Le croissant lunaire observable à l’œil nu mercredi prochain
L’Association Sénégalaise pour la Promotion de l’Astronomie (ASPA) fait ses projections sur l’apparition du croissant lunaire, en perspective de la célébration de la fête de Korité (Aïd El Fitr). Dans un communiqué, les astronomes du Sénégal renseignent que la conjonction qui correspond au moment précis où la lune se trouve entre le soleil et la terre, aura lieu le mardi prochain à 19h01mn. Selon le président de l’Aspa Maram Kairé, ce jour, la lune se couchera avant le soleil partout à travers le monde. Ils en déduisent qu’on ne pourra pas observer un premier croissant lunaire quand la lune se couche avant le soleil. Par contre, le mercredi 12 mai, la lune se couchera à 20h13, soit 44 mn après le Soleil qui se couche à 19h29. Ainsi, elle sera alors âgée de 1j00h et sa surface éclairée sera de 1%. Bien qu’étant encore assez faible, précisent les astronomes, le croissant lunaire sera observable à l’œil nu partout où le ciel est dégagé au Sénégal et en Afrique de l’Ouest.
La fille du chef de cabinet d’un ministre arrêtée
Âgée de 17 ans et fille du chef de cabinet d’un ministre, C. Nd., élève au lycée Limamou Laye de Guédiawaye, est actuellement en détention dans les locaux du poste de police de Wakhinane Nimzaat pour une histoire d’interruption volontaire de grossesse. Selon nos sources, la fille qui est tombée enceinte suite à des relations sexuelles avec son amant du nom de M. D. a été contrainte par sa famille d’interrompre sa grossesse. La mineure, qui a tenté de s’en débarrasser, a eu des complications. Elle se tordait de douleurs après l’acte. C’est ainsi qu’elle s’est rendue au Centre de santé de Wakhinane Nimzaat pour apaiser sa douleur. Sur place, l’équipe médicale s’est rendue compte que l’élève avait fait un avortement clandestin. Suffisant pour qu’elle saisisse la police de Wakhinane Nimzaat qui est venue cueillir la fille. Les limiers de Wakhinane Nimzaat ne vont pas tarder à la déférer au parquet.
Décès du Commissaire central de police de Tambacounda
La région de Tambacounda a perdu son chef de la sécurité publique. Alité depuis quelques jours, le commissaire central de Police, Ousmane Diédhiou, est décédé hier à l’hôpital régional de Tambacounda où il était interné. L’information a été donnée par le gouverneur Oumar Mamadou Baldé lors d’une rencontre qu’il présidait. Le défunt a été installé à Tambacounda au mois de mai 2020. La police nationale perd un officier rompu à la tâche. Commissaire Ousmane Diédhiou a roulé sa bosse dans plusieurs services de la police. Affecté l’année dernière à Tambacounda, il a eu à commander les commissariats de police de Ndorong, de Mbacké, de Kolda et de Diourbel. Il a servi aussi à la Brigade des affaires générales (BAG) de la Division des Investigations criminelles (DIC) et à la Brigade de lutte contre la piraterie et la contrefaçon (BLPC).
Décès de la présidente du cercle des écrivains de Kolda
Une femme de culture est partie à jamais. Le Cercle des écrivains de Kolda a perdu sa présidente. Poétesse, conteuse et présidente du Cercle des écrivains de Kolda, Dieynaba Guèye a été rappelée à Dieu hier, à Dakar. Selon le Secrétaire Exécutif du Cercle des écrivains de Kolda, Abdourahmane Diallo, elle sera inhumée ce samedi dans la matinée au cimetière de Yoff.
Bande d’escrocs
La gendarmerie de Keur Mbaye Fall a mis hors d’état de nuire une bande d’escrocs qui s’active dans la location. En effet, les mis en cause qui se disent courtiers encaissaient l’argent d’honnêtes citoyens qui étaient à la recherche de logements. Alors qu’en réalité, ils n’ont aucune maison à louer. Dès qu’ils encaissent les trois mois de caution, ils disparaissent dans la nature. Finalement, ils ont été chopés par les gendarmes qui avaient reçu plusieurs plaintes. Ainsi, ils ont été déféré au parquet par les éléments de la brigade de gendarmerie de Keur Mbaye Fall.
Départementalisation de Keur Massar
Le feu couve à Keur Massar dont le projet de départementalisation est dans le circuit. Des habitants de Boune et de Keur Massar, très remontés contre le ministre Oumar Guèye à cause de ses propositions de découpage, menacent de se faire entendre dans les prochains jours. A les en croire, le ministre des Collectivités territoriales ne les respecte pas. Ils se demandent comment ce dernier a pu faire des propositions de découpage administratif sans se concerter avec la base.
Personnes vivant avec un handicap à Guinaw rails
Les personnes vivant avec un handicap, résidentes de la commune de Guinaw rails, déplorent le non-respect des engagements pris par l’État pour l’application de la loi d’orientation sociale. Elles soutiennent que le gouvernement n’a rien fait pour cette couche vulnérable. Une situation illustrée par le non-respect du quota dans les recrutements dans la fonction publique et les difficultés d’accès aux soins sanitaires et à l’éducation.
Incendie au marché «Bou Bess» de Guédiawaye
Un violent incendie a réduit en cendres un grand magasin au marché «Bou bess» de Guédiawaye hier. Les pertes sont estimées à près de 05 millions Fcfa. Pour le moment, l’origine de l’incendie reste inconnue. Mais la police a ouvert une enquête pour en déterminer les causes exactes.
La Cel/locative divise Pikine et Guinaw rails sud
La taxe sur la Contribution économique locale valeur locative (Cel/valeur locative) divise la Ville de Pikine et la commune de Guinaw rails sud. Le maire de Guinaw rails sud, Abdoulaye Diop, dénonce la clé de répartition. A l’en croire, la répartition ne tient pas compte de la pollution et de ses effets néfastes sur ses administrés. C’est pourquoi, Abdoulaye Diop plaide pour le changement de la clé de répartition de cette taxe municipale.
Craintes des inondations
Le mouvement citoyen «Keur Massar sunu itté» étale ses craintes à propos des inondations. Ce, à cause de l’ignorance de la mise à l’écart de certains villages de cette commune dans le programme mis en place de réseaux de drainage des eaux pluviales. Il s’agit des villages de Darou Missette et Alhadji Pathé. Le responsable moral du mouvement, Abdourahmane Fady Diallo, demande au gouvernement de rectifier le tir avant l’hivernage pour éviter des inondations dans ces localités qui ont d’ailleurs été durement touchées l’hivernage passé.
Augmentation des prix
L’Indice harmonisé des prix à la consommation a enregistré en avril dernier une hausse de 0,2 % en comparaison de son niveau du mois précédent, selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD). Cette augmentation est en lien avec celle des prix des produits alimentaires et boissons non alcoolisées (0,5%), des meubles, articles de ménage et entretien courant des foyers (0,3%), des biens et services de loisirs et de la culture (0,3%), des services de santé (0,2%) ainsi que des biens et services divers (0,2%). L’ANSD relève qu’en variation annuelle, les prix à la consommation avaient progressé de 0,3%, tandis que l’inflation sous-jacente avait enregistré une hausse mensuelle de 0,1% et une annuelle de 1,1%. Les prix des produits locaux en progression de 0,3% en avril ont soutenu l’appréciation des prix à la consommation, tandis que ceux des produits importés ont reculé de 0,1% au même mois, comparativement à celui de mars 2021.
Banalisation de la violence gratuite
Le coordonnateur national du Forum Civil dénonce la banalisation de l’agression de Guy Marius Sagna et des membres de Frapp. Birahime Seck constate que l’affaire de Nianing est traitée comme un simple fait divers alors qu’il s’agit d’une atteinte réelle à l’intégrité physique d’une personne, une agression inacceptable. Ce qui est un acte réprimé par les lois de notre pays. Il pense que les autorités judiciaires doivent donc se saisir de ce dossier pour en tirer les conséquences de droit. Pour le coordonnateur national du Forum Civil, les auteurs et les commanditaires (s’il y en a) doivent être poursuivis par la justice. Il est d’avis que cette forme de banalisation de la violence gratuite ne devrait pas prospérer dans une démocratie qui se respecte. Et de prévenir que l’impunité peut engendrer des modes de réponses tout aussi violents.
Zéro décès lié à la Covid-19
Le ministère de la Santé et de l’Action sociale n’a pas enregistré hier une perte en vie humaine liée à la pandémie de covid-19. Cependant, 43 nouvelles contaminations sont enregistrées sur 1313 tests réalisés, soit un taux de positivité de 3,27%. Les cas positifs sont répartis comme suit : 10 cas contacts et 33 cas issus de la transmission communautaire. Dakar compte 26 cas positifs issus de la transmission communautaire contre 07 pour les autres régions. Les autorités sanitaires ont déclaré guéris 31 patients alors que 10 cas graves sont pris en charge dans les services de réanimation. A ce jour, 40 621 cas ont été déclarés positifs dont 39 316 guéris, 1116 décédés, et donc 188 sous traitement. Par ailleurs, le ministère de la Santé renseigne que 1458 personnes ont été vaccinées jeudi, portant le total à 423 451.
Un Sénégalais arrêté en France pour le meurtre de son épouse
Si les faits qui lui sont reprochés sont avérés, notre compatriote résidant en France, Mamadou S., risque de faire un long séjour en prison. Considéré comme le principal suspect du meurtre de son épouse Haby S. avec qui il s’était marié au Sénégal, il a été mis en examen pour « homicide sur conjoint » et placé en détention provisoire. En effet, dans la nuit de lundi 03 au mardi 04 mai, au quartier Beaulieu, à Chartres, l’homme a appelé le Samu. Au bout du fil, il raconte que sa femme ne respire plus parce qu’elle a reçu un coup de la part d’un individu qui a pris la fuite. Mais les premières constations faites sur le corps de la victime font état de traces de griffures sur le visage. L’autopsie, pratiquée mercredi dernier a révélé que Haby S. était morte asphyxiée « par un mécanisme d’étouffement ». Selon le procureur de la République de Chartres, Rémi Coutin, les enquêteurs ont estimé que les déclarations de Mamadou S. sont très incohérentes et que le récit fait par le présumé meurtrier ne correspond pas à la réalité. Indiquant que de lourds soupçons pèsent sur lui, il a estimé qu’il pourrait s’agir d’un féminicide. D’après certaines informations, le mis en cause, serveur à Paris, est actuellement en chômage partiel et n’a pas de casier judiciaire. Les premiers éléments de l’enquête n’ont pas montré que le couple avait des problèmes.
UN SÉNÉGAL SOUVERAIN NE SE FERA QUE DANS UNE AFRIQUE UNIE
Fraichement sorti de prison, sa troisième liberté provisoire en moins de deux ans, Guy Marius Sagna livre son analyse de la situation politique au Sénégal dans le sillage du soulèvement populaire de mars
Florian Bobin et Maky Madiba Sylla |
Publication 07/05/2021
Fraichement sorti de prison, sa troisième liberté provisoire en moins de deux ans, l’infatigable militant de « la gauche anti-impérialiste et panafricaine » livre son analyse de la situation politique au Sénégal dans le sillage du soulèvement populaire du mois de mars.
Pour le militant sénégalais Guy Marius Sagna, membre fondateur du Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (Frapp–France Dégage), l’anti-impérialisme gagne du terrain au Sénégal. Tout en se félicitant de ce regain de mobilisation populaire, il met en garde les progressistes du continent africain contre les « manœuvres de l’impérialisme et ses suppôts locaux ». Un Sénégal souverain, estime-t-il, ne pourra se faire « que dans une Afrique unie et souveraine ».
Guy Marius Sagna, vous luttez depuis des années pour un Sénégal souverain : face au statu quo néocolonial prévalant depuis les indépendances, vous appelez à barrer la route aux ingérences étrangères par un « anti-impérialisme panafricain ». Vos prises de positions vous ont d’ailleurs valu de nombreuses intimidations, interpellations et séjours en prison. D’où vous vient cette conscience politique ?
J’ai eu la chance d’avoir un oncle, Ludovic Alihonou, qui était membre d’une des organisations de gauche, [Rassemblement des travailleurs africains – Sénégal], organisée dans le cadre d’un journal qui s’appelait Ferñent (« L’Étincelle » en Wolof), en référence à l’Iskra, [organe du Parti ouvrier social-démocrate] de Russie. Ce sont donc ces militants de gauche – Birane Gaye, Assane Samb, Fodé Roland Diagne – qui ont pris en charge ma formation à partir de l’âge de 11-12 ans. Par la suite, s’y sont ajoutés des militants comme Alla Kane, Moctar Fofana Niang, Madièye Mbodj, Jo Diop, Malick Sy, Ousseynou Ndiaye, etc. Donc, depuis mes 11 ans, je ne suis jamais sorti des organisations de gauche, ni des échanges d’information dont j’ai bénéficié de militantes et militants de gauche. Nous sommes les héritières et les héritiers de nos glorieux prédécesseurs : de Lamine Ibrahima Arfang Senghor, Seydou Cissokho, Birane Gaye, les doyens Alla Kane, Dialo Diop à Cheikh Anta Diop. On peut remontrer plus loin dans l’Histoire, avec Aline Sitoé Diatta, [Biram] Yacine Boubou, et même nos religieux résistants Mame [Cheikh Amadou] Bamba, Maba Diakhou Bâ. Étudier et lire des gens comme Omar Blondin Diop ne fera que nous donner les outils à travers lesquels nous pourrons mieux analyser l’Histoire, mais aussi et surtout le présent, et mieux nous guider pour sortir de la pauvreté et du sous-développement.
Quand vous êtes biberonné par la gauche, votre compréhension de la vie c’est que « du malheur de la majorité est fait le bonheur d’une écrasante minorité ». Pour comprendre pourquoi il y a tant de sans-domiciles fixe et de pauvreté en France – cette France qui prétend nous aider alors qu’elle laisse des Français mourir de froid –, c’est parce qu’il y a un système qui s’appelle capitalisme, lequel système ne peut fonctionner que par l’oppression de la majorité dans les centres capitalistes et l’oppression de la majorité dans les périphéries du système capitaliste, pour parler comme Samir Amin. Voilà la vision de la vie que j’ai héritée de tous ces dignes prédécesseurs ; vision politique également que ce sont les peuples qui font l’Histoire, et qu’il faut inculquer à ce peuple-là que personne d’autre ne viendra le sauver, qu’il faut se battre et être aux côtés des différentes factions du peuple en lutte.
C’est pourquoi depuis des décennies, nous sommes aux côtés des animateurs polyvalents des cases des tout-petits [enseignants de la maternelle du public], des sans salaires. Mon premier emprisonnement était dans le cadre de cette lutte : cinq jours d’emprisonnement en 2012-2013 à Tambacounda [au Sud-Est du Sénégal], avec neuf enseignants des cases des tout-petits. Nous avions barré la route nationale de Tambacounda, après des mois de lutte restée vaine. Mais de 2012 à maintenant, il y a près d’un millier d’animateurs polyvalents des cases des tout-petits qui ont été formés et perçoivent des salaires grâce à ces luttes. Donc oui, seule la lutte libère. Nous avons aussi été aux côtés d’autres acteurs en lutte, des contractuels de la Senelec (Société nationale d’électricité du Sénégal), des travailleurs licenciés arbitrairement qui ont pu être recrutés à nouveau. Nous avons été aux côtés des travailleurs comme ceux du Centre d’appel PCCI [multinationale spécialiste des relations clients], restés quatorze mois sans salaire alors que les entreprises comme Orange, Tigo et Expresso continuent de payer PCCI, qui ne payait pas ses travailleurs. Et cette bataille a été gagnée. Nous avons été bastonnés, gardés à vue à plusieurs reprises dans le cadre de ce combat ; nous avons humé des grenades lacrymogènes.
Quand les grandes enseignes s’installaient au Sénégal, que ce soit Auchan ou Carrefour, il n’y avait aucun texte qui organisait les grandes surfaces. Il a fallu que nous nous battions, que nous disions « Auchan dégage », avec bien sûr un contenu : nous avons demandé à l’État de suspendre leur implantation et de faire une étude d’impact de ce qu’en seraient les conséquences. Le contenu de « Auchan dégage », c’était aussi de faire les assises du commerce intérieur, pour voir ce qui n’a pas marché et pourquoi les marchés sénégalais sont comme ça : quelle est la part de responsabilité du citoyen, des communes, des commerçants, de l’État, comment avoir des marchés sénégalais qui répondent aux besoins des Sénégalais. Parce que ce n’est ni Lidl, ni Walmart, ni Leclerc, ni Auchan, ni Carrefour qui vont venir transformer le Sénégal : ils vont venir, écumer les bénéfices et ramener à l’étranger. Bien entendu, une bonne partie de nos peuples vont suivre ces bénéfices qui sortent de l’Afrique exsangue, et c’est ça la tragédie de l’immigration piroguière.
Les faits n’ont fait que renforcer ma vision. Les faits peuvent contredire la théorie, mais dans mon expérience personnelle, cette théorie, cette vision politique de la vie que j’ai reçue en héritage de mes dignes prédécesseurs, n’a fait qu’être confirmée, affinée par les faits de la réalité, tragique, du peuple sénégalais. On se bat tout en étant gramsciens, c’est-à-dire avoir le pessimisme de l’analyse : nous donnons des coups au système néocolonial, mais ce système néocolonial ne va pas rester inerte face à nos coups. Il n’acceptera pas qu’il puisse être ménagé comme ça. Tout en ayant le pessimisme de l’analyse que le néocolonialisme va tout faire – l’impérialisme va être de plus en plus féroce pour perdurer et demeurer –, avoir l’optimisme de la volonté. L’optimisme de la volonté, c’est de savoir que quel que soit ce que l’impérialisme fera, quel que soit ce que fera la mésalliance entre l’impérialisme et les Africains qui acceptent d’en être les valets, les peuples peuvent être assez forts, seront assez forts, pour pouvoir transcender cela, et finalement vaincre.
Les évènements de mars 2021, ce soulèvement populaire exprimant un ras-le-bol généralisé de la jeunesse sénégalaise face à la gestion du pays par ses élites, illustrent les rapports de force que vous décrivez. Au cours du mois de février, avant même le 3 mars et la massification de la mobilisation, des dizaines de militants du parti Pastef-Les Patriotes, membres du mouvement Frapp – dont vous – et divers citoyens avaient été arrêtés et incarcérés pour leurs activités politiques. Quelle lecture faites-vous de la situation au Sénégal ?
Je pense que ce qui s’est passé récemment, c’est une jacquerie, une révolte, pas une révolution. Maintenant, plusieurs jacqueries, plusieurs révoltes peuvent mener à la révolution. Et une organisation comme le Frapp essaye de contribuer à l’avènement de cette révolution. Ce qui s’est passé récemment, c’est au moins deux choses. D’abord, c’est expressif du fait que le néocolonialisme, l’impérialisme, a peur parce qu’il y a au Sénégal une situation inédite. Jamais au Sénégal, depuis 1960, il n’y a eu de candidat faisant campagne contre le Franc CFA, contre les APE, contre les présences militaires étrangères – disons contre le système néocolonial. C’est la première fois en Afrique, dans les pays anciennement colonisés par la France, au moins en Afrique de l’Ouest, qu’un candidat a seize pourcents des voix en battant campagne contre l’impérialisme. Et je pense que le Président Macky Sall et l’impérialisme savent que si rien n’est fait fondamentalement, le cinquième Président s’appelle Ousmane Sonko, [c’est-à-dire] la victoire d’une famille politique anti-impérialiste. Ils comprennent le danger, ils savent que ceux-là qui se battent ont encore une grande marge de manœuvre et que les partis politiques sur lesquels l’impérialisme s’appuie sont beaucoup plus discrédités. Et ce discrédit va aller de mal en pire.
La deuxième chose à décrypter, c’est que la campagne d’éveil des consciences au Sénégal contre l’impérialisme a fait des bonds en avant. Cette manière de sortir dans la rue, de se mobiliser, elle est inédite au Sénégal, c’est du jamais vu. Et ça, c’est le résultat d’un travail auquel plusieurs organisations ont contribué ; des organisations dites nationalistes, patriotiques, panafricaines, anti-impérialistes. Nous, en créant le Frapp, nous avions dit : « nous voulons contribuer à mettre au cœur du débat politique, économique et social les questions de souveraineté – souveraineté économique, monétaire mais aussi populaire, démocratique ». Il faut transformer radicalement la relation entre l’Afrique et le reste du monde ; que l’Afrique arrête d’être le fromage du reste du monde. Mais il faut également transformer les relations entre les peuples, les citoyens et les élites qui accèdent au pouvoir. Nous avons des États qui sont pris en otage par des élus, qui ne sont pas des serviteurs à cause du système politique.
Je crois que la démocratie, c’est au peuple de choisir : c’est soit dans les urnes, soit dans la rue. Pour moi, quand le peuple burkinabè chasse [Blaise] Compaoré du pouvoir [en octobre 2014], c’est la démocratie. Mais pour moi aussi, s’il arrive qu’un peuple chasse Macky Sall, et élise un panafricain par les urnes, c’est ce que je préfère, ça nous éviterait des morts. Mais tout le monde sait qu’une classe en tant que classe n’abdique jamais. Le membre d’une classe peut faire le suicide révolutionnaire, pour parler comme Amílcar Cabral. Mais une classe en tant que classe ne se suicide jamais. La bourgeoisie bureaucratique parasitaire sénégalaise, soumise à l’impérialisme en général, n’acceptera jamais de gaieté de cœur que le Sénégal bascule dans le camp du panafricanisme, de l’anti-impérialisme. La France impériale n’acceptera jamais que ses anciennes colonies sortent du pré-carré. Le Sénégal, c’est la « vitrine démocratique » de la Françafrique ; la Côte d’Ivoire, c’est la « vitrine économique » de la Françafrique. Nous sommes des piliers de la Françafrique. Si un seul de ces deux pays sort, la Françafrique s’écroule, le Franc CFA s’écroule. C’est ça l’enjeu. Donc des organisations comme Pastef ou le Frapp, c’est un danger.
La France, l’impérialisme en général, voit que ce pré-carré-là est en train de lui échapper. Et toutes ces dernières années, vous avez entendu la France institutionnelle, et ses relais en termes de presse, dire : « il y a un sentiment anti-français ». En réalité, il ne s’agit pas d’un sentiment anti-français, il s’agit d’un sentiment anti-impérialiste. Quel est le pays qui ne souhaiterait pas être libre ? Oui, nous avons une aspiration profonde à la liberté. Pas, contrairement à la France ou aux États-Unis, pour opprimer les autres peuples. Parce que les États-Unis ont été opprimés et ont dégagé la Grande-Bretagne, mais pour après opprimer le reste du monde ; la France opprime le reste du monde. Un anti-impérialiste, un panafricain conséquent, c’est celui qui veut être libre, souverain, mais pas pour opprimer les autres. Au contraire, travailler à ce qu’ils soient libres.
Malcolm X expliquait que quand le Noir commence à prendre conscience, la première étape est de détester le Blanc. Quand également des populations commencent à être anti-impérialistes, elles détestent les aspects extérieurs : d’où les saccages de Auchan, de Total, des symboles français. C’est le même processus. Ce n’est pas mauvais, mais il faut vite élever sa conscience au niveau extérieur pour comprendre qu’il y a des Blancs qui sont aussi opprimés que les Noirs, que c’est le même système et il faut justement refuser la division, la manipulation des couleurs – si je peux m’exprimer ainsi –, des sentiments religieux, ethniques, confrériques ou nationaux, pour fragiliser et diviser les travailleurs et les peuples en lutte. Quand les voix normales, ordinaires, conventionnelles n’arrivent plus à maintenir les travailleurs et les peuples, à leur faire accepter leur oppression, les oppresseurs – si vous étudiez l’Histoire de l’humanité – en sont toujours arrivés, au dernier moment, à utiliser la division par la manipulation des sentiments ethniques, religieux, confrériques et de couleurs de la peau. Pour qu’on en vienne, aujourd’hui, à empêcher les gens de regarder vers le néo-colonialisme et que le Peuhl en vienne à dire : « c’est toi, le Wolof, la cause de ma situation » ; que le Sereer utilise le Joola comme bouc-émissaire. C’est pour ça d’ailleurs que quelqu’un comme Karl Marx avait dit aux travailleurs blancs : « le travailleur blanc ne sera jamais émancipé tant que le travailleur noir sera opprimé ».
L’impérialisme et ses suppôts locaux – c’est-à-dire la bourgeoisie bureaucratique dirigée par le Président Macky Sall – vont manœuvrer. Je pense qu’en quelques sortes les religieux ont sauvé Macky Sall. N’eut été cela, il n’aurait peut-être pas passé une nuit [supplémentaire] au Sénégal. Mais avec la révolte de mars, c’est la première fois depuis très longtemps qu’un peuple africain d’un des États anciennement colonisés par la France fait barrage à la bourgeoisie bureaucratique au pouvoir contre un opposant. Regardez ce qu’il s’est passé en Côte d’Ivoire ou en Guinée. Les voix de la révolution, de la libération ou de l’émancipation sont insondables. C’était peut-être la bande d’annonce d’une prochaine lutte beaucoup plus importante. Pour moi, ce qui s’est passé récemment est une étape dans la très longue lutte du peuple sénégalais, qui a démarré depuis Lamine Arfang Senghor – pour ne pas aller plus loin – et les années 1950 avec ce qui s’en est suivi, la période de la clandestinité. C’est la énième étape. Et il y a de quoi avoir de l’espoir en ce peuple et cette jeunesse.
Au début du mois de mars, la rue sénégalaise a été le théâtre de miliciens armés pourchassant des manifestants et de membres des forces de l’ordre tirant à balles réelles sur la foule, rappelant les méthodes violentes du parti unique d’il y a 50 ans – censure de la presse, incarcérations de dissidents, intimidation de fonctionnaires. En plus des centaines de blessés, quatorze personnes sont mortes en moins d’une semaine. Beaucoup de témoignages glaçants sont également remontés sur les conditions de vie dans les prisons. Que pouvez-vous nous dire de la répression politique au Sénégal aujourd’hui ?
Déjà, peut-être dire que j’entends souvent des gens dire que Senghor nous a légué un État. Justement, les répressions auxquelles vous faites allusion montrent que Senghor nous a légué un État, mais un État néocolonial. Et pour qu’il y ait un État néocolonial aux fondements solides, il fallait nécessairement passer par cette répression : il fallait qu’il « réduise la résistance à sa plus simple expression ». C’est ce à quoi s’est adonné inlassablement le Président Senghor. Je pense qu’il avait le meilleur profil pour continuer à faire du Sénégal un « little Paris » ; pour pérenniser les accords de coopération ; pour que notre Constitution soit jumelle de la Constitution française ; pour ne pas toucher au Franc CFA ; pour que notre langue officielle soit le français et qu’on continue, depuis le berceau, à dominer les Sénégalais dans l’esprit. La France avait besoin de partir pour mieux rester. Quand nous voyons ce que nous vivons, vous avez l’impression – même si aujourd’hui il y a les réseaux sociaux et tout cela – qu’il n’y a quasiment rien de changé. Nous sommes quasiment dans les mêmes dispositions, dans les mêmes contextes que dans les années 1950-1960. Dans les années 1950, il y avait ceux qui disaient « oui à l’indépendance » et ceux qui disaient « non à l’indépendance » ou qu’il fallait encore rester dans le giron français. Aujourd’hui encore, il y a ceux qui disent « France dégage », « Auchan dégage », qu’il faut sortir du Franc CFA et ceux qui disent que le Franc CFA est une bonne monnaie.
Oui, dans le cadre de nos actions, nos activités et nos luttes, nous faisons face à des actes de répression qui rappellent ce que nos prédécesseurs ont vécu il y a des décennies. Déjà, souvent il est très difficile d’avoir des autorisations de manifester. De fait, c’est comme si tout était fait pour nous rendre invisibles et inaudibles ; c’est une sorte de clandestinité forcée, à travers l’instrumentalisation des différents préfets qui refusent énormément nos manifestations. Il nous est arrivé d’être invités par des populations dans certaines localités du Sénégal, par exemple Ngadiaga où il y a des puits de gaz – qui avaient d’ailleurs pris feu –, et j’ai été surpris d’entendre le sous-préfet de la localité dire qu’il fallait qu’elles lui demandent l’autorisation de m’inviter et qu’il la donne avant que je puisse venir. Ce n’est plus la participation à une manifestation interdite qui vous amène en garde-à-vue ou en prison, mais le simple fait de prendre une lettre et aller à la préfecture pour informer le préfet d’une manifestation, qui prend la liberté d’interdire ou pas.
Dans les commissariats, vous êtes aussi victime de plein d’autres choses. Je me rappelle y avoir été rudement giflé par des agents pénitentiaires. Je suis arrivé au tribunal, le garde qui effectuait la fouille m’a dit : « Guy Marius, vous êtes encore de retour. Vous êtes vraiment un con ». Et quand je lui ai dit qu’il « était beaucoup plus con que moi », j’ai reçu la gifle en plein visage. Dans une des cellules du commissariat central, parfois nous y sommes parqués et, pour uriner, nous introduisons notre sexe dans une même bouteille. Mais nous comprenons que l’une des fonctions des forces de défense et de sécurité dans une néo-colonie comme le Sénégal, c’est de faire peur aux populations. Et donc, les résistants, de les soumettre à un traitement tel qu’ils n’aient plus envie de résister, qu’ils abdiquent, qu’ils prennent peur, que leurs parents et leur famille prennent peur. Vous entendez régulièrement que des camarades sont torturés. La dernière en date est l’un des manifestants arrêtés les 8 et 9 février 2021 : on le sortait de sa cellule du commissariat central pour l’amener en haut, et là-bas, ils lui donnaient des coups de pied aux testicules. En 2021. La police sénégalaise menaçant, à travers des communiqués, ceux qui l’accuseraient de torture.
C’est pourquoi d’ailleurs même les simples citoyens qui ne sont pas des résistants, ou qui sont interpellés dans un cadre autre que la résistance, sont victimes du fait que nos forces de défense et de sécurité sont néocoloniales, les héritières de la France coloniale. C’est ainsi qu’on doit comprendre qu’un citoyen comme Pape Sarr, accusé d’un simple vol d’un mouton, est torturé dans le commissariat de police de Thiaroye, du diluant versé sur lui ; électrocuté, il prend feu et meurt comme une momie dans ses plaies et ses pansements à l’hôpital [en juillet 2018]. C’est ainsi que vous comprendrez aussi que le citoyen sénégalais Seck Ndiaye est trouvé [mort] dans sa chambre, bastonné par cinq policiers [en juin 2018] ou que le citoyen Abdoulaye Timera est renversé par une voiture de police sur les Allées du Centenaire [en avril 2018]. Et jusqu’à présent, pour tous ces cas-là ainsi que d’autres, aucune justice, aucune vérité, parce qu’il faut avoir à sa portée des forces de défense et de sécurité qui puissent faire le job au moment où il faut. Et donc en sanctionner des agents, c’est compromettre demain quand vous aurez besoin d’eux pour tirer sur la résistance.
J’ai travaillé à l’hôpital régional de Sédhiou, l’une des deux ou trois régions les plus pauvres du Sénégal, et j’ai découvert par quel système, par quel mécanisme les différents directeurs en détournaient l’argent. Depuis 2014, quand j’en ai parlé publiquement, je suis au frigo du ministère de la Santé. Donc, depuis 2014, je n’ai pas de bureau, d’endroit où travailler. L’État du Sénégal préfère me voir dans la rue plutôt que de me mettre dans un bureau, pour éviter que je voie des choses à dénoncer, mais aussi et surtout pour essayer de me maintenir dans une situation de précarité qui puisse m’empêcher de réfléchir, de penser et d’agir de manière optimale pour la lutte anti-impérialiste et panafricaine. Mais cela, nos dignes prédécesseurs ont été victimes des mêmes choses. Donc ce sont les mêmes pratiques, héritées du passé colonial, qui ne sont pas en réalité un passé, mais aujourd’hui plus que jamais un présent.
Vous évoquez, à l’instant, l’anti-impérialisme et le panafricanisme. Dans la lignée de cette longue histoire de théorisations et de mises en application de l’idéal panafricain, des « États-Unis d’Afrique » comme en parlait Cheikh Anta Diop, quelle en est votre vision en ce début des années 2020 ?
Je pense qu’aujourd’hui, nécessairement pour tous les États africains et donc le Sénégal, sans souveraineté, il n’y aura pas de sortie du sous-développement et de la pauvreté. Autrement dit, la souveraineté est aujourd’hui une condition sine qua non, une condition nécessaire, pour qu’on puisse sortir de la situation où 64% des petites et moyennes entreprises (PME) meurent au Sénégal avant trois ans. Comment pouvez-vous régler la problématique du chômage quand vous avez un taux aussi important de mortalité des PME sénégalaises ? Être souverain permettra aussi de régler le scandale que constitue des situations comme quatre femmes qui meurent tous les jours d’une grossesse ou issue d’une grossesse, des situations comme soixante enfants de moins de cinq ans qui meurent tous les jours de maladies bénignes comme les infections respiratoires aigües, c’est-à-dire une toux, un rhume, une diarrhée, le paludisme : c’est plus de 25 000 enfants [par an]. Ailleurs, on aurait parlé de génocide. Oui, le système impérialiste est génocidaire.
Donc, il nous faut être souverain au Sénégal, en Gambie, en Mauritanie, au Mali, au Burkina Faso, etc. Il nous faut sortir de l’impérialisme et avoir des États qui garantissent et assurent la souveraineté monétaire, la souveraineté commerciale, la souveraineté militaire : toutes les souverainetés. Même cette langue que nous utilisons qu’est le français, il faut qu’on en sorte. Il faut que nos enfants – qu’ils soient Wolof, Jaxanke, Bassari, Koñagi, Pulaar, Joola, Sereer – puissent apprendre dans leurs langues. Parce qu’une langue, c’est d’abord une vision de la vie. En éduquant nos enfants avec une vision différente de la vie, on en fait des petits Français. Et donc, au lieu de porter des chaussures de Ngaay [sandales en cuir], comme celles-là que je porte, on va préférer porter Italien ou Français. Au lieu de manger du fondé [bouillie de mil], utiliser notre mil, notre sorgho, notre maïs, on va préférer manger camembert. Il nous faut donc arracher cette souveraineté-là.
Le projet d’un Sénégal souverain, pour être viable et durable, ne se fera que dans une Afrique unie et souveraine. Comment seize millions de citoyens sénégalais pourront faire face à trois cents millions d’Américains, à un État qui regroupe un milliard de Chinois ou à quelques trois cents millions de l’Union européenne ? Nos micro-États ne peuvent pas la garantir sur le long terme. Personnellement, je ne ferai pas la fine bouche si déjà le Sénégal et la Gambie et la Mauritanie, ou le Sénégal et la Guinée, décidaient aujourd’hui d’avoir un État fédéral. Si c’est à l’échelle de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), ou de l’Afrique de l’Ouest, c’est aussi bien. Il ne nous faut sous-estimer absolument rien. Le problème, c’est que, dans les différents États, les progressistes ne sont pas à la tête de ces États et on ne sait pas quand ils le seront. Et donc, on ne peut pas dire : « il faut qu’on soit cinquante-quatre États à être unis ». C’est pourquoi je pense que chacun doit se battre, et si tout le monde gagne dans son État, nous gagnerons partout.
On a besoin d’une Afrique souveraine, déconnectée du FMI (Fonds monétaire international) et de la Banque mondiale, de l’Organisation mondiale du commerce, des accords de pêches et autres APE avec l’Union européenne, des présences militaires étrangères – qu’elle soit française ou états-unienne. Une unité africaine qui puisse avoir une politique commune en termes d’emploi, d’agriculture, d’éducation. Une monnaie au service de la lutte contre le chômage et qui nous permette de mettre suffisamment de crédits entre les mains de nos agriculteurs, et notre patronat – les gens ne peuvent pas prétexter que « comme les autres ne sont pas encore sortis, nous ne pouvons pas sortir du Franc CFA ». Une politique qui permette de donner les marchés, quand c’est possible, aux Africains et non d’exporter nos emplois en donnant nos marchés aux entreprises étrangères. Et même là où nous n’en avons pas encore les capacités, de signer des accords afin que, très rapidement, il y ait un transfert de technologies. Mais le petit Sénégal de seize millions d’habitants, la Gambie de deux ou trois millions d’habitants, quel poids peuvent-ils avoir face à ces mastodontes pour leur imposer un transfert rapide de technologies ?
[Mais] faire attention à des institutions comme la Cedeao et autres. Je suis de ceux qui pensent que même l’Afrique-Équatoriale française et l’Afrique-Occidentale française étaient de l’unité africaine. Mais l’unité africaine au service de l’impérialisme. Ce n’est pas de cette unité africaine – d’une Union africaine dont le siège est financé et les micros écoutés par la Chine, dont le budget, comme celui de la Cedeao, vient plus de l’Union européenne et des États-Unis – dont on a besoin. Être panafricain pour moi aujourd’hui, c’est nécessairement être anti-impérialiste. Accepter tout cela, c’est ne pas être panafricain. C’est juste vouloir unir l’Afrique pour deux choses : au service de l’impérialisme, mais aussi des bourgeoisies africaines. Pour moi, l’afro-libéralisme, avec des accords comme la ZLECA (Zone de libre-échange continentale africaine), ce n’est pas du panafricanisme. Le libre-échange, c’est une loi qui permet aux gros poissons de manger les petits poissons. C’est un boulevard ouvert aux entreprises et multinationales capitalistes occidentales dans un contexte où on parle d’entreprises de droit sénégalais, mais c’est juste le lieu de création qui font que ces entreprises sont sénégalaises ! Les capitaux et les propriétaires ne sont même pas africains.
Quel que soit celui qui applique ce libre-échange-là, il sera destructeur, dramatique et tragique pour la majorité. Tragique comme notre jeunesse qui meurt dans le désert du Sahara, l’Océan Atlantique ou la mer Méditerranée ; comme le fait que 54% de la population sénégalaise ne sait ni lire ni écrire ; comme le fait que les normes des hôpitaux est de polariser 150 000 habitants, et qu’au Sénégal nos hôpitaux polarisent plus de 450 000 habitants ; comme le fait que nous importons 64 milliards [de Francs CFA] de produits laitiers chaque année et exportons nos emplois par ces biais, maintenant nos éleveurs, leurs enfants et leur famille dans la pauvreté ; comme le fait que ceux qui sont instrumentalisés pour nous opprimer, à savoir les policiers, sont en surcharge de travail, à un pour plus de 100 000 habitants au lieu d’un pour mille habitants.
Pour sortir de cette tragédie, de ce drame que constitue le néo-colonialisme, il urge aujourd’hui d’être souverain : un Sénégal souverain dans une Afrique souveraine et unie.
Propos recueillis par Florian Bobin et Maky Madiba Sylla
Lire le portrait de Guy Marius Sagna issu de cet entretien dans Le Monde Diplomatique
AU SÉNÉGAL, SORTIR DU BOURBIER NÉOCOLONIAL
En moins de 4 ans, Guy Marius Sagna aura fait des dizaines de gardes-à-vue et plusieurs mois en détention préventive. À bien des égards, son discours fait écho à celui des mouvements de gauche des années postindépendance - PORTRAIT
Fraichement sorti de prison, l’infatigable militant de « la gauche anti-impérialiste et panafricaine » Guy Marius Sagna livre son analyse de la situation politique au Sénégal dans le sillage du soulèvement populaire du mois de mars.
« Non au putsch électoral ! Non, non, non ! ». Tenu au col par un policier, encerclé par six autres, imperturbable, caméras braquées sur lui, il poursuit son plaidoyer. La scène se déroule le 6 juillet 2017. Dans le centre-ville de Dakar, quelques dizaines de militants se sont rassemblés aux abords de la place Soweto. À quelques pas de là, entre les quatre murs de l’Assemblée nationale, dont 80 % des sièges sont acquis à la coalition gouvernementale Benno Bokk Yakaar du président Macky Sall, la modification de l’article L78 du code électoral est en train d’être votée. À moins d’un mois des élections législatives, cette mesure permettrait aux électeurs sénégalais de n’entrer dans l’isoloir qu’avec cinq bulletins de vote sur les quasi-cinquante prévus. « Une forfaiture ! », reprend, malgré son arrestation, l’homme au t-shirt noir — avec inscrit « je vote non » en lettres majuscules —, directeur de campagne de la coalition Ndawi Askan Wi dirigée par l’opposant Ousmane Sonko. « Il est inacceptable qu’à vingt-cinq minutes d’un match de football, une des parties dise qu’il va changer les règles ». À peine conclut-il sa phrase qu’il disparaît derrière les grilles d’un fourgon de police dans lequel on l’introduit de force.
Depuis, en moins de quatre ans, Guy Marius Sagna aura fait des dizaines de gardes-à-vue et passé, à trois reprises, plusieurs mois en détention préventive. Toutes débouchèrent sur des remises en liberté provisoire après d’intenses pressions nationales et internationales pour sa libération. Malgré la gravité des chefs d’inculpation — « fausse alerte au terrorisme », « organisation de mouvement insurrectionnel » ou encore « provocation à la commission de crimes et délits » —, le doyen des juges Samba Sall les lui accorda sans procès ni jugement. De quoi s’interroger, donc, sur les réels motifs derrière ces arrestations à répétition. Beaucoup y voient une volonté du président Macky Sall d’intimider les voix critiques de son régime, lui qui affichait en 2015 son intention de « réduire l’opposition à sa plus simple expression ». Plusieurs de ses affidés, comme Baba Tandian et Ibrahima Sène, accusent ainsi le militant du Frapp (Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine) d’avoir une « posture [qui] met en péril une certaine tradition du Sénégal d’être une terre d’hospitalité » ou de « ressasser des concepts ronflants d’anti-impérialisme français et d’un panafricanisme vidé de son contenu libérateur et intégrateur », « infantilisme de gauche qui a toujours fait le jeu des oppresseurs ».
Pour Guy Marius Sagna, fraîchement sorti de sa troisième liberté provisoire en moins de deux ans, « c’est expressif du fait que le néocolonialisme, l’impérialisme a peur parce qu’il y a au Sénégal une situation inédite. Cette manière de sortir dans la rue, de se mobiliser est le résultat d’un travail auquel plusieurs organisations ont contribué ; des organisations dites nationalistes, patriotiques, panafricaines, anti-impérialistes. Il faut transformer radicalement la relation entre l’Afrique et le reste du monde. Mais il faut également transformer les relations entre les peuples, les citoyens et les élites qui accèdent au pouvoir. Nous avons des États qui sont pris en otage par des élus, qui ne sont pas des serviteurs [des peuples] à cause du système politique ».
Mobiliser la rue
L’une des campagnes les plus conséquentes de ces dernières années aura été la mobilisation contre le franc CFA (Communauté financière africaine, anciennement « Colonies françaises d’Afrique »), rouage central du système de la « Françafrique ». Forcé à sortir du silence dans lequel s’étaient emmurées les autorités françaises depuis des décennies, le président Emmanuel Macron annonça en grande pompe « la fin du franc CFA », aux côtés de son homologue ivoirien Alassane Ouattara, en décembre 2019 à Abidjan. « L’esprit de la réforme du franc CFA est “tout changer pour que rien ne change” », note cependant l’économiste Ndongo Samba Sylla, camarade de lutte de Guy Marius Sagna. « La réforme annoncée par le duo Macron-Ouattara est une réforme administrative, principalement symbolique. Elle n’apporte aucun changement substantiel au cadre existant. Son changement en Eco n’a aucune portée opérationnelle, c’est de la poudre aux yeux ».
Au-delà de la question aussi symbolique que concrète du franc CFA, Guy Marius Sagna réaffirme que le combat que mène le Frapp, l’organisation qu’il cofonda en février 2018, se situe dans la reconquête plus large d’une souveraineté confisquée. « En créant le Frapp, nous avions dit : nous voulons contribuer à mettre au cœur du débat politique, économique et social les questions de souveraineté – souveraineté économique, monétaire mais aussi populaire, démocratique », soutient-il. « C’est pourquoi depuis des décennies, nous sommes aux côtés des animateurs polyvalents des cases des tout-petits [enseignants de la maternelle du public], des sans salaires. Nous avions barré la route nationale de Tambacounda, après des mois de lutte restée vaine. De 2012 à maintenant, il y a près d’un millier d’animateurs qui ont été formés et perçoivent des salaires grâce à ces luttes. Nous avons aussi été aux côtés d’autres acteurs en lutte, des contractuels de la Senelec (Société nationale d’électricité du Sénégal), des travailleurs licenciés arbitrairement qui ont pu être recrutés à nouveau, ainsi que des travailleurs comme ceux du centre d’appel PCCI [multinationale spécialiste des relations clients], restés quatorze mois sans salaire ».
Refus des accords de partenariats économiques (APE), départ des troupes militaires étrangères installées au Sénégal, refonte structurelle de la police, campagnes de soutien aux victimes de spoliation foncière et travailleurs aux arriérés de salaires impayés, débaptisation de rues et déboulonnement de statues honorant esclavagistes et colonialistes : autant de positions à contre-courant de l’exaltation actuelle autour des idées d’« émergence » et de « croissance à deux chiffres » : des illusions pour la grande majorité de la population sénégalaise. Invité d’honneur du Medef (Mouvement des entreprises de France) en juillet 2020, Macky Sall brossait ainsi, devant le patronat français, le portrait d’une « Afrique en construction, source d’opportunités et d’investissements ». Une extraversion insoutenable pour Guy Marius Sagna : « Le libre-échange, c’est une loi qui permet aux gros poissons de manger les petits poissons », lance-t-il. « C’est un boulevard ouvert aux entreprises et multinationales capitalistes occidentales. On parle d’entreprises de droit sénégalais, mais c’est juste le lieu de création qui font que ces entreprises sont sénégalaises ! Les capitaux et les propriétaires ne sont même pas africains ».
«Le membre d’une classe peut choisir le suicide révolutionnaire, pour parler comme Amílcar Cabral. Mais une classe en tant que classe ne se suicide jamais », poursuit le militant du Frapp. « La bourgeoisie bureaucratique parasitaire sénégalaise, soumise à l’impérialisme en général, n’acceptera jamais de gaieté de cœur que le Sénégal bascule dans le camp du panafricanisme, de l’anti-impérialisme. Le Sénégal, c’est la “vitrine démocratique” de la “Françafrique” ; la Côte d’Ivoire, c’est la “vitrine économique” de la “Françafrique”. Si un seul de ces deux pays sort, la “Françafrique” s’écroule ».
Une longue histoire de luttes
À bien des égards, le discours de Guy Marius Sagna fait écho à celui que portaient les mouvements de gauche des années postindépendance. Au Sénégal, ils furent contraints à la clandestinité et soumis à une répression sévère sous le parti unique de l’Union progressiste sénégalaise (UPS). Il n’est pas étonnant, donc, d’apprendre que « ce sont ces militants de gauche — Birane Gaye, Assane Samb, Fodé Roland Diagne — qui ont pris en charge [sa] formation à partir de l’âge de 11-12 ans ». « Par la suite, s’y sont ajoutés des militants comme Alla Kane, Moctar Fofana Niang, Madièye Mbodj, Jo Diop, Malick Sy, Ousseynou Ndiaye, etc. Donc, depuis mes 11 ans, je ne suis jamais sorti des organisations de gauche, ni des échanges d’information dont j’ai bénéficié de militantes et militants de gauche ». D’autres figures combattantes historiques telles que Aline Sitoé Diatta, Lamine Arfang Senghor, Biram Yacine Boubou ou encore Cheikh Anta Diop viennent compléter la toile.
Le portrait de l’une d’entre elles, Omar Blondin Diop, trône d’ailleurs dans la pièce principale du siège du Frapp. Jeune philosophe hétérodoxe, Blondin Diop s’était formé à la lutte armée en 1971 au cours d’un périple intercontinental censé aboutir à la libération de ses camarades prisonniers politiques. Un an et demi après son arrestation pour « atteinte à la sureté de l’État », torturé à répétition, il sera retrouvé mort dans sa cellule. « C’est un artiste qui, pour nous soutenir, a fait ce tableau et nous l’a offert. S’il s’agissait de la figure d’un autre individu, nous ne l’aurions certainement pas accepté comme cadeau », explique Guy Marius Sagna. « Mais nous pensons qu’Omar Blondin Diop mérite de trôner en bonne place dans le siège du Frapp. Il nous inspire parce que, justement, nous pensons que c’est au peuple en général de se battre pour sortir de l’oppression. Et, que ce soit en théorie comme en pratique, Omar Blondin Diop a incarné cela, jusqu’au sacrifice suprême ».
L’occasion d’évoquer également l’héritage du président Léopold Sédar Senghor, dont le régime s’était efforcé de présenter la mort de Blondin Diop comme un suicide malgré les éléments accablants de l’enquête judiciaire. À rebours du récit officiel présentant la « marche pacifique » du Sénégal vers l’indépendance, en opposition à des pays comme l’Algérie, le Cameroun ou la Guinée voisine où la rupture avec la France coloniale fut plus radicale, Guy Marius Sagna soutient que peu de choses ont réellement changé en soixante ans. « J’entends souvent dire que Senghor nous a légué un État. Mais [il s’agit] d’un État néocolonial. Et pour qu’il y ait un État néocolonial aux fondements solides, il fallait nécessairement qu’il “réduise la résistance à sa plus simple expression”. Je pense qu’il avait le meilleur profil pour continuer à faire du Sénégal un “Little Paris”. La France avait besoin de partir pour mieux rester. Quand nous voyons ce que nous vivons, vous avez l’impression — même si aujourd’hui il y a les réseaux sociaux et tout cela — qu’il n’y a quasiment rien de changé. Nous sommes quasiment dans les mêmes dispositions, dans les mêmes contextes que dans les années 1950-1960 ».
À commencer par les méthodes de répression et d’intimidation des régimes successifs depuis l’indépendance nominale. En février dernier, pas un jour ne passait sans que les forces de l’ordre n’arrêtent des opposants au gouvernement de Macky Sall. Et lorsqu’éclatèrent en début mars les « cinq coléreuses », soulèvement populaire d’une ampleur inédite exprimant le ras-le-bol généralisé de la jeunesse sénégalaise face à la gestion du pays par ses élites, la réaction des autorités fut brutale : tandis que l’armée fut dépêchée dans certaines régions, de nombreux témoignages et vidéos diffusées en ligne révélèrent le déploiement de miliciens en civil, munis de gourdins et d’armes à feu, terrorisant les manifestants. En moins d’une semaine, plus d’une dizaine de personnes en sont mortes et des centaines blessées. À ce sujet, Guy Marius Sagna est catégorique : « Nos forces de défense et de sécurité sont néocoloniales, les héritières de la France coloniale. Il faut avoir des troupes à sa portée qui puissent faire le job au moment où il faut. Sanctionner des agents, c’est compromettre demain, quand vous aurez besoin d’eux pour tirer sur la résistance ».
Comment s’extirper, donc, du bourbier néocolonial ? Pour le militant, cela passe nécessairement par la souveraineté totale des peuples africains : « Il nous faut sortir de l’impérialisme et avoir des États qui garantissent et assurent la souveraineté monétaire, commerciale et militaire : toutes les souverainetés. Même cette langue que nous utilisons qu’est le français, il faut qu’on en sorte. En éduquant nos enfants avec une vision différente de la vie, on en fait des petits Français. Et donc, au lieu de porter des chaussures de Ngaay [sandales en cuir], comme celles-là que je porte, on va préférer porter Italien ou Français. Au lieu de manger du fondé [bouillie de mil], utiliser notre mil, notre sorgho, notre maïs, on va préférer manger du camembert. Il nous faut donc arracher cette souveraineté-là. Sans souveraineté, il n’y aura pas de sortie du sous-développement et de la pauvreté ». Mais, assure-t-il, « le projet d’un Sénégal souverain, pour être viable et durable, ne se fera que dans une Afrique unie et souveraine. Personnellement, je ne ferai pas la fine bouche si déjà le Sénégal et la Gambie et la Mauritanie, ou le Sénégal et la Guinée, décidaient aujourd’hui d’avoir un État fédéral. Il ne nous faut sous-estimer absolument rien ».
Il ne s’agit pas non plus, pour Guy Marius Sagna, d’accueillir à bras ouverts n’importe quel projet d’unité du continent africain. « Je suis de ceux qui pensent que même l’Afrique-Équatoriale française et l’Afrique-Occidentale française représentaient une forme d’unité africaine. Mais une unité au service de l’impérialisme », fustige-t-il. « Ce n’est pas de cette unité-là — d’une Union africaine dont le siège est financé et les micros écoutés par la Chine, dont le budget, comme celui de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), vient plus de l’Union européenne et des États-Unis — dont on a besoin. On a besoin d’une Afrique souveraine, déconnectée du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, de l’Organisation mondiale du commerce, des accords de pêches et autres accords de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne, des présences militaires étrangères. Une unité africaine qui puisse avoir une politique commune en termes d’emploi, d’agriculture, d’éducation ».
Depuis les années 2000, le discours ambiant sur l’Afrique est passé d’un paternalisme assumé évoquant la fatalité d’un continent prétendument maudit par la misère et le désespoir économiques à un opportunisme vicieux lorgnant les matières premières d’un continent considéré comme un foyer de nouveaux marchés. Une Afrique extérieure à elle-même, conspuée ou convoitée selon les époques, abordée uniquement à travers le prisme capitaliste, un « système qui ne peut fonctionner que par l’oppression de la majorité dans les centres capitalistes et l’oppression de la majorité dans les périphéries », selon la formule de l’économiste Samir Amin que Guy Marius Sagna cite volontiers. Ainsi, face à la pression que suscitent l’ouverture des marchés africains à travers des initiatives comme la Zone de libre-échange économique africaine (ZLECA) ou encore les tentatives de cooptation par la France du projet de monnaie unique ouest-africaine, le militant lance un appel à la mobilisation : « Ce sont les peuples qui font l’histoire, personne d’autre [que lui-même] ne viendra le sauver ». Quelques semaines après le soulèvement populaire du mois de mars au Sénégal, Guy Marius Sagna garde espoir : « Les voix de la révolution, de la libération ou de l’émancipation sont insondables. C’était peut-être la bande d’annonce d’une prochaine lutte beaucoup plus importante ».
L’entretien avec Guy Marius Sagna est à lire en intégralité dans Mediapart.
Par Abdoul Aly KANE
UN RECOURS AUX PRETS DU FMI AUXQUELS LE SENEGAL N’AVAIT PLUS RECOURS SOUS WADE
Aujourd’hui, on passe d’un accord de conseil et d’assistance sans décaissement sous WADE à une demande de Facilité de crédit de confirmation augmentant notre endettement vis-à-vis cette institution
Une mission virtuelle du FMI été menée au Sénégal du 6 au 27 avril 2021 sous la direction de Mme Corinne Delechat, à l’effet de s’entendre avec les autorités sur les “ mesures économiques et financières qui pourraient permettre l’approbation de la 3ème revue du programme appuyé par l’ICPE, et soutenir sur 18 mois au titre de la Facilité de Crédit de Confirmation et du mécanisme d’accord de confirmation ».
A la suite du communiqué de presse de fin de mission, des opinions et commentaires divers ont été émis, tendant à laisser penser que l’accord de crédit de 350 milliards de FCFA était lié aux bonnes performances macroéconomiques du Sénégal. La réalité est autre. Il s’agit d’une demande de prêt du Sénégal de 453 millions de DTS sur 18 mois au FMI pour faire face aux chocs exogènes, principalement la crise sanitaire qui aurait sapé les fondements de l’économie (baisse de la croissance économique et des ressources publiques) et amplifié la crise de l’emploi des jeunes.
A l’occasion de la troisième revue du programme appuyé par l’instrument de coordination de la politique économique, cette demande a été examinée et a fait l’objet d’un accord entre les deux parties restant d’ailleurs à formaliser. Dans cet accord, le Sénégal s’engage à prendre des mesures économiques et financières permettant non seulement l’approbation de la 3ème revue du programme, mais encore le soutien de la demande de financement de 453 millions de DTS, soit 350 milliards de FCFA à très court terme (18 mois).
Les services du FMI ayant mené la revue font les précisions suivantes : « Les opinions exprimées dans cette déclaration sont celles des services du FMI et ne sont pas nécessairement celles du Conseil d’Administration ». À partir des conclusions préliminaires de cette mission, les services du FMI prépareront un rapport qui, sous réserve de l’approbation de la direction, sera présenté au conseil d’administration pour examen et décision ».
Par conséquent le décaissement des fonds attendus sera adossé aux conditions de respect des mesures économiques et financières et à l’accord du Conseil d’Administration du FMI. Il s’agit de plus d’un engagement fort vis-à-vis des prêts du FMI, auxquels le Sénégal d’Abdoulaye WADE n’avait plus recours. Par le passé, le gouvernement d’Abdoulaye Wade privilégiait l’ISPE, ou instrument de soutien à la politique monétaire. Cet instrument avait la particularité d’être non financier.
L’ISPE est prévu pour les pays à faibles revenus mais ne souhaitant pas bénéficier, ou n’ayant pas besoin d’un concours financier. L’ISPE aide à élaborer des programmes économiques efficaces, et informe clairement les institutions financières de développement, les donateurs, les marchés, de l’aval donné par le FMI aux mesures figurant dans ces programmes. Il n’est pas possible d’avoir recours simultanément à l’ISPE et à la Facilité de Crédit élargie. L’ISPE est utilisé avec souplesse parallèlement avec la Facilité de Crédit de Confirmation.
Aujourd’hui, on passe d’un accord de conseil et d’assistance sans décaissement sous WADE à une demande de Facilité de crédit de confirmation augmentant notre endettement vis-à-vis cette institution (FMI). De surcroît, le prêt demandé est d’un montant élevé et d’une courte maturité (durée). Si la reprise économique n’est pas au rendez-vous au bout des 18 mois, des solutions alternatives seront recherchées pour faire face à l’échéance, y compris s’endetter pour un terme plus long afin de rembourser ce crédit à très court terme, ou alors demander un rééchelonnement. Autrement dit, le Sénégal fera recours à ce qu’on appelle vulgairement en Ouolof « soul Bouki, souli Bouki ». Contracter des dettes pour payer des dettes antérieures. Bonjour, le cercle vicieux ! Rappel Rappelons à toutes fins utiles que le DTS ou droit de tirage spécial est un actif de réserve créé par la communauté internationale sous les auspices du FMI, et détenu par tous les pays membres, selon le principe que tout pays adhérent à ce système devrait bénéficier de réserves officielles lui permettant de gérer sa monnaie sur les marchés de change internationaux.
Le DTS peut être échangé contre des devises librement utilisables. Sa valeur repose sur un panier de 5 grandes devises (dollar US, Euro, Renminbi chinois, Yen japonais et livre sterling anglaise). La Facilité de Crédit de Confirmation demandée par le Sénégal est un instrument financier conçu pour venir en aide aux pays à faibles revenus qui sont parvenus à une situation macroéconomique globalement viable, mais qui ont besoin d’ajustement et de financement à court terme épisodiques (couverture solde balance des paiements par exemple), notamment à la suite de « chocs», pour la stabilité et la viabilité macroéconomique.
Les pays qui recourent à la FCC acceptent d’appliquer un ensemble de mesures pour la stabilisation de leur situation macroéconomique à court terme. Ces mesures sont assorties de conditions spécifiques et figurent en bonne place dans la lettre d’intention du pays demandeur.
LE SPECTRE DE L'AJUSTEMENT STRUCTUREL
Comment peut-on mettre près de 1000 milliards dans le TER qui n'a toujours pas roulé, et donc sans produire de recettes alors qu’il faut rembourser les échéances ? La situation a tout l'air d'un sabotage permettant au FMI de revenir en pompier-pyromane
Le pouvoir et ses souteneurs ce jeudi 29 avril 2021 lorsque le conseil d’administration du Fonds monétaire international a annoncé un appui financier de 350 milliards de francs pour soutenir la riposte des autorités face à la crise sanitaire et pour la promotion de la relance de l’économie. Les communicateurs du régime ont tôt fait de saluer les performances managériales du Sénégal du président Macky Sall pour expliquer l’obtention de cette manne financière. Bien évidemment, les confrères n’ont pas été en reste dans ce chœur de glorifications. Pourtant, ce qui se cache en réalité derrière un tel soutien, c’est une amère soupe puisque le Sénégal risque une mise sous ajustement du FMI et de la Banque mondiale. Eh oui, un ajustement structurel !
« Les autorités ont jubilé à l’annonce des 350 milliards de francs obtenus du FMI. C’est de l’irresponsabilité. Un manque de sérieux notoire de la classe politique dirigeante de notre pays ». Notre interlocuteur, très au fait des questions économiques, est réellement abasourdi par la manière dont cet accord a été accueilli dans notre pays, particulièrement du côté du pouvoir. « Le Sénégal va tout simplement renouer avec la mise sous ajustement du FMI et de la Banque mondiale » indique cet économiste chevronné. Son manque d’enthousiasme s’explique par le fait que notre pays frôle désormais, avec un endettement représentant 70 % du Pib (Produit intérieur brut), le seuil fixé par l’Union économique monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le niveau d’endettement de notre pays se monte actuellement à 9171 milliards de francs environ, soit un taux d’endettement tournant entre 67 à 68 %. On frôle presque la limite fixée par les institutions communautaires ! Or, lorsque le Sénégal arrivera à 70 % d’endettement, sa note va être dégradée au niveau des agences de notation, ce qui va impacter négativement sur sa réputation au niveau des marchés internationaux.
Le seul recours pour obtenir de l’argent va alors être constitué par les institutions de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale). Ce qui serait un recul sans précédent puisque sous le magistère de Me Abdoulaye Wade, notre pays avait fini de se passer de l’argent du FMI. Le Sénégal, avec l’instrument de suivi de la politique économique (ISPE), avait un programme de surveillance sans décaissement puisque sous notre niveau d’endettement tournait entre 30 à 40 % après que les compteurs avaient été remis à zéro. Le Fmi se contentait tout simplement tous les six mois de passer en revue la gestion macro-économique de notre pays.
La situation s’est depuis lors terriblement détériorée. « Le nouvel accord de financement, au titre duquel le Sénégal demande accès à 453 millions de DTS (soit 140 % de sa quote-part au FMI, environ 650 millions de dollars ou 350 milliards de francs CFA), contribuera à soutenir la riposte des autorités face à la crise sanitaire et à promouvoir la relance de l’économie. Il s’appuiera sur les objectifs de réforme du programme ICPE en cours et sera exécuté parallèlement à ce dernier » lit-on dans le communiqué officiel publié par le FMI en date du 29 avril dernier. Seulement ce discours officiel ne renseigne guère sur la contrepartie imposée par le FMI au Sénégal pour décaisser un tel montant astronomique de soutien à notre économie. Le FMI a exigé bel et bien une contrepartie, c’est-àdire d’avoir une exigence et un droit de regard dans le comment cette manne financière sera utilisée.
Le Sénégal retourne aux mains du FMI…après s’en être échappé !
La situation décrite par les experts est catastrophique puisque notre pays risque tout simplement de retourner entre les mains du FMI. « Les ajustements vont reprendre parce que le rythme d’endettement qui frôle les 70 % fera que les acteurs du marché n’auront plus confiance au Sénégal. Ou, alors, lui imposeront des taux d’intérêts élevés. Notre seul recours restera le FMI et la Banque mondiale. Le Sénégal perd son autonomie puisqu’il sera obligé par les institutions de Bretton Woods, qui donnent une dette liée, de passer sous leurs fourches caudines. Autrement dit, pas de carte blanche pour l’utilisation de l’argent. Ces institutions imposent alors là où l’argent qu’elles vous donnent doit être investi » souligne notre interlocuteur. Cette situation inédite découle tout simplement de la mauvaise orientation de notre économie sous l’ère Macky Sall. « De 2014 à 2020, le régime de Macky Sall s’est beaucoup orienté vers des prêts massifs pour des investissements publics. Chaque année, Macky Sall empruntait près de 1000 milliards de francs sur les marchés pour des investissements irresponsables.
Comment peut-on mettre près de 1000 milliards de frs dans le TER qui est resté presque pendant cinq ans sans rouler ? Et, donc, sans produire de recettes alors qu’il faut rembourser les échéances. Les choses prennent une tournure de sabotage, d’irresponsabilité notoire permettant au FMI de revenir comme sapeur-pompier ou pompier pyromane. C’est désolant et triste » rage notre interlocuteur. Le Sénégal a été, en 1984, le premier pays subsaharien à avoir connu l’ajustement structurel. Notre pays était placé sous le diktat du FMI et de la Banque mondiale jusqu’en 1998 puisque notre pays était lié avec ces institutions par des Programmes d’ajustement structurel structurés en des Facilités d’ajustement structurel renforcé (FASR). Un vrai recul. Il convient aussi, in fine, de se demander qu’est-ce qui a été fait des 240 milliards de francs encaissés par notre pays et représentant la totalité de ses Dts (droits de tirage spéciaux) ? Cela avait été une manière pour le FMI de soutenir tous les pays impactés sur les plans sanitaire et économique par la pandémie de coronavirus. A ce titre, donc, le Sénégal avait reçu 240 milliards en avril 2020. Un an plus tard, le FMI lui prête 350 milliards. Le Gouvernement a-t-il déjà soldé les 240 milliards des Dts reçus l’année dernière ? On aimerait bien qu’ l’on éclaire notre lanterne sur ce point !
«UNE PERSPECTIVE ASSEZ REVOLUTIONNAIRE DANS LE CURRICULA DE FORMATION DES AGENTS DE SANTE»
Le secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs de la santé et de l’action sociale (Sutsas), Mballo Dia Thiam applaudit
La signature du décret n 96-634 du 18 juillet 1996 abrogeant et remplaçant le décret n 92-1400 du 07 octobre 1992, portant création et organisation de l’Ecole nationale de développement sanitaire et social (Endss), est une consécration assez révolutionnaire dans le curricula des techniciens supérieurs en santé. En effet, l’arrêté organisant leur formation va leur permettre de combler le gap par rapport à leur hiérarchie dans le corps des administrateurs de soins et de services, selon le secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs de la santé et de l’action sociale (Sutsas), Mballo Dia Thiam.
Les techniciens supérieurs sont des cadres intermédiaires qui forment les sages-femmes et infirmiers. « Le combat qu’on avait gagné au niveau de leur recrutement avec le Bac avait permis à des infirmiers et des sages-femmes de subir une formation pour avoir le niveau de licence Bac plus 3 dans la perspective de Lmd (Bac plus 3 pour la licence, bac plus 5 pour le master et le doctorat). Sauf qu’ils étaient toujours confrontés à un autre problème plus délicat qui se posait entre ces formateurs et ceux qui ont bénéficié de leurs compétences.
Les bénéficiaires gagnaient après beaucoup plus que ces techniciens en termes de formation et de niveau salarial. Ces techniciens sont restés abandonnés à leur sort car beaucoup d’entre eux avaient fait le concours avec le niveau Bfem », explique le secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs de la santé et de l’action sociale, selon qui ces techniciens ont toujours été lésés et ne pouvaient pas prétendre à des postes de responsabilités. Car, dit-il, cette catégorie de travailleurs avait un gap par rapport à sa hiérarchie. Mais, pour leur offrir une meilleure situation, des leaders syndicaux ont porté leur combat en inscrivant ce point sur leur plateforme revendicative. Ce, depuis plusieurs années avant que leur situation ne soit régularisée. La lutte pour la régularisation de la situation administrative de ces techniciens supérieurs en santé a été « longue et laborieuse », selon le président de l’Alliance And Gueusseum qui indique que « des pourfendeurs n’ont jamais cessé de nous mettre les bâtons dans les roues, mais le bateau est quand même arrivé à bon port », se félicite Mballo Dia Thiam qui dit être animé d’un sentiment de réjouissance après la signature de ce décret portant création et organisation de l’Endss.
Tout est donc bien qui finit bien. Encore une fois, les techniciens supérieurs en santé ont aujourd’hui gagné une consécration qui, par le biais d’un arrêté qui organise désormais la formation à l’Endss, va leur permettre de combler le gap par rapport à leur hiérarchie. « La formation en ligne leur permet de combler le gap. C’est le parchemin qui va leur permettre d’être classés à la hiérarchie A2 pour obtenir le master (bac plus 5) dans le corps des administrateurs de soins de services. Aujourd’hui, ils passent de la hiérarchie B2 à la hiérarchie A2. Ce qui leur offre des perspectives assez révolutionnaires dans le curricula de formation. Parce qu’ils pourront prétendre à des postes de responsabilités dans leur administration et seront dans l’antichambre du doctorat. De ce point de vue, ils peuvent arriver jusqu’au doctorat, s’ils ont le courage, par le biais du système LMD (Licence-Master-Doctorat), c’est un plus incontestable pour le travailleur et le système », se félicite M. Thiam qui en a profité pour remercier tous ses camarades qui se sont battus pour l’obtention de cet acquis. Il félicite aussi le président de la République pour la signature de ce décret sans oublier que les ministres en charge de la Santé et des Collectivités territoriales qui ont accompagné le projet.
«UNE AVANCEE SIGNIFICATIVE EXTRAORDINAIRE POUR LES AGENTS DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET LOCALES»
Sidiya Ndiaye, Sg du Fgts se prononce sur sur le décret portant réglementation de la fonction publique locale
Le chef de l’Etat a procédé, mercredi dernier, en Conseil des ministres, à la signature du décret complétant la structure règlementaire de la fonction publique territoriale. Une mesure qui permet désormais à tous les travailleurs des collectivités locales, quels que soient leurs diplômes, de pouvoir intégrer la fonction publique locale. Une avancée significative qui pourrait certainement influer d’une manière positive sur le front syndical des collectivités territoriales, selon le leader syndical Sidiya Ndiaye. Qui souligne cependant que ce résultat obtenu ne peut pas arrêter la bataille revendicative notamment celle relative à la couverture médicale des travailleurs.
Le Témoin : Le Conseil des ministres de ce mercredi 5 mai a examiné et adopté le projet de décret modifiant le décret n 2011-662 du 1er juin relatif au statut particulier des fonctionnaires de l’administration générale des collectivités territoriales. Il a adopté le projet de décret portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du Centre national de la fonction publique territoriale et de la formation et celui abrogeant et remplaçant le décret n 2011- 660 du 01er juin 2011 ainsi que celui relatif au régime commun des concours prévus pour l’admission dans les différents corps de fonctionnaires des collectivités territoriales. Quelle appréciation donnez-vous à ces modifications ?
Sidiya Ndiaye : Nous avons appris la bonne nouvelle de la signature du décret complétant la structure règlementaire de la fonction publique territoriale qui avait été votée en mars 2011. Ces décrets d’application viennent compléter le dispositif existant. Nous nous félicitons de ce décret. D’ailleurs, à travers tout le pays, les agents des collectivités territoriales savourent la nouvelle en ce moment. On ne peut que remercier les autorités étatiques en tête desquelles le président de la République, Macky Sall, qui a signé ce décret comme il l’avait promis lors de mon passage à la cérémonie de remise des cahiers de doléances le 01er mai dernier, et aussi le ministre des Collectivités territoriales, Oumar Guèye, pour son implication directe et son accompagnement dans le processus qui nous a permis d’avoir ces résultats. Je crois que c’est une excellente chose.
Qu’est-ce que la signature de ces décrets va changer de façon concrète ?
Nous allons maintenant passer à la vitesse supérieure. C’est-à-dire, tous les problèmes contentieux que nous avions par rapport aux diplômes pour être recasés, reclassés, puisqu’on n’avait pris en compte que le BFEM alors que, maintenant, on va pouvoir aller jusqu’au doctorat, avec le baccalauréat, les masters … c’est ça qui change la donne. Tous les travailleurs, quels que soient leurs diplômes, peuvent maintenant être intégrés dans la fonction publique locale. C’est une avancée significative extraordinaire qui va nous permettre d’aller de l’avant. Un autre point positif, c’est la création du Centre national de formation de gestion de la carrière des agents des collectivités territoriales. C’est comme dans la fonction publique où il y a une direction de la fonction publique locale. Donc, nous avons tenu à ce qu’il y ait une structure dédiée à la fonction publique locale pour véritablement gérer les carrières et assurer la formation non seulement des travailleurs, mais également des élus. Je crois que c’est une avancée significative majeure. Et que, fondamentalement, nous sommes fondés à savourer cet acquis.
Avec cette bonne nouvelle, doit-on s’attendre à une accalmie sur le front de la lutte que mènent les syndicats des collectivités territoriales ?
Est-ce que la mesure va influer sur le front social ? C’est vrai que nous venons de franchir un grand pas et que ça peut impacter de manière positive sur le réchauffement du front social. Parce que nous avions déposé un préavis de grève en fin avril. L’Intersyndicale se réunira, va évaluer pour ensuite se prononcer sur la suite des évènements. Dans quelques jours, vous serez informés de la position de l’Intersyndicale par rapport au front social. Sous ce rapport, nous ne pouvons rien dire tant qu’on n’a pas réuni les instances de l’Intersyndicale. Mais je pense que, déjà, le geste posé par le gouvernement est appréciable. Et nous l’apprécions à sa juste valeur
Quelles sont vos autres revendications ?
Il y a d’autres revendications. Tout le temps, il y en aura. Ça continue, les revendications. Surtout que nous, on a déploré que depuis l’entrée en vigueur de l’acte 3 de la décentralisation, les impacts négatifs ne cessent de nous envahir comme le refus de certaines autorités locales de prendre en charge la couverture médicale des travailleurs. Ce qui est extrêmement grave. Le ministre, à l’époque, avait fait une lettre circulaire pour demander à ces autorités locales de tout faire pour prendre en charge les frais médicaux de ces agents. Parce que ça fait partie des obligations de l’employeur. Mais jusqu’à présent, il y a un entêtement, un refus catégorique des élus. Et la bataille va maintenant porter sur cette revendication. Parce que nous estimons que ce sont des droits acquis non négociables. Par conséquent, les élus doivent tout faire pour prendre en charge la couverture médicale de nos agents. Il y a d’autres revendications naturellement qui vont continuer. Mais pour le moment, nous avons décidé d’aller pas à pas, de progresser en réglant d’abord les contradictions principales.
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TCHAD, MACRON A DU SANG SUR LES MAINS
Thomas Dietrich analyse la transition politique en cours à N'Djaména et revient sur les relations entre la France et le pays
C’était le 18 avril dernier. Le maréchal Idriss Déby Itno mourrait au front, laissant le Tchad sans chef politique. Aussitôt, un conseil militaire dirigé par un de ses fils, Mahamat Idriss Déby Itno, se met en place. Cette version, c’est la version officielle.
Mais il se pourrait bien que la mort du dictateur d’un des pays les plus pauvres de la planète ait un air de vengeance. Toujours est-il qu’une nouvelle parenthèse s’est ouverte pour ce pays d’Afrique centrale, depuis en proie à de nombreuses manifestations meurtrières.
Car le Tchad a été gouverné d’une main de fer pendant trente ans par le maréchal défunt et grand allié de la France, notamment dans sa guerre contre le terrorisme au Sahel. Des intérêts qui ont mené Macron jusqu’aux funérailles d’Idriss Déby Itno, alors même qu’un coup d’État venait d’avoir lieu.
Pour analyser cette transition politique et revenir sur les relations entre la France et le Tchad, nous avons reçu Thomas Dietrich, collaborateur du Média et spécialiste de ce pays.