Entre anecdotes, témoignages et prières pour le repos de son âme, le monde des médias a rendu un vibrant hommage au journaliste et formateur Jean Meissa Diop rappelé à Dieu, dimanche, des suites d’une longue maladie qui l’avait éloigné des salles de rédaction. « Emus », « attristés », « bouleversés », tous ont magnifié, sur les réseaux sociaux, les qualités du défunt chroniqueur d’« Avis d’inexpert ».
Sur sa page Facebook, le Secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics) se dit convaincu que « Jean Meissa Diop va nous manquer ! ». A ce titre, Bamba Kassé a présenté ses condoléances non sans exprimer ses « pensées émues à tous les journalistes. Rest In Peace (repose en paix, ndlr) grand ».
Pour sa part, le président de l’Association des professionnels de la presse en ligne (Appel), Ibrahima Lissa Faye, est surpris par la triste nouvelle. « Oh noon pas lui », s’est-il, en effet, exclamé. A l’instar de tous ses confrères, l’administrateur de Pressafrik soutient que « Jean Meissa Diop (était) un grand journaliste très professionnel et formateur. Mon Dieu, que cette faucheuse est si cruelle. Dors en paix Jean. Une très grosse perte ».
« Adieu Jean ! », commente le directeur du quotidien national Le Soleil, Yakham Mbaye. Qui s’est joint aux hommages rendus à « un grand journaliste d’une grande humilité et d’une immense générosité professionnelle, fin et pointu dans ses analyses vient de nous quitter. Que le Seigneur accueille Jean Meissa dans Son paradis éternel ! »
« Jean Meissa Diop est parti ! Oh, quelle triste nouvelle que le décès de JMD, une icône du journalisme sénégalais. Un professionnel aguerri, taquin et généreux dans le partage de ses connaissances », pleure Ballé Preira. Qui témoigne : « il nous avait placés sous son aile formatrice alors que nous étions de jeunes étudiants du Cesti, stagiaires au quotidien Walfadjri. Il rejoint ainsi Sidy Lamine Niasse et Abdourahmane Camara, deux autres piliers du groupe de Front de terre ». Le journaliste économique déclare qu’«un passionné du journalisme bien fait s’en est allé. Presque jusqu’au dernier souffle, il exerçait son métier avec sa chronique d’inexpert dans le journal Walfadjri, un signe d’humilité et de générosité intellectuelle ».
En tout cas, le défunt « incarnait toutes les qualités d’un bon journaliste », jure Mame Gor Ngom. Car, rapporte le billettiste, « talent, rigueur, concision, honnêteté, courage, humilité…Il n’a jamais baissé les bras malgré une santé chancelante. Grand, tu vas nous manquer. Terriblement. Je relis nos derniers échanges. Je me souviens de nos discussions téléphoniques ».
Le journaliste Oumar Kandé dit retenir de Jean Meissa Diop le souvenir d’« un bon encadreur » pour sa promotion de presse écrite au Cesti. A l’en croire, le chroniqueur était également « un enseignant qui suivait ses élèves et (qui) ne manquait jamais d’apprécier leur travail dans nos rédactions respectives. Une grosse perte pour la presse sénégalaise ». Embouchant la même trompette, son confrère, Sidy Diop, regrette le décès de cet « homme d’une exquise courtoisie, un esprit supérieur et pourtant si humble ».
Ce qui fait dire à Ibrahima Benjamin Diagne qu’« un autre timonier est parti ! ». Pour lui, Jean Meissa Diop a « rejoint le bâtisseur Sidy Lamine et le timonier Abdourahmane Camara ». « Bouleversé », l’ancien de la Rfm n’a pas manqué de raconter ses débuts à Walfadiri, dans les années 2000. « Il m’appelait tendrement « Ben Lamp » (il était convaincu que je suis Bay Fall), je l’appelais « Tokor » car compère d’un de mes oncles. Au bouclage tardif du journal après un reportage pour la radio, il me réclamait un papier pour la presse écrite « Walf quotidien »… Il m’installe dans son bureau de Rédacteur en Chef pour le mettre à l’aise dans la rédaction de l’article. J’ai grandi journalistiquement parlant sous l’aile protectrice de ce professionnel aguerri, disponible et généreux », a-t-il écrit.
« Avec la disparition du journaliste Jean Meïssa Diop, la presse du continent et du Sénégal perdent un illustre confrère », soutient l’Union des Journalistes de la Presse Libre d’Afrique (Ujpla), à travers un communiqué de presse. Elle prie « que l’âme de cet éminent journaliste africain repose en paix au pays de la Teranga ».
Tous ont prié pour le repos éternel de son âme.
par Oumou Wane
DIARY SOW, UN PAYS SUR LES EPAULES
Laissons-la respirer. Et si le cœur lui en dit, elle ne manque pas de références. Quoi qu’elle fasse, respectons ses envies
Diary Sow est une étudiante brillante certes, mais c’est avant tout une jeune femme de son époque, avec un développement affectif et relationnel correspondant aux normes de son âge.
Or, comment aller bien dans un monde malade ? La période que nous vivons a un impact sur le moral de tous. Alors comprenons bien qu’une personne surdouée, possédant un rythme de développement intellectuel très supérieur à la moyenne, puisse ne pas vivre le monde de la même manière que chacun et que sa sensibilité puisse être différente.
En tant que maman de filles toujours étudiantes et du même âge que Diary, je sais que pour les parents, il s’agit dans certains cas d’être juste présents et d’accepter d’avoir tort. « Tu n’as pas à porter le poids du monde sur tes épaules », ai-je envie de dire à cette jeune compatriote.
Si la disparition pour quelques jours de Diary Sow a mis tout le Sénégal en émoi, je voudrais aussi qu’elle sache que cette émotion ne doit pas être une pression nationale sur ses épaules, mais un sentiment fraternel de soutien et de fierté, de la part d’un peuple pour qui l’éducation est le seul vecteur d’émancipation et d’ascension sociale.
Célèbre au pays comme l'incarnation de l'excellence et de la réussite scolaire, Diary Sow a remporté deux fois le prix de la "meilleure élève du Sénégal" et publié un roman en 2020, « Sous le visage d'un ange », une histoire d'amour où il est déjà question d’une femme-enfant à la soif de vivre débordante et des dissensions familiales qui pèsent…
Elle est arrivée en France il y a un an et demi, après avoir décroché une bourse d'excellence. Décrite comme une élève ponctuelle, très sérieuse, surdouée, qui croule sous les cahiers, peut-être n’a t-elle plus supporté l’image et les clichés que l’on véhicule sur elle et qui ne sont pas la vraie vie ? On la voit comme une bête de foire, alors que dans la vraie vie c'est différent. Sûrement est-elle une personnalité hors norme et équilibrée. Car il faut de la ressource pour faire ce qu’elle a fait, c’est à dire, un pas de côté, quand la pression est trop lourde. Quand le doute s’installe et que l’horizon s’assombrit, quand on a besoin d’une pause, combien de jeunes à bout de souffle ont commis l’irréparable ? Signe supplémentaire de son intelligence, l’étudiante sénégalaise n’est pas prête à sacrifier tout ce qu’elle a pour assurer sa réussite.
Heureusement, l'étudiante du prestigieux lycée parisien Louis-le-Grand a depuis le décès de son père en avril dernier, un « parrain » aimant et bienveillant, en la personne de Serigne Mbaye Thiam, le ministre sénégalais de l'Eau et de l’Assainissement et ancien ministre de l'Education nationale.
Grâce à lui et au lien de confiance qu’il entretien avec elle, nous savons qu’elle va bien : « Tonton, Je te prierais de rassurer les gens qui me cherchent. Je vais bien, je suis en sécurité. Sache que je suis terriblement, profondément désolée ».
Je suis personnellement impressionnée par la personne de Diary Sow. Magnifiquement jolie, intelligente, romanesque et probablement amoureuse, j’espère que ce « répit salutaire », ce passage par l’acte qui permet de se réorganiser, lui permettra, si c’est son envie, de faire partie de cette élite républicaine et de conquérir le monde malgré la cruauté de l’époque et l'absence de ses proches auprès d’elle.
Dans tous les cas, ne mettons pas Diary Sow dans une boite. Laissons-la respirer. Et si le cœur lui en dit, elle ne manque pas de références. Quoi qu’elle fasse, respectons ses envies. Littéraire, scientifique, artistique, économique, politique ou sociale… Quoi qu’elle décide, c’est de sa vie qu’il s’agit, alors, cessons d’attendre d’elle qu’elle soit le « Mozart » du 21ième siècle.
Mais si elle décidait de conquérir l’Everest, je sais qu’elle peut compter dans son ascension vers les sommets sur tous les sénégalais heureux qu’elle soit bien entourée et en bonne santé, et par le soutien sans faille du premier d’entre eux, le président Macky Sall lui-même, qui fut très attentif à sa disparition et a donné des instructions pour la retrouver.
LE PORT DE DAKAR, FUTUR HUB LOGISTIQUE POUR L'AFRIQUE DE L'OUEST ?
Le Port autonome de Dakar est un univers gigantesque… engoncé en plein cœur de la capitale. S’il veut se développer, il doit se moderniser, mais aussi se « décentraliser »
Certainement titillé à l’idée de voir ses concurrents du littoral ouest-africain, de Tanger à Pointe-Noire, rivaliser de projets tous plus ambitieux les uns que les autres, le Port autonome de Dakar (PAD) a lui aussi dégainé son plan de développement en 2018. Nommé à la direction de l’autorité portuaire à la fin de 2017, Aboubacar Sédikh Bèye n’a mis que quelques mois pour peaufiner la stratégie qu’il comptait mettre en œuvre avec son équipe de 2019 à 2023 pour donner une nouvelle jeunesse à un port dont les plus anciens bassins ont été creusés à la fin du XIXe siècle.
Depuis, l’eau a coulé le long des quais dakarois, de plus en plus enserrés par la métropole, qui n’a jamais cessé de s’étendre autour du PAD. Jusqu’à poser des problèmes d’engorgement devenus insolubles. « Si nous résolvons l’équation de la congestion, le Sénégal sera en mesure d’enregistrer une progression de trois points de croissance supplémentaires », assure le directeur général du PAD. L’enjeu est de taille pour le pays, qui, chaque année, réceptionne 90 % de ses échanges internationaux via ses différents terminaux dakarois.
Un nouveau terminal vraquier
La direction du port peut s’appuyer sur les bons résultats enregistrés ces deux dernières années pour lancer la modernisation de ses installations. Depuis 2017, le PAD a en effet vu son chiffre d’affaires annuel progresser de près de 25 %, pour dépasser les 60 milliards de F CFA en 2019 (environ 91,5 millions d’euros), ce qui lui donne les moyens financiers d’accompagner les changements en cours.
En juillet 2019 a démarré le premier projet de rénovation, celui du terminal vraquier spécialisé dans les trafics ô combien stratégiques destinés au marché malien. Les travaux sont exécutés par le japonais Towa Corporation et financés en partie par les 21 milliards de F CFA attribués au Sénégal par le gouvernement japonais.
Ce terminal sera en mesure d’accueillir des navires de 35 000 tonnes de port en lourd, contre 15 000 aujourd’hui. Le PAD disposera aussi d’un nouveau port minéralier à Sendou, à 30 km au sud de Dakar. Développé sur 500 ha, pour un investissement de 500 milliards de F CFA, il doit entrer en activité en 2021.
Un véritable camouflet ! Si le ridicule tuait au Sénégal, les autorités allaient illico sortir Boubacar Seye de prison après lui avoir présenté leurs plates excuses
Maintenant que Serigne Mbaye THIAM, qui avait annoncé la disparition, dit que Diary SOW est réapparue, à travers des « tonton je suis partie mais je suis toujours là », revenons à Macky SALL et aux coups de pied qu’il donne à la démocratie sénégalaise. Si la piètre prestation d’Antoine DIOME, qui s’essaie à la politique politicienne, a fait marrer beaucoup de juristes, l’arrestation de Boubacar SEYE fait moins rigoler et met en exergue un régime aux abois, protégeant les délinquants et tentant de réduire au silence les lanceurs d’alerte.
Un véritable camouflet ! Si le ridicule tuait au Sénégal, les autorités allaient illico sortir Boubacar SEYE de prison après lui avoir présenté leurs plates excuses. En effet, en publiant la « Liste des Projets financés au Sénégal par le Fonds fiduciaire d’urgence (FFU) de l’Union européenne », la Délégation de l’UE au Sénégal s’immisce indirectement dans l’affaire et déshabille totalement le régime en mettant en exergue la mauvaise foi et la roublardise de ses tenants.
« Au Sénégal, le Fonds Fiduciaire d’Urgence a permis l’opérationnalisation de ce partenariat à travers 18 programmes, dont 10 nationaux et 8 régionaux pour un montant total de 198 millions d’euros (près de 130 milliards FCFA) », indique le document de la représentation de l’Union européenne en date du 22 janvier 21. Tout est dans le timing. Moins de 72 heures après le placement sous mandat de dépôt du président de l’ONG Horizon sans frontières, poursuivi pour «diffusion de fausses nouvelles», l’Union européenne confirme Boubacar SEYE. Mieux, après avoir mis la barre beaucoup plus haut, Boubacar SEYE n’avait parlé que de 118 milliards, elle liste les différents projets preuves de l’infamie.
Ainsi, du Projet intitulé « Appui à la réduction de la migration à travers la Création d’Emplois Ruraux au Sénégal, par la mise en place de fermes agricoles villageoises et individuelles dans des régions à haute potentialité migratoire », a celui dit « d’appui à la réduction de l’émigration rurale dans le bassin arachidier – PARERBA », en passant par le programme « Développer l’emploi au Sénégal: renforcement de la compétitivité des entreprises et de l’employabilité dans les zones de départ », pour ne citer que ceux-là, des milliards ont été donnés, plus de 130 milliards FCFA selon l’Union européenne, pour pousser le gouvernement à entretenir sa jeunesse. A la place de véritables projets, Macky SALL écoule des illusions et refuse qu’allusion soit faite à ses forfaits.
Où sont passés les 20 millions d’euros débloqués, en mars 2017, par l’Agence Espagnole de Coopération Internationale au Développement pour un Programme dont « l’Objectif Spécifique est de contribuer à la création d’emplois et de richesse dans les régions les plus susceptibles à l’émigration à travers l’aménagement des terres par des fermes agricoles Natanguées et par l’accompagnement technique et la formation des agriculteurs ? Qui peut dire que cet argent a servi à la création de 30 fermes villageoises et de 170 fermes comme c’était prévu ? Les réponses sont aussi à chercher dans l’Agence nationale Retour Vers l’Agriculture (REVA) créée en novembre 2006 par Abdoulaye WADE qui avait Macky SALL comme Premier ministre. « Son objectif majeur est de lutter contre le phénomène de l’émigration clandestine et l’exode rural par la fixation des populations dans leurs terroirs et l’augmentation significative des productions et des revenus », expliquait le rapport de présentation du Décret n° 2006-1336 du 29 novembre 2006. La suite est connue. Les milliards des Espagnols se sont volatilisés, l’exode rural a continué tout comme l’émigration clandestine. L’élève a réédité le coup.
Ce que le régime reproche à Boubacar SEYE, il n’a pas eu le courage de l’en accuser publiquement. Le nombre de Sénégalais victimes de l’émigration clandestine, que la presse et les réseaux sociaux tiennent du président de l’ONG Horizon sans frontières, est considéré par le Pouvoir comme un secret dont la divulgation est passible d’une humiliation d’Etat. Bougazelli, le député pris en flagrant délit de trafic de faux billets, peut être pardonné. Mais point d’indulgence pour Boubacar SEYE, qui se bat pour le bien-être des Sénégalais de l’extérieur. C’est l’apogée des délinquants.
En se mobilisant pour réclamer la libération du mis en cause injustement, les acteurs de la société civile se détournent de la litanie débitée, lundi dernier, par le ministre de l’Intérieur qui interroge sur la rapide mutation des juristes au contact du leader de l’APR. Car, celui qui a dernièrement diffusé de fausses nouvelles au Sénégal, c’est bien Antoine DIOME qui a contredit son propre arrêté ministériel.
Nos pensées vont en ce moment vers Jean Maïssa DIOP. Le doyen dont la plume a inspiré tant de générations s’en est allé, ce dimanche 24 janvier 2024. Que le Tout-Puissant l’accueille au Paradis. Amen !
Par Cheikh Guèye
ATOU DIAGNE ET HIZBUT TARQIYYA, LE LEGS D’UN LEADER VISIONNAIRE ET REVOLUTIONNAIRE
L’histoire de Atou Diagne épouse celle du dahira des étudiants mourides de Dakar (DEM) qui est devenu le Daara Hizbut Tarqiyya
La foi inébranlable, l'engagement sacerdotal pour la mouridiyya, l'intelligence stratégique et situationnelle, l'audace et le courage sans limite, s'incarnaient dans la personne de Atou Diagne. Son œuvre est grandiose et marquante. Que Hizbut Tarqiyya et la voie lumineuse qu'il a tracée lui survivent. Je le rencontrai pour la première fois en 1994 au siège du Dahira des étudiants Mourides à Dakar et depuis lors, l’homme m’a toujours témoigné une estime et une affection qui feront grandir notre complicité. Je l’ai vu pour la dernière fois à Tivaouane où il était invité par la zawiyya à faire une conférence dans le cadre des journées scientifiques.
L’histoire de Atou Diagne épouse celle du dahira des étudiants mourides de Dakar (DEM) qui est devenu le Daara Hizbut Tarqiyya. Il lui a imprimé une force et un rythme qui lui ont permis de représenter pour beaucoup de jeunes élèves et étudiants une voie alternative au moment où les idéologies traditionnellement attractives (marxisme, nationalisme, etc.) s’essoufflaient dans les années 70 et 80. Mouridisme et récupération de notre souveraineté culturelle autour de nos valeurs de civilisation sont les deux ingrédients de l’offre doctrinale portée par Atou.
Le processus de changement commence en 1978 avec la suppression de la ségrégation étudiants-sympathisants, et le début de théorisation des fondements idéologiques du mouvement.
Ainsi, d'après Momar Coumba Diop, la volonté d'orthodoxie qui sous-tend les manifestations culturelles et les autres activités du dahira met en valeur un modèle archétypal, celui du lettré arabe : « Seuls ceux qui savent lire et écrire l'arabe sont susceptibles d'exercer le pouvoir. » Mais comment ce modèle s'est-il superposé à la référence scolaire et universitaire occidentale et française (ou au moins francophone) à laquelle le dahira ne peut échapper? Pourtant cette référence est également constante, revendiquée comme un outil pour mieux domestiquer les valeurs occidentales, puis les dépasser et enfin les combattre. La superposition des modèles ou leur combinaison implique ainsi que les détenteurs du pouvoir soient ceux qui entrent le mieux dans les deux moules. Le fonctionnement du DEM ne pouvait être assuré que par ce type de membre, à la fois outillé et conscient. Le bureau n'était ainsi composé que d'étudiants et d'anciens étudiants. Il n'était pas encore question à la fin des années soixante-dix que les sympathisants illettrés en français soient du bureau. Le dahira avait une image à défendre, sa propre image et celle de Cheikh Ahmadou Bamba. Il « décide de ne pas s'orienter vers la reprise des grands thèmes populaires mourides'" » et de se consacrer à l'édition et à la traduction en français des écrits du fondateur, notamment de ses œuvres qui clarifient sa pensée soufie et son penchant orthodoxe: « les clés du paradis », «le viatique des jeunes» entre autres.
Se considérant comme la crème et la vitrine du mouridisme, les étudiants mourides voulaient se différencier de la masse mal vue en ville et dans le milieu intellectuel, francisant comme arabisant. Dans cette optique, ils choisirent également de participer collecti- vement au magal, pèlerinage annuel pendant lequel tous les fastes sont déployés pour mettre en scène l'image de la foi, du nombre, de la puissance et de la pérennité de l' œuvre du fondateur. Progressivement, ils en feront leur sacerdoce et leur raison d'être. Complètement tombé sous le charme des étudiants et transférant à tout le dahira la profonde affection qu'il a toujours vouée à Atou Diagne, le khalife général accède à toutes leurs sollicitations.
Le DEM bénéficie ainsi désormais de toutes les attentions et de tous les égards de la part de l'institution khalifale. Ses membres sont associés aux travaux d'impression des œuvres de Cheikh Ahmadou Bamba que la bibliothèque abrite, et mieux, on leur confie les travaux d'aménagement et de décoration du «puits de la miséricorde» (Aïnou Rahmati). Une stèle portant les écrits du cheikh concernant le puits et leur traduction en français et en anglais est imaginée et réalisée, ainsi que d'autres petits aménagements. Ces travaux ont définitivement raffermi les relations entre le dahira et le khalife, le premier étant considéré par le second comme une sorte d'instrument modernisant et de vitrine. Les membres du dahira se sentaient ainsi parrainés et protégés par l'autorité suprême de la confrérie qui se déplaçait personnellement chaque jour pour venir s'assurer du bon déroulement des travaux. En outre, la qualité des travaux a amplifié l'admiration des autres mourides pour le dahira qui voit le nombre de ses membres monter en flèche. Dans cette même période, le khalife les met en relation avec plusieurs personnalités importantes pour que ceux-ci puissent partager son admiration pour eux.
La carte de visite du dahira s'est ainsi beaucoup enrichie en quelques années. Et plus qu'un dahira, on voit naître un mouvement d'envergure assez importante qui touche à tout, diversifie ses ressources en diversifiant son recrutement, étend ses actions dans plusieurs domaines. Dans cette optique, le DEM réfléchit sur ses orientations idéologiques. Il choisit tout d'abord de s'inscrire en dehors des logiques laïques d'encadrement en ne se déclarant pas au ministère de l'Intérieur comme une association. Son projet repose en théorie sur la volonté de servir la cause de l'islam à travers le fondateur du mouridisme dont ils pensent constituer les « é l u s " ».
Nonobstant la part non négligeable des non-étudiants, il se définit comme une organisation d'intellectuels qui, imbus de l'instruction de l'ancienne puissance, défend malgré tout des valeurs de civilisation ancrées dans la confrérie mouride. Il se présente ainsi comme la manifestation de la victoire de Cheikh Ahmadou Bamba sur l'assimilation culturelle qui était au demeurant la nouvelle arme de domination de la puissance coloniale (la France"). «Une mise en valeur du pays,un attachement raisonné de l'indigène à notre œuvre, tel est donc l'objet de la nouvelle conquête, conquête moins rapide et brillante que la première, mais aussi féconde et méritoire, et dont l'instrument ne peut être que l'école », ou encore « C'est de la formation intellectuelle et morale de nos indigènes que dépend en majeure partie l'avenir de notre œuvre coloniale », sont les principales citations sorties par le président du dahira des Archives nationales du Sénégal pour convaincre ses membres de la portée de leur action.
L'image de résistant du marabout, qui a servi le nationalisme sénégalais des indépendances, est donc reprise par le dahira dans ses fondements idéologiques: «Nous, nous sommes ceux qui veulent marcher comme ceci: nous maîtriserons tout ce que l'école française apprend, mais partout où on nous verra, il apparaîtra que c'est Serigne Bamba (autre nom donné au Cheikh) notre référence». «Verser du sang est révolu et Serigne Touba ne l'a demandé à personne. Mais nous lui donnons nos vies dans le cadre du respect des recommandations et interdits divins, et l'enracinement dans le travail qu'il a accompli pour le prophète », martèle Atou le président de séance lors de l'assemblée générale du II mai 1996.
Mais le pilier idéologique le plus important est une autre dimension du Djebëlu, l'acte fondamental par lequel le disciple mouride fait allégeance à son marabout et sur lequel beaucoup d'études ont été menées, notamment dans ses implications politiques, économiques et sociales. Il s'agit du diayanté, pacte ou engagement sacerdotal, don complet de sa personne et de ses biens pour la cause exclusive de Cheikh Ahmadou Bamba. Il est constamment rappelé, renouvelé par évocation des exemples des compagnons du prophète Mohamed qui, pour le développement de l'islam et lors de la bataille de Badar (Bedr), se sont engagés à mourir pour la nouvelle religion en échange des plus hautes grâces du paradis'". Les actions zélées de Cheikh Ibra Fall, lieutenant de Cheikh Ahmadou Bamba et considéré comme l'archétype du disciple parfait, sont également souvent rappelées pour étayer les messages d'exhortation à l'attention des membres.
Le principe du «faire ce qu'on ne peut pas» et du «rien n'est trop difficile» doit ainsi sous-tendre toutes les actions du daara dont les membres se représentent en soldats au service de Cheikh Ahmadou Bamba. L'émulation et la compétition entre les membres sont recherchées et ceux qui rechignent à la tâche ou contestent les choix sont minorisés, disqualifiés, voire bannis. Dans le même ordre d'idées, le Daara Hizbut Tarqiyya n'accepte pas que ses membres se définissent comme de simples mourides. Il se considère comme l'élite qui se différencie par son action zélée mesurée par le volume et la qualité des services. Il se pose ainsi par opposition au commun des mourides qui ressentent cela comme un rejet et comme de l'ostracisme. Cette opposition qui a pour objectif de créer l'image élitiste et différente du daara a trouvé sa manifestation extérieure avec les baay laat, tenues vestimentaires qui leur sont propres. Celles-ci sont constituées de longues tuniques aux manches larges, avec une ouverture brodée au cou. Le baay laat porte le nom du khalife qui leur a donné toute leur légitimité dans la confrérie et dans la ville, et son adoption est une marque d'affection et de reconnaissance à son égard. Son adoption est peut-être également le fait du hasard. C'est le khalife qui avait donné à Atou Diagne plusieurs baay laat qu'il ne portait plus, et cette tenue portée par le chef s'est progressivement imposée comme la tenue de référence, devenue presque obligatoire.
Plusieurs accessoires lui sont associés, notamment le makhtoum, sorte de pochette en cuir de taille variable qui pend du cou jusqu'à hauteur du bas- ventre ou des cuisses, les babouches et le kaala, longue écharpe qui sert également à se ceindre la taille au travail. Le crâne rasé, la petite barbe et les pieds nus à Touba partie de cette image. Mais depuis quelques années, Hizbut Tarqiyya s'est complètement identifié au pèlerinage de Touba.
Diagne, responsable du Daara Hizbut Tarqiyya, à la fin des épreuves du Cheikh. Avec cette commémoration, Cheikh Ahmadou Bamba prend à revers l'idée coloniale d'« exil ». Celui-ci et les assignations en résidence surveillée sont représentés par lui-même comme des épreuves qui lui permettent d'accéder aux grâces les plus élevées. Le magal est donc une commémoration festive faite de chants religieux, de récitations du saint Coran, de visites aux lieux sacrés et aux marabouts. C'est aussi le «moment de se remémorer et de vivre intensément la victoire culturelle éclatante remportée par le Grand Cheikh dans son combat contre toutes les entreprises d'assimilation et d'aliénation de nos propres valeurs" », selon Atou Diagne qui lui donne ainsi un sens symbolique à couleur nationaliste. Depuis la création du dahira, des caravanes étaient organisées avec les cotisations des membres. Cette manière d'organiser le voyage n'était pas propre aux étudiants. Il s'agissait pour les membres des dahira en général de partager les vicissitudes du voyage vers Touba, de partager le même lieu d'hébergement, les mêmes visites aux lieux saints, les mêmes repas. C'est un jour en vue pendant toute l'année et tout est fait pour le préparer.
Le DEM organisait une grande caravane et élisait domicile pendant les trois jours dans une concession située à l'est en face de l'esplanade de la grande mosquée. Cette maison prêtée par un marabout de la famille centrale (Serigne Abdou Aziz Bara) a ainsi abrité pendant plusieurs années, à l'occasion du magal, une exposition sur la vie et l'œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba, réalisée à partir du patrimoine de la bibliothèque et des supports pédagogiques utilisés lors de conférences à Dakar. Cette exposition était surtout interne mais constituait une démarche nouvelle qui devait exprimer la spécificité du dahira par rapport au reste de la confrérie. Elle s'adressait également aux intellectuels à qui elle voulait montrer que la culture mouride pouvait s'exprimer dans un cadre moderne. L'exposition se faisait à la belle étoile avec des panneaux sur lesquels on affichait des photographies commentées et des écrits retraçant l'histoire des relations entre la confrérie et les autorités coloniales. La signification du magal tenait également une bonne place dans les commentaires.
Cette démarche innovante est allée en se renforçant. Sortant d'abord de la concession où le dahira était hébergé, l'exposition s'est ensuite donnée à voir dans des espaces publics, notamment celui réservé à la prière de la fin du ramadan et la grande bibliothèque de Touba, ou encore sur les grandes radiales surplombées de banderoles sur lesquelles on pouvait lire tous les slogans et grands termes de prosélytisme de la conftérie. Cette occupation d'espaces publics est significative d'une nouvelle dimension prise par le dahira dans la ville de Touba, à travers son pèlerinage. Sa participation dans son animation n'a cessé de s'amplifier. Si, de l'intérieur, «c'était la croix et la bannière pour mettre en place l'exposition » et satisfaire tous les besoins du dahira pendant cette grande manifestation, cette contribution des étudiants était vue comme une raison de fierté du fait de sa touche intellectuelle et modernisante, et était brandie pour proclamer la puissance de l'œuvre du fondateur. Celui-ci avait, dit-on, fini par «conquérir tous les cœurs », même les plus résistants, ceux des intellectuels. L'extension progressive de l'animation culturelle est le fait de Serigne Abdoul Ahad, khalife de la confrérie entre 1968 et 1989.
Les travaux du « puits de la miséricorde» ont parallèlement constitué un tournant pour le dahira et sa relation avec le magal. Pour préparer le pèlerinage de l'année 1986, les étudiants mourides reçoivent du khalife, un peu en guise de récompense, une somme assez importante et chargée pour eux de symbole mystique, ainsi que certaines denrées alimentaires. L'abon- dance vécue pendant la manifestation de cette année-là ainsi que les prédictions optimistes du khalife sur le dahira (« cela ira chaque année en se développant », aurait-il dit à leur propos) sont le déterminant et le point de départ d'un diayanté (engagement) à toujours faire plus et mieux pour la réussite de la plus grande manifestation de la confrérie mouride et de la ville de Touba. Tous les sacrifices étaient possibles, se disaient-il pour ne pas faire moins que cette année charnière. Ce pacte a été progressivement théorisé, étendu et est devenu la principale raison d'être de Hizbut Tarqiyya, ainsi que son instrument de positionnement dans l'espace confrérique et toubien. Cette commémoration a été le tremplin par lequel évoluent ses fondements idéo-logiques et son fonctionnement. Elle est l'occasion d'une démonstration de force perpétuelle du dahira, et est perçue comme le moment de mesure de son engagement déterminé et de sa fidélité. Ce principe porte aux extrêmes la recommandation de Cheikh Ahmadou Bamba de rendre grâce à Dieu par tous les moyens en ce jour.
A l’image de Touba Ca Kanam aujourd’hui, la mobilisation et la motivation des membres passent également par une politique de communication interne qui met en exergue les réalisations, les donne à voir à l'aide principalement d'une dynamique commission audio- visuelle, donnant ainsi l'impression d'appartenir à un mouvement d'avant-garde et de grande portée. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont constamment instrumentalisées pour moderniser le fonctionnement et conformer l'image du dahira à celle de Cheikh Ahmadou Bamba.
Le rôle de pionnier de Hizbut Tarqiyya est confirmé par la création d'un site web dont le contenu est révélateur du projet universaliste de la Mouridiyya et d'une volonté affichée de promouvoir le message de Serigne Touba à travers Internet. Les mourides se positionnent ainsi dans la bataille du contenu et des savoirs qui est la seule qui vaille dans le contexte de la mondialisation.
DÉCÈS DE JEAN MEÏSSA DIOP
Le journaliste est décédé ce dimanche 24 janvier des suites d’une longue maladie qui l’a éloigné des salles de rédaction notamment celle de Walf Quotidien où il intervenait régulièrement
Le journaliste sénégalais Jean Meissa Diop, un ancien du groupe privé Walfadjri, est décédé dimanche, annoncent plusieurs médias sénégalais.
Jean Meïssa Diop, engagé ces dernières années dans la formation et l’encadrement, fut l’ancien directeur de publication du quotidien Walf Grand Place, version people du quotidien Walfadjri appartenant au groupe de presse du même nom.
Il est était notamment connu pour ses chroniques sur les médias, paraissant régulièrement dans les médias sénégalais sous le titre "Avis d’inexpert".
COMMENT DES NAVIRES CHINOIS S'IMPLANTENT DANS LES PORTS D'AFRIQUE DE L'OUEST
Les pratiques de pêche de certaines flottes chinoises à travers le monde sont pointées du doigt pour leur nocivité et leur manque de transparence. Enquête sur ce phénomène
Les Observateurs de France 24 |
Liselotte Mas |
Publication 24/01/2021
Les pratiques de pêche de certaines flottes chinoises à travers le monde sont pointées du doigt pour leur nocivité et leur manque de transparence. Nous avons enquêté avec nos Observateurs sur ce phénomène qui se produit des îles Galapagos à l'Iran, en passant par l'Afrique. Direction le port de pêche d'Abidjan, où plusieurs entreprises étrangères, notamment chinoises, pratiquent une pêche industrielle jugée non durable par nos Observateurs.
Les eaux poissonneuses de l'Afrique de l'Ouest sont depuis plusieurs années un lieu de pêche prisé des armateurs étrangers, qui y trouvent de bons rendements. Parmi eux, des grands thoniers français ou espagnols, qui pêchent au large, mais aussi et surtout des chalutiers, principalement chinois.
Ces derniers ciblent les espèces qui sont au cœur du régime alimentaire des populations locales : les petits pélagiques comme le poisson capitaine et bien d'autres.
C'est ce que nous montrons dans la deuxième partie de notre dernier numéro de "Ligne directe" :
Au port d'Abidjan, des marins-pêcheurs ivoiriens embauchés à bord de ces chalutiers, dénoncent les pratiques de leurs employeurs : surpêche, non-respect des périodes de repos biologique et capture d'alevins, c'est-à-dire de poissons bien trop jeunes, qui mettent en danger le renouvellement des stocks. Ils dénoncent également des conditions de travail très difficiles et des manquements à la réglementation, détaillée dans le code maritime ivoirien.
Dans cette enquête, nous avons pu confirmer que certains de ces navires n'activent par leur système d'identification automatique, une balise de localisation pourtant obligatoire compte tenu de leur taille.
Pour nos Observateurs, des pêcheurs ivoiriens et sénégalais, ces pratiques destructrices et non-transparentes mettent en danger la sécurité alimentaire des populations et tout le système économique de la pêche. Car les pêcheurs artisanaux voient leurs prises diminuer et, avec elles, leurs revenus.
Certains, sans solution de repli, décident alors de tenter une dernière sortie en mer, cette fois sur les dangereuses routes migratoires, destination l'Europe.
L'EXCEPTION OMAR SY
À l’affiche de « Lupin », du dernier film des studios Pixar et du prochain « Jurassic World », l’acteur est au sommet de sa gloire. Mais il reste une exception dans le paysage cinématographique français
En ce début 2021, Omar Sy est incontournable. Il jouit du succès phénoménal de la série Lupin, numéro 1 sur Netflix en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Hollande… et qui a même été durant quelques jours le contenu le plus populaire sur la plateforme aux États-Unis, une première pour une production française. Le 25 décembre 2020, on pouvait l’entendre doubler le personnage principal de Soul, le nouveau film de Pixar. Et il sera bientôt à l’affiche du prochain Jurassic Park.
L’acteur originaire de Trappes en a parcouru du chemin depuis le « SAV des émissions » diffusé dans le Grand Journal de Canal + de 2005 à 2012 avec son comparse Fred Testot. Une carrière exceptionnelle qui doit beaucoup à Intouchables, la comédie dramatique d’Olivier Nakache et Éric Toledano aux 19,44 millions d’entrées en France, et pour lequel il gagnera le César du meilleur acteur en 2012. Ce succès lui ouvre les portes d’Hollywood. Tout en s’imposant comme la personnalité préférée des Français (en 2016), il joue dans de nombreux blockbusters, X-Men,Jurassic World ou même Transformers.
Une exception en France
Mais cette incroyable popularité ne fait pas oublier qu’il reste une exception, l’un des rares acteurs noirs à avoir réussi sa carrière en France et aux États-Unis. Est-ce qu’Omar Sy n’est que l’arbre qui cache la forêt ?
« En France, Omar Sy est le seul acteur noir avec une stature internationale. Alors qu’en Angleterre, qui partage le même passé colonial, on a Idris Elba (The Wire, Mandela), Chiwetel Ejiofor (12 years a slave), David Oyelowo (Selma) », observe Blaise Mendjiwa. Le réalisateur du documentaire Le monde racisé du cinéma français estime que cette différence est idéologique. « La Constitution française ne prend pas en compte l’origine, la couleur de peau. On nie toute spécificité, mais aussi toute inégalité ! Je ne pense pas que l’on peut faire une forêt en niant les racines de chaque arbre », philosophe-t-il.
Il est en réalité très difficile d’avoir une image précise de la présence des acteurs afro-descendants dans le paysage audiovisuel français. Tout simplement parce que les statistiques ethniques sont interdites en France. « Le seul indicateur qui existe est le baromètre de la diversité du CSA. Mais celui-ci n’est pas exempt de défauts puisqu’il agrège dans ses calculs tous les contenus d’une même chaîne, dont les fictions américaines, où la présence d’acteurs noirs est traditionnellement plus importante », rappelle Marie-France Malonga, sociologue des médias spécialiste des représentations sociales et médiatiques des minorités.
Une politique de quotas ?
Ce qui est sûr, c’est que les professionnels afro-descendants dénoncent depuis des années leurs difficultés à trouver des rôles, les discriminations dans les castings… Et quand ils sont choisis, les stéréotypes raciaux ne sont jamais loin. En février 2020, l’actrice Aïssa Maïga (Les Poupées russes, L’écume des jours) a poussé un cri d’alarme sur la scène des Césars. « On a survécu au whitewashing, au blackface, aux tonnes de rôles de dealers, de femmes de ménage à l’accent bwana, on a survécu aux rôles de terroristes, à tous les rôles de filles hypersexualisées… Et en fait, on voudrait vous dire, on ne va pas laisser le cinéma français tranquille. » Elle s’exprimait presque vingt ans jours pour jours après que Luc Saint-Éloy et Calixthe Beyala s’étaient invités sur la scène de la prestigieuse cérémonie pour dénoncer la sous-représentation, voire l’absence, d’artistes noirs dans le cinéma français. Une initiative qui entraina la création du Baromètre de la diversité du CSA.
YOUSSOU NDOUR CONTRE WALY SECK, UNE RIVALITÉ ENTRETENUE PAR LES FANS
La sphère musicale sénégalaise met en scène une dualité entre les artistes chanteurs Youssou Ndour et Waly Seck. Le premier a conquis une légitimité internationale, le second déchaîne les passions sous nos tropiques. Focus sur un duel de ténors
L’un a 61 ans et une carrière vieille de plus de 40 ans, l’autre est âgé de 35 ans et a entamé sa carrière à 22 ans. L’un a déjà conquis la planète de la musique, l’autre déchaîne les plus folles passions sous nos tropiques. Le briscard capitalise plus d’une cinquantaine d’albums, plus d’une trentaine de featuring avec des habitués des hit-parades dont il est lui-même un accoutumé et est membre de l’Académie royale de musique de Suède. Le jeune loup, lui, a produit quatre albums et se révèle un véritable monstre prolifique des scènes. L’un compte, dans son armoire à trophées garnie et son doré livre de titres, deux disques d’or et un Grammy Awards. Il est aussi élu, en 1999, meilleur artiste africain du siècle 1900. L’autre est désigné, en 2018, par le Next Generation Entertainment Awards, comme le meilleur artiste africain de sa génération après un vote massif de mélomanes.
L’un s’appelle Youssou Ndour, l’autre Waly Seck. Ils sont tous deux chanteurs, compositeurs et interprètes. Leurs palmarès, le papier, le profil et les pedigrees présentent un fossé presque abyssal entre eux. Cependant, depuis quelques années déjà, une rivalité s’est imposée. Au-delà d’un prolongement de la dualité Thione Seck – Youssou Ndour, cette idée se prononce sur le plateau de la musique et de la notoriété au plan local. Aïta, une inconditionnelle de Waly Seck, s’accroche mordicus à l’idée que sa vedette est maintenant le patron de la musique sénégalaise. «Le temps du Pa Youssou est révolu. Il n’y a que les méchants pour ne pas accepter la suprématie de Waly au Sénégal. Il maîtrise tout maintenant», se convainc la jeune femme, la vingtaine. Baïdy Sylla, presque quinqua, est de ceux qui suaient et criaient au pas de la scène du dancing Dlc (Dakar Loisirs Club–Thiossane) dans les années 1990.
De son avis, c’est «limite irrespectueux, encore plus envers Waly, de le comparer sur le plan de la musique, à Youssou Ndour». Toutefois, dit-il comprendre l’euphorie de ses adulateurs, car «je me revois sincèrement en eux», il y a 30 ans. Cette «rivalité» est justement parrainée par les fans des deux camps, qui portent dans la majorité les arguments de Baïdy et Aïta. Waly Seck, qui n’a par ailleurs jamais nié sa volonté de détrôner le roi, a cependant toujours fait preuve d’élégance et de courtoisie. En tout cas, il est bien moins prononcé et virulent que son père, Thione.
Mais qu’en pensent les avisés du milieu, de cette rivalité ? «Je ne pense pas vraiment qu’on puisse parler de rivalité. Ce sont les fans qui créent cette situation. Dans la musique, chaque artiste joue sa partition. C’est ce public qui est seul juge, il apprécie. Il faut juste se concentrer sur son travail et proposer à ce public un travail de qualité», affirme Michael Soumah, réputé animateur culturel et acteur de la musique, évitant au mieux de personnaliser son propos.
AU COUDE-À-COUDE SUR LES «SCENES» …
Le président des manageurs et agents d’artistes du Sénégal suit le même pas, qualifiant le mot rivalité d’inapproprié. «Ce sont deux talents qui se partagent une sphère, l’un ayant retrouvé l’autre des décennies plus tard. Chacun suit sa propre voie. Il faut que les gens cessent d’alimenter de faux débats», dit Moustapha Goudiaby, par ailleurs ancien manager de Thione Seck, père de Waly, pendant des années.
Cette observation, Alioune Diop s’en démarque. Pour le journaliste culturel à la radio publique Rsi et spécialiste de la musique, il est bien adéquat de parler concurrence. «En tout cas, du point de vue de l’audience dans l’espace audiovisuel et scénique. Sur la bande Fm, il faut aussi admettre qu’il y a cette rivalité. Tout le monde veut inviter ou programmer Youssou Ndour tout comme Waly Seck. Pour le nombre des prestations scéniques, la jeune vedette aussi accumule beaucoup de contrats et se montre prolifique. Sur ces terrains, il existe bel et bien une rivalité. Mais en dehors de ces espaces maintenant, oui, il serait malvenu de les placer au même pied», soutient Alioune Diop. Comme présenté au début du texte, Youssou Ndour est une figure mondiale de la musique, une «star planétaire» qui a suffisamment montré ses preuves et continue encore de faire tonner sa maestria.
Les cinq dernières années, ses albums, nationaux et internationaux, crèvent les plateformes du monde, avec un renouvellement et une adaptation remarquables de son registre. «Youssou est un monstre de la musique. C’est une grosse machine. Au-delà du mbalakh, dont il reste le roi, il a toujours développé avec brio un travail de collaboration avec des artistes d’horizons assez différents. Cela a élargi son champ et lui a donné un succès très large sur le plan international», observe Michael Soumah. Alioune Diop appuie les mêmes points. «Youssou Ndour reste le meilleur et est au sommet de son art principalement parce que c’est quelqu’un qui sait négocier les virages. C’est un artiste qui sait réorienter son répertoire. Il sait aussi trop bien choisir ses collaborateurs. Tout ceci explique pourquoi il est toujours présent», admet le journaliste culturel.
Parmi ces collaborateurs, on note Jean-Philippe Rykiel. Ce génial musicien français, qui a arrangé ou composé beaucoup de tubes mondiaux et d’Africains notamment, ne tarit pas de dithyrambes au sujet du talent et de la personnalité artistique du natif de la Médina. Cet aveugle-né confie être subjugué par la volonté permanente du lead vocal du Super Étoile d’expérimenter toujours de nouvelles choses en musique et d’être très inventif, en plus de la charge d’émotion dans sa musique.
Youssou Ndour, tel le vin, et Waly tel le bouillon
À en croire encore Jean-Philippe Rykiel, Wally Seck y est déjà. «Waly Seck m’a surpris lorsqu’il a fait appel à moi pour une séance d’enregistrement qui a duré toute une après-midi. Je pensais qu’il ne faisait que du Marimba et j’ai découvert qu’il partait dans plein de directions musicales différentes ; et c’est très encourageant». Pour qui connaît l’homme et la musique, ce témoignage a grande signification. Cet arrangeur a signé les premiers et plus grands albums internationaux de Youssou Ndour et Salif Keïta, par exemple. Le recours à lui et les mutations factuelles des orientations musicales de Waly dont il témoigne font sens. La jeune star était, aux balbutiements de sa carrière, seulement classé comme un «brillant ambianceur», avec les rythmes de l’orchestre Raam Daan qui ont imprimé de gaies et nouvelles couleurs à la musique sénégalaise. Tout comme le Super Etoile au début des années 1980.
Mais aujourd’hui, tout comme dans sa communication, les mélomanes perçoivent et acceptent sa maturation. «Aujourd’hui, il est vrai, Waly ne manque pas d’arguments pour rivaliser avec Youssou Ndour même s’il faut avancer cette affirmation avec beaucoup de retenue. Les signaux deviennent clairs. On remarque maintenant que les plus âgés acceptent de mieux en mieux la musique de Waly Seck. Sa musique et son succès deviennent une réalité. Cela montre que son répertoire s’est beaucoup amélioré et qu’il emploie de nouvelles techniques de chant», fait remarquer Alioune Diop. C’est une heureuse surprise qui était constatée depuis la parution de son album «Xel» (2015). «Symphonie» (2018) sera ensuite une bonne confirmation.
Beaucoup de ses pourfendeurs commençaient à se faire indulgents, et lui également signifiait considérablement ses ambitions. Après le retour de Jimmy Mbaye au Super Étoile, il a compris l’opportunité de garder les lignes et a recruté le guitariste malien Cheikh Niang, qui égaye admirablement les mélomanes. Son orchestre montre plus de discipline et intègre de nouvelles crèmes. Il dirige son propre label, gère en entreprise ses troupes et a maintenant incontestablement surclassé toute sa génération. Des initiatives, une réalité et une ambition qui, selon Moustapha Goudiaby, doivent guider à plus et mieux considérer le «Faramaareen».
«Youssou Ndour, qui est de notre génération, a eu presque la même éclosion. Il a déclassé une génération d’artistes, plus âgés ou de son âge, et a imposé tout son talent pour avoir le succès. Il s’est aussi démarqué des règles qui lui étaient établies et a commandé ses propres ambitions. Exactement comme Waly aujourd’hui. Il ne s’est pas suffi à la logistique et à la direction de son père», note le manager, qui rappelle encore que Waly n’était même pas destiné pour la musique qu’il a épousée sur le tard, d’où son mérite. Selon M. Goudiaby, Youssou a élevé certes la barre très haut, mais Waly se fait de solides arguments pour avoir la première place. Seulement, pense-t-il qu’il lui reste certains ingrédients.
Waly, le défi du plan de carrière et du rayonnement international
Malgré tous les éloges, Alioune Diop conclut tout de même que «Youssou Ndour reste Youssou Ndour». Selon le journaliste culturel, toute son expérience et ses années d’existence artistique pèsent fortement sur la balance. «C’est le meilleur et il garde encore le trône. Il est toujours devant», dit-il. Cette avance reste confortablement, de l’avis des consultants, pour son excellent plan de carrière qu’il déroule depuis quatre décennies et son rayonnement international, en plus d’un excellent orchestre et d’un grand professionnalisme. Ces qualités font probablement qu’il réussit là où beaucoup pèchent, tel que le pense Alioune Diop. «Chaque fois qu’il est question de Youssou Ndour, c’est le niveau national mais aussi inévitablement le niveau international, partout dans le monde. Et c’est là que Waly devra cravacher». Son avis rejoint vraisemblablement celui de Moustapha Goudiaby.
«Waly Seck doit maintenant s’ouvrir à l’international, négocier de grands contrats internationaux, travailler avec des managers et des tours managers et avec le label idéal. Il doit surtout ancrer dans son esprit qu’il est un chanteur-compositeur, ne rester que sur ce registre et laisser le soin à des professionnels de booster sa carrière», recommande le manager expérimenté. Michael Soumah conçoit également que c’est la bonne recette. Selon lui, le patron du Super Étoile a réussi car ayant «compris très tôt que la musique est un métier». Selon l’acteur de la musique et animateur culturel, pour une bonne carrière, «il faut mettre l’accent sur la créativité, la recherche, les collaborations. Ces points manquent beaucoup aux jeunes artistes en général».
Michael Soumah fait aussi noter que, à côté, la musique est en pleine mutation. «On parle de musique actuelle, de musique urbaine, etc. Pour briller, il faut mettre l’accent sur ces points. Youssou Ndour ne s’est pas réveillé un beau matin pour avoir toutes ses réussites. La réussite dans la musique est un travail de longue haleine, un long processus qui demande énormément de travail», considère-t-il, en ajoutant que le succès, du reste éphémère, se gère aussi sur le temps. Cette gestion se réussit notamment par une adaptation constante et en s’entourant des meilleurs. Ce que fait Waly Seck, et le réussit quelque peu, ces dernières années.
LE PUITS DE GAZ DE NGADIAGA BRÛLE TOUJOURS
Le mois dernier, Petrosen avait estimé qu'il faudrait « maximum 15 jours » pour venir à bout du sinistre. Mais le puits brûle toujours
Depuis le 19 décembre, un puits de gaz naturel brûle à Ngadiaga, dans la région de Thiès, sur un site exploité conjointement par la société nationale Petrosen et l’entreprise américaine Fortesa.
Le groupe de services pétroliers américain Halliburton a été appelé en renfort pour éteindre l’incendie qui s'est déclaré le 19 décembre à Ngadiaga. Le mois dernier, Petrosen avait estimé qu'il faudrait « maximum 15 jours » pour venir à bout du sinistre. Mais le puits brûle toujours. « Les populations environnantes sont inquiètes, témoigne Maguèye Ndiaye, maire de la commune de Notto Gouye Diama. Les enfants ont peur parce que les flammes brûlent la nuit et la fumée parfois pollue l’atmosphère. »
Un bassin d’une capacité de 4000 m3 d’eau a été creusé pour alimenter les pompes servant à maîtriser le feu. Mais l’extinction ne sera qu’une première étape, explique Ludovic Leroy, ingénieur dans le domaine pétrolier.