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25 juin 2025
ENQUÊTE SUR UNE AGENCE DE SÉCURITÉ À PROBLÈMES
Le mouvement d’humeur des agents de sécurité de proximité (ASP) remet au goût du jour la lancinante question de l’utilité de ce corps de métier qui traîne depuis sa création plusieurs maux. Diagnostic d’un mal profond
De collègues, ils passent à mis en cause en un claquement de doigts. Ceci est le sort de plusieurs Agents de sécurité de proximité (Asp). Après Kaolack, des Aps ont été mis aux arrêts à Kolda. Ils voulaient battre le pavé. Ils cherchaient à se faire entendre, porter la voix au sommet pour que leur situation évolue enfin. Ce qu’ils demandent en fait, c’est de sortir de cette incertitude dans laquelle ils sont installés depuis 9 ans. Ce qu’ils souhaitent, c’est de se départir de ces salaires misérables couplés à des heures de travail interminables, c’est une intégration dans la fonction publique. Ils s’en sont plaints. Ils ont râlé. Ils ont marché. Ils sont allés jusqu’à observer des jours de cessation de travail. Mais comment cette agence qui suscitait à ses débuts beaucoup d’espoir a pu en arriver à cette situation ? Pour ses pionniers, c’est parce que le projet de départ a été dévoyé au fil du temps. «Dans la conception, c’est un volontariat de deux ans renouvelable une fois et les intégrer à la fin des 4 ans dans la Police ou la Gendarmerie, les ministères, etc. Sur la base du projet, ils devaient avoir la priorité d’emploi dans ces institutions qui les accueillent. Ils sont considérés comme l’appui à l'administration, des prestataires de service. C’est pourquoi ils ont été envoyés dans certaines institutions comme les tribunaux pour être formés pour assurer la police des audiences pour qu’en cas de besoin, ils soient recrutés», avoue un des concepteurs du projet. Seulement, au lieu de quatre années d’engagement civique, ils en sont à leur neuvième année. Neuf ans à percevoir un cachet de 50 000 FCfa arrondi, pour les plus chanceux, selon les largesses des chefs d’institutions. A cela, s’ajoute, toujours d’après notre interlocuteur, «l’inflation de l’effectif du personnel de l’agence». Des actes qui, d’après lui, accentuent la frustration des Asp.
«Ils ont essayé de pérenniser un système qui n’est pas viable. L’agence n’a pas répondu aux attentes »
Ancien officier de la Gendarmerie nationale, le Colonel Abdou Aziz Ndaw signale que le nœud du problème, c’est le manque d’évolution du projet. Ce qui lui a fait perdre sa viabilité. «L’Asp, ce n’est pas une profession. Les Asp sont des auxiliaires qui ont pour mission de renforcer la sécurité. L’agence n’était viable que si on prenait les jeunes sur deux ans renouvelables une fois. L’idée était de leur donner un début de métier, les former sur la sécurité, les aider à élever leur niveau de formation pour que, après les 4 ans, ils deviennent policiers ou gendarmes, ou ils exercent d’autres fonctions grâce à leur expérience ou leur culture d’Etat. Mais le projet a péché quand les tenants du pouvoir ont essayé de pérenniser un système qui n’est pas viable. De plus, le système de contrat qui lie l’Asp à l’agence n’est pas bon. On ne peut pas continuer à payer 50 000 FCfa à un agent de sécurité pendant 9 ans. Au bout de deux ans, il faut le recruter. Il devient fonctionnaire ou agent de l’Etat. On ne peut pas maintenir quelqu’un dans un système où il n’a aucune possibilité de progresser», fait remarquer le Colonel Ndaw. Selon lui, cette agence n’a pas répondu aux attentes. «L’agence avait trois buts : renforcer la sécurité, répondre au problème du chômage, donner un certain nombre d’éducation civique à des jeunes. Il faut évaluer, en termes de sécurité, ce que l’agent a apporté. En termes de chômage des jeunes, quel bilan tirer de cela. En termes de patriotisme, j’aurai préféré, en 9 ans avoir 50 000 à 100 000 jeunes qui sont passés par l’agence que les 5 qui sont restés pour des raisons politiques politiciennes. Il y a eu des recrutements politiciens», poursuit le gendarme à la retraite.
Vu leur 9 années d’expérience acquise auprès de ces institutions, l’Etat gagnerait à les conserver tous ou en retenir le maximum. C’est l’avis de Cheikhna Keïta, Commissaire de Police à la retraite. «Ces Asp, reversés dehors, du fait de la précarité, ne viendraient-ils pas grossir les rangs d’une certaine forme de délinquance ?, s’interroge-t-il. C’est à partir de là qu’il faut mener la réflexion. L’Etat ne peut pas absolument se résoudre à se débarrasser d’eux tant qu’il y a une solution alternative qui arrangerait tout le monde. Même si on les jette, on va chercher du personnel ailleurs pour faire le même travail», souligne Cheikhna Keïta. D’une manière plus concrète, un des concepteurs du projet recommande la création d’une commission qui va mettre en place un système d’insertion de ces agents.
«Il faut que l’Asp revienne sur sa philosophie de base»
Il juge opportun de revenir à l’idéologie de base. C’est-à-dire partir sur un système de volontariat. «Le Sénégal a voté la loi d’orientation sur le volontariat, ils seront dorénavant régis par cette législation. A partir de là, le Sénégal devra aussi respecter ses engagements vis-à-vis de ses volontaires. Il faut que l’Asp revienne sur sa philosophie de base, le volontariat proprement dit. Le volontariat c’est un apprentissage. Si c’est clair dans la tête des gens et que l’Etat respecte tous les quatre ans le passage du volontariat à l’emploi réel, personne ne va crier», suggère-t-il. Et pour ceux qui ont déjà épuisé les quatre années de volontariat, il conseille de les intégrer dans les différents corps qu’ils ont côtoyés pendant 9 ans. «Chaque année, des personnes vont à la retraite et ces institutions auront besoin d’appui, de bras pour les remplacer. Cela ne va pas se faire sentir par l’Etat. Pour la Police et la Gendarmerie, je recommande qu’on suspende tous les quatre ans le concours pour intégrer ces Asp. Ce qui fera deux ans d’économie à l’Etat. Au lieu de faire deux ans de formation, ces Aps feront 6 mois. Ils auront déjà fait la formation pratique. On les envoie dans les commissariats comme stagiaires. Les Asp qui sont dans les tribunaux par exemple, on peut les utiliser comme agent d’accueil. Ceux qui sont au ministère des Sports peuvent être utilisés comme stadiers. Et là, ils seront formés en évènementiel sportif. Ceux qui sont au ministère de la Santé peuvent être des agents du service d’hygiène. Ceux qui sont dans les préfectures et les sous préfectures, on les utilise comme secrétaires, chauffeurs, agents de service. Les Asp des mairies peuvent devenir des secrétaires à l’état civil ou être utilisés pour le recouvrement de la fiscalité des marchés», suggère dans l’anonymat notre interlocuteur.
Le 23 février 2022, «Journée morte» par les Asp
Les Asp veulent pousser la tutelle à revoir leur situation d’une manière plus avantageuse. Une fois pour toute. Quitte à se faire interpeller par les forces de l’ordre. «Nous avons introduit des demandes d’autorisation de marche. Les préfets ont refusé de nous accorder ce droit. Certains de nos collègues ont marché à Kolda. Ils ont été arrêtés, puis libérés. Ils sont au nombre de 83. Mais ils seront jugés le 23», condamne Aïcha Koné, la présidente de l’Union nationale des Asp. Elle et ses camarades vont marquer le coup le jour du jugement en s’abstenant de toute obligation professionnelle. Ils envisagent d’observer le mercredi 23 février 2022 une «Journée morte des Asp». Les Asp qui disent avoir épuisé toutes les voies de recours sont déterminés à maintenir la pression sur la tutelle. «Nous avons interpellé les plus grands chefs religieux de ce pays. Nous avons envoyé une lettre au président de la République avec accusé de réception, sans réponse de sa part. Nous sommes prêts à tout. Organiser une marche nationale vers le Palais, observer une grève de la faim, rendre les tenues à la Direction générale», dit la présidente de l’Union. Ne comptant reculer d’un iota, Aïcha Koné et ses camarades soutiennent qu’ils ne se laisseront pas amadouer avec un nouveau contrat de prestation. «La Direction générale de l’Asp continue de faire ce qu’elle veut. Notre dernier contrat est arrivé à terme depuis décembre 2021. Puisque nous sommes en mouvement, la direction a sorti, aujourd’hui (hier, Ndrl), un nouveau contrat d’un an pour que les Asp le signent d’ici 72 heures. Mais nous avons demandé à tous nos membres de boycotter ce contrat. Nous n’allons pas signer cet engagement. C’en est assez. On ne se laissera plus berner. Après deux ans renouvelables une fois, on devait être inséré dans la fonction publique. Mais depuis la fin des 4 ans, nous n’avons que des contrats verbaux d’un ou deux ans. Nous ne recevons que 50 000 FCFA, depuis 9 ans. Certains reçoivent leur paie via la Boa ou Orange Money et cela peut traîner jusqu’au 15 du mois», poursuit Aïcha Koné.
«Ce que le Dg de l’Asp a répondu à notre collègue blessé»
Selon la présidente de l’Union, les Asp vivent une situation plus que précaire. «Nous avons un collègue à Kaolack qui a eu une blessure à la main dans l’exercice de ses fonctions. Lorsqu’il a écrit au Dg de l’Asp, il lui a dit d’envoyer une lettre à la fondation de la Première Dame. J’ai des preuves de ce que j’avance. Notre situation est préoccupante. C’est pourquoi certains ont démissionné pour chercher un emploi plus décent. D’autres ont voyagé. Il y en a qui sont décédés. De 10 000 au départ, nous ne sommes plus qu’à 8 000 environs», confie-t-elle.
BIRAME FAYE, DIRECTEUR GENERAL DE L’ASP : «Le processus de changement de statut des Asp est en cours»
«D’ici à la finalisation du nouveau statut des Asp par le ministère de l’Intérieur qui travaille d’arrache-pied pour mettre en acte la vision du président de la République, la Direction générale veut de l’ordre et de la discipline dans les rangs. Aucun acte d’insubordination ne sera toléré par la Direction générale. Nous avons pris nos responsabilités devant l’entêtement de certains manifestants qui mènent une campagne de désinformation avec des discours qui frisent la désobéissance civile. Malgré la volonté affichée par les autorités pour la pérennisation du modèle des Asp, une minorité d’entre eux a décidé de poursuivre leur plan d’action comme si de rien n’était. Le Comité de discipline va se réunir incessamment pour prendre des mesures exemplaires à l’encontre des fauteurs de troubles. La majorité des Assistants à la sécurité de proximité tenus par un droit de réserve conformément à leur pacte civique n’ont pas suivi ce mouvement d’humeur. C’est d’ailleurs, de tels comportements que nous recommandons à tous les Assistants à la sécurité de proximité avant l’entrée en vigueur du nouveau statut attendu en fin juin, comme l’a précisé le communiqué du Conseil des ministres du 12 février 2022. Dans le cadre de ces directives présidentielles, un Comité de réflexion a été mis en place par arrêté du ministre de l’Intérieur n°003254 du 04 mars 2021 pour réfléchir sur la question. Ce comité s’est réuni à Saly Portugal, les 7, 8 et 9 avril 2021 et a proposé la création d’un corps spécial. Les conclusions du Comité technique ainsi que les recommandations des corps et structures impliqués ont été revues, stabilisées et transmises à l’autorité.»
par Malick Sy
DOUDOU, LES POINTS SUR LES K
EXCLUSIF SENEPLUS - Doudou Ka pourrait être un précieux atout pour Macky Sall. L’un des rares fidèles capables d’empêcher le tout nouveau maire de Ziguinchor, d’enclencher depuis la Casamance, son duel politique et personnel face au président
Chaque carrière politique a son moment cruel. La déroute de son camp ajoutée à la défaite du candidat et ancien maire de Ziguinchor qu’il a soutenu aux dernières élections locales ont brutalement ramené Doudou Ka à la dure réalité de l’engagement politique. Si la prévisible déflagration Sonko à Ziguinchor a atteint la mouvance présidentielle, l’onde de choc n’en a pas pour autant fait vaciller les fondations. Elle n’a pas non plus ébranlé celui dont il se susurre de plus en plus « qu’il a tout pour incarner la majorité présidentielle dans le sud ».
Parce que le pire dans une défaite c’est le jour d’après, beaucoup lui prédisaient le purgatoire politique au lendemain du 23 janvier. Mais si Doudou Ka a tenu bon, il est surtout resté debout au milieu d’un échiquier politique complètement bouleversé voire fracassé avec comme tout premier chantier, la destruction du sentiment de défaite. Comme si la sanction électorale avait sonné l’heure de la reconquête.
Et l’homme y travaille. En sourdine tout en peaufinant son silence. « Mon principal adversaire n’est pas politique mais plutôt un état d’esprit qui a pour nom renoncement ou passivité », martèle t-il. Du Doudou Ka dans le texte comme dans la vie. Jamais dans la résignation. Toujours dans l’action et la réflexion. Son statut préférentiel.
De quoi cet homme est-il donc le nom ?
Avant tout, le symbole de l’excellence technocratique sénégalaise. Dire que l’actuel Directeur Général de l’AIBD y était prédestiné n’a rien d’une outrance, tant son parcours est tout en superlatif. C’est en 1987 que le jeune homme de Boucotte intègre le collège Sacré Cœur de Dakar après être sorti premier de l’école primaire Ibou Camara de Ziguinchor. Il ne met pas beaucoup de temps à se faire remarquer. Si brillant et si discipliné qu’il est dispensé de frais de scolarité à partir de la 4ème, mais à une condition : ne pas quitter le collège avant le baccalauréat. Il se plie à cette exigence. Après y avoir décroché son bac C, il quitte l’école Sacré Cœur pour atterrir au lycée de Turgot avant au prestigieux établissement Janson Desailly de Paris. L’un des établissements de classes préparatoires aux grandes écoles les plus renommées de France. Un foyer de la future intelligentsia française. Il s'y frotte aux meilleurs des classes de mathématiques supérieures et spéciales. Ses professeurs de maths sont sous le charme de ce brillant étudiant et lui conseillent d’approfondir ses connaissances en maitrise de mathématiques appliquées à l’Université Paris 6. Ses notes sont stratosphériques. Avec un improbable 20/20 en calcul des éléments finis en examen de maitrise et un brillant 18/20 en probabilités, l’étudiant épate tout le corps professoral. Si brillant et si hors normes qu’il est coopté pour intégrer un autre creuset de l’élite française, la très prestigieuse École Nationale des Ponts et Chaussées de Paris, fondée il y a près de trois siècles.
L’inspirateur du « Yonu Yokuté »
L'histoire de cet homme tout droit sorti des hauts lieux de l’intelligence tient en trois mots et une méthode : intelligence, audace et détermination . Trois signes particuliers qui ne figurent nulle part sur son CV, mais qui vont propulser Doudou Ka à l’épicentre de l’accession de Macky Sall au pouvoir. Nous sommes en 2011. Six petits mois nous séparent de l’élection présidentielle sénégalaise. Les préposés à l’élaboration du programme de Macky Sall peinent alors à ficeler leur projet. Le candidat s’impatiente, prend son téléphone et appelle à la rescousse l’ingénieur des ponts devenu banquier d’affaires et dirigeant d’un cabinet de conseil en stratégie et en intelligence économique à Paris.
Loin du vacarme politique et fuyant la lumière, le jeune « Pontiste » forme un commando restreint de brillants économistes et ingénieurs où chacun excelle dans sa spécialité. Un groupe de choc taillé sur mesure pour peaufiner un projet économique en coïncidence avec la vision de Macky Sall. Et voilà Doudou Ka, propulsé à son corps défendant, au cœur de la stratégie de conquête du pouvoir de Macky Sall. Stratège de l’ombre que ses collégues appellent affectueusement « sorcier noir » et tête pensante du projet économique du primo candidat, il est l’inspirateur du fameux « Yonu Yokuté », le slogan de la première campagne victorieuse du président de la République en 2012.
Depuis, le jeune prodige, fidèle des toutes premières heures, n’a jamais été très loin du président. Car si les affaires publiques ont fait leurs destins se croiser, leur histoire dépasse la politique. Les liens entre ces deux là sont avant tout, une histoire humaine. Doudou Ka et Macky Sall, c’est une relation personnelle, singulière et particulière faite affection, loyauté et confiance. Une proximité presque exceptionnelle dans les grandes comme dans les petites largeurs. La fidélité et le dévouement corps et âme du plus jeune à son aîné de 13 ans, ont largement structuré la trajectoire du premier qui n’est jamais, par la pensée, loin du président. Comme une sentinelle spirituelle auprès de celui qu’il appelle respectueusement, «le Patron».
Un missionnaire au service du Sénégal
À tout juste 47 ans, Doudou Ka traîne déjà une carrière de vieux apparatchik. Ingénieur, financier, banquier, conseiller, homme politique et aujourd’hui patron d’une des plus grandes entreprises publiques de la sous région. Avec son CV vertigineux et une réputation de premier de la classe, tout dans son parcours plaide pour ce quadra réputé être un homme de dossier qui, partout où il passe fait la démonstration de ses compétences
À son actif, c’est lui qui crée le Fonds de garantie des investissements prioritaires (FONGIP). Il en fut le premier Administrateur Général après l’avoir sur porté sur les fonts baptismaux à partir d’un « simple» décret. Moins de 10 ans plus tard, le FONGIP fait partie des institutions financières de garantie de référence en Afrique de l’Ouest.
La Redevance de Développement des Infrastructures aéroportuaires (RDIA), c’est encore lui. Alors qu’il est banquier d’affaires à la BMCE Capital, c’est lui qui trouve la parade en créant la RDIA à travers un décret et non une loi. Parce cette redevance était littéralement considérée comme un impôt en 2005 du fait que l’aéroport AIBD était juste à l’état de projet. « A cette époque, c'est mon beau-père, Abba Goudiaby, alors président de le 1ère chambre financière et budgétaire de la Cour des Comptes qui m’a aidé à trouver la méthode pour instaurer la RDIA par décret comme le demandait le Président Abdoulaye Wade. »
Le redémarrage de la ligne maritime entre Dakar et la capitale du Sud après le naufrage du bateau Le Joola, c’est encore lui. Avec la compagnie marocaine de navigation, il va mettre en place en 2006, en sa qualité de conseiller du gouvernement puis directeur financier, toutes les procédures opérationnelles. La supervision de la construction à Hambourg du bateau Aline Sitoe Diatta et sa livraison à l’État du Sénégal en décembre 2007, c’est aussi lui.
Et plus récemment, il y a eu le sauvetage de la saison touristique 2022 du Cap Skirring. Malgré des délais qui confinent presque au miracle, le gouvernement Sénégalais s’engage à reconnecter la Casamance à l’Europe par vol direct. Au bout de 75 jours d’une opération menée tambour battant, avec des moyens exceptionnels et un management quasi chirurgical et militaire, le pari de la rénovation et de la mise en exploitation de l’aéroport de Cap Skirring est tenu. L’atterrissage le 5 décembre 2021 du premier vol en provenance de Paris marque la fin de deux ans d’absence de tout trafic international. La signature politique de cet exploit technique et économique, c’est encore lui, fils de la région et petit fils de Cabrousse, petit village qui jouxte l’aéroport. « Sous l’impulsion politique du chef de l’Etat, nous voulons faire de chaque aéroport national, une vitrine de la vitalité et de l’attractivité économique sénégalaise ».
Pas étonnant qu’au moment où le pays entier bruisse de rumeurs de remaniement, que certains lui prêtent même des ambitions ministérielles, lui n’en a cure. Il est sur le pont, à sa tâche, en mission pour l’intérêt supérieur du pays. Sa seule obsession de serviteur de l’État, continuer la mise en oeuvre de l’ambitieuse feuille de route de réforme du secteur aéronautique national que le Président lui a tracée. « J’ai assez à faire avec un projet aussi stratégique que le hub aérien et touristique horizon 2021- 2025, le programme à 100 milliards de reconstruction des aéroports nationaux (PRAS) , la construction du centre de maintenance aéronautique, l’académie internationale des métiers de l’aviation civile, les réformes du secteur aéronautique, la digitalisation des procédures et la certification de six aéroports internationaux. Excusez du peu. Mais avec autant de dossiers empilés sur mon bureau et de chantiers à mener a bon port, toute mon équipe, mon énergie et mes forces sont mobilisées pour la réalisation des projets présidentiels. Je n’ai pas d’agenda politique personnel, si ce n’est l’agenda du Sénégal et la feuille de route du Patron». Alors pas de temps de cerveau disponible pour scénariser un éventuel remaniement ou une future recomposition politique. « Les agitation de remaniement, je les laisse à d’autres ».
Admiré par les uns, décrié par les autres
Son pedigree, son côté esprit libre et son ascension fulgurante dans les hautes sphères du pouvoir lui vaudront beaucoup d’admiration mais aussi de solides inimitiés. Surtout dans les rangs de l’APR où ses détracteurs le jugent trop indépendant, et autoritaire. Electron libre et arrogant rajoutent même certains. Ce que rejette son proche entourage qui assure au contraire que « Doudou estl'apologie même de la générosité et de la simplicité. Ses anciens collègues du FONGIP confirment et le décrivent comme «un vrai talibé à l’humilité déconcertante parfois même, déroutante»
En général peu disert sur sa vie privée, il n’en revendique pas moins son appartenance originelle à la grande famille maraboutique de Siwaul et de Hodar dans le département de Malem Hodar ainsi qu’à la famille maraboutique d’Agnam Siwol de Matam. Dans sa lignée comme dans sa condition de talibé mouride « la modestie n’est pas un slogan mais un principe. » assène t-il. Ceux qui le côtoient au quotidien ne démentent pas. C’est vrai que l'homme a beau être au cœur du pouvoir, il n’est jamais sorti de sa condition humaine. Juste obsédé par l’action. Capable de vous envoyer un message à 4 heures du matin et de vous croiser en réunion à 8 heures. Un statut WhatsApp à lui tout seul : « au travail ».
Des moquettes bureaucratiques aux sentiers politiques
Si la politique l’a toujours passablement titillé, c’est en grande partie grâce au «patron» que le Directeur Général de l’AIDB est descendu dans l’arène. S'il est très vite rattrapé par le virus de la politique, c’est surtout sa volonté irrépressible de se mettre au service du chef de l’Etat qui sera le moteur de son engagement.
Mackyste indéfectible, fantassin discipliné, le technocrate tombe la veste, fend l’armure et devient progressivement un des principaux visages de la majorité présidentielle à l’échelle locale et nationale. Passé de l’ombre à la lumière, la tentation électorale le démange. Son GPS politique lui indique le sud, direction sa Casamance natale, mais surtout son terroir de cœur. Car bien plus qu’un simple endroit qui l’a vu naître, cette terre est la variable affective qui détermine tout ou presque chez cet enfant de Cabrousse et de Boucotte. Cette terre dans laquelle plonge ses racines, cette terre qu’il a dans la chair, devenue cette part non négociable qui fonde les ressorts de tout engagement public. Doudou Ka veut faire profiter la Casamance de ses réseaux, de son influence et de son énergie pour faire avancer la région. En faire un pôle régional attractif dans un Sénégal aux fortes ambitions économiques. Mais de là à briguer la mairie ? Mis à part ceux qui étaient dans la confidence, peu de gens ont vu poindre ses ambitions Ziguinchoroises.
Doudou Ka-Ousmane Sonko : le duel des quadras
Nous sommes au mois d’octobre 2021. Le nom de Doudou Ka est alors sur toutes les lèvres après des incidents qui ont opposé ses partisans aux militants de Pastef. L’affaire fait très grand bruit a quelques semaines de l’ouverture de la campagne des municipales. Doudou Ka ne lâche plus Ousmane Sonko qui le lui rend bien. Le premier est au deuxième ce que ce dernier est à la majorité présidentielle : son tourment. Le patron de la Coalition Doggu pour le grand Sénégal est alors propulsé à son corps défendant, au rang de héraut de l’opposition au leader du Pastef. Devenu personnage politique incontournable en Casamance, Doudou Ka se pose en alter ego d’Ousmane Sonko dans une région politiquement sismique pour le président et sa coalition électorale. Et ça tombe bien, car Macky Sall et la Casamance constituent les deux limites infranchissables de son histoire personnelle et politique.
Résultat, entre l’ingénieur ponts et chaussées et l’inspecteur des impôts, le combat pour le contrôle de la mairie de Ziguinchor s’annonce féroce. Si intense qu’il faut une nouvelle échelle pour mesurer le fossé entre les deux. Doudou Ka, Ousmane Sonko : deux quadras, deux visions, deux trajectoires, deux profils, deux ambitions mais un seul objectif, la prise de contrôle de la mairie de Ziguinchor. Et de mémoire de Ziguinchorois et d’observateurs politiques, jamais une élection locale n’aura été aussi scrutée, commentée et redoutée tant par l’opposition comme par le pouvoir. Chaque camp se drapant dans une posture d’invincibilité. Ce qui n’était au début qu’un combat strictement municipal propulse le duel épique Ka-Sonko, au centre de l’actualité politico-médiatique nationale.
Mais coup de tonnerre quelques semaines avant le début de la campagne. Le patron des aéroports du Sénégal est obligé de faire atterrir ses ambitions sur décision du chef de sa coalition politique. Le choix opéré par Macky Sall d’investir Benoît Sambou pour porter les couleurs de la coalition présidentielle sonne le glas des ambitions locales de Doudou Ka. Une désillusion qu’il accepte sans broncher. Ses troupes sont très remontées. Mais lui calme le jeu, tempère tout le monde et ravale sa frustration, malgré la situation alarmante des intentions de vote en faveur du candidat de la coalition présidentielle.
La volte-face éclair
Bien que n’ayant pas été investi, Doudou Ka s’active en coulisse pour peser de tout son poids sur l’issue finale du scrutin. Car selon certains sondages, l’ampleur de l’abîme entre Benoît Sambou et Ousmane Sonko à la veille du scrutin est telle qu’il faut « un ultime sursaut pour barrer la route à Ousmane Sonko ». Doudou Ka se lance dans un véritable coup de poker politique pour éviter que les clés de la ville de Ziguinchor ne se retrouvent entre les mains de leur principal adversaire. Dans une trop longue et retentissante adresse aux électeurs de Ziguinchor, suivie d’un tweet d’alerte (@doudouka1911) publiés à quelques heures du scrutin, il appelle à voter Abdoulaye Baldé pour barrer la route au « candidat de l’opposition radicale au nom de l’intérêt supérieur des Ziguinchorois ».
Cette quasi supplique à voter pour le maire sortant en lieu et place de son propre camarade de coalition à 48 heures du scrutin, fait l’effet d’une bombe dans le monde politique local et national. Les analystes sont abasourdis par le spectaculaire revirement du Président de la Coalition Doggu pour le Grand Sénégal. Seulement voilà, son offensive électorale éclair n’aura pas les effets escomptés. «Son candidat» est largement battu, ne récoltant « que » 30 % contre 56% pour Ousmane Sonko. Doudou Ka ne tarde pas à adresser ses félicitations au vainqueur non sans souhaiter bonne chance aux populations de Ziguinchor. Un geste hautement républicain salué par tous les Ziguinchorois et qui augure une opposition apaisée entre deux fils de la Casamance, entre deux frères du « Bukut » de Bessire.
Malgré la défaite, « l’effet Doudou Ka » avec son ralliement de dernière minute a éviter que le scrutin ne tourne à la débacle pour les adversaires d’Ousmane Sonko. Si le basculement de Ziguinchor dans l’opposition a valeur de symbole, pas question pour Doudou Ka « de consentir au renoncement ou à la dépression post-électorale. Les lendemains funestes de déroute électorale sont souvent de grands moments de fragilité et de solitude ». Maintenant que le contexte passionné, la fureur politique et le vacarme médiatique sont loin derrière, il faut bien remonter la pente. «Difficile, mais pas impossible. On ne redémarre pas une machine politique après une défaite comme on redémarre une voiture ». Sans attendre, il a déjà la clé de contact dans le démarreur, prêt à reprendre la route. De perdant, avec les deux retentissantes claques administrées aux candidats de son camp, Doudou Ka s’est rapidement remis en mode conquérant. « Les histoires et les destins politiques s’écrivent aussi dans les défaites » soutient-il. Le voilà fin prêt pour rebrancher la majorité présidentielle.
L’atout Doudou Ka
La cuisante défaite de Benoit Sambou, qui a remporté la palme du plus faible taux de voix de BBY au niveau national avec 12% , en plus de l’impasse dans laquelle se trouve Abdoulaye Baldé après la perte de la mairie, installent une nouvelle conjoncture politique en Casamance. C’est un boulevard bitumé, éclairé et dégagé qui s’ouvre pour celui qui a aujourd’hui, toutes les cartes en main pour incarner le visage de la mouvance présidentielle dans le sud du pays. Il serait hasardeux, quelques semaines seulement après des élections locales perdues, de se lancer dans de petites conjectures sur ses réelles chances de réussite. Son succès ou son échec dépendront pour grande partie, de sa capacité à incarner les idéaux politiques républicains. Au-delà de tout militantisme clanique et fanatique.
En prenant le leadership politique de la majorité présidentielle dans le sud du pays, Doudou Ka pourrait être un précieux atout pour Macky Sall. L’un des rares fidèles capables d’empêcher le tout nouveau maire de Ziguinchor, d’enclencher depuis la Casamance, son duel politique et personnel face à Macky Sall.
A l’instar des Lions du Sénégal dont le récent sacre est avant tout la victoire de tout un peuple réuni autour de son drapeau national, Doudou Ka en appelle au rassemblement des Sénégalais « pour vaincre nos déchirements ». Et pour certains qui n’auraient pas saisi que cette supplique s’adresse aussi à lui, il poursuit : « Le Sénégal est notre patrimoine commun et nul n’a le monopole de l’amour du pays. Que l’on soit du pouvoir, de l’opposition, de la société civile ou que l’on soit apolitique, nous souhaitons tous un Sénégal de progrès, de prospérité, de paix et de justice. Au-delà de toute autre considération, nous partageons une histoire, une culture et des valeurs sur lesquelles nous devons nous adosser solidement pour construire ensemble notre devenir…». Presque comme un appel à l’apaisement, une belle ode à ce qui nous rassemble et nous fait vivre ensemble: le Sénégal.
MACKY, PÊCHEUR POLITIQUE
Même s’il affirme n’avoir pas rejoint la majorité présidentielle, Bamba Fall fait désormais office de conseiller du chef de l’Etat. Leur alliance politique portera-t-elle ses fruits d’un point de vue électoral ?
Les excuses ne font jamais défaut. Elles sont toujours servies avec presque les mêmes expressions. Le même vocabulaire. «Intérêt supérieur de la Nation», «unité nationale», «main tendue»… Les arguments honorables ne manquent jamais pour justifier les revirements politiques qui mènent nombre d’opposants dans le camp au pouvoir. Les nouvelles recrues ont presque toutes les mêmes mots quand il s’agit de défendre leur choix. Mais à l’heure de la Realpolitik, il faut reconnaître que la transhumance cache toujours des calculs politiques basés sur des intérêts personnels. A chaque fois qu’il y a une nouvelle alliance, il y a derrière un gain politique qui est attendu par le pouvoir. Celle entre le chef de l’Etat, Macky Sall et le maire de la Médina, nouvellement nommé ministre-conseiller auprès du président de la République ne saurait échapper à cette règle. Si Bamba Fall dit espérer un apport considérable pour le développement de sa commune, le Président Sall vise l’électorat de la Médina, qu’il n’a pu conquérir aux Locales du 23 janvier dernier. Le même schéma a été tracé dans sa collaboration politique avec Idrissa Seck. Macky Sall pensait avoir acquis les 20% engrangés par le leader de Rewmi à la Présidentielle de 2019. Que nenni ! L’entrisme de Idy ne lui a pas permis de gagner pour une première fois la ville de Thiès. Pis, son principal allié, alors maître incontesté de Thiès, a perdu pour la première fois, les trois communes et la Ville. Mais Macky Sall persiste dans sa logique de débauchage d’opposants pour redorer son blason électoral. A-t-il appris de ses erreurs ? Cette alliance avec Bamba Fall pourra-t-elle avoir l’effet escompté, si l’on sait que la transhumance a mauvaise presse au Sénégal ? Cheikh Yérim Seck, journaliste et analyste politique, y voit un calcul politique avec ses coups et contrecoups. «Je ne sais pas s’il a appris de ses erreurs ou pas, mais ce dont je suis certain est que le débauchage de Bamba Fall est l’acte 1 de la future préparation de Dakar en direction des Législatives de juillet prochain. C’est ça le calcul politique de Macky Sall. Le nombre de députés (07) dans le département de Dakar pèse très lourd. Le choc que Macky Sall a reçu au cours de ces élections locales, il fallait essayer de renverser la tendance et atténuer le choc de la défaite programmée dans Dakar aux législatives.»
«L’inconvénient c’est que Bamba Fall soit estampillé ‘’transhumant’’ et de ce fait, perde une partie de ses sympathisants»
D’abord du point de vue de l’image que ça renvoie, un opposant qui s’allie avec la mouvance présidentielle est considéré comme un «traître». Idrissa Seck, Banda Diop, Moussa Sy, Oumar Gueye, Aïssata Tall Sall ont tous déjà entendu ça. Bamba Fall est le dernier sur la liste. «Transhumant», le mot heurte et ses conséquences politiques peuvent s’avérer cruelles. La première est celle de perdre sa base et de n’être d’aucun n’apport pour le recruteur. Bamba Fall pourrait passer par là. Aliou Ndiaye, journaliste et directeur de Pikini Productions, s’en explique : «L’inconvénient c’est que Bamba Fall soit estampillé ‘’transhumant’’ et de ce fait, perde une partie de ses sympathisants. Il peut dans l’absolu être sanctionné, mais est-ce que son électorat se soucie de Macky Sall ou de telle ou de telle autre personne avec qui il est ?» Pour Aliou Ndiaye, les sorts de Banda Diop, Moussa Sy et autres peuvent ne pas être liés à leur ralliement au pouvoir. «Il faut éviter d’être superficiel dans l’analyse. Beaucoup de gens disent que Banda Diop et Moussa Sy ont été sanctionnés simplement parce qu’ils ont rejoint le pouvoir, c’est plus une spéculation qu’autre chose. Il n’y a aucune étude quantitative et qualitative faite auprès des populations de la Patte d’Oie, Grand-Médine, dans le cas de Banda Diop ou auprès des populations des Parcelles Assainies pour savoir si c’est parce que Moussa Sy a rejoint le camp présidentiel qu’il a été sanctionné. Il a été sanctionné peut-être parce que les populations des Parcelles Assainies ont voulu sanctionner le pouvoir de Macky Sall, ou il a perdu parce qu’Amadou Bâ qui pouvait être un de ses soutiens principaux, n’a pas levé le plus petit doigt pour l’aider à gagner cette élection.» Toujours selon l’ancien directeur de publication de L’Observateur, il est trop tôt pour enterrer politiquement Bamba Fall, puisque bien avant lui, d’autres ont tenté cette collaboration avec le chef de l’Etat et ils ont pu garder intact leur électorat. «Il y a le cas de Amadou Diarra de Pikine Nord qui gagne des élections depuis des années, qui passe allègrement d’un camp à un autre et qui est maintenant dans le camp de Macky Sall et qui n’a pas perdu, rappelle Aliou Ndiaye. Ce que Bamba Fall a eu à la Médina, est-ce que c’est grâce au Parti socialiste (Ps) B de Khalifa Sall ? Je ne le crois pas. Est-ce que ce n’est pas le travail de Bamba Fall lui-même qui le maintient à la tête de la mairie parce que plusieurs fois des assauts ont été faits contre la citadelle de la Médina et les gens ont échoué. Le Président a mis une armée de ministres contre Bamba Fall et à chaque fois, ils ont perdu. S’ils ont perdu à chaque fois, c’est parce que Bamba Fall a un ancrage local populaire très fort. Les gens doivent éviter de sous-estimer Bamba Fall parce qu’il a, à plusieurs reprises, résisté face à des gens qui ont beaucoup d’argent. Amadou Diarra a, au niveau local, fait un travail de proximité, de bon voisinage qui fait qu’à chaque élection, les gens votent pour lui qu’il soit du Pds ou de l’Apr.»
Des dividendes politiques en questions
Comme reconnu par Cheikh Yerim Seck, Macky Sall est en train de placer ses pions en direction des Législatives. Il drague l’électorat de Bamba Fall. Mais, «attention aux contrecoups», prévient Moussa Diaw, Enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Docteur en Sciences politiques. Il détaille : «Le président Macky Sall, ça m’étonnerait que ça puisse lui apporter des dividendes politiques. C’est vrai que Bamba Fall est un leader connu et qui a une base, mais cette base risque de s’effriter. On verra, d’ici les prochaines échéances électorales, quel sera le résultat. Son avenir risque d’être compromis. Ses argumentations sont superficielles, cela veut dire qu’il y a un problème au niveau de l’appréciation des politiques. Ce qu’il a décrit, c’est de l’opportunisme politique. On l’a vu avec Idrissa Seck. Généralement les hommes politiques pressés, ils vont dans le mur. Ses arguments sont trop superficiels.» Selon lui, pour le moment, rien ne garantit au chef de l’Etat que Bamba Fall sera suivi dans son choix par la Médina. «C’est encore un transhumant de plus, insiste Dr Diaw. Un soutien massif de ceux qui ont voté pour Bamba Fall n’est pas si prévisible que ça. Il y a eu beaucoup de réactions négatives. Un poste de ministre, c’est un titre, ça ne veut pas dire qu’il va jouer un rôle beaucoup plus important qu’il ne l’est comme maire. Est-ce qu’il va être bien reçu par cette nouvelle majorité parce qu’il y a des gens qui se sont battus depuis très longtemps et qui n’ont pas eu ces titres ? On n’a pas de sondage, mais il faut s’attendre à des sanctions, vu le niveau de surprise de certains. Pendant les élections, il tient un discours d’opposition, il gagne et se range. C’est décevant et surprenant d’avoir des hommes politiques de cette nature qui, dans leur réflexion même pour se justifier, sont incapables de donner des arguments qui sont recevables.»
Moussa Diaw reste convaincu que le Président Macky Sall n’a pas tiré de leçons des expériences malheureuses des cas similaires avec Idrissa Seck et Moussa Sy qui ne lui ont rien apporté. Même si pour le cas de Idrissa Seck, le journaliste Aliou Ndiaye ne voit pas de surprise. «La perte de Thiès était inéluctable. Si on regarde bien les chiffres, chaque élection, il dégringole. L’opposition y est assez bien représentée. Il y a des cadres de l’opposition qui sont à Thiès qui sont Thiéssois comme lui, qui ont un discours, un parcours et des arguments. L’usure du pouvoir commence à se faire sentir, la défaite de Idrissa Seck pouvait s’inscrire dans l’ordre normal des choses. Idy serait resté dans l’opposition, il n’y a aucune garantie que la coalition dirigée par Yankhoba Diattara aurait gagné.»
Apport politique aux Législatives
Après les Locales, les Législatives se tiendront le 31 juillet prochain. Des élections qui seront le premier test de l’apport de Bamba Fall dans l’électorat de Macky Sall, si les deux font chemin commun à ces élections. Cheikh Yerim Seck : «Si Bamba Fall a la capacité de drainer son électorat vers Macky Sall, ce sera un apport considérable pour les Législatives. L’idée sera de savoir si Bamba Fall a un électorat docile ou pas», croit savoir le journaliste Cheikh Yerim Seck. Il poursuit : «Il peut y avoir des avantages et des inconvénients, mais c’est selon ce que va rapporter Bamba Fall. Bamba est une prise symbolique, mais comme il a trop parlé avant d’intégrer l’escarcelle du pouvoir, il a beaucoup perdu en crédibilité. Est-ce qu’il va aller avec toute sa base chez Macky Sall ou va-t-il partir tout seul ? S’il réussit à faire rallier toute sa base en faveur des candidats à la députation de Benno Bok Yakaar (Bby), il y a un avantage certain à débaucher Bamba Fall. Si l’inverse se produit, Bamba Fall sera plus un inconvénient qu’un avantage, d’autant que l’opinion sénégalaise est tellement réfractaire à l’idée de transhumance que si Bamba Fall n’apporte pas ses électeurs avec lui, symboliquement, le pouvoir y perd en termes de crédibilité.» Et d’électorat aussi.
LA CEDEAO ET L'UA A BAMAKO CE JOUR
La CEDEAO et l’Union africaine ont dépêché une délégation conjointe auprès des autorités de transition du Mali, selon une sources diplomatique citée par le média A Bamako.
Benin Web Tv |
Modeste Dossou |
Publication 21/02/2022
La CEDEAO et l’Union africaine ont dépêché une délégation conjointe auprès des autorités de transition du Mali, selon une sources diplomatique citée par le média Abamako. Cette mission tentera de renouer le dialogue avec le Mali dans le but de trouver un consensus pour l’organisation d’élections à bonnes dates.
Alors que le Mali et plusieurs de ces dirigeants sont sous l’effet de lourdes sanctions des organisations africaines, l’on apprend que les parties devraient se rencontrer lundi 21 février, à Bamako pour tenter de résoudre les problèmes dans la perspective de la levée des sanctions qui commencent à peser sur le pays sahélien. La rencontre des organisations africaines avec les autorités maliennes aura essentiellement pour objectif, de trouver un calendrier « acceptable » pour l’organisation des élections.
Cette rencontre intervient alors que plus tôt, le président ghanéen et président en exercice de la CEDEAO, Nana Akufo-Addo, avait indiqué sur France 24 que pour lui personnellement, 12 mois de plus pour la transition au Mali, serait assez raisonnable. Aussi, l’Algérie avait proposé d’aider à la résolution de la crise et avait proposé des élections dans 16 mois, ce qui semble n’avoir pas été pris en compte par la CEDEAO. Avec la mise en place d’un processus pour dialoguer par le gouvernement malien, il y a de l’espoir que les choses bougent dans les prochains jours.
UNE MISSION DE SUPERVISION DE LA BANQUE MONDIALE SEJOURNE DANS LES RÉGIONS DU SUD ET DU SUD-EST
La Banque mondiale a entamé ce dimanche une mission de supervision du Projet d’appui au secteur de l’électricité (PASE) dans les régions de Ziguinchor, Sédhiou, Kolda, Tambacounda et Kédougou, annonce un communiqué transmis à l’APS.
Dakar, 21 fév (APS) - La Banque mondiale a entamé ce dimanche une mission de supervision du Projet d’appui au secteur de l’électricité (PASE) dans les régions de Ziguinchor, Sédhiou, Kolda, Tambacounda et Kédougou, annonce un communiqué transmis à l’APS.
L’objectif de cette mission, qui va durer jusqu’à vendredi, consiste à évaluer l’impact des réalisations du PASE, apprécier les mesures de sauvegarde environnementale et sociale mises en place autour des projets et d’échanger avec les bénéficiaires et partenaires avant la clôture du PASE, prévue au mois de mars 2022.
Le Projet d’appui au secteur de l’électricité est financé par la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement et l’Union européenne. Placé sous la tutelle technique de la SENELEC, il matérialise la volonté de l’Etat d’améliorer la gouvernance du secteur et de promouvoir un accès universel et abordable aux services de l’électricité, souligne le communiqué.
Depuis 2012, rappelle-t-il, le PASE apporte une contribution mesurable à l’amélioration des performances de Senelec à travers la mise en place de projet structurants.
‘’Actuellement en phase de clôture, le projet capitalise des résultats probants parmi lesquels (…) la réduction drastique des coupures d’électricité, l’amélioration de la qualité de l’électricité et la minimisation des dommages électroménagers, l’amélioration de l’accès à l’électricité au monde rural (…)’’.
La connexion de nouveaux ménages au réseau électrique à travers le raccordement de nouveaux quartiers et villages, l’amélioration des performances commerciales dans le but de réduire le coût de l’électricité pour les ménages font aussi partie de ces résultats. Mais il y a aussi ‘’la modernisation du secteur à travers le Nouveau Système d’Information Clientèle (NSIC) et la généralisation du prépaiement et des compteurs intelligents’’.
Ces visites sur les sites et réalisations du PASE seront suivies de réunions d’évaluation entre les différents acteurs du projet, qui se tiendront à Dakar du lundi 27 février au vendredi 2 mars 2022, précise le texte.
ELIMINATOIRE CAN FEMININ 2022, LE SÉNÉGAL AFFRONTE LE MALI MARDI À PARTIR DE 17H
Le coup d’envoi du match Mali-Sénégal de ce mardi comptant pour la manche retour du dernier tour qualificatif de la CAN féminine prévue en juillet prochain au Maroc sera donné à 17h, annonce la Fédération malienne de football dans un communiqué.
Dakar, 21 fév (APS) – Le coup d’envoi du match Mali-Sénégal de ce mardi comptant pour la manche retour du dernier tour qualificatif de la CAN féminine prévue en juillet prochain au Maroc sera donné à 17h, annonce la Fédération malienne de football dans un communiqué.
La rencontre se tiendra au stade Modibo-Keita, avec un prix d’entrée fixé à 1000 francs par l’instance dirigeante du football malien.
Le Sénégal l’avait emporté 1-0 lors de la manche aller jouée au stade Lat Dior de Thiès, mercredi dernier.
L’équipe du Sénégal, qui a rejoint Bamako samedi, court derrière une qualification depuis 2012, date de son unique et seule participation à la Coupe d’Afrique des nations de football féminin.
Les Maliennes avaient pris part à la précédente édition au Ghana en jouant les demi-finales de la compétition en décembre 2018.
Outre la rencontre de mercredi dernier, les Lionnes avaient battu les Aigles 3-0 en février 2020 lors de la finale du tournoi de la zone
ouest A, qui avait eu lieu en Sierra Leone.
LES CANDIDATS À LA PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE CRITIQUENT LA FIN DE L'OPÉRATION BARKHANE
Alors Macron annonçait jeudi le retrait des forces françaises au Mali, le président de la République a «complètement» récusé l'idée selon laquelle l'opération Barkhane serait un « échec ». Ce que, précisément, ses adversaires politiques dénoncent
Le Figaro |
Claire Conruyt |
Publication 21/02/2022
À droite, Valérie Pécresse a déclaré sur LCI qu'il «ne faut pas partir comme l'ont fait les Américains en Afghanistan», indiquant qu'il «ne faut pas abandonner ce terrain sur lequel la France défend des valeurs universelles». «Je souhaite que nos militaires, qui ont payé le prix du sang, puissent continuer cette lutte contre l'islamisme, contre le djihadisme au Sahel.» La candidate Les Républicains a ensuite déploré «la façon dont la France est traitée par la junte malienne [qui] n'est pas digne. On ne peut pas payer le prix du sang pour un pays qui ne veut pas de [n]ous».
Éric Zemmour présentait de son côté jeudi son programme sur le thème de la défense. À cette occasion, le candidat nationaliste a regretté l'«enlisement» au Mali, «dans une guerre sans fin et sans but précis». «Au lieu de nous préparer à une opération limitée et efficace pour monter un coup d'arrêt aux djihadistes, comme le fut l'opération Serval, nous nous sommes embourbés dans un conflit tribal qui ne nous concerne pas», a avancé le leader de Reconquête ! «Désormais, les États que nous sommes venus aider ne nous respectent pas ou pire, nous insultent en continuant à ne pas reprendre leurs clandestins. Dans cette affaire, où sont les intérêts de la France ?»
C’est dorénavant clair : il existe une hiérarchisation des compétitions et, dans ce classement dont l’argent est l’un des critères d’appréciation, la CAN compte pour du beurre. Un point de vue qui met d’accord UEFA et Fifa
Jeune Afrique |
Georges Dougueli |
Publication 21/02/2022
Ramener la périodicité du Mondial à deux ans, contre quatre actuellement : tel est le projet que nourrit le président de la Fédération internationale de football (Fifa), Gianni Infantino. Une réforme qu’il pourrait soumettre le 31 mars prochain à Doha, au Qatar, lors du 72e congrès de la Fifa. L’Union des associations européennes de football (UEFA) et la Confédération sud-américaine de football (Conmebol) y sont opposées. Quant à la Confédération africaine de football (CAF), sa ligne n’est pas éloignée de celle définie au siège de la Fifa, à Zurich.
Belle opportunité financière
Il faut dire qu’à sa tête trône désormais le Sud-Africain Patrice Motsepe, un puissant homme d’affaires sud-africain proche du patron italo-suisse du football mondial, que l’entraîneur français Claude Leroy critique pour son rapport à l’argent. « Je l’ai rencontré à plusieurs reprises : il ne parle pas de notre sport, il ne parle que de fric. »
De fait, la réforme est présentée comme une belle opportunité financière. À chacune de ses 211 fédérations membres, la Fifa promet 19 millions de dollars (16,8 millions d’euros) supplémentaires par cycle de quatre ans si elle parvient à doubler la fréquence de la Coupe du monde à partir de 2024. Pour étayer ses prévisions, l’organisation a engagé le cabinet Nielsen, lequel a prédit que les recettes escomptées du Mondial se hisseraient à 4,4 milliards de dollars (3,9 milliards d’euros) sur quatre ans, grâce à l’augmentation de la fréquentation des stades, aux droits TV et au sponsoring.
Guerre intestine
L’étude élude cependant les effets de cette inflation des matchs sur la santé des joueurs, de même qu’elle ne dit mot sur ce que les championnats nationaux y gagneraient. En revanche, un projet concomitant vise à limiter la fréquence de la Coupe d’Afrique des nations, qui ne se jouerait plus que tous les quatre ans.
Une guerre larvée et intestine est donc en cours, qui oppose de puissantes entités. Dernière escarmouche, une polémique opposant d’une part les clubs européens réticents à libérer les joueurs africains et, d’autre part, les fédérations nationales des pays qualifiés pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN) au Cameroun.
LE MALI ENTÉRIENE JUSUQ'À CINQ ANS DE TRANSITION AVANT LES ÉLECTIONS
L'assemblée tenant lieu d'organe législatif au Mali depuis la prise de pouvoir par les militaires a entériné lundi une période pouvant aller jusqu'à cinq ans avant des élections et un retour des civils à la tête du pays
Le Conseil national de transition (CNT), contrôlé par les militaires, a approuvé par 120 voix pour, aucune voix contre et aucune abstention une révision en ce sens de la charte de la transition, ont constaté les correspondants de l'AFP. Cette charte fait office d'acte fondamental de la période précédant un retour des civils à la direction de ce pays plongé dans une grave crise sécuritaire et politique depuis le déclenchement d'insurrections indépendantiste et jihadiste en 2012.
La révision approuvée lundi dispose que la durée de la transition sera conforme aux recommandations formulées à l'issue de consultations nationales qui ont eu lieu en décembre 2021. Ces "assises" préconisaient une transition de six mois à cinq ans. Elle maintient le flou sur la date à laquelle des élections auraient lieu, alors que la question donne lieu à un bras de fer entre les autorités maliennes d'une part et l'organisation des Etats ouest-africains Cédéao ainsi qu'une partie de la communauté internationale de l'autre.
La version originelle de la charte, promulguée par les militaires le 1er octobre 2020 un peu plus d'un mois après leur premier putsch, fixait la durée de la transition à 18 mois. La junte a depuis révoqué son engagement initial à organiser des élections le 27 février prochain. Elle a exprimé son intention de rester en place quatre ou cinq années supplémentaires, un délai "totalement inacceptable" pour la Cédéao. Celle-ci a sanctionné un tel projet en infligeant le 9 janvier de lourdes sanctions économiques et diplomatiques au Mali, avec un embargo commercial et financier et la fermeture des frontières.
par Ibrahima Silla
DE LA NEUTRALISATION PROMISE DE L’OPPOSITION À LA FRACTURATION PROMETTEUSE DE LA MAJORITÉ ?
La personnalisation excessive du pouvoir entraîne au moment de quitter le pouvoir de vives tensions. Dirigée contre son propre camp, cette stratégie de neutralisation politique produit des effets contreproductifs au profit de l’opposition
« L’opposition fait toujours la gloire d’un pays : les grands hommes d’un pays sont ceux qu’il met à mort » disait Ernest Renan. Cette époque, où le sacrifice existentiel des opposants était signe de gloire et de fierté, est révolue. La mort n’est pas un sacerdoce. L’opposition politique est bien plus qu’une simple politique d’opposition.
Un renouvellement de l’approche scientifique par rapport à cette catégorie appelée opposition pourrait aider à mieux en saisir les vraies réalités qui se cachent derrière les apparences et les simplifications notamment politiciennes. Car, fait remarquer justement Edwige Kacenelenbogen : « Le politique ne se fonde plus et ne peut plus se fonder sur un cri de bataille passionné, destiné à inspirer les hommes au sacrifice, ou à les pousser vers des accomplissements héroïques. »
Faire donc de la neutralisation de l’opposition une solution aux problèmes politiques, n’est-ce pas méconnaître l’essence même de la démocratie : l’organisation prosaïque des intérêts et la coexistence pacifique des opinions ?
Cette forme de neutralisation peut être victime de sa réussite et se retourner contre le régime en place. Efficace éventuellement contre l’opposition qui prend son mal en patience et attend la date limite de péremption du pouvoir, elle se révèle contreproductive dès l’instant qu’on cherche à l’appliquer à sa propre majorité. Car la personnalisation excessive du pouvoir entraîne au moment de quitter le pouvoir de vives tensions. Dirigée contre son propre camp, cette stratégie de neutralisation politique produit des effets contreproductifs au profit de l’opposition, renforcée par les nouvelles arrivées des fractionnistes du pouvoir qui lui offre ainsi de solides chances de victoire. L’on risque de passer ainsi de la défaite impossible du président sortant à la victoire improbable du camp sortant.
La personnalisation du pouvoir explique cette volonté de neutralisation de son propre camp en raison des fortes tensions politiques entre partenaires politiques, avec notamment la manifestation des prétendants à la succession au sein du parti au pouvoir qui risque de se fracturer du fait des affrontements de positionnement pour la succession. On note ainsi sous Diouf les départs fractionnistes de Moustapha Niasse et de Djibo Kâ qui lui ont été fatals. Wade sera combattu par son ancien allié Macky Sall, aidé par d’autres fractionnistes. Ce dernier lui succèdera. Aujourd’hui Macky Sall entame une politique de containment des prétendants qui sont exclus de la majorité, dès l’instant même qu’ils envisagent l’impossibilité pour lui d’avoir un 3ème mandat. Le mandat est devenu le débat interdit au sein de la majorité.
L’exigence d’une démocratie interne au parti au pouvoir, de plus en plus audible aujourd’hui, risque de mener à des logiques fractionnistes. Les batailles de positionnement politique pour la succession au pouvoir tendent à prendre le dessus sur celle à mener face à l’opposition. L’évocation de l’impossibilité d’un 3ème mandat conduit le chef de l’État à vouloir réduire les ambitions présidentielles au sein de la majorité au pouvoir à leur plus simple expression, quitte à élargir sa base en nommant ses anciens adversaires issus de l’opposition à des postes de haute responsabilité étatique, à l’instar du candidat arrivé deuxième à l’élection présidentielle. Pressenti au statut de chef de l’opposition, celui-ci a hérité du fauteuil de 3ème personnalité de l’État en occupant la présidence du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Cette politique de neutralisation partisane n’est pas sans danger. En cherchant à neutraliser la majorité, il peut la fracturer. Le risque est de passer de la neutralisation de l’opposition à la fracturation de la majorité. Pour Vincent Vincent : « Ce n’est donc bien souvent que lorsque des barons du parti au pouvoir entrent en opposition, détournant une fraction des ressources matérielles et militantes du parti au pouvoir, que l’opposition tient enfin une chance de victoire. »
En effet, son monopole sur l’État risque de se heurter à la contestation de son monopole sur le parti. Tout semble indiquer qu’il est moins compliqué d’être chef d’État que chef de parti. En tant que chef d’État les volontés sont bien souvent des ordres à exécuter. En tant que chef de parti, les volontés restent des invitations qui peuvent être déclinées et combattues. Le leader politique travaille finalement à la neutralisation de toute ambition politique ou toute opinion contradictoire et dissidente au sein de la majorité dirigeante. Ce qui constitue également un élément de fragilisation politique du leader et de son parti face à l’avenir qui se conjugue souvent au présent.
Les départs fractionnistes peuvent lui être fatals et participer à renflouer les rangs de l’opposition, à distinguer des leaders qui s’isolent des masses en opérant une transhumance politique personnelle. Car, « Si le pouvoir se mange en entier, il est bien souvent difficile de le léguer en entier », dit justement le politiste Vincent Foucher. Après avoir promis, sans succès, de neutraliser l’opposition, l’enjeu est cette fois de pouvoir neutraliser avec succès ses partisans. Y arrivera-t-il ?
Ibrahima Silla est enseignant-chercheur en Science Politique à l’UGB de Saint-Louis