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23 août 2025
LES RETRAITES CIVILS ET MILITAIRES RECLAMENT UNE REVALORISATION
Dix ans que la pension des retraités civils et militaires n’a pas connu de revalorisation. Les membres de l’association qui regroupe les anciens fonctionnaires de l’Etat, en ont assez de cette situation, qu’ils veulent voir évoluer.
Par Alioune Badara NDIAYE |
Publication 20/12/2021
Dix ans que la pension des retraités civils et militaires n’a pas connu de revalorisation. Les membres de l’association qui regroupe les anciens fonctionnaires de l’Etat, en ont assez de cette situation, qu’ils veulent voir évoluer.
Ils étaient en congrès ce samedi, au Cnfa de Rufisque, et cette vieille doléance a naturellement resurgi. «Chaque fois, on parle d’augmentation dans ce pays et chaque fois, il s’agit de l’Ipres. Dans ce pays, on pense que seule l’Ipres gère les retraités. Il y a les retraités de l’Ipres, mais aussi les retraités du Fonds national de retraite. On nous oublie, alors que nous sommes les anciens fonctionnaires de l’Etat. Depuis dix ans, rien n’a été fait pour nous. La pension stagne depuis dix ans (…) C’est la pension de l’Ipres qui a augmenté, pas celle des fonctionnaires», s’est désolé au sortir du congrès, El Hadj Amadou Ndiaye, président de l’Association nationale des retraités civils et militaires (Anrcm) affiliée au Fonds national de retraite.
«Après chaque congrès, nous envoyons le procès-verbal, la résolution, tout ce qui est conclusion de notre congrès au Président Macky Sall, depuis 2013. Cette fois, on va aussi le lui remettre. Mais à quoi servent les conclusions et doléances, s’il ne fait rien pour faire évoluer notre situation ?», a-t-il expliqué, assurant que l’actuel chef de l’Etat se doit au moins de faire comme ses prédécesseurs. «Abdou Diouf a fait quelque chose, Abdoulaye Wade aussi et Macky Sall doit faire quelque chose, s’il ne peut pas faire plus», a souligné le président de l’Anrcm, indiquant que la dernière augmentation était intervenue en octobre 2011.
Il a rappelé que le siège qu’ils occupent remonte au temps du régime de Abdou Diouf et est pris en charge par l’Etat, pour un montant mensuel de 700 mille francs. Une situation qui d’après lui, doit évoluer, eu égard à leur statut de serviteurs de l’Etat. «Nous demandons à l’Etat de nous donner une assiette foncière sur Dakar, pour que nous puissions construire sur fonds propres notre siège national, qui sera la maison des retraités de la Fonction publi¬que», a-t-il exhorté, y voyant une manière de donner aux retraités de la fonction publique, une image plus valorisante.
L’Anrcm a aussi décrié le mode de versement des pensions pour les veuves, qui doit être revu. «La veuve entretient encore toute la progéniture qu’entretenait son mari avec une pension entière, et ne parvenait pas à joindre les deux bouts. Le mari meurt et on dit que 50% c’est pour la veuve et 50 pour les enfants. Chaque enfant qui devient majeur, on l’élimine. Finalement, il ne reste que 50%», a-t-il détaillé. «Quand nous disons reversement, c’est qu’on reverse totalement les 100% dès le départ à la veuve, qui entretient tout le monde», a soutenu l’ancien fonctionnaire.
Les hommes politiques sénégalais n’écrivent pas souvent, et quand ils le font, ce sont en majorité de très mauvais livres peu lus et qui tombent vite dans l’oubli. Un homme politique le relevait récemment : le commentaire politique à la petite semaine l’emporte sur le travail de fond qui propulse des idées et des propositions. Quant aux journalistes, s’imposent à eux en démocratie une obligation de documenter le cours politique de notre pays et de laisser aux prochaines générations des clés de compréhension des mœurs de notre époque.
Par exemple, j’ai toujours été chagriné par l’absence d’une bonne biographie de Abdoulaye Wade, qui est un personnage fascinant. Ont écrit sur lui, ses pires adversaires dans des livres où l’anathème et la haine supplantent la démarche argumentative. Sinon ce sont des courtisans qui ont commis des hagiographies sans grand intérêt. Dans les deux cas, on peut rappeler la phrase de Talleyrand : «Tout ce qui est excessif est insignifiant.»
Le dernier livre du talentueux et iconoclaste journaliste, Ibou Fall, a été pour moi une bouffée d’oxygène. Pour le vingtième anniversaire de la disparition de Senghor, il vient de publier «Senghor, sa nègre attitude» (Editions Forte Impression). La plume de Ibou Fall, vive et caustique, décortique la trajectoire du poète-Président en lien avec l’histoire politique de notre pays. Le résultat offre une belle fresque sociale, un remarquable livre d’histoire politique.
Le journaliste ouvre son récit par la «si courte lettre» de Senghor au président de la Cour suprême, «gardienne vigilante de la Constitution», pour l’informer de sa décision de quitter la tête de l’Etat, cédant ainsi, par le biais de l’article 35, les rênes du pays à son longiligne successeur. L’auteur qualifie ce geste «d’art de partir» qui relève «du savoir-vivre, de la bienséance, de la politesse» et j’ajouterais de la courtoisie républicaine.
Ibou Fall nous offre aussi une immersion en pays seerer pour nous familiariser avec ses mythes, valeurs, traditions et subtilités. Il gomme des idées reçues sur Senghor que véhiculent ceux qui ne le connaissent pas ; ceux qui jugent plus utile de pérorer au risque de mettre à nu leur ignorance, que d’aller à la quête du savoir disponible auprès d’une multitude de sources historiques.
Ibou Fall nous familiarise avec une autre facette de Senghor peu mise en avant : sa figure sociale de «député kaki», à travers notamment son combat en métropole pour la hausse du prix de l’arachide, son statut d’homme du peuple, figure de la gauche sénégalaise, qui lui permit de battre aux législatives de 1951, grâce aux voix des «sans-dents», Lamine Guèye, candidat de la bourgeoisie.
Dans «Senghor, sa nègre attitude», Ibou Fall ne se limite pas à nous conter le parcours de celui qu’il appelle non sans une certaine affection «Sédar Gnilane», lui le fils de Mamadou Dia. Il nous rappelle des figures oubliées comme Ibrahima Seydou Ndaw, Caroline Faye, Théophile James, Abbas Guèye, André Guillabert, André Peytavin, Etienne Carvalho, Léon Boissier-Palun ou encore Jean Collin.`
Le satiriste, avec un humour qui ne déroge pas à l’exigence d’érudition, offre un panorama de l’histoire du Sénégal des dernières années de la colonisation à la période actuelle. Il décrit la violence du fait colonial, l’alliance puis l’affrontement entre deux monuments de notre pays, Senghor et Lamine Guèye, la grève des cheminots de 1947, qui permit de faire vaciller la puissance coloniale et mit en avant le grand syndicaliste, Ibrahima Sarr, le référendum et le «Oui» de 1958, l’érection puis la chute dramatique de la Fédération du Mali, l’épisode de Mai 68, la mort de Omar Blondin Diop, les derniers jours du Président-poète et les tentatives de ses anciens amis de l’effacer de la mémoire nationale.
L’ouvra¬ge est enfin une photographie des mœurs sénégalaises d’hier à aujourd’hui. Il nous montre qu’au fond, pas grand-chose n’a changé depuis 1958. Le Sénégal, les Sénégalais, nos mœurs, nos pratiques, nos grandeurs et nos misères sont peints avec précision, et surtout sans concession.
Ibou Fall rappelle aussi le degré de fidélité des hommes politiques au Sénégal. Pêle-mêle, il cite la trahison vis-à-vis de Senghor dès qu’il eut le dos tourné, les artisans du complot contre Mamadou Dia, la duplicité de Abdoulaye Wade lors de la création du Pds, les manœuvres politiciennes qui ont permis l’éviction de Babacar Ba, les indélicatesses avec les finances publiques, les reniements au gré des espèces sonnantes et trébuchantes…
On y lit un condensé du Sénégal d’hier à aujourd’hui. Ibou Fall a photographié le Sénégalais dont Senghor, en bon catholique bien éduqué, disait que son «destin est d’appartenir à l’élite mondiale, de rivaliser avec les meilleurs sur la planète». Sommes-nous encore dignes de ces mots ?
LES BONNES FEUILLES DU LIVRE D'IBOU FALL SUR SENGHOR
Sous la plume truculente et incisive de son talentueux auteur, le lecteur découvre des facettes inédites de celui qui a dirigé ce pays pendant 20 ans, avant de passer pacifiquement la main. Extraits
L’ouvrage que le journaliste Ibou Fall consacre à l’ancien président Senghor, paraît un peu plus de vingt ans après la disparition de ce dernier. Sous la plume truculente et incisive de son talentueux auteur, le lecteur découvre des facettes inédites de celui qui a dirigé ce pays pendant 20 ans, avant de passer pacifiquement la main. En hommage à ce que le pays aurait souhaité faire une «Année Senghor», mais que le Covid a plombé, Le Quotidien publie ici quelques extraits de l’ouvrage que son auteur présentera demain à la Fondation Léopold Sédar Senghor.
«Abdou Diouf et Jean Collin, le duo
Léopold Sédar Senghor renonce donc à ses charges de Président de la République du Sénégal. Ou plutôt, de cette République sénégalaise que son alchimie traîne tant à faire bourgeonner. Trente-cinq haletantes années et un article trente-cinq, il lui aura fallu.
L’aboutissement d’un processus dont le déclic capital est la modification du mode de succession par l’article 35 de la Constitution en décembre 1978. Un tour de passe-passe par lequel le Premier ministre succède au président de la République en terminant son mandat.
Senghor qui l’annonce à son successeur durant ses vacances de 1977 en Normandie, a déjà dans le viseur l’élection de 1978, pour un dernier magistère qui prend fin en 1983.
Il pense rendre les armes à mi-chemin, fin 1981
Le poète président ne jurerait pas la main sur une bible qu’Abdou Diouf pourrait se faire élire comme un grand pour lui succéder. Déjà, lorsqu’il s’agit de l’imposer à la tête de la coordination de l’Union progressiste sénégalaise, UPS, de Louga, il faut demander à Moustapha Cissé (parrain du tristement célèbre député Cissé Lô, « El Insultero ») de faire le ménage au point de dissoudre le conseil municipal que dirige Mansour Bouna Ndiaye…
Le longiligne Lougatois n’est pas le foudre de guerre, la bête politique capable de drainer les foules et embarquer les « barons » socialistes à sa suite. Les fortes têtes se voient mal, après le fascinant Senghor, accepter l’autorité d’un bien terne fonctionnaire : Amadou Cissé Dia, Alioune Badara Mbengue, Magatte Lô, Amadou Karim Gaye, Mady Cissokho, Lamine Diack.
On y compte aussi Caroline Faye, rare îlot féministe dans un océan de machisme, Adrien Senghor, l’influent neveu et, surtout, Babacar Bâ, mythique ministre des Finances dont la popularité dans le bassin arachidier et les milieux d’affaires bat tous les records. On le pressent à un moment comme l’héritier de Senghor, son successeur. Il faut à Jean Collin, marionnettiste hors-pair, des trésors d’ingéniosité pour l’écarter de la course à la succession, avec le concours d’Abdoulaye Diack, Ahmed Khalifa Niasse et… Abdoulaye Wade !
Oui, vous lisez bien : Maître Abdoulaye Wade, Laye Ndiombor, le futur ex-Pape du « Sopi »… Le premier congrès du PDS ne se tient pas innocemment à Kaolack. Un vieux compte à régler : en 1971, Abdoulaye Wade rêve tout haut du ministère des Finances, en remplacement de… Jean Collin. Senghor lui préfère Babacar Bâ.
Vous connaissez la suite
Abdou Diouf est un premier de la classe. Il fait ses devoirs et sait ses leçons, a l’échine souple, subodore le bon plaisir du maître, reste à sa place. Senghor voudrait bien qu’il fasse preuve de plus d’audace. Il n’en fera rien, à juste titre.
Ça fait longtemps que le poète président mise sur l’austère Abdou Diouf, longiligne administrateur des colonies sans aspérité, qu’il regarde avec un certain agacement de temps à autre : pas assez de caractère. Il n’en jette pas.
C’est paradoxalement cette congénitale « tare » qui en fait l’idéal successeur. Le pays que Senghor laisse derrière lui n’a pas besoin d’un aventurier fantaisiste qui en saperait les fondements en deux décrets audacieux sous le couvert d’un nationalisme de bon aloi.
Il se raconte qu’il est même question, pour booster sa popularité auprès des militants, de transférer les fonds politiques à la Primature. Diouf, alors Premier ministre et numéro deux du PS décline poliment l’offre. L’argent lui fait peur mais, surtout, il confie à un proche sur ce sujet : « Boûr dafa fîr (Un patron est toujours jaloux de sa cote d’amour)… Si c’est moi qui détiens les fonds politiques, les militants se mettront à me glorifier en oubliant Senghor dans leurs éloges ; le Président finira par en prendre ombrage et me limoger ».
Abdou Diouf se plie en huit, se fait plus que tout petit, et reste donc obstinément dans l’ombre de son patron. Au point que Senghor lui adresse un courrier teinté d’agacement : « Monsieur le Premier ministre, je constate qu’en dépit de mes instructions, vous persistez à toujours vouloir être derrière. Vous êtes le chef du Gouvernement de la République, donc vous devez être à côté du chef de l’État ».
La retenue d’Abdou Diouf, qui n’a de cesse de se faire oublier, est tout de même payante. Ce n’est pas de son côté qu’on guette les « coups d’État » ni même les coups d’éclats. Il est obéissant jusqu’au moindre détail, tant qu’on ne lui demande pas de jouer les hâbleurs.
Abdou Diouf n’est pas Mamadou Dia…
Le Lougatois est même plutôt prompt à se placer sous l’autorité des autres. Il se met d’ailleurs sous la protection de Jean Collin, habile manœuvrier, qui tire les ficelles des renseignements et du maintien de l’ordre depuis le ministère de l’Intérieur, à quelques jets de pierre du Palais présidentiel.
Ah, Jean-Baptiste Collin… Un Sénégalais pas comme les autres.
Né le 19 septembre 1924 à Paris, élève à Louis-le-Grand, ensuite formé sur les bancs de l’École nationale d’Administration de la France d’Outre-Mer, ENFOM, et à l’École des Langues orientales, il est parachuté au Cameroun où il sévit une décennie durant, au sein de l’administration coloniale. Puis il pose son baluchon au Sénégal à la fin des années quarante, à Diourbel plus précisément.
Nommé directeur de l’Information et de Radio-Dakar, il passe chef de cabinet du président du Conseil de Gouvernement, Mamadou Dia.
Résolument plus sénégalais que les Sénégalais ordinaires, Jean Collin est, entre autres, le rédacteur du fameux discours de Maître Valdiodio Ndiaye face à De Gaulle le 26 août 1958.
Pire, il passe outre les consignes de l’UPS, et vote « Non » lors du référendum de septembre 1958 qui vise à instaurer la Communauté franco-africaine. Il est même viré pour cette frasque et se retrouve gouverneur du Cap-Vert avant son come-back dans le gouvernement de Mamadou Dia, comme secrétaire général.
On le soupçonne d’être un communiste viscéral. Personne ne pourra jamais le prouver. Jean Collin est presque de la maison Senghor, lui qui épouse, en premières noces, Adèle Senghor, une nièce du Président et rêve un moment de lui succéder. Jusqu’à ce que l’évidence lui saute aux yeux : avec sa couleur de peau, lui, le « Sénégalais d’ethnie toubab » ne serait jamais élu. Il jette alors son dévolu sur le très conciliant Abdou Diouf, lequel voue une sorte de vénération à son aîné de l’ENFOM…
Abdou Diouf est l’exécutant obéissant qui ne se permet même pas en rêve de foucade sécessionniste contre la Françafrique. Il assimile la leçon en bas âge. Surgi de son ténébreux Louga natal, Saint-Louisien d’adoption, il tient tant à s’extirper de la fange indigène qu’il passe le bac quasiment sur son lit d’hôpital.
À l’École d’Administration de la France d’Outre-Mer, ça apprend à toiser la négraille avec quelque commisération, à mâter les récalcitrants et à deviner la direction des intérêts de la Métropole. Léopold Sédar Senghor y enseigne, Abdou Diouf y apprend, c’est même un premier de la classe. De ces monstres froids, fayots appliqués, ces cocktails de complexes, peu sûrs d’eux, larbins studieux, sans âme, inquiets de la moindre désapprobation des profs, à l’écoute des soupirs du maître, égocentriques oublieux, qui ne se retournent pas sur ceux qui les propulsent vers les sommets, détruisant sans un frisson de miséricorde tout ce qui fait salissure sur leur habit de lumière.
C’est après huit années d’hésitations qu’en 1970 Senghor se résout à créer le poste de Premier ministre, qu’il accompagne de son néologisme, la Primature.
Il n’est plus question de bicéphalisme depuis l’affaire Mamadou Dia. Le p’tit gars de Joal règne en maître absolu. Il ne peut composer qu’avec un collaborateur obéissant au doigt et à l’œil. L’administrateur de colonie Abdou Diouf n’a pas un poil de sourcil plus haut que l’autre. Il se fond idéalement dans le moule.
Le député kaki (…) Ah, Senghor et Dia…
Leur première rencontre commence mal. Escale à Fatick de Léopold Sédar Senghor, candidat à la députation en 1945. Mamadou Dia, directeur d’école hyperactif, se charge de lui parler au nom des populations qui l’accueillent sur la place du marché. Il ne cherche pas ses mots : « Je ne comprends pas que vous, jeune agrégé, au lieu de vous soucier de prendre la direction de l’enseignement en Afrique, vous vous préoccupiez d’avoir un mandat politique »…
Le candidat Senghor, diplomate, déjà fin politique, se fait également pédagogue face à l’impétueux directeur d’école : « Je comprends votre point de vue ; mais vous avez tort, parce que la politique, aussi, peut changer les mœurs, introduire un nouveau souffle ».
Le ton est donné ?
Amadou Moustapha Dia, né à Khombole le 10 juillet 1910, dans l’aride Baol, fils de policier ayant perdu la vie dans l’exercice de ses fonctions, est un premier de la classe. En 1927, au concours d’entrée à l’École Normale William Ponty de Gorée, il est le major de toute l’AOF. Très vite, il gravit les échelons d’enseignant, à Saint-Louis puis Fissel, avant de devenir directeur d’école à Fatick.
Mamadou Dia considère, en ce temps-là, la politique comme une activité avilissante, indigne du pieux musulman, de l’honnête homme, du pédagogue passionné de paysannat qu’il est… Jusqu’au jour où les notables de Fatick viennent le rencontrer en délégation.
Il est question de constituer une Assemblée territoriale : ils veulent que Mamadou Dia représente Fatick. En un mot comme en cent, qu’il entre en politique… Ils se chargent de le faire inscrire sur la liste SFIO, au moyen du parrainage de « Djaraaf » Ibrahima Seydou Ndaw et… Léopold Sédar Senghor. Il s’y plie en se bouchant le nez : il est en fin de compte l’un des douze élus du Sine-Saloum, parmi les cinquante membres du Grand Conseil de l’AOF. C’est son premier pas dans ce monde qu’il considère comme glauque.
Enfin, pas vraiment : avant ça, il publie déjà des textes subversifs sur la misère paysanne dans les journaux de l’époque, propose les coopératives comme solutions à l’économie rurale… Il tient une chronique, « Le Carnet du Pétitionnaire », dans Le Réveil du Rassemblement Démocratique Africain d’Houphouët ou bien, parfois, ses coups de sang giclent dans L’AOF de la SFIO.
Ce n’est pas exactement de la politique politicienne mais son engagement préfigure au moins une carrière de redresseur de torts. Senghor le lit régulièrement. Quand le député vient en tournée au Sénégal, il fait escale à Fatick. Lui et Mamadou Dia se parlent désormais beaucoup ; ils se voient aussi à Dakar. Et, durant les réunions de la SFIO, face aux obligés de Lamine Guèye, Mamadou Dia défend les positions de Senghor avec abnégation, même en son absence ; il devient son inconditionnel, son poulain, son complice ; ils s’écrivent aussi quand Senghor est en France…
La SFIO, tenue sous couple réglée par Lamine Coura, ne fait pas vraiment de la place à Senghor qui s’y sent à l’étroit. Sa voix dans les instances de la SFIO est inaudible, celle du défenseur de la paysannerie, des masses, des « petites patries » contre l’assimilation, la gabegie et le favoritisme des élites…
Un incident supplémentaire vient émailler la coexistence devenue difficile entre Senghor et Lamine Guèye intervient au moment de désigner un représentant du Sénégal à l’Assemblée de l’Union française.
Senghor propose son « poulain » Mamadou Dia ; Lamine Guèye impose Djim Momar Guèye, Kaolackois plein d’urbanités, expert-comptable, alors à la tête du Parti des Travaillistes indépendants, créé après son exclusion de la SFIO en 1946…
Sauf que Senghor n’est pas homme à renoncer, en dépit des apparences. Il tient à faire venir Mamadou Dia à Paris ; c’est son homme de confiance, il a besoin de son bagout, sa fougue, de faire entendre sa voix et sa vision à l’Assemblée de l’Union française, surtout sur les questions économiques… Il fait finalement passer un mode de scrutin à la proportionnelle pour que Mamadou Dia remporte en novembre 1948 le troisième siège destiné à l’AOF, celui de Conseiller Général de l’Union française, et devienne Grand Conseiller, basé à Paris.
S’ils s’entendent si bien, Senghor et Dia, au fond, c’est bien parce qu’ils ont un ennemi en commun : les féodalités de l’époque, contre lesquelles ils bataillent afin d’implanter le BDS dans tout le Sénégal. Les commandants de cercle, les chefs de canton, l’élite bourgeoise des Quatre Communes dont Maître Lamine Guèye est le Commandeur.
Senghor et ses acolytes forment le « parti des Badolos », des sans-culottes, si vous préférez, où affluent marabouts et talibés, paysans, ouvriers, instituteurs, petits commerçants et affairistes, artisans, agents intermédiaires…
Ils sont les indigènes que les Français regardent de haut. Le Sérère et le Toucouleur – ah, ces ruraux ! – que la société honorable wolofe examine comme une paire de bêtes curieuses, avec condescendance.
Le « député kaki » catholique, court sur pattes et à l’accent exotique, ne peut pas peser lourd face à l’altier Maître Lamine Coura Guèye, le dandy, citadin Saint-Louisien et Maire de Dakar, érudit de l’islam, docteur en droit, qui, de surcroît, quelque temps avant, lui met le pied à l’étrier…
Au fond, c’est la guerre du métissage qui est lancée : celui, rêvé par Maître Lamine Guèye qui tend à fondre tout ce beau monde de l’Outre-Mer dans la même catégorie de Français. Même nationalité, mêmes références, mêmes devoirs, mêmes droits et, à terme, même teint basané…
Le parfait assimilé.
Senghor imagine l’Universel autrement : l’identité de chacun acceptée dans son intégrité, avec, dans un foisonnement de différences, les accents, les croyances, les superstitions, les cultures et leurs « forces émotionnelles » pour s’accorder dans une symphonie de l’Humain.
« Assimiler mais ne pas être assimilé », précise-t-il au besoin.
Ironie de l’Histoire ? C’est la loi Lamine Guèye, promulguée le 1er juin 1946, qui fournit à Senghor la base électorale suffisante pour renverser son ex-mentor. Lorsque les législatives arrivent en 1951, les tranchées sont creusées entre deux visions du Monde Noir : Senghor face à Lamine Guèye, c’est le pays profond contre les villes de la Côte ouest, le rural contre le citadin, le rebelle face à l’obligé, l’authentique contre le déraciné, le Wolof contre les autres…
L’électeur doit choisir entre l’humble ou le mondain. Maître Lamine Guèye fait le beau dans les Quatre Communes ; Léopold Sédar Senghor laboure le pays profond. Il commence par rencontrer les chefs religieux, Serigne Fallou Mbacké et Serigne Ababacar Sy, sensibles à cette marque de considération que ne leur manifeste pas vraiment Lamine Guèye, musulman comme eux.
Anecdote qui est un classique dans l’univers mouride : lorsque Senghor rencontre Serigne Fallou, entre autres promesses de campagne, il s’engage à aider à l’achèvement des travaux de la mosquée de Touba. Et au moment où il prend congé de son hôte, Serigne Fallou, dans la pure tradition de chez nous, lui tend une liasse de billets en guise de frais de transport. Senghor le remercie, rajoute un billet symboliquement et retourne la liasse à Serigne Fallou en lui demandant de considérer cela comme un acompte, une obole pour la grande mosquée, en attendant qu’il soit en position de faire plus…
Lamine Guèye, lors de son escale à Touba en fin de campagne, quand Serigne Fallou lui tend une liasse au sortir de sa visite, la met machinalement dans sa poche en le remerciant.
Une différence de postures des deux candidats que le dignitaire mouride arbitre en faveur de Senghor, qui fait alors montre d’une plus grande perspicacité des codes de conduite de la société rurale… C’est une des raisons pour lesquelles la campagne de stigmatisation de Senghor par les militants de la SFIO, qui pointent du doigt sa foi chrétienne, sera de nul effet. Senghor, le Sérère catholique, est, malgré tout, des leurs… (…)
Enfin, la République du Sénégal
Une autre histoire commence, celle du face-à-face entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia. Apparemment, ils sont complices. Mais la République du Sénégal est bicéphale. Un président de la République élu le 05 septembre 1960 par un collège électoral, sérère du Sine et catholique ; un chef de l’Exécutif venu du Baol, musulman, investi deux jours plus tard par l’Assemblée nationale.
Senghor, c’est secret de polichinelle, est ce chantre du métissage, poète balloté entre l’animisme originel et le catholicisme, esthète tourné vers l’Occident judéo-chrétien, la culture hellène, la France de la raison discursive, de la méthode et de l’organisation. Le regard qu’il porte sur « son » Sénégalais, n’est pas très optimiste : hédoniste peu travailleur, vaniteux que l’éthique n’étouffe pas. Il lui faut « amender son être », vaste programme n’est-ce pas, et son métissage avec la culture francophone est la clé majeure qui lui ouvre les portes de la citoyenneté universelle. Là, pas de doute, il y a du boulot.
Pour l’économiste Mamadou Dia, mutant surgi de son rude Baol, profondément musulman, « son » peuple sénégalais, est intègre, travailleur, austère jusqu’à l’ascétisme, socialisant, autogestionnaire, autocentré, ancré dans les valeurs islamiques, plutôt tourné vers l’Orient et le monde arabe. Enfin, il doit l’être, et c’est un impératif catégorique… En effet, ça ne rigole pas. (…)
Retour aux affaires sénégalo-sénégalaises.
On en est à la distribution des tâches, pour ne pas dire le partage du pouvoir, entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia.
Le président de la République est quasiment dans la représentation, surtout à l’étranger, tandis que le président du Conseil de Gouvernement… gouverne, selon les directives de l’Union progressiste sénégalaise.
L’UPS décide et le gouvernement s’exécute.
Senghor, le… poète président, semble trop aérien, lui qui voit une Afrique unie, un espace francophone homogène, du métissage en veux-tu, en voilà, une civilisation universelle…
On jurerait des utopies.
Justement, à l’étranger, ça préfère parler à celui qui gouverne. Surtout qu’avec Mamadou Dia, ça papote économie, programme, coopération. Des sujets aussi rébarbatifs que sérieux.
Heureux hasard, le président du Conseil tient à desserrer l’étau de l’ancienne métropole en multipliant les partenaires, d’Ouest en Est et du Nord au Sud… La posture des non-alignés lui parle, les expériences communistes ou socialistes l’inspirent : il visite la Yougoslavie, l’URSS et rentre, des étoiles plein les yeux.
Ce qu’en pensent Paris et les autres puissances occidentales ? Il n’en a rien à battre. Senghor ? Euh, il n’en dit rien mais n’en pense pas moins. Finalement, il se tourne les pouces, quand il n’enregistre pas les récriminations des parrains de l’Ouest, comprenez Paris et le monde occidental, et des milieux d’affaires que les options de Mamadou Dia, le socialiste autogestionnaire, inquiètent prodigieusement.
Si en plus, Mamadou Dia se lance dans des projets du genre, Air Afrique ou Banque africaine de Développement pour accentuer l’autonomie de l’Afrique vis-à-vis des anciennes puissances coloniales, le vase a tendance à déborder…
Au plan local, la guerre déclarée à « l’économie de traite » qui fait leur fortune, ses coopératives, son animation rurale, ses appels à l’austérité hérissent du beau monde. Les « capitalistes » ne l’aiment pas et, ça tombe bien, lui non plus ne les porte pas en grande estime.
Il y a aussi ceux qu’il considère comme des féodaux qui exploitent éhontément la naïveté des paysans, les marabouts, pour les nommer, qui s’inquiètent.
Le président du Conseil ne les aime pas vraiment et ne s’en cache pas. Son ambition est de réduire leur influence à sa plus simple expression… Son programme scolaire, qui insiste sur l’éducation islamique et l’enseignement de l’arabe, est, malgré les apparences, une vraie offensive contre les religieux.
S’y ajoutent les coopératives paysannes : les jours sont comptés pour l’insupportable « tôl’ou alarba », comprenez l’offrande des disciples au maître d’école coranique via des travaux champêtres volontaires le mercredi.
Signe des temps, sa rencontre avec Henri-Charles Gallenca, patron de la Cotonnière de l’Afrique de l’Ouest, COTOA, et président de la Chambre de Commerce de Dakar, surnommé alors « le Maître du Sénégal » n’est pas un grand moment de fraternité.
Les « affairistes » privilégiés du pouvoir colonial auxquels il ajoute les intermédiaires libano-syriens et les indigènes collaborationnistes, sont dans son collimateur. (…)
Mamadou Dia n’a pas peur de se faire des ennemis. À ce moment précis, il revient plutôt à ses ennemis d’être inquiets. On le dit bouillant, impulsif et inflexible. On le surnomme même « Mamadou Premier », c’est vous dire…
C’est, bien sûr, sur son dos qu’on met l’interdiction du Parti africain de l’Indépendance de Majmouth Diop qui, lors des municipales de 1960, à Saint-Louis, fusil au poing, s’insurge avec ses camarades, pour exiger l’indépendance, entre autres, la vraie.
À l’UPS, quelques pontes du régime préfèrent Senghor à Dia, plus accommodant. Même si les instances du Parti accordent le blanc-seing au président du Conseil, en coulisses, il y en a qui grommellent. On se serre la ceinture depuis trop longtemps. Maintenant qu’on a pris la place du Blanc, faudrait peut-être la desserrer, non ?
Ben lui, il fait bloquer les salaires des députés, des ministres et des fonctionnaires sous prétexte de donner le bon exemple au peuple. L’amour de la patrie vaut bien quelques sacrifices, n’est-ce pas ? Ce n’est pas pour rien qu’il snobe les quartiers résidentiels du Plateau ou Fann résidence, pour crécher en pleine Médina, au milieu du bon gros peuple…
Problème : les soutiens du genre Abdoulaye Ly, Mahtar Mbow, Diaraf Diouf, qui forment alors une aile gauche radicale favorable à son option, son style, ne sont plus dans le Parti depuis l’intention annoncée de voter « Oui » à la Communauté avec la France. Il y a, certes, de jeunes pousses qui montent en puissance dans l’administration, du style Babacar Bâ ou Abdou Diouf, mais ce ne sont là pour l’heure que des exécutants appliqués.
Ses relations avec Senghor se sont beaucoup distendues depuis quelque temps. Ils ne se voient plus régulièrement. Ne se parlent plus vraiment, ne partagent plus la popote en bonne et franche camaraderie. Chacun est occupé à remplir ses fonctions, c’est vrai. Il y a cependant une fêlure qui s’est silencieusement agrandie, depuis le tête-à-tête de Gonneville-sur-Mer en 1958, au cours duquel ils ont lâché le « Oui, mais ».
Autour de Mamadou Dia, il y a quelques camarades que Senghor n’aime pas trop et qui le lui rendent bien. Par exemple, Valdiodio Ndiaye, le « bété-bété » du Saloum, avocat fortuné, la ramène un peu trop à son goût. Joseph Mbaye, dont la tête ne lui revient pas. Et puis, surtout, il y a l’insupportable Obèye Diop, dont la finesse d’esprit et le talent écrasent Pierre Senghor, son frère établi à Bambey, qui s’y sent à l’étroit… On n’a pas idée !
Il y a aussi qu’on est en plein état d’urgence depuis l’affaire malienne. Les libertés sont restreintes : la presse est censurée, le citoyen ordinaire prié de se tenir à carreau. La guerre est déclarée à l’alcoolisme, à la prostitution, de même qu’au gaspillage durant les cérémonies familiales, tandis qu’un projet de Code de la Famille basé sur la Charia est en gestation. Des bars sont fermés, et il arrive que la police interpelle les jeunes filles dont les jupes sont jugées trop courtes pour être innocentes.
C’est ce que Mamadou Dia appelle remplacer la société coloniale par une société libre… Et comme un pied-de-nez à ceux qui l’accusent d’islamisme radical, il confie la responsabilité de la conduite de son plan de développement au… Père Lebret, un Dominicain.
On s’y perd pour bien moins que ça…
(…)
LE TRAIN EN ROUTE, LES TARIFS SONT ENTRE 500 FRANCS ET 1500 FRANCS
Le Train express régional (Ter), qui sera inauguré le 27 décembre, va apporter beaucoup de changements dans la mobilité des populations jusqu’ici habituées pour la plupart d’entre elles à emprunter la voiture comme moyen de locomotion
La mise en circulation du Train express régional (Ter), le 27 décembre, mettra fin à de nombreuses années d’attente. Ce train empruntera un itinéraire de 36 km, de Dakar à Diamniadio, et transportera 115 mille voyageurs par jour avec des tarifs compris entre 500 et 1500 francs.
Le Train express régional (Ter), qui sera inauguré le 27 décembre, va apporter beaucoup de changements dans la mobilité des populations jusqu’ici habituées pour la plupart d’entre elles à emprunter la voiture comme moyen de locomotion. Ce bijou va desservir sur un trajet de quelque 36 km, les usagers allant de la gare de Dakar à celle de Diamniadio.
Le tarif pour chaque tronçon est fixé à 500 francs alors que le voyageur, désireux de faire l’itinéraire Dakar-Diamniadio, serait amené à débourser 1500 francs. Là où celui qui voudrait voyager en première classe paiera 2500 francs.
Un nombre de 115 mille voyageurs par jour devrait être transporté par le Ter. Déjà avant sa mise en circulation, il est à noter l’effectivité du transfert de compétences avec plus de 97% des postes occupés par quelque 950 employés directs sénégalais. Plus de 2000 autres personnes seront employées pour les activités connexes du Ter.
Les services chargés de l’exploitation du Ter annoncent aussi une desserte non-stop avec un train toutes les 10 minutes, de 5h 30 à 20h, et un autre toutes les 20 minutes, jusqu’à 22h. Durant les journées de dimanche, la même fréquence de rotation de trains sera en vigueur. Pour la sécurité, un nombre de 260 gendarmes sera mobilisé.
Les populations auront le temps de découvrir le Ter puisque la Seter (Société d’exploitation du Ter) a prévu d’accorder 15 jours de visite gratuite aux personnes vivant à proximité de l’itinéraire du Ter. Ce, avant la mise en exploitation du bijou.
On fait état aussi de la mise en place d’un programme Sargal (Ndlr : Bienvenue) dont le but est de permettre aux élèves des écoles des zones desservies par le Ter, les associations de femmes, de jeunes, des individus qui se sont inscrits en masse au niveau des différentes gares, de pouvoir voyager gratuitement à bord du Ter, pendant 15 jours, pour le découvrir et se l’approprier.
INFANTINO SOUHAITE UN REPORT DE LA CAN, L’AFRIQUE RÉSISTERA-T-ELLE ?
Réuni à Doha, le comité exécutif de la CAF fait face aux pressions du président de la FIFA, Gianni Infantino, favorable au report de la prochaine CAN. Décryptage
Va-t-on vers un énième glissement de la CAN au Cameroun ? Programmé du 9 janvier au 6 février 2022, le tournoi continental est au centre des attentions du comité exécutif de la Confédération africaine de football. Réuni ce dimanche après-midi à Doha, et par visioconférence pour ses membres non présents au Qatar, l’organe dirigeant de la CAF a écouté les rapports sur l’avancement des derniers travaux et la situation sanitaire dans le pays hôte, sur fond de pressions des clubs européens à ce sujet.
Un facteur X nommé Infantino
Mais le véritable facteur X est ailleurs et se nomme Gianni Infantino. Présent dans la capitale qatarie à l’occasion de la Coupe Arabe, terminée samedi par la victoire de l’Algérie, le président de la FIFA a fait savoir qu’il était favorable à un report de la CAN. Porteur du projet d’une Coupe du monde biennale, l’Italo-Suisse va défendre sa position ce lundi, lors d’une réunion virtuelle avec ses 211 Fédérations, précédemment consultées sur le sujet. Une nouvelle architecture du calendrier qui serait davantage compatible avec le passage à une CAN tous les quatre ans, déjà défendu par Infantino. Le souhait de reporter l’édition à venir s’inscrit dans ce contexte : on passerait d’une 32e édition jouée en 2019 en Egypte à une 33e en 2023, si toutefois le calendrier le permet.
Pour Imam Mahmoud Dicko, la faillite de nos Etats, qui s’explique par la l’incurie de nos gouvernants, explique le comportement des jeunes djihadistes qui sont en train de semer la terreur dans le Sahel. Le religieux malien a profité de son séjour dans la capitale sénégalaise, du 16 au 17 décembre 2021, dans le cadre d’un forum sur la recherche de la paix en Afrique de l’Ouest, pour accorder une interview à Alassane Samba Diop, dans son émission Questions directes sur Itv.
Quel est l’objectif de la rencontre qui a motivé votre présence à Dakar ?
La rencontre est initiée par le Bureau des Nations unies à Dakar. L’objectif est de rassembler les légitimités religieuses et traditionnelles pour voir comment est-ce qu’on peut contribuer à la restauration de la paix dans notre sous-région.
Selon vous, pourquoi cette recherche de paix dans la sous-région est un peu difficile ?
Il faut dire qu’aujourd’hui la paix est une denrée rare dans le monde. Il n’est pas facile de la restaurer. Il est plus facile de restaurer le désordre que l’ordre. Ce qui fait que la paix est devenue rare. C’est vrai, il y a des tentatives de restauration de cette paix ici et là. Les pays voisins, ceux de la sous-région, ceux amis, la communauté internationale, chacun de son côté essaie de faire quelque. Mais nous espérons qu’avec toutes ces initiatives, le Mali parviendra, Insha’Allah, à une paix durable.
Vous faites partie des rares personnalités qui savent expliquer aux djihadistes ce qui passe. Comment comptez-vous aider le Mali, le Sahel d’une manière générale, à y faire face ?
Au début de cette situation, nous avons demandé de nous laisser parler avec ces jeunes gens. Ils ne sont pas des extraterrestres. Ce sont des hommes dotés de raison. Ce sont des gens qui n’étaient pas comme ça. Ce sont d’autres qui ont eu le temps de leur faire un lavage de cerveau, si je peux m’exprimer ainsi. Pourquoi vous pensez que si on leur parle, ils ne vont pas changer ? Il faut nous laisser parler avec eux, les sensibiliser. C’est notre jeunesse. Ils sont nos enfants. Quelque part, la faute nous incombe, nous parents. Parce que ce sont des enfants qui n’ont pas eu l’encadrement qu’il fallait. Certainement, ils n’ont pas eu l’éducation qu’il fallait. Il y a beaucoup de choses qui peuvent expliquer leur comportement. Ce n’est pas une façon de se justifier. Mais d’expliquer, qu’aujourd’hui, il faudrait que l’on se mette dans la tête que ce sont nos enfants. Autant ils sont en train de traverser le Sahara pour prendre des bateaux et mourir dans la Méditerranée parce que tout simplement ils se désespèrent des situations, et que nos gouvernants ne parviennent pas à les encadrer comme il le faut. Autant, des vendeurs d’illusions, qui viennent de n’importe où, et qui leur tendent la main, les poussant à tenter de les suivre. C’est à nous de comprendre la désillusion de ces jeunes et d’essayer de trouver des solutions à cela. Mais ne pas échanger avec eux n’est pas une bonne solution. Il y a beaucoup parmi ces jeunes qui sont des innocents et qui sont souvent victimes de manipulations. Il faudrait vraiment essayer de repêcher ces jeunes.
Les États ont privilégié la sécurité militaire, est-ce que c’est la solution, ou bien, il y a d’autres voies de paix ?
Il faut parler à ces jeunes au lieu de penser seulement à l’aspect sécurité, militaire, comme la seule solution. Même si on ne peut pas ne pas parler de sécurité parce qu’ils ne viennent pas les mains vides, mais avec des armes. Et, il est vrai qu’il faut combattre par les armes. Mais, il n’y a pas que ce ça. L’arme elle-même n’est rien. C’est la tête qui fait parler l’arme. Et cette tête-là, si vous la faites changer, l’utilisation que l’on va en faire va changer. C’est pourquoi nous pensons que le tout sécuritaire n’est pas la solution. Il faudrait voir comment est-ce que l’on pourrait trouver une solution pour orienter, encadrer et parler à nos enfants. Il fait regretter que des gens achètent des armes pour aller tirer sur des enfants qui sont les nôtres. Il faut reconnaître que nous avons une part de responsabilité dans ce qui se passe dans notre pays. Je l’ai dit à propos de Boko Haram. On doit se poser des questions : C’est dire que nous-mêmes, nous mettons au monde des enfants qui deviennent des monstres, qui n’écoutent personnes, qui sont là en train de nous tuer. Donc, il y a lieu de se poser des questions. Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi nos enfants sont devenus des monstres qui ne sont sensibles à rien ?
Est-ce que c’est la faillite de l’éducation ?
Mais bien sûr que oui ! La faillite, pas seulement de l’éducation, mais celle généralisée de nos États. C’est la faillite de notre gouvernance qui explique énormément de choses. Ce n’est pas une raison de charger nos gouvernants, mais ce sont eux qui ont la charge de gérer nos pays : l’éducation, la santé, l’encadrement, l’environnement… Aujourd’hui, ce que nous vivons, c’est la faillite de l’élite qui explique la faillite de nos États.
Le président Macron qui devait venir au Mali le 20 décembre, 2021 a dû renoncer à son voyage. Les autorités maliennes ont posé certaines conditions. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Je ne peux rien dire par rapport à cela parce que je viens de l’apprendre avec vous. Je n’ai aucune idée ni aucune information sur cette information. Je préfère ne pas en parler.
Vous avez parlé de la faillite de nos Etats. Et la corruption ?
C’est cette faillite qui fait que nous assistons à la corruption à ciel ouvert. Nos administrations ne parviennent plus à gérer les choses de manière orthodoxe. Donc, le comportement des jeunes peut s’expliquer de cette manière. On a aussi l’évolution de ce monde. Il y a des bouleversements. Le monde s’apprête à aller vers un nouvel ordre. Il faut prier pour qu’il n’entraîne pas un certain désordre. Il faut se rendre à l’évidence et se préparer à ces changements. Toutes les idéologies que les hommes ont eu à expérimenter ont montré leurs limites. Il n’y a plus de communisme, de libéralisme ou de capitalisme. Tout ce qui est « isme » là, c’est fini ! Même l’islamisme, les gens l’ont expérimenté, mais il y a problème. Donc, aujourd’hui il faut réinventer la gestion de nos affaires.
Le réseau ouest-africain Wanetam dont l’objectif est de renforcer les capacités régionales, nationales et institutionnelles en matière de recherche clinique a procédé hier à Diamniadio au lancement de sa troisième phase. Les impératifs sanitaires de l’heure confirment pour ses membres la nécessité de « réussir le pari de la recherche participative ».
La ville nouvelle de Diamniadio est sur le point de devenir une étape obligée pour les acteurs de la recherche scientifique. Après le sommet régional de haut niveau sur le VIH, puis le Forum de coopération sino-africain (Focac) où les questions liées à la santé ont pris une place importante, sans oublier le Prix Galien Afrique, c’est le réseau ouest-africain de recherche sur la tuberculose, le Sida et le Paludisme (Wanetam) qui a posé ses valises pour deux jours dans ce nouveau pôle urbain. Il faut souligner que Wanetam est piloté depuis sa création en 2009 par le Pr Souleymane Mboup en tant que coordonnateur du réseau et par ailleurs, président de l’Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef). C’est donc dans les murs de son institut de Diamniadio que l’éminent professeur a lancé hier avec ses collègues, la troisième phase de développement de ce réseau qui regroupe à l’heure actuelle quasiment tous les pays de la sous-région (12 au total). Vingt-cinq (25) institutions sous-régionales y sont représentées, appuyées par 5 institutions de 4 pays européens. La genèse la mise sur pied du réseau remonte d’ailleurs au 16 juin 2003 lorsque les pays de l’Union européenne ont initié l’instauration du partenariat des pays européens et en développement sur les essais cliniques (EDCTP) par le biais d’un vote du Parlement européen et du Conseil de l’Europe.
Après le succès des deux premières phases, les bailleurs essentiellement européens ont décidé de doter la troisième d’un financement de 4,5 millions d’euros,soit près de trois milliards de francs Cfa sur une durée de trois ans. Parmi les résultats obtenus au cours des deux précédentes phases, le Pr Souleymane Mboup a évoqué notamment « l’accréditation de laboratoires aux normes ISO 15189, l’octroi de financements à des postdoc pour la mise en place et la conduite de microprojets de recherche ou encore l’encadrement de doctorants et de masters ».
Selon le codécouvreur du VIH-2, les analyses des différents problèmes relatifs à l’accès des chercheurs des pays en développement à la connaissance scientifique révèlent deux types d’obstacles à savoir « ceux qui sont inhérents aux processus de la recherche qui ont des effets inhibiteurs particuliers sur les chercheurs des pays en développement et ceux qui sont liés au cadre institutionnel de ces pays, principalement l’insuffisance des ressources allouées à la recherche ». Ce contexte économique se conjugue au fait que 6 des principales causes de mortalité dans les pays à faible revenu soient encore des maladies transmissibles à l’instar du paludisme, la tuberculose et le VIH. Dans ce sens, l’EDCTP entend par le biais de ce type de réseau accélérer le développement clinique de nouveaux outils de diagnostic, de médicaments, de vaccins et de microbicides contre ces trois maladies, mais aussi des études sur les maladies infectieuses négligées (NIDs) et les maladies émergentes et ré-émergentes telles que le SARS COV-2 ou Ebola.
LA PHARMACIE REGIONALE D’APPROVISIONNEMENT DE SAINT-LOUIS RENOVEE
Dans le cadre du projet Global health supply chain-technical Assistance (GHSC-TA) financé par le partenaire américain l’USAID, la Pharmacie régionale d’approvisionnement (PRA) de Saint-Louis a été rénovée et équipée pour permettre une meilleure conservation des produits pharmaceutiques sensibles à la chaleur, annonce un communiqué de l’Ambassade des Etats-Unis au Sénégal.
Ce projet réalisé en un temps record vise à accroitre la capacité de stockage de l’entrepôt du PRA de Saint-Louis qui est maintenant doté de planchés d’entrepôts recouverts de résine époxy pour permettre une meilleure circulation des transpalettes et des chariots et d’un espace pour mieux conserver les produits et renforcer la qualité des services.
Au cours de la cérémonie officielle d’inauguration de la nouvelle PRA de Saint-Louis à laquelle a pris part la directrice de la Pharmacie nationale d’approvisionnement le Dr Annette Seck Ndiaye, le directeur de l’USAID Sénégal a rappelé la collaboration entre la PNA et l’USAID qui a permis de rénover deux autres PRA à Fatick et à Diourbel et qui ont couté environ 985 millions de F Cfa.
Jusqu’ici, l’USAID a fourni 2,6 milliards de F Cfa sur 4 ans de 2017 à 2021 pour renforcer les systèmes de la chaîne d’approvisionnement sénégalaise et assurer l’accès en temps opportun à des produits de qualité. L’agence de développement international œuvre aux côtés du ministère de la Santé et de l’action sociale depuis plus de 60 ans et reste l’une des plus grandes pourvoyeuses de ressources pour le secteur de la santé au Sénégal avec une contribution annuel de plus de 60 millions de dollars.
PAR GERVAIS MOUSSONGO
GUINÉE, LE CNRD ENTRE PROMESSES DE RUPTURE, PERSPECTIVE ET CHALLENGE
Le peuple guinéen place des espoirs importants sur ce nouveau gouvernement, mis en place par le CNRD, dirigé par le colonel Mamady Doumbouya, qui a promis une rupture par rapport aux anciennes pratiques politiciennes
La date du 05 septembre 2021 restera dans les annales de l’histoire de la République de Guinée. Ce jour fut marqué par le renversement du régime d’Alpha Condé – au pouvoir depuis décembre 2010 -, par le colonel Mamady Doumbouya. Un coup d’état largement condamné par la communauté internationale, qui d’ailleurs met la pression sur l’actuel président de la transition pour le retour à l’ordre constitutionnel. Le peuple guinéen place des espoirs importants sur ce nouveau gouvernement, mis en place par le CNRD, dirigé par le colonel Mamady Doumbouya, qui a promis une rupture par rapport aux anciennes pratiques politiciennes. Il souhaite également remettre les populations guinéennes au centre des préoccupations politiques. 100 jours après l’arrivée au pouvoir du CNRD, quel bilan pouvons-nous tirer (même s’il est tôt) ? Quelles sont les perspectives pour ce pays si stratégique ?
Si la nouvelle de la prise de pouvoir par une junte militaire a été accueillie avec scepticisme, l’inquiétude demeure, notamment à cause des souvenirs encore présents du passage de la dernière junte militaire au pouvoir à Conakry (Décembre 2008 à Décembre 2010). Mais très vite, au gré des déclarations, l’inquiétude et la peur ont laissé place à l’euphorie. D’ailleurs, après le coup d’état, on a assisté à des scènes de liesse à Conakry, la capitale guinéenne. Une partie importante de la jeunesse se réjouissait de la chute d’Alpha CONDÉ. De l’espoir pour la jeunesse guinéenne, qui a vécu en 11 ans de gouvernance du Prof Alpha Condé, des périodes ponctuées par des crises socio-politiques, des violences, la dégradation du tissu social, l’instrumentalisation ethnique… La crise de la COVID-19 est venue exacerber les difficultés économiques, plongeant ainsi la majeure partie de la population dans une grande précarité.
Le peuple guinéen nourrit beaucoup d’espoir en ce nouveau régime, qui promet une rupture totale avec les anciennes pratiques politiciennes. Comme le veut la tradition, après 100 jours d’exercice du pouvoir suprême, nous allons marquer un temps d’arrêt, afin de revenir sur les actions entreprises par le nouveau régime, examiner ses orientations sociales, politiques, économiques ou encore diplomatiques. Nous allons nous pencher sur les indicateurs qui permettent d’analyser le contexte et la situation, tout en mettant en exergue les défis qui pointent à l’horizon. Le but ici est de contribuer à aider ce gouvernement, à travers des idées et des pistes d’action. La Guinée est à la croisée de plusieurs chemins, dans un environnement où les dirigeants devront se tenir prêts à faire face aux rapports de force et à d’éventuelles guerres hybrides. La gouvernance d’un Etat n’est pas un long fleuve tranquille.
Démarche d’apaisement et de rupture
Les nouvelles autorités ont multiplié les gestes et décisions symboliques allant dans le sens de l’apaisement, de la réconciliation, de la décrispation sociale ; une façon de recoudre en quelque sorte le tissu social, malmené ces dernières années par les régimes antérieurs. (Libération des prisonniers politiques, retours des exilés, visites des cimetières de Bambeto, consultations populaires, visites des tombes et familles des anciens présidents, baisse du prix du carburant, restitution des biens et droits des anciens présidents, mise en application des textes et dispositions relatifs au départ en retraite des cadres de l’État).
Sur le plan de la gouvernance, le pouvoir en place a présenté sa charte de transition, nommé un Premier ministre et un gouvernement de transition, créé une juridiction d’exception pour juger les crimes économiques… Si toutes ces actions sont à saluer, il reste tout de même quelques interrogations sur la durée de la transition, l’absence de communication concernant les mécanismes le calendrier des réformes structurelles, le retard sur la mise en place du Conseils National de Transition (CNT) - organe majeur dans la mise en œuvre des réformes -, la vision (pour le moment peu explicite) de la politique économique, sociale et diplomatique du pays. Autant de chantiers sur lesquels ce nouveau gouvernement devrait se pencher pour assurer une transition aboutie, susceptible de répondre aux aspirations des populations, ainsi que des institutions telles que la CEDEAO et l’UA.
La gestion sous pression
En tenant compte des décisions prises à l’encontre du régime de Mamady Doumbouya lors du 60e sommet de la CEDEAO qui s’est tenu le 12 décembre dernier, il appartient aux acteurs et aux analystes de la vie sociopolitique et économique guinéenne d’en tirer les conclusions, et d’attirer l’attention des nouvelles autorités sur les mécanismes et dispositifs stratégiques, destinés à mieux anticiper et gérer les rapports de force. Suite à la pression de la CEDEAO, on peut s’accorder sur un fait : quelle que soit la durée de la transition, il faudra trouver des mécanismes de financement propres au pays, afin de disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour dérouler la feuille de route et ainsi, mettre en place les réformes structurelles souhaitées.
Si cette transition a pour objectif la refondation de l’État – à travers des réformes structurelles majeures de moyen et long terme -, il faut souligner que la situation socio-économique actuelle est très préoccupante, et qu’elle nécessite d’importantes reformes conjoncturelles à très court terme, afin de soulager les populations durement frappées par la pandémie de la COVID-19, toujours en cours ; les effets de cette crise se traduisent par des pertes de revenus conséquentes, des dépôts de bilan de plusieurs structures… De la même manière, le secteur de l’économie informelle a été durablement touché par cette crise sanitaire, ce qui a accru la vulnérabilité des populations qui étaient déjà dans un état de précarité important.
L’économie et l’incertitude ne font pas bon ménage. Ainsi donc, les nouvelles autorités devront, le plus tôt possible, présenter aux investisseurs une vision claire et le calendrier des réformes économiques et législatives à entreprendre. Pour ne pas voir la bulle sociale se transformer en véritable bombe due à la très sévère crise économique actuelle et à l’état de précarité avancée des populations, les autorités doivent entamer urgemment des reformes conjoncturelles. Il s’agit ici d’initier des actions immédiates, dont les résultats pourront être visibles dans un délai très court. Le but : soulager les populations et faire baisser la pression sociale, afin de permettre aux autorités de mener à bien le train de réformes.
Quelques-unes des actions préconisées à court terme :
Une étude sur l’Impact de la COVID19sur différents secteurs économiques (30 à 60 jours). Ceci permettra de connaître les secteurs les plus touchés, et d’en tirer les conclusions nécessaires à l’élaboration du plan de relance le plus adéquat ;
Un plan massif de relance économique (03 à 12 mois). Le financement des secteurs prioritaires, générateurs de revenus, créateurs d’emplois, producteurs de biens et services dédiés à la consommation nationale
Une diversification économique (06 à 36 mois). La création des pôles économiques par région, afin de subvenir aux besoins de la consommation locale, et réduire ainsi les importations des denrées de première nécessité ; ce qui aura pour conséquence une diminution des besoins en devises étrangères, et donc une réduction de la pression sur le Franc guinéen
Un accès au crédit à un taux incitatif et un gel des remboursements d’au moins 18 mois ; gel égressif en fonction du secteur d’activité
Une refonte du modèle économique basé sur une économie de rente (vente des matières premières.). Il faudra repenser le modèle économique, mettre un accent sur la production de biens, des services et des produits destinés à la consommation locale
Faciliter l’accès aux intrants ; machines pour des PMI et PME locales, productrices de biens et services (dédouanement, accompagnement.)
Revoir à court terme les modèles de formation à travers la formation professionnelle, faciliter la réinsertion professionnelle, avec la réhabilitation et l’adaptation des centres professionnels (6 mois à 36 mois)
Adopter rapidement des reformes conjoncturelles au niveau de la BCRG, afin de lutter contre le phénomène inflationniste
Réguler certains secteurs d’activités (transports, logements, gestion des prix.)
A travers cet exercice, nous tentons de dresser les grandes lignes des réalités politico-économiques guinéennes. Il s’agit aussi de déterminer la position des partenaires multilatéraux et bilatéraux de la Guinée, ainsi que les menaces que font planer diverses institutions sous-régionales, continentales et internationales sur Conakry. Il faut également attirer l’attention des dirigeants actuels sur la nécessité de mettre en place des dispositifs de sécurité économique tels qu’une cellule d’intelligence économique. L’objectif étant d’identifier les risques et les opportunités auxquels le pays pourrait faire face. C’est aussi une façon de faire de la prospective, de l’anticipation et de l’influence. De tels changements permettront d’explorer les marges de manœuvre dont disposent les autorités de transition et par-dessus tout, de gérer les rapports de force, la pression et d’éventuelles sanctions de la communauté internationale.
Gervais MOUSSONGO
Expert- Consultant en Stratégie – Intelligence Économique & Communication d’Influence et de Crise.
Ceo, ADVALYS Consulting Group
SÉNÉGALAIS MORTS DANS LA DIASPORA, UN BILAN MACABRE
À l’occasion de la Journée Mondiale du Migrant, Horizon Sans Frontières a dressé hier, le bilan des Sénégalais décédés dans la diaspora en 2021
À l’occasion de la Journée Mondiale du Migrant, prévue demain (aujourd’hui), Horizon Sans Frontières a dressé hier, le bilan des Sénégalais décédés dans la diaspora en 2021. La rencontre a permis aussi de discuter d’autres sujets relatifs aux questions migratoires
Les révélations ont indigné plus d’un. Les chiffres donnés par Boubacar Séye constituent un choc terrible ! Lors d’une conférence de presse organisée hier, le Président d’Horizon Sans Frontières (HSF) a fait savoir qu’en 2021, vingt-cinq de nos compatriotes ont été assassinés ou sont morts dans des circonstances troubles. C’est presque deux morts par mois. Et pour préciser, il estime que 60% de ces victimes ont été enregistrées en Europe et 24% aux États-Unis. Tandis qu’en Afrique, on a noté 16% de cas.
Pour M. Séye, ce taux élevé de morts survenues en Europe peut s’expliquer par le bouleversement du monde causé par la pandémie de COVID-19. Il donne les détails : ‘’Nous avions déjà alerté que l’ère post coronavirus risque d’être marquée par des tensions géopolitiques liées à la migration, parce qu’il y aurait la théorie de remplacement. Et on l’a vu aujourd’hui, avec ce qui se passe. Toute l’Europe est en train de glisser vers l’Extrême droite. En France, par exemple, la migration est devenue un enjeu électoral, une marchandise de commerce pour les dirigeants qui ont malheureusement tous échoué dans leur idéologie classique’’.
L’indifférence de l’État vis-à-vis de cette situation n’a pas plu au chercheur en migrations internationales. ‘’Quand de telles circonstances se produisent, on aurait souhaité que l’État du Sénégal se constitue en partie civile, ne serait-ce que diligenter une enquête. Mais hélas, ce n’est pas le cas’’. Il est d’autant plus indigné que, l’année passée, 28 morts ont été enregistrés sans aucune communication de la part des autorités étatiques, à l’en croire. ‘’La moindre des choses à faire dans de pareilles circonstances, c’est de protester’’.
Plus de 1100 morts dans la Méditerranée, dans le premier semestre de 2021
Au premier semestre de 2021, renseigne-t-il, on parle de plus de 1100 morts dans la Méditerranée et plus de 15.300 personnes renvoyées en Lybie. ‘’Ces chiffres nous interpellent. La migration continue de dévoiler dans nos sociétés en situation de vulnérabilité chronique, des conséquences incalculables. Des jeunes souffrent dans le désert du Niger et sont toujours en attente d’être rapatriés. Actuellement, selon les informations reçues, vingt-neuf jeunes Sénégalais sont rentrés et quinze sont toujours à Agadès, au Niger.
Une situation qui le pousse à conseiller l’État d’avoir une oreille attentive pour les jeunes. ‘’Il faut faire de la jeunesse une priorité’’, lance-t-il, avant d’enfoncer le clou. ‘’Aujourd’hui, cette priorité, dans un pays comme le nôtre, c’est l’emploi des jeunes. Mais la mauvaise gouvernance obstrue sans cesse les perspectives d’épanouissement des couches les plus vulnérables. Ainsi, il faut lutter contre les inégalités. Il nous faut une justice sociale pour éviter le chaos’’.
Les questions identitaires constituent, de nos jours, une problématique pour la mondialisation et surtout pour la migration. Des pays sont même en train de pousser plus loin. Selon M. Séye, on discute déjà de ces questions avec, par exemple, la probable création d’un ministère de l’Identité en France. ‘’En France, terre de migration, qui a un statut social particulier par rapport aux autres pays européens, on parle de la création d’un ministère des Migrations et de l’Identité. C’est extrêmement grave ! C’est un véritable danger qui nous guette’’.
‘’C’est l’esclavage dans le désert’’
Les témoignages des migrants renvoyés dans le désert sont unanimes. C’est l’horreur dans ce lieu. Leur représentant, en l’occurrence Modou Thiaw, 38 ans, fustige l’irresponsabilité de l’État. ‘’Il n’écoutait pas nos cris, quand on nous a retenu dans le désert. C’est grâce à Boubacar que notre situation est entendue et connue des Sénégalais. À partir d’Algérie, on a confisqué tout ce que nous avions avec nous, on nous a malmenés et jetés à la frontière. L’Ambassade du Sénégal, quant à elle, est restée les bras croisés’’.
Pour aller plus loin, il révèle : ‘’L’Organisation Internationale pour la Migration avait promis de nous soutenir, dans nos pays d’origine. Mais, arrivés à l’aéroport de chez nous, aux environs de 19h, certains de ses membres nous ont retenus encore, et nous étions là jusqu’à 22h, sans tenir ses promesses, d’ailleurs. Parmi nous, des gens avaient fini par avoir des troubles mentaux. Malheureusement, personne ne les a soutenus. Je me rappelle, c’était au mois d’Aout, une grande pluie s’abattait sur nous. Les uns devaient rentrer en Casamance, les autres dans des endroits très reculés. C’était très difficile. Il y en eu parmi nous, quelqu’un dont nous avons plus de ces nouvelles depuis qu’il a quitté l’aéroport. Nous sommes vraiment tristes pour le traitement réservé aux jeunes de ce pays !’’.
Amadou Diagne fait partie des jeunes Sénégalais renvoyés au Niger. Ce jeune homme de vingt-neuf ans a été intercepté en Algérie puis renvoyé au Niger. Il revient sur les péripéties du voyage : ‘’Je suis passé par le désert pour arriver en Algérie avant d’être conduit au Niger. Mais, à vrai dire, ‘’c’est inhumain ce qui s’y passe. Les Algériens nous ont expulsés. Arrivés au Niger, nous avons trouvé sur place des membres de l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM). Ils nous ont confinés pendant quatorze jours. On ne mangeait pas bien. Les conditions sont vraiment déplorables. Ce qu’il faut savoir, c’est que ce sont les Européens qui donnent de l’argent quand les migrants sont expulsés. Tout ce que nous mangions était donc financé par eux. Il y a une petite tante en guise d’abris. Arrivé, on te donne des chaussures, du savon… Parfois, il n’y a même pas de toilettes. Dans certains lieux, pour faire ses besoins, les gens se dispersent dans la nature. On nous amenait d’une ville à l’autre avec des enregistrements en a plus finir. Là-bas, les migrants sont comme des esclaves. C’est inexplicable. Dans tout cela, ils gagnent de l’argent. La corruption y est grande’’.
‘’Il faut créer un ministère plein pour gérer la question’’
Le chercheur préconise une diplomatie beaucoup plus forte pour une meilleure protection des Sénégalais de l’extérieur. Pour cela, il faut ‘’une diplomatie plus acteur, non étatique’’, avec la création d’un ministère plein. Et ce, pour mieux gérer le phénomène migratoire qui, selon lui, est transversale. ‘’La migration concerne l’économie, l’éducation, la santé, l’environnement… On l’a vu avec la maladie. Nous étions les premiers à parler de pandémie à travers le monde, parce que le principal vecteur de propagation de la COVID était la migration du fait de la mobilité croissante de populations’’, fait-il savoir.
Ce nouveau ministère dont il parle pourrait ainsi jouer un rôle déterminant dans un pays comme le Sénégal qui est marqué aujourd’hui par la découverte d’hydrocarbures. Et dans ses propositions, il va même plus loin. ‘’Avec la découverte du pétrole et du gaz dans notre pays, celui-ci rentre dans une nouvelle ère géopolitique. C’est pourquoi, nous avons estimé qu’il faut créer ce ministère plein chargé des migrations internationales ou même une agence autonome reliée directement à la Présidence. C’est cette agence qui va alors traiter les questions migratoires dans leurs diversité, complexité, et transversalité’’.
‘’Le ministère des Sénégalais de l’extérieur est caduc’’
Bien que le ministère des Affaires Étrangères s’occupe de ce dossier, Boubacar Séye propose une idée pour une protection des Sénégalais de l’extérieur, lesquels rencontrent parfois des difficultés et sont exposés à de nombreux risques. ‘’Aujourd’hui, il faudra une nouvelle cartographie de la diplomatie sénégalaise, avec de nouvelles juridictions pour une meilleure assistance à nos compatriotes qui sont souvent tués ou torturés dans des circonstances flous’’, laisse-t-il entendre.
À l’en croire, le Ministère des Sénégalais de l’extérieur n’a plus sa raison d’exister. Ce, pour une raison simple, elle ne fait pas son travail. Il explique : ‘’Ce ministère est caduc. Il ne prend pas en charge la dimension migratoire dans sa diversité et sa complexité. Pour l’exemple, quand des jeunes ont été bloqués dans le cadre de leurs projets migratoires, il n’y avait pas d’interlocuteur. Le ministère n’avait pas joué son rôle’’.
Par conséquent, en lieu et place de ce celui-ci, il faudra plutôt parler ‘’de ministère des Migrations internationales’’. En se référant aux explications de M. Séye, il y aura forcément un dumping migratoire au Sénégal, avec la découverte du pétrole. Les enjeux sont sécuritaires, géopolitiques et géostratégiques. ‘’D’où l’importance de mettre en place ce nouveau ministère’’ qui permettra ainsi, de savoir ‘’qui rentre dans notre pays’’, parce que, dit-il, le pétrole et le gaz font l’objet de beaucoup de convoitises.
Le chercheur en appelle à la vigilance. Ainsi, il avance : ‘’Il faut légiférer, il faudrait toute une jurisprudence aujourd’hui pour protéger les Sénégalais, parce que les risques et dangers ne manquent pas avec l’exploitation de ces hydrocarbures. L’intérêt du Sénégal doit être mis en avant’’.
Le scandale des passeports diplomatiques
Si l’on s’en tient aux propos de M. Séye, il n’y a plus de règles orthodoxes dans l’obtention et la délivrance du passeport diplomatique. C’est pourquoi, on assiste aujourd’hui à la surproduction, à la surexploitation de ce document. ‘’Ce qui se passe avec les passeports diplomatiques est extrêmement grave !’’, fulmine-t-il. Pour le chercheur, il y va de l’intérêt du Sénégal et de notre appareil judiciaire de régler ce problème.
Il rappelle qu’il y a deux ans de cela, l’Union Européenne avait interpellé le Sénégal sur ces questions liées aux passeports. À ce sujet, il déclare : ‘’Nous estimons qu’il faudra une enquête très sérieuse pour régler définitivement ce problème-là. Sinon, les conséquences sont majeures. Ce, même en termes de migration régulière, parce que d’honnêtes citoyens sénégalais pourraient être malmenés dans des aéroports européens’’. Pour lui, le passeport diplomatique ne remplit plus sa mission qui est d’assurer la fluidité des actions de l’État dans les relations internationales. Par conséquent, on ne sait plus qui assure une mission de l’État, qui devrait bénéficier de ce document.
Dans cette ‘’chaine de corruption’’, des institutions comme l’Assemblée Nationale sont indexées. Pour cela, M. Séye propose la suspension provisoire des passeports diplomatiques. Il avance : ‘’L’État du Sénégal devrait sortir un communiqué pour suspendre tous les passeports diplomatiques, en attendant qu’une enquête sérieuse soit menée pour combattre la corruption. Il faut régler ce problème qui risque de créer du populisme’’. Entre temps, il préconise le passeport de service pour ceux qui sont dans l’urgence.
Le blocage du prix Immigration Paix et Sécurité
D’après M. Séye, leur organisation travaille sur une nouvelle stratégie dans la gestion du triptyque : Immigration, Paix et Sécurité (IPS), depuis 2006. Une production d’Horizon Sans Frontières (HSF). Selon toujours ses explications, ça a été même protégé en Europe. Cette nouvelle stratégie prend en compte les évolutions récentes de l’environnement dans le contexte géopolitique actuel. Elle met en lumière les dangers multiformes que traversent les États et les peuples.
Pour lui, la migration est un élément essentiel de la géopolitique mondiale. C’est pourquoi, pour une paix durable en vue d’un développement humain, HFS a créé le prix international Immigration Paix et Sécurité Cheikh Mourtada Khadim Rassoul (IPS). Malheureusement, ça n’a jusque-là pas décollé par manque de soutien.
Il revient sur le sujet : ‘’Ce prix récompense l’homme qui s’est distingué le plus sur le triptyque : Immigration Paix et Sécurité. Nous avons écrit à beaucoup de chefs d’États du monde que nous allons lancer le prix IPS Cheikh Mourtada. Mais, aucun soutien de la part de nos États, car, ce qu’il faut savoir, ce prix est international. Hélas, les Africains ne se sont jusque-là pas intéressés. Et on sait que les Européens ne le seront n’ont plus. Ce que nous voulons, c’est que ce prix soit inscrit sur l’agenda international pour que, chaque année, il y ait un lauréat. Nous n’avons pas besoin d’un prix Goncourt, ni un prix Nobel. Nous avons nos idoles et nos grands hommes’’.