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19 juin 2025
LUEUR D’ESPOIR POUR LES CHERCHEURS DE L'ISRA
Les syndicalistes de l’Isra retrouvent l’espoir après que le chef de l’Etat a donné les instructions au ministre de l’Agriculture pour la résolution de leurs revendications.
Les syndicalistes de l’Isra retrouvent l’espoir après que le chef de l’Etat a donné les instructions au ministre de l’Agriculture pour la résolution de leurs revendications. Ces chercheurs de l’Isra renouvellent leur détermination à construire une agriculture « émergente ».
Le Syndicat autonome pour la recherche agricole et agroalimentaire (Saraa) de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra) affiche le sourire. Dans un communiqué, ses membres remercient le chef de l’Etat, Macky Sall pour l’attention qu’il a accordée à leurs revendications. « Un travailleur écouté et sûr d’être entendu est un travailleur motivé. Un travailleur motivé est un travailleur engagé surtout pour une institution de recherche telle que l’Isra, bras technique de l’Agriculture qui vous tient véritablement à cœur. »
Le Saraa applaudit donc « fortement » les instructions données au ministère de l’Agriculture et de l’équipement rural (Maer) pour « résoudre les problèmes et moments difficiles que vivent les chercheurs de l’Isra, pour qu’ils soient à la hauteur des enjeux actuels et futurs ». Les syndicalistes d’ajouter à l’endroit du Président Sall : « L’esprit optimiste que nous avons retrouvé aujourd’hui grâce à votre intervention, galvaude notre vigilance, notamment quant à l’orientation des futures discussions. Aujourd’hui, plus que jamais, nous chercheurs, sommes déterminés à construire l’émergence d’une agriculture à la hauteur des attentes des politiques publiques de l’État comme déclinées dans le Pse. »
Précédemment, le Saraa dénonçait des « dysfonctionnements graves » suite aux nouvelles dispositions administratives de la direction générale. « Un centre régional d’excellence, reconnu par la Cedeao, se retrouve sans connexion internet pendant plus d’un mois ; des essais et expérimentation en souffrance, suite à des contrats de prestations arrêtés ; des travaux en retard, suite à la centralisation de l’achat d’intrants, de produits de laboratoire, et même de papeterie, par le service de passation des marchés… », listent les syndicalistes. Le Saraa a dénoncé, en outre, la gestion des ressources humaines, qui ne favorise pas l’excellence, mais au contraire pousse le personnel, les chercheurs en particulier, à chercher de meilleurs horizons.
LE CORAN TRADUIT DANS LES LANGUES AFRICAINES POUR ÊTRE PLUS ACCESSIBLE AUX FIDÈLES
Pour rendre le Coran accessible au plus grand nombre, il faut le traduire dans les langues des croyants. C'est déjà le cas au Sénégal et désormais aussi en Guinée
Pour rendre le Coran accessible au plus grand nombre, il faut le traduire dans les langues des croyants. C'est déjà le cas au Sénégal et désormais aussi en Guinée. En ce mois de Ramadan, c'est le dossier du matin.
Le texte sacré de l’Islam est désormais disponible en langue pulaar, encore appelée fulfulde. C'est un projet mené par l'association Islam House (basée en Arabie saoudite) et par le Centre guinéen d'études et de traduction (basé à Conakry). Les traductions du Coran en pulaar sont très rares et peu accessibles. Cette nouvelle version vient enrichir le site officiel de l'Encyclopédie du Coran (www.islamhouse.com) qui à ce jour, est traduite dans 23 langues, dont le Haoussa et le Kiswahili. En traduisant le Coran en pulaar-fulfulde, ce sont près de 60 millions de locuteurs dans le monde qui sont visés.
Il a fallu quatre ans de travail et de vérifications pour traduire les 114 sourates du Coran en pulaar. Un travail délicat, pour coller au plus près de l'esprit du livre saint, tout en adoptant un niveau standard de langue compréhensible par tous et toutes, comme l'explique à Bineta Diagne, de la rédaction Afrique, Mamadou Tafsir Baldé, le directeur du centre Guinéen d'études et de traduction, porteur de ce projet : « Dans la traduction de sens du Coran, il y a toujours des terminologies qui sont parfois conformes, d’autres qui sont différentes. Nous avons une traduction selon un caractère du pulaar standardisé pour avoir une traduction accessible à tous les (locuteurs de) pulaar. »
Ce projet est mis en ligne en ce tout début de ramadan, pour répondre à l'intérêt des fidèles en quêtes informations sur la Révélation du Coran. Mamadou Tafsir Baldé : « Parmi les versets les plus consultés pendant ce mois du ramadan, les versets de la sourate numéro deux "al-baqarah". Elle parle de la révélation du Coran dans le mois du ramadan. Elle explique comment nous pouvons jeûner. Ce sont les les concepts du ramadan... Le ramadan aussi, c’est un moment de la lecture du saint Coran. Il y a des gens qui lisent tout le Coran pendant le ramadan. »
Le projet n'est pas totalement achevé : l'association Islam House compte se lancer dans la traduction des Hadith, les paroles du Prophète. Par ailleurs, une version papier du Coran en pulaar devrait bientôt être disponible.
EXCLUSIF SENEPLUS - La société sénégalaise ne saurait prospérer sans une jonction entre ses différentes élites intellectuelles : celle francisée, celle arabisée et celle endogène, estime le sociologue Ibrahima Dia
Le sociologue Ibrahima Dia s'inquiète que le Sénégal soit arrivé à un point de non-retour à cause de ses mondes parallèles : celui de l'école française, celui de l'école arabe et celui de l'informel non alphabétisé. "La société sénégalaise est en danger", a-t-il notamment indiqué, appelant à la construction d'un pont entre ces mondes fragmentés, afin de parer à la catastrophe.
Ibrahima Dia intervenait lors de la rencontre "Littérature, Culture et Consensus sociétaux" organisée, jeudi 31 mars par SenePlus.com à L'Harmattan-Sénégal avec plusieurs vedettes, dont le prix Goncourt 2021 Mohamed Mbougar Sarr, Abdoulaye Elimane Kane, Felwine Sarr, Elgas, Paap Seen, Penda Mbow, Alymana Bathily, etc.
Par Yoro DIA
RUSSIE/UKRAINE, LA PAIX DES BRAVES
En acceptant l’idée de négocier avec Poutine un statut de pays neutre pour l’Ukraine, le président Zelenski a une posture d’homme d’Etat, parce qu’ayant compris que c’est le moment d’agir
«L’homme d’Etat doit toujours agir avec une connaissance insuffisante des faits, dans la mesure où s’il attend que tous les faits soient connus, il sera trop tard pour les modifier. L’art de l’homme d’Etat est l’art de trouver le bon moment pour agir», dit Kissinger dans sa thèse consacrée à Metternich.
En acceptant l’idée de négocier avec Poutine un statut de pays neutre pour l’Ukraine, le président Zelenski a une posture d’homme d’Etat, parce qu’ayant compris que c’est le moment d’agir. C’est le moment d’agir parce que les Ukrainiens, même s’ils ont gagné la bataille de l’opinion, n’ont pas les moyens de la gagner sur le plan militaire. C’est le moment d’agir parce que Poutine, qui est dans la situation de De Gaulle en Algérie ou de Nixon face aux Vietnamiens, cherche une porte de sortie honorable, c’est-à-dire une «paix sans défaite» ou une «paix des braves» comme avait dit de Gaulle.
Ainsi l’avenir de l’Ukraine serait le présent de la Finlande, une ancienne possession de l’empire russe devenue aujourd’hui un pays neutre depuis 1955, et dont la capitale Helsinki a été souvent un lieu de rencontre et de négociations entre les deux protagonistes de la Guerre froide et du monde bipolaire, à savoir les Etats Unis et l’Urss.
La stratégie de Poutine n’a pas fonctionné car la force militaire, qui devait être son principal atout pour obliger les Ukrainiens à capituler, n’a pas été suffisante. Le redéploiement de l’Armée russe à l’Est en est la preuve car Poutine veut se donner un avantage militaire pour négocier le futur statut de l’Ukraine, vu que l’option de l’annexion ou de la vassalisation avec un pouvoir fantoche a échoué.
Cette guerre est un désastre pour la Russie car elle perd ce qu’elle avait de plus précieux : une réputation dissuasive forgée par la leçon infligée à la Géorgie et son intervention décisive pour sauver Assad en Syrie. C’est cette réputation dissuasive qui a fait qu’aucun pays, à commencer par l’Ukraine, n’a osé bouger quand elle a annexé la Crimée. Cette réputation dissuasive était une autre arme nucléaire pour la Russie. En s’embourbant en Ukraine, la Russie montre aux yeux du monde qu’elle est en fait un «tigre de papier» et que, sans l’arme nucléaire, elle est une puissance moyenne sur le plan économique et militaire. Sur un coup de poker politique, Poutine vient de détruire ce qu’il a mis vingt ans à bâtir : redonner aux Russes le sentiment de grandeur après les années de désordre et de doute consécutives à la dislocation de l’Urss.
La «paix des braves» est proche parce que comme le Fln algérien, l’Ukraine ne peut gagner militairement et la Russie, comme la France, a déjà perdu politiquement la guerre. Zelenski va probablement accepter un statut de neutralité en contrepartie de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, parce qu’il aura aussi compris les limites du soutien et de l’engagement occidental et que Poutine veut une porte de sortie avec une «paix sans défaite». C’est pourquoi les négociations qui se mènent en Turquie ont toutes les chances d’aboutir.
En plus, quel meilleur endroit pour les Russes et les Ukrainiens pour faire la paix que Constantinople (Istanbul), phare de christianisme orthodoxe, qui est le seul lien qui unit encore Kiev et Moscou à part les relations historiques qui lient ces deux pays à l’empire ottoman, car l’Ukraine qui a aussi été ottomane, a donné à l’empire Roxelane, l’esclave qui a avait rendu fou d’amour Soliman le Magnifique, qui en fit une sultane et fit étrangler le prince héritier Moustapha, pour les beaux yeux de Roxelane qui voulait que son fils accède au trône.
LA CAF VA-T-ELLE MODIFIER LE CALENDRIER DES ELIMINATOIRES DE LA CAN 2023 ?
Les pays africains qualifiés au Mondial 2022 ne veulent pas faire de la figuration au Qatar. D’où l’exigence d’une préparation très pointue. Mais avec le calendrier à venir des éliminatoires de la Can 2023, leur marge de manœuvre sera très réduite…
Les pays africains qualifiés au Mondial 2022 ne veulent pas faire de la figuration au Qatar. D’où l’exigence d’une préparation très pointue. Mais avec le calendrier à venir des éliminatoires de la Can 2023, leur marge de manœuvre sera très réduite…
La Confédération africaine de football (Caf) a rendu publics les 4 Chapeaux des éliminatoires de la prochaine Can que la Côte d’Ivoire accueille en 2023. Mais on ne connaît pas encore la composition des groupes ; la date du tirage au sort, prévu ce mois d’avril, n’étant pas encore fixée. Mais la Caf se retrouve déjà avec un dossier chaud à gérer, selon Afrik-foot.
La Tunisie menace de boycotter la Can
Lundi, le président de la Fédération tunisienne de football, Wadie Jary, a en effet annoncé sur Attessia TV qu’il a écrit à l’instance panafricaine en lui demandant de modifier le calendrier de ces éliminatoires, sous peine de voir les Aigles de Carthage renoncer à participer à la prochaine Can, informent nos confrères.
En effet, la Tunisie souhaite préparer au mieux sa participation à la Coupe du monde 2022 (21 novembre-18 décembre 2022) qui la verra affronter la France, le Danemark plus le Pérou ou l’Australie ou les Emirats arabes unis dans le groupe D. Or, les premières journées des éliminatoires de la Can auront lieu a priori en juin, septembre et octobre, ce qui exclut toute possibilité de programmer des matchs amicaux sur ces dates avant le Mondial.
Les Tunisiens ont notamment été sollicités par le Mexi¬que, le Salvador et l’Equateur pour des amicaux, a révélé Jary, et ils se trouvent en con¬tact avec des sélections européennes.
Alors que la Can 2023 aura lieu du 23 juin au 23 juillet 2023, la marge de manœuvre de la Caf, qui doit caler 6 journées d’éliminatoires avant cette échéance, est mince.
Il faut noter qu’il y aura une très longue fenêtre Fifa qui s’étalera du 30 mai au 14 juin. Mais cette dernière sera consacrée au début des éliminatoires de la Can. Comme on le sait, cette compétition se jouera en juin 2023 et le temps presse déjà du côté de la Caf qui veut plier les qualifications avant la Coupe du monde, calée à la fin de cette année. C’est ainsi que l’instance africaine a programmé 4 journées, en juin 2022, 4 sur les 6 qui vont permettre à 24 teams d’aller à la Can.
Les joueurs libérés seulement à une semaine du début du Mondial
Pour ces éliminatoires de la Can, et après ce mois de juin 2022 qui verra le déroulement de 4 journées, la suite aura lieu entre le 19 et le 27 septembre, une semaine et 2 journées (la 5e et la 6e) qui scelleront le sort des deux qualifiés de chaque groupe.
Pour le moment, parmi les 5 pays africains mondialistes -à savoir Tunisie, Sénégal, Maroc, Cameroun et Ghana-, seuls les Aigles de Carthage sont montés au créneau pour défendre leur cause. En attendant les réa¬ctions des autres pays concernés.
Mais il est vrai que si le calendrier proposé est maintenu, il sera difficile pour les Mon¬dialistes de faire une préparation adéquate. Surtout quand on sait -suite à une circulaire de la Fifa en juillet dernier- que les joueurs ne seront libérés seulement qu’à une semaine du début du Mondial qatari. En clair, tous les championnats européens vont connaître une pause à partir du dimanche 13 novembre 2022, avant de reprendre après le Mondial.
«AVEC CETTE AVALANCHE DE DIPAS, LA CSS EST SOUS LE RISQUE D’UNE CESSATION DE PAIEMENT»
Entretien avec Jean-Claude Mimran, patron de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css)
C’est l’un des plus importants industriels, sinon le plus grand, du Sénégal. Sa société, la Compagnie sucrière sénégalaise (Css), est connue de tous et donne de la vie à un pôle industriel dans la vallée du fleuve, en polarisant d’autres activités économiques à Richard Toll et dans les localités alentour. Pourtant, ceux qui ne le connaissent pas risqueraient de le croiser dans la rue sans le remarquer. Tellement le personnage est simple, sans manières et sans affect. Jean-Claude Mimran est pourtant un milliardaire dont l’entreprise injecte régulièrement environ 50 milliards de francs en salaires et auprès de fournisseurs locaux. Sans parler des impôts directs et indirects qu’elle verse au Trésor. De passage à Dakar, il a reçu à sa résidence dakaroise (pied-à-terre serait sans doute l’expression appropriée, tellement le propriétaire y passe rarement), Le Quotidien, en compagnie de L’Observateur et de Walf Quotidien, pour une «causerie de ramadan». Il était en compagnie de deux de ses plus proches collaborateurs, Mamadou Diagna Ndiaye («mon frère», comme il le définit lui-même) et Louis Lamotte. Les deux hommes étaient d’ailleurs à la manœuvre pour régler les détails d’un entretien impliquant 3 organes nationaux.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, le visiteur est d’abord frappé par l’aspect de la demeure, qui est vraiment à l’image de son propriétaire. Un terrain immense avec une pelouse bien entretenue, entourant une piscine dont l’eau bleue est accentuée par la faïence du revêtement. Le tout surplombé par une belle bâtisse d’architecture méditerranéenne. Les salons y sont meublés avec simplicité, mais avec un goût certain, qui renforce l’adage selon lequel la beauté est simplicité. Et l’on pourrait ajouter que la richesse n’est pas dans le clinquant.
La même simplicité se retrouve dans les propos du propriétaire de la Css. Au moment où la flambée des prix des produits alimentaires commence à préoccuper sérieusement les autorités au Sénégal et ailleurs dans le monde, l’avis de Jean-Claude Mimran, ses ambitions pour son entreprise et pour le pays valent amplement la peine d’être portés à la connaissance de l’opinion. La seule fois où le personnage avait pris publiquement la parole dans les médias, c’était il y a plus de dix ans déjà, et toujours dans Le Quotidien. Aujourd’hui, votre journal partage généreusement le «scoop» avec d’autres confrères. En toute amitié et dans l’esprit du ramadan.
Le Sénégal est souvent, à certaines périodes de l’année, obligé de recourir à l’importation pour combler le gap et couvrir les besoins du marché en sucre. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Je vais vous expliquer deux choses : d’abord, on court derrière la consommation du Sénégal qui est sans cesse croissante. J’ai investi ces 10 dernières années, 220 milliards de francs Cfa, les services du ministère des Finances peuvent en témoigner, pour passer les ¬capacités de production de la Css de 90 000 à 150 000 tonnes. Mon usine est prête, avec quelques petits ¬investissements supplémentaires, à ¬monter à 220 000 tonnes par an.
Pour ce faire, j’ai besoin de deux choses, je l’avais dit au président de la République : premièrement, on a besoin de terres. On en a donné à des gens depuis plus de 30 ans ; et depuis lors, ils n’ont rien fait dessus (rires). Il me semble que de par la législation foncière au Sénégal, ces terres devraient être désaffectées au profit d’investisseurs prêts à les mettre en valeur. Deuxièmement, les commerçants doivent arrêter d’importer du sucre. Il faut que cela soit comme en Côte d’Ivoire. Là-bas, ce sont les industriels qui importent. Pourquoi ? Parce qu’ici, les volumes de sucre importés par les commerçants, tel que représenté par ces tableaux (Il exhibe une feuille avec des données d’importation), sont supérieurs à ceux de l’industriel. Depuis 3 ans, avec cette avalanche de Dipa qu’on a eue, la Css est toujours sous le risque d’une cessation de paiement ! Il y a 3 ans, j’ai été obligé d’apporter de l’argent personnel de mon compte en Suisse, parce que j’habite en Suisse, pour payer les fournisseurs et les salaires ; tout ça parce qu’on avait inondé le marché de sucre importé.
Alors, si je fais les importations et qu’on me donne les terres, je vous garantis que dans 4 ans, je vous ferai 220 000 tonnes de sucre et couvrirai ainsi les besoins du Sénégal. L’usine est quasiment prête, là on investit sur une nouvelle chaudière de 150 tonnes/h, quatre nouvelles turbines, pour une augmentation de production d’électricité de 51 mégas tout neufs. Si on a les terres, on pourra avoir suffisamment de bagasse pour produire de l’électricité pendant toute l’année et même dégager des surplus que nous pourrions vendre à la Senelec si elle veut, 10 à 15 mégas à mettre sur le circuit. C’est tout à fait envisageable.
Vous avez démontré l’envie et la capacité de réaliser l’autosuffisance, mais avez-vous demandé ces terres ?
Evidemment qu’on a demandé ces terres mais nous recevons la réponse habituelle : «On va voir.» Alors j’attends.
Est-ce que ces terres sont disponibles présentement ?
On a donné, depuis 30 ans, ces terres à quelqu’un qui n’a rien fait dessus, depuis 30 ans ! Le gouvernement pourrait bien les reprendre et nous les attribuer, c’est une question de volonté politique.
Quand on voit les chiffres sur les importations, on constate que le système, comme vous, semble à la merci des importateurs.
Je n’ai pas envie de réinvestir encore 60 milliards dont 40 pour aménager 4000 ha de terres et 20 à peu près à l’usine dans les conditions actuelles. Je ne peux pas me mettre à la merci des importateurs qui, demain, vont me mettre 50 000 tonnes de sucre sur le marché et mettre en péril ma trésorerie comme ça se passe depuis 3 ans, ce n’est pas possible ! Comme on est industriel et que nous voyons à long terme, comme on l’a prouvé en investissant et en réinvestissant, nous avons besoin d’une vue dégagée sur 10 ou 15 ans, on ne peut pas à chaque fois nous retrouver à trembler devant les décisions du ministère du Commerce, qui distribue des Dipa à gauche et à droite, à tout le monde.
Puisque le problème du foncier est difficile là où vous êtes, pourquoi ne pas envisager d’investir dans une sucrerie dans d’autres régions, la Casamance ou le Sénégal oriental ?
J’ai tout pour le faire là où on est. Pourquoi aller le faire ailleurs ? Ça c’est le point n°1. Le second point, une deuxième sucrerie, on ne pourra la faire que si on avait plus de Dipa. Autrement, si on avait la sécurité de l’investissement.
Mais là, nous sommes dans un contexte très difficile où la rupture de la chaîne logistique a fait flamber les prix, notamment ceux des produits alimentaires dont le Sénégal ne peut se passer pour assurer sa sécurité alimentaire et énergétique. Quelles mesures vous paraissent les plus appropriées pour faire face à cela ?
Ecoutez, la première chose à faire c’est dans la filière riz, car pour le sucre, on a vu que ç’est pratiquement fait. Depuis 50 ans que je suis au Sénégal, on a toujours parlé d’autosuffisance en riz mais il ne se passe rien en réalité et on continue d’importer de plus en plus. Je ne suis pas un expert en riz mais le fait est là : on n’en produit pas assez. Peut-être aussi qu’on ne rémunère pas suffisamment le producteur local. Vous ne pourrez pas satisfaire les consommateurs en mettant des prix bas et en même temps vouloir développer la production, si les producteurs n’y trouvent pas leur compte. Il faut quand même se souvenir que la plupart des exportations mondiales de produits agricoles, c’est une très faible part des productions, la plupart sont consommées sur place et une infime partie, entre 3 et 6%, est exportée à coup de milliards en subvention sur le marché mondial. C’est le cas du riz, du sucre et sur ce dernier cas entre parenthèses, on s’est battu pendant des années contre les options de la Banque mondiale d’alors qui voulait ouvrir toutes les frontières, Nouvelle politique agricole (Npa) et Nouvelle politique industrielle (Npi) qui ont détruit tous les efforts antérieurs de développement industriel consentis par les pays africains. Rappelez-vous des usines Bata, Icotaf, Sotiba, etc.
Les subventions que touchaient les sucriers européens quand ils exportaient du sucre, étaient supérieures à mon prix de vente.
En parlant de prix de vente, depuis plusieurs années, nous réclamons un ajustement justifié de nos prix qui sont bloqués et n’ont pas évolué depuis 10 ans. Les charges ont augmenté de plus de 35%, les salaires de 40%, les engrais ont triplé, l’acier a doublé, bref, on a pu, après une rude bataille, procéder à un ajustement en début février et puis patatras, le ministère, au bout de 5 jours d’application, nous fait revenir à la case départ (rires). Comment nous, on peut continuer comme ça ? Ce n’est pas possible !
Le ministère du Commerce a autorisé un ajustement du prix du sucre et après 5 jours d’application, l’a baissé ! Comment expliquez-vous ce genre de comportement ?
Je ne sais pas ! Je ne peux pas l’expliquer. C’est compréhensible que le gouvernement veuille à tout prix éviter que le panier de la ménagère explose, mais on s’y prend mal. La seule façon pour préserver le pouvoir d’achat des ménages, c’est de créer des emplois. Au Sénégal, qu’est-ce qui se passe ? C’est un salaire pour nourrir au minimum 10 personnes. Alors, il faut faire de sorte qu’il y ait 2 ou 3 salaires pour 10 personnes, en vue d’améliorer les revenus des ménages. C’est ça la clé du problème ! Qui peut générer ces emplois si ce n’est l’investissement dans l’industrie ou le secteur agricole ? Si on persiste à penser que ce sont les importations qui sortiront les Sénégalais de cette situation, demandez aux commerçants de créer ces emplois ! Il faut savoir ce qu’on veut !
Vous avez connu les 4 Présidents du Sénégal, de Senghor à Macky Sall, quels ont été vos rapports ?
Ils ont toujours été excellents. J’ai une préférence bien entendu pour le Président Senghor, qui était le Père de la Nation, le Père de l’indépendance, qui était un ami de mon père d’avant la guerre. Ils se sont battus ensemble pour l’industrialisation de l’Afrique, etc. Je signale que quand mon père a fait les Grands moulins de Dakar qui ont été terminés en 1952, ils sont restés 2 ans sans tourner puisqu’à l’époque, c’était le gouvernement français qui voulait privilégier les minotiers français dans l’importation du blé. Les Gmd sont restés 2 ans sans tourner et c’est le Président Senghor, avec d’autres représentants africains à la Chambre des députés, qui se sont battus. Ce combat, Senghor l’a mené avec Houphouët Boigny et d’autres leaders africains députés au Parlement Français, et on a eu gain de cause.
J’ai eu également un faible pour le Président Wade. C’est d’abord l’acteur de la première alternance démocratique au Sénégal, c’est quelque chose. Il avait une bonne vision de l’Afrique. Il était mal entouré certes, mais je retiens que c’est un homme bien.
Quelles sont vos relations avec le Président Macky Sall ?
Mes relations avec Macky Sall sont bonnes, même si on se voit très peu.
Et qu’est-ce que vous dites de sa politique économique ?
Vous savez, tant qu’il y a des jeunes sénégalais qui risquent leur vie en Europe, c’est que quelque chose ne marche pas. Je ne suis pas un grand économiste, mais on n’a pas besoin de l’être pour s’en apercevoir. Il faut donner à ces jeunes des perspectives d’avenir, un emploi notamment ! Qui peut leur donner des emplois en dehors des investisseurs et entreprises ? C’est pourquoi il faut donner confiance à ces derniers. On ne peut pas investir des centaines de milliards dans un pays pour développer les emplois, sans savoir avec certitude de quoi demain sera fait. On augmente les prix aujourd’hui on les baisse demain, il n’y a pas un niveau de vraisemblance.
On vous connaît dans d’autres business ailleurs qu’au Sénégal, qu’est-ce qui explique votre attachement au Sénégal ?
La Css, c’est la dernière entreprise que mon père a créée avant sa mort. Si vous voulez, j’avais à cœur de la mener à bien et de finir. Ensuite, c’est parce que j’aime le Sénégal, c’est un pays qui est attachant ! Mais je dois dire qu’avant, en me promenant dans la rue, je croisais des Sénégalais qui souriaient, qui faisaient des blagues, des Sénégalais apparemment heureux. Aujourd’hui, j’ai le sentiment qu’ils attendent des solutions, la matérialisation de la vision du Plan Sénégal émergent, une vision qui place le Sénégalais au centre de ses préoccupations.
C’est dû à quoi ?
Je ne sais pas, mais il y a un changement de mentalité, ça c’est clair.
Des médias étrangers avaient parlé de votre intention de céder la compagnie sucrière, qu’en est-il aujourd’hui ?
Rires ! Ça dépend du prix, et vu le prix que je réclame, il y aura très peu de gens qui viendront.
Dans un entretien à Jeune Afrique, vous déclariez que vous retirer des affaires c’est comme si vous étiez mort, cet état d’esprit vous habite-t-il toujours ?
Bien sûr ! Je n’ai pas l’intention de me retirer. J’ai d’autres affaires que la compagnie sucrière !
Mimran pense-t-il à la retraite ?
Ah non, non, non ! Je continue à développer mes propres affaires.
Comment l’empire Mimran a-t-il pu surmonter les difficultés nées du Covid ?
J’ai appris quelque chose de mon père. Il était complétement détaché de l’argent. C’est un peu mon cas aussi. C’est pour cela que je continue à investir massivement dans la Css pour développer un bel outil de travail, c’est ça qui me passionne ! La Css, ça fait 4 ans qu’elle ne distribue plus de dividende à ses actionnaires. Il faut avoir la foi pour continuer à investir !
La Css avait entamé une politique de diversification notamment dans l’énergie, où est-ce que vous en êtes actuellement ? Cette politique contribue-t-elle à autonomiser le pays en matière énergétique ?
Oui, sûrement !
Comptez-vous continuer les efforts d’investissement dans ce sens ?
Un jour, je me dis que je dois continuer et foncer, le lendemain on m’annonce que 30 000 tonnes de Dipa ont été distribuées et je dis tiens, je vais fermer ! C’est toujours comme ça, on n’est pas mis dans une bonne ambiance pour investir, c’est ça le problème ! Il faut qu’on nous rassure, qu’on nous dise qu’il n’y a pas de Dipa.
Pourquoi ici je vends mon sucre à 550 francs alors qu’en Côte d’Ivoire ça coûte 750 ? Voyez la différence ?
Etes-vous ouvert pour la concurrence avec d’autres usines de sucre ici, dans le pays ?
Bien sûr, ça fait 30 ans que n’importe qui peut investir dans une nouvelle sucrerie, les portes sont ouvertes. Mais avez-vous vu des gens se bousculer pour venir investir dans ce domaine ? Moi, je ne les empêche pas d’investir.
Avez-vous une idée de l’ampleur des pertes générées par les importations de sucre ici au Sénégal ?
C’est énorme. Fin 2021, on est resté 3 mois sans vendre 1 kilo de sucre. Vous vous imaginez une entreprise de 8500 personnes qui, pendant 3 mois, ne fait pas de recettes et doit continuer à fonctionner ! Il faudrait une qualité de signature comme celle de Mimran pour lever auprès des banques 60 milliards de crédit à court terme, pour tenir le coup. Il nous reste encore 35 milliards à rembourser. L’année 2019, je n’en parle même pas ! On est toujours contraint à des exercices d’équilibre entre la cessation de paiement et le besoin d’investir, ce n’est pas comme ça qu’on peut mener une entreprise !
Est-ce que les autorités sont informées de cette situation ?
Bien sûr ! Absolument.
Pensez-vous que cette fois-ci avec le Covid, la Guerre en Ukraine et tous ces fléaux qui menacent l’économie mondiale, l’Etat va se réveiller, changer enfin de politique et arrêter les Dipa ?
Je l’espère, je l’espère ! De toute façon, le choix est très simple. C’est un choix entre 2 ou 3 individus qui n’ont pas beaucoup d’employés et ne payent certainement pas beaucoup d’impôts, et des industriels !
Maintenant, les commerçants, rien ne les empêche de commercialiser les productions des industriels, c’est plutôt ça leur vocation. Ce n’est pas leur rôle d’importer. Ils commercialisent les productions locales, les ciments, le sucre, le riz local et la tomate, même si pour ce produit, les importations massives de tomate de Chine ont tué la filière et renvoyé des milliers de producteurs au chômage, avec la fermeture de l’usine de Dagana. Personne n’en a parlé.
Nous assistons à un retrait de plus en plus remarqué d’investisseurs étrangers, en particulier français, établis au Sénégal. Bolloré quitte le Sénégal en vendant ses parts à Msc, la Bicis et la Générale risquent de lui emboiter le pas. Vous n’avez pas peur ?
Non, je n’ai jamais eu peur, ça m’inspire simplement que c’est un manque de confiance vis-à-vis de l’environnement des affaires. Il faut faire très attention à ça.
Comment le ministère du Commerce en arrive à parler de pénurie de sucre à Dakar, alors qu’ils savent pertinemment que la Css a 45 000 tonnes dans ses stocks et est encore en pleine production, juste pour justifier une distribution de Dipa ! Ces pratiques finissent par faire perdre confiance aux investisseurs.
Comment expliquez-vous que le prix du sucre sur le marché extérieur soit plus cher et qu’ici, on autorise les importations malgré la disponibilité de la production locale ?
Parce qu’ils parviennent à obtenir très rapidement la suspension des droits et taxes comme la Tci en 2 jours. Moi, pour obtenir un ajustement de prix, je cours depuis 10 ans et à peine appliqué, il est retiré au bout de 5 jours ! Ceci dit, j’ai quand même bénéficié, comme les commerçants, de cette suspension de Tci sur 20 000 tonnes, mais je ne l’ai pas demandée. Je serais capable de continuer d’assurer la couverture du marché, même à perte, parce que j’estime que lorsqu’on a le devoir d’assurer l’approvisionnement du marché, on ne doit pas fuir ses responsabilités.
Pour sortir un peu de l’industrie, puisque le Sénégal est champion d’Afrique et va aller à la Coupe du monde, parlons football. A Richard Toll, la Css avait soutenu une équipe de football assez forte mais on ne l’entend plus. Qu’est-ce qui s’est passé ?
On a laissé partir l’équipe et on continue à lui assurer un budget de 50 millions pour qu’elle continue à fonctionner correctement. Ce qui m’a désolé, c’est que notre politique de recrutement de talents a été perturbée par la tendance des autres pays développés à venir recruter tous nos bons joueurs. C’est vrai que nous ne serons jamais en mesure de nous battre avec ces équipes, capables de payer 500 000 euros par semaine à un joueur. Dans ces conditions, nous ne serions être en mesure de garder un Mané ! Eclats de rire.
Pour ce qui est des investissements dans les infrastructures sportives, il faut dire que depuis 5 ans, j’ai voulu offrir aux jeunes à qui je donne tous les ans 1000 ballons de football, un parcours sportif avec terrain de foot, de basket et piste d’athlétisme. Ce projet a été depuis lors bloqué par la mairie. Aujourd’hui que les élections sont derrière nous et qu’il y a un nouveau Dg à la Css, plus rien ne doit s’opposer à la réalisation de ce projet que j’avais promis aux jeunes. Moi, je veux toujours tenir mes promesses.
On vous prête l’intention de créer un groupe de presse, pouvez-vous nous le confirmer ?
Oui, on m’a fait des propositions intéressantes. Mes équipes sont en train de regarder ça. A une prochaine rencontre, je vous en reparlerai sans doute plus en détail.
«LA GRACE NE PEUT EFFACER LES TORTS QUE LA PERSONNE CONDAMNEE A CAUSES AU TIERS»
Trois questions à… Mandiaye Niang, ancien directeur des Affaires criminelles et des grâces :
Après quatre ans à la tête de la Direction des affaires criminelles et des grâces au ministère de la Justice, Mandiaye Niang, actuel Procureur général près la Cour d’appel de Saint-Louis et procureur adjoint à la Cpi, revient sur l’intégralité des procédures de grâce et les mécanismes qui ont été mis en place par les autorités judiciaires pour verrouiller le circuit et éviter les erreurs connues par le passé.
Comment se passe le processus d’accordement d’une grâce ?
La première chose à savoir est que la grâce est une prérogative présidentielle. Une personne qui est condamnée, une fois que sa condamnation est définitive, peut bénéficier d’une grâce de la part du président de la République. C’est la Constitution qui le prévoit dans son article 47. Il accorde un pardon à une faute déjà consacrée par les tribunaux. L’étendue de la grâce elle-même est variable. Elle peut porter sur toute la faute ou seulement une partie de celle-ci. Par exemple si quelqu’un est condamné à une peine d’emprisonnement et à une peine d’amende, la grâce peut ne concerner que l’emprisonnement sans s’appliquer à l’amende. Et même s’agissant de la peine d’emprisonnement, la grâce peut ne consister qu’en une réduction de peine. En somme, il appartient au détenteur du pouvoir de grâce d’en préciser les contours et les limites. Bien entendu, le Président dispose de toute une administration pour l’aider dans le processus décisionnel. Il existe au ministère de la Justice, la Dacg dont la dernière lettre des initiales se rapporte à la grâce. Cette structure s’occupe entre autres, de l’instruction des dossiers de grâce.
Pour cette instruction proprement dite, il faut savoir que traditionnellement la grâce était une mesure individuelle, souvent à forte connotation politico-sociale. Le Code pénal en porte d’ailleurs encore quelques traces. Une de ses dispositions (devenue caduque depuis longtemps) précisait que «quand un accusé est condamné à mort, la sentence ne sera exécutée qu’après que le président de la République a refusé de faire droit à la grâce». Mais la Constitution formule le droit de grâce de façon tellement vague et large que celle-ci peut avoir vocation à s’appliquer à l’endroit de toute sanction pénale. Voilà de façon brève comment ça marche.
Il faut toutefois, préciser que la grâce ne peut effacer les torts que la personne condamnée a causés aux tiers. S’il y a des dommages et intérêts à payer à une victime, le pardon présidentiel ne s’étend pas à ces condamnations. Il est aussi important de noter que la pratique de la grâce a beaucoup évolué chez nous. D’une mesure individuelle, la grâce a graduellement évolué comme un instrument de pardon collectif. Dans les temps, c’était surtout à la veille de la Fête de l’Indépendance du 4 avril qu’une liste de condamnés, notamment à de petites peines, était soumise au président de la République qui les graciait, les associant ainsi à la Fête nationale, tout en leur donnant une seconde chance de réinsertion sociale. Cette mesure permettait également aux prisons de respirer. Tout ceci n’est pas théorisé. C’est moi qui l’explique comme ça. Parce que, comme je l’ai dit un peu plus haut, le texte est très vaste. On a parlé d’une procédure qui a été plus ou moins inventée. Elle n’est inscrite nulle part.
Ensuite, on n’a pas construit beaucoup de prisons depuis l’Indépendance. Avec la surpopulation carcérale depuis le milieu des années 90, une nouvelle vocation a été trouvée à la grâce. C’est-à-dire qu’elle permettait aux prisons surpeuplées de souffler de temps en temps. A l’initiative de l’Administration pénitentiaire, une liste de délinquants jugés dignes d’intérêt était préparée par les directeurs des prisons et envoyée au ministère de la Justice. Ensuite, après contrôle et vérification, le ministère l’envoyait à son tour au président de la République, dans le cadre d’un projet de décret portant grâce collective. Ça portait souvent sur quelques centaines. Mais, c’est devenu une tradition et de plus en plus, quatre fois dans l’année, nous avons de telles mesures de grâce collective. C’est toujours les veilles de 4 avril, de grandes fêtes religieuses (Korité et Tabaski) et à la fin de l’année.
Maintenant, dans la chaîne de préparation des listes de grâce, l’Administration pénitentiaire est en amont, ensuite au ministère de la Justice, la Direction des affaires criminelles et des grâces fait le contrôle avant de préparer le décret et le communiqué envoyé au président de la République.
Est-ce qu’il y a une transparence absolue dans la chaîne de transmission des dossiers ?
Il est vrai que la procédure que j’ai décrite n’est pas exempte d’erreurs ou de possibles dérives, prenant l’exemple de Amadou Woury Diallo, dans le dossier de faux médicaments et autres. Ce qu’il faut comprendre, c’est que, avant, c’est l’Administration pénitentiaire qui préparait les listes. Un des risques que nous avions identifiés, c’est que quand l’Administration pénitentiaire prépare les listes, elle regarde les personnes dignes d’intérêt, c’est-à-dire celles qui ne posent pas de problème par rapport au respect des règles de discipline et autres. Mais il faut aussi que ces personnes soient éligibles légalement. Le premier de ces critères c’est que la décision concernant la personne doit être devenue définitive. En d’autres termes, il faut qu’il n’y ait pas un appel en cours contestant la première décision de condamnation. Pour s’assurer de l’inexistence d’un appel, l’Administration pénitentiaire regarde le registre du greffe de la prison.
Cependant, ce qu’on savait moins, c’est que parfois, un condamné peut avoir un avocat. Et, cet avocat a la possibilité d’aller directement faire appel au niveau du greffe du Tribunal. Dans ce cas, l’Administration pénitentiaire, qui dresse ses listes et qui se contente de regarder ses registres pour savoir s’il y a eu appel ou pas, ne verra pas l’appel valablement formé au greffe du Tribunal du lieu de jugement ou même du lieu du domicile du délinquant. Cette situation a pu causer beaucoup d’incompréhension dans certains cas. Les cours d’appel nous en ont signalé un certain nombre. On a eu plusieurs cas où la Cour d’appel évoque une affaire et appelle un nom pour juger. On lui dit que la personne a été graciée.
L’une des mesures correctives que nous avons prises (il y en a plusieurs) a été de demander aux procureurs de la République, qui siègent dans une structure appelée Cpcap (Commission pénitentiaire consultative de l’aménagement des peines) qui se réunit dans les prisons, avec le juge d’application des peines et les directeurs de prison, d’aider à la vérification de la situation des appels en cours au niveau des Registres des greffes des tribunaux. Autrement dit, il s’agit de faire une vérification croisée. Non seulement on vérifie au niveau du greffe des maisons d’arrêt et de correction, mais on vérifie également au niveau du greffe des tribunaux pour s’assurer dans les deux cas que les condamnés proposés à la grâce sont bien des condamnés définitifs.
Qu’en est-il l’encadrement de l’article 47 en question
L’article n’est pas encadré. Mais, cela ne veut pas non plus dire qu’on ne peut pas l’encadrer. On peut parfaitement l’encadrer sans que cela ne soit le fait de la loi. On peut instituer de bonnes pratiques en les adossant d’ailleurs à des instructions ou circulaires administratives qui auront quasiment force de loi, puisque les acteurs, soumis au pouvoir hiérarchique administratif, savent qu’ils doivent s’y conformer au nom de la discipline administrative. Et c’est un peu ce qui a été fait dans le cadre de la formulation de ce qu’il est convenu d’appeler la politique pénale, qui a fait l’objet d’une circulaire adressée à tous les procureurs du pays.
Ainsi depuis 2018, nous avions finalisé et soumis à la signature du ministre, une circulaire de politique pénale dans laquelle nous avions essayé de traduire la volonté du président de la République en mesures administratives, pour ce qui est de cette question de grâce. Dans cette circulaire, au regard de ce que nous avions constaté comme erreurs possibles, au lieu que les directeurs de prison se mettent à élaborer des listes tout seuls, il est maintenant prescrit que la Cpcap soit impliquée dans cette préparation. Nous avons en outre dégagé un certain nombre de critères d’exclusion. Par exemple, quand le président de la République a indiqué dans un discours public sa position de fermeté contre les crimes de sang crapuleux, contre le vol de bétail, les agressions sexuelles, les détournements de deniers publics, le trafic illicite de drogue, les crimes émergents contre l’environnement, nous avons, dans le cadre de cette politique pénale, prescrit l’exclusion de ces infractions du bénéfice de la grâce.
Ce que je dis n’est pas la loi, mais des mesures de bonnes pratiques pour donner du contenu à des déclarations politiques et qui se matérialisent par des lettres circulaires. Il faut cependant prendre ces circulaires pour ce qu’elles sont. Elles servent à encadrer une activité en fournissant des balises. Mais, elles ne sont pas totalement rigides. Nous avons eu, et nous aurons toujours des cas particuliers qui feront que les critères indiqués ne seront pas appliqués automatiquement. Je pense par exemple au cas des grands malades. Ce critère peut suffire à lui seul pour accorder la grâce.
PLUS DE 10 INNOVATIONS MAJEURES APPORTÉES AU FONCTIONNEMENT DE LA COUR SUPREME
Les parlementaires ont adopté hier le projet de loi portant réforme de la Cour suprême. Le texte contient au moins 10 dispositions majeures pour le bon fonctionnement de cette juridiction.
Les parlementaires ont adopté hier le projet de loi portant réforme de la Cour suprême. Le texte contient au moins 10 dispositions majeures pour le bon fonctionnement de cette juridiction.
Pour apporter des changements en profondeur sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême, le projet de loi portant réforme de cette juridiction, présenté par le ministre de la Justice, Me Malick Sall, a été soumis au vote des députés à l’Assemblée nationale, hier.
Adopté par les députés, le texte, qui vise à mieux assurer la célérité des procédures afin de permettre un traitement diligent des affaires portées devant la Cour, apporte des innovations majeures. Il s’agit, en premier lieu, de l’habilitation du Premier Président de la Cour suprême pour donner un avis sur les projets de convention entre l’Etat et ses partenaires techniques et financiers. La nouvelle loi prévoit également la désignation du Secrétaire général du Gouvernement en qualité de Commissaire général du Gouvernement et le doublement du nombre de chambres de la Cour suprême. La proposition du doublement des chambres offre, selon les défenseurs de la réforme, aux magistrats plus de possibilités, en termes de progression dans leur carrière. Pour eux, avec un nombre limité de chambres composant actuellement la Cour suprême, beaucoup de magistrats ont quitté ladite juridiction pour aller à la Cour des Comptes, pour des raisons liées à leur carrière.
Désormais, précisent-ils, les perspectives de carrière seront plus intéressantes pour les magistrats de la Cour suprême, grâce aux changements majeurs apportés dans sa configuration organisationnelle. Parmi les innovations, figurent aussi la possibilité pour le Premier Président de nommer des secrétaires généraux adjoints pour assister le Secrétaire général de la Cour, la réduction du délai de signification des pourvois, l’institution d’un bref délai pour les recours en annulation des actes des organes de régulation des marchés publics et l’encadrement de la formalité de paiement de la consignation.
La dispense de la consignation dans la procédure de rabat d’arrêt pour les matières dispensées de consignation, l’affirmation du caractère non suspensif du rabat d’arrêt, la suppression du délai pour la rectification de l’erreur matérielle, l’institution d’une procédure de référé administratif à bref délai ainsi que l’application à la matière sociale des dispositions particulières en matière civile sur l’étendue de la saisine de la juridiction de renvoi, font partie de la réforme. D’après le ministère de la Justice, la nouvelle loi aura un impact sur la mise en œuvre de la politique de décentralisation dans notre pays. «Sur ce point, il a été rappelé que la Cour suprême juge en premier et dernier ressort les actes administratifs des autorités déconcentrées et décentralisées portés devant elle, pour excès de pouvoir.
En conséquence, il est apparu important de revoir, dans le sens de leur amélioration, l’organisation et le fonctionnement de la haute juridiction, afin de lui permettre de mieux accompagner le processus de développement de nos territoires», explique Me Malick Sall, garde des Sceaux et ministre de la Justice.
L’ASSEMBLÉE NATIONALE VA PASSER DE 165 À 172 DÉPUTÉS
La croissance démographique du Sénégal et la création du département de Keur Massar ont poussé le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diom, à convoquer hier en réunion l’opposition, le pouvoir ainsi que les parties prenantes aux élections législatives
Lors d’une rencontre convoquée hier par le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Diome, l’opposition, le pouvoir ainsi que les parties prenantes aux élections législatives du 31 juillet 2022 sont tombés d’accord sur l’augmentation du nombre de députés (07) à l’Assemblée nationale. Les parlementaires vont passer de 165 à 172, à l’issue des prochaines joutes électorales.
La croissance démographique du Sénégal et la création du département de Keur Massar ont poussé le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diom, à convoquer hier en réunion l’opposition, le pouvoir ainsi que les parties prenantes aux élections législatives prévues le 31 juillet prochain. L’objet de la rencontre était de trouver les voies et moyens de s’adapter à la nouvelle situation car, d’après le code électoral, il y a des départements qui doivent passer d’un à deux députés, à cause de l’augmentation de leurs populations. A côté d’eux, celui de Keur Massar, récemment créé, doit également être servi. Ainsi, plusieurs possibilités ont été étudiées. «Ou bien on maintient le nombre de députés et on réduit le quota de certains départements qui avaient beaucoup de députés à l’image de Dakar, Pikine, Mbacké et autres. Ou bien, on diminue le nombre de députés de la diaspora pour combler le gap. Ou on diminue la liste proportionnelle (nationale). Ce sont des possibilités qui existaient», a expliqué Déthié Faye du pôle des non-alignés. Mais finalement, un consensus a été trouvé et les parties prenantes sont tombées d’accord sur l’augmentation du nombre de députés (07).
Autrement dit, les parlementaires vont passer de 165 à 172, à l’issue des prochaines élections électorales. « Si on prend le code électoral, il dispose en son article 51 que chaque département a au minimum un député. Et il y a 46 départements avec le département de Keur Massar. Donc, ce qui fait que sur les 90 députés, 46 sont repartis dans les 46 départements. Ensuite, il y a 36 départements qui ont atteint maintenant la barre 170.000 habitants. Et le code électoral dit que quand un département a au moins 170.000 habitants, il a au moins deux députés (…). Après le décompte, il restait un gap de 07 députés à combler», a ajouté M. Faye. A l’en croire, il n’était pas question de réduire le nombre de députés. «La réduction remet en cause des acquis. Nous avons dit que les acquis, on ne peut les remettre en cause. On ne peut pas se lever un beau jour et dire que Dakar qui avait par exemple deux députés va se retrouver avec 05 ou avec 04. Ça ressemblerait à une volonté de sanctionner les départements. Donc ça, on ne peut pas l’accepter. Si on réduit la liste proportionnelle, ça aura comme implication l’exclusion de beaucoup de partis qui arrivaient à l’Assemblée nationale par le plus fort reste par exemple», a-t-il indiqué. Cependant, «L’As» est en mesure de dire que le département de Pikine sera délesté d’un député au profit de celui de Keur Massar.
D’autres départements comme Goudiry, Bounkiling, entre autres, auront désormais deux députés. Interrogé, Dr Cheikh Dieng, qui a pris part à la rencontre au nom de la coalition Wallu Sénégal a déclaré : «Nous estimons que la situation économique du pays n’autorise pas vraiment qu’on puisse nous inscrire dans une perspective d’augmentation de députés. Et aujourd’hui, l’image que renvoient nos députés en tout cas n’est pas reluisante. Nous pensons que les urgences dans ce pays sont ailleurs que dans l’augmentation du nombre de députés. En tout cas nous, nous avions préconisé que le ministre relève le seuil d’éligibilité pour pouvoir maintenir le nombre de députés à son état actuel», a-t-précisé le responsable libéral.
L’AGENT COMMERCIAL D’EXPRESSO UTILISAIT LE FICHIER ÉLECTORAL POUR VENDRE SES PUCES TÉLÉPHONIQUES
Le moins qu’on puisse dire de Momar Talla Mbengue est qu’il n’a pas froid aux yeux. Agent commercial d’Expresso Sénégal, ce Thiessois de 39 ans a été arrêté il y a un an à Touba où il vendait des puces de téléphone.
Agent commercial de la société de téléphonie mobile «Expresso Sénégal», Momar talla Mbengue risque plusieurs années de prison. Ce présumé faussaire qui utilisait le fichier électoral pour identifier ses clients a été attrait hier mardi devant la barre du tribunal des flagrants délits de Diourbel pour collecte de données à caractère personnel et usurpation d’identité.
Le moins qu’on puisse dire de Momar Talla Mbengue est qu’il n’a pas froid aux yeux. Agent commercial d’Expresso Sénégal, ce Thiessois de 39 ans a été arrêté il y a un an à Touba où il vendait des puces de téléphone.
Disposant, on ne sait par quel moyen, du fichier électoral, il s’en servait à tort et à travers pour identifier ses clients à partir de leurs filiations contenues dans leurs pièces d’électeur, lorsque ces derniers ne possédaient pas de cartes nationales d’identité. Des pratiques constitutives de délits de collectes de données à caractère personnel et d’usurpation d’identité.
A l’enquête comme devant la barre du tribunal où il comparaissait hier mardi, il a reconnu les faits. Pour se dédouaner, Momar Talla Mbengue a indiqué qu’il voulait aider ses clients qui ne disposaient pas de cartes nationales d’identité. Quand le procureur lui a demandé s’il était conscient du danger auquel il exposait les vrais propriétaires des cartes nationales d’identité qu’il récupérait à partir du fichier électoral dont il disposait, le prévenu s’est contenté de minimiser les conséquences de ses actes.
Assurant la défense du mis en cause, Me Serigne Diongue s’est excusé pour son client avant d’inviter le tribunal à faire preuve de clémence pour ce dernier. « Il s’agit ici de faits qui ne se justifient pas. D’ailleurs, même l’appât du gain ne peut justifier ces actes posés par mon client, car leurs conséquences peuvent s’avérer dramatiques. Mon client a pu tirer toutes les leçons pour avoir passé plus d’une année en prison avant sa comparution aujourd’hui. Il s’amende et je suis certain que cette année de prison qu’il vient de purger va lui servir de leçon. Faites-lui une application extrêmement bienveillante de la loi et tendez-lui la perche pour qu’il puisse se resocialiser», a plaidé Me Serigne Diongue. L’affaire a été mise en délibéré jusqu’au 19 avril prochain.