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5 juillet 2025
LE SÉNAT JUGE CONSTITUTIONNEL LE PROCÈS EN DESTITUTION DE TRUMP
L'analyste politique, René Lake, évoque les enjeux du procès ouvert ce mardi au Sénat contre l'ancien président américain, avec une première journée marquée par la constitutionnalité de la démarche
L'analyste politique, René Lake, évoque les enjeux du procès ouvert ce mardi au Sénat contre l'ancien président américain, avec une première journée marquée par la constitutionnalité. Une étape franchie avec une vote à la majorité simple de 56 voix pour et 44 contre.
L’ARMÉE ANNONCE LA REPRISE DE TOUTES LES BASES REBELLES DU FRONT SUD
Les quatre dernières bases historiques des rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance ont été intégralement reprises
Sikoune (Boutoupa Camaracounda), 9 fév (APS) - Les quatre dernières bases historiques des rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), situées sur le front Sud, à la frontière avec la Guinée Bissau, ont été intégralement reprises après plus de dix jours d’intervention de l’Armée nationale, a constaté l’APS.
’’Les premières bases historiques du MFDC ont été neutralisées et reprises par l’Armée’’, a déclaré, ce mardi, le Colonel Souleymane Kandé, commandant de la zone militaire numéro 5 de Ziguinchor. Il s’agit des bases de Bamoune-Bilass, Boussoloum, Badiong et Sikoune.
L’officier des armées sénégalaises s’exprimait en marge d’une visite sur le terrain des opérations en compagnie de journalistes.
Le commandement de la zone militaire numéro 5 a déclenché le 25 janvier dernier une opération d’envergure visant à déloger des bandes armées des zones qu’elles occupent. Il s’agit à travers ces opérations militaires de créer les conditions favorables à un retour de populations déplacées dans leurs villages abandonnées depuis une trentaine d’années.
Un important détachement de l’Armée composé du troisième bataillon des commandos de Thiès, du troisième bataillon d’infanterie de Kaolack, d’un détachement du Génie militaire de Bargny, du cinquième bataillon d’infanterie de Ziguinchor et d’un bataillon de parachutistes opère dans la zone depuis plus de 10 jours.
Sur la route nationale numéro 6 qui mène à Kolda via le Balantacounda, à hauteur du village d’Agnack Petit, une piste latérite traverse les villages de Niabina, Mawa et Camaracounda.
C’est le début d’un calvaire pour tout passager qui s’aventure un peu plus en profondeur.
Le détachement du Génie militaire a balisé un sentier pour ouvrir une voie d’accès qui traverse la zone de tampon avant l’arrivée dans les bases des combattants du MFDC. La poussière, les cliquetis d’arbres, et les entrelacs des branches d’arbres imposent une vitesse minimale aux conducteurs et aux candidats à l’aventure.
Samick et Niadhiou, deux villages victimes de récentes exactions des bandes armées constituent les seuls signes d’une présence humaine dans la zone. Au milieu d’une forêt luxuriante et dense aparaissent des débris d’habitations de fortune.
Des pans de pallissades jaunies par le temps, des matelas usés, des morceaux d’habits délavés, des bidons vides, quelques pierres, des grenades, des rangées de munitions, de vielles mallettes, des trous, des bunkers forment le décor de ce qui est devenu depuis 10 jours l’ancienne mythique base rebelle de Badiong.
’’Ici, c’est la base historique du MFDC. C’est l’une des premières bases. Des chefs combattants comme César Atoute Badiate et Salif Sadio ont transité par ici avant de filer vers le Front Nord. C’est un sanctuaire. C’était le centre de commandement. C’est ici le site qui abritait tout l’armement de la rébellion. Cette base est prise par l’Armée’’, a expliqué le Colonel Souleymane Kandé.
Il a invité les populations déplacées à ’’retourner rapidement au bercail parce que les conditions sécuritaires’’ sont désormais réunies.
‘’Le processus est irréversible. L’Etat va bientôt procéder à la mise en place des ouvrages socioéconomiques de base comme les écoles, les postes de santé, les forages. Les ONG de développement et les projets publics comme le PUMA, le PUDC et autres vont aussi intervenir rapidement’’, a-t-il ajouté.
Le Colonel Souleymane Kandé a, dans la foulée, annoncé la création de postes militaires sur le long de la ligne frontalière avec la Guinée Bissau à la faveur de la réactualisation récente des accords militaires entre les deux pays.
Il a d’ailleurs salué le ’’grand concours’’ de l’Armée bissau-guinéenne dans les récentes opérations de sécurisation de la zone.
DES ORGANISATIONS DES DROITS DE L’HOMME DEMANDENT LE RESPECT DES PROCÉDURES
Selon ces organisations, la convocation qui a été envoyée à Sonko par la Section de Recherches, ce lundi, n’est pas légale. Elle ne respecte pas loi.
Des organisations de société civile défendent Ousmane Sonko. Dans un communiqué co-signé, Afrikajom Center, Amnesty International Sénégal (AIS), le Forum social sénégalais (FSS), la Ligue Sénégalaise des Droits Humains (LSDH), la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits d’Homme (RADDHO) exigent le respect de la loi dans le dossier du leader du parti Pastef qui fait face à une accusation de viol et de menaces de morts. Selon ces organisations, la convocation qui a été envoyée à Sonko par la Section de Recherches, ce lundi, n’est pas légale. Elle ne respecte pas loi. « La convocation qui lui a été servie n’a donc pas respecté les termes de l’article 61 de la Constitution du 22 Janvier 2001, modifiée et des articles 51 et 52 du Règlement intérieur de l’Assemblée », ont écrit les signataires du communiqué. Ces derniers de rappeler que « le socle de l’Etat de droit est le respect par les différentes institutions de la République des procédures légales de mise en accusation des représentants du peuple ».
Sur la même lancée, Me Assane Dioma Ndiaye et ses camarades ont condamné les violations qui ont sévi dans certains quartiers de la capitale, lundi. Mais, ils appellent les forces de sécurité à beaucoup plus de retenue. Ces défenseurs des droits de l’homme exhortent l’Etat à « instruire les forces de défense et de sécurité de faire preuve de retenue, de maitrise et de pédagogie et de s’abstenir de tout usage excessif de la force lors des opérations de maintien de l’ordre », plaident-ils.
IMMUNITÉ PARLEMENTAIRE DE SONKO : DES JURISTES TRANCHENT
Répondra, répondra pas ? La question est sur toutes les lèvres. Jets de pierres, grenades lacrymogène, des pneus brûlés dans certaines artères de la capitale entraînant de monstres embouteillages, c’était la guérilla
Répondra, répondra pas ? La question est sur toutes les lèvres. Jets de pierres, grenades lacrymogène, des pneus brûlés dans certaines artères de la capitale entraînant de monstres embouteillages, c’était la guérilla, lundi, dans les rues de Dakar. Les partisans de Ousmane Sonko n’avalent pas sa convocation par la Section de Recherches où il devait être entendu, le 8 février, pour une affaire de mœurs suite à une plainte d’une jeune masseuse, Adji Sarr, âgée de 20 ans.
Ousmane Sonko, lui-même, dit niet à une quelconque convocation tant que son immunité parlementaire n’est pas levée avec respect de tout le processus. Aux dernières informations, la procédure concernant la levée de cette immunité a été enclenchée au niveau de l’Assemblée nationale. Le bureau de l’institution parlementaire a été convoqué, ce jeudi, pour se pencher sur la question.
Le refus d’Ousmane Sonko de déférer à la convocation de la gendarmerie est diversement apprécié par le public. Chacun y va de son commentaire. Ses soutiens, dont des parlementaires, exigent le respect de la loi. C’est le cas de l’ancien député, Thierno Bocoum. Prédisent d’AGIR (Alliance générationnelle pour les intérêts de la République), Bocoum ne comprend pas l’attitude du procureur qui est censé bien maîtriser la loi. « Convoquer un député tout en ignorant les dispositions combinées des articles 61 de la Constitution et 51 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, est un acte grave posé par le procureur de la République. Et ce n’est pas la première fois », a-t-il fait savoir. Et de poursuivre : « Le procureur de la République est devenu un danger pour la démocratie. Ses décisions illégales, et sa posture de récidiviste montrent qu’il préfère mettre la loi en dessous des volontés politiques de sa hiérarchie ». S’il y a trouble à l’ordre public, le leader d’AGIR estime qu’on doit le chercher du côté des « agents de l’Etat qui violent les lois et créent des situations de tensions ».
FAIT NOUVEAU DANS LE DOSSIER
Ce fait nouveau dans le dossier de Sonko’ interpelle l’avocat, Me Abdoulaye Babou. L’ancien président de la commission des Lois à l’Assemblée nationale estime que seul le procureur est en mesure de le qualifier. « Des phrases ont été prononcées. L’analyse appartient maintenant au procureur de la République. Est-ce que les propos tenus par Ousmane Sonko sont de nature à troubler l’ordre public ? Est-ce que dans l’appel de Sonko, il y a une invitation des Sénégalais à descendre dans la rue ? Seul le procureur peut apprécier. C’est tout ! ».
La controverse est accentuée par le fait qu’Ousmane Sonko, même s’il est député, est poursuivi pour des faits commis en dehors de ses charges publiques. D’ailleurs, ces avocats se concentrent sur l’aspect mœurs. Me Khoureyssi Ba et ses collègues exigent le respect de la loi organique concernant le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Laquelle stipule en son article 51 : « Aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions (article 61, alinéa 2 de la Constitution). Le député est couvert par l’immunité à compter du début de son mandat qui prend effet dès la proclamation des résultats de l’élection législative par le Conseil Constitutionnel (...). Aucun député ne peut, hors session, être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit tel que prévu par l’alinéa précédent ou de condamnation pénale définitive. La poursuite d’un député ou sa détention, du fait de cette poursuite, est suspendue, si l’Assemblée le requiert ».
LA CONVOCATION EST BIEN LÉGALE
Cet avant-dernier alinéa de l’article 51 constitue le point d’achoppement chez les techniciens du Droit. Pour le juriste consultant, Abdoulaye Santos Ndao, « L’immunité n’entre en vigueur qu’en phase d’arrestation ». En l’espèce, poursuit-il, il s’agit d’une convocation qui est en prélude à la poursuite. En termes clairs, Ousmane Sonko pourrait bel et bien être convoqué par la gendarmerie. Parce que, renseigne le juriste, à ce stade de la procédure, rien atteste de sa culpabilité.
M. Ndao partage son avis avec son confrère, Ibrahima Malick Thioune. Juriste-consultant, Thioune estime que si l’on parle d’immunité, c’est le cadre du travail de son titulaire. « Un député ne peut, en aucun cas, être poursuivi contre des propos tenus à l’Assemblée nationale. Cela ne veut pas dire aussi que ce député soit exempt de tout reproche. S’il commet une faute du droit commun, en dehors de son lieu de travail, il doit être poursuivi. L’immunité se limite dans le cadre du travail. S’il sort de ce cadre, il n’y a plus d’immunité », renseigne le juriste consultant, Ibrahima Malick Thioune.
par l'éditorialiste de seneplus, Ousseynou Bèye
LA PLACE DES LANGUES NATIONALES DANS LA PENSÉE ET L’OEUVRE DE CHEIKH ANTA DIOP
EXCLUSIF SENEPLUS - Aucune nation n’est sortie du sous-développement par le gouvernement à travers une langue étrangère, à moins que le processus d’acculturation ne soit devenu irréversible. Les Africains seraient-ils différents des autres à cet égard ?
Il est aujourd’hui de notoriété universelle que Cheikh Anta Diop a été le grand pionnier de la transcription des langues africaines, de leur développement et de leur utilisation dans tous les domaines de la vie.
Un peu d’histoire
C’est en effet dès 1954, avec sa thèse qui demeure son œuvre fondamentale, Nation Nègre et Cultures... qu’il publie ses idées sur la question. Plus que d’un plaidoyer, il s’est agit d’une démonstration scientifique de leur parenté originelle avec l’égyptien ancien et de leur faculté naturelle à exprimer tout ce qui pouvait se concevoir par l’esprit. De la prose la plus usuelle aux mathématiques les plus complexes, en passant par les poèmes les plus subtiles.
On sait aujourd’hui que c’est sur la base de telles études que ses amis qui formaient à l’époque le « Groupe de Grenoble » (ou l’Ecole de Grenoble) ont approfondi la recherche pour produire le fameux Ijjib wolof qui sera la matrice de l’alphabet actuel, officiellement adopté au Sénégal par le décret n 68-871 du 24 juillet 1968. Cheikh Anta Diop peut donc bien être considéré comme le fondateur de l’alphabet en lettres latines, en vigueur actuellement au Sénégal.
Cheikh Anta Diop lui-même poursuivra, pratiquement toute sa vie durant, ses recherches linguistiques qui lui serviront du reste, d’arme redoutable pour anéantir toutes les thèses contraires qui niaient la valeur intrinsèque des langues africaines ou leur origine égyptienne. C’est ainsi qu’il publiera notamment :
Étude linguistique ouolove – Origine de la langue et de la race valaf, et Quand pourra-t-on parler d’une renaissance africaine (articles publiés dès 1948, alors qu’il avait 25 ans, respectivement dans « Présence Africaine » et « Le Musée vivant ») ;
Les fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique Noire (Présence Africaine, 1960) ;
Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et des langues négro-africaines (IFAN-NEA, 1977) ;
Nouvelles recherches sur l’égyptien ancien et les langues négro-africaines modernes (Présence Africaine, 1988) ;
Pour clore cette parenthèse historique, il ne serait pas superflu de rappeler que c’est dès sa tendre jeunesse, alors qu’il était en classe de troisième au lycée, dans les années 1940, que Cheikh Anta Diop s’est intéressé à la question de la transcription des langues africaines. C’est à ce moment-là en effet qu’il conçut un alphabet avec des lettres de son invention, dans la perspective d’écrire les langues africaines. Une vocation bien précoce qui renseigne sur la force des convictions de l’homme.
Pourquoi « valoriser » nos langues nationales ?
Lors de sa fameuse conférence publique tenue en wolof, le 28 avril 1984 à Thiès sur les langues nationales, Cheikh Anta Diop a tenu d’abord à rappeler que nos langues ne sont pas dépourvues de valeur en elles-mêmes ; si elles ont perdu de leur dignité c’est parce qu’on ne les utilisait plus à la hauteur de leur vocation naturelle ; Cheikh Anta nous fait savoir :
Làmmiñ wi, paaka la, balay ñaw nga daas ko ; làmmiñ wu ñu jariñoowul, mu ngi mel na paaka bu xomaag. (La langue c’est comme le couteau ; une langue dont on n’use pas ressemble à un couteau rouillé).
Cheikh Anta nous explique avec la patience du pédagogue :
Te Tubaab bi, bi ñu fi ñówee, réew mi mépp dañu ko yoree ci seen làmmiñu bopp. Moo taxoon ba sunu làmmiñ yi des ginnaaw. (Quand les Européens nous ont imposé leur présence, ils ont dirigé le pays en utilisant leur propre langue. C’est pourquoi nos langues ont fait du surplace).
Le colon qui gouvernait le pays, le faisait par l’usage exclusif de sa langue, de la même façon qu’il utilisait exclusivement sa propre monnaie pour faire marcher l’économie, sous la garde exclusive de sa propre armée. La colonisation est ainsi un système global de gouvernance où la politique linguistique, loin d’être innocente, occupe une place de choix dans le mode de domination d’une communauté ou d’une nation. A contrario, les Africains devraient prendre conscience que dans le processus d’émancipation de leur continent, ces langues maternelles prendront la même place centrale… et en tirer toutes les conséquences !
Cheikh Anta nous explique encore :
Li la daan tax jëm kanam, li la daan tax am loo dundale sag njaboot, ci weneen lammiñ nga daan jaar am ko... (Ce qui te permettait de progresser, ce qui te permettait de faire vivre ta famille, c’est par l’usage d’une autre langue que tu passais).
Loolu moo taxoon ñu sàggane sunu lammiñ yii. Waaye du caagéeni dañu mënul woon a wax li ñu bëgg wax. (Voilà la raison pour laquelle nos langues étaient négligées. L’argument selon lequel elles seraient incapables d’exprimer nos pensées ne tenait donc pas la route).
Et Cheikh d’enfoncer le clou :
Dangeen di xam ni aw làmmiñ, jëfandikukaay la boo xam ni, lu am xel dem ci àddina aw làmmiñ mën na koo tudd ; am xel ay gàtt, aw làmmiñ gàtt ! (Il faut savoir qu’une langue est un simple instrument, capable d’exprimer tout ce que l’esprit conçoit ; ce sont les limites intellectuelles d’un individu qui déterminent les limites de son parler).
Et le pédagogue d’insister encore :
Nit kiy wax nag, fi xelam yem, fi jàngam yem, fi gis-gisu àddinaam yem foofu rekk la ay waxam mën a yem. (Celui qui prend la parole est limité par ses connaissances, il a pour horizon sa propre vision).
Cheikh Anta Diop précise encore la cause de la relative régression des langues africaines du fait que l’apogée de la colonisation a coïncidé avec la révolution industrielle. Alors que les langues européennes s’actualisaient et se développaient en créant de nouveaux termes pour désigner les inventions nouvelles, les langues africaines, confinées à l’arrière-plan, étaient en train de « se rouiller ».
Cheikh nous explique encore qu’il n’existe pas de mot qui ait de manière spontanée une signification en soi ; tout est question de convention. Ainsi, à une invention on peut faire correspondre n’importe quel terme, pourvu que tout le monde soit d’accord pour l’appeler par ce terme :
Amul benn baat boo xam ni bii, yennu nga sa maanaa ci cosaan, amul !
Cheikh Anta suggère que pour nos langues nationales les Africains empruntent le même procédé que les autres peuples, en forgeant de nouveaux termes sur la base de leurs lexiques de base et de la riche et subtile grammaire qui les organise. En un mot, en nous basant sur le génie de nos langues, sans avoir besoin, quasiment, d’emprunts extérieurs. Il propose même qu’une commission ad-hoc se charge de la question.
A ce moment-là :
Lépp mën ngen koo tekki, ci pël te dungeen sàkk beneen baat
(Vous pourrez alors tout traduire en pulaar sans aller chercher des mots ailleurs).
Faut-il rappeler que Cheikh Anta Diop avait déja procédé de la sorte ? C’était en… 1954 ! Depuis lors, Pathé Diagne, Sakhir Thiam, Aram Faal, et d’autres, dont récemment Abdul Xaadr Kebe, sont venus enrichir le vocabulaire wolof. Pendant que Aliou Ndao, Younouss Dieng, Boubacar Boris Diop… se sont plu, de très belle manière, à nous faire rêver et réfléchir, par l’entremise de nos si belles langues ! Et avec quelle saveur car, comme disait encore Cheikh Anta Diop :
« Ci dëgg-dëgg, dafa neex ni tàngal bu ñuy macc bay tàqamtiku ! »
(Pour dire la vérité, c’est aussi délicieux qu’un bonbon qu’on suce et dont on ne finit pas de se délecter).
Pour quelle politique linguistique ?
Dans Fondements… Cheikh Anta Diop dégageait la voie :
Les langues nationales doivent faire l’objet d’une politique de développement, et être utilisées dans l’enseignement et l’administration.
Comme dans tous ses champs de réflexion, Cheikh Anta Diop considère la dimension africaine. Et déjà dans Nation Nègre et culture le scientifique faisait un constat implacable :
‘’On oublie… que l’Afrique est un continent au même titre que l’Europe, l’Asie, l’Amérique ; or, sur aucun de ceux-ci l’unité linguistique n’est réalisée ; pourquoi serait-il nécessaire qu’elle le fût en Afrique ? L’idée d’une langue africaine unique, parlée d’un bout à l’autre du continent, est inconcevable autant que l’est aujourd’hui l’idée d’une langue européenne unique’’.
Ce constat est tellement limpide ‘qu’un aveugle d’esprit’ s’y méprendrait difficilement… à moins qu’il ne soit de mauvaise foi !
Toutefois, devant la nécessité d’une gouvernance panafricaine, Cheikh Anta Diop n’abdique pas, et loin d’appeler au secours une langue étrangère pour unifier l’Afrique, il préconise dans Fondements… :
Une langue (africaine) de culture moderne et de gouvernement qui serait la langue d’enseignement dans toutes les écoles africaines et en même temps la langue de gouvernement.
Dans le même mouvement, le savant préconise :
Le choix d’une langue locale à l’échelle d’un territoire donné.
Ainsi Cheikh Anta Diop opte lucidement pour une relation dialectique – l’autre dirait ‘féconde’ – entre les langues nationales et la langue continentale : soigner la tête sans négliger les pieds.
A l’échelle nationale on pourrait adopter le même principe, car « qui peut le plus, peut le moins ». Ainsi toutes les langues nationales codifiées étant érigées en langues officielles, la langue dominante, le wolof, pourrait être consacrée langue de gouvernement ; toutes les autres langues seraient ainsi enseignées dans les écoles selon les régions et localités, en commençant par la maternelle.
Si une telle politique hardie, mais somme toute normale, n’était pas mise en œuvre, Cheikh Anta Diop nous a déjà averti dans un article célèbre (de Taxaw, organe de son parti, le RND) resté dans les anales :
- « Le développement par le gouvernement dans une langue étrangère est impossible, à moins que le processus d’acculturation ne soit achevé, c’est là que le culturel rejoint l’économique ».
- « Le socialisme par le gouvernement dans une langue étrangère est une supercherie, c’est là que le culturel rejoint le social ».
- « la démocratie par le gouvernement dans une langue étrangère est un leurre, c’est là que le culturel rejoint le politique ».
Ce triptyque nous rappelle une vérité simple : on ne saurait mettre une politique de développement et dérouler une gouvernance au service d’une nation et d’un peuple sans impliquer la majorité de la population. Au risque d’aliéner son pays au profit de l’étranger, d’instaurer une dictature (gouvernement sans et contre le peuple), et surtout au risque d’assujettir culturellement son peuple, en en faisant des populations sans âme, maanaam « ñu xeeb seen bopp », comme nous avertissait encore Cheikh Anta Diop. Il faut le savoir, aucune nation n’est sortie du sous-développement par le gouvernement à travers une langue étrangère, à moins que le processus d’acculturation ne soit devenu irréversible. L’histoire n’en a pas enregistré un seul cas ! Les peuples africains seraient-ils différents des autres à cet égard ?
Il est difficile ici de résister à l’envie de parodier le savant : « Armons-nous de nos langues nationales jusqu’aux dents ! » Il est inconcevable en effet, qu’au niveau individuel, on prétende contribuer au développement de son pays, et plus encore, qu’on se prévale des idées de Cheikh Anta Diop, alors qu’on ne sait lire ni écrire dans aucune de nos langues nationales. Pour se prémunir d’une telle hérésie, on ne saurait faire l’économie de leur apprentissage. Et ce n’est pas difficile, mais… il faut avoir l’humilité d’apprendre.
Article tiré de la contribution au Webinaire de Clôture de la Campagne Digitale sur l’oeuuvre de Cheikh Anta Diop, organisé par le Cercle de Réflexion Cheikh Anta Diop (CRCAD), à l’occasion du 25e anniversaire de la disparition du savant.
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NOUS ALLONS NOUS DRESSER CONTRE TOUTE ATTEINTE PORTÉE A LA DEMOCRATIE
Aliou Sané est catégorique sur la position du mouvement ''Y'en à marre '' sur ce qu'ils appellent la tentative de liquidation de l'opposant Ousmane Sonko.
Aliou Sané est catégorique sur la position du mouvement ''Y'en à marre '' sur ce qu'ils appellent la tentative de liquidation de l'opposant Ousmane Sonko. '' Ce n'est pas l'affaire de viol opposant le député Ousmane Sonko à Adji Sarr qui nous interesse. Nous sommes ici, après avoir interpellé les autorités sur l'utilisation de la justice sénégalaise et des forces de l'ordre pour régler des comptes politiques comme nous le constatons depuis l'avénement de Macky Sall à la magistrature supreme'' a précisé Aliou. Pour le porte parole du mouvement Y'en à marre ce qui s'est passé hier devant le domicile de Sonko sise à la cité Keur Gorgui renseigne sur l'etat d'esprit du pouvoir. C'est pourquoi dit-il '' Nous sommes venus apporter notre soutien à Ousmane Sonko. Nous disons à tous les acteurs épris de justice et à tous les défenseurs de la démocratie qu'il est important de se dresser contre ce que va arriver''
CES DÉPUTÉS QUI ONT PERDU LEUR IMMUNITÉ PARLEMENTAIRE
L’Assemblée nationale est convoquée, jeudi prochain, pour information sur la levée de l’immunité parlementaire d'Ousmane Sonko, objet d’une plainte pour « viols et menaces de mort ». Retour sur une procédure qui a déjà fait des victimes par le passé
Le Bureau et la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale sont convoqués, jeudi prochain, pour information sur la levée de l’immunité parlementaire du député de l’opposition Ousmane Sonko, objet d’une plainte pour « viols et menaces de mort ». Lesoleil.sn a saisi le prétexte pour revenir sur les différents cas de procédures de levée de l’immunité parlementaire enclenchées contre des députés de la République.
Au cours d’une déclaration de presse faite, dimanche, chez lui à la Cité Keur Gorgui, le leader du parti Pastef (opposition), Ousmane Sonko, a annoncé son refus de déférer à la conversation de la Section de recherches de la Gendarmerie nationale suite à une plainte déposée par une masseuse, Adja Sarr (21 ans), invoquant ainsi son statut de député. Mais, la levée de son immunité parlementaire est enclenchée par le ministère de la Justice à travers le parquet qui a saisi l’Assemblée nationale. D’ailleurs, le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, a déjà convoqué les membres du Bureau et ceux de la Conférence des présidents, ce 11 février, pour la suite à donner à cette affaire qui continue de défrayer la chronique. Il est, toutefois, à signaler qu’Ousmane Sonko n’est pas le seul député à faire l’objet de procédure de levée de l’immunité parlementaire dans l’histoire politique récente.
Khalifa Sall, dans la « Caisse d’avance »
En effet, la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall fait partie des procédures qui ont le plus attiré l’attention de l’opinion. Cité dans l’affaire dite de la Caisse d’avance à la Ville de Dakar et incarcéré, depuis début mars 2017, l’immunité du député socialiste a été levée, le 25 novembre de la même année. A l’issue d’une séance plénière chahutée, 125 députés contre 27 ont voté le rapport d’une commission parlementaire préconisant cette levée. Celle-ci a ainsi ouvert la voie à un long feuilleton judiciaire à l’issue duquel il sera condamné, le 30 mars 2018, à une peine de 5 ans de prison ferme et 5 millions de francs Cfa d’amende pour « escroquerie de deniers publics et de faux en documents administratifs ». Mais, il sera élargi de prison, suite à une grâce présidentielle signée, le 29 septembre 2019.
Barth et l’affaire Ndiaga Diouf
Avant l’ex-édile de Dakar, un de ses plus proches collaborateurs, Barthélémy Dias, a été victime de cette même procédure. En effet, vendredi 11 novembre 2016, l’Assemblée nationale lève, lors d’une session sans débat, l’immunité du député-maire de Mermoz-Sacré-Cœur. Les députés de la 12ème Législature, favorables aux conclusions de la commission had hoc, dirigée par Moustapha Diakhaté, ont majoritairement (62 voix, 14 contre et 4 abstentions) « dépouillé » le maire de Mermoz-Sacré-Cœur cité dans une affaire de meurtre à l’encontre de Ndiaga Diouf suite à une attaque violente à main armée survenue, le 22 décembre 2011, dans la mairie de Mermoz Sacré-Cœur. Prenant la parole avant le vote, Barthélémy Dias demeure toujours dans sa position. « Je vous invite à lever mon immunité parlementaire sans débat», lançait-il à ses collègues.
Il sera condamné, le 16 février 2017, à deux ans de prison dont six mois ferme pour « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner et détention illégale d’armes sans autorisation ». Cette peine de prison étant quasiment couverte par la durée de sa détention provisoire, de décembre 2011 à mai 2012, « Barth’» est donc ressorti libre du Palais de justice. À l’audience, qui s’était tenue fin janvier, le procureur avait requis contre lui une peine de 10 ans d’emprisonnement.
Oumar Sarr, Ousmane Ngom et Baldé « dépouillés » par la Crei
Jeudi 10 janvier 2013, l’immunité parlementaire de trois députés du Parti démocratique sénégalais (Pds) est levée à la suite d’une requête du procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Il s’agit, en effet, d’anciens membres du Gouvernement libéral, Oumar Sarr (ancien ministre de l’Urbanisme et actuel coordinateur du Pds, Abdoulaye Baldé (ancien ministre des Mines) et Ousmane Ngom (ancien ministre de l’Intérieur). Tous ont été poursuivis dans le cadre de la traque des biens mal acquis.
Moussa Tine « emporté » par les marteaux de Talla Sylla
A noter que sous l’ère Me Abdoulaye Wade (2000-2012), des cas de levée de l’immunité parlementaire ont également été notés à l’Assemblée nationale. Et les plus marquants restent ceux de Moussa Tine et d’Alacaly Cissé. L’affaire Moussa Tine fait partie de cette multitude d’affaires qui sont venues se greffer à celle qui continue de défrayer la chronique et qui avait pour objet l’agression de Talla Sylla dans la nuit du 5 au 6 octobre dernier. Arrivés sur le lieu d’évacuation du blessé, à savoir l’hôpital Principal de Dakar, Moussa Tine s’était posé des questions troublantes quant à la présence du ministre-chef de cabinet du président de la République et avait, dans une intonation dubitative, cherché à établir un rapport entre la présence suspecte de Papa Samba Mboup et l’agression de Talla Sylla. Se sentant diffamé, le ministre-conseiller du président de la République avait, par le biais de son avocat Me Ciré Clédor Ly, saisi le procureur de la République d’une plainte en diffamation contre Moussa Tine. Mais, avant de saisir le parquet du tribunal correctionnel de Dakar, Me Ly et son client avaient directement saisi le bureau de l’Assemblée nationale dans l’objectif de voir le député Moussa Tine dépouillé de son immunité afin de l’attraire devant la juridiction pénale.
Quant à son collègue Alcaly Cissé (rappelé à Dieu, le 29 septembre 2019 à Djeddah, en Arabie Saoudite), il avait lui-même demandé la levée de son immunité après été accusé d’escroquerie dans une affaire qui remonte en 1989. « Tout ce dont on m’accuse est faux, et j’ai écrit une lettre pour demander qu’on lève mon immunité », avait déclaré Alcaly Cissé, précisant qu’il n’était pas encore député à cette époque. En le privant de son privilège, ses collègues de la majorité avaient donc entendu se départir de la solidarité de parti pour le laisser se défendre devant la juridiction pénale d’actes dont il est présumé coupable et dont il devra répondre.
Procédure encadrée
La levée de l’immunité parlementaire d’un député obéit à une démarche bien encadrée. En plus clair, pour que la procédure soit enclenchée, il faut que le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, saisisse l’Assemblée nationale d’une lettre accompagnée d’un document argumenté par le procureur de la République près la Cour d’appel. C’est ainsi que le bureau se réunit et décide de la suite à donner à la requête. Elle peut émettre un avis défavorable, autrement dit un refus.
Maintenant, si la requête est approuvée, une commission sera mise sur pied. Elle sera composée de 11 membres dont 8 députés de la majorité, 2 de l’opposition et 1 non aligné. Après quoi, le député visé doit être entendu par la commission adoptée avant la tenue d’une plénière qui décidera de son sort. L’article 52 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale prévoit que « la Commission doit entendre le député intéressé, lequel peut choisir, comme défenseur, un de ses collègues. Lors des débats ouverts par l’Assemblée nationale, en séance plénière, sur les questions d’immunité, peuvent seuls prendre la parole, le Président, le Rapporteur de la Commission, le Gouvernement, le député ou son défenseur et un orateur contre ».
Après l’étude sur le fond, une autre plénière sera ensuite convoquée, cette fois-ci, sur les recommandations de la commission ad-hoc. L’Assemblée peut alors estimer qu’il n’y a pas matière à lever l’immunité parlementaire du député incriminé. Il peut aussi décider d’ôter la couverture parlementaire. Dans ce cas, la levée de l’immunité est automatique. Le député peut donc faire l’objet de poursuite ou d’arrestation dans les secondes qui suivent. La procédure peut durer 8 jours.
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CE QUI SE PASSE ACTUELLEMENT DOIT ÊTRE LE COMBAT DE TOUS LES CITOYENS
Venu témoigner son soutien à Ousmane Sonko qui fait face à une accusation de viol de la part de Adji Sarr, Moustapha Guirassy se dit rassuré
Venu témoigner son soutien à Ousmane Sonko qui fait face à une accusation de viol de la part de Adji Sarr, Moustapha Guirassy se dit rassuré. '' J'ai discuté avec un homme serein qui est prêt mentalement et politiquement'', a déclaré l'ancien ministre sous Wade. Moustapha Guirrassy n'a pas manqué de fustiger la tentative de liquidation de Sonko par le pouvoir. Il soutient que cette affaire n'est pas le combat de Sonko uniquement. '' C'est maintenant le combat de tous les citoyens pour preserver notre démocratie. Il faut que cette manière de faire la politque basée sur le harcelement, l'intimidation, le complot et la restriction de la liberté d'expression s'arrête''.
OUSMANE SONKO, LE DERNIER OPPOSANT À MACKY SALL
Alors que dans le camp du président, certains ne font pas mystère de leur désir d’engloutir l’opposition tout entière, le leader de Pasteef assume de porter seul – ou presque – la contestation. Quitte à être la première cible du pouvoir
Il n’y a pas si longtemps, il n’était encore que cet inspecteur des impôts turbulent, qui s’était fait connaître en accusant le chef de l’État de « corruption » et de « viol de la Constitution et du code pétrolier ». C’était en 2016 et la sanction n’avait pas tardé à tomber : Ousmane Sonko était radié de la fonction publique par décret présidentiel pour « manquement au devoir de réserve ».
Depuis, il a fait du chemin. Après avoir été élu député en 2017 et remporté 16 % des suffrages lors de la présidentielle de 2019, il est de fait devenu, à tout juste 46 ans, l’un des principaux opposants au président. Voire l’un des derniers.
Son propre parti, le Pastef, pourrait-il s’en trouver menacé ? Le 2 janvier, le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diome, faisait savoir par voie de communiqué que la formation s’exposait « à la dissolution », comme « tout parti politique qui reçoit des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal ».
En cause : une campagne de levée de fonds internationale lancée le même jour par Pastef. Elle aurait déjà permis de récolter plus de 125 millions de F CFA et 80 millions de promesses de dons, et les Sénégalais de la diaspora y ont largement contribué. « Les partis politiques ne peuvent bénéficier d’autres ressources que celles provenant des cotisations, dons et legs de leurs adhérents et sympathisants nationaux, et des bénéfices réalisés à l’occasion des manifestations », rappelle pourtant le ministre.
Les équipes d’Ousmane Sonko dénoncent une « manœuvre d’intimidation » : « La cotisation de nos militants est notre seul mode de financement depuis la création du parti, précise le chargé de communication de Pastef, El Malick Ndiaye. Mais le succès de cette campagne a fait peur aux autorités. »
Pastef enfreint-il la loi ou est-il la cible d’un pouvoir qui ne pouvait laisser passer pareille occasion d’entraver la progression de son adversaire ? Une chose est sûre : l’opposition sénégalaise est déjà très affaiblie par la mise hors-jeu de Karim Wade, du Parti démocratique sénégalais (PDS), et de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall – tous deux sont inéligibles.
Quant à Idrissa Seck, arrivé deuxième à l’issue du dernier scrutin présidentiel, et Oumar Sarr, transfuge du PDS, ils ont rallié la majorité à l’occasion du remaniement du 1er novembre dernier. Dans le camp de Macky Sall, certains ne font pas mystère de leur désir de voir l’opposition entièrement engloutie dans la machine BBY (Benno Bokk Yakaar).
Il est l’homme le plus intelligent qu’il m’ait été donné de rencontrer. Sa densité intellectuelle, sa vivacité d’esprit, sa bonne humeur que pouvaient entrecouper des colères aussi froides qu’éphémères rendaient le personnage attachant
Les courtisans ont disparu quand les titres, les privilèges et les honneurs ont cessé. Nous sommes restés une bande de quatre. Plutôt un clan, dans cette sauvagerie et cette bestialité qui peuvent le caractériser. Dans le clan, il n’y a aucune place pour la raison, tout est dévolu au cœur. Et nous savions être odieux pour nous défendre les uns les autres.
Les voyages forgent les amitiés et renforcent les liens tissés. J’ai parcouru le monde avec Abdoul Aziz Mbaye. Les moments que les hommes partagent loin du pays, où la conversation bascule des banalités aux choses du cœur, rapprochent, ouvrent des brèches dans le mur des secrets. L’armure se fend et l’homme cède à la tentation de distiller une part de lui qui dépasse les platitudes quotidiennes. Aziz était un homme élégant, de cette élégance rare des gens d’hier, éduqués et raffinés, qui s’élèvent toujours à la dignité que requiert l’aristocratie républicaine. Il s’agit pour eux d’une richesse immatérielle que Aziz avait et savait incarner en donnant aux autres le respect, celui qui permet de témoigner à l’autre, qu’il soit collaborateur ou ami, la considération, la confiance et l’estime à la hauteur de son humanité.
Quand comme moi, on gravite dans le milieu de la politique et de la haute administration, on a cette malchance de croiser beaucoup de gens. On rencontre, parmi eux, des escrocs, des prétentieux, des ignorants, bref une flopée de gens infâmes que rien ne devrait destiner au cœur de la machine de l’Etat. Ils partagent parfois une insécurité que sécrète une forme de médiocrité. Et cette médiocrité génère un complexe qui les rend souvent tyranniques. Ils tentent de suppléer l’autoritarisme à la compétence lorsque celle-ci leur fait défaut. Le pire qu’on puisse souhaiter aux arrivistes étant d’arriver.
Aziz Mbaye était fait d’un bois différent. Il est l’homme le plus intelligent qu’il m’ait été donné de rencontrer. Sa densité intellectuelle, sa vivacité d’esprit, sa bonne humeur que pouvaient entrecouper des colères aussi froides qu’éphémères rendaient le personnage attachant. C’est un intellectuel pure laine, avec une puissance théorique et scientifique exceptionnelle. Il savait, fort de cette consistance, être accessible, courtois et disponible. Il était un dandy chaleureux car conscient de sa dimension sans jamais fanfaronner. Je discutais des heures durant avec Aziz Mbaye, de politique, de relations internationales, d’économie, de théologie, d’art et de choses plus légères, ces goûts du bas monde qui cimentent la compagnie des hommes. Aziz Mbaye n’avait aucune prétention à la sainteté ; il avait comme chacun, sa part d’ombre. Sauf qu’à la différence des adeptes de simulacres propres aux faux-dévots que la politique sait enfanter dans notre pays, il portait sa liberté. Cet exercice de la liberté sans compromission avec les charges et les titres, me le rendait plus attachant encore. Il était écorché, vif, sanguin ; un homme qui assumait la vie dans toute sa complexité et dans toutes ses nuances. Il ne se voulait jamais gardien de la morale, ni de la sienne ni de celle des autres. Il était à hauteur d’homme, ce qui certainement nous liait davantage et raffermissait une affection mutuelle profonde. Je regrette que Aziz Mbaye n’ait pas eu la chance qu’il méritait de servir notre pays à la hauteur de ses compétences et de sa force de travail. Notre pays est violent quand il s’agit de traiter ses plus illustres fils, de les négliger pour laisser parfois s’imposer aux oreilles et aux yeux de la Nation ce qu’elle charrie de plus médiocre et de plus vil. Dans le champ de la culture, Aziz Mbaye incarnait les possibles. Avec lui, aucune frontière dans l’imagination, le courage et l’identification de nouvelles terres d’opportunités.
Je n’ai jamais vu Aziz Mbaye travailler, je l’ai toujours vu s’amuser, appréhender avec culot la gestion de l’Etat comme un art magistral au service de ses passions créatrices : les cultures urbaines, le patrimoine, le cinéma, le design, la danse… La culture, disait-il, est le lieu de sophistication de la société, la base même de l’économie d’un pays et de notre relation en tant que personnes avec la structure. Je confie mon ami Aziz à la miséricorde divine. Je confie sa mémoire au souffle des vents de Yoff comme je confie son nom à la postérité qui, elle, saura lui rendre justice. On s’est bien amusés, Aziz. Embrasse nos amis, Ngaïdo Ba et Eric Névé. Dis leur que je les aime de cette même force avec laquelle je t’ai aimé.