suis comptable de tout… »
Comme une réponse à ceux qui estiment que la directrice de la Santé est aussi responsable de la gestion de Diouf Sarr, elle dit : « J’ai travaillé avec dix ministres de la République… Je ne suis pas seulement comptable de ce qu’il (Diouf Sarr) a fait, moi je suis comptable de tout… On ne peut avancer dans la vie si on refuse de prendre ses responsabilités. Il a eu confiance en moi, il a eu confiance en mes équipes, il a tellement d’affection pour ma personne et son soutien ne m’a jamais fait défaut. M. le Ministre, je vous remercie ».
Abdoulaye Diouf Sarr, quant à lui, emporté par les 11 bébés morts calcinés à l’hôpital de Tivaouane, dit être fier de son bilan, après 5 années à la tête de ce département. « De 2017 à 2022, sans discontinuité, les performances du système sont indéniables et touchent pratiquement tous les domaines avec des indicateurs qui sont sensiblement améliorés, dans le domaine des infrastructures, des équipements, de la gouvernance sanitaire et de la protection sociale. J’y ai apporté ma modeste contribution, ma pierre à cet édifice qui n’est jamais achevé », a déclaré l’ancien maire de Yoff. « Ici, j’ai rencontré peines et souffrances, mais je ne retiens pas cela. Je retiens les joyeux moments que j’ai passés avec les acteurs du système. Je retiens les belles choses que nous avons faites ensemble. Je retiens l’immense privilège que j’ai eu d’avoir contribué à soulager tant d’individus. C’est le plus beau cadeau dont je ne me glorifie pas car ce n’était que ma mission », a dit le ministre sortant.
L'UA DANS SON RÔLE
Au moment où ces lignes sont écrites, le chef de l’État sénégalais, Macky Sall, par ailleurs Président en exercice de l’Union africaine est en train d’être reçu, à Sotchi, par le Président russe, Vladimir Poutine.
Au moment où ces lignes sont écrites, le chef de l’État sénégalais, Macky Sall, par ailleurs Président en exercice de l’Union africaine est en train d’être reçu, à Sotchi, par le Président russe, Vladimir Poutine. L’objet de cette rencontre au sommet, les conséquences de la guerre en Ukraine sur les économies africaines et sur l’éternelle équation de la sécurité alimentaire.
Au nom de l’Afrique, Macky Sall a demandé au Président Poutine de « prendre conscience » des conséquences que les pays africains sont des victimes du conflit. Macky appelle à ce que les sanctions contre la Russie n’affectent pas le secteur alimentaire. Et là, il pointe un doigt accusateur sur l’Occident en « guerre ouverte » avec la Russie.
Sachant que l’Afrique est très dépendante du blé, des engrais et de l’urée ukrainien et russe, le Président de l’UA cherche à peser de tout son poids pour éviter aux économies africaines, surtout l’agriculture, une situation irréversible lourde de conséquences. Acheter des fertilisants russes est devenu presque impossible avec les sanctions qui frappent le secteur financier russe et qui ne permettent plus d’accéder aux fertilisants russes.
Macky Sall a donc appelé à ce que le secteur alimentaire soit « hors des sanctions » imposées par les Occidentaux en représailles de l’offensive militaire russe. « Les sanctions contre la Russie ont entraîné plus de gravité, nous n’avons plus accès aux céréales venant de Russie, mais surtout aux engrais », a relevé le président sénégalais « Cela crée vraiment de sérieuses menaces sur la sécurité alimentaire du continent », a-t-il souligné.
Tout porte à croire que Macky a trouvé une oreille attentive auprès de l’homme fort de Moscou qui a laissé entendre au micro de France 24 que la Russie sera "toujours aux côtés de l’Afrique pour lutter contre le colonialisme". Avant de vanter le développement des relations russo-africaines.
«NOUS SOMMES DANS UNE SOCIÉTÉ DÉMISSIONNAIRE»
Entretien avec Fama Diagne Sène, écrivaine, grand prix du chef de l’Etat pour les lettres
Entretien réalisé par Alassane Seck GUEYE |
Publication 03/06/2022
Lauréate du Grand Prix du chef de l’Etat pour les Lettres de l’année 1997avec son premier roman, « Le chant des ténèbres », Fama Diagne Sène a depuis fait du chemin. Aujourd’hui, elle est l’auteure de plusieurs œuvres dont « Mbilème ou Le Baobab du Lion » qui a été publiée dans notre Cahier Ramadan et notre magazine du weekend. Au terme de la publication de ce recueil de théâtre, « Le Témoin » s’est entretenu avec la fille de Thiès. Entretien…
«Le chant des ténèbres » vous a consacré Grand Prix du Chef de l’Etat pour les Lettres. Comment écrit-on son premier roman ?
Je vous remercie vivement pour votre question. Avant de répondre, permettez-moi de saluer tous les lecteurs du quotidien « Le Témoin » et de les remercier pour leur fidélité tout au long du mois béni de ramadan et après. J’ai reçu de partout, du Sénégal et de la diaspora, des félicitations et des encouragements pour le texte « Mbilème » que beaucoup de lecteurs ont découvert à travers « Le cahier ramadan ». Merci au journal pour cet appui important pour la promotion de la littérature sénégalaise. Pour en revenir à votre question, je pus dire qu’écrire son premier roman est comme un accouchement. C’est long, c’est lent, c’est pénible. Plus d’une fois, on doute de soi-même et de ses capacités à devenir écrivain. Plus d’une fois, on est en confrontation avec le syndrome de la page blanche, avec une angoisse terrifiante de ne pas trouver les mots justes pour exprimer correctement ce que nous avons dans la tête. Il y a eu plus de cinq versions de ce roman. J’ai commencé son écriture, à peu près en 1989 et je l’ai publié en 1997, soit huit ans. A l’époque, il n’y avait pas beaucoup de maisons d’édition au Sénégal. Les Nouvelles Editions Africaines (NEAS) étaient l’une des meilleures au monde, avec un directeur de la publication, en la personne du philosophe Madieyna Ndiaye, qui était exceptionnel. Plus d’une fois, il m’a fait reprendre mon texte, me disant que je n’avais pas donné le meilleur de moi. « Il faut aller jusqu’au bout de toimême », m’avait –il dit. Je n’avais donc jamais baissé les bras. J’y avais cru fortement. Enfin, lorsque je lui ai apporté la dernière version, il me dit, après lecture, qu’il tenait entre ses mains, un roman capable de gagner le « Grand Prix ». Ce qui fut fait peu de temps après. Madieyna Ndiaye, nous a quittés récemment. Que Dieu l’accueille au Paradis. Je rends hommage à son professionnalisme. Pour écrire son premier texte et peut être même, tous les autres, il faut oublier le rythme des mois qui passent, se faire relire assez souvent, écouter les conseils et remettre sa plume à l’épreuve.
L’originalité de ce roman réside en son thème qui aborde la folie. Comment l’écrivain lucide a pu se retrouver dans cet univers ?
C’était cela toute la difficulté de cette œuvre. Il y a eu dans l’histoire de la littérature, beaucoup de textes sur la folie, mais les auteurs faisaient du fou, un personnage secondaire de l’œuvre. Ils le racontaient à la troisième personne. Par contre dans ce roman, mon personnage, Madjigeen, est le personnage principal. Elle parle avec le « je ». Donc, c’est la folie vue de l’intérieur de la personne malade et cela était un grand défi. Se mettre dans la peau de Madjigueen n’était pas facile. C’est à ce moment que survient le génie de l’inspiration. Quand j’écrivais, j’étais vraiment malade mentale. Comment cela se faisait-il ? Je ne pus le dire. Comment l’écrivain lucide a pu se transformer en personne malade mentale, entrer dans le corps en mouvement de son professeur métamorphosé en un bloc de sang en mouvement, en ressortir et hanter tout son monde ? C’est en cela que réside le génie de l’écrivain. « La plume de l’écrivain est aux pensées ce que le filet du chasseur est aux papillons » nous dit Paul Carvel. C’est cela la magie de la plume. C’est en réussissant ce pari de la folie vue du dedans, que j’ai, il me semble, réussi ce roman.
On constate, hélas, que ces personnes qui vivent dans ce monde de la folie ne sont pas souvent prises en charge et occupent nos rues. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Beaucoup de mal être, en vérité. Nous sommes dans une société démissionnaire. Le malade mental est un citoyen. Il a sa part de l’argent public. On devrait le soigner, l’interner, le nourrir, lui permettre de se marier et de fonder une famille. La folie n’est pas la perte définitive des facultés mentales de l’individu. Beaucoup de fous, comme Madjigueen, sont atteints de schizophrénie. C’est un dérèglement du système. On peut véritablement guérir certains. Mais il faut de la volonté, d’abord familiale, pour communiquer avec les médecins et les malades ; ensuite politique, pour une réelle prise en charge de ces errances. L’Europe a plus de malades du cerveau que l’Afrique. Mais ils sont protégés et ne traînent pas dans les rues. Le fou connait des moments de lucidité intense. Il nous regarde, nous juge et a même parfois pitié de nous. Même s’il n’arrive pas à retrouver toute sa lucidité, il peut être respecté et respectable, s’il est correctement pris en charge par la société. Ce n’est une faveur, c’est un droit. Le grand Ousmane Sembene avait écrit que le malheur ce n’est pas seulement d’avoir faim et soif, le malheur c’est de savoir qu’il y a des gens qui veulent que tu meures de faim. C’est cette incompétence collective qu’il faudra combattre.
On vous connaissait romancière, là avec « Mbilème ou Le Baobab du Lion », on découvre vos talents de dramaturge? Comment s’est fait le processus d’écriture ?
En vérité, je ne savais pas que cette œuvre allait devenir une pièce de théâtre. J’avais mes personnages, l’exposé des faits et les grandes problématiques que je voulais interpeler. Je me suis rendue compte qu’il y avait beaucoup de dynamisme, beaucoup de surprises et d’intrigues. C’était un texte dramatique qui avait commencé avec la mort du griot de Thicky, Samba Tine, et qui devait se terminer par un affrontement entre Ousmane, la jeune génération et les saltiguis gardiens de la tradition. Le drame et le déroulement sont ponctués de tragédies. Ousmane Tine, jeune sénégalais originaire du village de Thicky qui vient de terminer ses études en France a trouvé que la dépouille mortelle de son père a été ensevelie à Mbilème dans les baobabs cimetières à côté des autres griots, comme le veut la tradition en pays sérère. Il n’a alors qu’un seul dessein : reprendre les restes de son père pour l’enterrer dans le cimetière commun et lui bâtir une sépulture digne de lui. S’ouvre une confrontation entre la modernité et la tradition, le droit et les coutumes ancestrales du Sénégal. La pièce de théâtre était pour moi la seule alternative pour donner un corps et une âme à tous ses personnages et rendre les dialogues plus vivants. J’ai eu alors une résidence d’écriture en théâtre, du Festival International des Francophonies en Limousin, en 2004. Et j’ai pu ainsi faire la transition, lire beaucoup de pièces de théâtre, fréquenter des dramaturges et faire le grand saut. Cela n’a pas été difficile. C’est un texte comme tous les autres. Il fallait juste respecter les normes de l’écriture dramatique. La pièce a été jouée par la Compagnie du théâtre national Daniel Sorano en 2009, avec une mise en scène d’Alpha Omar Wane. Cela a été une belle réussite.
Dans cette œuvre, vous opposez deux camps. Ceux qui s’accrochent à la tradition et ceux qui veulent se tourner vers un monde moderne à travers la vision de votre personnage Ousmane ?
En effet. Je pense profondément que c’est dans la confrontation des idées que se bâtissent les grandes nations.
Faut- il cependant tout détruire pour aspirer à cette modernité que prône Ousmane ?
Non. Pas du tout. Le futur nait du passé. Cheikh Hamidou Kane avait écrit dans l’Aventure ambiguë, que le canon contraint les corps, l’école fascine les âmes. Ousmane, pur produit de l’école française, n’a pas pu accepter ni comprendre cette pratique pour lui, dégradante. Il dit : Si, mon village est comptable de mon vécu. Mon éducation aussi et même l’Afrique ! Si j’ai accepté d’accumuler tant de souffrances durant sept ans, sans lever la voix c’est parce que j’ai été éduqué en homme soumis. Nous acceptons tout ! Je me disais c’est la vie, laisse les faire, ils sont idiots. J’ai laissé le temps à l’injustice de me briser l’intérieur. Je ne le tolèrerai plus une deuxième fois. Alors, si tu veux, je serais un toubab noir impitoyable. Il n’y a rien de pire que cette transformation. Je pense qu’à l’origine, cette pratique était faite pour élever le griot et la parole qu’il portait au firmament des êtres sacrés qui ne se couchent jamais. Enseveli à l’intérieur du baobab, il traversait les siècles afin que la parole (tradition orale) continue à être préservée. Mais il me semble qu’au bout des années, les saltiguis y ont rattaché d’autres croyances dégradantes qui ont fait entrer Ousmane dans une colère noire. Ces pratiques, comme Ousmane les énumère, sont il me semble, des rajouts et de pures inventions: Dans ce village nos mères ne peuvent pas s’approcher de la margelle des puits car cela asséchera la nappe d’eau. Tu entends ? Elles posent leurs bassines au loin et attendent qu’une âme charitable les leur remplisse! On ne t’enterre pas de peur que la sécheresse ne s’abatte dans le village ! Tu ne pourras jamais épouser Khoudia parce qu’elle est noble et toi pas. Et tu dis que c’est la coutume ! Elle va durer combien de millénaires ta coutume ? Au nom de quelle divinité existe-t-elle même ? Laisseras-tu tes enfants vivre ce calvaire ? Dis-moi, les laisseras-tu dans ce bourbier ? C’est le système lui-même qui a rendu ce fait, naguère accepté, en un système d’exclusion sociale injustifiée.
Vous faites dire à un de vos personnages cette phrase : « Le griot est le ciment qui nous rattache au passé. Sans sa mémoire et son verbe galvaniseur, nous n’aurions pas autant de respect pour nous-mêmes et pour notre culte ». Ne pensiez-vous pas cependant que cette vision est aujourd’hui autre. Ces griots nous sont –ils utiles ?
Oui, véritablement. Il subsiste quelques rares spécimens à l’intérieur du Sénégal. Ici à Bambey, où je vis, nous avons le vieux El Hadji Alé Niang, communicateur traditionnel émérite, désigné comme trésor humain de la région de Diourbel et qui suscite respect et admiration. Il connait les hommes, leur histoire et leur patrimoine. Malheureusement, je ne vois personne dans sa famille qui s’intéresse à prendre la relève. De nos jours certains ont reçu cet héritage fabuleux dont ils ne veulent pas du tout. C’est une perte véritable pour notre culture.
Tout semble cependant opposer le Premier saltigui à ses autres collègues…-« … Il est temps de laisser nos enfants vivre pour eux-mêmes. Peut-être est-il arrivé le moment de laisser ce culte conduire son propre destin! Qu’on arrête de vouloir tout conduire nousmêmes ! De tout contrôler ! » Quand il prononce par exemple ces mots, n’est-ce pas une façon pour lui d’inviter sa communauté à se libérer d’un certain passé… ?
En effet. Il a dit plus loin qu’il lisait la peur dans les yeux des saltiguis depuis sept ans. Survivront-ils aux soubresauts de leur temps ? Et leurs enfants, continueront-ils à vénérer les mêmes dieux qu’eux? Maintiendront-ils intact l’héritage qu’ils veulent leur transmettre ? En voudrontils même ? Auront-ils le temps d’entretenir le culte ? Ne vont-ils pas laisser mourir les pangols ? Autant de questionnements qui les apeurent. Mais je suis convaincue que ces pratiques seront encore là dans plusieurs années. Dans tous les villages sérères, il y aura un descendant de saltiguis qui fera survire le culte. C’est un passé coriace qui n’est pas près de disparaître.
Vous dénoncez une pratique rétrograde, cependant elle continue de subsister sous d’autres formes à travers des cimetières pour nobles et griots. …
Oui en effet au lendemain des indépendances, le président poète Léopold Sédar Senghor, lui-même sérère, a mis fin à cette pratique. Mais bien avant ce décret, il y a eu beaucoup de soulèvements au sein de la communauté des griots dont plusieurs ont embrasé l’islam. Un paysan a raconté aux saltiguis ceci : Notre griot s’est converti à l’islam avec toute sa famille. Il s’est levé ce matin, a brûlé ses tam-tams et ses gris-gris, s’est entièrement habillé de blanc et s’est mis à prier sur la place centrale du village. Lorsque que les religions révélées ont été en pleine expansion dans le Sine et au Walo, les Sérères ont commencé à se convertir et à abandonner progressivement certaines pratiques païennes. Avec leur conversion grandissante on a aboli de manière définitive cette pratique. Toutefois, le passé reste dans nos mémoires. Son évocation sert à nous souvenir d’où on est venu. Il faut ouvrir ses fenêtres pour ne jamais oublier qui on est.
Par Abdoul Aly KANE
PERSPECTIVE D’UNE POSSIBLE COHABITATION POLITIQUE SUR FOND DE CRISE ÉCONOMIQUE MONDIALE
Après le Covid, le conflit russo-ukrainien et le lot de sanctions infligées à la Russie assènent depuis quatre mois des coups sévères à une économie mondiale déjà chancelante et dont l’issue semble être l’avènement d’un système économique mondial
Le contexte économique mondial est particulièrement défavorable du fait des chocs économiques majeurs subis depuis près de trois années. Ces chocs ont mis à mal toute l’architecture du commerce international ainsi que les chaînes mondiales d’approvisionnement en matières premières diverses mais aussi en énergie, et malmené les économies.
Après le Covid, le conflit russo-ukrainien et le lot de sanctions infligées à la Russie assènent depuis quatre mois des coups sévères à une économie mondiale déjà chancelante et dont l’issue semble être l’avènement d’un système économique mondial.
L’Europe, un de nos principaux partenaires à laquelle nous lient des relations commerciales et monétaires, en souffre particulièrement. L’inflation se diffuse sur toute son étendue ; les taux annoncés par les bureaux de statistiques ont atteint un niveau moyen jamais connu depuis 1985 (8 % pour toute l’Europe selon l’INSEE), synonyme de récession économique.
L’Afrique, frappée par ricochet, s’interroge sur les nouvelles orientations économiques à suivre. Le Premier ministre de Côte d’Ivoire, Patrick Achi, à l’occasion de la clôture de la semaine africaine de l’Unesco (mai 2022) a prôné une « mutation profonde de l’économie africaine, au regard de la hausse des prix des denrées alimentaires et des risques de famine qui en résultent ».
Lors de cette même rencontre, le président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, annonce la levée d’un fonds de 1,5 milliard de dollars pour booster la culture de blé, du riz et du soja pour éviter que l’Afrique ait recours à la mendicité (sic !) pour se nourrir. C’est dire que les autorités du Continent, par ces voix autorisées, conviennent de la vulnérabilité des économies africaines qui n’ont pas atteint les niveaux de production agricole permettant de nourrir les populations.
Le constat est devenu flagrant avec la rareté et la cherté des produits alimentaires importés. Le Sénégal n’échappe pas à cette situation globale. Les prix à la consommation sont de plus en plus élevés et le mécontentement social grossit dans notre pays. Malgré des marges de manœuvre étroites en termes de trésorerie, la tentation est forte pour les gouvernants de faire de la stabilisation des prix à la consommation une priorité par un recours aux subventions.
Cette formule est cependant déconseillée par le FMI, qui oriente plutôt vers une collecte renforcée des recettes fiscales et la mise en place d’un « dispositif de soutien ciblé aux couches les plus vulnérables de la population » pour ne pas exacerber les vulnérabilités de la dette. « Face à la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, ainsi qu’à l’accroissement des revendications sociales, maintenir la discipline budgétaire sera crucial pour préserver la viabilité de la dette » déclare l’Institution.
C’est dans un tel contexte de grogne sociale et de rareté des ressources financières publiques que vont se tenir les élections législatives du 31 juillet 2022. Ces élections sont, en effet, cruciales au regard de l’importance de l’Assemblée nationale dans le dispositif de gestion du pays, mais également au regard du contexte politique actuel où le pouvoir en place connait une érosion de sa capacité à rassembler les Sénégalais. Ce après 10 ans d’un magistère ponctué de scandales financiers sans précédent, de sévères crises sociales émaillées de violences, le tout dans un climat politique délétère dû à une absence totale de dialogue avec l’opposition.
Cette opposition pourrait, à l’issue de ce scrutin, obtenir la majorité des députés, ce qui déboucherait sur une « cohabitation » avec un président de la République n’ayant pas la même coloration politique que son Assemblée nationale. D’ailleurs, le Président de la République n’a pas écarté cette éventuelle configuration du champ des possibles.
Dans une récente interview à « Jeune Afrique » à propos de la nomination d’un Premier ministre, il s’est exprimé en ces termes : « Il m’a paru plus logique d’attendre les résultats des élections législatives pour désigner le Premier ministre qui sera issu de la formation qui les aura remportées». Quel que soit l’objectif poursuivi par le Président SALL en tenant ces propos, ceuxci ne sauraient être considérés comme anodins. Il revient aux acteurs politiques de se préparer à cette éventualité qui ne serait, en définitive, que l’expression de la volonté des Sénégalais si elle advenait.
Si d’aventure une cohabitation politique survenait
Actuellement, nous sommes dans un régime présidentiel fort, qui exerce sa domination sur tous les pouvoirs y compris le pouvoir judiciaire. Si elle se produisait, cette cohabitation serait « dure ». Les regards se tourneraient, dès lors, vers les juges chargés de dire ce que prévoit la Constitution en la matière, afin de régler les points de conflits.
En conséquence, le pouvoir judiciaire devrait pouvoir se doter de la capacité de trancher en toute indépendance les conflits de pouvoirs qui ne manqueraient pas de surgir entre le président de la République et un Premier Ministre issu de l’opposition majoritaire. L’orientation de la politique économique et sociale en cas de cohabitation serait une question particulièrement sensible et délicate.
L’opposition devenue majoritaire, dans le cadre d’une déclaration de politique générale, devrait annoncer des mesures phares allant dans le sens de la satisfaction des promesses faites en campagne électorale, qui porteraient sur des mesures sociales (augmentations de salaires ou/et baisse de prix) et de souveraineté économique (modifications de contrats miniers déjà annoncés, nouvelle politique d’emploi des jeunes etc.). Le gouvernement d’un Premier ministre ayant l’appui de la majorité à l’Assemblée nationale aura-t-il les pouvoirs de mener cette politique au regard des dispositions actuelles de la Constitution ?
Selon l’Article 42 de cette dernière, le président de la République détermine la politique de la Nation. L’Article 53 dispose que le Gouvernement (le Premier ministre, chef du Gouvernement, et les ministres) conduit et coordonne la politique de la Nation sous la direction du Premier ministre. Il est responsable devant le président de la République et devant l’Assemblée nationale dans les conditions prévues par les articles 85 et 86 de la Constitution. Cela revient à dire que la politique de la Nation, y compris la politique économique, serait tributaire des choix essentiels faits par le président de la République, à charge pour le Premier ministre de la conduire et de coordonner sa mise en oeuvre.
Par conséquent, en cas de cohabitation, le PSE et autres programmes d’emplois ainsi que les engagements vis-à-vis des partenaires financiers internationaux (FMI, Banque Mondiale) seraient poursuivis dans leur exécution par une nouvelle majorité qui n’aurait pas de base légale pour appliquer sa politique de rupture.
Les blocages juridiques et les divergences d’interprétation des textes pourraient ainsi occuper les acteurs politiques jusqu’en 2024, avec les désillusions qu’on peut déjà imaginer du côté des populations ayant donné la majorité des voix à l’opposition pour effectuer les changements promis. Le président Abdoulaye WADE a fait l’expérience d’une situation quasi similaire en 1991 et en 1995, lorsqu’il décida d’ «entrer» dans le gouvernement de majorité présidentielle élargie du président Abdou DIOUF.
A la fin de cette expérience, le Président WADE avait perdu les élections locales de 1996 et les législatives de 1998, compte n’étant pas tenu des accusations de fraudes de l’opposition. La chute de son électorat fût imputée à sa participation au gouvernement durant trois années qui n’avaient pas abouti à une inflexion majeure de la politique menée par le Parti socialiste alors au pouvoir.
Tirant ses leçons d’une participation infructueuse à un gouvernement dirigé par le Parti socialiste, et dans lequel il n’avait pas le pouvoir d’opérer les changements attendus de lui, le Pape du Sopi refusa par la suite de poursuivre l’expérience après les « législatives » de 1998.
Sans préjuger de l’évolution de la situation actuelle dans un sens ou dans un autre, nous pensons qu’il revient aux états-majors politiques de l’opposition d’inclure cette éventualité de cohabitation en esquissant un ensemble de mesures conservatoires réalistes à prendre dans la situation de crise actuelle, pour protéger les populations démunies face à l’érosion constante de leur pouvoir d’achat et orienter l’économie dans le sens d’une moindre dépendance à la production alimentaire extérieure.
RUFISQUE RÉCLAME LA RÉOUVERTURE DE BATA À SERIGNE MBOUP
La fameuse usine de chaussures fermée depuis plus de 40 ans..L’ex-usine Bata représentait, avec la Sococim, l’un des poumons économiques de la ville de Rufisque.
Rufisque veut la réouverture de l’ex-usine Bata. Des dignitaires de la vieille cité interpellent le propriétaire de l’usine de chaussures fermée en 1988, Serigne Mboup de CCBM, pour la réouverture de l’unité industrielle.
L’ex-usine Bata représentait, avec la Sococim, l’un des poumons économiques de la ville de Rufisque. Sa disparition a été une catastrophe pour cette dernière puisque, quand elle tournait à plein régime, Bata employait plus de 1000 personnes. Elle avait un impact socio-économique réel dans la commune et son département. Ouverte vers la fin des années 1940, Bata était une grande usine de fabrication de chaussures. Elle était l’une des nombreuses usines installées à travers le monde par le géant industriel Thomas Bata.
La succursale rufisquoise faisait partie d’une centaine de fabriques éparpillées à travers le monde. Celle du Sénégal aura vécu près de 40 ans, avant d’être fermée. C’est en 1988 que le propriétaire, victime de la concurrence sauvage des chaussures venues du continent asiatique à la suite de la libéralisation du commerce international, avait mis la clé sous le paillasson. L’usine située à la sortie de la ville de Rufisque, en allant dans le sens Dakar-Thiès, offre à présent le visage d’un gigantesque complexe à l’abandon. Elle a fini d’être avalée en partie par la mer de Thiawlène malgré le barrage de pierres en basalte érigé derrière l’usine. D’ailleurs n’eut été ce barrage construit par l’Etat, l’ex-usine Bata aurait complètement disparu dans les flots. Le bâtiment poussiéreux et lézardé ne témoigne pas de la glorieuse histoire de cette usine dont les Rufisquois âgés d’une cinquantaine d’années ont pu vivre les dernières séquences des chaussures ‘’dalou Bata’’.
Impensable de passer des fêtes religieuses de Korité, de Tabaski, de Noël ou d’envisager une rentrée des classes sans porter aux pieds les ‘’dalou Bata’’. Présentement l’usine se présente comme un parking d’épaves de bateaux mais aussi de gros camions témoignant d’un passé récent de reprise d’activités d’assemblage de gros porteurs par Serigne Mboup, patron du Comptoir commercial Bara Mboup (CCBM) tandis que l’autre partie était occupée par feu le président Mansour Cama à travers une tannerie de la Société sénégalaise d’investissements. Ces deux activités n’ont pas connu le succès attendu. Finalement, c’est feu le président Mansour Cama qui avait arrêté en premier son activité de tannerie. Des sources disent qu’il avait ensuite vendra son actif à Serigne Mboup de CCBM.
Rufisque interpelle Serigne Mboup
Toujours est-il que Rufisque veut à présent que Serigne Mboup rouvre l’usine Bata. « Qu’importe ce qu’il peut faire ou envisage de faire, ce n’est pas normal que Bata continue de fermer ses portes. C’est un gâchis pour la ville et Serigne Mboup doit pouvoir rouvrir cette unité industrielle pour le bien de tout un département » souligne Ousmane François Goudia Guèye, président de la Convention des Lébous de Rufisque.
Notre interlocuteur informe que des dignitaires rufisquois s’organisent actuellement pour solliciter une rencontre avec le patron de CCBM Serigne Mboup afin de lui demander de penser à une telle possibilité parce que Bata pourrait être utile à beaucoup d’activités dans tous les domaines. « Rufisque et son département ne disposent que de la Sococim pour faire face à l’épineuse question du chômage des jeunes du département. Au temps où Bata fonctionnait, elle participait avec la cimenterie Sococim à faire de Rufisque un véritable poumon économique permettant une attractivité du département. Mais aujourd’hui Rufisque est confronté au chômage de ses jeunes.
Cette situation perdure depuis plus de 40 ans. Nous voulons conscientiser Serigne Mboup sur cet état de fait. Il peut même à la limite revendre ou chercher des partenaires pour réhabiliter ou rentabiliser ces locaux qui finiront par tomber ruine si on n’y prend pas garde » explique Ousmane François Goudia Guèye, président de la Convention des Lébous de Rufisque.
À QUOI SERT FINALEMENT LA SONACOS ?
Le Sénégal, un pays de paradoxe économique. Un pays qui se glorifie, chaque saison, de battre des records de production arachidière et qui est incapable de fabriquer l’huile qu’il consomme
Alioune Badara Diallo et Moustapha Boye |
Publication 03/06/2022
Le prix de l’huile connait une hausse considérable dans notre pays. De 20.000 frs, la bouteille de 20 litres d’huile de palme est passée à 28.000 frs. Celle de 5 litres, de 5000 à 8000 frs. Le litre coûte maintenant 1600 frs, alors que l’Etat avait fixé son prix à 1.100 frs. Une denrée qui dévoile tout le paradoxe du système agricole et économique de notre pays. Un des plus grands producteurs d’arachides au monde, est incapable de produire de l’huile d’arachide pour ses habitants. Lesquels sont obligés de consommer de l’huile… de palme, de soja ou de tournesol. La société qui devait produire de l’huile pour la consommation nationale, la Sonacos en occurrence, exporte elle-même des graines d’arachide pour financer son fonctionnement et pire importe des huiles végétales pour les vendre aux Sénégalais. Alors, faut-il fermer la Sonacos et se mette au tout-à-l’importation ? Le débat est posé !
Le Sénégal, un pays de paradoxe économique. Un pays qui se glorifie, chaque saison, de battre des records de production arachidière (1.800.000 tonnes en 2021) et qui est incapable de fabriquer l’huile qu’il consomme. Pis, il en est réduit aujourd’hui à exporter l’essentiel de sa production — des graines en l’état — vers la Chine alors même qu’il disposait d’une industrie huilière parmi les plus performantes du monde. C’était dans les années 90. Les besoins nationaux sont estimés mensuellement à 15.000 tonnes. Tant que les importations d’huiles végétales couvraient la demande, ce n’était pas très grave et on pouvait même dire que tout baignait… dans l’huile. Les choses sont devenues plus compliquées suite à la décision de l’Indonésie de suspendre ses exportations de l’huile de palme — une annonce faite le 28 avril dernier. Cette décision a créé une forte tension pour cette denrée.
D’autant que le Sénégal avait un quota avec ce pays asiatique qui lui fournissait entre 2000 à 3000 tonnes d’huile de palme par mois. « Il va falloir chercher ailleurs et cet ailleurs n’existe pas. Des mesures fortes ont été prises par le président de la République et nous savons que les huiles brutes d’arachide ne sont plus exportées. Cela ne suffit pas. Il ne faudra pas se limiter à l’huile d’arachide, il faut voir d’autres matières, notamment l’huile de soja ou huile de Tournesol. Ce qu’il y a lieu de faire, c’est de promouvoir la production locale en dehors de la Sonacos. La Sonacos est notre offre locale. Nous allons veiller à ce que l’huile d’arachide ne soit pas exportée » a expliqué le directeur du Commerce intérieur, M. Oumar Diallo, interrogé par nos confrères de DakarActu. Comment on est arrivé à ce que notre pays soit devenu un grand importateur d’huile après avoir été un important producteur de cette denrée surtout avec un instrument aussi performant que la Sonacos, un sol généreux qui lui permet de réaliser des productions record en arachide au point d’en exporter.
Nos économistes se sont… trituré les méninges pour répondre à cette équation à mille et une inconnues. Pour dire que la Sonacos a failli à sa mission première qui est de permettre aux populations sénégalaises de trouver de l’huile de qualité en quantité suffisante et à des prix accessibles. En réalité, la société dirigée par Modou Diagne Fada s’est transformée en une unité industrielle dévoratrice de milliards sans résultats palpables. Les pauvres paysans et la majeure partie des Sénégalais s’accordent sur cela. L’expert économiste El Hadji Alioune Diouf estime d’emblée qu’il n’y a pas plus paradoxal que d’avoir la Sonacos et de continuer à dépendre des importations d’huile qui nous coûtent plusieurs milliards de francs chaque année. L’ancien directeur du Commerce intérieur n’y va pas allé avec le dos de la cuillère en donnant son sentiment sur ce qui fut jadis un fleuron. Selon lui, l’huilier national a lui-même crée les conditions non pas de sa réussite, mais plutôt de sa faillite.
En effet, rappelle-t-il, « c’est la Sonacos qui a débuté les importations d’huile végétale venant en concurrence à l’huile d’arachide qu’elle produit elle-même ». Une stratégie adoptée tout simplement pour gagner sur tous les tableaux. C’est-à-dire, en plus d’exporter de l’huile d’arachide à l’état brut, la Sonacos importait l’huile végétale à un coût très abordable et la revendait sur le marché sénégalais à un prix élevé par rapport au prix d’achat. Donc, selon l’ancien directeur du Commerce intérieur, « notre chère Sonacos n’a jamais était dans les dispositions de vendre de l’huile d’arachide aux consommateurs sénégalais, mais plutôt, cette société qui se veut nationale a été « Européanisée » à l’état fœtal. C’est justement, ce qui nous permet de comprendre pourquoi l’huiler national a une identité étrangère puisqu’elle travaille pour l’étranger. Comme pour dire aux Sénégalais qu’ils ne sont pas dignes de consommer de l’huile d’arachide mais de l’huile dont on ne sait même plus avec certitude la composition ni la provenance. Conséquences, même les nouveaux nés souffrent de maladies chronique dès la naissance, lesquelles sont liées à une très mauvaise qualité alimentaire ».
Pape Abdoulaye Seck : « La Sonacos n’a jamais répondu à sa vocation première… »
L’économiste enseignant au Centre de formation judiciaire (CFJ), Pape Abdoulaye Seck, rejoint notre premier interlocuteur sur le paradoxe de la Sonacos. « Au Sénégal, nous vivons un paradoxe qui nous interpelle tous depuis plusieurs décennies. Depuis les années 1960, notre pays a toujours été classé parmi les premiers producteurs mondiaux d’arachides. Malheureusement, 62 ans après, notre pays continue à dépendre de l’extérieur pour notre consommation en produits oléagineux notamment l’huile végétale. Ce qui traduit un échec structurel et stratégique de notre Sonacos nationale qui n’a jamais pu répondre à sa vocation première » soutient l’économiste Pape Abdoulaye Seck.
« C’est la Sonacos qui a provoqué sa propre chute en important de l’huile au lieu d’en produire… »
Le professeur en économie internationale à l’Ecole nationale d’administration (ENA), El Hadji Alioune Diouf, note pour sa part que c’est à partir du moment où la Sonacos a mené cette politique d’importation d’huile végétale que les privés se sont lancés eux aussi dans ce business aussi juteux que la vente de l’or en ce sens qu’il rapportait des centaines de milliards de bénéfices combinés aux importateurs privés. « Cependant, en ouvrant cette brèche aux privés nationaux, la Sonacos se tirait une balle dans le pied car, avec la concurrence, son huile d’arachide n’était plus compétitive sur le marché national parce que le marché est inondé d’huile de tournesol, de soja, etc… Surtout que les importateurs s’approvisionnent sur le marché de la sous-région auprès de pays comme la Côte d’ivoire qui leur vendait de l’huile de palme. Résultat, l’huilier national est rattrapé par ses erreurs de gestion. C’est cette situation qui prévaut de nos jours où le marché sénégalais est inondé d’huiles importées plus abordable que celle de la Sonacos qui n’existe presque plus dans les rayons car toute sa production est exportée vers les pays riches.
Le pire est que la Sonacos vend nos graines d’arachide aux étrangers qui la triturent à sa place alors qu’elle a été créée pour justement cela. L’échec de la politique économique de cette société nationale de commercialisation des oléagineux va hélas de mal en pis » se désole l’ancien directeur du Commerce intérieur. Autre difficulté, c’est le fait que la Sonacos ne propose pas un bon prix au kg lors des campagnes arachidières, ce qui fait que les privés étrangers notamment chinois achètent la plus grande partie des récoltes car offrant de meilleurs prix. Conséquence, elle n’a plus la possibilité d’avoir une quantité de graines lui permettant de produire de l’huile au moins pour la consommation intérieure. Selon Modou Diagne Fada, l’explication de cette incapacité à produire de l’huile se trouve dans la cherté du coût de production. Une explication trouvée très légère par notre économiste qui persiste et signe que la Sonacos a failli sur toute la ligne.
Imposer à la Sonacos de se consacrer entièrement à la production d’huile d’arachide
Alors faut-il détruire la Sonacos ? Nos interlocuteurs répondent NON. La Sonacos reste un outil industriel indispensable pour le Sénégal. Mais ils pensent que si cette société a failli à sa mission, c’est parce que sa gouvernance politico-stratégique n’a pas été bien menée par les différents régimes. Ainsi, l’économiste El Hadj Alioune Diouf soutient que c’est au gouvernement de prendre ses responsabilités car il est paradoxal d’avoir un outil comme la Sonacos et ne pas pouvoir prendre en charge la demande en huile des Sénégalais avec une production nationale soutenue. Selon l’ancien directeur du Commerce intérieur, la crise ukrainienne impose au Sénégal de développer de nouveaux paradigmes. Elle impose au gouvernement d’interdire non seulement l’exportation de graines d’arachide, comme le font la Sonacos et les privés, mais aussi cette interdiction doit s’étendre à toute production agricole pour assurer l’approvisionnement du marché intérieur et surtout pour pouvoir disposer des stocks.
Dans le même sillage, El Hadji Alioune Diouf invite les autorités à instruire la Sonacos de produire de l’huile en quantité et d’en stoker pour se préparer à affronter les chocs économiques extérieurs qui s’annoncent. C’est d’ailleurs, selon lui, irréaliste de continuer à exporter des produits quelle que soit leur nature vers l’étranger dans un contexte de crise économique dont on ne sait pas quand est-ce qu’elle va s’arrêter. C’est le même principe d’anticipation qui devrait animer le régime en place « qui doit stoker des produits de base indispensables à la consommation intérieure », sans quoi le Sénégal ne va pas tenir face aux perturbations économiques mondiales. Déjà, le consommateur local commence à ressentir la cherté des denrées surtout de l’huile dont le prix ne cesse de flamber. Il en est de même pour le riz, le sucre, l’oignon, la pomme de terre etc...
L'INDEMNITÉ SPÉCIALE COMPLÉMENTAIRE DES ENSEIGNANTS SERA VIRÉE AUJOURD'HUI MÊME
Happy end dans les négociations entre syndicats et gouvernement, La réunion de validation des corrections qui devaient être apportées sur les salaires des enseignants a connu une fin heureuse
Enfin, les leaders syndicaux du G7 (Groupe des 7 syndicats les plus représentatifs du secteur de l’Education) ont validé le travail présenté par les services des Finances et accepté le principe de charger «E-Solde», dans la nuit d’hier. Il va s’en suivre le versement des montants attendus dans les comptes des enseignants aujourd’hui, vendredi.
La réunion de validation des corrections qui devaient être apportées sur les salaires des enseignants a connu une fin heureuse. Les syndicalistes ont dit avoir constaté de nettes améliorations. Ce, «sans prétendre avoir fait un travail irréprochable», a tenu à préciser Amidou Diédhiou, secrétaire général du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (Sels) selon qui les organisations syndicales ont d’abord validé le travail présenté. Ils ont aussi accepté le principe de charger «E-Solde» dans la nuit d’hier afin que les montants attendus soient versés dans les comptes des enseignants. Ce, dès aujourd’hui. En principe, dans la journée d’aujourd’hui, tous les enseignants devraient recevoir «l’indemnité spéciale complémentaire Mai 2022» aussi bien dans leur nouveau bulletin de salaire qu’en espèces. Ces bonnes nouvelles font suite aux travaux d’analyse et de correction des nouveaux bulletins de salaires des enseignants du secteur de l’éducation et de la formation conformément au tableau synthétique des nets d’augmentation indiquant surtout les minima et maxima. Un travail réalisé pendant quatre jours.
Au cours de la deuxième rencontre pour une sortie de crise à l’école, le gouvernement avait exposé, mardi, la méthodologie utilisée pour déterminer l’»indemnité spéciale complémentaire» nette d’impôt de chaque enseignant. Sur demande des enseignants, un échantillon a été prélevé. Pour chaque corps, il a été consulté le salaire net mis à jour des 90 035 enseignants affiché dans les bornes des minima et maxima du tableau de simulation des services de la Direction de la solde transmis le 1er mars aux syndicats.
Au cours des échanges, des éléments de salaires mis à jour pour les 90 035 enseignants ont été projetés. Il s’agissait singulièrement du salaire net de mai 2022 augmenté de l’indemnité spéciale complémentaire. Malheureusement, la partie syndicale, à en croire le secrétaire général du Sels (Syndicat des enseignants libre du Sénégal), Amidou Diédhiou, avait noté encore des incorrections et des erreurs sur les spécimens de bulletins qui ont servi de base de travail. C’est pourquoi, dit-il, «pour plus de prudence, et par souci d’arriver à une correction définitive, les deux parties avaient décidé de suspendre la séance jusqu’à une date ultérieure». D’où la rencontre d’hier.
Pour rappel, au cours des échanges entre gouvernement et syndicats d’enseignant, les commentaires formulés par ces derniers ont essentiellement porté sur la situation des chargés de cours, la régularisation de la situation de quelques directeurs d’études de centres de formation et de chefs de travaux. En effet, 331 chargés des cours avaient constaté avoir bénéficié de la prime scolaire en lieu et place de l’indemnité de recherche documentaire (Ird) au moment où deux directeurs d’études des centres régionaux de formation des personnels de l’éducation (Crfpe), dont les actes de nomination ne sont pas parvenus à la Direction de solde, auraient été omis. Pour ce cas, le gouvernement a promis leur régularisation dès la transmission des actes y relatifs. Concernant les chefs de travaux qui doivent recevoir 80.00 d’augmentation d’indemnité de fonction au lieu de 40.00 francs.
Sur le point relatif au rappel mars-avril 2022, l’accord est applicable sur 10 mois. Mais son effectivité a débuté au mois de mai pour chaque enseignant qui a ainsi bénéficié d’une régularisation du rappel de ces dits deux mois. Mais les syndicats ont demandé à ce que ce rappel soit «neutralisé» dans la détermination de l’indemnité spéciale complémentaire «pour éviter que cette indemnité connaisse une baisse à l’issue des sept prochains mois de l’année en cours’’. Trois points qui ont été pris en compte séance tenante.
Par Mamadou Oumar NDIAYE
LA BICIS PAS ENCORE DANS L’ESCARCELLE DE LA VISTA MÊME SI…
En écrivant dans notre édition d’hier que la BICIS était tombée dans l’escarcelle du Groupe burkinabé Vista, on s’est emballés car la vente par la BNP Paribas française de ses 54,11 % de parts dans le capital de cette banque est toujours en cours
Apparemment, notre collaborateur avait dansé plus vite que la musique. Ou avait-il été étourdi par la sarabande de milliards devant être dégainés pour l’acquisition d’un des fleurons bancaires de la place de Dakar. En écrivant dans notre édition d’hier que la Banque internationale pour le Commerce et l’Industrie du Sénégal (BICIS) était tombée dans l’escarcelle du Groupe burkinabé Vista, on s’est un peu trop emballés car la vente par la BNP Paribas française de ses 54,11 % de parts dans le capital de cette banque est toujours en cours. Certes, un premier tour au cours duquel les candidats au rachat ont subi une sorte de Grand oral pour se présenter et présenter leurs ambitions pour la mariée vient d’être bouclé en principe hier avec l’audition du Groupe panafricain Ecobank — invité surprise de cette vente — mais rien n’est encore décidé. En effet, une seconde phase au cours de laquelle les candidats au rachat vont présenter leurs offres financières, c’est-à-dire les choses sérieuses, devrait s’ouvrir dès la semaine prochaine. C’est à son terme qu’on devrait connaître l’heureux élu. Mea culpa donc. Et toutes nos excuses, s’il y a lieu, à nos lecteurs.
Il se dit que les arrangeurs de cette vente hors normes ont été impressionnés par la solidité du dossier de Vista Bank, ce qui sans doute a pu faire dire à certains que la cause était entendue et l’affaire dans le sac pour le groupe du Burkinabé Simon Tiemtoré. On n’en est pas encore là même si tout indique qu’il va engager la suite des négociations en pole position. Pour l’heure, quatre groupes ont fait des offres avant de se soumettre au Grand oral : Il s’agit, outre Vista Bank, d’Atlantic Financial Group de l’Ivoirien Koné Dossongui, du groupe Sunu de notre compatriote Pathé Dione et, last but not least, du groupe Ecobank.
Un fait pourrait jouer en faveur de notre compatriote Pathé Dione, c’est la détermination du président ivoirien Alassane Ouattara à peser de tout son poids pour que la filiale de BNP Paribas sur les bords de la lagune Ebrié soit rachetée par la Banque nationale d’investissement (BNI), qui est la première banque publique de son pays. ADO l’aurait en effet fait savoir aux propriétaires français, une manière d’indiquer qu’il s’opposerait à toute cession à des intérêts étrangers… y compris sénégalais ! Comme quoi, si les dirigeants de notre pays tenaient un tel raisonnement, Pathé Dione, seul sénégalais parmi les quatre prétendants, aurait toutes ses chances. Surtout que c’est à peu près le même raisonnement, ou carrément un sentiment anti-sénégalais cette fois, qui lui avait fait perdre la filiale guinéenne de la BNP Paribas finalement remportée par Simon Tiemtoré. En effet, l’alors président guinéen Alpha Condé, dont la détestation qu’il avait pour le président Macky Sall était un secret de Polichinelle, aurait tout fait pour favoriser le Burkinabé. Et barrer la route au Sénégalais.
Quant à Koné Dossongui, le patron d’Atlantic Financial Groupe, on le présente comme un spéculateur intéressé par la reprise de la BICIS pour la revendre après en empochant au passage un bénéfice substantiel. N’avait-il pas revendu son propre groupe bancaire au marocain BCP (Banque centrale populaire ) ?
Cela dit, à Dakar, on fait savoir que le rachat par un Burkinabé de la Bicis ne serait pas forcément une mauvaise nouvelle étant donné l’excellente qualité des relations entre Dakar et Ouagadougou. Ce encore une fois, même si les autorités commencent à être sensibles aux arguments de Pathé Dione. Même si, encore une fois, ce sont les Français qui vendent ! Seulement voilà, en faisant preuve de la même détermination que les gouvernements ivoirien et guinéen, il est bien possible d’infléchir leur position en faveur d’un national.
Cela dit, beaucoup de banquiers parlent d’occasion en or manquée par le gouvernement pour se remettre en selle dans le paysage bancaire national. En aidant la BNDE, seule banque à capitaux sénégalais — en dehors de la BHS, bien sûr, mais qui est plutôt spécialisée — à racheter la BICIS, l’Etat aurait favorisé la croissance externe de cet établissement (la BNDE) qui peine encore à se positionner. Et qui, du coup, en ajoutant ses moyens à ceux de la BICIS se retrouverait dans le Top 5 national. Au lieu de quoi, les rares établissements nationaux évoluent dans les marges, pour ne pas dire en queue du classement, le haut du pavé étant tenu par des banques marocaines, françaises, nigérianes et même burkinabé !
Mais bon, encore une fois, l’heure de la revanche des Sénégalais va bientôt sonner avec l’arrivée de la très attendue… Farba Bank !
Mamadou Oumar NDIAYE
Par Moussa KAMARA
MARRE ! ! !
Depuis que le président Fadel Barro a été remplacé par Aliou Sané, le mouvement semble prendre d’autres voies. Et les affaires de se faire jour. Des affaires dans lesquelles seuls les Sénégalais les plus téméraires osaient s’aventure
Aujourd’hui, je vois les gens de ‘’Y’en a marre’’ tenter de retrouver leur allant d’antan. Après tous les scandales liés à leurs noms, les Sénégalais sont-ils prêts à oublier et pardonner ? Eux seuls savent puisqu’ils sont comme d’habitude magnanimes ou oublieux bref pas revanchards.
Si cette entité qu’est ‘’Y’en a marre’’ rassemble une foultitude de jeunes comme disent ses animateurs, ils seraient bien inspirés de changer de porte-paroles. Vous comme moi avions l’habitude de voir et d’entendre deux à trois rappeurs, icones du mouvement, assez pugnaces et tenaces aborder toutes sortes de sujets. Ils portaient la voix de ‘’Y’en a marre’’.
Depuis que le président Fadel Barro a été remplacé par Aliou Sané, le mouvement semble prendre d’autres voies. Et les affaires de se faire jour. Des affaires dans lesquelles seuls les Sénégalais les plus téméraires osaient s’aventurer. Tout le monde sait que les visas sont négociés dans les ambassades ou consulats. Pas dans des endroits bouseux ou dans des voitures loin des limousines qui sortent des ambassades.
Fadel Barro, débarqué de la tête du mouvement, entame une carrière de politicien et veut être de la prochaine Assemblée. Il était journaliste, un métier qui peut mener à tout à condition d’en sortir. Si les votants le décident, il sera député ! Quant aux autres, à part le rap, je ne leur connais aucune autre occupation pour la plupart. Ne venez surtout pas parler d’activisme. Une trouvaille de ces dernières années où semblent s’engouffrer beaucoup de jeunes, antipouvoir qui utilisent toute la virulence du monde pour se faire entendre.
La virulence, la véhémence et l’impertinence sont des voies royales pour se faire un nom dans le virtuel et souvent dans le réel. Nous tous connaissons d’anciens insulteurs reconvertis en politiciens plus ou moins vernis. Les gens de ‘’Y’en a marre’’ ont connu leurs heures de gloire. Ils ont reçu chez eux dans leur siège tant de personnalités du pays et d’ailleurs que beaucoup de portes se sont ouvertes devant eux. En ont-ils profité ou abusé ?
Après toutes ces années d’existence, leurs conditions de vie ont changé. On s’en réjouit pour eux. Ceux d’entre eux qui ont toujours vécu pour et par la musique continuent de proposer des albums. Aujourd’hui le groupe en est réduit à lancer des oukases pour un improbable départ du ministre de l’Intérieur ! Peut-être qu’avec le poids des ans ’’ Y’en a marre’’ se donne de nouvelles perspectives…