Après presque un mois et demi de conflit, malgré les innombrables destructions et pertes qu’a connues l’Ukraine, la Russie nie toujours y avoir déclenché une guerre, reconnaissant seulement mener une « opération spéciale » visant exclusivement des « nazis ». En parallèle, les négociations russoukrainiennes se poursuivent en Turquie, dans une ambiance particulièrement tendue. Fin mars, lors d’un précédent round de négociations, deux membres de la délégation ukrainienne, ainsi que l’oligarque Roman Abramovitch, présent en tant qu’intermédiaire, auraient subi une tentative d’empoisonnement qui n’a cependant pas mis leurs jours en danger. Depuis, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, interdit à ses délégués de boire ou manger quoi que ce soit, et leur conseille même d’éviter de toucher les surfaces de la salle. Côté occidental, après les bombardements massifs de Marioupol qui ont détruit près de 95 % de cette grande ville du Sud-Est ukrainien, quelques espoirs étaient nés de l’engagement russe de « réduire fondamentalement l’activité militaire». Espoirs douchés par des bombardements ultérieurs dans l’Ouest de l’Ukraine, qui ont notamment visé Lviv. Néanmoins, le rythme du conflit se ralentit en matière de mouvement russe ; mais est-ce pour autant un signe de la volonté de Moscou d’avancer vers un cessez-le-feu ? Rien n’est moins sûr.
REPLI OU REDÉPLOIEMENT ?
Comment interpréter les manœuvres actuelles de l’armée russe ? Assiste-ton à un repli qui pourrait être le prélude à une cessation des hostilités, ou à un redéploiement visant à stabiliser les zones conquises et à restructurer et ravitailler des forces épuisées par près d’un mois et demi de combats face à une résistance ukrainienne nettement plus solide que prévu ? En outre, une large part des territoires désinvestis a fait l’objet de pose de mines, et le « repli » russe s’est accompagné de sinistres découvertes comme dans la ville de Boutcha, au nord-est de Kiev, où de nombreux corps de civils tués par balles ont été retrouvés, certains ayant les mains attachées dans le dos. Les autorités ukrainiennes accusent Moscou de « génocide », alors que les Russes affirment en retour que ce sont les Ukrainiens eux-mêmes qui ont perpétré et mis en scène ces tueries. En tout état de cause, le repli russe, effectif autour de Kiev, n’est pas aussi évident dans le Nord-Est de l’Ukraine. Plus au sud, la pression reste forte sur Marioupol, quasiment rasée, mais toujours pas entièrement conquise, tandis que Kherson (plus à l’ouest, à une centaine de kilomètres au nord de la Crimée) demeure aux mains des Russes, qui disposent toujours de troupes sur la rive droite du Dniepr. Ces derniers mouvements de repli marquent aussi une volonté de renforcement des positions gagnées par Moscou dans l’Est. Cette approche permettrait aux Russes d’adopter une « défense active » s’inscrivant dans une guerre d’attrition – c’est-à-dire une guerre au cours de laquelle la stratégie consiste à remporter la victoire en usant longuement les forces et les réserves ennemies –, pratique plus familière à l’armée russe que les opérations visant à gagner des territoires. Néanmoins, dans le Donbass, deux villes qui ne sont toujours pas tombées sous contrôle russe, Slaviansk et Severodonetsk, emportent une charge symbolique forte, car disputées de longue date à l’Ukraine par les séparatistes. Une offensive russe pourrait bientôt y avoir lieu. Si ce repli (qui constitue, paradoxalement, l’opération militaire russe la mieux menée depuis le début du conflit) pourrait permettre à la Russie de regrouper ses forces et de restructurer ses troupes, on peut légitimement penser que l’Ukraine en fera de même et que le départ des soldats russes des abords de la capitale pourrait renforcer l’esprit combatif des militaires et de la population ukrainiens. C’est probablement un des aspects qui a motivé les frappes en profondeur ayant visé notamment des dépôts de carburant dans la ville de Lviv, où se massent nombre de réfugiés. Un élément est tout particulièrement à prendre en compte pour évaluer les développements possibles du conflit : les ressources humaines dont dispose la Russie et l’agenda politique du Kremlin, qui souhaite absolument pouvoir annoncer une victoire à sa population à assez brève échéance.
L’ENJEU DE LA CONSCRIPTION ET LE DILEMME DE LA RECONNAISSANCE DE LA GUERRE
Le 1er avril a démarré en Russie une période de conscription qui devrait s’étendre jusqu’à la mi-juillet et concerner 134 500 jeunes. La Russie n’ayant pas déclaré la guerre, elle ne pourra pas retenir les conscrits contre leur volonté pour raison d’État – tout du moins pas de manière officielle. Il reste toutefois possible de faire pression sur des conscrits pour qu’ils signent des contrats de « volontaires » qui permettent de les envoyer au front. En outre, puisqu’elle refuse de reconnaître qu’elle est en guerre, la Russie s’interdit par là même de déclencher la loi martiale. Il lui est donc impossible de proclamer une mobilisation nationale et de lever des hommes de manière massive et de faire assumer un effort de guerre au pays pour produire le matériel nécessaire. Cela ne signifie pas pour autant que la Russie soit au bout de ses ressources ; seulement que la poursuite de la guerre sur une grande échelle sera délicate à tenir. La présence de « troupes auxiliaires » comme les mercenaires syriens ou les hommes de la société militaire privée Wagner pourrait s’inscrire dans ce besoin de bénéficier de troupes additionnelles. En outre, les représentants de ces formations tués au combat ne sont pas comptabilisés dans les bilans officiels de l’armée russe, ce qui permet au Kremlin de minimiser officiellement ses pertes et de ne pas en assumer le coût financier auprès des familles (celles des soldats tombés au front étant dédommagées). Pour que le Kremlin déclare l’état de guerre, il faudrait qu’il puisse mesurer le soutien populaire dont bénéficierait une telle décision. Or, dans un contexte où l’expression de toute critique à l’égard des agissements de l’armée en Ukraine est sévèrement réprimée, il est aujourd’hui très difficile non seulement pour les observateurs extérieurs, mais aussi pour le pouvoir russe, de disposer d’éléments relativement fiables quant aux véritables sentiments de la population. De nombreuses sources font état d’un moral désastreux au sein de l’armée russe. Là encore, il est difficile de se prononcer avec certitude quant à la réalité et l’ampleur de cet état de fait. Côté ukrainien, l’audacieuse opération du 1er avril, quand deux hélicoptères, après un vol à basse altitude, ont visé une des faiblesses logistiques de l’armée russe en détruisant des dépôts à pétrole à Belgorod, en territoire russe, montre une capacité à frapper le talon d’Achille militaire de Moscou. Il faut toutefois souligner que cette attaque pourrait permettre à Vladimir Poutine de déclarer l’état de guerre en en faisant porter, au moins d’un point de vue rhétorique, la responsabilité à Kiev. Une chose est certaine : pour pouvoir poursuivre le combat, les Ukrainiens auront besoin d’armes et de munitions, voire d’équipements mécanisés afin de mener une contre-offensive. Sans le soutien matériel des Américains et des membres de l’UE, notamment de ceux pouvant fournir du matériel d’ingénierie soviétique (que les Ukrainiens ont été formés à utiliser), l’inversion du conflit au bénéfice de l’Ukraine sera difficile à opérer.
LE 9 MAI, UNE DATE BUTOIR ?
Pour Moscou, deux axes principaux semblent donc se dessiner : faire entrer le conflit dans une phase d’attrition et d’usure, ou réussir à présenter ce qui a été réalisé militairement comme une victoire politique pour mettre fin à l’offensive. En matière de victoire politique, pouvoir annoncer le succès de la « dénazification », par exemple à travers la prise totale de Marioupol (quand bien même serait-elle totalement rasée) ou la conquête de l’ensemble des oblasts de Donetsk et Lougansk (dont les séparatistes de la DNR et de la LNR ne contrôlent qu’une partie) pourrait peut-être paraître acceptable. Rappelons que le 9 mai, jour de la commémoration de la victoire soviétique sur le IIIe Reich dans la « Grande Guerre patriotique », est une date symbolique très importante pour la Russie. Il sera difficile de mener ces commémorations sans pouvoir avancer, a minima, une victoire ne serait-ce que dans la rhétorique face à une Ukraine sans cesse assimilée au nazisme dans la propagande russe. Dans les deux cas, attendre la fin de la nouvelle vague de conscription (et ses potentielles signatures d’engagement) permettrait de réorganiser voire de renforcer les forces en présence, tout en tentant de faire la jointure avec des forces auxiliaires sans pour autant totalement démunir les zones où ces dernières étaient précédemment basées (notamment la République centrafricaine et le Mali pour ce qui est des hommes de Wagner). Un repli sur les régions où la Russie a obtenu ses plus grandes avancées territoriales, donc le Donbass, afin d’y déployer une défense active et d’y stabiliser ses acquis ne semblerait pas déraisonnable. Un tel scénario n’empêcherait pas l’armée russe, à terme, d’effectuer des poussées localisées pouvant servir des buts stratégiques, notamment autour d’Odessa, ville importante dans l’historiographie russe et en termes d’accès à la mer Noire, mais dont la prise semble difficilement atteignable en l’état actuel des choses. Il apparaît que, dans la situation actuelle, aucune des parties engagées ne dispose d’un avantage suffisant pour engager des négociations en position de force suffisante. La perspective de la fin de la guerre, à ne pas confondre avec un cessez-le-feu, semble donc malheureusement lointaine.
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«LES MARGES D’ENDETTEMENT SUPPLÉMENTAIRES DU SÉNÉGAL SONT LIMITÉES»
C’est la conviction du représentant résident du Fonds monétaire international (Fmi), Mesmin Koulet-Vickot, dans cette interview accordée à Sud Quotidien
La flambée des cours internationaux du pétrole et des denrées alimentaires, liée à l’invasion Russe en Ukraine impose au Gouvernement du Sénégal de passer d’une logique de subventions universelles à une logique d’interventions ciblées en faveur des couches les plus défavorisées de la population. C’est ce que conseille le représentant résident du Fonds monétaire international (Fmi), Mesmin Koulet-Vickot, dans cette interview accordée à Sud Quotidien, non sans souligner que les marges d’endettement supplémentaires du Sénégal restent très limitées.
Quelles pourraient être les répercussions de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur l’économie du Sénégal ?
En dépit de l’absence de relations commerciales fortes entre le Sénégal et ces deux pays - les importations en provenance de la Russie et de l’Ukraine représentant 7 % du total et les exportations du Sénégal vers ces deux pays étant insignifiantes-, la guerre en Ukraine risque d’exacerber les pressions inflationnistes, brider le fort élan en cours de croissance économique et surtout, peser sur les finances publiques déjà fragilisées par la pandémie de Covid-19. Les principaux vecteurs de transmission sont la flambée des prix du pétrole et des denrées alimentaires et le ralentissement de la croissance chez les principaux partenaires commerciaux du Sénégal.
Le FMI recommande de réduire le déficit budgétaire à 4,8 % du PIB en 2022 et de le ramener à 3 % du PIB dès 2024. Est-ce possible d’y arriver dans le contexte international actuel ?
Je voudrais clarifier que l’objectif de ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB en 2024 est un engagement du gouvernement sénégalais dans le cadre du policy-mix régional. De façon générale, la consolidation budgétaire se justifie par la nécessité de maîtriser la dette publique qui a fortement augmenté ces deux dernières années, de l’ordre de 10 points de pourcentage du PIB. Réduire le déficit budgétaire dans le contexte international actuel impliquera des arbitrages budgétaires encore plus difficiles. Il imposera notamment de réformer la politique très coûteuse et régressive de subventions aux prix des carburants et de l’électricité et de redoubler d’efforts pour accroître les recettes fiscales.
Depuis plus de 2 ans, l’Etat Sénégalais fait d’énormes efforts pour soutenir les ménages dans un contexte de raréfaction des ressources, de crise sanitaire et de guerre en Ukraine. Pour combien de temps peut-il encore rester dans cette logique ?
La réponse est dans la question. Comme je viens de l’indiquer, avec des niveaux aussi élevés des cours internationaux du pétrole et de certaines denrées alimentaires, la politique actuelle de blocage des prix ne peut continuer sans compromettre la qualité de la dépense publique et la viabilité des finances publiques. Le gouvernement a besoin de passer d’une logique de subventions universelles à celle d’interventions ciblées en faveur des couches les plus défavorisées de la population. Les transferts monétaires directs en sont l’une des modalités. Les dispositifs pour cela existent au Sénégal, qu’il s’agisse du système de transferts monétaires appelé « Programme de bourses de sécurité familiale » ou celui du Registre National Unique. Il convient d’accélérer les efforts en cours pour les fiabiliser davantage et les élargir. Il y a également besoin de passer à des modes de paiement mobiles plus sûrs et plus rapides.
L’on assiste ces derniers mois à une montée des revendications salariales. Tout dernièrement, le gouvernement a pris des engagements financiers relativement aux revendications des syndicats d’enseignants. Est-ce viable ?
Je souligne que la masse salariale représente plus du tiers des recettes fiscales au Sénégal. Je note que ces engagements financiers interviennent dans un contexte où l’Etat doit également faire face à des pressions budgétaires liées à la flambée des cours internationaux du pétrole et des denrées alimentaires de base et dispose d’une marge d’action budgétaire plus restreinte qu’avant la pandémie. Cela dit, il importe maintenant d’intégrer ces engagements dans une stratégie crédible de consolidation budgétaire dont l’accroissement des recettes fiscales constitue un élément central.
La situation actuelle semble imposer à l’Etat Sénégalais à s’endetter davantage. Est-ce une bonne option ? A ce jour, à combien se chiffre la dette publique du Sénégal ?
Je répondrais simplement que le Sénégal a besoin, plus que par le passé, de compter davantage sur ses ressources propres pour financer son développement. Avec une dette publique, y compris celle des entreprises publiques, de l’ordre de 11 200 milliards de FCFA, soit environ 73 % du PIB, et un service de la dette du gouvernement central absorbant plus du tiers des recettes budgétaires, les marges d’endettement supplémentaires sont limitées. La stratégie de mobilisation des recettes à moyen terme visant à porter le taux de pression fiscale à 20 % du PIB à l’horizon 2024 est la réponse appropriée, mais les résultats sont, pour l’instant, en deçà des attentes.
Quelles seront les retombées économiques et financières du démarrage de la production des hydrocarbures au Sénégal ?
D’après nos projections, le démarrage de la production des hydrocarbures à partir du dernier trimestre de l’année 2023 se traduira mécaniquement par une croissance économique de près de 10 % par an en moyenne sur la période 2023-24. Les retombées sur le budget de l’Etat seront toutefois modestes, moins de 1 % du PIB par an sur les 5 prochaines années. C’est dire que les paramètres budgétaires actuels ne seront pas modifiés, du moins substantiellement sur le moyen terme, avec l’avènement de l’ère pétrolière et gazière.
Le Conseil des Ministres a approuvé en janvier 2022 et soumis à l’Assemblée nationale le projet de loi relatif à la répartition, à l’encadrement et à la gestion des recettes issues de l’exploitation des hydrocarbures. Quel est l’avis du FMI sur ce projet de loi ?
Ce projet de loi qui a bénéficié de l’assistance technique du FMI au cours de son élaboration comporte de nombreuses dispositions conformes aux bonnes pratiques internationales. En effet, il stipule que tous les flux de recettes tirées de l’exploitation des hydrocarbures passent par le budget, ce qui lui préserve son rôle comme instrument de centralisation et d’affectation des ressources publiques. Il interdit toute hypothèque sur ces ressources. Il impose que ces ressources soient affectées aux projets socioéconomiques prioritaires et non à des augmentations des salaires. Il établit des fonds permettant de faire face à la volatilité des recettes et d’épargner pour les générations futures. Les abondements et les retraits de ces fonds sont régis par une règle simple de prix de référence déterminé par un comité technique. Il existe en même temps des règles de “limitation des retraits” pour empêcher que les fonds ne soient épuisés sous des pressions politiques. Il introduit une règle d’équilibre budgétaire portant sur une cible du solde budgétaire hors recettes d’hydrocarbures. Nous estimons que le respect scrupuleux de ces principes sera de nature à conjurer la malédiction liée à l’exploitation des ressources naturelles.
MACKY SALL FACE À SES DÉFIS
Mis à mal dans les principales villes aux municipales, le régime pourrait voir son calvaire se poursuivre lors des prochaines législatives. Le président va jouer le tout pour le tout pour essayer de repositionner sa coalition sur la trajectoire de 2035
Les élections législatives du 31 juillet prochain s’annoncent cruciales pour le président Macky Sall et sa coalition Benno Bokk Yakaar. Confronté à un contexte politique marqué par la défaite de ses têtes de listes dans plusieurs grandes communes aux dernières élections locales et le contexte social marqué par la hausse des prix, le président Sall va jouer le tout pour le tout pour essayer de repositionner sa coalition sur la trajectoire de 2035 face à une opposition plus que jamais motivée à gagner ces élections législatives pour imposer une cohabitation.
Mis à mal dans les principales villes du pays lors des élections municipales et départementales du 23 janvier dernier, le régime en place pourrait voir son calvaire se poursuivre lors des prochaines élections législatives.
Prévues le 31 juillet prochain, ces élections législatives interviennent dans un contexte qui est loin d’être favorable à l’actuel chef de l’Etat, patron de la coalition majoritaire au pouvoir. Sur le plan politique, qu’on se le dise ou pas, le président Macky Sall n’a pas actuellement le moral haut perché.
En effet, contrairement en 2017 où l’actuel chef de l’Etat avait bénéficié des circonstances de la large victoire de son projet de référendum du 20 mars 2016 et la victoire de sa coalition aux élections des Hauts conseillers des collectivités territoriales du dimanche 04 septembre 2016, La situation est toute cette année. Pour cause, c’est un Président Macky Sall diminué par les défaites cuisantes des têtes de liste qu’il a imposées d’autorité lors des élections municipales et départementales du 23 janviers dernier dans les communes de Kolda, Ziguinchor, Kaolack, Tamba, Thiès, Dakar, Rufisque, qui va jouer le tout pour le tout pour essayer de repositionner sa coalition sur la trajectoire de l’horizon 2035, comme théorisé, face à une opposition plus que jamais motivée à gagner les élections législatives pour imposer une cohabitation à l’Assemblée nationale.
LES RÉALISATIONS DU PRÉSIDENT SALL SUR LE PLAN SOCIAL MAQUILLÉES PAR LES INFLATIONS ET LA HAUSSE DES PRIX
Les défis du régime en place sur le chemin des élections législatives du 31 juillet prochain ne sont pas qu’au plan politique. Sur le plan social, l’actuel chef de l’Etat compte beaucoup de réalisations, notamment dans le domaine de la santé avec les hôpitaux régionaux de Kédougou, Kaffrine, Sédhiou et à Touba, dans l’enseignement supérieur comme dans le domaine portuaire et aéroportuaire sans oublier le transport et les infrastructures routières. Aujourd’hui, toutes ces réalisations du président Sall sont maquillées par la situation actuelle du pays marquée par une inflation aggravée par une hausse quasi généralisée des prix des denrées de première consommation.
Nonobstant la décision du gouvernement, à l’issue de la réunion du Conseil des ministres le 24 février dernier, la baisse des prix de l’huile, du riz brisé non parfumé et du sucre est loin encore loin d’être effectif sur le terrain. Une situation qui risque de s’aggraver avec le début du Ramadan annoncé pour ce week-end.
UNE POLITIQUE DE BONNE GOUVERNANCE ESCAMOTÉE PAR UNE OPTION IRRÉMISSIBLE DE RÉDUCTION DE «L’OPPOSITION À SA PLUS SIMPLE EXPRESSION »
Les signes de faiblesse du régime actuel en perspective des prochaines législatives ne se limitent pas seulement sur le plan politique ou social. On note également des manquements dans la politique de bonne gouvernance du président Sall qui semble plus être motivé par un souci de « réduire l’opposition à sa plus simple expression ».
La preuve, pour une affaire de gestion de la caisse d’avance de la ville de Dakar portant sur 1,8 milliard de francs CFA, le régime a mobilisé tout l’appareil judiciaire de l’Etat pour faire juger et condamner en un temps record (un an et sept mois) Khalifa Ababacar Sall. Pendant ce temps, le dossier de 94 milliards du Tf…de même que des dizaines de rapports transmis au procureur de la République par l’Office national de lutte contre la fraude et corruption (Ofnac), impliquant des proches du président Sall, dorment toujours dans les tiroirs du bureau du maître des poursuites.
A cela s’ajoute également une gestion opaque des accords de coopération ou de partenariat avec des entreprises étrangères opérant au Sénégal, notamment dans le domaine de la pêche, des transports, des ressources naturelles comme le pétrole, le gaz, les métaux et les minéraux qui plombent les innovations apportées par le régime en place dans le cadre du renforcement du cadre réglementaire.
SÉBIKHOTANE ENTRE INQUIÉTUDES ET RÉVOLTE
Les populations de Sébikhotane, en particulier les impactés de la phase 2 du TER, ne font pas confiance à l’APIX et l’ont fait savoir au cours de l’assemblée générale qu’elles ont organisée dimanche.
C’est une population de Sébikhotane qui ne sait pas par quel bout tenir la chose qui a fait face à la presse. En Assemblée générale, le collectif des impactés de la deuxième phase du Ter a étalé ses inquiétudes et menace de bloquer le démarrage des travaux.
Les populations de Sébikhotane, en particulier les impactés de la phase 2 du TER, ne font pas confiance à l’APIX et l’ont fait savoir au cours de l’assemblée générale qu’elles ont organisée dimanche. En effet, réunis dans le cadre d’un collectif, ces impactés de la phase2 du Train express régional en veulent à l’Apix qu’ils accusent de pratiques opaques dans le processus d’indemnisation et de libération des emprises sur le tronçon Diamniadio-AIBD. Ils dénoncent la démarche qui consiste « à appeler individuellement les impactés pour le dépôt de dossiers ». Des inquiétudes entretenues par les nombreux changements sur le tracé initial du projet.
Selon les membres du collectif, il était prévu que le train passe à côté de l’autoroute à péage, ce qui aurait permis de minimiser les impacts sur les riverains. « Ce qui n’aurait pas causé de dommages pour nous », disent-ils. Un deuxième tracé prévu a été annulé à cause de la présence des cimetières. Mais, pour eux, l’option finale risque de porter un énorme préjudice à la commune avec plusieurs centaines de maisons qui seront démolies. « Plus de 500 maisons sont concernées sans parler du poste de santé et autres installations commerciales. Il s’y ajoute que le TER va traverser toute la commune pour rallier l’AIBD sans qu’aucune gare ne soit prévue à Sébikhotane. «Le train va traverser la commune et aucune gare n’est prévue dans le périmètre », déplorent-ils.
Un faisceau d’éléments qui a fini par réveiller les craintes, des inquiétudes et même des suspicions vis-à-vis de l’Agence d’exécution des grands travaux. « Nous, les impactés du TER de Sébikotane, sommes très stressés, très inquiets depuis que nous avons été recensés, il y a deux ans par l’APIX. Ils nous avaient mis au courant officiellement du passage du TER, mais cette fois-ci, ils veulent violer la procédure de libération d’emprises», déplore le coordonnateur du collectif.
Après cette alerte, les impactés de Sébikhotane se veulent catégoriques et annoncent un blocage du démarrage des travaux du tronçon de 19 km entre Diamniadio et Diass. « Nous dénonçons le travail de l’Apix et sommes prêts à tout pour empêcher le démarrage des travaux prévu dans peu de jours. Nous voulons qu’ils nous respectent et on les attend de pied ferme», annonce Iba Fall Diouf, le coordonnateur du collectif. Pour éviter toute mauvaise surprise, le collectif exige de l’APIX la suspension de « l’approche téléphonique» et l’invite à « privilégier le dialogue direct sur le terrain avec les concernés et le collectif » et à donner de plus de détails sur les informations relatives aux barèmes des indemnisations.
Au préalable, ils disent qu’une évaluation exhaustive des impacts doit être faite afin que les dédommagements soient «à la hauteur du préjudice subi». Cette deuxième phase du TER a été lancé le 05 mars dernier et les travaux dureront 17 mois pour un coût de 204 milliards de francs CFA.
AVANT LA PRÉSIDENTIELLE, LA PRESSE ÉTRANGÈRE DÉPEINT UNE FRANCE PLUTÔT PROSPÈRE MAIS XÉNOPHOBE
A J-5 du premier tour, radiographie d’un pays où «la vie est belle», selon pas mal d’indicateurs économiques, mais où l’extrême droite et «l’obsession du grand remplacement» rongent la société
Libération |
Victor Boiteau |
Publication 05/04/2022
«Comment va la France ?» Sous le titre de cette chronique se cache Richard Werly, correspondant du quotidien suisse le Temps à Paris. Dans un récent éditorial, il notait que «les colères françaises planeront bien sur les urnes le 10 avril». Eruptive, la France ? Comme Werly, nombreux sont les journalistes étrangers à prendre le pouls du pays dans cette dernière ligne droite avant le premier tour de la présidentielle.
Fin mars, le Times britannique sillonnait ainsi les vignobles de Bourgogne, et s’arrêtait à Tonnerre, dans l’Yonne. Un «îlot de déclin», dixit le quotidien britannique. Une usine de magnétoscopes qui employait 1 300 personnes a fermé en 2002. Une cimenterie et une laiterie également. Pascal Rousselet, 52 ans, un ouvrier viticole, dit qu’il votera Zemmour. «C’est juste pour m’opposer à Macron», dit-il au Times.
A Bohal, dans le Morbihan, le quotidien canadien le Devoir a rencontré l’ex-figure des gilets jaunes Jacline Mouraud. «Il n’est pas normal qu’on n’arrive pas à vivre de notre travail, dit celle qui a depuis rallié Zemmour. Pour cela, il faut rapatrier les milliards qui ont été dépensés depuis 40 ans dans les banlieues peuplées d’immigrants, alors que nous, on n’a rien.» Bohal symbolise, selon le Devoir, cette «France qui se sent abandonnée […] loin des cercles du pouvoir parisien».
«Un jour ça va péter»
A Prades, le fief du Premier ministre dans les Pyrénées-Orientales, Gilbert Anglès, 59 ans, compare la France à une «cocotte-minute». «Un jour ça va péter, les gens vont se révolter», prédit cet ami de Jean Castex auprès du Soir. «Qu’il vienne ou pas du terroir, Castex reste un énarque», balancent de leur côté quatre jeunes couvreurs. Aucun d’entre eux n’ira voter à la présidentielle. Les «échos» que renvoie la bourgade de 6 000 habitants sont «plus sombres que les cartes postales des paysages», rapporte le quotidien belge.
A la veille d’élire son nouveau président, la France est-elle cette «poudrière» évoquée par le Frankfurter Allgemeine Zeitung, un quotidien conservateur allemand ? The Economist retraçait fin mars les «graines du mécontentement» dans une France «meurtrie». Dans le bassin minier du Nord, Emmanuelle Danjou, une directrice commerciale, tracte ainsi pour Zemmour. A l’hebdomadaire britannique, elle dit : «Nous avons perdu nos valeurs, nous sommes en train de démanteler notre pays, notre histoire.» L’auteur maurrassien, selon elle, «dit tout haut ce que beaucoup de Français pensent tout bas».
PIERRE BOUTIER, NOUVEAU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE DIRECTION DE LA SETER
Le Français Pierre Boutier a été nommé président du Conseil de direction de la Société d’exploitation du Train express régional (SETER), a-t-on appris, mardi.
Dakar, 5 avr (APS) – Le Français Pierre Boutier a été nommé président du Conseil de direction de la Société d’exploitation du Train express régional (SETER), a-t-on appris, mardi.
’’Deux mois après une mise en service réussie, une nouvelle phase d’exploitation du TER de Dakar débute. Pour réussir cette nouvelle étape, SNCF International, actionnaire à 100% de la SETER, fait évoluer son Conseil de Direction en nommant Pierre Boutier comme nouveau président de la société’’, indique un communiqué transmis à l’APS.
Pierre Boutier remplace Stéphane Volant, qui ’’a permis le succès de la phase pionnière de pré-exploitation’’, salue t-on dans la même source.
Le nouveau président du Conseil de direction dispose d’une expérience de près de 40 ans dans des postes de direction à la SNCF, selon le communiqué, soulignant qu’il ’’aura la charge de repenser le fonctionnement du Conseil et d’en assurer la bonne cohésion avec l’équipe de direction’’’.
Patrick Tranzer assurera l’intérim de la direction générale, fait savoir le texte, ajoutant que "dans la lancée de cette phase de pré-exploitation réussie, la SETER doit aujourd’hui évoluer vers une configuration qui assurera la pérennité et l’équilibre de l’exploitation en partenariat avec la Société nationale de gestion du patrimoine du TER (SENTER)’’.
Le communiqué note que ’’pour accompagner cette nouvelle phase du développement de la SETER, celle de l’exploitation, SNCF International a décidé de renouveler la composition du Conseil de Direction’’.
Selon le document, ’’cette nouvelle gouvernance est guidée par l’exigence d’efficacité que doit impliquer le pilotage d’une entreprise chargée d’un service d’intérêt général’’.
’’Dans cette phase d’exploitation qui va voir un nombre croissant de sénégalais utiliser ce nouveau mode de transport, elle porte l’ambition d’assurer une excellence de gestion et une qualité de service à la hauteur de l’importance de l’investissement décidé par la République du Sénégal et de l’attente très forte suscitée par le projet au sein de la population du Grand Dakar’’, indique le communiqué.
Il souligne que ’’l’équipe présidée par Pierre Boutier sait pouvoir compter en ce sens sur la mobilisation et l’engagement des 950 collaborateurs de la SETER
DÉTHIÉ FALL, AISES ET PIÈGES D'UNE CARRIÈRE POLITIQUE
Un an après son départ du parti Rewmi d’Idrissa Seck, le président du Parti républicain pour le progrès est en train d’imposer ses marques sous l’aile protectrice de la coalition Yewwi Askan Wi
Seulement, préviennent des analystes politiques, malgré son premier bond, Déthié Fall risque les pièges d’un suivisme, s’il n’assure pas ses arrières en façonnant une personnalité politique individuelle forte. Dans la vie, il y a des hauts et des bas. Des périodes de chute et de rebondissement. Déthié Fall l’a compris et incorporé dans son agenda politique, il y a juste un an. Après avoir osé briser les chaînes de Rewmi, l’ex n°2 d’Idrissa Seck a décidé de se faire une nouvelle santé politique, loin de son mentor, et dans l’opposition, avec la création, en mars 2021, du Parti républicain pour le progrès (Prp)/Disso Akk Askan Wi. C’était un pari risqué mais qui semble être bien calculé.
Les Sénégalais ont suivi les conséquences qui ont découlé de son intervention du 27 novembre 2020 à l’Assemblée nationale. Ce jour-là, fort de la jouissance absolue et effective de sa fonction de représentant du peuple qu’est la raison exclusive de sa présence à l’Assemblée, Déthié Fall avait indiqué au ministre de l’Agriculture, lors de son passage à l’hémicycle, à l’occasion du marathon budgétaire, que «la vision du président Macky Sall devait quitter Diamniadio pour rejoindre les terres de la vallée du Fleuve Sénégal et celles de l’Anambé», ce qui aurait pour conséquence immédiate de régler en partie le problème du chômage et d’assurer la souveraineté alimentaire. Cette position de vérité et de principe lui a valu une destitution de sa fonction de vice-président du parti Rewmi, au moment où il disait qu’il ne faisait que respecter et honorer les charges liées à sa fonction d’un député qui n’est là que pour le peuple et non pour ses propres intérêts ou ceux de son parti. Cette attaque frontale contre le chef venait de mettre un terme à un compagnonnage de 16 longues années avec le patron de Rewmi, Idrissa Seck. Le départ de Rewmi de Déthié Fall a été le plus fort prix à payer pour s’ouvrir de nouvelles portes politiques dans l’opposition. L’aventure de Rewmi terminée, «Déthié Fall est en train de mobiliser toutes ses énergies pour une cause. Il n’épargne rien pour atteindre ses objectifs politiques», fait savoir Dr Abdoul Aziz Mbodj, chargé de communication du Prp et maire de Ndiendieng.
Aujourd’hui, Déthié Fall tisse petit à petit sa toile sous la protection de la coalition Yewwi Askan Wi qui regroupe de grandes figures radicales de l’opposition, dont Ousmane Sonko, Khalifa Ababacar Sall, entre autres. «Le départ de Déthié Fall de Rewmi lui a permis de prendre des initiatives. Comme il a aujourd’hui son parti, il peut voler de ses propres ailes et jouer un grand rôle au sein de la coalition Yewwi Askan Wi qui a obtenu des résultats probants aux élections locales du 23 janvier 2022», souligne professeur Moussa Diaw, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Avant d’ajouter que le patron de Prp a fixé ses ambitions au sein de Yewwi montrant aussi qu’il est un leader qui s’inscrit dans cette dynamique de faire autrement la politique avec beaucoup de morale, de rigueur dans la gouvernance. Il fait partie des hommes qui veulent tourner la page du clientélisme politique, des pratiques politiques d’anciens temps, en s’inscrivant dans une logique citoyenne.
«Déthié Fall croit à des idées et tient à les défendre pour rendre service à son pays. C’est vrai qu’il avait accompagné Idrissa Seck. Il est sorti de son école. Mais, je pense qu’il a beaucoup changé dans le discours. Il a d’autres façons de voir les choses différemment en fonction de ses camarades de la coalition Yewwi qui sont aussi, la plupart, des jeunes et qui s’inscrivent dans une logique de changement de cap pour répondre aux préoccupations des Sénégalais», indique professeur Moussa Diaw. Qui signale que son embarquement dans la coalition Yewwi Askan Wi est en train de l’offrir des résultats politiques positifs. Car, aux dernières Locales, son parti le Prp a réussi à avoir un maire (Dr Abdoul Aziz Mbodj, maire de Ndiédieng dans le département de Kaolack), des adjoints aux maires, des adjoints de Villes, des adjoints aux présidents de Conseils départementaux et plus de 115 conseillers au plan national.
Les retombées politiques de sa coordination de Yewwi
La coordination de la coalition Yewwi Askan Wi à sa naissance, selon professeur Moussa Diaw, a permis à Déthié Fall d’engranger des points positifs sur le terrain. Il a réussi à bénéficier d’une certaine confiance des populations contre la politique et la gouvernance du pouvoir de Macky Sall. «Le rôle de coordonnateur de Yewwi a été bénéfique pour Déthié Fall. Au sein de Yewwi, il a une marge de manœuvre par rapport à ce qu’il était sous l’aile d’Idrissa Seck à Rewmi», constate professeur Diaw. Qui signale qu’aujourd’hui, Déthié Fall a rompu les amarres et est devenu beaucoup plus libre dans ses prises de positions politiques et dans ses ambitions personnelles. Sous la coupole d’Idrissa Seck, dit-il, Déthié Fall était pratiquement prisonnier de ses idées. Maintenant, il est libéré. Il a une imagination politique, des ambitions…Avec Yewwi Askan Wi, il pourrait apparaître comme un leader qui compte au niveau de l’élite politique sénégalaise. Dr Abdoul Aziz Mbodj, chargé de communication du Prp et maire de Ndiendieng, soutient que le Président Déthié Fall a aujourd’hui un leadership national confirmé et accepté par tout le monde. «C’est un leader respecté et qui a un parti politique très attractif. Le Parti républicain pour le progrès/Disso Akk Askan Wi enregistre, tous les jours, des militants. Nous avons un système de ralliement qu’on voit rarement dans des partis. C’est un parti qui, à moins d’un an, est présent dans tous les départements du pays et dans la diaspora. Cela est dû à la rigueur de l’homme. Déthié Fall est presque un militaire dans le landernau politique. Le Prp joue un rôle décisif, exceptionnel dans Yewwi Askan Wi. Nous sommes un parti incontournable dans la coalition», a fait savoir Dr Abdoul Aziz Mbodj. Depuis le départ de Rewmi, apprend-il, Déthié Fall ne cesse de gagner en image. Son appartenance à Yewwi Askan Wi, selon des analystes politiques, y est sans doute pour quelque chose.
Les risques d’un réveil brutal
D’après Dr Abdoul Aziz Mbodj, chargé de communication du Prp, «tout le monde est embarqué dans Yewwi Askan Wi. La coalition est une embarcation dans laquelle logent toutes les formations politiques qui y adhèrent. Pas de couleur de parti, pas de discours partisan. Nous sommes tous dans Yewwi. Notre credo, c’est de travailler pour l’unité de la coalition, sa massification». Aujourd’hui dans l’euphorie de la coalition Yewwi Askan Wi, le leader du Parti républicain pour le progrès risque de tomber dans les pièges d’un suivisme sans recul politique. Pathé Mbodj, journaliste et analyste politique est formel : «Déthié Fall est avec de bons agitateurs sociaux que sont Ousmane Sonko, Barthélémy Dias, Khalifa Sall. Malheureusement, il risque un réveil brutal, même si on lui connaît une certaine éducation, une culture et une intelligence». Dans la conjoncture où on va, prévient-il, l’avenir politique de Déthié Fall est d’essayer de se singulariser plutôt que de se dissoudre dans une coalition où il ne peut pas jouer les premiers rôles. Pour le journaliste et analyste politique, dans Yewwi Askan Wi, il y a déjà une querelle de préséance au niveau des têtes de Turc. Donc, «si Déthié Fall essaie de s’engouffrer dans une mare où il y a des crocodiles, il devient une sorte de caution morale et intellectuelle face à un Ousmane Sonko, un Barthélémy Dias qu’on connaît plus baroudeurs, propagandistes et concepteurs». Pathé Mbodj pense que la chance de Déthié Fall serait plutôt de peaufiner son image tout en cherchant à s’éloigner de l’ombrage d’Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Barthélémy Dias. Ça serait un bon prétexte pour lui. Sans cela, alerte-t-il, «Déthié Fall risque de se noyer dans les eaux troubles qu’agitent Ousmane Sonko, Barthélémy Dias et Khalifa Sall. Car, ces trois fortes têtes de Yewwi qui ont des problèmes avec la justice, sont dans une situation précaire, révocable à tout moment. Déthié Fall aurait pu dans ces conditions s’imposer comme héritier, parce qu’Ousmane Sonko va aller bientôt vers son procès avec la jeune masseuse Adji Sarr qui l’accuse de viols répétés et menaces de mort, Barthélemy Dias aussi va vers son verdict dans l’affaire de meurtre de Ndiaga Diouf et Khalifa Sall est dans une situation difficile malgré sa grâce présidentielle suite à l’affaire de détournement de deniers publics de la ville de Dakar».
Le journaliste et analyste politique note que Déthié Fall est dans une coalition où des têtes fortes sont des géants aux pieds d’argile. Il pourrait en tirer profit, si tous ces leaders politiques de Yewwi Askan Wi venaient à tomber. Pathé Mbodj reste convaincu d’une chose : «Les coalitions politiques vont de plus en plus disparaître. Cette forme de gestion de l’espace public ne marche plus. Il faut des individualités fortes. Aujourd’hui, on a Ousmane Sonko, Barthélémy Dias, Khalifa Ababacar Sall, entre autres, qui sont dans Yewwi, mais dans cette coalition, ce sont ces individualités qu’on remarque plus. Également, dans la coalition Wallu Sénégal, c’est Abdoulaye Wade et Karim Wade qui sont les plus en vue. La tendance actuelle dans la société va de plus en plus chercher à singulariser plutôt que noyer l’individu dans un collectif».
Les handicaps politiques
Même si tout le monde est d’accord sur son «avenir politique prometteur», il traîne quelques handicaps politiques. Pour Pathé Mbodj, «c’est vrai que Déthié Fall est une forte tête, mais il n’a pas encore un programme bien ficelé de son parti politique autour duquel peuvent se retrouver de fortes personnalités». L’autre faiblesse politique constatée par le professeur Moussa Diaw, enseignant-chercheur en sciences politiques, est que Déthié Fall a un parti politique très jeune qui vient d’avoir juste un an. Aussi, dit-il, le leader du Prp n’a pas de trajectoire avec des responsabilités gouvernementales au niveau administratif. «On ne lui connaît des expériences gouvernementales reconnues au plan national. Il n’a pas beaucoup d’expériences puisqu’il était sous la tutelle d’Idrissa Seck. Son parti est très jeune pour avoir un ancrage et créer une certaine crédibilité. Il lui reste encore du chemin pour bien asseoir son parti avec des orientations politiques bien claires, organiser un congrès, responsabiliser ses différents collaborateurs au niveau national et jouer sa partition au niveau de l’opposition. C’est un grand défi à relever pour lui», indique Moussa Diaw. Qui ajoute que Déthié Fall n’a pas encore fait ses preuves de façon individuelle. Car, il n’est pas allé seul aux dernières élections Locales pour pouvoir se peser au niveau de l’opinion publique. Mais, dit-il, Déthié Fall reste un leader qui compte et qui a un raisonnement politique acceptable. Son image est bien perçue au niveau national.
par Jean Pierre Corréa
MACKY SALL, LOCAL HEROE
Ne serait-il pas temps de parler de fête nationale de la communion et de la solidarité ? Continuer à évoquer l'indépendance, perpétue le fait colonial dans nos esprits et nos comportements
En guise de préambule : ne serait-il pas temps de parler de fête nationale de la communion et de la solidarité ? Continuer à évoquer l'indépendance, perpétue le fait colonial dans nos esprits et nos comportements, puisque le gouvernement sénégalais se substituant alors au colon français. Nous devons nous astreindre à construire l'État sénégalais et le célébrer, forts des initiatives résilientes qui consolident les voies qui nous mènent vers une réelle émergence.
Le discours traditionnel délivré à l’occasion du 4 avril par notre président de la République avait en cette circonstance un aspect particulier, lié à sa concision, sa précision sémantique et la clarté de ses objectifs, ce qui était devenu rarissime ces dernières années. Macky Sall a pu, adossé au thème dédié à cette célébration, « forces de défense, de sécurité et résilience », dérouler un discours martial et très militaire...
Faisant état de l’implacable et nécessaire mise à niveau de notre armée nationale, ce qu’aucun responsable militaire ne conteste, il a déclaré aux Sénégalais, que le Sénégal se tenait prêt à faire face aux semeurs de morts et de troubles qui sévissent en Casamance notamment, aux pilleurs de nos ressources et à tous leurs complices, qu’ils soient particuliers ou étatiques, suivez son regard. Il a dit aussi, à d'éventuels agresseurs que nous sommes prêts à en découdre, Wagner ou pas Wagner. « Nous avons les capacités de neutraliser toutes sortes de menaces d'où qu'elles viennent » a-t-il asséné, l’œil ouvert et le sourcil froncé… Voilà pour la séquence « forces de défense et de sécurité ».
Mais c’est surtout la séquence « résilience » qui a été forte et prospective, appelant à la protection des entreprises et à la production locale, qui doivent ensemble, devenir la force de frappe de notre économie. Parce que justement, « résilience » devra rimer avec « indépendance », et qu’il est devenu urgent de mettre fin au règne des fournisseurs de notre économie, pour créer celui des industries, agricoles, agronomes, culturelles ou de services.
Pour le président Macky Sall, notre résilience commence par le relèvement drastique de notre production locale et de notre consommation locale, pour assurer notre souveraineté alimentaire et, ce n’est pas pareil, notre sécurité alimentaire. Il en appelle de fait à un changement radical de paradigme, d’abord culturel et ensuite économique.
Culturellement, il est temps que nous fassions notre mue, ne serait-ce qu’en donnant plus de valeur à nos modes d’habillements traditionnels, à nos matières naturelles et à nos capacités créatives en matière d’ameublement par exemple, secteur envahi par des fournisseurs rattachés à des intérêts étrangers.
Et si la pandémie de la Covid-19 avait eu en fin de compte des effets secondaires positifs pour nous mener à exercer des révolutions comportementales, qui nous mènent à une réelle indépendance économique, même si ce n’est pas demain la veille ? Comme ne dit pas l’adage : « Continuons le début, ce n’est qu’un combat ».
Il serait souhaitable que la crise mondiale, les effets de la Covid et de la guerre en Ukraine, aboutissent à une mobilisation générale pour accroitre et valoriser davantage nos produits agricoles, d’élevage et de pêche. Le chef de l’État a eu raison d’affirmer que « l’indépendance n’est pas l’acte isolé d’un jour, mais un combat permanent, qui se gagne également sur le front de la sécurité alimentaire. C’est ce qui ajoute à la souveraineté nationale un surcroit de liberté. Il nous faut produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons ». Chiche ?
Nous ne pouvons plus être les otages de structures comme l’Unacois, qui se goinfrent de nos insuffisances en matière de production, qui se contentent de redistribuer des produits manufacturés ailleurs, parce qu’un pays qui se respecte ne peut être tenu en état de dépendance par un bataillon de fournisseurs, qui freinent des quatre fers pour que surtout rien ne change.
Notre port ne peut servir qu’à juste remplir nos ventres et équiper nos maisons. Nous avons les moyens de notre indépendance économique et de notre résilience. Pour que « France dégage », nous devons cesser d’importer même nos fripes et autres « feug jaay ». Pour qu’Auchan s’en aille, nous devrons créer « Senchan », ce n’est qu’une question de volonté politique.
L’heure du réveil a sonné pour indiquer la voie à suivre : produisons et consommons local. Monsieur le président, à vous de donner le « LA ». Ou sinon, ce sera « l’Hallali ».
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UNE CÉLÉBRATION SOUILLÉE
Les scènes de liesses suivant le sacre du Sénégal à la Can en février dernier ont aussi dissimulé des agressions sexuelles visant de nombreuses femmes. Témoignages de quelques victimes
BBC Afrique |
Awa Cheikh Faye |
Publication 05/04/2022
En février, le Sénégal a remporté sa première Coupe d'Afrique des Nations. Des dizaines de milliers de personnes ont rempli les rues de Dakar pour célébrer. Mais les scènes de liesses qui ont suivi le sacre du Sénégal ont aussi dissimulé des agressions sexuelles, disent les femmes avec lesquelles nous avons parlé. Voici ce que nous avons appris.
Avertissement : Certains lecteurs peuvent trouver les détails de ce reportage déstabilisants.
Une femme nous a raconté qu'un homme dans la foule était venu et avait attrapé son vagin et pressé fortement ses seins.
"J'ai essayé de me débattre mais la personne ne voulait pas lâcher. Après la personne est partie. J'ai réussi à réunir mon courage pendant que la personne partait pour la taper et en allant il a failli tomber", nous explique Bintou Traoré.
"J'arrive pas à comprendre comment des personnes peuvent penser qu'elles ont le droit de me toucher, qu'elles ont le droit de toucher mon corps", dit-elle.
Une autre femme nous a raconté qu'elle s'est sentie tirée par derrière par son short et que des mains sont remontées sous son short pour la pénétrer. Lorsque nous la rencontrons pour notre entretien environ deux semaines plus tard, Lissa Diop nous montre des photos de son visage meurtri prises cette nuit-là.
"Dans notre société comme dans plein d'autres sociétés, la violence est là, et la camoufler constamment, faire comme si de rien n'était, mettre en avant plus l'aspect festif pour ne pas gâcher l'ambiance, par exemple dans cet événement, ça ..ça ne nous apporte rien et on le paye plus tard", elle explique.
Et une troisième femme encore nous a expliqué comment elle et ses compagnons se sont retrouvés pris au piège dans une foule le lundi durant l'accueil des Lions et un homme dans la foule lui pressant la poitrine. Elle a choisi de rester anonyme.
"Ma sœur et son amie sont revenues en pleurs. Apparemment, il y a des gens qui les ont touchées. L'une était voilée, ils ont arraché son voile, ils l'ont touchée de partout. L'une des filles, on a même déchiré le pantalon qu'elle portait sur le côté", explique-t-elle.
Elle conclut en s'estimant chanceuse d'avoir échappé au pire attribuant sa bonne fortune au fait qu'elle était accompagnée d'un homme.
Des violences "pas nouvelles"
La victoire des Lions était historique. Champions d'Afrique. Enfin, se sont dit beaucoup.
La joie qui a envahi les rues de Dakar ce soir-là et le lendemain lorsque l'équipe est rentrée chez elle était électrique. C'était exceptionelle. Les agressions sexuelles alléguées par les femmes dans ces foules à Dakar ne l'étaient pourtant pas, nous disent les activistes.
"Il faut savoir que la manifestation ou l'euphorie qui a suivi la victoire n'est pas une situation exceptionnelle en terme de violence qui est faite aux femmes ou aux filles. Non. C'est une situation qui était auparavant là", note Madjiguene Sarr Bakhoum de l'Association des juristes sénégalaises (AJS). Elle est la coordonnatrice de la boutique de droit de l'AJS à Pikine, dans la banlieue de Dakar.
L'association a reçu deux signalements de violences sexuelles survenues pendant ces deux jours de fête. Cela s'ajoute aux 22 autres que l'AJS avaient reçus jusqu'alors cette année.
"Tous les jours les boutiques de droit sont confrontées à des situations de personnes qui viennent nous voir pour nous dire soit ma fille a été victime de violence telle ou telle, ou de jeunes filles qui viennent nous dire je suis victime de harcèlement, je suis victime de telle ou telle violence sexuelle et je souhaite réparation, je souhaite accompagnement, je souhaite conseil. Donc par rapport à toutes ces situations-là, je pense que ce n'est pas quelque chose de nouveau", dit-elle.
"On ne peut pas cautionner qu'on veuille manifester sa joie, son contentement en violant les droits d'une autre personne", ajoute la juriste.
Bakhoum explique qu'au Sénégal, il est possible de porter plainte contre X pour viol ou toute forme d'agression si l'on ne connaît pas l'identité de son agresseur.
Mais lorsqu'il s'agit de cas de violence sexuelle, il est difficile de dire combien de femmes le font réellement, même lorsqu'elles connaissent leur agresseur. Nous n'avons pas pu obtenir de chiffres de la part de la Police nationale.
Maimouna Yade du Collectif des féministes du Sénégal estime qu'il faut que les lois contre les "agresseurs sexuels" soient strictement appliquées.
"Il le faut et c'est un défi qui est patent. Donc la question de l'impunité contre les agressions sexuelles. Et quand je parle d'impunité, je parle de l'applicabilité effective des lois. Nous avons la loi sur la criminalisation du viol mais il est très rare qu'un agresseur puisse écoper de la peine maximale", martèle l'activiste féministe.
Que disent les autorités ?
Pour en revenir aux deux jours en question - les 6 et 7 février 2022 - la Police nationale sénégalaise n'a pas été en mesure de confirmer des dépôts de plaintes liées à des agressions sexuelles à Dakar ces deux jours-là.
Le commissaire Bintou Guissé, point focal genre de la Police nationale, a cependant souligné que les forces de sécurité ont une stratégie de lutte contre les agressions sexuelles qui consistent à la sensibilisation des communautés, l'instruction des plaintes et dénonciations assorties d'une "prise en charge holistique des victimes de violences sexuelles, notamment en formant les agents à l'accueil et à l'orientation".
"Le harcèlement sexuel au même titre que le viol sont des infractions pénales qui sont punies par la loi. Maintenant ce qui pose problème parfois c'est les preuves…les victimes parfois n'ont pas assez de preuves pour étayer leurs déclarations", ajoute le commissaire Guissé.
"J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps"
Bintou Traoré ne parlera de ce qui lui est arrivé à personne pendant trois jours. Elle explique qu'elle était encore sous le choc.
"J'en ai parlé à des personnes par rapport à ce qui m'est arrivé le jour de la CAN et des gens m'ont dit que...Ils n'ont pas pris ça au sérieux. Il y a quelqu'un qui m'a dit que je suis trop belle etc. Donc je me sentais vraiment mal, et je ne sais vraiment pas pourquoi je suis allée en parler sur Twitter. Je ressentais le besoin de m'exprimer sur ça", explique-t-elle.
L'un de ses tweets dit : "Je me sentais sale, quand je suis rentrée chez moi, je me suis lavée et j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps, j'ai pleuré parce que comme ma mère dit si on essaie de m'agresser c'est de ma faute."
Lissa Diop a plusieurs séquelles à la suite de l'agression, certaines d'ordre physiques qui guérissent avec le temps. Et d'autres psychologiques, qui sont plus tenaces.
"On a quand même des choses qu'on ne contrôle pas. Le subconscient, l'inconscient. Les nuits sont très compliquées puisqu'il y a des pertes de mémoire, il y a des flashs incessants, il y'a une agoraphobie qui naît parce qu'on ne veut plus se mélanger…c'est même pas à la foule mais aux gens", confie-t-elle.
Lissa plaide pour un accompagnement bienveillant des victimes d'agressions sexuelles.
"Moi, j'ai beaucoup apprécié qu'on soit là. Même des repas, des petits gestes.. de demander à la personne ce dont elle a besoin, comment on peut l'accompagner. De lui suggérer de se faire accompagner, de ne pas avoir peur de porter plainte même si le parcours est très, très compliqué...ça paraît simple, mais que ce soit émotionnellement que ce soit les papiers à avoir, les rédactions, etc.", dit-elle.
Les deux femmes ont senti qu'elles ne pouvaient pas rester silencieuses.
Ce que cela changera à court terme, Bintou n'en est pas sûre.
"En général on nous demande d'être fortes, on nous demande de supporter, ça va passer, mais quand tu te rends compte que c'est quelque chose qui arrive de plus en plus. Tu te dis que c'est un cycle. C'est peut-être quelque chose qui ne va jamais s'arrêter", explique-t-elle.
Si vous êtes victimes de violences au Sénégal, vous pouvez trouver de l'aide au niveau de L'Association des Juristes Sénégalaises et du centre Guindi. Appelez gratuitement le 800 805 805.
UNE GRÂCE POLÉMIQUE
A la veille de la fête de l’indépendance, Macky Sall, comme de coutume, a accordé sa grâce à plusieurs détenus, dont des personnes impliquées dans le double meurtre des Thiantacounes. Au grand dam de la famille des victimes
A la veille de la fête de l’indépendance, le président Sall, comme de coutume, a accordé sa grâce à plusieurs détenus. Parmi eux, les personnes impliquées dans le double meurtre des Thiantacounes. Mais, la famille des victimes s'est offusquée de d'une telle décision.
Les thianetacounes impliqués dans le meurtre de Bara Sow et Ababacar Diagne, à Médinatoul Salam ont été graciés par le président Sall le 03 Avril dernier. La famille de Ababacar Diagne (une des victimes) se dit déçue de cette décision.
«C’est une décision du président de la République, on n'y peut rien. Mais ça fait mal au cœur d’entendre qu'une personne qui a tué ton fils a été libérée sans pour autant purger l’intégralité de sa peine. Aujourd’hui, la famille vit des moments difficiles, Ababacar a laissé une femme et des enfants derrière lui», déclare Ndèye Khady Fall, maman de Ababacar Diagne.
Lors du procès des Thiantacounes en 2019, le tribunal avait demandé aux accusés, de payer à titre de dommages et intérêts la somme de 100 millions pour chaque famille. Mais, les familles des victimes disent n'avoir pas mis la main sur cet argent.