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17 septembre 2025
MACKY SALL FACE À UN DILEMME CORNÉLIEN
Le chef de l’État, détenteur du dernier mot au moment de la confection des listes de sa mouvance pour les locales, devrait jouer des coudes dans bien des communes afin de préserver la cohésion de sa grande coalition
A quelques mois des élections locales du 23 janvier 2022, l’heure est aux manœuvres politiques, en prélude des investitures, dans la quasi-totalité des partis politiques et/ou coalitions de partis. Au sein de la mouvance présidentielle, le président Macky Sall, arbitre lors de la confection des listes, aura à coup sûr du fil à retordre, étant entendu que certains alliées manifestent déjà leur souhait de conserver les acquis, au moment où des ténors de son parti, l’Alliance pour la République (APR), affichent clairement leurs ambitions de leur succéder.
«Ce que nous voulons, c’est que là où nous avons des maires, que ces mairies restent entre les mains des Socialistes. Et là où nous avons des visées, que nous nous donnions les moyens d’aller conquérir ces mairies-là. Nous avons des visées pour Hann, par exemple. Le département de Dakar est stratégique pour le Ps (Parti socialiste).
La force du Ps sera la force de Bennoo Bokk Yaakaar, parce que nous avons un ancrage confirmé dans Bennoo», avait déclaré le Coordonnateur de la Cellule de communication du Parti socialiste (Ps), Ousmane Faye, au sortir de la 74ème séance du Secrétariat exécutif national, tenue en mai dernier. Le discours est quasiment le même pour l’Alliance des forces du progrès (Afp), ou du moins dans sa section départementale de Birkilane.
Le poulain du président de l’Assemblée nationale, Mapenda Cissé, responsable de la Coordination départementale de l’Afp, pense que Bennoo Bokk Yakaar (Bby) devrait soutenir la candidature de leur parti dans le département. En effet, excédé par les déclarations de candidature des responsables du parti au pouvoir, il a estimé qu’«il serait juste et légitime que la Bennoo Bokk Yaakaar porte la candidature de l’Afp pour la mairie de Birkilane et même d’autres communes, dans le département de Birkilane, et dans la région de Kaffrine». Comme raisons avancées, le Directeur exécutif de la Compagnie aérienne Transair rappelle qu’avant l’avènement de la coalition Bby et la communalisation intégrale par l’Acte 3 de la Décentralisation, l’Afp était la deuxième force politique, derrière le Pds, dans la région de Kaffrine, et dans le département de Birkilane. Qui plus est, la plupart des Communautés rurales et la commune de Birkilane étaient dirigées par l’Afp.
A travers ces positions tranchées, très certainement partagées par d’autres formations membres de la coalition, il en ressort clairement que les alliés, dans la mouvance présidentielle, voudraient bien, lors des investitures prochaines pour les locales, conserver les acquis de leurs formations politiques et/ou sous-coalition. Et pourquoi pas (vouloir) en rajouter d’autres, à la mesure du possible. Des souhaits et autres désires qui semblent difficiles, voire même impossibles à satisfaire, au regard des candidatures tout azimut qui se déclarent au sein de la même coalition, pour des hôtels de ville gérés par des partis membres de la mouvance présidentielle.
MACKY A L’EPREUVE DU CHOC DES AMBITIONS INTERNES
Le chef de l’État, détenteur du dernier mot au moment de la confection des listes de sa mouvance, devrait jouer des coudes pour trouver le juste milieu dans bien des communes, afin de préserver la cohésion de sa grande coalition, imbattable pour le moment en termes de longévité. A Ziguinchor, la déclaration de candidature de Doudou Ka, Directeur général de l’Aibd, n’a pas manqué d’irriter les partisans de l’actuel maire de la ville, Abdoulaye Baldé, patron de l’Ucs.
Dans la capitale sénégalaise, le Ps ne cracherait pas sur la conservation du fauteuil de la ville gagné par un maire socialiste, en l’occurrence l’ex-député-maire Khalifa Sall. Toujours à Dakar, cette fois-ci dans la commune des Parcelles Assainies, l’édile de la collectivité locale, Moussa Sy, garde jalousement son siège très convoité par les membres de l’Apr, en l’occurrence le député Alioune Badara Diouf et sa bande qui font un appel du pied à l’ancien ministre, Amadou Ba. La commune de Sicap-Liberté n’est pas épargnée par ce choc des ambitions entre leaders de la même coalition. Le ministre de la Microfinance et de l'Économie sociale et solidaire, Zahra Iyane Thiam est en embuscade pour la place qu’occupe le maire ‘’Progressite’’, Santy Sène Agne. Ailleurs, plus précisément à Podor, le fauteuil occupé par l’actuelle ministre des Affaires étrangères, Aïssata Tall Sall de ‘’Osez l’avenir’’ est très convoité par son allié dans Bennoo, Mamadou Racine Sy, président du mouvement «And ligeey Podor ak Racine».
Même scénario à Kaffrine où Abdoulaye Willane du Ps est inquiété par le ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène public, Abdoulaye Sow. Que dire de la ville de Thiès, gérée par un maire allié, le président du parti Jëf Jël ? Talla Sylla, allié, puis adversaire, redevenu à nouveau allié d’Idrissa Seck dans la mouvance présidentielle, devra protéger ses arrières lors de l’établissement des listes. Le patron de Rewmi est de retour. Des exemples, parmi tant d’autres, qui montrent que la confection des listes de la mouvance présidentielle ne sera pas une mince affaire.
Le chef d’orchestre avait pourtant demandé à ses camarades de lui faire encore une fois de plus confiance. Ce qui reste évident, le goût aigre-doux laissé par l’élection législative de 2017, lors de laquelle le parti présidentiel s’était taillé la part du lion en occupant 97 des 125 sièges que comptait Bby, reste encore frais dans les mémoires. Les alliés étaient partagés entre satisfactions, regrets et incompréhensions. L’avenir nous en dira plus.
Cri de colère de l’avocat des activistes
Me Cheikh Khoureysi Ba a crié son ras-le-bol sur sa page Facebook après avoir fait le tour des commissariats de police de Dakar pour rencontrer ses clients. A l’en croire, Guy Marius Sagna et compagnie qui ne voulaient que crier leur ras-le-bol en notre nom à nous tous, subissent une détention arbitraire. Selon lui, les activistes sont en train de vivre dans leur chair les affres d’un véritable crime d’Etat parce que l’Etat est en vacance de sa propre légalité, lorsqu’il viole ses propres lois. Me Ba prévient que ce comportement ne restera pas sans conséquence. En fait, dénonce-t-il, les 23 manifestants sont privés d’eau, de nourriture et de toute possibilité de bénéficier de la simple assistance d’un avocat. Il voit derrière l’attitude de la police une volonté de se venger des activistes. Parce que la manifestation interdite par le préfet de Dakar s’est quand même tenue. Cette fois, les Guy Marius Sagna et Cie ont innové en adoptant la «stratégie de l’escargot» qui a consisté à manifester et à faire des live tout en restant à l’intérieur de véhicules 4x4 verrouillés devant des policiers «ridiculisés et impuissants, tournés en bourrique car incapables d’esquisser le moindre geste parce qu’ils ne s’attendaient manifestement pas à ça», dira l’avocat. La robe noire pense que la police n’a certainement pas digéré ce coup de Jarnac qui a fait de ses hommes déployés sur la place de l’obélisque la risée des curieux et de la toile.
Guy Marius Sagna et compagnie introuvables
Restons avec Cheikh Khoureysi Ba qui estime que la police s’est vengée en faisant disparaître les activistes. Pour les assister vaille que vaille, Me Ba a été ballotté depuis 17h jusque dans la soirée. L’avocat s’est rendu d’abord au poste de police de Grand-Dakar d’où il a été appelé par 08 manifestants, il s’est rendu par la suite aux commissariats du Point-E puis de la Médina et enfin au commissariat central au cœur de la Sûreté Urbaine. Partout, dit-il, la stratégie du faux-semblant a été déployée avec un art consommé de la comédie qui cache mal la frustration de ce jour et qui n’honore pas, loin s’en faut, la police nationale. Il n’a vu aucun activiste. Il a poursuivi son périple au camp Abdou Diassé, «ce camp de concentration qui ne dit pas son nom et où, dit-il, un sous-officier particulièrement violent était visiblement chargé de l’accueil... pour lui transmettre «l’information sciemment mensongère que ses clients n’étaient pas sur les lieux». Avant de l’inviter à circuler. L’avocat retourne au commissariat de Bel-Air. Il est rentré sans voir ses clients. D’où sa colère. Il a tenu, toutefois, à remercier un capitaine qui a permis à Dj Malick de la ligue contre l’incivisme et l’indiscipline de lancer un SOS parce qu’il est asthmatique et a besoin en urgence d’une assistance respiratoire.
Liberté provisoire pour les 23 habitants de Diass
Les 23 habitants de la commune de Diass, qui ont été arrêtés mercredi dernier lors d’une violente manifestation contre l’accaparement de 31ha de leurs terres, ont fait face hier au procureur du tribunal de Mbour. Après leur inculpation par le procureur, ils ont obtenu la liberté provisoire. Toutefois, ils devront revenir au tribunal le 28 septembre pour leur procès. Pour apaiser la tension, les travaux sont arrêtés et les gendarmes ont quitté Diass. Grâce à ce climat de décrispation, les villageois qui avaient promis de manifester hier (vendredi) ont finalement sursis à la rencontre. Toutefois, ils continuent de réclamer la restitution des 31ha pour l’extension du village Sakhirate.
Le ministre des Affaires Etrangères du Mali au Sénégal
Le ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération internationale du Mali, Abdoulaye Diop, a été reçu hier dans l’après-midi par le Président Macky Sall. M. Diop a transmis le message du colonel Assimi Goïta, chef de l’Etat du Mali, au Président Macky Sall, avant de remercier le Sénégal au nom du peuple malien. Le ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération internationale a rappelé les relations séculaires dont il est lui-même un symbole, ajoutant que l’expérience et l’engagement du Président Macky Sall à leurs côtés devraient aider le Mali à sortir de la crise. Les barrières du débarcadère de Gorée ont cédé Les barrières du débarcadère de Gorée ont fini par céder, exposant ainsi les populations de l’Ile et les visiteurs. Pourtant, les autorités ont alerté sur la vétusté des barrières. Mais, les autorités portuaires ont pris des mesures pour éviter tout accident au débarcadère.
La Fondation du PAD chez Serigne Mountakha
A l’instar de beaucoup de démembrements de l’Etat, le Port Autonome de Dakar (Pad) a apporter sa contribution à l’organisation du Grand Magal 2021. La délégation du Pad, à travers sa Fondation, a été conduite par le Directeur Général du Port autonome de Dakar, par ailleurs président du Conseil de la Fondation Pad. La Fondation Pad a remis au khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké, un important lot d’équipements constitué de motopompes de grande capacité, pour lutter contre les inondations, ainsi que des dispositifs sanitaires pour maîtriser les risques liés à la Covid-19.Au sortir de l’audience, la délégation du Pad s’est rendue chez le nouveau Khalife Général des Baye Fall, Serigne Amdy Modou Mbenda Fall, pour présenter ses condoléances suite au décès de son frère Serigne Cheikh Dieumb Fall, et solliciter des prières pour le Port autonome de Dakar et sa Fondation.
La Banque Mondiale met fin au Doing Business
L’information a failli échapper à nos radars. La Banque mondiale a mis définitivement fin au Doing Business, suite à la confirmation d’irrégularités sur des précédentes éditions. Elle ne publiera plus de rapport Doing Business. L’annonce a été faite par l’institution, dans un communiqué publié ce jeudi 16 septembre. La Banque Mondiale indique avoir pris cette décision à la suite de la publication des conclusions d’une enquête diligentée sur les irrégularités révélées dans les données des éditions 2018 et 2020 du rapport. Ces irrégularités avaient suscité un tollé mondial, vu le prestige et l’importance de ce classement pour les Etats souhaitant notamment attirer les investisseurs étrangers au sein de leurs économies. Selon l’institution de Bretton Woods, la confiance dans les travaux de recherche du Groupe de la Banque mondiale est d’une importance capitale. Ces travaux guident les actions des décideurs politiques, aident les pays à prendre des décisions mieux éclairées et permettent aux parties prenantes de mesurer les progrès économiques et sociaux avec plus de précision, révèle la même source citée par Ecofin. Après avoir examiné toutes les informations disponibles à ce jour sur le rapport Doing Business, y compris les conclusions d’examens et audits antérieurs et le rapport rendu public aujourd’hui par la Banque au nom du conseil des administrateurs, la direction du Groupe de la Banque mondiale a pris la décision de mettre un terme à la publication du rapport Doing Business, fait-on savoir dans un communiqué.
Me Sèye «condamne» les deux députés de Bby
Si Me Ousmane Sèye était à la place du procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, actuellement, les députés de la majorité présidentielle, Boubacar Biaye et El Mamadou Sall cités dans une affaire de trafic de passeports diplomatiques allaient être traduits devant la justice des flagrants délits. S’exprimant hier, lors d’un point de presse organisé par la Coalition Pour l’Emergence (Cpe), la robe noire a indiqué que les députés de Benno doivent être poursuivis. Me Ousmane Sèye considère ce que la presse a rapporté dans cette affaire comme des cas de flagrants délits, étant donné que des passeports diplomatiques avec des ayants droit qui n’en avaient pas le droit et des faux certificats de mariage ont été retrouvés sur les mis en cause. Pour l’avocat, l’immunité parlementaire ne veut pas dire l’impunité. Mieux, dit-il, elle ne joue pas à tous les coups, surtout en matière de flagrant délit. A l’en croire, l’immunité parlementaire n’empêche pas la police d’entendre les suspects, parce que la loi dit: en cas de poursuite, c’est le procureur qui déclenche la procédure. Maintenant, si la police vous entend et transmet le procès-verbal au procureur et qu’il décide de vous poursuivre, c’est là où il va demander la levée de votre immunité parlementaire, explique Me Sèye. Par ailleurs, Me Ousmane Sèye a fait le compte rendu de la réunion de Benno Bokk Yaakaar avec la Cpe qu’il dirige et leur préparation en perspectives des élections locales.
Plateforme des femmes de Pikine-Est
La plateforme des femmes de Pikine-Est a été installée hier. Elle regroupe 1 500 femmes issues de près de 40 groupements. Cette plateforme va permettre, de l’avis du responsable du projet, de faciliter leur autonomisation. Selon Oumar Ndoye, des opportunités sont obtenues avec des consultants ainsi que des partenaires qui veulent accompagner les femmes de la commune dans le cadre de la formation, de l’encadrement technique, dans la labellisation ainsi que l’autorisation. A l’en croire, ce projet ambitionne dans un premier temps de rassembler tous ces groupements de femmes qui sont à Pikine Est pour ensuite mettre en place un réseau. Rappelant que l’autonomisation des femmes n’est pas seulement de disposer d’un financement, Oumar Ndoye compte procéder dans un premier temps, à la formation de ces femmes afin qu’elles aient des métiers de base avant de les aider à avoir une autorisation par rapport à l’activité qu’elles font. D’autant plus, dit-il, que la plupart des femmes font de la transformation mais leurs produits n’ont pas accès aux grandes surfaces. A travers donc cette plateforme, il s’engage à les accompagner pour écouler leurs produits dans le marché.
La Cedeao a rencontré la junte et Condé
Le président en exercice de la Cedeao, le Ghanéen Nana Akufo Addo, est arrivé en fin de matinée avec son homologue ivoirien Alassane Ouattara en Guinée. Les deux chefs d’État ont été accueillis par le colonel Doumbouya, le chef du CNRD. Dans une très courte déclaration avant son vol retour vers 17h, le président Nana Akufo Addo a simplement parlé d’échanges «francs» et «fraternels» avec le colonel Doumbouya et les responsables de la junte. Ces échanges ont duré 2h environ, à l’hôtel Sheraton. Ensuite, les deux chefs d’État sont allés voir Alpha Condé, le président renversé. Selon plusieurs sources, cette rencontre a eu lieu au Palais des Nations. «Nous avons aussi rencontré mon frère Alpha Condé qui va bien. Nous garderons le contact», a déclaré le Président ivoirien Alassane Ouattara sur «Rfi». Du côté du CNRD, il n’y a eu aucune réaction officielle à ce stade, ni sur les sanctions annoncées jeudi 16 septembre, ni sur cette visite. Il n’y a pas de réactions non plus du ministère guinéen des Affaires étrangères, mais une source proche de la junte évoquait ce matin de «l’incompréhension» après les décisions de la Cedeao. «Comment revoir le fichier électoral et organiser des élections crédibles», souligne une source proche du pouvoir ? En tout cas, à la question «une transition de 6 mois, est-ce suffisant ?» le président ghanéen a simplement répondu : «Nous verrons bien, c’est la position de la Cedeao».
BOUTEFLIKA, UN ACCRO DU POUVOIR FINALEMENT CHASSÉ PAR LA RUE
Sommé de quitter le pouvoir par l'état-major, "Boutef" jette l'éponge le 2 avril 2019, après une improbable tentative de briguer un cinquième mandat malgré l'attaque cérébrale qui l'avait cloué sur un fauteuil roulant six ans plus tôt
Plus de 35 ans après son premier poste ministériel, Bouteflika accède à la tête de l'Algérie en 1999, auréolé d'une image de sauveur dans un pays déchiré par une guerre civile.Vingt ans après, il en est chassé sans égards par l'armée, pilier du régime, sous la pression d'un mouvement ("Hirak") de contestation inédit.
Sommé de quitter le pouvoir par l'état-major, "Boutef", comme l'appellent familièrement ses compatriotes, jette l'éponge le 2 avril 2019, après une improbable tentative de briguer un cinquième mandat malgré l'attaque cérébrale qui l'avait cloué sur un fauteuil roulant, quasi inerte, six ans plus tôt.
- Humiliation de trop -
Cette candidature a été perçue comme l'humiliation de trop par des millions d'Algériens, souvent jeunes et décrits à tort comme résignés.
Elu pour la première fois en 1999, constamment réélu au premier tour avec plus de 80% des voix en 2004, 2009 et 2014, ce cinquième mandat semblait acquis aux yeux du régime.
Mais six semaines de mobilisation massive du "Hirak" --du jamais vu en Algérie-- poussent le patron de l'armée, le général Ahmed Gaid Salah, un de ses fidèles, à obtenir sa démission.
Jusqu'au bout, Abdelaziz Bouteflika aura voulu s'accrocher, bravant l'évidence: celui qui fut à 26 ans le plus jeune ministre des Affaires étrangères au monde ne renvoyait plus que l'image d'un vieillard muet et reclus en son palais.
Un contraste saisissant avec le début de sa présidence, quand ce beau parleur aux yeux clairs et en costume trois pièces, amateur de cigare, s'affichait en dirigeant hyperactif.
"Je suis l'Algérie tout entière", lance en arrivant au pouvoir celui dont le destin se confond avec l'histoire contemporaine de son pays.
Né le 2 mars 1937 à Oujda (Maroc), dans une famille originaire de la région de Tlemcen (nord-ouest), Bouteflika rejoint dès 19 ans l'Armée de libération nationale (ALN) qui combat la puissance coloniale française.
A l'indépendance en 1962, il est, à 25 ans, ministre des Sports et du Tourisme, avant d'hériter un an plus tard du portefeuille convoité de la diplomatie, qu'il conserve jusqu'en 1979, une époque où l'Algérie s'affiche en leader du "tiers-monde".
En 1965, il soutient le coup d'Etat de Houari Boumédiène, alors ministre de la Défense, qui s'empare du pouvoir en déposant le président Ahmed Ben Bella.
S'affirmant comme le dauphin de Boumédiène --"le père qu'il n'a pas eu", dira ce dernier--, qui décède en 1978, il est pourtant écarté de la succession par l'armée puis de la scène politique sur fond d'accusations de malversations.Il s'exile à Dubaï et Genève.
C'est pourtant l'armée qui l'impose en 1999 comme candidat à la présidentielle: il l'emporte après le retrait de ses adversaires qui dénoncent des fraudes.
Sa priorité: rétablir la paix en Algérie, plongée dans la guerre civile depuis 1992 contre une guérilla islamiste (quelque 200.000 morts en dix ans, officiellement).
Deux lois d'amnistie, en 1999 et 2005, convainquent nombre d'islamistes de déposer les armes.
Accusé par ses détracteurs d'être une marionnette de l'armée, Bouteflika travaille à desserrer l'emprise de la puissante institution.
- "Mémorisation phénoménale" -
Promettant qu'il ne sera pas un "trois quarts de président", il devient tout puissant.
"Bouteflika n'aime pas consulter les dossiers, ne lit ni les notes ni les fiches que lui préparent conseillers, ministres ou diplomates.Toutefois, il a une capacité de mémorisation phénoménale", raconte le journaliste algérien Farid Alilat dans une biographie ("Bouteflika, l'histoire secrète", éditions du Rocher).
Avec la France, la relation reste à vif, même si le chef d'Etat algérien, qui sait nouer des relations étroites, parfois amicales, est apprécié des dirigeants français, en particulier de Jacques Chirac.Il a aussi fait de nombreux séjours à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, dans la plus grande discrétion, avant d'aller se faire soigner à Genève.
Sur la scène intérieure, Abdelaziz Bouteflika impose au Parlement de supprimer la limitation du nombre de mandats pour en conquérir un troisième en 2009, puis brave les oppositions affichées jusqu'au sein de l'appareil sécuritaire pour en gagner un quatrième, un an après son AVC.
Très affaibli physiquement, il n'en renforce pas moins ses pouvoirs en dissolvant début 2016 le Département du renseignement et de la sécurité (DRS, services secrets), après avoir congédié son chef, le général Mohamed Médiène, jadis considéré indéboulonnable.
Mais ce quatrième mandat se déroule sur fond de dégringolade des prix du pétrole pour une économie très dépendante des hydrocarbures.
Les caisses sont vides et il n'est plus possible d'acheter la paix sociale, comme en 2011 quand le Printemps arabe balaie la région.
Au-delà des difficultés économiques enfle surtout la frustration d'une population outrée du symbole que représente ce président mutique et paralysé.Jusqu'à l'avènement spectaculaire du Hirak, mouvement pluriel, non violent et sans leadership.
ABDELAZIZ BOUTEFLIKA EST MORT
L'ex-président algérien vient de s'éteindre à l'âge de 84 ans après une longue maladie. Il a été à la tête du pays pendant une vingtaine d’années
Il a lutté contre sa maladie pendant plus de dix ans, une maladie secrète. Cancer ou ulcère, non, plutôt un AVC... le secret rythme la vie du pays durant toutes ces années. Désormais, les Algériens vont devoir apprendre à vivre sans lui. Abdelaziz Bouteflika est mort. Il est mort après avoir régné pendant 20 ans.
Tout a commencé pour lui en 1956. Il a à cette époque 19 ans. Il est né le 2 mars 1937 à Oujda dans cette ville marocaine située à la frontière avec l'Algérie. Comme la plupart des jeunes de sa génération, il quitte ses études pour répondre à l'appel du Front de Libération Nationale (FLN) pour lutter contre la présence coloniale française. Il intégrera ensuite les rangs de l'armée de libération nationale.
Et quand Ahmed Ben Bella devient président au lendemain de l'indépendance proclamée en 1962, Bouteflika, déjà député de Tlemcen, est nommé ministre de la Jeunesse. Mais sa carrière politique sera véritablement lancée en 1965 quand le nouveau président dont il était un des fidèles, Houari Boumediène, le confirme définitivement au poste de ministre des Affaires étrangères. Une ascension fulgurante.
Le "Little big man"
Celui qu'on surnomme "Little big man" en référence à son jeune âge et à sa petite taille, un mètre cinquante-neuf, portera la voix de l'Algérie pendant 15 ans. Mais à la mort de Boumediène, Abdelaziz Bouteflika connaît une traversée du désert et passe six ans en exil.
En 1987, Abdelaziz Bouteflika revient en Algérie dans un contexte de contestations sociales. Il réintègre le comité central du FLN et se relance à tout petits pas dans la vie politique algérienne.
En 1991, l'annulation des élections législatives que le Front islamiste du salut (FIS) a largement remportées enfonce l'Algérie dans une guerre civile à laquelle Bouteflika tentera de mettre fin après son accession au pouvoir le 15 avril 1999. Il offre l'amnistie puis le pardon aux islamistes.
Mais l'appui dont il jouit de la part des militaires fait des mécontents.
En 2008 une nouvelle révision de la constitution lui ouvre la porte à un troisième mandat. S'appuyant sur les ressources pétrolières Bouteflika lance des chantiers tous azimuts.
La chute de Bouteflika
Mais en 2013, un AVC ébranle le président. Sa dernière apparition en public date d'un an plus tôt. Depuis, il communique par des lettres adressées à ses concitoyens choqués de voir leur président sur une chaise roulante. Malgré tout, le quatrième mandat sera consommé. Un quatrième mandat entamé sous la prolifération des scandales financiers et politiques.
Seul bémol : Bouteflika réussit enfin à limoger le patron des services de renseignements pour ne pas être comme il l'a laissé entendre, « un président aux trois quarts» mais dans le pays, tout le monde sait qu'en vérité, le président ne gouverne plus depuis longtemps.
Le 10 février 2019, l'annonce qu'il veut briguer un cinquième mandat jette les Algériens dans la rue. Ils demandent le départ non seulement de Bouteflika mais de tout le système. Une lettre aux Algériens dans laquelle on lui attribue l'engagement, s'il est élu, à ne pas aller au bout de son mandat et à organiser une élection présidentielle anticipée ne convainc pas.
La rue ne cède pas. Et c'est la mort qui tranche finalement. Bouteflika invisible depuis des années, l'est désormais définitivement.
PAR Maguèye Touré
MOHAMED MBOUGAR SARR, ENTRE INQUIÉTUDE, PASSION ET IDÉAL
EXCLUSIF SENEPLUS - La littérature considérée comme un terrain d’interrogation, de résistance aux clichés et aux postures radicales du grand nombre - Écrire tout en interrogeant l’écriture, voilà bien une gageure
Il faut lever une possible équivoque : dans le titre de cette note de lecture, les termes « inquiétude » et « passion » sont employés dans leurs sens étymologiques respectifs « d’état de non tranquillité » d’une part, de « souffrance » ou de « ce qu’on subit », d’autre part, comme on parlerait, par exemple, de la Passion du Christ.
Cette précision faite, il est loisible d’aborder le rapport de cet auteur à la littérature considérée comme un terrain d’interrogation, de résistance aux clichés et aux postures radicales du grand nombre. En effet, chez Mohamed Mbougar Sarr, l’écriture est d’abord exigence et, en premier lieu, exigence par rapport à la langue dont les ressources cachées, magiques, sont appelées à servir de matériau à l’écrivain véritable qui ne peut se contenter de retranscrire la langue commune telle qu’elle s’exprime communément. Il faut donc écrire autrement pour être un écrivain.
L’écrivain doit s’inscrire en permanence dans la tension ; l’écriture est nécessairement souffrance, mais souffrance voluptueuse. Chez Mohamed Mbougar Sarr, l’acte d’écrire n’est pas une opération de transcription du réel tel qu’il peut se présenter au commun ; il s’agit davantage de la sublimation de celui-ci, pour en faire une matière littéraire unique, non transposable, idiosyncrasique. C’est pourquoi le choix du thème importe moins que la manière dont on l’aborde. En poussant le raisonnement à son extrême, la question habituelle : « De quoi parle le livre ? » devient caduque, non pertinente. Les grandes questions de la littérature – Qu’est-ce qu’écrire ? Quoi écrire ? Comment écrire ? Pourquoi écrire ? Pour qui écrire ? – semblent se concentrer en une seule : qu’est-ce qu’écrire ?
Il est ainsi des thématiques qui imposent leur autorité parce qu’elles font déployer un surplus de tension et de réflexion, parce qu’elles font franchir un palier dans l’exigence. De toutes ces thématiques, il semble bien que celle relative à l’écriture et à la littérature en constitue l’aristocratie. Écrire tout en interrogeant l’écriture, voilà bien une gageure. L’écriture qui se déploie en questionnant son être et son devenir. La littérature qui prend pour sujet la littérature. Une complexité supplémentaire. On se prendrait les pieds dans le tapis pour moins que ça. Avec cette forme d’exigence esthétique, la littérature flirte toujours avec le vertige, court le risque de l’incommunicabilité avec le plus grand nombre, celui de l’enfermement dans une forme d’oligarchie de l’esprit. Mais c’est un risque calculé, car on n’écrit pas pour plaire, et surtout pas à la masse, a fortiori juste pour gagner sa vie – expression malheureuse que « gagner sa vie », comme si, sans ressources matérielles, on devrait se déclarer mort car inutile. L’aristocratie de l’esprit doit être assumée. L’auteur interroge également la notion d’engagement attachée sournoisement à l’écrivain africain comme un boulet dont il arrive difficilement à se débarrasser. L’engagement en littérature est d’abord lié à la qualité esthétique irréductible et inaliénable. Si l’écriture peut aider à penser, à faire voir les ressorts cachés d’un réel à la simplicité trompeuse, à interroger les évidences, ou ce qui prend l’apparence d’évidences, à éveiller les consciences, il faut préciser que ce n’est pas son objet premier, qu’on écrit d’abord parce qu’on ne peut pas faire autrement. C’est cela le tragique de même que la beauté de la littérature.
Mais s’il s’avère que le bon sens est effectivement la chose du monde la mieux partagée, il n’y a pas de risque que l’écrivain véritable ne trouve pas de larges publics, ici et maintenant, ailleurs, demain, dans deux siècles.
On n’écrit pas aussi pour la gloire. L’écriture s’impose à l’auteur comme la parole divine s’impose au prophète chargé de la transmettre à l’humanité ; elle arrive et se déploie dans la souffrance comme une nécessité incontournable, inaliénable, à la différence que l’écrivain n’est pas traversé par la parole de la littérature comme la lumière une eau diaphane. Non : l’écrivain, seul producteur du langage littéraire, en est tout entier responsable. Ce qui l’amène parfois à affronter des tentatives d’excommunication du texte littéraire. L’écriture est donc un destin. Et l’écrivain véritable toujours un résistant. Malgré lui. C’est pourquoi aussi, ultimement, l’écriture ne peut être un métier, parce qu’elle vous choisit plus qu’on ne la choisit, parce qu’elle vous domine toujours. Si l’écriture devient un métier, ce n’est que de manière incidente, par accident, fortuitement. Le but de l’écriture, pour l’écrivain total, c’est d’abord et finalement l’écriture. La littérature est une fin en soi.
Le grand mérite de Mohamed Mbougar Sarr est de nous proposer une œuvre sublime – à entendre aussi au sens étymologique -, magique, vertigineuse, inclassable, fondée sur la quête, au cœur des ténèbres de la littérature, d’une œuvre inachevée comme il se doit, Le labyrinthe de l’inhumain, et d’un écrivain, T.C. Elimane, tous deux mythiques et donc insaisissables. « Chercher la littérature, c’est toujours poursuivre une illusion », dit bien le narrateur. D’où le refus de la conclusion, y compris dans des situations particulières comme quand se présente la facilité d’une relation charnelle et qu’on choisît de passer outre. Mohamed Mbougar Sarr est plus qu’un simple magicien des mots, c’est un prestidigitateur qui nous montre une chose pour qu’on en devine d’autres, qui sort de sa manche une pensée surprenante sur la littérature et sur la vie au détour d’une phrase, qui brouille à dessein les repères de la fiction en mêlant les discours. Ce que nous dit l’auteur, la question qui irrigue l’ensemble de l’œuvre, c’est que la littérature se présente en définitive comme un idéal vers lequel il faut tendre sans cesse, de toutes ses forces, en ayant conscience qu’elle est nécessairement une ligne de fuite permanente. À ce propos, le narrateur de La plus secrète mémoire des hommes réinvente – ou actualise – l’idéal flaubertien du livre sur rien, sans attaches extérieures, sans sujet, ou plutôt où le sujet serait le style, dont on a dit que c’est l’homme lui-même. Mais le livre sur rien signifie ici aussi une œuvre qui se suffit à elle-même, qui n’est jugée que par son contenu, une production dont on ne devrait pas avoir besoin de connaître l’auteur en tant que personne relevant de l’état-civil, sa vie, ses amours, etc. Dans l’absolu, idéalement, une grande œuvre pourrait se passer d’un auteur connu, identifié.
Il est très difficile de classer finalement l’œuvre dans un genre, même si elle est insérée dans le vaste champ du roman. C’est aussi ce qui fait sa force et son originalité. On y devine l’essai, le journal intime, le roman d’enquête policière, la biographie (ou plutôt les biographèmes), l’enquête journalistique ; on y rencontre les articles de presse datés (datés au regard du temps, mais aussi au regard de l’approche clichéique du génie de l’écrivain africain T.C Elimane), les échanges épistolaires entre scientifiques de leur temps ; on y repère le ton pamphlétaire, l’humour, la dérision, l’autodérision, l’ironie, la critique, la mélancolie. Nul doute que l’auteur ait adopté volontairement cette posture qui convient parfaitement à son objet, lui qui est conscient que les classements, les étiquetages sont surtout des limitations et des enfermements.
Cette œuvre, sorte de mise en abyme de la littérature sénégalaise, africaine et mondiale, convoque des auteurs dont certains sont cités explicitement, tandis que d’autres se devinent derrière des figures singulières comme celle de cette Siga D. mystérieuse, transmetteur de flambeau littéraire, et un peu entremetteuse, dont le portrait fait inévitablement songer à un mélange de Ken Bugul et de Fatou Diome, écrivaines d’origine sénégalaise dont les sujets originaux et polémiques, la posture scandaleuse de femmes africaines engagées à lever des tabous jusque-là inexprimables, leur ont conféré une étrange destinée de fascination et de rejet.
C’est la même logique de citation des contemporains et des devanciers illustres qui pousse le narrateur, écrivain africain francophone vivant à Paris, - statut qui est déjà d’une certaine façon un cliché –, à interroger son destin et celui de ses semblables en écriture. Cela passe par une tentative de meurtre des pères, au moyen d’un réquisitoire sans concession contre les illustres devanciers, icônes intouchables, dont pourtant un examen sans compromis semble mettre à jour des faiblesses rédhibitoires ; le narrateur prend le risque d’interroger, de manière provocante, leur valeur véritable en tant que créateurs et que guides, leur légitimité, leur indépendance. Mais la sévérité et le parti-pris de la charge sont immédiatement atténués, dans un moment de lucidité, ou de culpabilité, salvatrice, par l’incertitude accrochée à l’auto-interrogation sur la légitimité même du critiquant à adopter une telle position, en raison notamment de la difficulté éprouvée soi-même à se définir, à s’évaluer en tant que créateur et en tant qu’homme, en raison des interrogations et des doutes sur l’identité de l’écrivain africain vivant à Paris, sommé de s’inscrire dans une certaine voie. Comment juger l’autre si on n’arrive pas à se définir soi-même ? Ce que nous dit en filigrane le narrateur, c’est que l’originalité du créateur contemporain est, en définitive, toujours sujette à questionnement, dans la mesure où l’écrivain est nécessairement poussé à interroger les devanciers, à les louer, à les citer, à les critiquer, mais toujours à les faire exister dans son œuvre, consciemment ou non. La littérature est donc, toujours, d’une certaine manière, trace, mémoire, citation, miroir, palimpseste. Pour être un grand écrivain, il faut bien posséder le « génie du collage ».
Les jeunes écrivains et intellectuels africains, filles et garçons, qui entourent Diégane Faye vivent avec lui en quelque sorte leur aventure ambiguë, s’interrogent sur les particularités de leur génération 2.0. On n’est pas toutefois sûr qu’ils « fassent génération », qu’ils soient portés par l’idée d’une libération culturelle de leurs Peuples, comme leurs lointains devanciers du mouvement de la Négritude, par exemple. Il faut dire qu’ils ne semblent pas porter le combat de l’engagement collectif : la littérature, la création, restent affaires individuelles, même si la communion des esprits n’est jamais loin. Leur seul engagement, s’il en est un, demeure celui de la quête inquiète de la littérature.
Mohamed Mbougar Sarr, à travers le personnage de Diégane Faye, son double peut-être, s’ingénie, comme les auteurs exigeants, à traquer sans relâche le cliché, l’idée reçue, le lieu commun comme éléments antithétiques de la littérature. Mais une telle opération demande, paradoxalement, qu’on cite d’abord le cliché, l’idée reçue, le lieu commun, c’est-à-dire qu’on les endosse provisoirement, avant d’entreprendre de les excommunier. Parfois, le cliché lui-même, trompant la vigilance du narrateur, joue à pointer son nez là où on ne l’attend pas. Étrange situation qui montre la prégnance de la bêtise, sa force, son caractère totalitaire. En même temps le recours au cliché paraît inévitable, car il est un signe de reconnaissance communautaire, un terrain de rencontre partagé qui facilite la fonction de communication de la langue. On le voit bien, la difficulté consiste, en voulant combattre l’ordre établi, à faire finalement dans la pose, voire la préciosité, et de risquer, à force de systématicité, de recréer un autre ordre, en parallèle. Ce risque, Mohamed Mbougar Sarr arrive toutefois à le conjurer dans une œuvre en miroir, bâtie sur plusieurs niveaux de lecture et d’interprétation, et dont, on le répète, le classement dans un genre s’avère une opération malaisée.
L’auteur, à travers son narrateur, fait preuve de courage. De sa posture d’écrivain tout court et d’écrivain sénégalais et africain, il dit le fond de sa pensée sur la littérature, sans concession, ce qui ne signifie pas qu’il porte en bandoulière une obsession pour la critique, car il se pare souvent des nuances utiles. L’auteur dit la force de la littérature, et la fragilité assumée de l’auteur exigeant, laquelle se fonde sur une inquiétude consubstantielle à la création.
Chez l’écrivain, la quête - la tension -, toujours renouvelée, est un prédicat définitoire, une composante de son identité, en même temps une fin en soi et un aboutissement ; et aussi une aporie : « Désir d’absolu, certitude du néant : voilà l’équation de la création », constate le narrateur. L’écrivain de génie, souvent incompris, nécessairement incompris, est l’ennemi de cette coterie constituée notamment des critiques littéraires qui vit de la littérature en faisant la promotion des médiocrités ; ces critiques, parasites de la littérature, ne méritent finalement, pour ce crime de lèse-génie, que la mort, fût-elle symbolique. Ainsi, le roman est parsemé de cadavres réels (dans l’ordre de la fiction) ou symboliques ; tous ceux qui essaient d’interpréter la littérature – et souvent mal – de lui donner un ou des sens enferment celle-ci, tentent de limiter son horizon ; de même, quand on tente de cerner l’écrivain véritable, on bouche l’horizon de la littérature. La seule punition qui convienne à tous ceux-là, c’est bien la mort. La littérature, pour être totale, doit demeurer, paradoxalement et idéalement, dans le domaine de l’incommunicable et de l’indicible. Toutefois, malgré la reconnaissance de la puissance de la littérature, il demeure que peut se poser toujours la question de sa légitimité par rapport aux bouleversements sociaux. C’est la responsabilité même de l’écrivain qui est engagée, partagé qu’il est entre habiter la littérature et habiter la vie, vivre et écrire, écrire en oubliant de vivre, écrire pour vivre…
On aurait pu penser que cette œuvre qui questionne l’être de la littérature devait être le fait d’un auteur établi, devenu « classique », à la trajectoire longue, presque « en fin de carrière ». Eh bien non : l’auteur de La plus secrète mémoire des hommes est un jeune auteur, par l’âge, quoique un écrivain déjà important par la qualité de la production. S’il prend la responsabilité de produire une œuvre « de la maturité » qui lui ressemble le mieux sans doute, c’est qu’il est tenaillé par cette inquiétude du créateur et qu’il fallait inévitablement cette parturition pour continuer à écrire. On devine, avec l’écriture de cette œuvre complexe, un plaisir jubilatoire, l’accomplissement d’une mission, un soulagement. En même temps, la nécessité, pour le créateur, d’interroger, en marchant, sa propre pratique, son destin littéraire et d’homme, celui du texte en général. Un texte donc aux vertus thérapeutiques.
Cette œuvre s’adresse aussi, au-delà de ceux qui triturent les mots pour en extraire la substantifique moelle, à tous les autres créateurs. Elle leur trace une voie et leur donne la voix en les citant ; elle les met en garde contre l’apparence de la facilité ; elle leur révèle l’idiosyncrasie de la création. Dans La plus secrète mémoire des hommes, la référence aux autres arts, et aux autres genres, est présente en filigrane : ainsi en est-il du clin d’œil – c’est le cas de le dire – au cinéma avec le sulfureux Basic Instinct, pour nous rappeler que l’écrivain est aussi voyeur, mais un voyeur particulier qui fixe l’endroit pour révéler l’envers. On y devine la chanson avec Omar Pène et Jean-Jacques Goldmann : « Elle a fait un bébé toute seule », pour rappeler le brouillage des repères sur l’identité d’un père, la danse (le tango). L’auteur montre bien qu’il n’y a pas de cloisonnement entre les différents arts qui ne sont que des manières différentes et complémentaires d’appréhender et de rendre le réel.
Finalement, l’auteur interroge l’être de la littérature en disant surtout ce qu’elle n’est pas plutôt que ce qu’elle est, ce qui serait revenu, en définitive, à conclure sur la littérature, c’est-à-dire à l’enfermer, alors que celle-ci demeure dans la tension, dans l’ouverture, bref un idéal.
On ne peut aussi manquer de penser que La plus secrète mémoire des hommes est un miroir que se tend l’auteur lui-même pour combattre ses démons, ses doutes, exposer peut-être ses espoirs et ses incertitudes, et son statut d’écrivain à l’identité problématique. Sommé de jouer un rôle qui ne doit pas être le sien, l’écrivain de génie est brandi comme une « bête de foire », autant par ceux de sa terre d’origine qui se cherchent des héros que par ceux de sa terre d’adoption, celle des Blancs, qui pointent l’intelligence exceptionnelle chez un Noir africain, comme la résultante du travail achevé de la colonisation ou alors le fruit d’une magie africaine mystérieuse. L’écrivain préfère emprunter une troisième voie, en se réfugiant à corps perdu dans la littérature, seule patrie qui reste entièrement la sienne. En cela, cette œuvre présente une vertu cathartique pour l’auteur et pour tout véritable créateur qui s’y reconnaîtrait.
Ce roman est aussi une histoire de parentèle, d’unicité et de singularité, de gémellité et de double, de fratrie, de fraternité et d’amitié trinitaires. Le caractère fragmenté de ces composantes, comme les handicaps (cécité, folie) et les désespérances (suicides) questionne la validité d’une vérité qu’on n’arrive pas à capter et à domestiquer entièrement. La vérité est souvent problématique dans cette œuvre, enfermée dans une forme d’illusion (comme la littérature elle-même), prise en étau par la fuite permanente des êtres qu’on croit posséder, la paternité aléatoire, le rêve, la folie, la peur, la cécité, toutes choses qui la font considérer de biais ou, a contrario, en dévoilent mieux la surréalité. Par ailleurs, la quête de T.C. Elimane et de son œuvre est aussi une sorte de circumnavigation érudite dans la littérature mondiale.
L’une des idées essentielles de ce roman vertigineux réside par ailleurs dans la leçon que le livre idéal est toujours à venir et que la littérature n’existe par la quête illusoire du chef d’œuvre ultime. Dans cette recherche effrénée, comme dans une course de relais, les grands écrivains se passent le témoin – et le flambeau -, chacun tentant de combler à sa manière une part du vide. Ainsi la littérature devient une affaire de transmission et d’héritage, en d’autres termes de tentative de raccordement du passé, du présent et du futur ; le passé, la mémoire occupent toutefois la plus importante part de l’espace temporel. Ce que nous dit aussi le roman, c’est que l’écrivain n’est finalement qu’un copiste, quelle que soit la force de son imagination et quelque génie qu’il ajoute à ce travail.
Servie par la virtuosité, l’audace esthétique, la grande culture de son auteur, cette œuvre originale, qui questionne la possibilité même de la littérature et le statut de l’écrivain dans la société et dans l’histoire, fera date, à n’en pas douter.
34 ANS, VEUVE AVEC 7 ENFANTS, VOICI COMMENT MAIMUNA S'EN SORT
A 34 ans, Maimuna veuve et mère de sept enfants a trouvé le moyen d’alléger ses charges. Grâce aux ordures ménagères qu’elle collecte, elle a su profiter d’un nouveau système recyclage pour monétiser le fruit de son labeur.
A 34 ans, Maimuna veuve et mère de sept enfants a trouvé le moyen d’alléger ses charges. Grâce aux ordures ménagères qu’elle collecte, elle a su profiter d’un nouveau système recyclage pour monétiser le fruit de son labeur. Désormais, Maimuna bénéficie d’une assurance santé grâce à son activité. Une économie circulaire en branle. C’est un reportage de la BBC Afrique.