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19 juin 2025
LA CHUTE DE L’ARBRE EMBLÉMATIQUE DE THIÈS
Les caïlcédrats, incarnant un charme écologique qui depuis l’époque coloniale bercent les férus de la nature, sont en train de tuer des populations de la ville
A Thiès, les accidents mortels impliquant des caïlcédrats centenaires constituent un véritable drame social. Et le décès tragique de l’élève de terminale aux Cours privés Moustapha Sourang, Aby Cissé, écrasée par un arbre géant le 31 mars dernier, est la goutte de trop. Le Quotidien fait un zoom sur ces drames provoqués par des caïlcédrats.
L’arbre emblématique de la Cité du rail tue. Les caïlcédrats, incarnant un charme écologique qui depuis l’époque coloniale bercent les férus de la nature, sont en train de tuer des populations de la ville. Sa dernière victime se nomme Aby Cissé. L’élève en classe de terminale aux Cours privés Moustapha Sourang, a été écrasée, ce jeudi 31 mars, par un caïlcédrat centenaire. Elle se trouvait à bord d’une mototaxi Jakarta, au quartier Ballabey 2, face à la Cité Ouvrière, derrière la voie ferrée, à quelques encablures du domicile familial. Sous le poids de l’âge, le caïlcédrat s’est écroulé sur elle et le conducteur de mototaxi. Ce dernier, plus chanceux, s’en est sorti vivant. Contrairement à la jeune Aby âgée de 20 ans qui, avec tout le poids de l’arbre qui s’est abattu sur sa frêle personne, a rendu l’âme quelques minutes seulement après son transfert au Centre hospitalier régional El Hadji Ahmadou Sakhir Ndiéguène de Thiès. Les habitants de Ballabey 2, alertés par le bruit de la chute du vieil arbre d’une centaine d’années, se sont rués sur les lieux pour constater les dégâts. Elles sont toujours bouleversées, une semaine après le drame. Difficile d’arracher un seul mot aux parents de la victime.
L’arbre emblématique de la Cité du rail a réservé le même sort, en octobre 2019, à Penda Cissokho. La maman de 3 enfants, âgée de 39 ans, est morte suite à l’affaissement d’un caïlcédrat sur un pan de son appartement sis au Service régional de commerce de Thiès. Elle était concierge dans cedit lieu. C’est suite à un orage avec des vents très violents, que l’un des caïlcédrats qui se trouvait à côté de l’appartement où la famille de Penda Cissokho logeait, s’est déraciné et est tombé sur le mur qui s’est effondré sur elle. Que dire de la maison du vieux Ibrahima Kaïré à côté de la station Total au quartier Mbarambara, près du marché Moussanté à Thiès ?
Un vieux caïlcédrat centenaire qui n’a pas résisté à la violence des vents lors d’une intempérie, s’est effondré sur la maison des Kaïré en juin 2018. Si aucune victime n’a été déplorée, plusieurs parties de la maison, des câbles électriques de la Senelec, ainsi qu’un tuyau de la Sde ont été endommagés. La brutalité de cette tornade avait également déraciné d’autres caïlcédrats qui jonchaient les artères, notamment à Grand-Thiès, Thiéty Kad, Moussanté, entres autres. Quid du caïlcédrat qui s’était affaissé sur les locaux de la Bourse du travail et qui avait créé une grande panique le 4 novembre 2021 ? Une situation qui pose la lancinante question de la gestion des vieux baobabs et caïlcédrats par les autorités compétentes, qui causent des accidents très fréquents dans la ville aux-deux-gares. Lesquels, «boisés depuis l’époque coloniale, sont encore debout mais, en réalité, ils sont morts, parce que les racines sont presque déjà mortes», avait déjà alerté le Colonel Baïdy Bâ, directeur des Eaux et forêts.
ADJARATOU SÈNE NDIAYE, DIRECTRICE DE L’URBANISME ET DE L’AMÉNAGEMENT DE LA VILLE DE THIÈS : «CE SONT DES ARBRES QUI ONT ATTEINT LEUR MATURITÉ»
«Le constat qui est fait aujourd’- hui, c’est que le parc de caïlcédrats est vieillissant parce qu’il date d’avant même les indépendances. Et donc, ce sont des arbres qui sont là mais qui ont quand même atteint une certaine maturité. Maintenant la collectivité, dans sa compétence de gestion de ses ressources naturelles, est censée assurer l’entretien, le suivi et la préservation justement de ses ressources naturelles. Et c’est la raison pour laquelle les mairies ont pour habitude d’effectuer chaque année, dans le cadre des opérations pré-hivernales, des opérations d’abattage et d’élagage sur les grandes artères de la ville de Thiès. En plus de ces opérations d’abatage et ou d’élagage, il y a tous les ans pendant l’hivernage, des opérations de reboisement pour renouveler ce parc de caïlcédrats vieillissants. C’est inscrit dans nos budgets. C’est vrai que cela n’a pas été fait dans la ville depuis quelques années mais, cette année, nous comptons prendre en charge cette préoccupation. C’est inscrit en bonne ligne dans les opérations que nous allons mener. Nous allons faire un recensement de tous les sujets menaçants avec les Eaux et forêts et les services techniques communaux et après, on va procéder soit à leur abattage s’il y a nécessité, soit juste à l’élagage des branches de ces arbres. Il faut aussi noter que depuis 2014, il y a quand même beaucoup de projets de reboisement, mais le point faible reste le suivi de ces campagnes. Et dans le cadre du projet de réhabilitation et de restauration des écosystèmes avec les allemands, qui a pris fin en 2018, on a eu à renouveler les lignées de caïlcédrats sur l’avenue Caen. On est en train de le suivre pour les encadrer, afin qu’ils puissent arriver à maturation.»
COMMANDANT DAOUDA NDIOGOU, CHEF DU SERVICE DES EAUX ET FORÊTS DE THIÈS : «IL EST URGENT DE RECONSTITUER LE PEUPLEMENT DES CAÏLCÉDRATS»
Les caïlcédrats sont vieillissants et il est urgent de reconstituer leur peuplement. C’est le diagnostic du Commandant Daouda Ndiogou, chef du service des Eaux et forêts du département de Thiès. Il a annoncé, dans ce cadre, un programme de reboisement de 40 mille caïlcédrats, pour reconstituer le peuplement de ces arbres emblématiques de la Cité du rail.
Des accidents mortels impliquant des caïlcédrats sont devenus fréquents à Thiès. Qu’est-ce que votre service prévoit pour régler ce drame social ?
D’abord, nous regrettons ce drame. Ensuite, il est important de noter qu’au niveau de Thiès, nous avons un peuplement vieillissant de caïlcédrats ou «khayes» en wolof. Et quand un peuplement est vieillissant, il est urgent de procéder au remplacement. Et pour restaurer, il faut d’abord faire un inventaire. Nous venons de terminer l’inventaire forestier du peuplement de khayes. Nous avons, à Thiès, 2955 pieds de «khaya senegalensis» de son nom scientifique, dont 31 pieds morts. Et nous avons constitué un projet de restauration de ce peuplement. Dans ce cadre, nous voulons travailler en synergie avec les collectivités territoriales. Nous avons reçu le maire de Thiès, Babacar Diop, et nous lui avons soumis le projet. Pour dire que nous sommes en train de voir comment le mettre en œuvre. Au-delà de ça, les Eaux et forêts ont déjà commencé la reconstitution de ce peuplement. De l’avenue Caen jusqu’à la station Elton à la sortie de Thiès, sur une linaire de 6 km, nous avons fait une plantation de khayes que nous arrosons chaque jeudi avec notre citerne. Notre mission, c’est de pouvoir reconstituer ce peuplement. Parce qu’un peuplement vieillissant, à un niveau, constitue un danger car les branches, de même que certains arbres, peuvent tomber à tout moment et causer des accidents. Maintenant, pour y remédier, il faut en amont mettre en œuvre ce projet qui permet de voir comment couper et ensuite replanter. On ne peut pas d’un seul coup tout couper. C’est un projet qui va se faire crescendo. Petit à petit, on va avancer. On recense les pieds morts et les pieds qui constituent un danger avant de restaurer. Pour cela, nous voulons l’appui des mairies surtout pour les gabions. Parce qu’il y a deux conditions idoines pour réussir une plantation : la protection et l’eau. C’est dans ce cadre que nous sollicitons l’appui de la commune pour qu’elle confectionne les gabions et nous, de notre côté, allons amener les plants directement, reboiser et assurer le suivi. Aussi, nous sollicitons l’implication des populations car planter c’est bon et facile, mais le problème c’est la réussite. Il faut donc nécessairement une implication des collectivités territoriales et des populations pour la réussite de ce projet. Parce que ce n’est pas un projet pour le service forestier seulement, il est aussi destiné aux populations de Thiès. Donc, nous voulons adopter une démarche inclusive et participative. C’est pourquoi nous invitons l’ensemble de la population thiessoise à adhérer au projet, pour qu’on puisse ensemble reconstituer ce peuplement. Parce que le khaya sénégalensia constitue l’arbre emblématique de la ville de Thiès.
Pensez-vous toujours qu’il vaut mieux abattre les caïlcédrats qui constituent un danger avant qu’ils ne s’abattent sur les individus ?
Oui. Parce que l’être humain est l’alpha et l’oméga de la gestion durable des ressources. C’est la base de tout. Donc, il faut nécessairement le protéger. Aujourd’hui, au niveau de mon département, quand on abat un khaye, c’est dans le but de protéger l’être humain. Donc tout arbre qui constitue un danger, mieux vaut l’abattre pour replanter. Ces arbres ont été plantés depuis 1940 par nos anciens, c’est à nous donc de restaurer cet écosystème. Et chaque fois qu’une autorisation d’abattage ou d’élagage est donnée par le service des Eaux et forêts, l’objectif est de protéger l’être humain. Nous ne donnons pas d’autorisation tous azimuts, nous le faisons dans un seul but : protéger l’être humain. Et c’est notre devoir.
Vous avez recensé 31 pieds morts sur 2955 après un inventaire forestier du peuplement de khayes, alors qu’il y a quelques années, le directeur des Eaux et forêts, Colonel Baïdy Bâ, avait indiqué que les caïlcédrats de Thiès sont debout mais sont tous morts, parce que les racines sont mortes. Ne pensez-vous pas qu’il y a plus de khayes morts que les chiffres que vous avez avancés ?
Le Colonel Baïdy Bâ a utilisé une métaphore pour dire qu’il y a plus de khayes morts. C’est comme quand tu compares un khaye à une personne centenaire, ses jambes sont fragiles. Ils peuvent tomber à tout moment. C’est une métaphore qu’il a employée. Parce qu’il y a certains khayes qui sont vieillissants, qui ont plus de cent ans et qui tiennent debout, mais au niveau des racines, ça ne tient pas et cela constitue un danger. Et le directeur a utilisé cette métaphore pour sensibiliser les populations par rapport à ce peuplement vieillissant qui constitue un danger. C’est pourquoi il est important de pouvoir mettre en œuvre ce projet de restauration des khayes. C’est l’occasion pour moi de faire un plaidoyer par rapport aux collectivités territoriales, pour les encourager à venir travailler avec nous dans ce projet. Parce qu’il faut que la commune de Thiès travaille en synergie avec les services forestiers et les populations pour pouvoir restaurer cet écosystème-là. La reconstitution est importante. Chaque jour au niveau de mon bureau, je reçois des demandes d’abattage ou d’élagage et à chaque fois, nous allons sur le terrain pour faire un constat. Si nous constatons la véracité de la demande, notamment que l’arbre constitue un danger, on est obligés de couper mais on exige ensuite à ce qu’on replante. Nous avons une pépinière au niveau de Diakhao, où nous produisons beaucoup plus de plants de khayes. Et à chaque fois qu’on coupe, on restaure.
Combien d’arbres comptez-vous planter dans le cadre de ce projet ?
C’est un projet de 40 mille caïlcédrats à l’échelle départementale. Actuellement nous avons recensé 2955 khayes. On a fait un inventaire et pris l’ensemble des paramètres. On a créé une carte d’identité pour chaque khaye. Si vous voyez aujourd’hui les khayes, il y a des écritures rouges. Donc pour chaque arbre, on a pris la circonférence, la hauteur, mais aussi la date de plantation. Cela nous permet de suivre l’évolution même de l’arbre. Et si aujourd’hui vous me dites khaye n°17, je peux géolocaliser l’emplacement. Cela permet de le suivre. Et même si on coupe, qu’on reboise et que ça ne donne pas d’ici 10 ans, le chef de secteur qui va venir ici saura que dans tel emplacement, il y avait un khaye. Cela nous permet de pouvoir restaurer. Notre ambition, c’est par rapport à cela. Il faut nécessairement qu’on restaure et pour cela, nous avons besoin de l’appui de tout un chacun, surtout de la population thiessoise et des collectivités territoriales.
Dakar est le point de ralliement de ressortissants de pays de la sous-région qui s’adonnent à la mendicité. Certains d’entre eux sont forcés à la pratique. Leur activité sert de gagne-pain à des individus qui profitent de leur vulnérabilité
Dakar est le point de ralliement de ressortissants de pays de la sous-région qui s’adonnent à la mendicité. Le constat est que certains d’entre eux sont forcés à la pratique. Leur activité sert de gagne-pain à des individus qui profitent de leur vulnérabilité.
L es 25 et 26 mars, deux vols affrétés par le gouvernement nigérien ont ramené de Dakar 478 enfants, 413 femmes et 162 hommes, tous ressortissants de Kantché et Magaria, deux départements de la région de Zinder, au Niger. Tout est partie d’un reportage de la télévision du groupe Emedia Invest. Le constat étant une cohorte d’individus, composée majoritairement de femmes et des enfants qui ont élu domicile dans la rue, leur refuge après des journées de mendicité.
Le gouvernement nigérien, qui a décidé de ramener ses fils au bercail, a expliqué cette vague de migration par un réseau de trafic organisé. «Ce n'est pas la misère qui est à la base de ce phénomène, mais des réseaux mafieux organisés qui procèdent à la traite et au trafic de ces êtres humains», avait déclaré le ministre nigérien de l'Intérieur, Hamadou Adamou Souley, à l’accueil de ses compatriotes de retour au pays, dans une déclaration transmise par Voa Afrique. La source ajoute aussi que le gouvernement nigérien s’est engagé à poursuivre, devant les juridictions compétentes, tous ceux qui entretiennent ce réseau criminel. La télévision nationale nigérienne, expliquant toujours les causes de cette ruée vers le Sénégal, a donné l’exemple d’un chef de famille qui, après chaque récolte, prend une nouvelle épouse et envoie les autres à l’aventure et à la quête de pitance à l’étranger. Ce rapatriement n’est qu’une preuve de la forte présence de personnes qui s’adonnent à la mendicité dans la capitale.
Sur les grandes artères, au niveau des intersections/ronds-points, feux-rouges… les mendiants ont fini par s’imposer au décor. Ils sont majoritairement des femmes et des enfants. Ces enfants, mêmes malades, sont trainés sous le soleil. Ils viennent des pays de la sous-région. Alors que le Sénégal peine encore à endiguer le mal, la pratique prend une proportion importante. Les mesures prises par les autorités n’ont jamais été à la hauteur du phénomène. L’on se rappelle des premières heures de la Covid-19, période pendant laquelle les instructions du président de la République, Macky Sall, avait suscité une vaste organisation de rapatriement d’enfants dans leurs pays d’origine.
En effet, lors du Conseil du ministre du mercredi 6 mai 2020, il avait donné l’ordre au ministre de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants, Ndeye Saly Diop Dieng, d’accélérer le retrait des enfants des rues. Mieux, il avait aussi donné instruction à son gouvernement de travailler avec les autorités diplomatiques concernées afin que le rapatriement de toute la cible soit effectif. Seulement, le résultat engrangé n’a jamais été à la hauteur de l’ambition fixée. Et dire que la Covid-19 n’a pas été l’unique opportunité pour l’Etat d’annoncer des mesures pour mettre fin à l’errance dans les rues.
Déjà en 2016, le président Macky Sall, lors d’une déclaration après la prière de la Korité, avait dit : «j’ai donné des instructions très fermes au gouvernement pour mettre un terme à cette image insoutenable d’enfants abandonnés dans la rue. Ce n’est pas parce qu’ils sont issus de milieux pauvres ou modestes qu’on doit les laisser à la merci de la rue». D’ailleurs, avec Macky Sall, le Sénégal n’est pas à son coup d’essai. Une vive polémique avait suivi la volonté du président de la République, Abdoulaye Wade, d’en finir avec la mendicité en 2010.
VISAGE HIDEUX DE LA MENDICITÉ À DAKAR
En dehors des infirmes et autres personnes vivant avec des handicaps physiques et visuels, des sans-abris, déficients mentaux ou autistes, des individus quelques fois «mal intentionnés», pour qui tendre la main est un business, s’insèrent dans ce milieu
La capitale sénégalaise abrite un nombre significatif de mendiants venant de divers horizons. De Sébikotane au Centre-ville, il n’y a de ruelles désertées par ces derniers qui, de jour comme de nuit, déambulent ou choisissent des points stratégiques (ronds-points, carrefours, intersections, lieux de cultes, marchés et devantures de grandes surfaces…), à la quête de l’aumône. De la récitation de litanies aux louanges du Prophète (PSL) ou des chefs religieux locaux, aucune méthode n’est exclue pour faire frémir les cœurs des bienfaiteurs. Toutefois, en dehors des infirmes et autres personnes vivant avec des handicaps physiques et visuels, des sans-abris, déficients mentaux ou autistes pour qui mendier est le plus souvent un moyen de survie, des individus quelques fois «mal intentionnés», pour qui tendre la main est un business, s’insèrent dans ce milieux. D’autres utilisent l’infirmité de leurs enfants à cette fin.
«Je ne me plains pas, je gagne de l’argent grâce à mes enfants infirmes». Cette confidence d’une femme, lors d’une conversation avec une autre, qui avoue qu’elle fait mendier ses enfants handicapés pour se faire beaucoup d’argent en dit long sur le «business» pitoyable de certains parents dans le dos de leurs progénitures nés avec des malformations. A l’image des faux jumeaux, pardonnez, des bébés loués qu’on fait passer pour de jumeaux, utilisés pour mendier notamment aux moins tous les vendredis et lundis comme le veut la tradition, ce phénomène est une triste réalité et laisse bouche-bée. Un tour dans certains points stratégiques et rues très fréquentées permet de mesurer l’ampleur de cette forme d’exploitation mercantile de l’infirmité des enfants par leurs propres parents et de traite de mineurs qui ne dit pas son nom. A Keur Massar, le tout dernier département de Dakar, un cas parmi tant d’autres attire l’attention. Cela fait près de quatre ans qu’une quadragénaire utilise son rejeton atteint de poliomyélite pour subvenir à ces besoins. A la même place à MTOA (Keur Massar), depuis fort longtemps, la dame originaire de l’Est du Sénégal n’a cherché d’aide pour soigner son fils. Au contraire, elle a choisi de l’exposer chaque jour, à même le sol pendant des heures, pour susciter la pitié des passants.
DES FAUX JUMEAUX À L’EXPLOITATION MERCANTILE DE L’INFIRMITÉ DES ENFANTS
M.T, vendeurs de café dans ledit quartier, que les actions de la dame n’enchantent guère, est passé aux aveux. «Je suis bien conscient de l’ampleur des allégations que je suis en train de faire. Néanmoins, je ne peux m’en empêcher car trop, c’est trop ! Ici c’est la banlieue, tout le monde se connait et rien ne s’ignore. Cette femme, en dépit des nombreuses campagnes de prise en charge des enfants atteints de la poliomyélite, n’a jamais daigné amener son fils car celui-ci lui apporte beaucoup. A présent, l’état de santé de l’enfant se dégrade ; en témoigne son apparence frêle et son corps osseux. Si rien n’est fait, il mourra certainement de douleur et de fatigue», assène-t-il avec émotion. Pour lui, voir des femmes qui exploitent leurs enfants malades est monnaie courante dans cette zone de la banlieue Dakaroise et dans bien d’autres localités. Il justifie ces pratiques par l’amour de la facilité et la cruauté. Ainsi, se rappelle-t-il : «quelques mois auparavant, un petit garçon de deux (2) ans s’est fait renversé par un Pajero, sous le regard négligent de sa mère. L’enfant qui savait à peine ramper entreprit de traverser la route quand le véhicule qui l’a fauché sortit de nulle part, roulant à vive allure…» Et pendant ce temps, dit-il, «la mère s’occupait à remplir ses pochettes».
DES ESCROCS DANS LE BUSINESS DE LA MENDICITÉ
Mais, ces cas de figures sont loin d’être les seuls décrivant le «business» autour de la mendicité des enfants vivant avec un handicap. En effet, partout dans la rue, les transports en commun ou autres lieux de rencontre, les mendiants font foison. Le phénomène de la mendicité est devenu tellement banal que des individus mal intentionnés s’y mêlent pour mieux tromper la vigilance et commettre des larcins. Et, selon un certain nombre de témoignages, ce sont, pour une bonne partie, des voleurs déguisés, des vendeurs de substances prohibées ou des individus bien portants qui feignent être atteint de maladies (cécité, surdité, maladie cardiovasculaires…) afin d’extorquer des fonds aux âmes sensibles. A en croire Stéphanie Thiaw, souvent, ils ont des stratégies bien propres à eux, y parvenir. «Je quitte tous les jours Malika pour rallier la ville ; c’est là que se trouve mon bureau. Un jour, alors que j’étais dans un bus, un homme d’une certaine masse corporelle qui se disait être aveugle monta à bord. Il glorifiait les exploits de certains guides religieux du pays, moyennant des pièces de FCFA… Quelques temps après, à ma plus grande surprise, je l’aperçus dans un supermarché de Malika faisant ses achats lui-même. Là je me suis rendu compte qu’il n’a jamais perdu l’usage de ses yeux», a-t-elle ajouté en soupirs.
MENDIER, DESORMAIS UN JOB INTERNATIONAL ET UNE AFFAIRE DE TOUS
Ceci prouve, vraisemblablement, que mendier est devenu une activité fructueuse dans la capitale, ces dernières années. Ce n’est plus l’apanage des infirmes ou des gens avec un très faible niveau de vie, c’est devenu l’affaire de tous. L’argument souvent avancé par ses adeptes est la pauvreté. «Nous n’avons d’autres choix que de tendre la main s’ils veulent survivre», affirme Mère Sène, une mendiante établie à Keur Massar village. «Les conditions de vies sont accablantes ; on quitte nos terres natales, laissant tout derrière nous, espérant trouver un travail décent sur lequel s’appuyer. Cependant, la réalité ici est toute autre», poursuit-elle.
Récemment, au-delà de nombreux ressortissants maliens, guinéens visibles au niveau de ronds-points et feux-rouges, un nombre important de mendiants venu du Niger a été rapatrié par les autorités de ce pays de l’Afrique de l’Ouest, avec l’aide d’autorités du Sénégal. Ils étaient en tout plus d’un millier d’hommes, de femmes et d’enfants à quémander dans les rues de Dakar. Interrogés sur les motifs d’un pareil acte, ils répliquèrent que «la mendicité rapporte beaucoup à Dakar».
Avant d’ajouter que ce qu’ils obtiennent en mendiant en terre sénégalaise n’a rien à voir avec ce qu’ils gagnent au Niger, même en travaillant. Selon eux donc, «Dakar est une capitale bien généreuse où les gens n’éprouvent de difficultés à donner l’aumône». La situation est, à présent, très alarmante. Pourtant la traite des personnes est punie par la loi. N’empêche, la mendicité, bien qu’elle existe depuis belle lurettes et dans toutes les sociétés, gagne du terrain et cette fois-ci avec de nouveaux acteurs. Des femmes qui sacrifient la santé de leurs enfants pour de l’aumône et des hommes qui insinuent des maladies pour se remplir les poches ; une vraie mafia est entrain de tisser sa toile.
UN MILITAIRE BLESSÉ APRÈS DES ACCROCHAGES
Un militaire blessé, c’est le bilan des accrochages survenus hier, vendredi 8 avril 2022, tôt le matin entre les villages de Badiouré et Diango, sur la Route nationale n°4 (RN4).
Un militaire blessé, c’est le bilan des accrochages survenus hier, vendredi 8 avril 2022, tôt le matin entre les villages de Badiouré et Diango, sur la Route nationale n°4 (RN4). L’armée qui a déjoué tôt le matin une tentative de braquage a essuyé des tirs de la part des bandes armées qui ont été toutefois repoussées par les soldats de l’armée sénégalaise vite déployés sur les lieux.
C’est aux environs de 7 heures GMT qu’une colonne d’hommes armés a été signalée dans la zone. Armés, ils s’apprêtaient à investir la Route nationale N°4 pour braquer les véhicules. Repérés, ils sont vite attaqués par la grande muette aux aguets qui jalonne cet axe routier. Il s’en est suivi des échanges de tirs nourris entre les soldats de l’Armée sénégalaise et les bandes armées qui se sont repliées dans la forêt.
Dans ces accrochages, un militaire s’est blessé dans les rangs de l’Armée. Difficile, cependant, d’évaluer les partes enregistrées du côté des assaillants acculés de toute part. Depuis quelques temps, cet axe routier est la cible des bandes armées qui en ont fait leur zone de prédilection pour perpétrer des braquages et autres forfaits.
Des incidents qui surviennent au moment où l’Armée accentue l’offensive vers les bases rebelles de César Atoute Badiate, après avoir démantelé les bastions contrôlés par le chef rebelle Salif Sadio, dans cette même zone du Nord Sindian. Cette tentative de braquage avorté suivie d’échanges de tirs s’ajoute à d’autres forfaits perpétrés par des bandes armées dans la zone. S’agit-il d’éléments rebelles acculés par l’offensive de l’Armée ? Ou s’agit-il de bandits qui profitent de la situation pour semer le trouble et plonger les populations dans la psychose ?
Des questions complexes et difficiles à répondre dans ce contexte de sécurisation enclenchée par les Forces de défense et de sécurité déterminées à extirper cette partie de la région de Ziguinchor de tout agissement d’éléments armés.
MACKY PROLONGE LES LOCALES
Le président de la République et patron de la coalition majoritaire au pouvoir, Benno Bokk Yakaar, renfile son manteau de chef de guerre et relance ses opérations de démantèlement des bases de l’opposition
L’officialisation du ralliement du maire réélu de Biscuiterie sous la bannière de Wallu Sénégal, Djibril Wade annoncé pour ce jour, samedi 9 avril, remet au goût du jour la stratégie du régime en place de démantèlement des bases de l’opposition. Après avoir été battu dans plusieurs grandes localités, l’actuel chef de l’Etat a lancé une campagne de détournement du suffrage des électeurs à travers le débauchage des élus de l’opposition.
Le président de la République de la République et patron de la coalition majoritaire au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (Bby), Macky Sall, renfile son manteau de chef de guerre et relance ses opérations de démantèlement des bases de l’opposition.
Près de quatre mois après la débâcle des candidats qu’il a lui-même choisis et investis têtes de liste de la coalition au pouvoir dans plusieurs localités lors des dernières élections municipales et départementales du 23 janvier dernier, l’actuel chef de l’Etat accélère sa campagne de détournement du suffrage des électeurs à son profit à travers le débauchage des maires de l’opposition conformément à son ambition de « réduire l’opposition à sa plus simple expression » affirmée en 2015. Aujourd’hui, le patron du parti au pouvoir, l’Alliance pour la République (Apr) qui a déjà réussi à débaucher les maires de la Médina et de Diourbel, réélus respectivement sous la bannière de la coalition Gueum Sa Bopp de Bougane Guèye Dany et de la coalition Wallu Sénégal du Parti démocratique sénégalais (Pds) lors élections locales du 23 janvier dernier, a dans son collimateur plusieurs autres élus de l’opposition, y compris les ceux de la coalition Yewwi Askan wi dont même l’actuel maire de Dakar, Barthélémy Dias. D’ailleurs, sur invitation du chef de l’Eta? ou l’inverse, le nouveau maire de Dakar se rendra dans les tout prochains jours au Palais de la République. En effet, selon nos sources, le chef de l’Etat est plus que jamais déterminé à renforcer les bases de sa coalition affaiblie par la perte de plusieurs importantes localités lors des dernières Locales.
D’ailleurs, c’est dans cette dynamique de démantèlement des bases de l’opposition que le maire réélu de Biscuiterie sous la bannière de Wallu Sénégal, Djibril Wade, par ailleurs neveu de l’ancien président de la République devrait officialiser aujourd’hui sa transhumance dans le camp du pouvoir. Cependant, il faut souligner que cette campagne de débauchage des élus de l’opposition remet au goût du jour le débat sur la problématique d’éthique dans la scène politique sénégalaise. Ce, d’autant plus que ces ralliements des élus de l’opposition dans le camp du pouvoir obéissent très souvent moins à des logiques de programmes de développement que la satisfaction des intérêts personnels (financier et social) du leader transhumant qui trahit ainsi la volonté de ses concitoyens. Alors que ceux-ci l’ont préféré au candidat investi sur la liste du pouvoir. Cette situation pose de manière légitime la nécessité de légiférer comme c’est le cas déjà à l’Assemblée nationale où l’actuel chef de l’Etat a fait voter une clause interdisant tout élu sous une coalition de quitter celle-ci pour une autre sous peine de perte de son mandat de député.
QUAND LE VERROUILLAGE DES SOURCES FREINE L’INVESTIGATION
Dans le cadre de la collecte de l’information, les journalistes sont parfois bloqués à cause de l’inaccessibilité ou le verrouillage des sources au Sénégal
Dans le cadre de la collecte de l’information, les journalistes sont parfois bloqués à cause de l’inaccessibilité ou le verrouillage des sources au Sénégal. Ce qui plombe leur travail et influe sur leurs productions et leur engagement, selon les journalistes interrogés et des acteurs de la société civile. Malgré le plaidoyer de ces derniers, le Sénégal ne dispose toujours pas de loi sur l’accès à l’information.
Coordonnateur et fondateur de La Maison des Reporters, le journaliste Moussa Ngom apprend l’information selon laquelle le Sénégal importe des déchets plastiques américains. Comme à son habitude, il décide de faire une enquête sur cette affaire. Comment ces déchets arrivent-ils au Sénégal ? Sont-ils déclarés en tant que déchets ? Si c’est le cas, quelle est la quantité ? Pour avoir les réponses de toutes ces interrogations, il décide de prendre langue avec le Port autonome de Dakar. «J’ai introduit une demande d’informations au service des statistiques du Port autonome de Dakar qui a duré cinq à six mois mais entre temps, j’ai fait quatre à cinq relances. J’avais aussi rencontré le chargé de communication qui m’avait demandé de réintroduire une lettre, ce que j’ai fait. J’ai encore patienté un ou deux mois avant que je ne sois rappelé par le service des statistiques sur les déchets plastiques importés. Il m’a demandé d’envoyer un nouveau mail alors qu’il y avait toute la requête dans la lettre de demande d’informations mais jusqu’à présent, je n’ai pas eu de réponse de ce service de statistiques », raconte le journaliste.
Confronté à un difficile accès à l’information, son enquête connaît un retard. A l’image de Moussa Ngom, beaucoup de journalistes, particulièrement ceux qui font des enquêtes ou de l’investigation, font face à cette situation au Sénégal. Des rendez-vous qui aboutissent tardivement ou même jamais, des appels téléphoniques refusés, des mails ou des lettres sans suite sinon des retours pouvant prendre jusqu’à six mois, les entraves liées à l’exercice du métier de journaliste sont nombreuses. Et au-delà de l’omerta qui opère dans plusieurs milieux, c’est la lenteur administrative qui complique l’accès à l’information. Mais pour le journaliste d’investigation Momar Niang, «l’identification et l’accès aux sources ne posent pas de problèmes». «Ce qui est problématique, c’est faire réagir la source. Et les choses deviennent la plupart du temps très difficiles quand vous avez affaire à des administrations publiques», explique-t-il. Non sans raconter son vécu. « J’ai récemment fait une enquête concernant le Togo et le Sénégal sur les achats de matériels pour lutter contre la Covid-19. C’est une enquête déjà terminée mais le problème de vérification des sources se pose parce qu’au début, ce qu’affirmait le Ministère de la Santé et de l’Action sociale et ensuite ce qu’on voit dans le rapport du Comité de suivi de la mise en œuvre des opérations du Force Covid-19 dirigé par le Général François Ndiaye montrent des contradictions. J’ai écrit au ministère pour avoir des interviews pour qu’on éclaire ma lanterne mais jusqu’à présent, ce sont des lettres sans suite», explique Momar Niang. Alors que le verrouillage des sources d’information obstrue le travail de collecte, un fait inquiète plus le journaliste d’investigation. «On vous prive d’informations censées être publiques. Ce n’est pas top secret, ce n’est pas secret défense. Or, tout ce qui n’est pas classé comme secret défense, peut être livré à des journalistes mais ce n’est pas forcément le cas et c’est surtout dans le domaine des finances publiques où il est très difficile de mettre la main sur certains rapports parce qu’ils ne sont pas sur les sites de l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) et autres services », confie Momar Niang.
ENTRE ABANDON OU GOUT INACHEVE DE L’ENQUETE
On peut dès lors s’interroger sur l’impact que provoque l’inaccessibilité des sources d’information sur l’engagement des journalistes et les contenus. «On le vit très mal. On est obligés d’abandonner les enquêtes, ou patienter si c’est des enquêtes qui peuvent caler durant plusieurs mois sans réponse mais parfois il peut s’agir d’informations qui sont essentielles pour pouvoir les poursuivre et ça peut aboutir à des enquêtes qui sont incomplètes», souligne Moussa Ngom. Mais concernant son enquête sur les importations de déchets plastiques américains au Sénégal, il a trouvé un moyen pour contourner le blocage. «L’alternative que j’ai eue, au niveau américain, ils ont leur base de données par rapport au commerce extérieur où tout est catégorisé. On peut avoir accès aux données et choisir le type de données dont on a besoin. C’est grâce à cela que j’ai pu avoir accès aux informations concernant les quantités de déchets plastiques américains qui étaient exportés vers le Sénégal», raconte le coordonnateur et fondateur de La Maison des Reporters. Après avoir obtenu les données, il restait au journaliste la confirmation que ces déchets arrivaient bien au Sénégal. «Ça a été un blocage avec le Port autonome de Dakar parce que malheureusement je n’arrivais pas à savoir sur le terrain la société qui importait ces déchets plastiques mais c’est grâce à un lanceur d’alerte qui m’a indiqué l’entreprise», dixit Moussa Ngom. Pour sa part, Momar Niang est d’avis que «le problème d’accès à l’information peut constituer un facteur décourageant pour ceux qui veulent se lancer dans le journalisme d’enquête».
L’ABSENCE D’UNE LOI SUR L’ACCES A L’INFORMATION A L’ORIGINE DU VERROUILLAGE DE L’INFORMATION
Au Sénégal, même si le droit à l’information est constitutionnalisé, des journalistes continuent de rencontrer des difficultés pour faire réagir des sources à cause de l’absence d’une loi sur l’accès à l’information. «La loi est toujours à l’état de projet. Une mouture a déjà été conceptualisée et rédigée, malheureusement les acteurs des médias n’ont pas accès aux textes. Actuellement, la Convention des jeunes reporters est en train de recueillir après discussion les avis des gens sur ce projet en rapport avec le SYNPICS. C’est une externalité un peu des Assises des médias que nous avons voulu organiser. Ils ont fait des tournées un peu partout au Sénégal pour échanger avec les confrères sur cette loi, sa nécessité dans notre espace public et recueillir les déclarations des régions», explique le secrétaire général du Syndicat des Professionnels de l’Information et de la Communication (SYNPICS), Bamba Kassé. Selon lui, l’absence de cette loi est parfois à l’origine du verrouillage de l’information. «S’il n’y a pas une obligation pour l’administration ou certaines de ses dépendances de donner une information, les journalistes seront toujours dans la recherche qui sera marquée par une certaine nébuleuse. L’accès à l’information est donc très utile pour les journalistes parce qu’il leur permet d’avoir un accès aux sources et cela ne peut qu’améliorer le rendu qu’ils vont partager avec le public en termes d’informations », a fait savoir Bamba Kassé.
«LES JOURNALISTES NE PEUVENT PAS PRODUIRE DES ARTICLES DE QUALITE S’ILS N’ONT PAS…»
Le fondateur et président de Wathi (think tank citoyen de l’Afrique de l’Ouest) plaide l’accès à l’information. Selon Gille Yabi, «les journalistes ne peuvent pas produire des articles de qualité s’ils n’ont pas, eux-mêmes, accès à l’information». Poursuivant son propos, il ajoute : «si les journalistes n’ont pas accès à une information de qualité, c'est-à-dire avec des sources qui soient crédibles, les journalistes vont sans doute, soit inventer quasiment des informations ou en tout cas ajouter des éléments dont ils n’ont pas la source, la substance, soit ils vont produire des articles avec très peu de contenus en informations». Aujourd’hui, face au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, le verrouillage de l’information pourrait constituer un terrain fertile pour la prolifération des fake news. En effet, l’information de qualité contribue au débat public et à une société ouverte et dynamique. Sur ce, des débats qui s’appuient sur des reportages riches et une vulgarisation des grands enjeux et des enquêtes qui font la lumière sur des situations qui resteraient sinon dans l’ombre, restent importants.
PROJET DE LOI SUR L’ACCES A L’INFORMATION : Un déficit d’information noté sur son état d’avancement
Au Sénégal, l’article 8 de la Constitution consacre le droit d’accès à l’information (le droit à l’information plurielle). Mieux, notre pays a signé et adopté beaucoup de conventions et d’aspects législatifs qui obligent ce droit. Toutefois, il ne dispose toujours pas de loi sur l’accès à l’information. « Il n’y a pas une loi qui porte sur l’accès à l’information. Au moment où nous sommes, il y a un projet de loi sur lequel Article 19, l’institut Panos et beaucoup d’autres organisations de la société civile ont longtemps travaillé pour avoir une mouture de la loi avec un décret d’application mais jusque là, elle n’a pas été adoptée. Le processus a duré plus de 20 ans, mais il n’y a pas d’information sur le projet de loi. Jusque-là, lorsque vous allez voir le gouvernement, on vous dit que le projet est dans le circuit administratif», a expliqué le chargé de programme à l’ONG Article 19, Abdoulaye Ndiaye. Il s’exprimait lors d’un panel sur «Citoyenneté, gouvernance et accès à l’information au Sénégal» organisé par l’Ecole supérieure de Journalisme, des Métiers de l’Internet et de la Communication (EJICOM) le jeudi 31 mars dernier. Malgré tout, plusieurs textes permettent d’accéder aux informations mais ce n’est toujours pas le cas. Selon le chargé de programme à l’ONG Article 19 , il s’agit, entre autres, de «la loi de 2013 sur le Code général des Collectivités territoriales qui, en son article 6, donne la possibilité au citoyen de demander l’information aux élus locaux, le décret du 29 septembre 2014 qui régit les modalités de préparation de passation et d’exécution des marchés publiques, la loi de 2014 sur la déclaration de patrimoine, la loi 2008 sur la protection des données à caractère personnel». Il ajoute : «il y a beaucoup d’autres mécanismes auxquels le Sénégal a adhéré comme l’Initiative pour la Transparence dans les Industries extractives (ITIE) qui permet d’avoir l’information sur les industries extractives». Il cite aussi le « Partenariat pour un gouvernement ouvert (OGP) qui a 12 engagements qui lient le Sénégal et le premier porte sur l’adoption d’une loi d’accès à l’information conforme aux standards internationaux».
DE LANGUE À LANGUE, L’HOSPITALITÉ DE LA TRADUCTION
Langue dominante. Langue dominée. Langues d’égale dignité. Ce sont là un ensemble de thèmes visités par Souleymane Bachir Diagne dans son ouvrage : « De langue à langue »
Langue dominante. Langue dominée. Langues d’égale dignité. Ce sont là un ensemble de thèmes visités par Souleymane Bachir Diagne dans son ouvrage : « De langue à langue ». Selon que l’on adhère à l’une ou l’autre perspective, les conséquences s’avèrent radicalement différentes. Dans le premier cas de figure, pour affirmer sa suprématie, se profile un nationalisme linguistique qui s’organise autour de la conflictualité et du rejet, contrairement au second où il est plutôt question de domestication de la différence, à travers notamment un plurilinguisme fécond.
En convoquant d’emblée la question de la diglossie, si prompte à hiérarchiser la pratique des langues sur la base de statuts opposant un niveau inférieur, de moindre allure, à un autre, supérieur, capable de véhiculer un savoir de dimension internationale , Souleymane Bachir Diagne nous met ainsi en face d’enjeux fondamentaux. Ceux qui agitent l’espace francophone et que l’on retrouve dans la diglossie français-créole, aux Antilles, ou tout simplement, français langues locales, dans moult pays africains. De par cette dichotomie encore persistante, le français y apparaît comme langue impériale voire de domination, réduisant les autres à la réalité infamante de langues périphériques. De telles postures d’adoubement et/ou d’exclusion déroulent forcément une foultitude d’interrogations qui, en arrière fond, posent la question centrale de savoir si la langue promeut le repli identitaire ou au contraire embrasse l’ouverture. C’est précisément sur cet aspect que porte la réflexion de l’auteur. Elle se focalise sur la capacité de la traduction à tisser une relation, à mettre en rapport, et plus précisément à réconcilier des identités plurielles. Au fil de l’argumentaire on comprend toutefois que la traduction n’est pas chose aisée, parce qu’au-delà de l’ « intraduisible », au sens que lui donne la philosophe Barbara Cassin, à savoir « ce qu’on ne cesse pas de (ne pas) traduire », un détournement de sens reste possible.
A l’image de l’interprète colonial qui refuse d’être cantonné au rôle d’élément devant rendre compte avec exactitude de la parole impériale dans une adéquation qui n’en altère aucunement le sens. Aussi, lorsqu’il est capable de saisir la complexité d’une situation et de la gérer, l’interprète s’évertue-t-il à mettre en place un « troisième espace au sein de l’empire colonial, participant à la fois de l’imperium et du monde colonisé ». Par les codes qui régissent son milieu sociétal, il se positionne alors comme médiateur culturel, en émancipant la traduction de la stricte exposition d’une « pure technique de transposition des mots d’une langue dans ceux d’un autre ». Ce qui explique que moult d’entre eux se soient convertis en écrivains qui ont su sauvegarder le « trésor de l’orature », autrement dit la littérature orale, en l’imprimant dans la langue impériale. Une telle coexistence serait-elle alors de l’ordre de « la reddition » et du « paiement de tribut » puisqu’il ne saurait y avoir de littérature africaine qui ne soit pas portée par une langue éponyme ?
« LA LANGUE DES LANGUES »
Tout en concédant cette possibilité, l’auteur soutiendra toutefois qu’une littérature de traduction a fait de l’anglais, du français ou du portugais des langues d’Afrique. Il la retrouve en période coloniale avec des auteurs comme Amadou Hampâthé Bâ, Bernard Dadié et autre Birago Diop. Quitte à y adjoindre Léopold Sédar Sédar, co-auteur avec Abdoulaye Sadji, de « La Belle Histoire de Leuk-le-Lièvre » . Ce livre destiné aux classes de primaire qui a meublé et accompagné l’imaginaire de tant d’enfants est une traduction en français de la geste de cet animal rusé, héros de maints contes ouestafricains. A travers cet ouvrage, tout comme « Le Pagne noir » de Bernard Dadié, ou les « Contes d’Amadou Koumba » de Birago Diop , Souleymane Bachir Diagne découvre « une contre-écriture » telle que définie par Sartre dans la préface d’Orphée noir , consistant à « un décentrement de la langue hypercentrale pour l’engager dans son devenir-africain ». A travers ces exemples, dit-il, on retrouve « ce que veut dire recréer en écriture, dans la fidélité et la trahison assumée », lesquelles sont constitutives de la tâche de traduire. Pour lui, on est face à un travail de déconstruction dans le sens où , profitant de « l’hospitalité réciproque entre les langues », ces différents auteurs « ont fait de la traduction de l’orature tout autre chose que ce que l’appropriation impériale avait construit sous le label « contes ». Parce que dans l’acte de traduire on se retrouve entre deux langues, entre deux cultures, qu’on les habite, Souleymane Bachir Diagne invite à tisser des liens au sens où Ngugi Wa Thiong’o, militant des langues africaines , affirme que « la traduction est la langue des langues ». Ce rôle que joue la traduction se love aussi dans la religion, à travers notamment le Coran dont le message est révélé en arabe. Souleymane Bachir Diagne de convoquer alors l’œuvre du poète mystique Moussa Ka pour qui, « versifier en wolof, en langue arabe et en toute autre langue est la même chose ». Une manière d’affirmer leur égale noblesse car « dès lors qu’elles s’attachent à chanter le prophète de Dieu, toutes voient leur essence ennoblie ». Il s’agit bien sûr, avertit l’auteur, d’une traduction, non point malveillante, plombée par une volonté de discrédit, mais celle qui se donne comme un art de construire des ponts, de mettre en rapport, de sortir des enfermements identitaires mortifères, pour installer dans la rencontre, la pluralité, le partage et la réciprocité. Cette conviction qui structure toute la production intellectuelle de Souleymane Bachir Diagne dit que nous sommes différents, que cette différence ne doit pas nous atomiser en nous enfermant dans des certitudes exclusivistes, mais plutôt nous installer dans le souci et l’ inquiétude pour autrui. Une manière de suggérer, en clin d’oeil à Léopold Sédar Senghor, que « l’orgueil d’être différent ne doit pas empêcher d’être ensemble ». C’est en cela que consiste « l’hospitalité de la traduction ». « De langue à langue ».