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14 septembre 2025
DIOURBEL, L'EDUCATION DES FILLES AU COEUR DES PREOCCUPATIONSIONS
Des acteurs de l’éducation ont dégagé lundi à Diourbel (centre) des pistes de réflexion visant à corriger les disparités entre garçons et filles en leur offrant de meilleures opportunités de réussite dans leurs études.
Diourbel, 11 oct (APS) - Des acteurs de l’éducation ont dégagé lundi à Diourbel (centre) des pistes de réflexion visant à corriger les disparités entre garçons et filles en leur offrant de meilleures opportunités de réussite dans leurs études.
Ils participaient à la célébration de la Journée internationale de la fille, fêtée le 11 octobre de chaque année depuis 2012, pour une meilleure prise en charge de leurs préoccupations.
Le but de cette initiative est d’‘’impulser une certaine conscience’’, pour que ‘’les jeunes filles puissent accéder de la même manière que les garçons’’ aux services sociaux de base, a indiqué le directeur exécutif de l’ONG Ndéyi Jirim, Omar Sy.
‘’C’est pour corriger une disparité qui existe entre les filles et les garçons qu’on a invité l’ensemble de ces acteurs et nous espérons qu’à l’issue de cette journée, il y aura une hausse sensible sur la sensibilisation’’, a-t-il dit.
Au cours du débat, les participants ont proposé l’affectation d’assistants sociaux dans les écoles, dans le but de comprendre les problèmes auxquels les jeunes filles sont confrontées.
Les participants ont également préconisé que ‘’les enseignants soient formés’’ à ‘’la gestion de ces filles’’.
A Diourbel, les acteurs de l’école veulent aussi, au-delà de la sensibilisation, créer des ‘’maisons de jeunes filles’’ à l’image de la ‘’maison des droits’’, pour un meilleur partage de l’information, selon Omar Sy.
Il a souligné la nécessité pour les parents d’élèves et les autres acteurs concernés de recenser les problèmes et d’essayer de leur apporter des solutions.
‘’Au début de l’élémentaire, la fille n’a pratiquement pas de problèmes, mais un blocage surgit à la fin du cycle élémentaire et progresse jusqu’au secondaire’’, a souligné Penda Cissé, la responsable de l’éducation des filles à l’inspection de l’éducation et de la formation (IEF) de Diourbel.
La chargée des questions de genre à l’IEF, les filles ont besoin d’être ‘’boostées’’ pour rester à l’école et faire de bons résultats.
GAMOU 2021, LES COMMERCANTS PARTICIPENT AU NETTOYAGE
Des commerçants de la commune de Kaolack (centre) ont déroulé lundi une opération de nettoiement des rues de Médina Baye, l’un des quartiers de la ville, en prélude à la célébration du Maoulid prévu le 19 octobre prochain
Kaolack, 11 oct (APS) - Des commerçants de la commune de Kaolack (centre) ont déroulé lundi une opération de nettoiement des rues de Médina Baye, l’un des quartiers de la ville, en prélude à la célébration du Maoulid prévu le 19 octobre prochain, a constaté l’APS.
"Nous voulons rendre propre la ville religieuse de Médina Baye pour permettre aux pèlerins de passer le gamou (ou Maoulid, commémoration de la naissance du prophète Mohamed) dans de meilleures conditions", a dit à la presse locale le président d’une association de quartier, Babacar Mbaye.
"Cette opération est une façon pour nous d’apporter notre contribution aux préparatifs du gamou. Aujourd’hui, nous avons fermé nos boutiques pour un seul et unique objectif : rendre propre Médina Baye, pour permettre aux pèlerins de passer un bon séjour, dans un environnement sain", a ajouté M. Mbaye.
Abdou Rahmane Niass, responsable d’un comité d’hygiène à Médina Baye, a salué l’initiative des commerçants. "Ils ont bravé la chaleur et la poussière pour rendre la cité religieuse de Médina Baye propre. C’est une bonne initiative", s’est-il réjoui.
Médina Baye reçoit des milliers de pèlerins du Sénégal et de nombreux autres pays, chaque année, lors de la commémoration de la naissance du prophète Mohamed.
NIAYES FACE A L'URBANISATION, LE CASSE TETE POUR LES EXPLOITANTS AGRICOLS
Il est à craindre que les Niayes perdent à terme leur âme et leur réputation de grande pourvoyeuse de légumes, au rythme auquel l’urbanisation galope à l’assaut des dernières surfaces de cette zone agro-écologique située entre Dakar et Saint-Louis.
Dakar, 11 oct (APS) - Il est à craindre que les Niayes perdent à terme leur âme et leur réputation de grande pourvoyeuse de légumes, au rythme auquel l’urbanisation galope à l’assaut des dernières surfaces de cette zone agro-écologique située entre Dakar et Saint-Louis.
De Lendeng, dans le département de Rufisque (Dakar), à Mbawane (région Thiès), en passant par Bambilor, Dène, Bayakh, Djender, Keur Mousseu et Kayar, les Niayes avaient la réputation d’être une zone de prédilection des activités horticoles.
Depuis quelques années, cette zone constituée d’espaces humides d’une haute valeur agricole, quelquefois au cœur d’agglomérations urbaines, continue d’abandonner des pans entiers de ses terres aux promoteurs immobiliers. Une tendance qui ne cesse de mettre en péril les activités horticoles, de nombreux périmètres ayant disparu s’ils ne sont pas simplement fortement menacés d’abdiquer devant la puissance du béton et du fer.
‘’Dans toute cette zone, il n’y avait que des champs à perte de vue, mais c’est un domaine national de plus en plus morcelé au profit des promoteurs immobiliers’’, fait observer Ibrahima Mbengue, le président du Groupement des maraîchers des Niayes.
Debout sur le bitume, il pointe du doigt la mairie de Bambilor, un bâtiment d’un niveau qui peine à dominer de nouvelles maisons, les unes plus modernes que les autres, construites sur des surfaces autrefois réservées aux activités agricoles.
Des périmètres agricoles exploités par des familles implantées dans la zone depuis des générations sont remplacées par de nouvelles cités et habitations aux noms évocateurs des coopératives d’habitat des entreprises de Dakar.
Ce panorama interpelle davantage quand on sait que les femmes, de plus en plus investies dans le maraîchage et les activités horticoles, ressentent plus que les hommes les inconvénients de cette évolution, qui menace les dernières réserves foncières de l’agglomération dakaroise.
La gent féminine se trouve doublement handicapée par les conséquences de l’urbanisation. Elles ont ‘’moins accès que les hommes aux ressources telles que la terre, les crédits, les intrants agricoles, les structures de prise de décision, la technologie et la formation’’.
Leurs activités se trouvent de fait ‘’en sursis’’, de la même manière qu’elles sont la plupart du temps confrontées à des obstacles dans d’autres domaines.
Les espaces convoités dans ces zones, situés pour la plupart sur des cuvettes, sont de plus en plus remblayés, viabilisés et morcelés par des promoteurs immobiliers, fait remarquer le président du Groupement des maraîchers des Niayes.
Le hic, c’est que ‘’ces habitats ne sont pas viables’’, ajoute Ibrahima Mbengue en désignant la nappe d’eau qui entoure les maisons, derrière la mairie de Bambilor.
‘’Les habitants ont construit, prenant la peine de bien remblayer et de faire de hautes fondations, l’eau n’entrera certes pas dans les maisons, mais elle restera tout autour’’, explique le sexagénaire.
Il lie les inondations devenues récurrentes dans certaines parties des Niayes au changement climatique, les cycles de sécheresse succédant désormais à des pluies torrentielles observées un peu partout au Sénégal et ailleurs dans le monde.
‘’Il faut laisser à l’agriculture ces zones dédiées’’, conseille M. Mbengue, donnant l’exemple de la ville de Paris où l’agriculture périurbaine se développe dans des zones de maraîchage, selon lui, bien identifiées.
Une matinée de septembre. Sur l’axe Sangalkam-Bayakh et jusque vers Djender. Des maisons, la plupart en chantier, côtoyant des surfaces agricoles qui résistent à la pression foncière, étalant fièrement leurs périmètres verdoyants entretenus par des saisonniers, promesses de bonnes récoltes.
Les champs de niébé et de gombo cohabitent avec des plants bien rangés de salades, d’aubergine, de carottes, de choux, de piments, de navets et d’hibiscus, parmi d’autres spéculations cultivées dans cette zone.
‘’La survie de la région de Dakar’’
Se souvenir de ce qu’était la zone il y a quelques années seulement, pour ceux qui y ont vécu longtemps, permet de saisir l’ampleur de cette forte urbanisation marquée par la disparition presque forcée des exploitations familiales par périmètres entiers, suivant un processus quasiment inéluctable.
A Sangalkam, Bambilor, Tivaouane Peulh, Déni Malick Guèye, Keur Ndiaye Lô ou Keur Daouda Sarr, des champs s’étalaient à perte de vue à côté des fermes avicoles, rappelle Massèye Diop, l’un des plus grands producteurs locaux.
Beaucoup de femmes de cette zone pratiquaient l’aviculture et avaient investi dans de nombreux poulaillers, sur le long de la route Sangalkam-Ndikhirate.
Aujourd’hui, de nombreux projets immobiliers ont transformé la zone en files d’habitations, au profit de plusieurs coopératives d’habitat, fait remarquer Massèye Diop.
Devenue de plus en plus attractive du fait de l’autoroute à péage et du projet de développement du pôle urbain du lac Rose, lequel prévoit des autoroutes reliant ces localités à la Voie de dégagement nord de Dakar, cette lointaine banlieue de Dakar, jadis enclavée, suscite aujourd’hui la convoitise de populations de plus en plus actives dans la quête d’un toit.
Pourtant, ‘’sans l’intervention de la collectivité locale, une personne ne peut en principe disposer d’une assiette foncière à usage d’habitat ou s’adonner aux activités agricoles’’, précise le sociologue Mamadou Mballo.
Depuis Lendeng, une zone agro-écologique située au cœur de Rufisque, un environnement hétérogène, un mélange de chantiers en béton et de périmètres maraîchers, se prolonge par la route, permettant de rejoindre l’autoroute à péage.
Les quelques verdures en bordure de route contrastent avec un paysage par moments transfiguré, forçant l’indécision des automobilistes obligés de marquer le pas au gré de nombreux ralentisseurs sur cet axe serpenté.
‘’La zone de Lendeng, dans le département de Rufisque-Est, satisfait près de 56 % des besoins en produits alimentaires de la région. La disparition de cette zone signifie la raréfaction des fruits et légumes à Dakar’’, renseigne M. Mballo.
Pour ce chercheur, la collectivité locale reste l’acteur principal à même de garantir la souveraineté alimentaire en sécurisant les exploitations familiales agricoles.
‘’Partout il y a des bornes qui matérialisent une viabilisation des terres à usage d’habitation, les périmètres de l’Institut sénégalais de recherches agricoles constituant les seules assiettes foncières disponibles pour l’agriculture. Ils hébergent des domaines agricoles communautaires’’, constate le sociologue.
Les DAC - les domaines agricoles communautaires - aménagés par l’Etat dans la zone des Niayes et dans d’autres parties du pays servent, dit-il, à ‘’sauver le peu de terres qu’il reste dans la zone de Sangalkam et dans la plupart des communes voisines’’.
Une portion de la zone située près d’une cimenterie de Sangalkam résiste encore à l’urbanisation galopante. ‘’Mais pour combien de temps ?’’ se demande le secrétaire général des maraîchers de Lendeng, Kalidou Dia. Selon lui, tous les champs sont sous le contrôle de la mairie, qui a octroyé des terres aux exploitants.
Partout dans la zone des Niayes, la situation semble identique à celle qui prévaut à Lendeng, qui est en proie à une forte pression foncière. Laquelle accule les exploitants maraîchers. Jusqu’à Déni Malick Guèye, un peu après le pôle urbain de Diamniadio, en allant vers Sébi-Ponty, l’urbanisation empiète sur les exploitations agricoles.
‘’C’est fort regrettable de voir la forte urbanisation, du fait surtout du nouveau pôle urbain de Diamniadio, prendre le pas sur les activités agricoles’’, se désole Médoune Diop, président d’un conseil de quartier. Il y a, ajoute-t-il, ‘’un fort sentiment d’impuissance’’ devant la disparition de l’agriculture au profit de l’habitat.
Dans une étude faite par l’Institut pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement, il avait été recommandé aux collectivités locales de tenir compte du rôle joué par les exploitations agricoles dans ‘’la survie de la région de Dakar’’.
‘’Malheureusement, toutes les femmes ne peuvent pas bénéficier de ces périmètres agricoles destinés surtout aux jeunes’’, déplore Tiné Ndoye, une agricultrice.
Des hommes et des femmes jadis intéressés par les activités agricoles et avicoles sont en train de se reconvertir dans d’autres secteurs, l’agriculture devenant de moins en moins viable, regrette la présidente de la Fédération nationale des femmes rurales, originaire de Mbawane, dans la commune de Djender (région de Thiès).
Se nourrir de sa propre production
‘’La problématique de Dakar, avec l’avancée du fond d’urbanisation, doit être analysée pour qu’on puisse faire cohabiter l’urbain et le rural’’, explique le directeur exécutif de l’organisation non gouvernementale Enda Ecopop, Bachir Kanouté.
Dans la région de Dakar où 4 millions d’habitants vivent sur 550 kilomètres carrés, il faut craindre que l’agriculture urbaine soit abandonnée, alors qu’elle devait contribuer à la sécurité alimentaire des citadins, a prévenu M. Kanouté.
Il est attendu des collectivités territoriales qu’elles intègrent cette dimension dans leur planification, en partant des prévisions selon lesquelles les périmètres agricoles vont se rétrécir à mesure que la population urbaine continue à croître.
‘’L’enjeu, c’est de poser le débat entre les producteurs, les collectivités territoriales et l’Etat, à travers ses collectivités territoriales, les partenaires et la société civile pour trouver l’équilibre’’ entre l’habitat et l’agriculture périurbaine, a expliqué Bachir Kanouté.
Depuis l’avènement du Système alimentaire territorial mis en place par le conseil départemental de Rufisque, en 2016, pour assurer la sécurité alimentaire des populations, l’inaccessibilité à la terre est le premier obstacle, a expliqué Serigne Alioune Dia, membre de l’administration du conseil départemental de Rufisque.
‘’Beaucoup de collectivités territoriales n’avaient comme unique ambition que le lotissement de terres à usage d’habitat’’, signale Serigne Alioune Dia.
Or, le département de Rufisque, qui concentre 2/3 de la superficie de la région de Dakar, renferme l’essentiel des terres agricoles et peut se prévaloir d’un héritage rural qui en fait la principale source d’approvisionnement en fruits, légumes, volailles et poissons de la capitale.
A Lendeng, où la marie de Rufisque-Est connaît quelques différends avec les maraîchers locaux, le conseil départemental a mené un plaidoyer qui a poussé le président de la République à signer un décret mettant fin au lotissement de cette zone classée hydrogéologique, essentiellement dédiée à la pratique horticole et considérée comme non aedificandi.
Un équilibre vertueux
Serigne Alioune Dia se dit certain que l’urbanisation galopante est un frein aux systèmes alimentaires territoriaux.
Pour arrêter cette ‘’boulimie foncière’’, une charte a été soumise aux 12 maires du département de Rufisque, mais seuls huit d’entre eux ont signé ce document censé leur rappeler que les attributions de terres doivent se faire à bon escient.
Le maire de Bambilor, signataire de cette charte, soutient, pour sa part, que ‘’l’urbanisation est une priorité pour [sa] commune’’. ‘’Notre commune a besoin de se développer. Or, l’urbanisation, à travers la construction de structures sanitaires, d’écoles, d’espaces publics communaux et de centres de formation, ne peut se faire que sur les terres dont nous disposons’’, relève Ndiagne Diop.
Cela dit, l’édile n’en reconnaît pas moins ‘’l’importance des surfaces agricoles pour des systèmes alimentaires durables basés sur la production locale’’.
L’ambition d’aller vers un système alimentaire territorial local ne peut s’accommoder d’une ‘’urbanisation à outrance, puisque les collectivités territoriales devraient se nourrir de leur propre production’’, souligne Mamadou Diop, de la Direction de la promotion et du développement des territoires, au ministère des Collectivités territoriales.
‘’On doit asseoir ce système alimentaire territorial autour d’une politique foncière qui sauvegarde les exploitations familiales agricoles’’, conseille-t-il, faisant le lien avec le programme chargé des cantines scolaires à la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, dans les écoles de Bambilor, avec des produits agricoles provenant des exploitations agricoles locales.
Beaucoup d’acteurs ont tendance à minimiser le rôle de ces exploitations agricoles dans l’équilibre environnemental et la biodiversité, ce qui les intéresse étant de ‘’morceler la terre pour y habiter, alors qu’il y a des zones qui doivent être spécifiquement agricoles comme la zone des Niayes’’, analyse Mamadou Diop.
‘’Certes, il faut des maisons pour y habiter, mais il faut manger également. C’est cet équilibre écologique qu’il faut trouver, pour une bonne occupation de l’espace’’, propose ce spécialiste de l’urbanisme.
Des prises de vue aériennes réalisées par le conseil départemental montrent que plus d’un quart des terres agricoles du département sont maintenant sous le béton. Et dans dix ans, les 2/4 des surfaces agricoles vont disparaitre, selon l’analyse de ladite collectivité territoriale.
Cette perspective justifie le plaidoyer que mènent producteurs, associations de la société civile et instituts de recherche et développement, tous engagés dans la mise en place d’un plan alimentaire territorial, dans le département de Rufisque, lequel sera soutenu par les exploitations agricoles familiales, pour une ‘’agriculture saine’’.
L’objectif poursuivi est d’arriver à prendre la pleine mesure de l’enjeu de cet équilibre vertueux, suivant lequel la nécessité de nourrir les populations rime inévitablement avec l’impératif d’arriver à une sécurisation de l’assiette foncière.
LA FRANÇAFRIQUE INTELLECTUELLE OU LE JEU COUPABLE D’UNE CERTAINE ÉLITE AFRICAINE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le sommet de Montpellier reflète un cénacle messianique, organisé par l’oppresseur d’hier et d’aujourd’hui qui se projette pour le futur à de nouvelles formes d’assujettissement des peuples africains
La France de Macron, en perte de vitesse dans la nouvelle configuration géoéconomique et géostratégique mondiale, marquée par un mouvement de démultiplication des partenariats, appelle à un rendez-vous de la Françafrique intellectuelle pour redéfinir de nouveaux rapports entre la France et l’Afrique. Convié au forum anti-Françafrique, en marge de la rencontre de Montpellier, et auquel je n’ai pu participer pour des raisons liées à mon séjour aux États-Unis, j’ai décidé d’y être autrement à travers cette contribution pour questionner les enjeux d’un rendez-vous qui se fixe comme mission de construire un nouveau partenariat entre la France et l’Afrique sur les décombres de la Françafrique politique.
Achille Mbembe et les intellectuels africains de l’afro mondialisme, ont décidé de répondre à l’initiative de la France pour repenser les bases de ses nouveaux rapports avec l’Afrique. La rencontre a l’allure d’une démarche suspecte de la part d’intellectuels africains qui se font, pour utiliser l’expression de Gaston Kelman, « la voix de leur maître ». Elle traduit un acte de trahison d’une certaine élite intellectuelle que d’aucuns considèrent comme des penseurs formatés à l’Occidental qui jouent « le rôle d’intermédiaires dans le négoce des produits culturels du capitalisme mondial à la périphérie ». Elle refuse d’assumer la mission dont elle devrait être porteuse pour réinventer le devenir de l’Afrique.
Dans l’ancrage de la domination intellectuelle : les théoriciens de l’afro mondialisme en question
Figé dans les schémas coloniaux, le dispositif relationnel entre la France et l’Afrique se conjugue au passé de l’esclavage. Les théoriciens de la Françafrique intellectuelle sont dans cette temporalité de la servitude. Même investie dans le champ de l’intellect, la Françafrique garde toujours son imaginaire idéologique dominateur : le messianisme de la France sur le destin de l’Afrique. Au lieu d’être des constructeurs d’une pensée libératrice du continent africain, les théoriciens de l’afromondialisme, avec comme tête de pont l’historien camerounais Achille Mbembe, sont dans la logique d’un ordre du discours entre l’Afrique et le reste du monde, qui réifie la mainmise des puissances étrangères sur la gouvernance en Afrique. Dans mon ouvrage sur la décolonisation des études africaines, j’ai dénoncé la capitulation des théoriciens de l’afromondialisme adeptes d’un ordre épistémique imposé par l’Occident. En référence à Mudimbe, dans son ouvrage The invention of africain, je rappelais à travers les lignes de cet ouvrage que l’ordre colonial n’était pas seulement un ordre de brutalité dans la conquête, dans le pillage, dans l’exploitation des richesses, il était aussi une colonisation des entendements. Par conséquent, la décolonisation de l’Afrique est plus que l’autonomie politique. Elle est l’exigence d’une nouvelle géopolitique des rapports avec le reste du monde qui participe à la redéfinition des priorités de l’Afrique. Si chaque génération, comme l’écrit Frantz Fanon, « doit dans une relative opacité, trouver sa mission, l’accomplir ou la trahir », celle de Mbembe et ses acolytes est dans l’alternative de la trahison. À lire Mbembe et les autres, qui sont dans le champ épistémique de l’afromondialisme, on se rend compte que les priorités de l’Afrique ne sont pas une préoccupation pour ces intellectuels africains. L’afromondialisme dans ses grandes lignes est dans le champ de l’idéologique, car il nous éloigne de tout projet panafricaniste pour le renouveau du continent africain. Les adeptes de l’afromondialisme nous proposent une lecture stratégique du passé à partir d’un futur pensé, conçu et déterminé par la seule volonté des Occidentaux, ces seigneurs du monde. Par conséquent, ils théorisent l’émergence d’un sujet africain entraîné dans la mondialisation, se référant par conséquent aux valeurs du néolibéralisme et aux épistémès nées de la mondialisation et de l’universalisme totalitaire. Ils dénoncent chez certains intellectuels africains le refus de l’oubli des blessures du passé qui met ces derniers dans une éternelle quête utopique des ancestralités. Dans ce déni d’un ancrage dans le passé des Afriques, Mbembe et les théoriciens de l’afromondialisme considèrent la colonisation comme une parenthèse dans l’évolution historique des sociétés africaines. Comment peut-on oublier les blessures subies par l’Afrique durant la traite des esclaves, durant la colonisation synonyme de pillage de nos sources ? Comment peut-on oublier la colonisation qui était plus un moment de pillage qu’une strate qui a reconfiguré l’évolution historique des sociétés africaines, encore sous domination étrangère ? La colonisation n’est pas une parenthèse, elle a déterminé les formes d’historicité de nos sociétés actuelles et en plus, elle a mis sous tutelles nos peuples qui croupissent aujourd’hui dans la misère, en dépit de l’immensité de nos ressources.
Notre sentiment est que les théoriciens de l’afromondialisme se résignent à penser qu’il n’y a qu’une seule possibilité offerte aux sociétés africaines, formulée sous le mode de l’impératif catégorique : s’adapter ou périr. Ils n’envisagent pas, pour l’Afrique et les Africains, la possibilité d’inventer un avenir des possibles.
La Françafrique intellectuelle au secours d’une France marginalisée dans le nouvel ordre de la gouvernance mondiale
C’est au nom du pseudo principe selon lequel la France devrait partir sur de nouvelles bases pour redéfinir ses rapports avec l’Afrique, que Macron a pensé organiser un sommet de la Françafrique intellectuelle. Dans la formulation du projet, il y a un impensé qui détermine les véritables enjeux d’un cénacle messianique, organisé par l’oppresseur d’hier et d’aujourd’hui qui se projette pour le futur à de nouvelles formes d’assujettissement des peuples africains. Ce nouveau projet se dessine, cette fois-ci, avec la complicité des intellectuels du continent africain. Dans le plaidoyer pour justifier leur implication à ce sommet, les arguments fournis par Mbembe ont peu de consistances pour convaincre. Ils sont relatifs à la double volonté exprimée par Emmanuel Macron : la restitution des objets d’art africains et la volonté de réformer le franc CFA. De l’avis de Mbembe, ce sommet a pour finalité de « questionner les fondamentaux de la relation entre l’Afrique et la France aux fins de la redéfinir ensemble ». Le postulat justificatif de Mbembe est que même les anciens modes de résistance semblent ne plus être opérationnels. Pour cette raison, il propose un changement de perspective analytique au regard de ce qu’il considère, avec ces acolytes, comme l'entrelacement et la communauté de sort entre l'Afrique et le monde.
S’il est avéré qu’il y a, bel et bien, un changement de cycle historique qui relativise les grilles d’analyse forgées au lendemain de la décolonisation, comme le soutient Mbembe, cela ne saurait occulter l’essence des rapports entre la France et l’Afrique, une essence dominatrice par excellence. L’enjeu du débat n’est nulle part ailleurs, il se situe dans un ordre du discours qui rappelle les blessures du passé et celles du présent dont les peuples africains sont victimes par une domination séculaire. Il nous interpelle sur des siècles de pillage des ressources africaines, sur la compromission, la soumission des élites politiques gouvernantes africaines et sur les actes de trahison d’une certaine élite intellectuelle. En dépit de l’enthousiasme d’une jeunesse critique, débordante de passion et de perspective pour un avenir prometteur du continent africain, les fenêtres sur le futur que cherche à ouvrir ce sommet de la Françafrique intellectuelle ne seront pas transformées en portail pour libérer les peuples africains. En quoi les débats de palabre du sommet de Montpellier peuvent-ils refonder les rapports entre la France et l’Afrique ? Dans quel espace réel ou mythologique, se demande avec juste raison Gaston Kelman, un ancien dominant a-t-il aidé ses anciens dominés à se relever ? La France n'est prête pas à se débarrasser de la Françafrique et des dirigeants africains aux ordres.
Le sommet de Montpellier est à la limite un jeu d’enfant, la « révolte d’une comédie juvénile », selon le mot de Boris Diop. Une jeunesse qui hurle le désespoir, des intellectuels complices, un chef d’État français en posture de démiurge, pour masquer plus d’un demi-siècle de rapports de servitude entre la France et l’Afrique, voilà le décor campé de la Françafrique intellectuelle qui a voulu inventer à Montpellier un autre champ de la Françafrique politique, celui de l’intellect, dans le prolongement de l’aliénation épistémique. Le futur de l’Afrique ne s’écrira pas sur les rives métropolitaines, il s’écrira sur les sables du Sahara ou sur les rives du Nil par les Africains et pour les Africains. La libération viendra de la pensée endogène, par des intellectuels engagés à entonner avec leurs peuples le chant du grand réveil matinal du continent africain.
La jeunesse et le sentiment anti-français : les prémices d’un futur libérateur
La jeunesse actuelle qui est sur les réseaux sociaux, qui a une large ouverture sur le monde, a un regard fixé sur un idéal qui se définit en dehors des préoccupations d’une certaine élite intellectuelle. La jeunesse africaine, soucieuse de son avenir, est dans le registre des ruptures profondes. Son idéal n’est pas inscrit dans les préoccupations des débatteurs du forum de Montpellier. Il y a une nouvelle politisation des rapports à la gouvernance qui redéfinit une nouvelle objectivation que les jeunesses africaines entretiennent avec les États postcoloniaux et les anciennes métropoles coloniales. Le principe de réalité, que nous posons comme un impératif de rupture dans l’analyse du social en contextes africains, se fonde sur la réinvention identitaire politique et culturelle qui reconfigure à la fois la restructuration des champs sociaux et les dynamiques qui les habitent. Les jeunesses africaines s’efforcent de construire leur propre destin, elles procèdent à une auto prise en charge face à la faillite de l’État postcolonial. Un vent nouveau a traversé toute l’Afrique et il en a modifié les paysages sociaux et politiques, sous l’effet d’un engagement citoyen, impulsé par le dynamisme des populations qui expriment, à leur manière, par des actes quotidiens, l’infinie capacité des sociétés humaines à se réinventer dans des contextes de crise et de capitulation d’une certaine élite. L’alternance intergénérationnelle, au niveau du leadership politique, a commencé à prendre forme, des alternances politiques débutent sous l’impact de l’irruption d’une jeunesse, née après les années 80, et donc moins marquée par les idéaux des années 1960 et les valeurs de l’idéologie nationaliste. L’école de la rue devint un paradigme politique qui a pris forme dans un mouvement politique contestataire pour acculer les élites régnantes. Avec des expériences connues dans le cadre des alternances réalisées en Afrique, des mutations morphologiques se sont réalisées dans le champ politico-social en Afrique. Ces transformations sont porteuses de projets novateurs, avec l’arrivée en masse d’acteurs politiques, d’activistes nés de plus en plus engagés à changer les contextes de vie et les relations avec les anciennes puissances dominatrices. Il faut ajouter à ce vent du renouveau, porteur de mouvements contestataires contre les élites politiques, le renouveau du nationalisme qui va l’amble avec la montée en force du désir de rupture avec les anciennes puissances colonialistes. En dépit de la variation des contextes nationaux et de la diversité des trajectoires des luttes qui ont jalonné l’histoire politique et sociale des États en Afrique, la nouvelle cartographie des historicités, qui se donnent à analyser, prédispose les jeunesses africaines à être les sentinelles de la démocratie en Afrique. Il y a, à travers ces mouvements citoyens, un vrai effet générationnel où des acteurs jeunes défient ouvertement des régimes autoritaires en place dans leurs pays, prônant des sociétés africaines plus ouvertes, en rupture avec la culture autocratique héritée du paradigme des partis uniques. À travers des slogans et des symboles chocs, ils mobilisent contre l’arrogance des pouvoirs et le manque de démocratie. Ce vent nouveau ouvre un peu partout un nouvel agenda dans les rapports entre l’Afrique et le monde. C’est cette ampleur des dynamiques juvéniles qui envahira la géopolitique des rapports entre l’Afrique et le reste du monde, dans un contexte multipolaire de mondialisation où se reconfigurent les rapports de force géostratégiques à l’échelle mondiale. Le sentiment anti-français qui prend de l’ampleur est le signe annonciateur de la fin du paradigme décadent de la Françafrique. La mission des intellectuels de nos jours ne peut enjamber une telle exigence historique, à moins d’avoir choisi la capitulation et la trahison.
Amadou Sarr Diop est sociologue, directeur du laboratoire Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur l’Éducation et les Savoirs (GIRES) Université Cheikh Anta Diop
CE QU'IL FAUT RETENIR DU DÉBUT DU PROCÈS DE L'ASSASSINAT DE SANKARA
Plus de trois décennies après l’assassinat du président burkinabè, le 15 octobre 1987, les audiences ont démarré devant le tribunal militaire de Ouagadougou. Retour sur cette première journée
Jeune Afrique |
Benjamin Roger et Nadoun Coulibaly |
Publication 11/10/2021
15h33 – Les audiences suspendues jusqu’au 25 octobre
Le président du tribunal, le juge Urbain Méda, a annoncé que les audiences reprendront le 25 octobre à 9h.
Les défenseurs des accusés réclamaient un délai plus long, d’un mois, afin que les avocats commis d’office puissent prendre connaissance du dossier. Le magistrat a estimé que quinze jours étaient suffisants, comme l’avait plaidé le procureur.
Par ailleurs, le tribunal a décidé de rejeter les demandes formulées par les avocats des parties civiles, qui souhaitaient que le procès soit filmé.
13h45 – Plusieurs semaines de procès
Alors que l’audience est suspendue depuis près de deux heures, nous allons clôturer ce live.
À retenir :
· Le procès s’est ouvert peu après 9 h dans la salle des Banquets de Ouaga 2000. Un dispositif exceptionnel a été mis en place. Environ 150 personnes assistaient à cette première audience, en grande majorité des journalistes, mais aussi des membres des familles de Thomas Sankara et des douze autres victimes de la tuerie du 15 octobre 1987 au Conseil de l’Entente.
· Douze hommes étaient dans le box des accusés, mais deux manquaient à l’appel : Blaise Compaoré, accusé d’être le commanditaire du crime, qui est en exil à Abidjan depuis 2014, et Hyacinthe Kafando, soupçonné d’avoir été à la tête du commando. Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré, sera donc particulièrement scruté.
12h45 – Absence de Compaoré : « Un vrai homme viendrait s’expliquer »
Mariam Sankara a fait quelques déclarations sur l’absence du principal accusé, l’ancien président burkinabè, Blaise Compaoré, à ce procès : « Blaise Compaoré a fui et ne veut pas rentrer [au Burkina Faso] pour répondre des faits qui lui sont reprochés. Un vrai homme viendrait s’expliquer », a dénoncé la veuve de Thomas Sankara.
12h00 – Alouna Traoré : « Nos rêves de révolution »
Alouna Traoré, ancien collaborateur de Thomas Sankara et seul survivant de la tuerie du 15 octobre 1987, est présent au procès. « J’éprouve un sentiment de soulagement. On n’y croyait plus mais finalement ce procès se tient enfin. C’est une opportunité unique de rétablir la vérité, a-t-il déclaré à Jeune Afrique. Maintenant, nous voulons que justice soit faite. La justice ne pourra pas nous restituer les rêves de changement de la société que nous avions sous la révolution, mais elle pourra au moins restituer la vérité. Elle finira par être connue. Quant à nos rêves de révolution, c’est aux nouvelles générations de les porter désormais. »
MACRON, LES MÉTHODES D’UNE FRANCE EFFRONTÉE EN AFRIQUE
Comment réagirait le président français si un pays africain avait invité les gilets jaunes pour parler des relations France-Afrique et surtout dégager un fonds destiné à financer des groupes d’activistes hexagonaux pour la démocratie ?
Le premier Sommet du Commonwealth s’était tenu en 1971. Ces sommets permettaient de discuter de politiques communes et de questions internationales. La France ne semblait pas vouloir être en reste. En 1973, le Président Georges Pompidou réunissait quelques chefs d’Etat africains à Paris. C’était le début des sommets France-Afrique qui suivaient le même agenda et ont fini par faire des émules. Sur ce modèle, la Chine, la Russie, le Japon, l’Inde ou le Brésil, organisent régulièrement des sommets avec les pays africains. Mais on ne dira jamais assez que les sommets France-Afrique semblent avoir plus mauvaise presse que les autres sommets du genre. Si les autres pays parlent dans les rencontres avec les pays africains de commerce et d’autres questions économico-sociales, les sommets France-Afrique ont toujours été marqués par des pourparlers militaro-politiques. La présence des autres puissances militaires en Afrique est moins visible et ces pays se gardent encore de participer ouvertement dans des luttes de contrôle du pouvoir. Ainsi, le comportement de la France en Afrique, traduisant une certaine arrogance ou une condescendance. Cela ne pouvait pas ne pas heurter les peuples ! Et on finit par se dire que la France est incapable de changer pour enfin traiter en alter ego un pays africain.
Les péchés originels des sommets France-Afrique
Le départ du pouvoir du Général De Gaulle (1969) devait marquer la fin d’une ère de relations entre la France et ses anciennes colonies devenues indépendantes. Son successeur Georges Pompidou cherchait à redéfinir les rapports entre la France et ses anciennes colonies sur des paradigmes nouveaux. Avait-il voulu changer de politique sans changer les hommes chargés de la mise en œuvre ? Il laissera Jacques Foccart au poste ou l’officine, qu’il occupait depuis 1960 sous le général De Gaulle, celui de Secrétaire général de l’Elysée chargé des affaires africaines et malgaches. Le Président Felix Houphouët Boigny trouva, dans le lexique de l’humour ivoirien, l’appellation «Françafrique» pour donner un nom à cette pieuvre qui décidait de la marche des anciennes colonies françaises en Afrique. Jacques Foccart continuait d’avoir la haute main sur les services secrets et sur la politique française en Afrique. On verra sa main derrière tous les coups sulfureux de la France à travers le continent.
Au Gabon, il décidait de qui sera chef de l’Etat, au Congo-Kinshasa il soutint Mobutou, en Guinée il alimenta des coups contre Sékou Touré, il envoya une escouade de mercenaires conduits par Bob Denard pour se mêler de la guerre du Biafra (Nigeria). Jacques Foccart pouvait compter sur d’énormes moyens financiers et logistiques pourvus par des compagnies pétrolières françaises en Afrique. L’homme s’occupait exclusivement de la politique africaine de la France. Est-ce parce que Georges Pompidou ne s’y intéressait pas trop, pris qu’il était par la grande préoccupation d’affirmer son pouvoir sur l’Etat français ? Avait-il choisi d’agir de la sorte dans un certain jeu d’équilibre pour ménager et contenir les gaullistes pur jus et leur laisser un pré-carré d’influence et d’enrichissement personnel ? Résultat des courses ? La France continuait de se mettre à dos les élites sociales, intellectuelles et des générations de jeunes africains. A son arrivée au pouvoir en 1974, l’une des premières décisions de Valery Giscard D’Estaing (Vge) aura été de dissoudre le service de Jacques Foccart. Le magistrat René Journiac deviendra l’homme à tout faire en Afrique. René Journiac, était déjà dans l’équipe de Foccart. C’est dire que Valéry Giscard d’Estaing était soucieux d’une continuité minimale à ce poste. VGE n’était pas moins impliqué dans la politique africaine. Ministre d’Etat de l’Economie et des finances de1969 à 1974, il avait pris l’habitude de faire ses randonnées de chasse en Afrique, plus particulièrement chez son «pote» Jean Bedel Bokassa. René Journiac sera tué en 1980, au Cameroun, dans un tragique crash d’un avion du Président Bongo. Les conditions du crash alimentent encore les supputations car René Journiac n’était pas un «enfant de chœur». Ainsi, sous VGE, la France était intervenue en Mauritanie, au Tchad, en Centrafrique et les paras de la Légion étrangère avaient sauté sur Kolwezi. Le sort de Jean Bedel Bokassa aurait été scellé au Sommet France-Afrique de Kigali en 1979. Pourtant, à son arrivée au pouvoir, VGE prônait la «non-ingérence» dans les affaires africaines. Son ministre des Affaires étrangères, Louis de Guiringaud, pouvait continuer de dire : «Qu’avec 500 hommes, la France pouvait changer le destin de l’Afrique.»
La grosse désillusion Mitterrand
Les Africains avaient applaudi, en 1981, l’élection de François Mitterrand. En effet, Mitterrand clamait sa volonté de redéfinir ou changer radicalement les relations de son pays avec l’Afrique. Des intellectuels de gauche comme Régis Debray et Erik Orsenna l’y encourageaient. Patatras ! Mitterrand ne pouvait donner meilleur gage de conservatisme aux chefs d’Etat africains, qu’en nommant son propre fils, Jean-Christophe Mitterrand, comme le «Monsieur Afrique» de l’Elysée. Tout le monde était déçu, jusqu’au ministre des Affaires étrangères, Claude Cheysson, qui persiflait : «Ah, l’Afrique, ce sont les affaires domestiques. Elles se gèrent à l’Elysée, et pas au quai d’Orsay.» De toute façon, sous François Mitterrand, la France enverra des troupes expéditionnaires pour intervenir au Gabon, au Togo, au Zaïre, au Rwanda, au Tchad, etc. Ahmed Sékou Touré accusera François Mitterrand de chercher à déstabiliser la Guinée. Ce dernier, déjà fortement accusé en Afrique d’avoir «validé» l’assassinat de Thomas Sankara (1987), sera chahuté pour son attitude vis-à-vis des dirigeants africains. C’est dans ce contexte que Erik Orsenna lui servit de «nègre» pour son discours du 20 juin 1990, à la Baule. François Mitterrand fera la leçon à ses pairs en leur demandant d’entendre les appels à plus de démocratie. Il aura ainsi préconisé le multipartisme. Le discours de la Baule aura fâché quelques dirigeants africains et Mitterrand sera obligé de le diluer dans un autre discours, au Sommet de Chaillot, pour indiquer que «chaque pays devrait aller sur le chemin de la démocratie, à son propre rythme».
Chirac avoue avoir bu du sang de l’Afrique
Le successeur de Mitterrand installa au 2, rue de l’Elysée, Michel Dupuch, ambassadeur de France préféré de Felix Houphouët Boigny. Jacques Chirac se révélera d’un paternalisme singulier avec l’Afrique. Il n’hésitera pas à mettre les pieds dans le plat, le 18 juillet 1996, à Brazzaville, disant que «l’Afrique n’est pas encore mûre pour la démocratie». Le 6 novembre 2004, l’Armée française bombardera des aéronefs de l’Armée ivoirienne. Jacques Chirac reprochera à Laurent Gbagbo: «Laurent, regardes bien ce que tu as fait du pays de Houphouët.» Pour sa sortie, il fera un testament de sincérité en soulignant au Sommet France Afrique de Cannes en 2007 : «Nous avons saigné l’Afrique pendant quatre siècles et demi.» Le propos peut paraître sincère car des journalistes français rapportent que le 19 janvier 2001, en marge du Sommet France-Afrique de Yaoundé, Jacques Chirac leur faisait en privé cette forme de confession : «Ce continent, nous lui avons d’abord pris ses richesses (…) Aujourd’hui, on agit de même, mais avec plus d’élégance. L’Occident leur pique leurs cerveaux (…) Il s’agit là, à mes yeux, d’une autre forme d’exploitation. On s’est bien enrichi à ses dépens. Nous devons, c’est vrai, encourager la marche vers la démocratie. Mais sans arrogance, sans humilier.» A son départ de l’Elysée, Jacques Chirac pourra alors se redécouvrir à faire le tour de l’Afrique pour plaider l’effacement de la dette et l’accès des populations aux médicaments.
Tout de Nicolas Sarkozy pouvait fâcher
Bruno Joubert, sera nommé Conseiller-Afrique de 2007 à 2009. A sa nomination comme ambassadeur à Rabat, il sera remplacé par André Parent (2009-2012), qui avait été ambassadeur bien réputé de la France à Dakar. Il reste que ce n’était sans doute pas sur un Nicolas Sarkozy qu’il fallait compter pour espérer une repentance, un propos de contrition de la France, pour son lourd passif en Afrique. Déjà ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy s’était montré acteur d’une politique très décriée de lutte contre l’immigration africaine en France et de mauvais traitements de Français d’origine africaine dans certaines banlieues.
Qu’à cela ne tienne, Nicolas Sarkozy voudrait «nettoyer la FrançAfrique», affirmant : «Qu’il nous faut nous débarrasser des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que celui qu’ils s’inventent. Le fonctionnement normal des institutions politiques et diplomatiques doit prévaloir sur les circuits officieux qui ont fait tant de mal par le passé. Il faut définitivement tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés.» Mais les Africains retiendront le plus de Nicolas Sarkozy, un passage de son discours de Dakar en 2007 dans lequel il considère que «l’homme africain n’est pas suffisamment entré dans l’Histoire». Il avait voulu, disait-il, parler en toute franchise mais les dégâts ont été irréparables. Ainsi, Nicolas Sarkozy aura mal entamé ses relations avec l’Afrique et il les terminera en laissant une image tout aussi désastreuse.
Des élites africaines lui reprochent non seulement d’avoir planifié l’assassinat de Mouamar Khadaffi en 2011 mais aussi d’avoir fait gagner en 2010, la Présidentielle guinéenne à Alpha Condé. La Cellule Afrique de l’Elysée était certes devenue moins flamboyante mais Nicolas Sarkozy a démantelé des bases militaires françaises en Afrique, a eu sa part d’interventionnisme militaire en Côte d’Ivoire, au Tchad et a bien eu à profiter des largesses des dirigeants africains par le truchement d’émissaires comme l’avocat Robert Bourgi et Patrick Balkany. Me Bourgi a pu révéler le tragique épisode avec Claude Guéant, des «Djembés» bourrés de liasses d’argent dans la cour de l’Elysée.
Francois Hollande, un petit héros en Afrique
Pour son premier voyage présidentiel en Afrique, François Hollande fera montre de candeur et clamait à Dakar vouloir redéfinir les relations de son pays avec ses partenaires africains. Il s’inclina devant la mémoire des tirailleurs sénégalais tués au Camp de Thiaroye en 1944, s’engagea à améliorer les pensions des anciens Tirailleurs sénégalais et remettra une partie des archives coloniales qui révèlent le rôle historique peu glorieux de la France. Mais Hollande finira par s’africaniser. Il enverra des troupes en Centrafrique, à Djibouti et maintiendra le dispositif au Tchad pour sauver le régime de Idriss Deby. Il sauvera aussi le siège de Ali Bongo au Gabon et déroulera le tapis rouge de l’Elysée à de nombreux dictateurs africains. Mais Hollande a pu rendre la France quelque peu sympathique en Afrique, en décidant opportunément d’intervenir au Mali pour stopper l’avancée des troupes djihadistes. Si aujourd’hui le Mali n’est pas devenu un émirat islamiste, il le doit à François Hollande.
Les erreurs de la Macron-formula
Le Président Macron voudrait casser tous les codes et envisager ses relations avec l’Afrique, sans complexe. Mais son caractère beaucoup trop iconoclaste le dessert. Emmanuel Macron cherche tant à se démarquer de la réputation peu flatteuse de nombre de ses pairs africains, qu’il lui arrive de poser des actes on ne peut plus maladroits. S’il parle à ses pairs africains, il est sur un ton de l’injonction, de la directive. La condescendance est manifeste, d’aucuns diront même le mépris. Emmanuel Macron a choisi unilatéralement de changer le format des rencontres traditionnelles entre la France et les pays africains. Ainsi, sera-t-il le seul chef d’Etat à son «Sommet de Montpellier» (8 octobre 2021) avec des jeunes, des membres de la Société civile ou des hommes d’affaires. On se demande bien ce que ses invités ont pu lui apprendre qu’il ne devait pas savoir déjà par ses différentes ambassades, les chercheurs et les autres sources d’informations. Du reste, Emmanuel Macron aura donné l’occasion ou la tribune pour invectiver la France et les différentes autorités africaines. La tribune était belle pour montrer devant les caméras de télévision un certain «héroïsme» devant le premier des français. Quelque part certains jeunes ont pu se dire satisfaits d’avoir vengé les affronts faits par les colonisateurs à leurs aïeuls. C’est dire que le Président Macron n’aura rien gagné de l’exercice de Montpellier. Au contraire, il aura froissé inutilement ses pairs africains qui pourraient se sentir ainsi snobés. La France n’a pas réussi à se rendre plus sympathique aux yeux des élites africaines. D’ailleurs la sélection opérée par l’Elysée pour constituer son échantillon représentatif des populations africaines et de leur perception du rôle et de la place de la France est très discutée.
En effet, les personnes présentes à Montpellier ne sauraient parler au nom de l’Afrique ou représenter la jeunesse africaine. Assurément, la grande masse des jeunes en Afrique ne semblent pas se retrouver à travers les prototypes présentés. Ainsi, on continuera d’entendre des récriminations encore plus acerbes contre la France. Toutes les critiques faites à la France ne seraient sans doute pas justes ; on sait bien le travail de sape opéré par des puissances qui convoitent le marché africain. Mais force est de dire que Emmanuel Macron risque de braquer davantage du monde contre la France et sa politique africaine. Le sentiment anti-français qui a pu se développer en Afrique est vu comme porté par une jeunesse qui se veut «décomplexée» et qui voudrait carburer sur une légitimité forgée sur un échec plus ou moins palpable d’aînés qui ont failli. Emmanuel Macron s’est donc ouvert à un exercice d’échanges avec des jeunes du continent que les pays africains ainsi que leurs chefs d’Etat doivent être les premiers à mener.
La levée de boucliers qui a suivi les différentes interventions suffit à donner une idée des logiques désarticulées et d’une perception cohérente et commune des rapports face à la France. Tout un débat et des intentions sont prêtées à des populations qui en dernier ressort sont bien loin de tout ce qui se décide. Au demeurant, on peut considérer que Emmanuel Macron a fini d’enterrer les messes France-Afrique car on verra difficilement un pays africain se porter désormais candidat pour l’abriter.
Du reste comment réagirait le Président Macron si un pays africain avait invité les «gilets jaunes» ou les «blacks bocks» pour parler des relations France-Afrique et surtout dégager un fonds destiné à financer des groupes d’activistes français qui prôneraient davantage de démocratie ?
MACRON DISPOSÉ À RÉCURER LA MARMITE NAUSÉABONDE
S’il ne s’est pas laissé désarçonner par les attaques, le président français a tout de même pris des engagements forts, qui devraient marquer le futur des relations entre la France et ses partenaires africains
Par Mohamed GUEYE - Envoyé spécial |
Publication 11/10/2021
Le chef d’Etat français s’attendait certainement à être bousculé par les représentants des sociétés civiles africaines qu’il a conviés à un face-à-face plein de franchise et de sincérité. S’il ne s’est pas laissé désarçonner par les attaques, Emmanuel Macron a tout de même pris des engagements forts, qui devraient marquer le futur des relations entre la France et ses partenaires africains.
L’exercice était un peu différent de celui auquel il s’était adonné il y a quatre ans à l’Université de Ouagadougou, avec des étudiants de l’Université Ki-Zerbo. Le vendredi dernier à Montpellier, le Président Emmanuel Macron a fait face à 11 jeunes africains, représentatifs du continent dans sa diversité géographique, sinon sociale. C’était pour lui, la forme rénovée des sommets France-Afrique entre le dirigeant africain et ses pairs du continent. Copiées et imitées par toutes les puissances du monde, ces rencontres ne lui semblaient plus répondre à leur objectif. D’où le coup de vieux qu’il vient de leur donner. Toutefois, le modus operandi n’a pas tellement changé. C’est toujours un Français qui fait face à plusieurs africains. Même si ici, la volonté mutuelle de réellement changer les choses dans les relations communes se sentait en filigrane.
Changer les choses en commençant pas le langage
Poussé dans ses retranchements, le chef de l’Etat français n’a pas perdu de sa superbe, et a apporté réponse à chaque point qui lui était adressé. Et s’il n’a pas voulu assumer tous les péchés d’Israël pour son pays par rapport à son passé colonial et à sa politique présente, il n’a pas occulté qu’il il y a, dans les relations entre la France et le continent africain, bien de choses à revoir. A commencer par le langage et ce qu’il entraîne dans la perception. Au point que, en réponse à l’interpellation de la Burkinabè, Raïmwendé Eldaa Koama, il a accepté de «récurer à fond la marmite» des relations entre le continent et l’ancien colonisateur. En y mettant tout de même un gros bémol : «Nous allons laver la marmite, la récurer bien fort, mais nous n’allons pas changer de marmite», a dit le Président Macron. En clair, il s’agira de reconstruire la relation sur de nouvelles bases acceptées de tous. Et on commencera par la manière de nommer certaines choses, par l’adoption de nouveaux éléments de langage, les protagonistes en ont convenu. Dans cet ordre d’idée, l’Agence française de développement (Afd), née en 1941 sous le nom de Caisse centrale de la France libre, et plus connue après les indépendances africaines sous le label de Caisse centrale de coopération économique (Ccce), va devoir, une fois de plus, changer de nom. L’une des raisons, l’activiste Burkinabè l’a donné : «L’aide tant qu’elle n’aide pas à se départir de l’aide, il faut s’en débarrasser.» L’universitaire ivoirien, Arthur Banga, va ajouter à cette exigence, la fermeture des bases militaires françaises en Afrique. Il y a aussi la création d’un fonds de soutien à la démocratie, qui serait co-géré par la Société civile africaine, entre autres.
Le pardon pas à l’ordre du jour
L’activiste et blogueur sénégalais, Cheikh Fall, a lui, rappelé que l’histoire de la Françafrique n’est pas encore passée, elle qui continue de peser sur les épaules des Africains. Il a déclaré qu’il serait illusoire de penser au futur alors que ce passé est encore douloureux. Il a donc notamment, demandé au chef de l’Etat français de «prendre ici l’engagement de demander pardon au continent africain» pour cette histoire coloniale et néo-coloniale. Il s’agira ensuite par ailleurs, de cesser «de collaborer et de soutenir les dictateurs africains». Mais sur aucun point, aucune interpellation, on n’a senti Emmanuel Macron dans ses petits souliers. Avec la verve qui le caractérise, le chef de l’Etat français a répondu point par point à tous ses interlocuteurs. S’agissant de l’aide, il a reconnu le caractère désuet et inapproprié de ce terme : «Vous ne m’entendez pas, dans tous mes discours, utiliser ce terme. On veut maintenant faire de l’investissement solidaire, on ne parle plus d’aide au développement. Donc, d’accord pour changer le nom de l’Afd… On a commencé à changer plein de choses, mais c’est vrai que la méthode ne change pas.» Convergence également avec Eldaa Koama sur le caractère nauséabond des relations entre les deux entités : «Il faut laver la marmite. On ne changera pas de marmite, et il y aura toujours des traces. Car on est toujours des enfants d’une histoire, qui nous encombre. Il faut continuer à faire des choses, mais il faut changer les termes, le regard, et l’utilisation que l’on en fait.» Quant à la contrition, le chef de l’Etat français, qui venait de demander pardon aux harkis abandonnés en Algérie après l’indépendance de ce pays, qui avait également dénoncé, en tant que candidat à la Présidence, l’erreur de la colonisation de l’Algérie, n’a pas cette fois, voulu franchir le pas avec les pays d’Afrique noire. Et il s’en est expliqué face à la salle accrochée à ses lèvres sur la question : «Si je dis oui à votre interpellation, cela va vous faire plaisir. Mais ce que vous me demandez, ce n’est pas ce que je veux faire, parce que ce serait trop facile. Dire pardon, cela voudrait dire que je voudrais me délier, ce serait comme si je voulais passer à autre chose, m’en débarrasser.» Il estime pour sa part qu’une autre voie serait plus appropriée : «Je crois à une politique de reconnaissance. Je l’ai assumé quand j’ai été candidat. Oui, la France a une responsabilité immense. Elle est le pays qui a organisé le commerce triangulaire – elle n’est pas le seul, mais elle y a largement contribué. Une fois que je reconnais cela, je nomme ce que tous les historiens ont documenté, j’en prends ma part, mais je ne m’en débarrasse pas.» Et en conséquence, «ce qu’au nom du peuple français, je suis prêt à m’engager à faire, c’est un travail d’historien. Documenter le passé et permettre aux historiens du continent et d’Europe à mettre en place un travail de mémoire à apprendre à nos enfants, pour permettre de changer les choses en profondeur». Un autre point, dont il faudra surveiller la mise en œuvre dans les semaines à venir, c’est la mise en place du Fonds pour le soutien à la démocratie qui, selon ses souhaits, devrait être cogéré avec les membres de la Société civile africaine. Notamment des représentants des personnes qui étaient à l’avant-plan de la préparation du Sommet de Montpellier. Et au premier chef, le Pr Achille Mbembé, président du comité scientifique.
LES PROTAGONISTES VEULENT DES RESULTATS RAPIDES
Le Sommet de Montpellier a pris fin, mais ses initiateurs, en particulier les collaborateurs du chef de l’Etat français, veulent veiller à ce que cela n’ait pas été qu’un coup d’épée dans l’eau, mais que des résultats concrets puissent en sortir
Les lampions se sont éteints au Parc des expositions de Montpellier, où se sont déroulés les débats entre Emmanuel Macron et ses invités. Mais tous les protagonistes ne veulent pas laisser que les choses se tassent et veulent une mise en œuvre rapide des décisions issues des différentes discussions.
Le Sommet de Montpellier a pris fin, mais ses initiateurs, en particulier les collaborateurs du chef de l’Etat français, veulent veiller à ce que cela n’ait pas été qu’un coup d’épée dans l’eau, mais que des résultats concrets puissent en sortir aussi vite que possible. Dans cet ordre d’idée, le Président Emmanuel Macron souhaiterait mettre rapidement en place le Fonds d’innovation pour la démocratie, la Maison de l’Afrique et des Diasporas, le Programme Campus nomade. Mais l’historien Achille Mbembé, Maître d’œuvre de la grande messe de Montpellier a précisé, en marge du Sommet, au journal Le Quotidien : «Il y a dix autres projets qui feront l’objet d’une mise en œuvre par les différentes agences gouvernementales françaises. Beaucoup de personnes seront impliquées dans le suivi, afin que Montpellier marque une étape historique dans la refonte des relations entre l’Afrique et l’Europe.»
Et les choses devraient même bouger le plus rapidement possible, estime M. Benoît Verdaux, Secrétaire général du ministère français de l’Europe et des affaires étrangères. Et l’une de ces choses qui feront rapidement la différence, du côté français, en dehors du changement d’appellation de l’Afd, sera certainement la mise en place du Fonds d’innovation pour la démocratie. Le haut-fonctionnaire est d’avis que le gouvernement français va appuyer ce projet pour quelques années encore, afin qu’il puisse devenir viable. «Mais l’ambition est de faire en sorte que des Africains, en particulier la Société civile, se l’approprient.» L’équipe mise en place autour de l’universitaire Mbembé jouera certainement un grand rôle, mais elle ne sera pas la seule. Verdaux a été séduit par «l’idée avancée par l’activiste Cheikh Fall, qui a invité des personnalités africaines comme Mo Ibrahim, Tony Elumelu et d’autres, à venir rejoindre le comité qui veillera au financement et à la mise en œuvre de ce fonds». Des secteurs comme le sport seront aussi fortement mis à contribution. Les panels ont démontré que le sport, à tous les niveaux, est un facteur de rapprochement des peuples, et surtout de la jeunesse.
On a ainsi vu M. Mamadou Diagna Ndiaye, président du Comité d’organisation des Joj 2026 de Dakar, en compagnie de plusieurs personnalités du monde sportif français. De nombreux accords ont été signés en vue du rendez-vous de la jeunesse sportive mondiale au Sénégal. L’Afd s’est engagée à réhabiliter le stade Iba Mar Diop et la Piscine olympique, en vue desdits jeux, a déclaré au journal Le Quotidien, l’une de ses responsables, Isabella Labchi. Le financement a été déjà dégagé, et en collaboration avec d’autres partenaires, les travaux seront entamés bientôt. «Il ne s’agira pas que de réhabiliter pour les Jeux. On veut aussi fournir aux jeunes des environs du stade, des espaces de jeux et d’entraînement même en dehors de ce rendez-vous sportif. Cela passera par, outre la réhabilitation du stade, la construction de petits terrains d’entraînement en dehors du stade, pour faciliter l’entraînement des équipes qui se qualifieront pour les Jeux, dont une partie se déroulera sur ce terrain», a déclaré Mme Labchi.
Outre l’Afd, Le Cnoss a pu passer des accords avec plusieurs fédérations sportives françaises pour faciliter la préparation et les entraînements des sportifs français, comme pour le judo, le volleyball ou d’autres disciplines encore, inscrites au programme des Joj 2026.
Par Dieynaba KANE
UNE «INFANTILISATION» DES DIRIGEANTS AFRICAINS
Le format du dernier sommet Afrique-France n’a pas du tout été apprécié par certains intellectuels africains.
Le format du dernier sommet Afrique-France n’a pas du tout été apprécié par certains intellectuels africains. Pour eux, en décidant d’inviter de jeunes africains à la place de ses homologues dirigeants africains, Macron a encore manifesté son dédain à l’égard de ses pairs.
Les rideaux sont tombés sur le sommet Afrique-France tenu les 7 et 8 octobre à Montpellier. Mais les critiques, elles, ne s’estompent pas. Le Président français, qui a décidé pour ce sommet de changer de format en invitant à la place de ses homologues dirigeants africains des jeunes de la Société civile pour débattre avec eux, n’a pas échappé aux critiques de certains intellectuels du continent. Certains, comme Boubacar Boris Diop, dénoncent le «profond mépris que sous-tend la démarche du Président français».
Dans une tribune publiée sur ce sujet, il dit : «On ne le dit pas assez mais ce seigneurial dédain est particulièrement manifeste à l’égard de ses pairs.» Selon l’écrivain, «tout le monde avait en effet cru comprendre qu’un sommet Afrique-France, ce sont les retrouvailles annuelles, en alternance sur les deux continents, d’Etats souverains et amis». Pour lui, «bien évidemment, personne n’a jamais été dupe de cette fiction, mais au moins les apparences étaient-elles sauves». Analysant la démarche de Macron, il soutient que ce dernier «vend en quelque sorte la mèche en montrant clairement que c’est bien Paris qui a toujours convoqué ses obligés pour tancer les uns, féliciter les autres, unifier les points de vue sur quelque dossier épineux et, chemin faisant, rappeler au reste du monde son emprise absolue sur les populations de terres lointaines». D’après lui, «le Président Macron ne prend aucun risque avec ce format concocté par quelque discrète officine de la Françafrique».
Selon l’écrivain, «ces gens ont accumulé une énorme expérience depuis le temps qu’ils s’activent dans l’ombre à maintenir les Africains dans les fers, veillant même parfois, suprême délicatesse, à ce qu’ils ne leur fassent pas trop mal». Cheikh Tidiane Dièye, qui était l’invité du Grand Jury sur la Rfm, a pour sa part critiqué l’attitude des dirigeants africains. «Ceux qui sont critiquables, ce sont les chefs africains qui n’ont pas eu le courage parce que tout se fait dans les coulisses. Si les chefs d’Etat africains n’avaient pas voulu de ce sommet… On les met dans une posture d’acteurs inutiles. Il y a eu des sommets sous certaines formes puisque la France le voulait avec les chefs d’Etat et à partir où la France n’en voulait pas, les chefs d’Etats africains, quel que soit leur nombre, ne sont plus assez significatifs pour imposer leur volonté à la France», a-t-il fustigé.
Et M. Dièye d’ajouter : «On a l’impression que les pays africains sont dirigés par des dirigeants qui n’ont pas de caractère. C’est un manque de dignité parfois parce qu’un chef d’Etat leader d’un pays doit aussi avoir la possibilité de s’imposer, de refuser dans des considérations comme celles-là qu’il soit embarqué par un Président français qui tend à infantiliser des dirigeants africains.» Les jeunes de la Société civile africaine qui étaient invités à débattre avec le Président français n’ont pas échappé aux critiques même s’ils ont sans filtre interpellé Macron sur le «colonialisme», «l’arrogance» ou le «paternalisme français».
Pour Cheikh Tidiane Dièye, ce ne sont pas ces jeunes qu’il faut critiquer mais plutôt les dirigeants africains.