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17 juin 2025
Par Dan Viera Da COSTA
STRUCTURES DE SANTE EN AFRIQUE DE L’OUEST, INSALUBRITE ET MANQUE D’EMPATHIE
De Dakar à Bissau, en passant par Conakry ou Bamako, les mises en cause des professionnels de santé pour des faits de négligences conduisant malheureusement à des décès de patients sont récurrentes et font bien trop souvent la une des médias nationaux
Il est 11h du matin, quand nous arrivons à la maternité de l’hôpital national Simão Mendes de Bissau pour accompagner un proche qui est en situation d’urgence. Après avoir confié la malade aux infirmières et aux sages-femmes, nous avons dû sortir acheter tout le nécessaire pour sa prise en charge (coton, compresses, gants, alcool, ciseaux, antibiotiques, seringues, poches de sang), mais aussi du matériel pour le nettoyage de la chambre qui lui a été assignée ainsi que la salle de bain attenante (balai, serpillière, eau de javel, etc.). Ceci n’est malheureusement pas une situation exceptionnelle.
Force est de constater que l’hygiène et la salubrité font cruellement défaut dans les structures de santé publiques en Afrique subsaharienne. Cela est d’autant plus préoccupant que ce manque d’hygiène et de salubrité peut être la cause d’infections nosocomiales, appelées aussi infections associées aux soins (IAS), qui sont des infections contractées au cours d’une hospitalisation pouvant aller des infections urinaires, aux infections respiratoires, en passant par les infections du sang, entre autres. Il en va donc de la santé des malades et des professionnels de santé, d’avoir un environnement sain et propre en milieu hospitalier, principalement en cette période de pandémie de COVID-19.
Un autre défi auquel les structures de santé sont confrontées est celui de l’accueil et l’écoute des patients. En Afrique de l’Ouest, le personnel soignant est souvent en proie à de nombreuses critiques liées au comportement et la relation avec les usagers. Un manque d’empathie ou d’attention est souvent pointé du doigt, principalement envers les usagers les plus défavorisés qui n’ont pas les moyens de fréquenter les structures privées de soins.
Ces défis sont structurels et requièrent, pour les relever, un engagement sérieux de nos dirigeants à mettre en place de profondes réformes prenant en compte les aspects financier, humain, infrastructurel, à un niveau national, voire régional. En parallèle, des mesures ciblées et concrètes peuvent être mises en place au niveau même des administrations des structures sanitaires afin d’améliorer le fonctionnement au quotidien des hôpitaux et centres de santé publics.
Doter les structures de santé de services de nettoyage avec une formation appropriée
Une étude réalisée en 2016 révèle une prévalence d’infections nosocomiales de 6,7 % au service de Chirurgie « B » de l’hôpital du point G et de 10,9 % au Centre Hospitalier Universitaire- CHU de Fann, à Dakar. En ce qui concerne la Guinée, des thèses de médecine ont été réalisées sur le sujet dans plusieurs services. Il a été rapporté une prévalence variant de 10 % à 19 % dans les services de réanimation et de chirurgie du CHU de Conakry ».
Face à ce constat, il faudrait doter ces structures de services d’entretien et de nettoyage ayant une expertise spécifique dans le traitement de déchets médicaux permettant ainsi d’éviter la contamination au sein même des établissements de santé. Les services d’entretien devraient être considérés comme un aspect clé du fonctionnement des hôpitaux et des centres de santé afin d’assurer l’hygiène et la salubrité et éviter toute propagation ultérieure de maladies.
Dans le document d’orientation de l’OMS intitulé « Nettoyage et désinfection des surfaces environnementales dans le cadre de la COVID-19» publié en mai 2020, il est indiqué que « la formation du personnel de nettoyage devrait être fondée sur les politiques et les modes opératoires normalisés de l’établissement de santé et sur les directives nationales. Elle devrait être structurée, ciblée et dispensée comme il se doit et constituer un élément obligatoire du programme d’initiation offert aux nouvelles recrues ».
La salubrité en milieu hospitalier passe également par une bonne hygiène des mains qui est fondamentale pour éviter les infections nosocomiales, la propagation de la résistance aux antimicrobiens et les autres risques émergents pour la santé, principalement dans un contexte de pandémie mondiale de COVID-19.
Toujours selon l’OMS, ces infections sont encore trop présentes en Afrique subsaharienne dues notamment au fait que « dans certains pays à faible revenu, un agent de santé sur dix seulement pratique l’hygiène des mains de manière satisfaisante lors de soins dispensés à des patients très exposés au risque d’infections nosocomiales dans les unités de soins intensifs – souvent parce qu’il n’a tout simplement pas les moyens de le faire ». Il se pose donc la question de la disponibilité de produits désinfectants, mais aussi celle de l’approvisionnement en eau potable qui, très souvent, est un défi de taille auquel sont confrontées bon nombre de structures de santé publiques.
Améliorer l’accueil et l’écoute due aux usagers des structures de santé.
La satisfaction des patients est un des indicateurs pris en compte lors de l’évaluation de la qualité des soins dans une structure de santé au même titre que la disponibilité d’équipements de pointe, ou le nombre de professionnels de santé dans chaque service.
La dimension psychologique est donc tout aussi importante que la dimension curative proprement dite. Un patient bien accueilli dans une structure de soins se sentira plus en confiance et sera plus réceptif au traitement qui lui sera prescrit. Cependant, avec une capacité d’accueil extrêmement faible dans la majorité des pays d’Afrique de l’Ouest (2,3 médecins en Côte d’Ivoire pour 10.000 patients, 3,8 au Nigéria, 0,8 au Togo, 0,7 au Sénégal ou encore 1,3 en Guinée Bissau), il est en effet difficile d’assurer une prise en charge décente des patients.
S’il est vrai que certaines améliorations de la qualité de service due aux usagers sont tributaires de l’allocation et la bonne gestion des fonds destinés au secteur de la santé, il faut reconnaître que d’autres sont liées au comportement et à la responsabilité du personnel médical qui a le devoir de respecter l’éthique et la déontologie prônées par le Serment d’Hippocrate.
La pandémie de la COVID-19 a mis en lumière le travail acharné des soignants qui aux différents pics de l’épidémie pouvaient rester plusieurs jours de garde sans rentrer chez eux. Plusieurs hommages leur ont été rendus d’ailleurs par les citoyens, les artistes les hommes politiques sur les réseaux sociaux ou dans les médias traditionnels et même parfois à travers des chansons leurs étant dédiées.
Cependant, de Dakar à Bissau, en passant par Conakry ou Bamako, les mises en cause des professionnels de santé pour des faits de négligences conduisant malheureusement à des décès de patients sont récurrentes et font bien trop souvent la une des médias nationaux, voire internationaux.
À l’occasion de la journée mondiale pour la sécurité des patients célébrée le 17 Septembre dernier sous le thème « soins maternels et néonatals sans risque, agir maintenant pour un accouchement sûr et respectueux ! », le Dr Moeti Matshidiso, directrice du Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique informait que dans la région Afrique, chaque jour, 536 femmes meurent de causes liées à la grossesse et à l’accouchement et 6 700 nouveau-nés meurent de causes évitables. Lors de la cérémonie officielle de commémoration de cette date au Tchad, le Dr Eyong Efobi John, au nom du Dr Jean Bosco Ndihokubwayo, Représentant de l’OMS au Tchad affirmait que la plupart de ces décès, peuvent être évités si « les soins sont administrés avec compassion et respect par des agents de santé ayant les compétences pour réussir et dans des environnements propres et purs qui empêchent la propagation des maladies ».
Il est donc primordial d’introduire ou renforcer dans tous les parcours de formation initiale et permanente des personnels de santé, des médecins jusqu’aux agents d’entretien dans les hôpitaux, des sessions sur l’éthique professionnelle, sur la notion de service de qualité dû aux usagers, sur la relation d’aide et à l’écoute, notamment pour les patients souffrant de maladies mentales, sur le traitement équitable des usagers et sur la responsabilité individuelle en cas d’erreurs aboutissant à des drames dans les structures de santé, basées sur les réalités locales observées.
En parallèle il est nécessaire de mettre en place des mesures et réformes profondes permettant un meilleur suivi de la relation entre patients et soignant ainsi qu’un système de sanction au cas où il est prouvé que cette relation a été défaillante à un moment ou à un autre de la prise en charge du patient.
En conclusion, les dirigeants en Afrique de l’Ouest doivent absolument consacrer plus de temps à la réflexion commune autour de l’amélioration des systèmes de santé à travers des débats publics impliquant tous les acteurs du développement (économistes, médecins épidémiologistes, urbanistes, formateurs, architectes, pharmaciens, etc.) mais aussi leur présence dans les espaces publics de prise de décisions dans le domaine de la santé.
Les citoyens, usagers de ces structures de santé, ont également un rôle essentiel à jouer, en dénonçant les mauvaises pratiques constatées dans les hôpitaux et centres de santé, et en créant des espaces (virtuels ou non) de discussion et de partage d’expérience en vue d’améliorer le fonctionnement des structures de soins en particulier et des systèmes de santé en général au bénéfice des populations.
Par Dan Viera Da COSTA
Chargée de Plaidoyer à Wathi
LOCALES 2022, LES CONFESSIONS RELIGIEUSES APPELLENT A LA NON VIOLENCE
Les Évêques, Imams et Oulémas du Sénégal ont fait une déclaration conjointe, ce lundi. En direction des législatives, ils ont lancé, avec insistance, un appel à la non-violence aux populations, mais surtout aux candidats.
Les Évêques, Imams et Oulémas du Sénégal ont fait une déclaration conjointe, ce lundi. En direction des législatives, ils ont lancé, avec insistance, un appel à la non-violence aux populations, mais surtout aux candidats.
«Nous nous adressons à vous, en tant que guides religieux, imams oulémas et Évêques du Sénégal pour vous inviter tous au calme et à la sérénité devant les enjeux que suscitent une telle étape dans la vie de notre nation. Il demeure clair, qu’en de pareilles circonstances, les légitimes rivalités politiques peuvent se transformer en de graves conflits pouvant entrainer de regrettables agissements à l’encontre de la paix et de la stabilité de notre pays si on n’y prend pas garde.
C’est pourquoi, fidèles à notre responsabilité de guides spirituels, faisant confiance à la maturité démocratique de nos concitoyens, nous avons décidé dans une parfaite communion de cœur et d’esprit, de vous adresser ce message fraternel. Nous vous invitons d’abord à vous tourner vers Dieu dans une fervente prière pour Lui confier notre pays et ses habitants. Que sa toute puissante bonté éloigne de nous de mal et de la division. Nous en appelons ensuite, à la conscience citoyenne de tous surtout des acteurs politiques pour adopter des comportements responsables en vue d’élections crédibles, transparentes et paisibles.
Notre propos s’adresse, de façon particulière à tous les candidats de ces élections territoriales, ceux de la mouvance présidentielle, de l’opposition, comme de la partie civile. Nous les invitons tous au respect des personnes et des institutions tant dans leur discours que dans leur façon de faire. En effet, personne ne doit mettre en danger la vie et la stabilité de notre nation à travers des propos et des comportements qui incitent à la violence.»
MACKY SALUE LA MEMOIRE DE SENGHOR
Le chef de l’Etat, Macky Sall, a salué, lundi, la mémoire de Léopold Sédar Senghor à l’occasion de la célébration du 20-ème anniversaire de la disparition du premier président du Sénégal indépendant.
Dakar, 20 déc (APS) – Le chef de l’Etat, Macky Sall, a salué, lundi, la mémoire de Léopold Sédar Senghor à l’occasion de la célébration du 20-ème anniversaire de la disparition du premier président du Sénégal indépendant.
’’Je salue la mémoire du président Léopold Sédar Senghor. Intellectuel, un des plus grands poètes du 20-ème siècle, homme d’Etat, le premier président du Sénégal est avec ses compagnons le bâtisseur de l’Etat moderne du Sénégal’’, a écrit dans un Tweet le président Sall.
Le président Senghor a dirigé le Sénégal de 1960 à 1980, date à laquelle il démissionne et transmet le pouvoir à son ancien Premier ministre, Abdou Diouf, comme le prévoyait la Constitution de l’époque.
JOAL EXIGE LE RAPATRIEMENT DES SENGHOR
Le retour des restes de Léopold Sedar Senghor, sa femme, Collette, et son fils, Philippe, qui étaient attendus à Joal hier à 11h, n’aura finalement pas eu lieu
En ce 20 décembre, qui marque l’anniversaire de la disparition du premier Président sénégalais, Léopold Sedar Senghor, les habitants de Joal, sa ville natale, avait bon espoir de recevoir les restes de la famille Senghor au complet. Mais, il faudra attendre encore. «Des lobbys» ont empêché l’accomplissement du vœu du défunt Président, dénoncent des membres du Cercle culturel Léopold Sédar Senghor.
Le retour des restes de Léopold Sedar Senghor, sa femme, Collette, et son fils, Philippe, qui étaient attendus à Joal hier à 11h, n’aura finalement pas eu lieu. Pourtant, le transfert était bien prévu, mais la famille maternelle du Président-poète n’est pas emballée par l’idée d’exhumer les restes de ces dépouilles pour les enterrer à Joal. Une attitude qui n’a pas manqué de créer des frustrations au niveau du Cercle culturel Léopold Senghor, qui a organisé une messe de requiem pour exiger le retour des restes des Senghor à Joal.
Cette messe de requiem, qui a été célébrée ce samedi à l’église de Joal par le curé doyen Jean Felix Diandy de la paroisse Notre Dame de la Puri¬fication de Joal, a enregistré la participation de plusieurs amis et sympathisants du Cercle culturel Léopold Sédar Senghor. Selon Michel Diouf, président, cette messe de requiem devait être célébrée le 20 décembre. «Mais puisque c’est un jour ouvrable, nous l’avons ramenée à aujourd’hui, samedi 18 décembre 2021, pour permettre à ceux qui le désirent, d’y assister.
Cette messe fait partie de notre calendrier annuel, qui tourne autour de quatre points. Il y a la naissance de Senghor, le 9 octobre, où nous organisons une marche silencieuse vers le cimetière ; le 20 décembre, date de sa mort, nous organisons une messe de requiem dans le royaume d’enfance.
En janvier, nous organisons le fameux drapeau du royaume d’enfance et au mois de juin, nous organisons tous les deux ans, le Salma d’Or, une distinction pour ceux qui ont œuvré pour la mémoire de Senghor. Voilà les quatre évènements qui ponctuent la vie du Cercle culturel Léopold Sédar Senghor», a déclaré le président du Cercle.
Il a profité de la fin de cette messe, pour rappeler que Joal est toujours dans cette optique de ramener les restes de Senghor à Joal. «Nous avons tenu beaucoup de réunions et un calendrier avait été établi. Il avait été prévu que le corps viendrait à Joal le 19 décembre 2021 à 11h et qu’ou aurait fait le transfert au cimetière catholique et le lendemain, on devait tenir une cérémonie pour magnifier Senghor», a rappelé Michel Diouf. Une vieille doléance qui ne sera pas satisfaite et qui n’a pas manqué de créer des frustrations dans la ville natale de Léopold Senghor.
D’ailleurs, Gabriel Diam, président d’honneur du Cercle culturel Léopold Sédar Senghor, ne cache pas sa colère. «Nous sommes encore surpris par ce qui se passe et pourtant on avait bien programmé le transfert des dépouilles de Senghor, Colette, sa femme, et Philippe, son fils. Nous sommes déterminés à suivre un programme, qui a été dégagé par la Fondation Léopold Sédar Senghor. C’est que le corps repose à Joal, comme l’avait souhaité ce dernier», a précisé M. Diam.
Pour montrer la détermination de la fondation à transférer les restes de Senghor à Joal, il a rappelé qu’avant leur slogan était «Joal attend», mais aujourd’hui le nouveau slogan, c’est «Joal exige que le corps de Senghor soit rendu, comme il l’a constamment demandé». «C’est pourquoi toutes les communautés sont venues lors de cette messe. Nous demandons que le programme continue, Senghor est, et restera fils de Joal.
Que le corps vienne ou ne vienne pas, Senghor restera toujours avec nous. Il y a ceux qui ne sont pas d’accord pour le transfert, ils ont mis en place un lobby. Mais nous sommes très déterminés et nous continuerons notre programme. Nous savons qu’il y a des hommes tapis dans l’ombre, qui ne veulent pas de ça. Mais qu’ils sachent que nous sommes déterminés», a averti le président d’honneur du Cercle culturel Léopold Sédar Senghor.
LES RETRAITES CIVILS ET MILITAIRES RECLAMENT UNE REVALORISATION
Dix ans que la pension des retraités civils et militaires n’a pas connu de revalorisation. Les membres de l’association qui regroupe les anciens fonctionnaires de l’Etat, en ont assez de cette situation, qu’ils veulent voir évoluer.
Par Alioune Badara NDIAYE |
Publication 20/12/2021
Dix ans que la pension des retraités civils et militaires n’a pas connu de revalorisation. Les membres de l’association qui regroupe les anciens fonctionnaires de l’Etat, en ont assez de cette situation, qu’ils veulent voir évoluer.
Ils étaient en congrès ce samedi, au Cnfa de Rufisque, et cette vieille doléance a naturellement resurgi. «Chaque fois, on parle d’augmentation dans ce pays et chaque fois, il s’agit de l’Ipres. Dans ce pays, on pense que seule l’Ipres gère les retraités. Il y a les retraités de l’Ipres, mais aussi les retraités du Fonds national de retraite. On nous oublie, alors que nous sommes les anciens fonctionnaires de l’Etat. Depuis dix ans, rien n’a été fait pour nous. La pension stagne depuis dix ans (…) C’est la pension de l’Ipres qui a augmenté, pas celle des fonctionnaires», s’est désolé au sortir du congrès, El Hadj Amadou Ndiaye, président de l’Association nationale des retraités civils et militaires (Anrcm) affiliée au Fonds national de retraite.
«Après chaque congrès, nous envoyons le procès-verbal, la résolution, tout ce qui est conclusion de notre congrès au Président Macky Sall, depuis 2013. Cette fois, on va aussi le lui remettre. Mais à quoi servent les conclusions et doléances, s’il ne fait rien pour faire évoluer notre situation ?», a-t-il expliqué, assurant que l’actuel chef de l’Etat se doit au moins de faire comme ses prédécesseurs. «Abdou Diouf a fait quelque chose, Abdoulaye Wade aussi et Macky Sall doit faire quelque chose, s’il ne peut pas faire plus», a souligné le président de l’Anrcm, indiquant que la dernière augmentation était intervenue en octobre 2011.
Il a rappelé que le siège qu’ils occupent remonte au temps du régime de Abdou Diouf et est pris en charge par l’Etat, pour un montant mensuel de 700 mille francs. Une situation qui d’après lui, doit évoluer, eu égard à leur statut de serviteurs de l’Etat. «Nous demandons à l’Etat de nous donner une assiette foncière sur Dakar, pour que nous puissions construire sur fonds propres notre siège national, qui sera la maison des retraités de la Fonction publi¬que», a-t-il exhorté, y voyant une manière de donner aux retraités de la fonction publique, une image plus valorisante.
L’Anrcm a aussi décrié le mode de versement des pensions pour les veuves, qui doit être revu. «La veuve entretient encore toute la progéniture qu’entretenait son mari avec une pension entière, et ne parvenait pas à joindre les deux bouts. Le mari meurt et on dit que 50% c’est pour la veuve et 50 pour les enfants. Chaque enfant qui devient majeur, on l’élimine. Finalement, il ne reste que 50%», a-t-il détaillé. «Quand nous disons reversement, c’est qu’on reverse totalement les 100% dès le départ à la veuve, qui entretient tout le monde», a soutenu l’ancien fonctionnaire.
Les hommes politiques sénégalais n’écrivent pas souvent, et quand ils le font, ce sont en majorité de très mauvais livres peu lus et qui tombent vite dans l’oubli. Un homme politique le relevait récemment : le commentaire politique à la petite semaine l’emporte sur le travail de fond qui propulse des idées et des propositions. Quant aux journalistes, s’imposent à eux en démocratie une obligation de documenter le cours politique de notre pays et de laisser aux prochaines générations des clés de compréhension des mœurs de notre époque.
Par exemple, j’ai toujours été chagriné par l’absence d’une bonne biographie de Abdoulaye Wade, qui est un personnage fascinant. Ont écrit sur lui, ses pires adversaires dans des livres où l’anathème et la haine supplantent la démarche argumentative. Sinon ce sont des courtisans qui ont commis des hagiographies sans grand intérêt. Dans les deux cas, on peut rappeler la phrase de Talleyrand : «Tout ce qui est excessif est insignifiant.»
Le dernier livre du talentueux et iconoclaste journaliste, Ibou Fall, a été pour moi une bouffée d’oxygène. Pour le vingtième anniversaire de la disparition de Senghor, il vient de publier «Senghor, sa nègre attitude» (Editions Forte Impression). La plume de Ibou Fall, vive et caustique, décortique la trajectoire du poète-Président en lien avec l’histoire politique de notre pays. Le résultat offre une belle fresque sociale, un remarquable livre d’histoire politique.
Le journaliste ouvre son récit par la «si courte lettre» de Senghor au président de la Cour suprême, «gardienne vigilante de la Constitution», pour l’informer de sa décision de quitter la tête de l’Etat, cédant ainsi, par le biais de l’article 35, les rênes du pays à son longiligne successeur. L’auteur qualifie ce geste «d’art de partir» qui relève «du savoir-vivre, de la bienséance, de la politesse» et j’ajouterais de la courtoisie républicaine.
Ibou Fall nous offre aussi une immersion en pays seerer pour nous familiariser avec ses mythes, valeurs, traditions et subtilités. Il gomme des idées reçues sur Senghor que véhiculent ceux qui ne le connaissent pas ; ceux qui jugent plus utile de pérorer au risque de mettre à nu leur ignorance, que d’aller à la quête du savoir disponible auprès d’une multitude de sources historiques.
Ibou Fall nous familiarise avec une autre facette de Senghor peu mise en avant : sa figure sociale de «député kaki», à travers notamment son combat en métropole pour la hausse du prix de l’arachide, son statut d’homme du peuple, figure de la gauche sénégalaise, qui lui permit de battre aux législatives de 1951, grâce aux voix des «sans-dents», Lamine Guèye, candidat de la bourgeoisie.
Dans «Senghor, sa nègre attitude», Ibou Fall ne se limite pas à nous conter le parcours de celui qu’il appelle non sans une certaine affection «Sédar Gnilane», lui le fils de Mamadou Dia. Il nous rappelle des figures oubliées comme Ibrahima Seydou Ndaw, Caroline Faye, Théophile James, Abbas Guèye, André Guillabert, André Peytavin, Etienne Carvalho, Léon Boissier-Palun ou encore Jean Collin.`
Le satiriste, avec un humour qui ne déroge pas à l’exigence d’érudition, offre un panorama de l’histoire du Sénégal des dernières années de la colonisation à la période actuelle. Il décrit la violence du fait colonial, l’alliance puis l’affrontement entre deux monuments de notre pays, Senghor et Lamine Guèye, la grève des cheminots de 1947, qui permit de faire vaciller la puissance coloniale et mit en avant le grand syndicaliste, Ibrahima Sarr, le référendum et le «Oui» de 1958, l’érection puis la chute dramatique de la Fédération du Mali, l’épisode de Mai 68, la mort de Omar Blondin Diop, les derniers jours du Président-poète et les tentatives de ses anciens amis de l’effacer de la mémoire nationale.
L’ouvra¬ge est enfin une photographie des mœurs sénégalaises d’hier à aujourd’hui. Il nous montre qu’au fond, pas grand-chose n’a changé depuis 1958. Le Sénégal, les Sénégalais, nos mœurs, nos pratiques, nos grandeurs et nos misères sont peints avec précision, et surtout sans concession.
Ibou Fall rappelle aussi le degré de fidélité des hommes politiques au Sénégal. Pêle-mêle, il cite la trahison vis-à-vis de Senghor dès qu’il eut le dos tourné, les artisans du complot contre Mamadou Dia, la duplicité de Abdoulaye Wade lors de la création du Pds, les manœuvres politiciennes qui ont permis l’éviction de Babacar Ba, les indélicatesses avec les finances publiques, les reniements au gré des espèces sonnantes et trébuchantes…
On y lit un condensé du Sénégal d’hier à aujourd’hui. Ibou Fall a photographié le Sénégalais dont Senghor, en bon catholique bien éduqué, disait que son «destin est d’appartenir à l’élite mondiale, de rivaliser avec les meilleurs sur la planète». Sommes-nous encore dignes de ces mots ?
LES BONNES FEUILLES DU LIVRE D'IBOU FALL SUR SENGHOR
Sous la plume truculente et incisive de son talentueux auteur, le lecteur découvre des facettes inédites de celui qui a dirigé ce pays pendant 20 ans, avant de passer pacifiquement la main. Extraits
L’ouvrage que le journaliste Ibou Fall consacre à l’ancien président Senghor, paraît un peu plus de vingt ans après la disparition de ce dernier. Sous la plume truculente et incisive de son talentueux auteur, le lecteur découvre des facettes inédites de celui qui a dirigé ce pays pendant 20 ans, avant de passer pacifiquement la main. En hommage à ce que le pays aurait souhaité faire une «Année Senghor», mais que le Covid a plombé, Le Quotidien publie ici quelques extraits de l’ouvrage que son auteur présentera demain à la Fondation Léopold Sédar Senghor.
«Abdou Diouf et Jean Collin, le duo
Léopold Sédar Senghor renonce donc à ses charges de Président de la République du Sénégal. Ou plutôt, de cette République sénégalaise que son alchimie traîne tant à faire bourgeonner. Trente-cinq haletantes années et un article trente-cinq, il lui aura fallu.
L’aboutissement d’un processus dont le déclic capital est la modification du mode de succession par l’article 35 de la Constitution en décembre 1978. Un tour de passe-passe par lequel le Premier ministre succède au président de la République en terminant son mandat.
Senghor qui l’annonce à son successeur durant ses vacances de 1977 en Normandie, a déjà dans le viseur l’élection de 1978, pour un dernier magistère qui prend fin en 1983.
Il pense rendre les armes à mi-chemin, fin 1981
Le poète président ne jurerait pas la main sur une bible qu’Abdou Diouf pourrait se faire élire comme un grand pour lui succéder. Déjà, lorsqu’il s’agit de l’imposer à la tête de la coordination de l’Union progressiste sénégalaise, UPS, de Louga, il faut demander à Moustapha Cissé (parrain du tristement célèbre député Cissé Lô, « El Insultero ») de faire le ménage au point de dissoudre le conseil municipal que dirige Mansour Bouna Ndiaye…
Le longiligne Lougatois n’est pas le foudre de guerre, la bête politique capable de drainer les foules et embarquer les « barons » socialistes à sa suite. Les fortes têtes se voient mal, après le fascinant Senghor, accepter l’autorité d’un bien terne fonctionnaire : Amadou Cissé Dia, Alioune Badara Mbengue, Magatte Lô, Amadou Karim Gaye, Mady Cissokho, Lamine Diack.
On y compte aussi Caroline Faye, rare îlot féministe dans un océan de machisme, Adrien Senghor, l’influent neveu et, surtout, Babacar Bâ, mythique ministre des Finances dont la popularité dans le bassin arachidier et les milieux d’affaires bat tous les records. On le pressent à un moment comme l’héritier de Senghor, son successeur. Il faut à Jean Collin, marionnettiste hors-pair, des trésors d’ingéniosité pour l’écarter de la course à la succession, avec le concours d’Abdoulaye Diack, Ahmed Khalifa Niasse et… Abdoulaye Wade !
Oui, vous lisez bien : Maître Abdoulaye Wade, Laye Ndiombor, le futur ex-Pape du « Sopi »… Le premier congrès du PDS ne se tient pas innocemment à Kaolack. Un vieux compte à régler : en 1971, Abdoulaye Wade rêve tout haut du ministère des Finances, en remplacement de… Jean Collin. Senghor lui préfère Babacar Bâ.
Vous connaissez la suite
Abdou Diouf est un premier de la classe. Il fait ses devoirs et sait ses leçons, a l’échine souple, subodore le bon plaisir du maître, reste à sa place. Senghor voudrait bien qu’il fasse preuve de plus d’audace. Il n’en fera rien, à juste titre.
Ça fait longtemps que le poète président mise sur l’austère Abdou Diouf, longiligne administrateur des colonies sans aspérité, qu’il regarde avec un certain agacement de temps à autre : pas assez de caractère. Il n’en jette pas.
C’est paradoxalement cette congénitale « tare » qui en fait l’idéal successeur. Le pays que Senghor laisse derrière lui n’a pas besoin d’un aventurier fantaisiste qui en saperait les fondements en deux décrets audacieux sous le couvert d’un nationalisme de bon aloi.
Il se raconte qu’il est même question, pour booster sa popularité auprès des militants, de transférer les fonds politiques à la Primature. Diouf, alors Premier ministre et numéro deux du PS décline poliment l’offre. L’argent lui fait peur mais, surtout, il confie à un proche sur ce sujet : « Boûr dafa fîr (Un patron est toujours jaloux de sa cote d’amour)… Si c’est moi qui détiens les fonds politiques, les militants se mettront à me glorifier en oubliant Senghor dans leurs éloges ; le Président finira par en prendre ombrage et me limoger ».
Abdou Diouf se plie en huit, se fait plus que tout petit, et reste donc obstinément dans l’ombre de son patron. Au point que Senghor lui adresse un courrier teinté d’agacement : « Monsieur le Premier ministre, je constate qu’en dépit de mes instructions, vous persistez à toujours vouloir être derrière. Vous êtes le chef du Gouvernement de la République, donc vous devez être à côté du chef de l’État ».
La retenue d’Abdou Diouf, qui n’a de cesse de se faire oublier, est tout de même payante. Ce n’est pas de son côté qu’on guette les « coups d’État » ni même les coups d’éclats. Il est obéissant jusqu’au moindre détail, tant qu’on ne lui demande pas de jouer les hâbleurs.
Abdou Diouf n’est pas Mamadou Dia…
Le Lougatois est même plutôt prompt à se placer sous l’autorité des autres. Il se met d’ailleurs sous la protection de Jean Collin, habile manœuvrier, qui tire les ficelles des renseignements et du maintien de l’ordre depuis le ministère de l’Intérieur, à quelques jets de pierre du Palais présidentiel.
Ah, Jean-Baptiste Collin… Un Sénégalais pas comme les autres.
Né le 19 septembre 1924 à Paris, élève à Louis-le-Grand, ensuite formé sur les bancs de l’École nationale d’Administration de la France d’Outre-Mer, ENFOM, et à l’École des Langues orientales, il est parachuté au Cameroun où il sévit une décennie durant, au sein de l’administration coloniale. Puis il pose son baluchon au Sénégal à la fin des années quarante, à Diourbel plus précisément.
Nommé directeur de l’Information et de Radio-Dakar, il passe chef de cabinet du président du Conseil de Gouvernement, Mamadou Dia.
Résolument plus sénégalais que les Sénégalais ordinaires, Jean Collin est, entre autres, le rédacteur du fameux discours de Maître Valdiodio Ndiaye face à De Gaulle le 26 août 1958.
Pire, il passe outre les consignes de l’UPS, et vote « Non » lors du référendum de septembre 1958 qui vise à instaurer la Communauté franco-africaine. Il est même viré pour cette frasque et se retrouve gouverneur du Cap-Vert avant son come-back dans le gouvernement de Mamadou Dia, comme secrétaire général.
On le soupçonne d’être un communiste viscéral. Personne ne pourra jamais le prouver. Jean Collin est presque de la maison Senghor, lui qui épouse, en premières noces, Adèle Senghor, une nièce du Président et rêve un moment de lui succéder. Jusqu’à ce que l’évidence lui saute aux yeux : avec sa couleur de peau, lui, le « Sénégalais d’ethnie toubab » ne serait jamais élu. Il jette alors son dévolu sur le très conciliant Abdou Diouf, lequel voue une sorte de vénération à son aîné de l’ENFOM…
Abdou Diouf est l’exécutant obéissant qui ne se permet même pas en rêve de foucade sécessionniste contre la Françafrique. Il assimile la leçon en bas âge. Surgi de son ténébreux Louga natal, Saint-Louisien d’adoption, il tient tant à s’extirper de la fange indigène qu’il passe le bac quasiment sur son lit d’hôpital.
À l’École d’Administration de la France d’Outre-Mer, ça apprend à toiser la négraille avec quelque commisération, à mâter les récalcitrants et à deviner la direction des intérêts de la Métropole. Léopold Sédar Senghor y enseigne, Abdou Diouf y apprend, c’est même un premier de la classe. De ces monstres froids, fayots appliqués, ces cocktails de complexes, peu sûrs d’eux, larbins studieux, sans âme, inquiets de la moindre désapprobation des profs, à l’écoute des soupirs du maître, égocentriques oublieux, qui ne se retournent pas sur ceux qui les propulsent vers les sommets, détruisant sans un frisson de miséricorde tout ce qui fait salissure sur leur habit de lumière.
C’est après huit années d’hésitations qu’en 1970 Senghor se résout à créer le poste de Premier ministre, qu’il accompagne de son néologisme, la Primature.
Il n’est plus question de bicéphalisme depuis l’affaire Mamadou Dia. Le p’tit gars de Joal règne en maître absolu. Il ne peut composer qu’avec un collaborateur obéissant au doigt et à l’œil. L’administrateur de colonie Abdou Diouf n’a pas un poil de sourcil plus haut que l’autre. Il se fond idéalement dans le moule.
Le député kaki (…) Ah, Senghor et Dia…
Leur première rencontre commence mal. Escale à Fatick de Léopold Sédar Senghor, candidat à la députation en 1945. Mamadou Dia, directeur d’école hyperactif, se charge de lui parler au nom des populations qui l’accueillent sur la place du marché. Il ne cherche pas ses mots : « Je ne comprends pas que vous, jeune agrégé, au lieu de vous soucier de prendre la direction de l’enseignement en Afrique, vous vous préoccupiez d’avoir un mandat politique »…
Le candidat Senghor, diplomate, déjà fin politique, se fait également pédagogue face à l’impétueux directeur d’école : « Je comprends votre point de vue ; mais vous avez tort, parce que la politique, aussi, peut changer les mœurs, introduire un nouveau souffle ».
Le ton est donné ?
Amadou Moustapha Dia, né à Khombole le 10 juillet 1910, dans l’aride Baol, fils de policier ayant perdu la vie dans l’exercice de ses fonctions, est un premier de la classe. En 1927, au concours d’entrée à l’École Normale William Ponty de Gorée, il est le major de toute l’AOF. Très vite, il gravit les échelons d’enseignant, à Saint-Louis puis Fissel, avant de devenir directeur d’école à Fatick.
Mamadou Dia considère, en ce temps-là, la politique comme une activité avilissante, indigne du pieux musulman, de l’honnête homme, du pédagogue passionné de paysannat qu’il est… Jusqu’au jour où les notables de Fatick viennent le rencontrer en délégation.
Il est question de constituer une Assemblée territoriale : ils veulent que Mamadou Dia représente Fatick. En un mot comme en cent, qu’il entre en politique… Ils se chargent de le faire inscrire sur la liste SFIO, au moyen du parrainage de « Djaraaf » Ibrahima Seydou Ndaw et… Léopold Sédar Senghor. Il s’y plie en se bouchant le nez : il est en fin de compte l’un des douze élus du Sine-Saloum, parmi les cinquante membres du Grand Conseil de l’AOF. C’est son premier pas dans ce monde qu’il considère comme glauque.
Enfin, pas vraiment : avant ça, il publie déjà des textes subversifs sur la misère paysanne dans les journaux de l’époque, propose les coopératives comme solutions à l’économie rurale… Il tient une chronique, « Le Carnet du Pétitionnaire », dans Le Réveil du Rassemblement Démocratique Africain d’Houphouët ou bien, parfois, ses coups de sang giclent dans L’AOF de la SFIO.
Ce n’est pas exactement de la politique politicienne mais son engagement préfigure au moins une carrière de redresseur de torts. Senghor le lit régulièrement. Quand le député vient en tournée au Sénégal, il fait escale à Fatick. Lui et Mamadou Dia se parlent désormais beaucoup ; ils se voient aussi à Dakar. Et, durant les réunions de la SFIO, face aux obligés de Lamine Guèye, Mamadou Dia défend les positions de Senghor avec abnégation, même en son absence ; il devient son inconditionnel, son poulain, son complice ; ils s’écrivent aussi quand Senghor est en France…
La SFIO, tenue sous couple réglée par Lamine Coura, ne fait pas vraiment de la place à Senghor qui s’y sent à l’étroit. Sa voix dans les instances de la SFIO est inaudible, celle du défenseur de la paysannerie, des masses, des « petites patries » contre l’assimilation, la gabegie et le favoritisme des élites…
Un incident supplémentaire vient émailler la coexistence devenue difficile entre Senghor et Lamine Guèye intervient au moment de désigner un représentant du Sénégal à l’Assemblée de l’Union française.
Senghor propose son « poulain » Mamadou Dia ; Lamine Guèye impose Djim Momar Guèye, Kaolackois plein d’urbanités, expert-comptable, alors à la tête du Parti des Travaillistes indépendants, créé après son exclusion de la SFIO en 1946…
Sauf que Senghor n’est pas homme à renoncer, en dépit des apparences. Il tient à faire venir Mamadou Dia à Paris ; c’est son homme de confiance, il a besoin de son bagout, sa fougue, de faire entendre sa voix et sa vision à l’Assemblée de l’Union française, surtout sur les questions économiques… Il fait finalement passer un mode de scrutin à la proportionnelle pour que Mamadou Dia remporte en novembre 1948 le troisième siège destiné à l’AOF, celui de Conseiller Général de l’Union française, et devienne Grand Conseiller, basé à Paris.
S’ils s’entendent si bien, Senghor et Dia, au fond, c’est bien parce qu’ils ont un ennemi en commun : les féodalités de l’époque, contre lesquelles ils bataillent afin d’implanter le BDS dans tout le Sénégal. Les commandants de cercle, les chefs de canton, l’élite bourgeoise des Quatre Communes dont Maître Lamine Guèye est le Commandeur.
Senghor et ses acolytes forment le « parti des Badolos », des sans-culottes, si vous préférez, où affluent marabouts et talibés, paysans, ouvriers, instituteurs, petits commerçants et affairistes, artisans, agents intermédiaires…
Ils sont les indigènes que les Français regardent de haut. Le Sérère et le Toucouleur – ah, ces ruraux ! – que la société honorable wolofe examine comme une paire de bêtes curieuses, avec condescendance.
Le « député kaki » catholique, court sur pattes et à l’accent exotique, ne peut pas peser lourd face à l’altier Maître Lamine Coura Guèye, le dandy, citadin Saint-Louisien et Maire de Dakar, érudit de l’islam, docteur en droit, qui, de surcroît, quelque temps avant, lui met le pied à l’étrier…
Au fond, c’est la guerre du métissage qui est lancée : celui, rêvé par Maître Lamine Guèye qui tend à fondre tout ce beau monde de l’Outre-Mer dans la même catégorie de Français. Même nationalité, mêmes références, mêmes devoirs, mêmes droits et, à terme, même teint basané…
Le parfait assimilé.
Senghor imagine l’Universel autrement : l’identité de chacun acceptée dans son intégrité, avec, dans un foisonnement de différences, les accents, les croyances, les superstitions, les cultures et leurs « forces émotionnelles » pour s’accorder dans une symphonie de l’Humain.
« Assimiler mais ne pas être assimilé », précise-t-il au besoin.
Ironie de l’Histoire ? C’est la loi Lamine Guèye, promulguée le 1er juin 1946, qui fournit à Senghor la base électorale suffisante pour renverser son ex-mentor. Lorsque les législatives arrivent en 1951, les tranchées sont creusées entre deux visions du Monde Noir : Senghor face à Lamine Guèye, c’est le pays profond contre les villes de la Côte ouest, le rural contre le citadin, le rebelle face à l’obligé, l’authentique contre le déraciné, le Wolof contre les autres…
L’électeur doit choisir entre l’humble ou le mondain. Maître Lamine Guèye fait le beau dans les Quatre Communes ; Léopold Sédar Senghor laboure le pays profond. Il commence par rencontrer les chefs religieux, Serigne Fallou Mbacké et Serigne Ababacar Sy, sensibles à cette marque de considération que ne leur manifeste pas vraiment Lamine Guèye, musulman comme eux.
Anecdote qui est un classique dans l’univers mouride : lorsque Senghor rencontre Serigne Fallou, entre autres promesses de campagne, il s’engage à aider à l’achèvement des travaux de la mosquée de Touba. Et au moment où il prend congé de son hôte, Serigne Fallou, dans la pure tradition de chez nous, lui tend une liasse de billets en guise de frais de transport. Senghor le remercie, rajoute un billet symboliquement et retourne la liasse à Serigne Fallou en lui demandant de considérer cela comme un acompte, une obole pour la grande mosquée, en attendant qu’il soit en position de faire plus…
Lamine Guèye, lors de son escale à Touba en fin de campagne, quand Serigne Fallou lui tend une liasse au sortir de sa visite, la met machinalement dans sa poche en le remerciant.
Une différence de postures des deux candidats que le dignitaire mouride arbitre en faveur de Senghor, qui fait alors montre d’une plus grande perspicacité des codes de conduite de la société rurale… C’est une des raisons pour lesquelles la campagne de stigmatisation de Senghor par les militants de la SFIO, qui pointent du doigt sa foi chrétienne, sera de nul effet. Senghor, le Sérère catholique, est, malgré tout, des leurs… (…)
Enfin, la République du Sénégal
Une autre histoire commence, celle du face-à-face entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia. Apparemment, ils sont complices. Mais la République du Sénégal est bicéphale. Un président de la République élu le 05 septembre 1960 par un collège électoral, sérère du Sine et catholique ; un chef de l’Exécutif venu du Baol, musulman, investi deux jours plus tard par l’Assemblée nationale.
Senghor, c’est secret de polichinelle, est ce chantre du métissage, poète balloté entre l’animisme originel et le catholicisme, esthète tourné vers l’Occident judéo-chrétien, la culture hellène, la France de la raison discursive, de la méthode et de l’organisation. Le regard qu’il porte sur « son » Sénégalais, n’est pas très optimiste : hédoniste peu travailleur, vaniteux que l’éthique n’étouffe pas. Il lui faut « amender son être », vaste programme n’est-ce pas, et son métissage avec la culture francophone est la clé majeure qui lui ouvre les portes de la citoyenneté universelle. Là, pas de doute, il y a du boulot.
Pour l’économiste Mamadou Dia, mutant surgi de son rude Baol, profondément musulman, « son » peuple sénégalais, est intègre, travailleur, austère jusqu’à l’ascétisme, socialisant, autogestionnaire, autocentré, ancré dans les valeurs islamiques, plutôt tourné vers l’Orient et le monde arabe. Enfin, il doit l’être, et c’est un impératif catégorique… En effet, ça ne rigole pas. (…)
Retour aux affaires sénégalo-sénégalaises.
On en est à la distribution des tâches, pour ne pas dire le partage du pouvoir, entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia.
Le président de la République est quasiment dans la représentation, surtout à l’étranger, tandis que le président du Conseil de Gouvernement… gouverne, selon les directives de l’Union progressiste sénégalaise.
L’UPS décide et le gouvernement s’exécute.
Senghor, le… poète président, semble trop aérien, lui qui voit une Afrique unie, un espace francophone homogène, du métissage en veux-tu, en voilà, une civilisation universelle…
On jurerait des utopies.
Justement, à l’étranger, ça préfère parler à celui qui gouverne. Surtout qu’avec Mamadou Dia, ça papote économie, programme, coopération. Des sujets aussi rébarbatifs que sérieux.
Heureux hasard, le président du Conseil tient à desserrer l’étau de l’ancienne métropole en multipliant les partenaires, d’Ouest en Est et du Nord au Sud… La posture des non-alignés lui parle, les expériences communistes ou socialistes l’inspirent : il visite la Yougoslavie, l’URSS et rentre, des étoiles plein les yeux.
Ce qu’en pensent Paris et les autres puissances occidentales ? Il n’en a rien à battre. Senghor ? Euh, il n’en dit rien mais n’en pense pas moins. Finalement, il se tourne les pouces, quand il n’enregistre pas les récriminations des parrains de l’Ouest, comprenez Paris et le monde occidental, et des milieux d’affaires que les options de Mamadou Dia, le socialiste autogestionnaire, inquiètent prodigieusement.
Si en plus, Mamadou Dia se lance dans des projets du genre, Air Afrique ou Banque africaine de Développement pour accentuer l’autonomie de l’Afrique vis-à-vis des anciennes puissances coloniales, le vase a tendance à déborder…
Au plan local, la guerre déclarée à « l’économie de traite » qui fait leur fortune, ses coopératives, son animation rurale, ses appels à l’austérité hérissent du beau monde. Les « capitalistes » ne l’aiment pas et, ça tombe bien, lui non plus ne les porte pas en grande estime.
Il y a aussi ceux qu’il considère comme des féodaux qui exploitent éhontément la naïveté des paysans, les marabouts, pour les nommer, qui s’inquiètent.
Le président du Conseil ne les aime pas vraiment et ne s’en cache pas. Son ambition est de réduire leur influence à sa plus simple expression… Son programme scolaire, qui insiste sur l’éducation islamique et l’enseignement de l’arabe, est, malgré les apparences, une vraie offensive contre les religieux.
S’y ajoutent les coopératives paysannes : les jours sont comptés pour l’insupportable « tôl’ou alarba », comprenez l’offrande des disciples au maître d’école coranique via des travaux champêtres volontaires le mercredi.
Signe des temps, sa rencontre avec Henri-Charles Gallenca, patron de la Cotonnière de l’Afrique de l’Ouest, COTOA, et président de la Chambre de Commerce de Dakar, surnommé alors « le Maître du Sénégal » n’est pas un grand moment de fraternité.
Les « affairistes » privilégiés du pouvoir colonial auxquels il ajoute les intermédiaires libano-syriens et les indigènes collaborationnistes, sont dans son collimateur. (…)
Mamadou Dia n’a pas peur de se faire des ennemis. À ce moment précis, il revient plutôt à ses ennemis d’être inquiets. On le dit bouillant, impulsif et inflexible. On le surnomme même « Mamadou Premier », c’est vous dire…
C’est, bien sûr, sur son dos qu’on met l’interdiction du Parti africain de l’Indépendance de Majmouth Diop qui, lors des municipales de 1960, à Saint-Louis, fusil au poing, s’insurge avec ses camarades, pour exiger l’indépendance, entre autres, la vraie.
À l’UPS, quelques pontes du régime préfèrent Senghor à Dia, plus accommodant. Même si les instances du Parti accordent le blanc-seing au président du Conseil, en coulisses, il y en a qui grommellent. On se serre la ceinture depuis trop longtemps. Maintenant qu’on a pris la place du Blanc, faudrait peut-être la desserrer, non ?
Ben lui, il fait bloquer les salaires des députés, des ministres et des fonctionnaires sous prétexte de donner le bon exemple au peuple. L’amour de la patrie vaut bien quelques sacrifices, n’est-ce pas ? Ce n’est pas pour rien qu’il snobe les quartiers résidentiels du Plateau ou Fann résidence, pour crécher en pleine Médina, au milieu du bon gros peuple…
Problème : les soutiens du genre Abdoulaye Ly, Mahtar Mbow, Diaraf Diouf, qui forment alors une aile gauche radicale favorable à son option, son style, ne sont plus dans le Parti depuis l’intention annoncée de voter « Oui » à la Communauté avec la France. Il y a, certes, de jeunes pousses qui montent en puissance dans l’administration, du style Babacar Bâ ou Abdou Diouf, mais ce ne sont là pour l’heure que des exécutants appliqués.
Ses relations avec Senghor se sont beaucoup distendues depuis quelque temps. Ils ne se voient plus régulièrement. Ne se parlent plus vraiment, ne partagent plus la popote en bonne et franche camaraderie. Chacun est occupé à remplir ses fonctions, c’est vrai. Il y a cependant une fêlure qui s’est silencieusement agrandie, depuis le tête-à-tête de Gonneville-sur-Mer en 1958, au cours duquel ils ont lâché le « Oui, mais ».
Autour de Mamadou Dia, il y a quelques camarades que Senghor n’aime pas trop et qui le lui rendent bien. Par exemple, Valdiodio Ndiaye, le « bété-bété » du Saloum, avocat fortuné, la ramène un peu trop à son goût. Joseph Mbaye, dont la tête ne lui revient pas. Et puis, surtout, il y a l’insupportable Obèye Diop, dont la finesse d’esprit et le talent écrasent Pierre Senghor, son frère établi à Bambey, qui s’y sent à l’étroit… On n’a pas idée !
Il y a aussi qu’on est en plein état d’urgence depuis l’affaire malienne. Les libertés sont restreintes : la presse est censurée, le citoyen ordinaire prié de se tenir à carreau. La guerre est déclarée à l’alcoolisme, à la prostitution, de même qu’au gaspillage durant les cérémonies familiales, tandis qu’un projet de Code de la Famille basé sur la Charia est en gestation. Des bars sont fermés, et il arrive que la police interpelle les jeunes filles dont les jupes sont jugées trop courtes pour être innocentes.
C’est ce que Mamadou Dia appelle remplacer la société coloniale par une société libre… Et comme un pied-de-nez à ceux qui l’accusent d’islamisme radical, il confie la responsabilité de la conduite de son plan de développement au… Père Lebret, un Dominicain.
On s’y perd pour bien moins que ça…
(…)
LE TRAIN EN ROUTE, LES TARIFS SONT ENTRE 500 FRANCS ET 1500 FRANCS
Le Train express régional (Ter), qui sera inauguré le 27 décembre, va apporter beaucoup de changements dans la mobilité des populations jusqu’ici habituées pour la plupart d’entre elles à emprunter la voiture comme moyen de locomotion
La mise en circulation du Train express régional (Ter), le 27 décembre, mettra fin à de nombreuses années d’attente. Ce train empruntera un itinéraire de 36 km, de Dakar à Diamniadio, et transportera 115 mille voyageurs par jour avec des tarifs compris entre 500 et 1500 francs.
Le Train express régional (Ter), qui sera inauguré le 27 décembre, va apporter beaucoup de changements dans la mobilité des populations jusqu’ici habituées pour la plupart d’entre elles à emprunter la voiture comme moyen de locomotion. Ce bijou va desservir sur un trajet de quelque 36 km, les usagers allant de la gare de Dakar à celle de Diamniadio.
Le tarif pour chaque tronçon est fixé à 500 francs alors que le voyageur, désireux de faire l’itinéraire Dakar-Diamniadio, serait amené à débourser 1500 francs. Là où celui qui voudrait voyager en première classe paiera 2500 francs.
Un nombre de 115 mille voyageurs par jour devrait être transporté par le Ter. Déjà avant sa mise en circulation, il est à noter l’effectivité du transfert de compétences avec plus de 97% des postes occupés par quelque 950 employés directs sénégalais. Plus de 2000 autres personnes seront employées pour les activités connexes du Ter.
Les services chargés de l’exploitation du Ter annoncent aussi une desserte non-stop avec un train toutes les 10 minutes, de 5h 30 à 20h, et un autre toutes les 20 minutes, jusqu’à 22h. Durant les journées de dimanche, la même fréquence de rotation de trains sera en vigueur. Pour la sécurité, un nombre de 260 gendarmes sera mobilisé.
Les populations auront le temps de découvrir le Ter puisque la Seter (Société d’exploitation du Ter) a prévu d’accorder 15 jours de visite gratuite aux personnes vivant à proximité de l’itinéraire du Ter. Ce, avant la mise en exploitation du bijou.
On fait état aussi de la mise en place d’un programme Sargal (Ndlr : Bienvenue) dont le but est de permettre aux élèves des écoles des zones desservies par le Ter, les associations de femmes, de jeunes, des individus qui se sont inscrits en masse au niveau des différentes gares, de pouvoir voyager gratuitement à bord du Ter, pendant 15 jours, pour le découvrir et se l’approprier.
INFANTINO SOUHAITE UN REPORT DE LA CAN, L’AFRIQUE RÉSISTERA-T-ELLE ?
Réuni à Doha, le comité exécutif de la CAF fait face aux pressions du président de la FIFA, Gianni Infantino, favorable au report de la prochaine CAN. Décryptage
Va-t-on vers un énième glissement de la CAN au Cameroun ? Programmé du 9 janvier au 6 février 2022, le tournoi continental est au centre des attentions du comité exécutif de la Confédération africaine de football. Réuni ce dimanche après-midi à Doha, et par visioconférence pour ses membres non présents au Qatar, l’organe dirigeant de la CAF a écouté les rapports sur l’avancement des derniers travaux et la situation sanitaire dans le pays hôte, sur fond de pressions des clubs européens à ce sujet.
Un facteur X nommé Infantino
Mais le véritable facteur X est ailleurs et se nomme Gianni Infantino. Présent dans la capitale qatarie à l’occasion de la Coupe Arabe, terminée samedi par la victoire de l’Algérie, le président de la FIFA a fait savoir qu’il était favorable à un report de la CAN. Porteur du projet d’une Coupe du monde biennale, l’Italo-Suisse va défendre sa position ce lundi, lors d’une réunion virtuelle avec ses 211 Fédérations, précédemment consultées sur le sujet. Une nouvelle architecture du calendrier qui serait davantage compatible avec le passage à une CAN tous les quatre ans, déjà défendu par Infantino. Le souhait de reporter l’édition à venir s’inscrit dans ce contexte : on passerait d’une 32e édition jouée en 2019 en Egypte à une 33e en 2023, si toutefois le calendrier le permet.
Pour Imam Mahmoud Dicko, la faillite de nos Etats, qui s’explique par la l’incurie de nos gouvernants, explique le comportement des jeunes djihadistes qui sont en train de semer la terreur dans le Sahel. Le religieux malien a profité de son séjour dans la capitale sénégalaise, du 16 au 17 décembre 2021, dans le cadre d’un forum sur la recherche de la paix en Afrique de l’Ouest, pour accorder une interview à Alassane Samba Diop, dans son émission Questions directes sur Itv.
Quel est l’objectif de la rencontre qui a motivé votre présence à Dakar ?
La rencontre est initiée par le Bureau des Nations unies à Dakar. L’objectif est de rassembler les légitimités religieuses et traditionnelles pour voir comment est-ce qu’on peut contribuer à la restauration de la paix dans notre sous-région.
Selon vous, pourquoi cette recherche de paix dans la sous-région est un peu difficile ?
Il faut dire qu’aujourd’hui la paix est une denrée rare dans le monde. Il n’est pas facile de la restaurer. Il est plus facile de restaurer le désordre que l’ordre. Ce qui fait que la paix est devenue rare. C’est vrai, il y a des tentatives de restauration de cette paix ici et là. Les pays voisins, ceux de la sous-région, ceux amis, la communauté internationale, chacun de son côté essaie de faire quelque. Mais nous espérons qu’avec toutes ces initiatives, le Mali parviendra, Insha’Allah, à une paix durable.
Vous faites partie des rares personnalités qui savent expliquer aux djihadistes ce qui passe. Comment comptez-vous aider le Mali, le Sahel d’une manière générale, à y faire face ?
Au début de cette situation, nous avons demandé de nous laisser parler avec ces jeunes gens. Ils ne sont pas des extraterrestres. Ce sont des hommes dotés de raison. Ce sont des gens qui n’étaient pas comme ça. Ce sont d’autres qui ont eu le temps de leur faire un lavage de cerveau, si je peux m’exprimer ainsi. Pourquoi vous pensez que si on leur parle, ils ne vont pas changer ? Il faut nous laisser parler avec eux, les sensibiliser. C’est notre jeunesse. Ils sont nos enfants. Quelque part, la faute nous incombe, nous parents. Parce que ce sont des enfants qui n’ont pas eu l’encadrement qu’il fallait. Certainement, ils n’ont pas eu l’éducation qu’il fallait. Il y a beaucoup de choses qui peuvent expliquer leur comportement. Ce n’est pas une façon de se justifier. Mais d’expliquer, qu’aujourd’hui, il faudrait que l’on se mette dans la tête que ce sont nos enfants. Autant ils sont en train de traverser le Sahara pour prendre des bateaux et mourir dans la Méditerranée parce que tout simplement ils se désespèrent des situations, et que nos gouvernants ne parviennent pas à les encadrer comme il le faut. Autant, des vendeurs d’illusions, qui viennent de n’importe où, et qui leur tendent la main, les poussant à tenter de les suivre. C’est à nous de comprendre la désillusion de ces jeunes et d’essayer de trouver des solutions à cela. Mais ne pas échanger avec eux n’est pas une bonne solution. Il y a beaucoup parmi ces jeunes qui sont des innocents et qui sont souvent victimes de manipulations. Il faudrait vraiment essayer de repêcher ces jeunes.
Les États ont privilégié la sécurité militaire, est-ce que c’est la solution, ou bien, il y a d’autres voies de paix ?
Il faut parler à ces jeunes au lieu de penser seulement à l’aspect sécurité, militaire, comme la seule solution. Même si on ne peut pas ne pas parler de sécurité parce qu’ils ne viennent pas les mains vides, mais avec des armes. Et, il est vrai qu’il faut combattre par les armes. Mais, il n’y a pas que ce ça. L’arme elle-même n’est rien. C’est la tête qui fait parler l’arme. Et cette tête-là, si vous la faites changer, l’utilisation que l’on va en faire va changer. C’est pourquoi nous pensons que le tout sécuritaire n’est pas la solution. Il faudrait voir comment est-ce que l’on pourrait trouver une solution pour orienter, encadrer et parler à nos enfants. Il fait regretter que des gens achètent des armes pour aller tirer sur des enfants qui sont les nôtres. Il faut reconnaître que nous avons une part de responsabilité dans ce qui se passe dans notre pays. Je l’ai dit à propos de Boko Haram. On doit se poser des questions : C’est dire que nous-mêmes, nous mettons au monde des enfants qui deviennent des monstres, qui n’écoutent personnes, qui sont là en train de nous tuer. Donc, il y a lieu de se poser des questions. Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi nos enfants sont devenus des monstres qui ne sont sensibles à rien ?
Est-ce que c’est la faillite de l’éducation ?
Mais bien sûr que oui ! La faillite, pas seulement de l’éducation, mais celle généralisée de nos États. C’est la faillite de notre gouvernance qui explique énormément de choses. Ce n’est pas une raison de charger nos gouvernants, mais ce sont eux qui ont la charge de gérer nos pays : l’éducation, la santé, l’encadrement, l’environnement… Aujourd’hui, ce que nous vivons, c’est la faillite de l’élite qui explique la faillite de nos États.
Le président Macron qui devait venir au Mali le 20 décembre, 2021 a dû renoncer à son voyage. Les autorités maliennes ont posé certaines conditions. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Je ne peux rien dire par rapport à cela parce que je viens de l’apprendre avec vous. Je n’ai aucune idée ni aucune information sur cette information. Je préfère ne pas en parler.
Vous avez parlé de la faillite de nos Etats. Et la corruption ?
C’est cette faillite qui fait que nous assistons à la corruption à ciel ouvert. Nos administrations ne parviennent plus à gérer les choses de manière orthodoxe. Donc, le comportement des jeunes peut s’expliquer de cette manière. On a aussi l’évolution de ce monde. Il y a des bouleversements. Le monde s’apprête à aller vers un nouvel ordre. Il faut prier pour qu’il n’entraîne pas un certain désordre. Il faut se rendre à l’évidence et se préparer à ces changements. Toutes les idéologies que les hommes ont eu à expérimenter ont montré leurs limites. Il n’y a plus de communisme, de libéralisme ou de capitalisme. Tout ce qui est « isme » là, c’est fini ! Même l’islamisme, les gens l’ont expérimenté, mais il y a problème. Donc, aujourd’hui il faut réinventer la gestion de nos affaires.