Dans un entretien avec Le Quotidien (édition du 19 août 2020), l’ancien capitaine des Lions du basket, Makhtar Ndiaye, a déploré le règlement de Fiba-monde qui empêche aux pays africains de pouvoir disposer de leurs binationaux. Membre de Fiba-Afrique, Mathieu Faye abonde dans le même sens. Vice-président de la Commission de développement de l’instance continentale et membre de la Commission mondiale des joueurs, l’ancien international dégage des pistes.
Le débat sur les binationaux considérés comme des naturalisés enfle chaque jour. Un problème souvent posé au sein de Fiba-monde, mais sans suite. Le moment n’est-il pas venu pour les pays africains de se battre pour changer cette réglementation ?
Il faudrait effectivement qu’il y ait un débat là-dessus. Il faudrait que les Fédérations africaines s’accaparent de la question. Il ne faudrait pas que certains disent qu’ils ne sont pas concernés. Il faut réfléchir dans la globalité, dans l’intérêt d’ensemble du basket africain, quelles que soient la nationalité et l’origine de ces joueurs. A un moment donné, le problème a été posé au niveau de la Fiba-Afrique et on avait demandé aux présidents de Fédération de poser le problème sur la table. De fil en aiguille, ils ont essayé de trouver un semblant de solution.
Que dit concrètement ce règlement ?
La Fiba-monde dit que le gamin, avant l’âge de 16 ans, doit justifier un passeport. Mais ce qui me gêne par rapport à ça, sur le plan juridique, c’est que le passeport est un moyen de transport. C’est un document qui te permet de quitter un pays pour un autre. Il se trouve qu’une personne qui a une double nationalité peut se prévaloir de deux passeports. Alors, à quel moment un des passeports prime sur l’autre ? On a dit au joueur de choisir. Un gamin qui étudie en France à cet âge, c’est normal qu’il joue pour la France. Mais cela ne veut dire que sa nationalité soit hypothéquée par rapport à ça. Ils demandent aux pays africains de se manifester avant l’âge de 16 ans, de justifier que le gamin a été contacté avant l’âge de 16 ans. Certains pays ont rétorqué qu’ils forment les jeunes et après ils vont jouer pour un autre pays. Ce n’est pas faux non plus. C’est pour cela que je dis qu’il y a un effort à faire au niveau des Fédérations.
Pouvez-vous être plus précis quand vous parlez d’effort à faire ?
Cet effort consiste à ce que la Direction technique nationale mette en place un système de collaboration avec ces gamins. Malheureusement, ce travail n’est jamais fait. On attend toujours au dernier moment pour revendiquer la nationalité du gamin.
Est-ce qu’il ne serait pas judicieux d’allonger l’âge jusqu’à 18 ans par exemple pour permettre à ces binationaux d’avoir plus de maturité pour le choix du pays ?
C’est tout à fait possible. Ce serait une bonne chose parce que c’est l’âge de la majorité. Au moins, le gamin qui prend la décision le fera en tant que majeur et responsable. Ce ne sera ni par l’influence des parents, des amis ou de quelques Fédérations que ce soit. Ce serait un peu plus logique d’autant plus qu’on dit souvent que jusqu’à la majorité, tu n’es pas responsable. Cela pourrait être une des solutions à ce problème.
Aujourd’hui, le fait que la Fiba-monde soit dirigée par un Africain, Hamane Niang, qui connaît le problème, ne doit-il pas être un avantage pour les Fédérations dans ce combat ?
Je crois qu’il ne faudrait pas poser le problème sous cet angle. Hamane Niang est le président du basket mondial. Il n’œuvre pas pour le basket africain ou européen seulement. Il œuvre pour le basket mondial. Ce n’est pas parce qu’il est africain ou qu’il a eu à occuper des responsabilités sur le plan africain qu’il doit porter ce combat. Il est là pour écouter tout le monde. C’est le débat qui fera avancer les choses. Il ne faudrait pas que les gens se disent que c’est parce que le président de Fiba-monde est un Africain ou un Malien que de facto le problème va être réglé. Ce serait une erreur. C’est un président mondial.
Est-ce qu’il faut s’attendre à ce que le combat soit un vrai problème africain quand on sait que d’autres ne se sentent véritablement pas concernés par ce débat ?
Effectivement ; d’où la nécessité de donner un sens à la nouvelle Basketball Africa league. Avec cette ligue, c’est la promotion du basket africain qui est mise en avant. Ce n’est pas uniquement pour un pays. Si on est nombriliste, cela n’aide pas au développement du basket africain. C’est un discours à tenir lors des Congrès africains. Si on a de bons joueurs africains, mieux ce sera pour nos championnats aussi bien pour nos clubs que les championnats d’Afrique. Au-delà de tout cela, il faut qu’en Afrique on ait cette ambition d’avoir un championnat digne de ce nom et qui réponde aux besoins économiques qu’engendre le sport en général. Quand on analyse un peu le mode de fonctionnement de ce qui se fait aux Etats-Unis, en Europe, on est obligé de penser autrement.
Peut-on être optimiste quant à l’avenir des binationaux en Afrique ?
Ah oui, absolument ! Il y a combien de joueurs qui sont là et qui ne seront pas appelés à jouer en Equipe nationale d’Espagne, de la France ou celle d’Italie. Il y a une raison d’être optimiste, mais il faut qu’on manifeste cette volonté de vouloir changer les choses. On ne doit pas croiser les bras et attendre que ça vienne des autres. C’est une question d’intérêts. Et nous avons tous intérêt à aller en ce sens.
Par Yoro DIA
LES BAÏONNETTES DU 18 AOÛT ET LA SURVIE DU MALI
Les Maliens doivent comprendre que la France ou la Russie ne peuvent être que des variables et que la constante doit être l’armée nationale. Aucune force expéditionnaire ne peut sauver un pays
«Le pouvoir est au bout du fusil», disait Mao Zedong. Au Mali, le pouvoir de sauver le Mali de la disparition comme l’URSS, ou du démembrement comme le Soudan, ou bien de la partition comme l’Ethiopie, est au bout du fusil.
Mais pas d’un fusil français, russe ou américain, mais au bout d’un fusil de l’armée malienne. Le chef des mutins a bien raison de dire que «le Mali n’a plus droit à l’erreur». C’est pourquoi le Mali devrait se garder de changer ou de trouver un nouveau baby-sitter militaire, fut-il français ou russe.
La survie du Mali est au bout du fusil de l’armée malienne ou d’un accord avec les sécessionnistes qui ne négocieront sérieusement que quand le rapport des forces aura changé. Les Russes, malgré toute leur puissance de feu, ont échoué en Afghanistan, car l’armée communiste d’Afghanistan n’existait que de nom et il a fallu qu’ils se substituent à l’armée afghane pour faire la guerre à sa place. Par contre, les Russes ont réussi en Syrie parce qu’ils sont venus en «complément d’effectifs» d’une armée syrienne qui était sur le terrain et qui se battait.
En Syrie, les Russes sont venus en appoint à une armée syrienne (majoritairement composée de la minorité alouite), qui se battait donc pour sa survie. Les Maliens doivent comprendre que la France ou la Russie ne peuvent être que des variables et que la constante doit être l’armée malienne. La bataille de la survie du Mali est avant tout celle et de l’armée du Mali et du Mali, qui doit comprendre qu’aucune force expéditionnaire ne peut sauver un pays. Les Américains en ont eu l’amère expérience au Vietnam et les Russes en Afghanistan.
La France est en train de le découvrir au Mali, car la vocation d’une force expéditionnaire est de se retirer un jour. Une telle force doit servir à créer un rapport des forces qui permet à un des belligérants autochtones de s’imposer et de stabiliser la situation comme c’est le cas en Syrie. Si l’armée du pays n’est pas à la hauteur, la force expéditionnaire peut rester 20 ans comme les Américains en Afghanistan. Cela ne sert à rien, car le jour où la force part avec son parapluie militaire, la digue cède et le pouvoir est balayé.
Au Mali, les jihadistes ont la même stratégie que les talibans, et le même allié : le temps. Najibullah d’Afghanistan a été dégagé dès le départ des Russes, l’actuel régime de Kaboul le sera dès que les Américains partiront, sauf s’il trouve un accord avec les talibans. Le Vietnam du Sud a été emporté dès que le dernier hélicoptère américain a quitté Saigon. Si le coup d’Etat contre l’immobilisme de IBK, qui menait le Mali vers une mort lente, permet d’en tirer les leçons, il n’aura pas été vain.
Avec le coup d’Etat du 18 brumaire, Napoléon fit sortir de la scène politique des élus par la force des baïonnettes, afin de mettre un terme aux excès et désordres de la Révolution. Le coup d’Etat du 18 août, par la force des baïonnettes, va soit freiner le processus de désintégration du Mali ou au contraire l’accélérer si les mutins ne sont pas à la hauteur de leur tâche historique, car le Mali n’a plus droit à l’erreur.
Les mutins doivent avant tout être comme les témoins de Jéhovah, en disant aux Maliens : «Réveillez-vous !» Au lieu de fermer les yeux pour vivre en permanence dans notre grandeur passée, ouvrons les yeux et arrêtons de rêver, car la survie du pays ne dépend pas de la France ou de la Russie, mais de notre capacité à le défendre !
LE DÉFI SANITAIRE DE LA REPRISE DES COURS DANS LE SUPÉRIEUR
Le Sudes/Esr alerte sur l’impossibilité de respecter la distanciation physique dans les universités
Le ministère de l’Enseignement supérieur va mettre à la disposition des acteurs, pour la reprise des cours en présentiel, un million de masques. C’est l’information donnée hier par le conseiller technique dudit ministère, Pr Moustapha Sall. Seulement pour le secrétaire général du Sudes /Esr, la distanciation physique, qui est un point important du protocole sanitaire, ne pourra pas être respectée dans les universités. Pour lui, les conditions pour la reprise des cours dans les universités ne sont donc pas réunies.
Les étudiants devront rejoindre les amphis le 1er septembre prochain pour continuer l’année universitaire 2019-2020 dont les cours ont été suspendus depuis le mois de mars à cause du coronavirus. Hier, le conseiller technique au ministère de l’Enseignement supérieur, Pr Moustapha Sall, a fait savoir que des dispositions sont prises pour le respect du protocole sanitaire. Selon M. Sall, le ministère mettra à la disposition des universités «un million de masques». D’après lui, cela équivaut à «6 masques lavables et réutilisables par acteur (les Pats, les Pairs et les étudiants)». De même, il soutient qu’au «niveau des universités, les doyens sont en train d’acquérir du gel hydro-alcoolique et des thermo-flashs, et c’est pareil au niveau des Crous» où les responsables «ont aussi travaillé en intelligence avec les étudiants».
A en croire Pr Moustapha Sall, la réunion tenue avec «l’ensemble des recteurs et responsables des Centres régionaux des œuvres universitaires et sociales montre clairement que toutes les autorités s’inscrivent dans la dynamique de la reprise». Les assurances de ce responsable au ministère de l’Enseignement supérieur sont loin de convaincre le secrétaire général du Sudes/Esr. Pour Dr Oumar Dia, «les conditions ne sont pas réunies». Selon le syndicaliste, «ce qui avait motivé la fermeture des universités au mois de mars dernier, c’était la nécessité de contenir la propagation du virus, de maîtriser la pandémie». Et c’est loin d’être le cas aujourd’hui. Selon lui, il faut que les risques de contamination soient minimisés le maximum possible en se conformant au protocole sanitaire défini par les professionnels de la santé.
Rappelant les éléments clés dudit protocole, Dr Dia souligne que «dans nos universités il n’y a pas possibilité de respecter la distanciation physique et d’éviter les rassemblements» alors que ce sont des points importants pour éviter la propagation du virus. Il attire l’attention d’ailleurs sur le fait que «les étudiants de toute façon, on les accueillera par milliers dans des amphithéâtres pour dispenser des enseignements». Pour Dr Dia, «quand un seul élément manque au protocole sanitaire, il est invalide en réalité».
Aucune mesure pour permettre aux universités d’être résilientes dans le contexte actuel
Analysant la situation actuelle dans les universités, le syndicaliste soutient que le gouvernement n’a pas fait grand-chose pour permettre «aux universités d’être résilientes dans le contexte actuel où il faut continuer de former et enseigner dans une situation d’urgence». Le secrétaire général du Sudes/Esr informe avoir alerté «le gouvernement depuis le mois de mars» sur l’urgence de s’adapter «pour continuer à dispenser des enseignements».
Selon Dr Oumar Dia, il fallait «doter les universités de moyens extrêmement importants, terminer les infrastructures, pour avoir beaucoup d’espace dans les universités permettant le respect de la distanciation physique». Dans la même dynamique, il estime qu’il fallait «investir sur le plan de la logistique pour tester ce qu’allait donner l’enseignement à distance». Et aussi, ajoute-t-il, «recruter un nombre suffisant d’enseignants pour permettre de s’adapter à cette situation, parce que si en présentiel un enseignant peut délivrer des enseignements à 3 000 étudiants dans un amphithéâtre, en ce moment ce n’est pas possible. Il faut former des groupes de 10 ou 15 étudiants. Cela multiplie le besoin en nombre d’enseignants». Mais, regrette le secrétaire général du Sudes/Esr, «tout cela n’a pas été fait».
QUEL AVENIR POUR GANA GUEYE ?
Finaliste de la Ligue des champions avec le Paris Saint-Germain, Idrissa Gana Gueye aura vécu une saison réussie en glanant trois titres avec le club francilien
Finaliste de la Ligue des champions avec le Paris Saint-Germain, Idrissa Gana Gueye aura vécu une saison réussie en glanant trois titres avec le club francilien. Mais à l’heure du bilan de cette première saison, le milieu de terrain semble fragile avec un statut de titulaire qui est remis en cause à l’orée de la nouvelle saison.
La saison 2019-2020 officiellement terminée ce dimanche avec la finale de la Ligue des Champions perdue par son club, Paris Saint-Germain (0-1) devant le Bayern, Idrissa Gana Gueye aura vécu une saison atypique. S’il a réussi le triplé national (Ligue 1 - Coupe de la Ligue - Coupe de France) et été finaliste de la plus prestigieuse compétition de clubs, le milieu de terrain sénégalais n’aura pas été éblouissant cette saison. Longtemps désiré par Thomas Tuchel qui voyait en lui le récupérateur digne successeur de Thiago Motta, le joueur formé par Diambars aura certes tenu son rang avec 20 matches dont 19 comme titulaires avec un but et une passe décisive. Malgré ces statistiques honorables, le statut de Sénégalais a été fortement remis en cause et il risque de ne pas démarrer cette nouvelle saison sur les mêmes bases que celle qui vient de s’écouler. Dans un club comme le PSG qui ambitionne de se hisser sur le toit de l’Europe, il ne suffit pas d’être bon mais plutôt excellent dans cet environnement. Loin d’être ridicule pourtant, Gana Gueye n’a pas su maintenir le même niveau affiché lors de ses débuts avec en référence l’énorme match livré contre le Real Madrid.
Un Final 8 gâché par une alerte musculaire
Critiqué pour son manque d’initiatives par la presse française, Gana a perdu au fil des matches l’estime gagnée après son match de haut niveau contre Real (1ère journée LDC). Hormis ce match conquérant contre le Borussia Dortmund au Parc des Princes, il aura été moyen dans les grands rendez-vous. Sorti lors de la deuxième mi-temps du match de quart de finale contre Atalanta, il n’aura plus foulé la pelouse du stade de La Luz aussi bien lors de la demi-finale contre Leipzig et la finale contre le Bayern Munich. Il aura ainsi suivi depuis le banc de touche la défaite de ses coéquipiers pour la première finale, gêné par une alerte musculaire avant le match de demi-finale.
Pour ne rien arranger la concurrence semble avoir gagné beaucoup de terrain sur lui. En effet, ce sont ces deux concurrents (Paredes et Herrera) qui ont joué les deux derniers matches du Final 8 de Lisbonne. Avec le futur départ de Thiago Silva conjugué au repositionnement dans l’axe de Marquinhos, l’international sénégalais aura une place de titulaire à briguer dans un milieu de terrain où seul Marco Verratti est intouchable. Pas recruté par Leonardo, il risque fort de payer sa saison moyenne avec cette volonté du directeur sportif brésilien d’étoffer davantage son effectif avec des joueurs recrutés par lui-même.
Avec ce désir de se renforcer, le PSG ne réchignera pas à renforcer des secteurs comme les côtés ou un milieu récupérateur comme concurrent de Gana. Pisté par des écuries anglaises, le salut de Gana Gueye viendrait peut-être d’un retour en Premier League où il bénéficie toujours d’une bonne réputation. Mais le Lion ne pense pas à un départ de sitôt. Lors d’un entretien accordé à Emedia au mois de juin, Idrissa Gueye a rapidement rejeté l’idée d’un départ. « Tout se passe bien pour moi au club. Je suis souvent en contact avec Léonardo, et il n’a jamais été question de départ… Il ne m’a jamais parlé ni de transfert ni d’envie que je parte », avait-il assuré. Reste maintenant à savoir s’il campe sur la même position s’il reçoit une belle offre et/ou Leonardo recrute un milieu de terrain du même registre.
Par Amadou Bamba NIANG
FAUT-IL BRULER LA CEDEAO ?
Les positions adoptées par les chefs d’Etat de la communauté pour, dit-on, faire de la médiation dans la crise malienne, relèvent soit de l’irréalisme soit de la méconnaissance des aspirations des peuples qu’ils sont censés représenter
Les positions adoptées par les chefs d’Etat de la Cédéao pour, dit-on, faire de la médiation dans la crise malienne, relèvent soit de l’irréalisme soit de la méconnaissance des aspirations des peuples qu’ils sont censés représenter. Il existe deux Cédéao : une des chefs d’Etat réunis en un syndicat pour se défendre mutuellement contre l’autre Cédéao, celle des citoyens de l’espace communautaire désormais décidés à prendre leurs responsabilités pour régler leurs propres comptes et ceux de leurs dirigeants. Pris de panique, les chefs d’Etat de la Guinée et de la Côte d’Ivoire, qui ont voulu régler d’avance leurs problèmes personnels à travers la crise malienne, ont lamentablement échoué. Marquant ainsi un énième échec pour la Cédéao dans la gestion des crises.
« La Cédéao ne tolérera pas le désordre au Mali !» Ces propos du président ivoirien, Alassane Ouattara, pour parler des manifestations des contestataires du Mali réunis au sein du M5-RFP, révèlent l’état d’esprit de leur auteur. Lequel se comporte d’ailleurs comme un super président au-dessus de ses pairs de la Cédéao auxquels il dicte sa vision, selon ses propres intérêts. C’est le cas pour les sanctions contre le Mali qu’il a décidées et fait appliquer, avant même la tenue du sommet extraordinaire des chefs d’Etat pour leur validation. Que dire aussi de son homologue guinéen qui prône de mater tout simplement les manifestants au Mali, au lieu de les ménager en discutant avec eux.
En réalité, il pense pouvoir exporter dans un pays voisin ce qu’il fait chez lui sans scrupules et sans être rappelé à l’ordre par ses pairs de la Cédéao. Comme toujours, c’est quand le peuple se défendra contre les agressions des gouvernants que la Cédéao va accourir pour faire de la diversion. Si on considère les sanctions que la Cédéao s’est empressée de prendre à l’encontre, non de la junte qui a renversé le président IBK, mais du peuple malien, il y a donc bien, en trame de fond, une Cédéao des chefs d’Etat en guerre contre une Cédéao des peuples. Et c’est d’autant plus vrai que le président ivoirien et son compère de la Guinée sont allés jusqu’à proposer une intervention militaire de la Cédéao au Mali pour remettre en selle le président démissionnaire, Ibrahim Boubacar Keïta.
La mobilisation de la force d’attente de la Cédéao a été proposée par le président Alassane Ouattara, appuyé par le président Alpha Condé. Ce duo prônait ainsi de faire descendre l’enfer sur les Maliens dont le seul tort – si c’en est un — est de dire à leur chef d’Etat que son incompétence a dépassé les limites du tolérable. Imaginons un peu la scène d’une armée, prétendument de la Cédéao, s’en prendre à des fils de la Cédéao, parce qu’ils ne veulent plus de leur chef d’Etat, lequel a d’ailleurs rendu sa démission.
A défaut d’être suivi par les autres chefs d’Etat de la Cédéao, Alassane Dramane Ouattara, comme s’il était à lui seul la Cédéao, impose au Mali des sanctions sous forme de blocus économique et financier que son gouvernement s’empresse d’appliquer, avant même que la Conférence des chefs d’Etat ne se prononce. Voilà donc ce qu’est la Cédéao, ce machin aux mains de chefs d’Etat qui s’en servent uniquement pour se défendre mutuellement et se maintenir au pouvoir. Une dictature sur le peuple de la Cédéao qui a compris ce jeu malsain de ses dirigeants, au point de ne plus accorder un brin de crédit à l’organisation communautaire.
La crise malienne a davantage mis à nu les tares de l’organisation ouest africaine en matière de prévention et de résolution des conflits. L’histoire de la Cédéao est d’ailleurs jalonnée d’échecs. Aussi bien dans les médiations en matière de conflit que dans les questions sécuritaires. Et d’ailleurs, des chefs d’Etat qui n’arrivent même pas à mettre en œuvre leurs propres résolutions, peuvent-ils imposer leur volonté à un peuple souverain et déterminé ? Si dans le cadre de la médiation sur la crise malienne les émissaires de la Cédéao, conduits par l’ancien président du Nigeria, Goodluck Jonathan, ou les chefs d’Etat venus à Bamako en fin juillet avaient dit la vérité au président IBK afin qu’il lâche du lest, notamment en acceptant de faire des concessions à l’opposition, il n’aurait pas perdu son fauteuil. Mais en lieu et place, les Maliens ont eu droit à des mesures de protection du fauteuil d’un membre du syndicat des chefs d’Etat, accompagnées de menaces de sanctions contre des citoyens qui usent de leur droit de manifester et d’exprimer leurs aspirations. Première mesure : la démission immédiate des 31 députés dont l’élection est contestée
En imposant comme première mesure la démission immédiate des 31 députés dont l’élection est contestée et l’organisation d’élections législatives partielles dans les circonscriptions concernées, la Cédéao s’est mise hors la loi.
En fait, peut-elle exiger la démission d’un député déclaré élu par la Cour constitutionnelle, sous le prétexte que son élection est contestée et empêcher à des militaires d’exiger la démission d’un président de la République contesté ? Si les candidats aux législatives qui se déclarent floués ont été entendus par les émissaires de la Cédéao, ce ne fut pas le cas pour ceux déclarés élus, ignorés par les différents émissaires. C’est là une énième preuve de la fourberie des décisions de la Cédéao.
Deuxième mesure, la recomposition rapide de la Cour Constitutionnelle C’est une véritable ingérence dans les affaires intérieures du Mali que d’exiger, par des voies extra légales, la recomposition de la Cour constitutionnelle avant la fin du mandat de ses membres. Selon la Constitution malienne, IBK ne pouvait le faire qu’en ayant recours à l’article 50, lequel lui octroie des pouvoirs exceptionnels en période de crise. Mais le faire, c’est reconnaître en même temps qu’il y a une crise qui menace la stabilité nationale, ce qu’il ne voulait pas et a suivi la Cédéao dans la forfaiture.
Troisième mesure, la mise en place rapide d’un Gouvernement d’union nationale avec la participation du M5-RFP et de la Société civile Les ministres en charge de la Défense, de la Justice, des Affaires Etrangères, de la Sécurité intérieure et les Finances, autrement dit les ministres de souveraineté, pouvaient être nommés avant la formation du Gouvernement d’union nationale. Comment faire une telle proposition pour pourvoir les ministères régaliens avant d’appeler les autres à venir faire de la figuration ?
En plus, il faut nommer un Premier ministre avant de désigner un quelconque ministre et le poste de Premier ministre était réclamé par le M5-RFP pour renoncer à l’exigence de la démission d’IBK. En appliquant cette mesure, avec la reconduction du Premier ministre Boubou Cissé trop contesté, IBK a bravé son peuple et l’affrontement était inévitable. A y voir de près, la Cédéao a précipité la chute du président IBK.
Quatrième mesure, la mise en place rapide d’une commission d’enquête Une commission d’enquête pour déterminer et situer les responsabilités dans les violences qui ont entraîné des décès et des blessés les 10, 11 et 12 juillet 2020, ainsi que les destructions des biens publics et privés. Une façon de protéger le pouvoir en place en procédant à l’enterrement de première classe de ce dossier que doit connaître la Cour pénale internationale saisie par des avocats maliens.
Cinquième mesure, la mise en place d’un Comité de suivi de toutes ces mesures C’est pour mettre la pression sur les Maliens comme s’il s’agissait d’un problème à régler en un tournemain. Malgré l’échéance du 27 juillet qui a été fixée, les contestataires réunis au sein du M5-RFP sont restés de marbre parce que ne se retrouvant pas dans les décisions de la Cédéao qui ne cherchaient qu’à briser leur élan et sauver le régime IBK.
Sixième mesure : la mise en place par la Cédéao d’un régime de sanctions Des sanctions sont brandies contre ceux qui poseront des actes contraires au processus de normalisation de la crise. Une épée de Damoclès que la Cédéao a voulu maintenir au-dessus de la tête des dirigeants du M5-RFP. Mais en accentuant la pression sur les opposants contestataires, en leur fixant un délai pour qu’ils se soumettent à ses décisions, la Cédéao a joué sa crédibilité dans le cas du Mali. Et elle l’a perdue ! C’est parce qu’au niveau de la Cédéao, le chef d’Etat a toujours raison sur son peuple – qui l’a pourtant élu — et par conséquent, il faut soumettre ce peuple à l’obéissance, hic et nunc. Eh bien, l’obéissance forcée imposée par la Cédéao en réponse à la désobéissance civile du peuple malien a produit un résultat final qui ne se trouvait pas dans les calculs du syndicat de chefs d’Etat. Calculs ?
C’est effectivement de cela qu’il s’agit car, à travers le cas du Mali, les chefs d’Etat des pays membres de la Cédéao tentaient de créer une jurisprudence. Ce, pour désormais casser de l’opposant sans coup férir. D’où cet acharnement sur les Maliens et la junte du colonel Goïta de la part des présidents Alpha Condé et Alassane Ouattara. Deux présidents qui paniquent déjà à l’idée de voir le peuple et les militaires maliens inspirer leurs propres peuples dans leur combat contre le troisième mandat qu’ils veulent leur imposer. En violation des constitutions de leurs pays qu’ils ont tripatouillées. Hélas, c’est échec et mat à l’examen blanc pour Alpha Condé et Alassane Ouattara. Ce qui n’augure rien de bon pour l’examen final chez eux, dans peu de temps, face à la déferlante populaire.
Par Amadou Bamba NIANG
PLACE A LA CIRCONSPECTION
La poussière s’étant dissipée, les Maliens déjà soulagés du départ de leur désormais ex-président, Ibrahima Boubacar Keïta (IBK), voient mieux l’horizon et le scrutent avec méfiance, tout en regardant la junte avec circonspection
Une semaine, jour pour jour, après le coup d’Etat, c’est le calme plat à Bamako. La poussière s’étant dissipée, les Maliens déjà soulagés du départ de leur désormais ex-président, Ibrahima Boubacar Keïta (IBK), voient mieux l’horizon et le scrutent avec méfiance, tout en regardant la junte avec circonspection.
Les militaires actuellement aux affaires au Mali ont démenti avoir l’intention de faire une transition de trois ans avant de remettre le pouvoir aux civils par l’organisation d’élections propres. Toutefois, ils entendent disposer du temps nécessaire pour mener les réformes nécessaires afin de redresser le pays et la démocratie. Faut-il les croire sur parole ? Même si les contextes et les acteurs sont différents de ceux de 2012, les Maliens ne peuvent oublier les moments sombres vécus sous la férule de la junte du capitaine catapulté au grade de général d’armée, Amadou Haya Sanogo.
En effet, les promesses de lendemains meilleurs n’ont jamais vu le jour. Très rapidement, la lune de miel entre la classe politique malienne et la junte de Sanogo s’était transformée en louche de fiel. Pour dire que, malgré la liesse populaire qui a accompagné la décision de la junte de contraindre IBK à la démission, une certaine méfiance vient tempérer ce sentiment de soulagement des Maliens. Les militaires qui ont dégagé le président IBK se sont constitués en un Comité national de salut public (CNSP) présidé par le colonel Assimi Goïta. Surnommé « Asso » par ses intimes, le chef de la junte a 37 ans.
Marié et père de trois enfants, il est décrit comme « un homme rigoureux, tenace, adepte des défis et apte au commandement » selon sa biographie établie par le CNSP. Cet ancien enfant de troupe du prytanée militaire de Kati, devenu officier de l’armée de terre spécialisé en armes blindées et cavalerie, après une formation à l’Ecole militaire interarmes (Emia) de Koulikoro, connaît bien le nord du Mali où il a servi depuis 2002 à Gao, Kidal, Ménaka, Tessalit et Tombouctou, dans le cadre de la lutte contre les terroristes. Après l’attentat contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako en 2015, il est nommé coordonnateur des opérations spéciales du ministère de la Défense, avant de commander, en 2018, les forces spéciales maliennes qui mènent des opérations au nord et au centre du Mali. Il a aussi participé à des opérations militaires au Darfour, en opération extérieure. Le vice-président du CNSP est le colonel Malick Diaw, un officier de terrain très expérimenté, bénéficiant de la confiance des troupes.
Le colonel-major Issa Wagué, désigné porte-parole du CNSP, est un homme d’action, un officier supérieur qui a prouvé son sérieux et sa rigueur. Un autre membre influent du CNSP, le colonel Sadio Camara, a montré son sérieux et sa rigueur lorsqu’il était directeur du prytanée militaire de Kati où on retient que sa propre fille a passé à deux reprises le concours d’entrée à cette école, sans succès. Il ne saurait y avoir de plus grande preuve de sérieux, de rigueur et d’honnêteté de cet officier supérieur ! Plusieurs officiers supérieurs, et même des officiers généraux, sont membres de ce CNSP. Mais pour des soucis d’ordre stratégique, leur nombre et leur identité n’ont pas été dévoilés.
En tout cas, ceux d’entre les membres du CNSP qui sont connus des Maliens font bonne impression et les informations recueillies sur eux plaident en leur faveur et en leur bonne foi, notamment leur décision de procéder rapidement à un nettoiement des écuries d’Augias avant de rendre le pouvoir aux civils, suite à une réforme du système électoral garantissant des élections sans reproche. La délégation de la Cédéao qui a rencontré les tombeurs du président IBK durant deux jours, depuis dimanche dernier, a pu d’ailleurs se rendre compte de la différence qualitative, comparativement à la junte dirigée par Sanogo en 2012. Déjà, face aux émissaires de la Cédéao, le CNSP a insisté sur son engagement à redonner au Mali une vie constitutionnelle normale, au bout d’une transition dont la durée n’a pas été fixée mais qui devrait être assez brève. En tout cas, les putschistes promettent de poser les bons actes au cours de cette transition. Tant mieux alors pour le Mali qui a trop souffert ces dix dernières années d’une crise multidimensionnelle accentuée par la mal gouvernance pour ne plus avoir à supporter des dérapages et maladresses d’une junte pour le moment très applaudie. L’urgence du moment, c’est la question sécuritaire. Il serait impardonnable à des officiers supérieurs de ne pouvoir résoudre cette question, l’un des prétextes du coup d’Etat contre IBK.
Les Maliens ruminent encore les mauvais souvenirs de 2012 car c’est sous la gestion du pays par la junte du capitaine Amadou Haya Sanogo que leur pays a failli disparaître en tant que nation. Tout le monde se rappelle encore que, n’eût été l’opération « Serval » de la France, les Maliens seraient en ce moment tous barbus et en train de couper leurs pantalons à la mode taliban, comme l’exigeaient les narco-djihadistes aux populations du nord du Mali, lors de la période sombre de l’occupation par les obscurantistes. « Nous n’avons pas droit à l’erreur » estime en tout cas le président du CNSP, Assimi Goïta.
Tant mieux si déjà le CNSP prend conscience des énormes chantiers qui l’attendent : la lutte contre la corruption et la délinquance financière ; le rétablissement de la paix et de la sécurité sur l’ensemble du territoire ; la relecture de l’Accord dit pour la paix et la sécurité de 2015 ; la relance de l’économie ; la résolution des problèmes de l’école malienne, de la santé, du sport dont le football qui peine à se relever d’une crise de plusieurs années, etc…
De toutes façons, les membres du CNSP doivent méditer le cas du président déchu, IBK, élu en 2013 avec un score à la soviétique, avant de devenir le malaimé de l’année obligé de quitter ses fonctions de chef d’Etat dans des conditions humiliantes. En d’autres termes, entreprendre c’est facile, mais réussir est plus difficile. Et la population malienne, devenue exigeante, attend des résultats.
Amadou Bamba NIANG
LA CHUTE D’UN FRUIT POURRI
Au Mali, les militaires réunis au sein du Comité national de salut du peuple (CNSP) n’ont fait que ramasser un pouvoir abandonné dans la rue
Au Mali, les militaires réunis au sein du Comité national de salut du peuple (CNSP) n’ont fait que ramasser un pouvoir abandonné dans la rue. Ce qui explique la liesse populaire qui a accueilli le coup d’Etat du 18 août dernier. Sans effusion de sang ou un brin de résistance, le régime du président IBK est tombé comme un fruit pourri. Mais les nouveaux maîtres du Mali ont fort à faire pour répondre aux aspirations de la population devenue trop exigeante, dans un pays harcelé par la centrale terroriste dont les combattants ne sont guère loin de Bamako.
Trois ans seulement après son élection en 2013, le président Ibrahim Boubacar Keïta « IBK » déçoit le peuple malien. L’année 2014 qu’il avait déclarée celle de la lutte sans concession contre la corruption a été, ironie du sort, celle des plus gros scandales financiers de l’histoire du Mali indépendant. Les auteurs : des dignitaires de son régime et principalement sa famille et ses proches collaborateurs. Jamais dans ce Mali si pauvre, on a autant parlé de détournements et surfacturations que sous l’ère IBK.
Mieux, celui qui faisait sa campagne électorale en prônant la fermeté face aux groupes armés du nord du Mali défiant l’autorité de l’Etat, en critiquant au passage l’Accord de Tamanrasset signé par le président Amadou Toumani Touré « ATT » en 2006, promettait aux Maliens : « Je ne suis pas celui qui négocie, le pistolet sur la tempe ». Mais que l’histoire sait parfois être cruelle !
L’Accord dit pour la Paix et la Réconciliation signé entre le même IBK et des groupes armés en 2015, sous la supervision de la communauté internationale conduite par l’Algérie, est pire que celui de 2006. En ce sens qu’il viole les dispositions constitutionnelles du Mali à maints endroits de ses fondements et son architecture. Mais IBK n’avait pas le choix, il était sous le diktat des groupes armés qui venaient de faire subir à l’armée malienne un cinglant revers, suite à la visite inopportune à Kidal du Premier d’alors, Moussa Mara, qui voulait par ce geste sonner la reconquête de cette portion du territoire soustraite entièrement du contrôle de l’Etat. L’Administration publique y était absente et les groupes armés indépendantistes regroupés au sein de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) y dictaient leur loi.
A la suite de la signature de cet Accord, la nécessité d’une révision constitutionnelle s’imposait donc pour s’adapter aux desiderata des groupes armés, tels qu’exprimés dans le document paraphé. Ce projet de réforme causera beaucoup d’ennuis à Ibrahim Boubacar Keïta, avec notamment des manifestations monstres par lesquelles les Maliens affirmaient leur opposition à ce projet. A cette occasion, différentes familles politiques, qui se regardaient jusque-là en chiens de faïence, se sont rapprochés pour finir par former un énorme bloc compact avec la société civile, face à Ibrahim Boubacar Keïta.
Le Mouvement « Anté A Bana ! Touche pas à ma constitution !» était ainsi né pour porter très haut la voix de la protestation. Poussé jusque dans ses derniers retranchements, le président IBK dut céder reportant sine die le projet de réforme constitutionnel. L’un des chiffons rouges de la protestation était l’article 118 de la constitution, notamment son alinéa 3 qui dispose : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. »
L’Administration publique étant absente des localités contrôlées par les groupes armés, indépendantistes et narco djihadistes, d’une partie des régions de Tombouctou, Gao, Mopti et entièrement la région de Kidal, cette disposition constitutionnelle devait donc empêcher la tenue du référendum projeté. Mais la Cour constitutionnelle, présidée par la très contestée Manassa Dagnoko, avait validé le projet de référendum en qualifiant l’insécurité de « résiduelle ».
Trois mois plus tard, l’insécurité finit par s’installer, en plus du nord du pays, au centre où, mise à part la question djihadiste, des affrontements interethniques font, jusqu’à ce jour, un très lourd bilan. Dès lors, la Cour constitutionnelle était dans le collimateur des mouvements et partis d’opposition. C’est dans ce contexte qu’au début de l’année 2018 le régime IBK, poussif, arrive au terme d’un mandat de cinq ans que les Maliens pensaient suffisamment éprouvant, voire calamiteux, pour ne pas en rajouter. Beaucoup d’ailleurs pensaient que le président IBK dont l’état de santé se dégradait au point de l’obliger à s’absenter souvent du pays afin d’aller se soigner en France ou au Maroc, n’allait pas se présenter pour un second mandat. Mais, sous la pression de sa famille et des dignitaires qui tenaient encore à bénéficier des délices du pouvoir, IBK a tenté le mandat de trop.
Les résultats de la dernière présidentielle tenue en 2018 restent discutables car les résultats compilés dans les localités où le scrutin s’est déroulé normalement donnent Soumaïla Cissé gagnant avec plus de 53 % des voix. Mais c’était compter sans la ruse des caciques du régime IBK qui ont justement mis l’insécurité à profit pour se maintenir au pouvoir. Ils ont procédé à un bourrage des urnes dans des endroits inaccessibles à l’opposition, aux observateurs nationaux et internationaux, et réussi à faire basculer les résultats en faveur de leur champion. Dans le centre du pays, ils ont scellé une alliance avec les milices qui y régnaient. L’argent a circulé à flots pour faire accepter la tenue du scrutin. Naturellement, avec un bourrage des urnes en faveur du pouvoir en place. Même scénario au nord du pays.
Dans certaines localités désertées par leurs habitants qui ont fui l’insécurité pour se réfugier dans des pays voisins, les listes de vote ont été émargées pour produire des résultats avec des scores à la soviétique. C’est à croire que, comme par une baquette magique, les réfugiés étaient tous retournés pour voter avant de regagner leurs camps respectifs dans les pays voisins. Et tout ceci en quelques heures ! Malgré les images qui ont circulé, dans lesquelles des chefs de tribus du nord du Mali ou des maires de localités sous occupation des terroristes se faisaient assister de leurs adjoints pour voter au nom de tous les électeurs inscrits, les observateurs internationaux, y compris ceux de la Cédéao, n’ont pas objecté, estimant que cela n’entachait en rien la sincérité du scrutin qu’ils ont validé.
La Cour constitutionnelle leur emboîtera le pas pour déclarer ainsi IBK réélu. S’ensuivit une contestation de plusieurs mois, sans que la Cédéao ne daignât broncher. Tout au plus, les membres du syndicat des chefs d’Etat de la Cédéao intervenaient secrètement pour convaincre le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, de baisser le ton et les bras pour faire passer leur protégé, notamment Ibrahim Boubacar Keïta « IBK ».
Le désormais ex-président malien, qui a préféré rester dans sa résidence privée de Sébénikoro transformée en château avec les ressources publiques, au lieu de déménager au palais de Koulouba qu’il a pourtant réfectionné après sa destruction en 2012 par la bande du capitaine Sanogo, a été vite rattrapé par le syndrome du canard boiteux. Très tôt d’ailleurs lors de son second mandat. Ce syndrome qui n’épargne nullement les chefs d’Etat populaires, a atteint profondément IBK, devenu un chef d’Etat trop désincarné. Pendant que son fils, Karim Keïta, faisait feu de tout bois et donnait l’impression d’être calife à la place du calife. Avec les nombreuses pertes en vies humaines enregistrées dans les rangs de l’Armée secouée par des scandales de détournement de primes des militaires, des marchés d’équipements attribués à des prête-noms qui étaient des vendeurs en détail de pièces détachées (d’occasion) de voitures ou des gens du showbiz ou de simples chômeurs, qui livraient du matériel d’occasion non fonctionnel et largement surfacturé, les forces de défense étaient déjà sur les dents.
Par ailleurs, durant son règne à la tête du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta a eu le mérite de fabriquer, lui-même, ses adversaires issus de tous les secteurs de la vie nationale et dont les rangs n’ont cessé de grossir au fil des jours. C’est ce beau monde qui s’est retrouvé, sous le leadership de l’imam Mahmoud Dicko, au sein du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) qui a quasiment immobilisé la vie nationale pendant deux mois, notamment à travers son mouvement de désobéissance civile, ponctué de méga rassemblements populaires hebdomadaires pour exiger la démission du président IBK. Depuis la réélection du désormais ex-président IBK en 2018, le Mali est plongé dans une période de turbulences. Les mouvements de protestation enflaient et gagnaient des secteurs névralgiques de la nation. Les préavis de grève se multipliaient. L’école est restée en panne à cause d’une grève des enseignants, durant presque toute l’année scolaire. Les magistrats en grogne avaient menacé de reprendre, à la fin de ce mois d’août 2020, leur mouvement de grève qui a duré 100 jours en 2019 ! Le secteur de la Santé vociférait en exigeant l’application des accords signés suite à une grève de deux mois l’année dernière. Les administrateurs civils, qui ont défié l’Etat à plusieurs reprises, projetaient de déclencher une grève la semaine où les militaires ont finalement obligé IBK à démissionner.
Les policiers, de leur côté, avaient décidé de manifester le jour même où la nouvelle junte est passée à l’acte, précisément le mardi 18 août 2020. Les transporteurs, quant à eux, commençaient à se faire entendre tôt le matin du jour où les militaires ont sifflé la fin de la récréation. Cela bougeait dans tous les secteurs de la vie nationale. Pour se faire élire en 2013, IBK avait noué deux alliances dangereuses qui l’ont finalement emporté parce que s’étant retournées contre lui. D’abord avec les milieux islamiques du mouvement Sabati 2012 sous influence de l’imam Mahmoud Dicko. Ensuite avec les militaires, notamment l’ex-junte du capitaine Sanogo. Le mardi 18 août 2020, les militaires n’ont fait donc que ramasser un pouvoir tombé dans la rue comme un fruit pourri !
LE TROISIÈME MANDAT DE MACKY SALL DÉJÀ VALIDÉ PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Soulèye Macodou Fall, avocat au barreau de Paris, et le professeur de droit constitutionnel Babacar Guèye soutiennent pourtant que rien, du point de vue du droit, ne semble s’opposer à ce que le président se présente en 2024
La sous-région est en ébullition du fait des tripatouillages de constitutions par des chefs d’Etat pour pouvoir briguer un troisième mandat. Des tentatives contre lesquelles se soulèvent les peuples des pays concernés, à savoir la Côte d’Ivoire et la Guinée. Au Sénégal, le président Macky Sall préfère ne pas encore se prononcer sur la question d’un éventuel troisième mandat même si plusieurs personnes et secteurs le soupçonnent de nourrir un tel dessein.
Me Soulèye Macodou Fall, avocat au barreau de Paris, et le professeur de droit constitutionnel Babacar Guèye soutiennent pourtant que rien, du point de vue du droit, ne semble s’opposer à ce que Macky Sall se présente en 2024 pour une ultime candidature à la présidentielle. Ce qui est aux yeux du professeur Ismaïla Madior Fall, l’un des rédacteurs de l’actuelle constitution, une aberration. Le Parti démocratique sénégalais (Pds), principal parti de l’opposition, par la, voix de son chargé de communication, n’a pas voulu se prononcer. Cependant, le Conseil Constitutionnel semble avoir déjà tranché le débat.
Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, Me Soulèye Macodou Fall, avocat au barreau de Paris, veut sonner l’alerte pour avertir les Sénégalais et le monde entier qu’une éventuelle candidature à la présidentielle de 2024 serait dans l’ordre du possible. A l’en croire, ce problème a été réglé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision rendue en février 2016. C’est pourquoi Me Fall estime que sa conscience ne lui permet pas de rester muet sur un futur contentieux électoral alors même qu’il peut apporter un éclairage technique en la matière pour éviter que son pays ne sombre dans le chaos.
« L’article 27 de la Constitution dit que la durée du mandat du président de la République est de 5 ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs » a rappelé d’emblée l’avocat. Il poursuit en disant que le président Macky Sall avait posé la question au Conseil Constitutionnel avant l’élection présidentielle de 2019 pour lui demander s’il peut appliquer la nouvelle durée de 5 ans du mandat présidentiel à son mandat en cours ? Dans sa décision numéro 1-C-2016 du 12 février 2016, le CC lui répond dans le paragraphe 30 des motifs : « (…) le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors portée de la loi nouvelle ».
En termes clairs, selon l’avocat au barreau de Paris et comme signifié dans les dispositifs, « la loi nouvelle sur la durée du mandat du Président de la République ne peut pas s’appliquer au mandat en cours ». « On n’est pas dans le contexte où Abdoulaye Wade demandait au Conseil constitutionnel à la veille de la présidentielle de 2012, un avis s’il peut être candidat à un troisième mandat » a-t-il ajouté. Pour conclure, Me Soulèye Macodou Fall pense que Macky Sall peut briguer un autre mandat en 2024 qui constituera son second mandat conformément à l’article 27.
Le Professeur Babacar Guèye en phase avec Me Soulèye Macodou Fall
Le professeur de droit constitutionnel Babacar Gueye abonde dans le même sens que Me Soulèye Macodou Fall. Selon lui, la question n’est pas nouvelle chez lui car il avait sonné l’alerte depuis 2017 pour dire que les nouvelles dispositions de la charte fondamentale du Sénégal, telles que libellées actuellement, n’interdisent pas au chef de l’Etat, Macky Sall, de briguer un troisième mandat présidentiel. «Si nous appliquons la Constitution à la lettre, on peut considérer que le mandat actuel ne fait pas partie du décompte. Ce qui fait que le président Macky Sall, en 2024, peut envisager de briguer un troisième mandat comme l’avait fait le président Wade (...)
Quand a été rédigée la Constitution, on a dû oublier certainement de prévoir des dispositions transitoires. Il fallait ajouter des dispositions transitoires pour préciser que le mandat en cours fait partie du décompte des deux mandats que l’actuel président peut avoir » a expliqué le professeur Babacar Guèye qui pensait pouvoir alerter afin d’éviter une effusion de sang comme ce fut le cas en 2011. Il fustige l’attitude de certains Sénégalais qui l’ont accusé soit d’être un opposant, soit de rouler pour le pouvoir.
Selon lui, le législateur n’a pas prévu une disposition transitoire ce qui rend nébuleux et complexe cette affaire du troisième mandat. Toutefois, soutient-il avec force, moralement le président Macky Sall ne doit pas se présenter pour un troisième mandat. « C‘est un problème fondamentalement d’éthique. Ce n’est pas acceptable sur le plan moral qu’il fasse un troisième mandat » martèle l’éminent constitutionnaliste.
Rappelons toutefois que le Pr Ismaïla Madior Fall s’était inscrit en faux contre l’argumentation de son collègue, le professeur Babacar Guèye, qui avait soutenu qu’en l’absence de dispositions transitoires, rien n’interdit à l’actuel président de se porter candidat en 2024. « « La Constitution du Sénégal est très claire sur la question du mandat présidentiel et ne laisse place à aucune interprétation.
L’article 27 de la Constitution (de 2016) dit clairement : Le président de la République est élu pour 5 ans renouvelable une fois. Donc, nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Il n’y a pas lieu d’interprétation », avait tranché le Pr Ismaïla Madior Fall. Mayoro Faye, le chargé de communication du Pds, principal parti d’opposition, a refusé de se prononcer sur la question au motif que le débat n’est pas encore posé au sein du parti libéral.
GUY MARIUS SAGNA VILIPENDE L’ASSEMBLEE NATIONALE
Devant l’organe de contrôle, l'activiste a confirmé ses accusations
Quatre mois après la lettre de dénonciation du mouvement Frapp France-Dégage contre le député Demba Diop Sy et le ministre du Développement Communautaire, de l’Equité Sociale et Territoriale, Mansour Faye pour conflit d’intérêts et délit de favoritisme, dans le cadre du marché de transport des vivres destinés aux ménages vulnérables afin de faire face aux effets néfastes de la pandémie de Covid-19, le mandataire du mouvement a été auditionné hier à l’Office National de lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC). Devant l’organe de contrôle, Guy Marius Sagna a confirmé ses accusations.
C’est une affaire qui avait fait beaucoup de bruit en avril dernier. Suite à l’attribution d’une partie du marché de l’acheminement des denrées alimentaires à Urbaine d’Entreprise (UDE) du député Demba Diop Sy, le mouvement Frapp France Dégage avait tapé du poing sur la table.
Mieux, il avait adressé une lettre de dénonciation à l’Ofnac, afin de faire la lumière sur cette opération. Auditionné hier matin sur cette affaire, Guy Marius Sagna a réitéré les accusations de conflit d’intérêts et de délit de favoritisme qu’il a avait formulé contre Diop Sy et Mansour Faye.
A sa sortie du bureau de Seynabou Ndiaye Diakhaté, le leader de Frapp France Dégage a soutenu que Demba Diop Sy a manqué de déontologie parlementaire. «Nous pensons que l’Assemblée nationale, jusqu’au plus haut niveau à travers le président de l’Assemblée nationale, a manqué de déontologie parlementaire», tonne le sieur Sagna qui soupçonne une possible collusion entre le pouvoir exécutif incarné par Mansour Faye et le pouvoir législatif représenté par le parlementaire Diop Sy.
Pour le leader du Frapp France-Dégage, même si le député Diop Sy voulait accepter ce marché, l’Assemblée nationale n’aurait pas dû lui permettre d’en bénéficier. Par conséquent, il estime que l’Assemblée nationale est encore éclaboussée par ce scandale. «Tous les députés qui se trouvent dans la même situation que Diop Sy, l’Assemblée nationale doit pouvoir examiner leurs cas. Nous ne pouvons pas accepter dans ce pays, que l’endroit où l’on vote les lois soit le même endroit où on les piétine. Alors ce serait l’anarchie et le chaos dans ce pays où tout le monde peut faire tout ce qu’il veut», martèle-t-il. Or, conclut le mandataire du Frapp dans le cadre de ce dossier, l’Assemblée nationale doit être un exemple et un modèle en termes de respect des lois parce que c’est elle qui les vote.
LE TAUX DE LÉTALITÉ ESTIMÉ À 2,09%
Le 49e rapport du ministère de la Santé dans le cadre de la riposte à l’épidémie du nouveau coronavirus montre une légère baisse de la pandémie.
Le 49e rapport du ministère de la Santé dans le cadre de la riposte à l’épidémie du nouveau coronavirus montre une légère baisse de la pandémie. Les populations de la tranche d’âge 20-39 ans sont les plus infectées par le virus, mais ce sont les vieux qui paient le plus lourd tribut. L’âge moyen des personnes décédées est de 66 ans. Le taux de létalité qui a connu une hausse se situe à 2,09%. Quant au taux d’occupation des lits, la moyenne est de 66% à Dakar, 37,7% dans les autres régions et 12,7% dans les sites extrahospitaliers.
Le ministère de la Santé et de l’Action Sociale a dressé la situation de la pandémie du coronavirus dans le 49e rapport du 24 août 2020. Le premier constat des acteurs de la santé est qu’au total 776 cas confirmés ont été enregistrés dans la semaine 34 contre 925 cas confirmés lors de la semaine 33. On note une légère baisse du nombre de cas qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Les statistiques du ministère de la Santé révèlent que ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par la pandémie, mais c’est le troisième âge qui en périt. D’après le rapport, la tranche d’âge 20-39 ans est la plus touchée et le ratio Homme/Femme est de 1,38.
La même source renseigne que l’âge moyen des cas est de 41 ans avec des extrêmes allant de 0 à 101 ans. Quant à la répartition des décès de Covid-19 par sexe et par tranches d’âges, le ministère de la Santé indique que l’âge moyen des personnes décédées est de 66 ans avec un minimum à 19 ans et un maximum à 95 ans. Le rapport indique également que 8 595 patients sont sortis guéris depuis le début de la pandémie. Ainsi à la date du 24 août, 4 145 patients sont pris en charge dans les Centres de traitement des épidémies (CTE), les sites de prise en charge extrahospitalière et les domiciles. Compte des statistiques, les autorités sanitaires n’ont pas à craindre le débordement des structures sanitaires et des sites extrahospitaliers à cause de la nouvelle stratégie de prise en charge des cas asymptomatiques à domicile. C’est la raison pour laquelle, le taux d’occupation des lits est en moyenne de 66% à Dakar, 37,7% dans les autres régions et 12,7% dans les sites de prise en charge extrahospitalière. Par contre, le rapport relève une progression inquiétante du taux de létalité. «Un cumul de 272 décès a été enregistré à la date du 24 août soit une létalitéde 2,09% parmiles cas confirmés». Lesdifférents laboratoires ont effectué 143 908 tests à la date du 24 août et le taux de positivité est de 7,88%.
LE TAUX D’OCCUPATION DES LITS EST EN MOYENNE DE 66% A DAKAR ET 37,7 % DANS LES AUTRES REGIONS
La situation épidémiologique montre également que lors de la semaine 34, toutes les 14 régions du Sénégal ont été touchées. La région de Dakar vient en tête avec 9.243 cas, Thiès 1.470 cas, Diourbel 719 cas, Ziguinchor 478 cas, Saint-Louis 211 cas, Kolda 190 cas, Kaolack 184 cas, Sédhiou143 cas, Kédougou 103 cas, Tambacounda 94 cas, Fatick 69 cas, Louga 57 cas, Matam 38 cas et Kaffrine 14 cas. D’après le rapport, 69 districts sanitaires sur79 ont enregistré un cas au moins, soit une proportion de 87%. Par ailleurs, les autorités sanitaires préparent l’atelier de révision du plan de contingence national Covid-19 prévu du 29 au 30 août, et la finalisation du guide de gestion des rumeurs. En prélude au Magal de Touba, il est prévu une mission d’appui du groupe de la coordination opérationnelle à la région médicale de Diourbel. Le ministère de la Santé compte également réaliser une enquête de séroprévalence Covid-19, Organisation d’une Revue Intra-Action de la riposte. Il envisage l’opérationnalisation du centre de traitement de Kédougou et le renforcement des capacités en réanimation pour la prise en charge des cas graves.