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17 juin 2025
SENGHOR A POSÉ LES BASES DES ALTERNANCES DÉMOCRATIQUES AU SÉNÉGAL
L'ancien président aura marqué durablement le monde francophone des idées et de la culture, ainsi que l’édification de la démocratie dans son pays. Le journaliste Ibou Fall, qui lui consacre une biographie, revient sur cet homme d’État atypique
Décédé le 20 décembre 2001, le président Léopold Sédar Senghor aura marqué durablement le monde francophone des idées et de la culture, ainsi que l’édification de la démocratie dans son pays. Le journaliste Ibou Fall, qui lui consacre une biographie, revient sur cet homme d’État atypique, qui aura renoncé de lui-même au pouvoir en cours de mandat.
Sur un continent abonné aux mandats présidentiels illimités et autres coups d’État à répétition, l’exemple que Léopold Sédar Senghor a légué reste emblématique. Le 31 décembre 1980, alors que son cinquième mandat courait jusqu’en 1983, le président sénégalais annonce sa démission après avoir exercé le pouvoir depuis l’indépendance, en avril 1960.
Son Premier ministre de l’époque, Abdou Diouf, le remplace jusqu’à la fin de son mandat. Senghor fait ses valises et rejoint la France, où il passera en Normandie – région d’où est originaire la famille de son épouse française, Colette – les vingt dernières années de sa vie. C’est là, à Verson (Calvados), qu’il s’est éteint le 20 décembre 2001, il y a tout juste vingt ans, avant d’être inhumé à Dakar, au cimetière catholique de Bel-Air.
Chantre de la négritude aux côtés, notamment, d’Aimé Césaire et de Léon-Gontran Damas, avec qui il fonda en 1935 la revue contestataire L’Étudiant noir, Léopold Sedar Senghor s’illustrera ensuite par sa francophilie assumée, à l’heure des indépendances, désireux de conserver un lien privilégié avec l’ancienne puissance coloniale plutôt que de couper franchement le cordon ombilical. Au point de déporter dans un bagne du Sénégal oriental, pendant plusieurs années, son Premier ministre Mamadou Dia, adepte d’une vision intransigeante de l’indépendance, mâtinée de socialisme, et trois autres de ses ministres.
Une posture qui lui vaut une réputation mitigée sur le continent et dans la diaspora où, du fait de son approche fort conciliante avec Paris, il écoperait sans doute aujourd’hui du surnom péjoratif de « Bounty » (Noir à l’extérieur, Blanc à l’intérieur).
Vieux briscard de la presse sénégalaise – notamment satirique -, Ibou Fall vient de consacrer un ouvrage à cet homme complexe, à la fois despote éclairé (durant les années qui ont suivi l’indépendance) et père fondateur de la démocratie sénégalaise (du parti unique au multipartisme intégral), poète enraciné dans la culture sénégalaise et africaine, mais aussi académicien français à partir de 1983, militant de la négritude et Normand d’adoption, président catholique d’un pays à 90 % musulman…
Si Senghor : sa nègre attitude (Forte impression SA, Dakar) n’élude pas les zones d’ombre du personnage, Ibou Fall se montre plutôt favorable à ce monument de l’histoire sénégalaise, à la fois culturelle et politique. Il revient pour Jeune Afrique sur la trajectoire ambivalente du président-poète.
Jeune Afrique : Êtes-vous parvenu à faire la part des choses entre Senghor l’Africain, chantre de la négritude, et Senghor le francophile, régulièrement accusé d’être demeuré le vassal de l’ancien colonisateur ?
Ibou Fall : Selon moi, Senghor avait raison quant à la démarche à adopter par rapport à la décolonisation et aux liens qu’il souhaitait maintenir avec la France. Il avait compris que nous avions des lacunes en ce qui concerne notre stature dans l’histoire et qu’une alternative se posait à nous à l’heure de la décolonisation : soit nous adoptions une posture guerrière en nous démarquant complètement de ce que la France avait pu nous apporter ; soit nous en faisions une rencontre, une forme de métissage. Senghor a choisi de retenir ce que la France avait pu apporter au Sénégal, afin d’en faire un atout plutôt qu’un handicap.
En visite à Yaoundé, le président de la Confédération africaine de football, Patrice Motsepe, a confirmé que la CAN 2021 se jouerait bien aux dates prévues, du 9 janvier au 6 février 2022, au Cameroun
Une journée aura suffi à lever les doutes. A l’issue de sa visite du stade d’Olembe, en périphérie de Yaoundé, Patrice Motsepe a annoncé que la CAN 2021, menacée par les desseins de la FIFA et les réticences des clubs européens, aurait bien lieu aux dates prévues, du 9 janvier au 6 février 2022, au Cameroun. « Nous serons tous présents au Cameroun dans quelques semaines, a lancé le dirigeant sud-africain, plus détendu et prolixe qu’à son arrivée à Yaoundé. Je suis si fier du travail effectué. On peut se rendre compte de l’ampleur des engagements pris pour que les problèmes évoqués ces derniers jours soient réglés. Nous allons organiser cette CAN, en partenariat avec le gouvernement du Cameroun, le peuple du Cameroun, la CAF et le nouveau président de la Fédération camerounaise (Samuel) Eto’o. Nous sommes prêts à montrer au monde le meilleur du football africain, le meilleur de l’hospitalité africaine. Ce sera une CAN réussie, la plus réussie de toutes ! »
Retour sur les recettes de ce plat devenue une tradition culinaire au Sénégal, à l'heure de son incription par l'Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, avec René Lake au micro de VOA Afrique
Retour sur les recettes de ce plat devenue une tradition culinaire au Sénégal, à l'heure de son incription par l'Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, avec René Lake au micro de VOA Afrique. Ecouter à partir de la 6'50".
par Florian Bobin
LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR, PRÉSIDENT SANS POÉSIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Vingt ans après sa mort, l'heure est à son éloge en France. Il fut pourtant un ardent défenseur du système imaginé à Paris pour perpétuer la domination coloniale, et un président autoritaire dont la police pratiquait la torture
Vingt ans après sa mort, le 20 décembre 2001, l’heure est, en France, à l’éloge du « poète-président ». Qualifié par Le Monde de « chantre de la fierté noire », il est érigé par Le Figaro en pionnier du combat contre la « cancel culture ». Il fut pourtant un ardent défenseur du système imaginé à Paris dans les années 1950 pour perpétuer la domination coloniale et, à partir de 1960, un président autoritaire dont la police pratiquait la torture. Le second volet de cette série s’intéresse au Senghor d’après l’indépendance.
« La résistance à l’oppression est le devoir le plus sacré en démocratie. » En février 1957, lors du congrès de son parti, le Bloc populaire sénégalais (BPS), Léopold Sédar Senghor, député français de la circonscription du Sénégal, harangue les foules et lance un appel à la mobilisation. « Nous arriverons à ce but, dussions-nous aller en prison, dussions-nous mourir », disait-il déjà à ses partisans quelques mois plus tôt [1]. Des mots inhabituels dans la bouche du poète. C’est qu’il a perdu la bataille de la loi-cadre Defferre, promulguée à l’été 1956, qui disloque l’Afrique-Occidentale française (AOF) et l’Afrique-Équatoriale française (AEF) en même temps qu’elle instaure des gouvernements semi-autonomes dans chacun des territoires qui les composent.
Au député sénégalais, qui rêvait de transformer l’AOF et l’AEF en fédérations africaines, le gouvernement français a préféré l’option défendue par son rival ivoirien, Félix Houphouët-Boigny. Ministre du gouvernement français et cosignataire de la loi-cadre, ce dernier voit d’un mauvais œil le système fédéral promu par Senghor qui transforme, selon lui, la Côte d’Ivoire en « vache à lait de l’AOF ». Le Sénégalais devra se résigner à une Afrique « balkanisée ».
Capable d’analyses subtiles et de protestations lucides, Senghor dépense une énergie considérable, sous la IVe République, à défendre la modernisation du système colonial. Déterminé à maintenir son pays dans l’aire d’influence française, l’ancien député devient, sous la Ve République, l’un des piliers du néocolonialisme français en Afrique. Le poète dont on chante les louanges à Paris se transforme en despote dans son propre pays.
L’impensable séparation
Alors que l’État français vacille en Algérie en 1958, le président de Gaulle soumet au vote par référendum son projet de Ve République, qui prévoit de remplacer l’Union française par une « Communauté française ». Selon la nouvelle Constitution, qui reprend les principes de la loi-cadre, l’État français conserve le contrôle des affaires « communes » (politique étrangère, défense, monnaie, justice, enseignement supérieur, etc.) tandis que les États africains se voient confier la gestion de leurs affaires intérieures.
Peu avant le référendum, fixé au 28 septembre, Senghor, dirigeant du BPS, et Lamine Guèye, responsable de la branche sénégalaise de la SFIO, qui viennent de fusionner leurs partis au sein de l’Union progressiste sénégalaise (UPS), se retrouvent pour décider de l’attitude à adopter à l’approche du scrutin. À la grande surprise de Mamadou Dia, président du Conseil de gouvernement et bras droit de Senghor, ce dernier lui confie ses réserves, ne voulant « pas déroger à une promesse non avouée qu’il avait faite au gouvernement français […] de rester dans la Communauté ». L’indépendance du Sénégal est sans doute envisageable, précise-t-il, mais pas avant « vingt ans » [2]. Signe du malaise que cette décision provoque au sein du BPS, Senghor et Dia s’absentent lors de la visite de De Gaulle au Sénégal le 26 août 1958 : le premier est en vacances en Normandie avec sa belle-famille, le second est en Suisse pour une cure de repos. Un mois plus tard, les résultats du référendum sont formels : le Sénégal restera dans le giron français.
Fin décembre 1958 à Bamako, Senghor orchestre l’officialisation de la Fédération du Mali, ensemble regroupant le Sénégal, le Soudan français, la Haute Volta et le Dahomey. Mais les pressions de la France et de la Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny découragent les deux derniers. Le projet fédéral, désormais limité au duo soudano-sénégalais, se structure alors autour de trois hommes forts : Léopold Senghor (président de l’Assemblée fédérale), Modibo Keïta (président du gouvernement), Mamadou Dia (vice-président du gouvernement).
« Le général de Gaulle est un bon père de famille »
Le vent de la décolonisation soufflant sur l’empire, de Gaulle saisit l’opportunité pour octroyer des indépendances encadrées aux colonies françaises d’Afrique, conditionnées à la signature simultanée d’« accords de coopération » dans tous les domaines clés de l’action de l’État. Le chef de l’État officialise cette évolution devant l’Assemblée de la Fédération du Mali en décembre 1959. Interrogé par la télévision française un mois plus tard, Senghor rassure les téléspectateurs : « Quand un enfant est devenu grand et a atteint sa majorité, il prend ses responsabilités et décide de fonder un foyer. Les parents s’en émeuvent d’abord, et puis ils acceptent car les liens familiaux ne sont pas rompus. Le général de Gaulle est un bon père de famille et c’est pourquoi il a accepté l’accession du Mali à l’indépendance » [3].
Mais les tensions ne tardent pas à éclater. Proclamée le 20 juin 1960, l’indépendance de la Fédération du Mali attise les rivalités entre les dirigeants sénégalais et soudanais. Les deux camps s’accusent mutuellement de vouloir prendre le dessus [4]. Keïta dénonce une « tentative de sécession du gouvernement du Sénégal » et des « dirigeants Sénégalais plus français que les Français et qui voulaient franciser le Mali ».
Proclamant le 19 août 1960 le retrait de son pays de la Fédération, Senghor s’emporte sur les ondes de Radio Sénégal accusant les Soudanais de vouloir « coloniser » les Sénégalais et les réduire « en esclavage ». Et le voilà qui appelle une nouvelle fois à la résistance en invoquant les mânes des glorieux ancêtres, Ndiadiane Ndiaye et Lat Dior Diop en tête. « Pour ma part, je suis prêt à mourir […] pour que vive le Sénégal », ajoute-t-il [5].
La République du Sénégal fait le choix d’un parlementarisme à deux têtes : Senghor dispose du prestige de la fonction de président de la République tandis que Dia, président du Conseil des ministres et ministre de la Défense, détient le véritable pouvoir décisionnel. Dès l’été 1960, le régime affirme son autorité en interdisant le Parti africain de l’indépendance (PAI), marxiste-léniniste et anti-impérialiste, et écartant la contradiction en dehors de l’UPS, qui se transformera en quelques années en parti unique. Mais au sommet de l’État naissent des clivages de plus en plus difficiles à canaliser.
Vers un présidentialisme autoritaire
Senghor et ses fidèles se réjouissent de la place privilégiée que lui accorde l’ancienne puissance coloniale : « L’indépendance est complétée par la coopération », estime-t-il, et « la dignité nationale ne s’oppose pas au maintien de notre amitié avec la France » [6]. En face, Dia et ses sympathisants – qui se rapprochent du bloc soviétique, et, dans le cadre d’une planification agricole ambitieuse, souhaitent renforcer les coopérations paysannes – inquiètent les milieux d’affaires franco-sénégalais ainsi que les chefs religieux tirant bénéfice de la traite arachidière.
En décembre 1962, un groupe de députés senghoristes dépose une motion de censure à l’encontre de Dia. Le même jour, Senghor réquisitionne le chef des para-commandos et remplace le chef d’état-major des forces armées, fidèle à Dia, par un de ses proches, Jean-Alfred Diallo. Alors qu’il est prévu que, le 17 décembre, les différentes sensibilités s’affrontent à l’intérieur du parti-État, comme cela se faisait jusque-là, le Parlement annonce finalement qu’il tranchera lui-même le contentieux par un vote dans l’après-midi. Pris de court, Dia fait arrêter quatre députés meneurs, en vertu de la « primauté du parti » [7].
Dans la foulée, le président de l’Assemblée nationale rassemble les parlementaires à son domicile pour achever la procédure. Le lendemain, Dia est arrêté, accusé d’avoir tenté, avec ses ministres Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall, un « coup d’État ». La formule, reprise telle quelle, circule rapidement à travers la presse française – majoritairement acquise à la cause de Senghor [8] – qui présente les événements comme un duel entre un homme d’État plein de sagesse et un rebelle impulsif et fougueux. « Les Sénégalais avaient pris conscience des dangers de cette entreprise de subversion […] et confirmaient leur attachement au président Senghor, explique la télévision française. En quarante-huit heures, le Sénégal a achevé sa révolution : tentative de coup d’État, épuration et réforme tendant au régime présidentiel » [9].
Senghor ne s’en est jamais caché : il cultive une appétence pour l’autorité hiérarchique. À l’antenne de la Radiodiffusion Télévision Française la semaine suivant l’arrestation de Mamadou Dia et des « diaïstes », il lâche : « Le régime de l’exécutif bicéphale, nous en avons fait l’expérience, est vraiment impossible. Dans l’étape actuelle de notre évolution, j’ai été amené […] à constater que le régime présidentiel est le seul viable » [10].
Élu avec 100 % des voix
La tension monte en ce début 1963 alors que se prépare le procès du camp Dia, défendu par un pool d’avocats français et sénégalais composé notamment de Robert Badinter et Abdoulaye Wade. En mai, après plusieurs jours de plaidoiries enflammées, le verdict, d’une sévérité sans précédent, provoque une onde de choc : réclusion à perpétuité pour l’ancien président du Conseil, vingt ans pour Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr et Joseph Mbaye, cinq pour Alioune Tall. Les prisonniers politiques sont aussitôt conduits aux confins du Sénégal oriental dans l’enceinte fortifiée de Kédougou.
Dès mars, Senghor fait adopter une nouvelle Constitution lui conférant les pleins pouvoirs. Une nouvelle position de force qu’il met à l’épreuve – sans intention aucune de défaite – lors des premières élections présidentielles et législatives depuis l’indépendance. Un cortège de manifestants, composé d’ouvriers, d’étudiants et d’intellectuels, dont un certain nombre militant au PAI clandestin et au PRA/S (Parti du regroupement africain section Sénégal, dissidence du BDS en 1958), conteste la légitimité de cette échéance électorale à candidat unique. Sans surprise, les résultats donnent Senghor vainqueur à 100 % des voix. La situation se tend, la rue gronde et crie : « À bas Senghor ! », « Tous au palais ! ».
Des hélicoptères survolant la capitale lâchent des grenades lacrymogènes sur la foule. Les militaires encerclent le périmètre et tirent à balles réelles dans le tas. Plusieurs manifestants, ensanglantés, retiennent leur souffle à quelques mètres de camarades abattus, gisant sur le bitume du quartier de la Medina. Les autorités dressent un bilan de quarante morts et deux-cent-cinquante blessés, tandis que l’opposition parle d’au moins cent décès. Loin d’être interprété par Senghor comme un signe de désaveu, il s’agit, selon lui, d’une violence apolitique et étrangère, alimentée par « des chômeurs, dont la plupart n’étaient pas des Sénégalais » [11].
Opposition étouffée, militants torturés
Bien qu’affaiblie par la répression, l’opposition poursuit sa mobilisation clandestinement. Le PAI a vu un certain nombre de ses cadres contraints à l’exil, à l’image de son dirigeant Majhemout Diop. Devenu un refuge d’opposants sénégalais, Bamako voit ainsi transiter tous les militants du parti en partance vers Moscou, Alger ou Prague. À Cuba, Fidel Castro et Che Guevara accueillent en 1964 un groupe d’une trentaine de combattants qui souhaitent se former à la lutte armée avant de lancer une insurrection armée au Sénégal oriental et en Casamance. Mais sur le chemin du retour en 1965, l’un d’entre eux dénonce l’opération auprès de l’ambassade sénégalaise au Mali [12].
S’ensuivent d’importantes arrestations dans les rangs du parti, tandis que Senghor intensifie sa pression sur le régime de Modibo Keïta, enclavé et esseulé, pour qu’il durcisse sa relation avec les exilés sénégalais. Dans la presse officielle paraît la « confession » d’un maquisard affirmant que les combattants auraient embarqué dans l’aventure « quelquefois contraints, quelquefois trompés » [13]. Dans les commissariats et prisons, les militants détenus sont torturés à l’électricité ou au goulot (technique consistant à insérer l’extrémité du col d’une bouteille en verre dans l’anus jusqu’à effusion de sang), notamment sous le commandement du commissaire français André Castorel [14].
Ces premières années à la tête du Sénégal permettent au président Senghor d’étouffer l’opposition : « Dans un pays sous-développé, le mieux est d’avoir, sinon un parti unique, du moins un parti unifié, un parti dominant, où les contradictions de la réalité se confrontent, entre elles, au sein du parti dominant, étant entendu que c’est le parti qui tranche », déclare-t-il en janvier 1963.
Les étudiants dans le viseur
Secrétaire général de l’UPS en plus d’être chef de l’exécutif, Senghor dispose de tous les leviers du pouvoir. Sa stratégie consiste à convoiter les cadres des partis d’opposition, leur proposant de rejoindre la grande coalition gouvernementale. C’est ainsi qu’une partie de la direction du Bloc des masses sénégalaises (BMS), parti fondé par l’intellectuel de renom Cheikh Anta Diop, rallie la majorité présidentielle en 1964. L’année suivante, le PRA/S – dirigé par Amadou Mahtar Mbow, Abdoulaye Ly et Assane Seck – amorce des discussions avec les autorités et décide de fusionner avec l’UPS en 1966. C’est la consécration du règne de Senghor : bien que réprimé et ses meneurs poursuivis pendant des années, le PRA/S était la seule entité politique d’opposition durablement autorisée depuis 1960 ; toutes les autres (partis politiques, syndicats, associations étudiantes) ont connu une courte période légale avant d’être rapidement dissoutes. Ainsi, pour les plus hostiles à la récupération par l’appareil étatique, le régime ne ménage pas ses efforts pour les contraindre à baisser les bras. Dans le viseur, en particulier : les étudiants.
En février 1966, les pensionnaires de l’Université de Dakar organisent une marche pour protester contre le coup d’État ayant renversé le président ghanéen Kwame Nkrumah. En route vers les ambassades des États-Unis et du Royaume-Uni, ils sont violemment arrêtés. Alors que l’université se met en grève, les étudiants africains non sénégalais sont expulsés et le campus ferme. Tenant à conserver son image de démocrate vis-à-vis des invités du monde entier qui séjournent à Dakar pour le Festival mondial des arts nègres (FESMAN) en avril 1966, le président Senghor lâche provisoirement du lest, autorisant une poignée d’organisations étudiantes.
Mais la situation se crispe à nouveau en 1968 : au Sénégal comme dans bien d’autres pays, la jeunesse réclame plus de libertés et d’égalité face à l’autorité. Au mécontentement conjoncturel de la compression des bourses d’études s’ajoute le fait que l’Université de Dakar, près d’une décennie après l’indépendance, demeure française : rattachée à l’Académie de Bordeaux, dispense un programme français, elle est présidée par un recteur français et composée majoritairement d’enseignants français. À l’initiative de l’Union démocratique des étudiants du Sénégal (UDES) et l’Union des étudiants de Dakar (UED), les étudiants expriment leur mécontentement dès mars, dans un climat déjà tendu quelques semaines après une élection présidentielle que le candidat sortant a – comme la précédente – remporté avec 100 % des voix.
« Une nouvelle opposition téléguidée de l’étranger »
L’atmosphère est électrique à Dakar en mai 1968. La jeunesse engagée du pays, enfants de l’indépendance, accuse Senghor de n’être rien d’autre qu’« un valet de l’impérialisme français ». Ils s’abreuvent des écrits de Frantz Fanon, d’Hô Chi Minh et de Mao Zedong, rêvent d’unité africaine et du renversement des régimes « réactionnaires » et « contre-révolutionnaires » du monde entier. Le 24 mai, l’UDES convoque une assemblée générale et lance un appel au boycott des examens et, surtout, à la grève générale et illimitée, qui sera enclenchée le 27. Les autorités ferment les établissements scolaires le 29 et prennent d’assaut le campus, provoquant au moins un mort, Salmon Khoury, et des dizaines de blessés. Plusieurs centaines de Sénégalais – étudiants et travailleurs de l’université – sont alors internés dans le camp militaire Archinard, d’où ils ne ressortiront qu’une dizaine de jours plus tard, tandis que plus d’un millier d’étudiants africains sont expulsés et renvoyés dans leurs pays d’origine.
L’état d’urgence est déclaré. Le 31, autour de la Medina, l’armée – désormais chargée du maintien de l’ordre – procède à l’arrestation de plus d’un millier de manifestants mobilisés en soutien aux étudiants ; au moins deux d’entre eux y perdent la vie. Pris de court, Senghor songe à céder le pouvoir au chef d’état-major général des armées Jean-Alfred Diallo, qui décline l’offre, préférant plutôt un élargissement de son champ de compétences.
C’est le 30 que le président sort de son silence, saisissant sa première allocution publique depuis le début de la crise pour accuser les grévistes de « faire “même chose que les toubabs [Européens]” pour singer les étudiants français sans modifier une virgule ». « Le plus grave, poursuit-il, est que des étudiants non sénégalais ont prétendu faire la loi dans un établissement public sénégalais » [15]. Comme en 1963, Senghor tente de disqualifier l’opposition à son régime en arguant qu’elle est « téléguidée de l’étranger ». Dans le même temps, il décide de coordonner la riposte avec l’aide des troupes françaises – stationnées à Dakar pour protéger l’aérodrome de Yoff et la centrale électrique de Bel-Air [16] – et tient informé en permanence l’ambassadeur de France au Sénégal, Jean de Lagarde, sur l’évolution de la situation [17].
Se débarrasser des « encombrants humains »
La proximité que Senghor entretient avec la France contrarie de plus en plus cette jeune opposition de la génération 68. En prévision de la visite officielle du président français Georges Pompidou au Sénégal fixée pour février 1971, les autorités lancent plusieurs grands chantiers visant à embellir Dakar en façade. Cette opération s’accompagne d’une action énergique visant à débarrasser la capitale de ce que Senghor appelle les « encombrements humains », c’est-à-dire, toujours selon ses termes, « les bana-bana ou marchands ambulants et les petits cireurs qui racolent les touristes, sans parler des voyous ; les faux talibés qui mendient, quand ils devraient être à l’école ; les lépreux, handicapés physiques et aliénés qui devraient être dans les hôpitaux ou centre medico-sociaux » [18].
En guise de contestation, un groupe de jeunes militants de gauche se mobilise dans la nuit du 15 au 16 janvier et met le feu au ministère des Travaux publics ainsi qu’au Centre culturel français, symbole à leurs yeux du néocolonialisme. Ils échappent de peu aux services de renseignement mais ne comptent pas en rester là. Le 5 février, le président Senghor accueille Pompidou sur le tarmac de l’aéroport de Dakar, réjoui de recevoir dans son pays un ancien camarade de classe et ami de longue date. « Le peuple sénégalais se sent particulièrement honoré de recevoir le président de la République française. […] Car l’amitié franco-sénégalaise remonte à près de trois siècles », s’émeut-il.
Lorsque le cortège présidentiel arrive au centre-ville, sous les acclamations d’une foule vêtue de pagnes et de t-shirts vantant l’amitié franco-sénégalaise, les jeunes militants qui ambitionnaient de faire dérailler les festivités officielles sont cernés avant de pouvoir passer à l’action. Les policiers mobilisés trouvent dans leur sac des cocktails molotov et des tracts révolutionnaires. Senghor, qui échappa lui-même à une tentative d’attentat en 1967, profite de l’occasion pour créer un précédent : les jeunes révolutionnaires sont condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement.
La mort d’Omar Blondin Diop
Dans la foulée, le chef de l’État sénégalais confie le ministère de l’Intérieur à Jean Collin, ancien cadre de l’administration coloniale française affecté au Sénégal et au Cameroun dans les années 1940-1950. Connu pour son culte de la docilité et ses méthodes musclées, Collin conservera une mainmise sur les commissariats et prisons du pays pendant une décennie. Dès son arrivée, il fait enrôler de force dans l’armée une douzaine d’« agitateurs » étudiants. Le 26 mai 1972, l’un d’entre eux, Al Ousseynou Cisse, est tué puis décapité à la frontière bissau-guinéenne par les troupes coloniales portugaises. Un an plus tard, Omar Blondin Diop – jeune philosophe, militant actif du « Mai 68 » parisien, inculpé pour avoir projeté la libération des camarades dakarois arrêtés en marge de la visite de Pompidou – est quant à lui retrouvé mort dans sa cellule de la prison de Gorée.
Le juge chargé de l’affaire découvre à l’époque des éléments accablants prouvant qu’il s’agit non d’un suicide, comme le prétend Senghor devant la presse, mais bien d’un homicide. Plusieurs témoignages et documents font par ailleurs état d’une altercation entre Jean Collin et Blondin Diop suite à laquelle le ministre aurait ordonné aux gardes de châtier le détenu [19]. Pour autant, Senghor vouera une confiance totale à Jean Collin, son neveu par alliance, qu’il maintient au ministère de l’Intérieur jusqu’à son départ du pouvoir.
Senghor prépare sa succession à partir de 1976, faisant modifier la Constitution pour permettre au Premier ministre – poste qu’il rétablit en 1970 et confie à Abdou Diouf – de remplacer le président en cas de vacance du pouvoir. « Je t’ai dit que je voulais faire de toi mon successeur et c’est pourquoi il y a cet article 35, confie Senghor à Diouf en août 1977. Je vais me présenter au suffrage des électeurs en février 1978 et, si je suis élu, je compte partir […]. À ce moment, tu continueras, tu t’affirmeras et tu te feras élire après » [20]. Entre-temps, la contestation battant son plein après la mort d’Omar Blondin Diop, Senghor, vivement critiqué, rebat les cartes.
Une succession programmée
Pour diviser la contestation, il ouvre le champ politique, rétablissant le multipartisme tout en l’encadrant sévèrement. Les militants jugés trop « radicaux » continuent pour leur part d’être durement châtiés. C’est le cas par exemple des militants du front anti-impérialiste And Jëf, atrocement torturés en 1975 : les commissaires écrasent méthodiquement leurs cigarettes sur la peau des détenus, arrachent un à un leurs ongles de pied ou procèdent à des simulations de noyade [21].
Le 31 décembre 1980, Senghor remet sa lettre de démission au président de la Cour suprême, qui valide l’accession d’Abdou Diouf à la présidence de la République. Aux lendemains de son arrivée au pouvoir, le nouveau chef de l’État, fonctionnaire de l’administration depuis l’indépendance, oscille entre la fidélité à Senghor, son mentor politique, et la réforme, rendue nécessaire par l’affirmation des mouvements d’opposition autorisées dans leur intégralité à partir de 1981. Malgré des promesses de « désenghorisation », le nouveau régime se situera dans la continuité du précédent. Le désormais ancien chef d’État, admis à l’Académie française en 1983, se retire dès lors en Normandie, à Verson, où il décède le 20 décembre 2001 à l’âge de 95 ans.
Florian Bobin est chercheur en histoire. Ses recherches portent sur les luttes de libération et la violence d’État au Sénégal depuis l’indépendance de 1960. Il coréalise actuellement un documentaire sur ce sujet et rédige une biographie d’Omar Blondin Diop.
Notes
[1] Roland Colin, Sénégal notre pirogue : Au soleil de la liberté. Journal de bord 1955-1980, Présence Africaine, Paris, 2007, p. 61.
[2] Roland Colin, Étienne Smith et Thomas Perrot, « Alors, tu ne m’embrasses plus Léopold ? Mamadou Dia et Léopold S. Senghor », Afrique contemporaine, vol. 1, n° 233, 2010.
[3] Radiodiffusion Télévision Française (RTF), Michel Mitrani, Georges Penchenier (dir.), « Léopold Sédar Senghor sur l’indépendance de la Fédération du Mali », Cinq colonnes à la une, 15 janvier 1960, https ://www.inamediapro.com/notice/I00002967?preview
[4] Sékéné Mody Cissoko, Un combat pour l’unité de l’Afrique de l’Ouest, la Fédération du Mali (1959-1960), Nouvelles Éditions Africaines, Dakar, 2005.
[5] Joseph-Roger De Benoist, Léopold Sédar Senghor, Beauchesne, Paris, 1998, p. 120.
[7] Roland Colin, Sénégal notre pirogue, op. cit., p. 289.
[8] Mouhamadou Moustapha Sow, « Crise politique et discours médiatiques au Sénégal. Le traitement informationnel des événements de décembre 1962 à Dakar », Revue d’histoire contemporaine de l’Afrique, vol. 1, 2021.
[12] Pascal Bianchini, « Les paradoxes du Parti africain de l’indépendance (PAI) au Sénégal autour de la décennie 1960 », 2016, https://bit.ly/3GlapPl
[13] « Du parti gouvernemental publie la ‘confession’ d’un ancien maquisard », Le Monde, 13 mars 1965.
[14] Becaye Danfakha, « Le vécu de la torture subie par les militants PAI et d’autres sénégalais », in Comité national préparatoire (CNP) pour la commémoration du 50e anniversaire du Parti africain de l’indépendance (PAI). “Réalité du Manifeste du PAI au xxie siècle”, Presses universitaires de Dakar, Dakar, 2012.
[15] Léopold Sédar Senghor, « Message à la nation sénégalaise », 30 mai 1968.
[16] Omar Gueye, Mai 1968 au Sénégal, Senghor face au mouvement syndical, Karthala, Paris, 2017, p. 246.
[17] Bocar Niang et Pascal Scallon-Chouinard, « “Mai 68” au Sénégal et les médias : une mémoire en question », Le Temps des médias, vol. 1, n° 26, 2016, p. 166.
[18] René Collignon, « La lutte des pouvoirs publics contre les “encombrements humains” à Dakar », Revue canadienne des études Africaines, vol. 3, n° 18, 1984.
[19] Roland Colin, Sénégal notre pirogue, op. cit., p. 324.
[20] Abdou Diouf, in Afrique(s). Une autre histoire du xxe siècle, France Télévisions/INA/Temps noir, 2010.
[21] AFP, « Me Henri Leclerc : la torture est pratiquée au Sénégal », Bulletin d’Afrique n° 8817, 05 novembre 1975
LES PRÉSIDANTA AVEC ANTA FALL
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Macron ressemble beaucoup à son aîné, feu Giscard d'Estaing. Les deux ont été des présidents attachés à l'Europe et aux jeunes. Macron est le plus jeune chef d'État de la cinquième République et sans doute le plus à même d'en comprendre les rouages
La nouvelle série de podcast d'Anta Fall : les présidanta pour vous accompagner tout au long de la campagne pour l'élection présidentielle française de 2022 !
LA CAN À L'ÉPREUVE DE LA FIFA
La CAN au Cameroun est-elle maudite ? La question commence à se poser alors que les rumeurs se font à nouveau insistantes sur un énième report. Programmée du 9 janvier au 6 février 2022, l'organisation du tournoi continental est mise sous pression
France 24 |
Romain HOUEIX |
Publication 20/12/2021
Le feuilleton de la CAN continue. Réuni à Doha dimanche 19 décembre, le comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF) s'est vu demandé par le président de la Fifa, Gianni Infantino, de reporter sa compétition reine, la CAN, qui doit débuter le 9 janvier prochain au Cameroun. Présent à Doha à l’occasion de la Coupe arabe, qui a vu samedi la victoire de l’Algérie face à la Tunisie, Gianni Intantino, le président de la Fifa, a fait savoir qu'il était favorable à un report de l'évènement.
Gianni Infantino se préoccupe également d'un possible télescopage avec la Coupe du Monde des Clubs, la compétition organisée par la Fifa, qui doit avoir lieu du 3 au 12 février aux Émirats arabes unis. La Fifa se fait l'écho des inquiétudes du champion d'Europe Chelsea et du champion d'Afrique Al-Ahly, qui craignent que certains joueurs, retenus par la CAN, ne soient pas disponibles pour la disputer.
Concernant l'organisation de la CAN elle-même, le comité exécutif de la CAF, réuni à Doha, a suivi les rapports sur l’avancement des derniers travaux et la situation sanitaire dans le pays hôte. En clôture, les membres ont voté contre le report de la compétition.
Trois membres auraient voté pour le report selon le site algérien compétition.dz : le Marocain Fouzi Lekjaa, l’Égyptien Hani Abu Rida et le Burkinabè Sita. Le nouveau président de la fédération du Cameroun, Samuel Eto'o a quant à lui refusé catégoriquement l'idée.
Et maintenant ?
L'idée d'un report semble abandonnée pour le moment. Cependant, Gianni Infantino pourrait revenir à la charge lundi à l'occasion de son "sommet sur l’avenir du football". La Fifa y réunit en ligne ses 211 fédérations pour évoquer la réforme du calendrier international.
Dans cette nouvelle architecture du football mondial, Gianni Infantino aimerait que le calendrier s'inverse avec une Coupe du monde tous les deux ans et une CAN tous les quatre ans. Le souhait de reporter l’édition à venir pourrait s'inscrire dans ce contexte : on passerait d’une 32e édition jouée en 2019 en Égypte à une 33e en 2023.
Du côté de la CAF, la visite du président Patrick Motsepe au Cameroun pourrait rebattre les cartes. Arrivé lundi matin, il a été accueilli par Samuel Eto'o et s'est voulu rassurant pour sa première déclaration : "Notre maison est une maison pour l’Afrique. Nous allons parler aujourd’hui et on vous fera un retour. Nous sommes très clairs en termes d’engagement de faire de la CAN au Cameroun un succès", a souligné le dirigeant du football africain.
Réconfortant, certes, mais les 20 derniers jours avant le coup d'envoi de la CAN à Yaoundé risquent d'être long pour les fans de football africain.
par Madiambal Diagne
LE PARI RÉUSSI DU TER
Un député de l’opposition, toujours assez virulent dans ses propos, n’a pas pu s’empêcher en visitant le Ter, d’avouer : « On ne pouvait pas penser que c’était comme ça ! » Va-t-il se féliciter en public de cette réalisation ?
J’ai eu l’occasion de faire une visite guidée du Train express régional (Ter), qui sera mis en circulation le 27 décembre 2021. Frédéric Bardenet, chargé de coordonner la mise en exploitation de cette nouvelle infrastructure de transport urbain, assure que tout est au point et que le Président Macky Sall pourra lancer le top départ de l’exploitation du Ter. La Seter (Société d’exploitation du Ter) prévoit néanmoins de laisser les Dakarois découvrir le Ter pendant 15 jours, avant l’exploitation commerciale. Un programme «Sargal» (Ndlr : Bienvenue) est mis en place pour permettre à des enfants des écoles des zones desservies par le Ter, associations de femmes, de jeunes, des individus qui se sont inscrits en masse au niveau des différentes gares, de pouvoir voyager à bord du Ter, pour le découvrir et se l’approprier.
Le Train express régional en chiffres
Le Ter va desservir, dans sa première phase, un itinéraire allant de la gare de Dakar à une nouvelle gare installée dans la ville de Diamniadio, soit un trajet de quelque 36 kilomètres. Une deuxième phase est prévue et devra pousser la ligne jusqu’au nouvel aéroport Blaise Diagne de Diass (Aibd). Le Ter devra donc desservir Aibd, en décembre 2023. Une autre phase prévoit son prolongement jusqu’aux villes de Mbour et Thiès. En attendant, une connexion avec le Petit train Bleu (Ptb) à partir de Diamniadio permettra aux voyageurs, entre Dakar et Thiès, de pouvoir faire tout le trajet par voie ferroviaire. 15 rames de trains sont déjà en place et sept autres s’ajouteront aux matériels roulants, en vue de desservir Aibd. Le Ter fonctionne en bi-mode, électrique et thermique.
Le Ter représente ce qu’il y a de plus moderne, en matière de technologies et d’équipements ferroviaires. Avant même la mise en circulation, le transfert de compétences a déjà été effectif sur plus de 97% des postes occupés par quelque 950 employés directs. Les activités connexes du Ter devront employer plus de 2000 autres personnes. Le Ter va transporter 115 mille voyageurs par jour. Le ticket commun du transport sur tout le long du trajet, coûtera au total 1500 francs et le ticket en première classe, 2500 francs. Le ticket pour chacun des trois tronçons prévus, sera de 500 francs. Il faut dire que les responsables de la Seter avaient voulu fixer le prix à 700 francs, mais le Président Macky Sall s’est mis en avant pour arbitrer le prix à 500 francs, afin de garder le mieux possible, le cachet populaire de l’infrastructure. L’objectif du Ter, à la suite de l’autoroute à péage ainsi que du prolongement de la Voie de dégagement Nord (Vdn), est de décongestionner le transport urbain à Dakar et sa banlieue. Mieux, la mise en service d’un autre maillon, que constituera le projet Bus-transit-rapide (Brt), devra parachever cet objectif. Il y aura un train toutes les 10 minutes, de 5h 30 à 20h, et un train toutes les 20 minutes, la nuit, jusqu’à 22h. La même fréquence des trains toutes les 20mn, sera de mise durant les journées de dimanche.
Ainsi, Dakar va se positionner comme la ville d’Afrique de l’Ouest où le casse-tête de la circulation aura été mieux résolu. La capitale économique de la Côte d’Ivoire, Abidjan, s’y essaie depuis plusieurs décennies. La Côte d’Ivoire avait déjà étudié un projet de Train urbain d’Abidjan, depuis 1978. Le projet avait été repris en 2013 et devra être terminé en Décembre 2025, soit 12 ans de gestation. «Le projet du Ter de Dakar a été lancé en 2014, sans aucune étude préalable et on voit qu’il est entièrement livré en 2021», précise Fréderic Bardenet. Quand on lui fait remarquer que les Ivoiriens sont sans doute plus patients que les Sénégalais, il répond par un pudique haussement d’épaules. La Côte d’Ivoire ne semble pas vouloir perdre la face devant le Sénégal. Une petite anecdote qui fait sourire les cadres de la Société nationale française des chemins de fer (Sncf), exploitant des deux sociétés, est que, quand le président Macky Sall avait emprunté une rame du Ter de Dakar en janvier 2019, le Train urbain d’Abidjan a alors automatiquement changé de nom pour s’appeler désormais «Métro d’Abidjan».
La mise en exploitation du Ter aurait pu démarrer bien plus tôt, mais de nombreux ratés ont eu à plomber le calendrier. On aura noté que de nombreuses entreprises, notamment sénégalaises, en charge d’importants lots de chantiers, n’ont pas pu les terminer dans les délais impartis. D’ailleurs, l’Etat du Sénégal a été obligé, d’autorité, de leur retirer les travaux pour les confier à des entreprises turques par exemple. D’autres difficultés étaient apparues, comme par exemple une forte pluviométrie, qui avait engorgé des sites où les travaux d’assainissement avaient également accusé du retard. Il s’ajoute à tout cela, les rebuffades de certains impactés, qui avaient voulu surenchérir quant au niveau des compensations financières qui leur avaient été allouées. Aussi, la communication sur des délais de démarrage impossibles, n’a pas manqué de ternir l’image du projet du Ter. Le gouvernement n’avait pas non plus réussi à trouver l’argumentaire pour assumer et expliquer de manière claire les choses, pour dissiper les objections liées au coût du projet.
On ne va pas faire dans la fausse modestie, nous avions cru en ces rêves «fous» de Macky Sall !
Un groupe de députés avaient eu à visiter le Ter, la semaine dernière. Un député de l’opposition, toujours assez virulent dans ses propos, n’a pas pu s’empêcher d’avouer : «On ne pouvait pas penser que c’était comme ça !» Pour autant, va-t-il se féliciter en public de cette réalisation ? Rien n’est moins sûr. Par contre, Le Quotidien, qui avait le toupet de croire en ce projet, peut s’en féliciter. Le lundi 22 Décembre 2013, à l’annonce du projet du Ter, le journal barrait sa «Une» du titre : «Macky en train de rêves.» Dans une chronique parue le même jour, intitulée «Ablaay tëli, Maky saxaar», nous soulignions : «Le mérite de Abdoulaye Wade aura été de montrer la voie. Ainsi, un proche collaborateur du Président Macky Sall assurait que «Macky Sall fera autant en logements sociaux, que tout ce que Abdoulaye Wade a réalisé en termes d’infrastructures routières». Pour autant, le Président Sall ne va pas abandonner la poursuite des chantiers routiers commencés par son prédécesseur. La route de la Vdn devra longer la côte pour desservir Cambérène, Guédiawaye, Malika, Lac Rose et au-delà. L’autoroute à péage devra aller au-delà de l’aéroport de Diass et un autre tronçon devra conduire les automobilistes jusqu’à Thiès ; d’où partira une nouvelle autoroute, qui mènera jusqu’à Touba. Mais, le chef de l’Etat vient de s’engager à mettre une nouvelle corde à son arc. Macky Sall vient de se fixer un nouvel objectif de gouvernement, c’est la réalisation de nouvelles infrastructures ferroviaires. Il voudrait bien faire siffler les trains, en enfilant une tenue de cheminot. Ainsi, compte-t-il mettre en service une nouveauté, un tramway pour desservir la banlieue. Son prédécesseur avait déjà évoqué l’idée. Aussi, en vue d’une bonne desserte de l’aéroport Blaise Diagne, dont l’’exploitation devait commencer en 2015, le Président Sall voudrait-il mettre en service un Train rapide. Il ne voudrait pas s’arrêter en si bon chemin. Compte-t-il également ressusciter la ligne de chemin de fer Dakar-Bamako ? Macky Sall semble ne pas vouloir sur ce projet, s’inscrire dans une logique d’une réalisation qui demanderait un quart de siècle de travaux et qui engloutirait toutes les ressources du pays». Force est de dire que, quand nous écrivions ces lignes en 2013, ils étaient nombreux à nous insulter et rire de notre naïveté de croire en de telles chimères. Il y’en a même qui ont eu l’audace de dire que, le jour où le Ter sifflera à Dakar, ils changeront de patronyme !
Aujourd’hui, la Vdn est arrivée au-delà de Keur Massar, l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio, qui s’était arrêtée à hauteur de l’actuel Dakar Arena au moment du départ de Président Wade du pouvoir, est arrivée à Mbour et la réalisation d’un autre tronçon devant mener jusqu’à Kaolack, a débuté. L’autoroute «Ila Touba» a fini de convaincre ses usagers. L’idée du tramway pour la banlieue a été abandonnée et remplacée par le Brt, qui devra commencer ses dessertes en 2022. L’autoroute Dakar-Saint Louis va être lancée sur financement américain et le train Dakar-Tamba sera réhabilité par le Canada.
Saurons-nous préserver ces réalisations ?
Faire des réalisations est une chose, mais les préserver, les conserver et les entretenir, sont une autre chose. Il semblerait que l’homo-senegalensis pécherait dans l’entretien des infrastructures publiques, jusqu’à chercher à les casser pour exprimer sa colère ou son opposition à un homme politique. On ne peut pas ne pas relever la bêtise de jeunes qui avaient, au sortir d’un match de Navétanes, caillassé une rame du Ter, à l’essai à Rufisque. Les dégâts (une vitre cassée et des impacts de projectiles sur la carrosserie) auraient pu être plus graves, si le conducteur n’avait pas appuyé sur l’accélérateur.
Mais, il y a d’autres travers contre lesquels les responsables du Ter devront lutter, pour ne pas précipiter la dégradation du matériel ou lui ôter sa modernité. Ce seront assurément le respect strict des horaires des trains, mais surtout les conditions de voyage. Un débat occupe les exploitants du Ter, quant à la façon de traiter certains types de voyageurs. En effet, une enquête de clientèle a révélé que de nombreux voyageurs rechignent déjà à l’idée de devoir s’asseoir à côté d’un voyageur vêtu d’une tenue crasseuse et qui pourrait salir les sièges, ou qu’un voyageur entre dans les voitures avec des paniers de poissons qui suintent de partout. Nous nous rappelions qu’à la mise en service de l’Aibd, ils étaient nombreux, nos compatriotes, qui nous soulignaient qu’il faut éviter à tout prix que les travers sénégalais de l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar ne se retrouvent à l’Aibd. Après quelques années d’activité, on voit que l’Aibd est aseptisé de certains maux, bien que des efforts restent à faire. Une ville comme Dubaï interdit catégoriquement qu’on mange ou boive dans les rames de son métro, jusqu’à prohiber qu’on y mâche du chewing-gum, dans le seul souci de préserver l’outil public. Nos compatriotes, qui ont l’occasion de visiter cette ville, se conforment bien à ces règles !
Une solution serait que le Ter fournisse des survêtements aux voyageurs, dont le port pourrait incommoder les autres voyageurs ou salir les sièges, ou encore de proposer un emballage étanche pour les paniers de poissons par exemple. Ces solutions apparaissent on ne peut plus démagogiques. La consigne devrait être de refuser l’accès des trains à ces personnes. Mais, il est certain que les responsables de la Sncf se garderont de mettre en avant une telle politique, pour sans doute éviter de se faire accuser de racisme ou d’on ne sait quelle autre ignominie.
Il appartiendra donc à la Gendarmerie, dont plus de 260 éléments sont déployés pour la sécurité exclusive du Ter, de faire preuve de fermeté dans ses missions.
OEUVRES SOCIALES, LE PUMA FIDELE A SES ENGAGEMENTS
Le Programme d'urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (Puma) continue de doter les zones frontalières d’infrastructures et d’équipements sociaux de base.
Le Programme d'urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (Puma) continue de doter les zones frontalières d’infrastructures et d’équipements sociaux de base. Son coordinateur avait inauguré, en septembre dernier, un poste de santé du village de Baout, dans la commune de Djimda, dans la région de Fatick. Avant-hier, Moussa Sow a inauguré, dans cette zone, deux autres postes de santé à Baria et à Keur Sény Guèye, et remis six ambulances médicalisées, en plus des infrastructures livrées dans le domaine de la pêche.
‘’La pêche des huitres est une activité répandue dans les îles. Pour venir en appui, le Puma a créé deux parcs ostréicoles (élevage d’huitres) dans les îles du Saloum. En parallèle, 10 cages flottantes ont été installées et exploitées à Sinthiou Bera. Vous en conviendrez avec moi que l’eau est une ressource vitale, mais malheureusement rare dans certaines zones. Ainsi, le Puma a construit un château d’eau avec un réseau de distribution à Mdiayène Keur Moussa Guèye. Sept moulins ont été distribués dans sept villages, ainsi qu’une décortiqueuse. Nous avons aussi construit dans le domaine de la sécurité un poste frontalier à Keur Allassane Diallo’’, a confié M. Sow.
Fatou Diané, la coordonnatrice du Programme de microfinance islamique du Sénégal (Promise) a procédé, samedi dernier, à l’ouverture officielle de la première antenne régionale dudit programme à Diourbel. Le programme concerne les 14 régions. Elle a aussi lancé le premier guichet islamique du Sénégal ‘’pour financer et accompagner les porteurs de projet, dans le cadre de la finance islamique’’.
La région de Diourbel, renseigne-t-elle, a enregistré plus de 265 porteurs de projet qui ont été enrôlés à l'antenne de Diourbel et validés à Dakar. Les financements de ces projets, d’après Fatou Diané, passeront par Sen Baol Finance qui est une mutuelle installée à Diourbel, depuis 2008. Parmi ces 265 projets validés, 25 ont reçu des motos Jakarta, tricycles, frigo-congélateurs, machines à coudre, entre autres projets chiffrés à 51 millions de francs CFA. Et 265 millions F CFA ont été décaissés pour ces projets.
BASKET, CHEIKH SARR RECONDUIT JUSQU'EN 2023 AU RWANDA
L’ancien sélectionneur des Lions et Lionnes du basket, Cheikh Sarr, a prolongé son contrat avec le Rwanda jusqu’en 2023. L’annonce a été faite, ce lundi, par la Fédération rwandaise de basket, sur son compte Twitter.
L’ancien sélectionneur des Lions et Lionnes du basket, Cheikh Sarr, a prolongé son contrat avec le Rwanda jusqu’en 2023. L’annonce a été faite, ce lundi, par la Fédération rwandaise de basket, sur son compte Twitter.
La Fédération sénégalaise de basket peut explorer, désormais, d’autres pistes pour trouver le futur sélectionneur des Lionnes. Car, Cheikh Sarr vient de prolonger son contrat avec la Fédération rwandaise de basket. «Dr. Cheikh Sarr, nommé coach des sélections nationales masculine et féminine en avril 2021, a prolongé de deux ans son contrat. Il est désormais lié avec la Fédération rwandaise de basket jusqu’en 2023», peut-on lire sur le Twitter de la FERWABA.
Pourtant, le Directeur technique national, Moustapha Gaye, avait entrepris des discussions pour «rapatrier» l’ancien coach de l’UGB. Il faut se tourner vers d’autres profils pour prendre les rênes de la sélection féminine.
Sur le plan local, on cite Sir Parfaito Adjuvon et Mamadou Guèye «Pabi» pour la succession de Tapha Gaye. Toutefois, la piste étrangère n’est pas écartée non plus.
MILLENNIUM CHALLENGE CORPORATION, LES ETATS-UNIS SANCTIONNENT LE BENIN
Au Bénin, l’emprisonnement des opposants Joël Aïvo et Reckya Madougou a été condamné par l’opposition et la société civile. Les USA qui avaient déjà dénoncé une ingérence politique dans le système de justice pénale ont annoncé une réduction de leur aide.
(Agence Ecofin) - Au Bénin, l’emprisonnement des opposants Joël Aïvo et Reckya Madougou a été condamné par l’opposition et la société civile. Les USA qui avaient déjà dénoncé une ingérence politique dans le système de justice pénale ont annoncé une réduction de leur aide au pays.
Le gouvernement américain, par le biais de son agence indépendante d'aide à l'étranger, le Millennium Challenge Corporation (MCC), a décidé de sanctionner le Bénin en raison « du déclin général sur plusieurs années de l'engagement du Bénin envers les critères d'éligibilité du MCC, et les principes de gouvernance démocratique ». La nouvelle a été rendue publique le mercredi 15 décembre, via un communiqué.
Selon le MCC, depuis plusieurs années, le Bénin ne respecte plus certains engagements entrant dans ses critères d’éligibilité. Il a donc décidé de « réduire de manière significative la part du pays dans l'investissement régional » prévu par le MCC.
Les USA avaient déjà exprimé leur préoccupation quant à la condamnation des opposants Reckya Madougou et Joël Aïvo. Le pays de l'Oncle Sam l'avait rendue publique dans un communiqué publié le lundi 13 décembre sur le site du département d'Etat. Washington soupçonne en effet le gouvernement béninois de mêler « la politique au système de justice pénale du pays ».
« Nous sommes alarmés par l'érosion continue de l'espace de dissidence, l'augmentation globale des restrictions à l'autonomie participative et à la liberté d'expression, et le ciblage systématique des personnalités politiques de l'opposition », lit-on dans la note.
Pour rappel, le professeur de droit, Joël Aïvo, dont la candidature à la présidentielle d’avril 2021 avait été rejetée, a été reconnu coupable de « blanchiment de capitaux » et « atteinte à la sûreté de l’Etat », et condamné dans la nuit du lundi 6 décembre à dix ans de prison et une amende de 77 000 dollars. 4 jours plus tard, Reckya Madougou, ancienne garde des sceaux, a été condamnée quant à elle, à vingt ans de prison pour terrorisme.