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1 juillet 2025
Par Ibou FALl
BABACAR TOURE, LA GESTE AUGUSTE DU SEMEUR...
L’existence de Babacar Touré, sur lequel une sacrée bonne étoile veillera en permanence, aura suscité tant de passions, et sa mort, bien des émotions. Une baraka que couronne cet ultime hommage à son destin hors du commun :
L’existence de Babacar Touré, sur lequel une sacrée bonne étoile veillera en permanence, aura suscité tant de passions, et sa mort, bien des émotions. Une baraka que couronne cet ultime hommage à son destin hors du commun : il sera à jamais le parrain éponyme de la Maison de la Presse.
Pour en arriver là, durant près de quarante épiques années, il aura semé avec ferveur et à tous les vents, les germes d’une nouvelle aristocratie, celle du journalisme. Il était une …foi, la geste du semeur. Ailleurs sur la planète, on le sait, le football n’est plus pareil depuis Pelé, la boxe chante la conscience noire depuis Ali, et depuis que Miles Davis a soufflé dans sa trompette, la planète en a le jazz au corps.
Quand Wade crée son parti, lorsque Youssou Ndour entonne son premier tube, alors que Mohamed Ndao « Tyson » culbute son premier adversaire, on ne voit juste que des intermittents du spectacle venus amuser la galerie. Il y a des gens comme ça : ils sont presque comme nous autres, simples mortels, mais ne sont pas vraiment des nôtres… On comprend bien plus tard qu’ils sont là pour que rien ne soit plus comme avant.
Le journalisme, à l’époque où Babacar Touré y fait son entrée, est une chimère romantique, un ghetto où se morfondent les fines lames de l’information, sous le carcan étriqué d’un Etat surpuissant qui autorise par coquetterie des dissertations sur le sexe des anges tant que l’orthographe n’est pas outragée.
Le Soleil, rare organe où l’on peut l’y exercer, n’invite pas au rêve. On y fait son métier en tâcheron du compte-rendu, avec parfois quelques digressions tolérées à propos de la condition humaine. Et ce n’est pas à l’ORTS que la révolution se prépare. La garantie de l’emploi a un coût…
Les seuls autres journaux qui ont des notes discordantes sont estampillées « opposition », bricolés par des militants exaltés et ne font vivre personne : Andë Sopi de Mamadou Dia ou Taxaw de Cheikh Anta Diop, Moom Sa Reew de Majmouth et Jaay Doolé Bi des maoïstes clandestins se distribuent quasiment sous le sabador… Ce n’est pas vraiment du journalisme, tout ça. Il y a, certes, au milieu des années ’70, en salves d’avertissements, les foucades et les espiègleries de Mame Less Dia et le gang du Politicien. Allez, ne soyons pas vaches, citons Boubacar Diop et Promotion comme figurants turbulents. Mais il faut s’y attendre, la cavalerie ne devrait plus tarder.
La vague que l’on pressent alors est la dernière portée du journalisme romantique. Ces gens là, formés à bonne école, ont surtout faim de libertés, en ont gros sur le cœur, piaffent d’impatience d’en découdre avec l’autorité qui les brime…
Une soldatesque dépenaillée, avide de déontologie, armée de bloc notes et quelques stylos, soucieuse de syntaxe, dont les rédactions résonnent du cliquetis des machines à taper avant de vous pondre un ouvrage artisanal fabriqué avec des ciseaux, une règle, de la colle et un cutter. Ça tombe bien : Senghor parti en 1980, l’étau se desserre. Avec le « multipartisme intégral », y a comme des airs de libertinage sur la scène publique. Le père Wade lance Takkusaan, Le Politicien prend de la bouteille et une génération de journalistes sort du bois. Dans la troupe des bidasses en folie, un singulier personnage, Babacar Touré qu’il se nomme. Il est né à Fatick dit-on, mais on lui prête aussi des racines thiéssoises et même parfois des airs de Lougatois. C’est peu de dire que l’homme a quelque chose de définitivement insaisissable. Il y a chez ce drôle de mortel, cette rare étincelle qui enflamme les vies. Tout ça gravitera autour de lui tout au long de sa saga, se côtoyant, dans un truculent fatras, le coquin et le copain, le grotesque et le tragique, le fruste et le fin, le meilleur et le pire, l’évidence et le paradoxe. C’est qu’il y a de tout cela, et bien plus encore, dans ce singulier gaillard qui vient pour imprimer une marque indélébile à son époque.
Défendre et illustrer la liberté d’expression est le combat le moins urgent que Babacar Touré mène quand il monte Sud avec ses sbires. Au Sénégal, chacun assène sa vérité à sa manière et selon son humeur depuis si longtemps. Ce que Babacar Touré apporte et que le journalisme n’a pas encore, c’est l’habit aristocratique qui installe cette profession à la table des puissants et des notables. Sud deviendra une entreprise de presse dont le président est membre du patronat, roule carrosse et crèche dans les quartiers chics. Sa vraie bataille est celle engagée contre le misérabilisme du journaliste qu’il extirpe de son ordinaire ghetto.
Comme Wade pour les opposants, Ndiouga Kébé pour les Modou-Modou, Youssou Ndour pour les musiciens, et « Tyson » pour les lutteurs. Quand le manitou de Sud inaugure sa radio, trois chefs d’Etat sont au garde-à-vous pour couper le rideau. Il entre certes dans la cour des grands mais il vient aussi de se choisir, à l’avenir, des adversaires à sa démesure. Ses combats les plus épiques, il les livre contre les tout-puissants : le groupe Mimran qui fait la pluie et le beau temps sous Abdou Diouf, et Wade soi-même, au plus fort de sa glorieuse alternance. Survivre à ces impitoyables machines à broyer ne sera pas un mince exploit. C’est sans doute en 2012, lorsque Wade et son régime tombent, que la légende de Babacar Touré commence à s’écrire. On ne peut plus en douter : il a la baraka.
Lorsque la présidence du CNRA lui est confiée, c’est une révolution silencieuse qui vient de s’opérer. Jusque-là, cette presse infantilisée est sous la surveillance des magistrats : El Hadj Babacar Kébé, puis Nancy Ngom Ndiaye, sont chargés de mettre au pas ces grands enfants que sont les journalistes… L’installation du monitoring, le basculement par la TNT durant son mandat confirment ce dont personne ne doute depuis longtemps : cet homme est un aristocrate. D’ailleurs, hors de nos frontières, comme sous nos cieux, il tutoie du chef d’Etat…
Bien sûr, l’œuvre qu’il lègue a un goût d’inachevé. Lui, il a fait sa part, et bien plus. C’est aux acteurs de la presse de porter avec la même élégance ce costume pour inspirer le respect qu’une seule carte de presse ne saurait justifier. Il faudra commencer par en prendre les mesures. Ce 26 juillet 2020, lorsqu’il rend l’âme, Babacar Touré n’a que 69 ans mais son enveloppe charnelle n’en peut déjà plus d’abriter une si fantastique aventure humaine…
Le sort de nos âmes pécheresses est sans doute de sortir de l'homme pour entrer dans la légende. Mais quelles sont donc ces chimères derrière lesquelles nous courons ?
Par Mohamed Ould Maouloud, Président de l'UFP
C’EST UNE PERTE IMMENSE POUR LES PEUPLES SENEGALAIS ET MAURITANIEN
L’UFP et l’ensemble des forces démocratiques et patriotiques ont appris avec une douleur indicible, le décès à Dakar de Babacar Touré
Mohamed Ould Maouloud, Président de l'UFP |
Publication 03/08/2020
L’UFP et l’ensemble des forces démocratiques et patriotiques ont appris avec une douleur indicible, le décès à Dakar de Babacar Touré. Depuis des décennies, au cœur des luttes des peuples de notre région africaine contre le néocolonialisme et les dictatures, Babacar Touré fut un ardent compagnon de tous les instants, un ami fidèle à ses engagements, un esprit libre, éclairé et solidaire des justes causes pour lesquelles il se dépensait sans compter. Ce fils du Sénégal a épousé les préoccupations et éprouvé les peines de tous les autres peuples d’Afrique.
Néanmoins, la Mauritanie occupait une place particulière dans son cœur généreux. La confiance qu'il plaçait dans notre combat date de l’époque héroïque de résistance du MND dont il fut un des grands soutiens et qui, à son tour, connaissant la valeur de l’homme, l’accueillit à bras ouverts à chaque fois que les nécessités de la lutte clandestine du mouvement révolutionnaire sénégalais auquel il appartenait, l’amenaient à chercher refuge de ce côté-ci de notre fleuve commun. Nul n'a incarné mieux que lui, le sens de la solidarité combattante, l'internationalisme agissant et l'amour des peuples frères mauritanien et sénégalais. Aussi, fût-il parmi les visionnaires qui alertèrent à temps sur les risques de dérapage incontrôlable des rapports entre les 2 pays frères du fait des politiques catastrophiques chauvines à l'œuvre de part et d'autre du fleuve, avant l'explosion de haine de 1989.
C’est essentiellement grâce à son soutien actif et décisif, que l’initiative du Mouvement National Démocratique de réunir les intellectuels et cadres politiques des différents partis venus des deux pays, put se concrétiser par la fameuse Rencontre de Dakar le 30 Mars 1989 destinée à réfléchir sur la dégradation des relations entre les 2 Etats et à proposer de toute urgence, les voies de solution aux différentes contradictions qui minaient les rapports intercommunautaires et risquaient à tout moment de faire basculer la région dans des conflits identitaires incontrôlables.
L’évènement fut de portée historique. Le niveau de responsabilité des participants et la qualité des débats lors de cette Conférence étaient largement déterminés par l’activisme efficace et fédérateur de Babacar Touré et son esprit de compromis positif. Quand, malgré tout, cette tragédie éclata, nul n'a agi mieux, avec autant de courage, de sagacité et d’intransigeance dans le respect des principes que lui, pour dénoncer les crimes subis par nos peuples respectifs, les pogroms, les violences aveugles et les discours haineux. Il porta haut le drapeau de la fraternité entre sénégalais et mauritaniens, unis à jamais par l’histoire, la géographie et les intérêts stratégiques.
Ouvert, franc, direct, il tenait à tous, le même discours pétri de bonté, de sérénité et d'optimisme quant à l’avenir de nos nations. Devant le malheur que fut la déportation de dizaines de milliers de mauritaniens, dont nombre de nos camarades, il se dépensa sans compter pour aider comme il le pouvait, à la solution des difficultés subies par nos compatriotes et à la normalisation des rapports entre les deux pays frères. Nous, patriotes mauritaniens, vivons donc pour toutes ces raisons et pour bien d’autres, ce jour du décès de Babacar Touré comme une perte immense qu'il nous sera difficile de combler.
Au nom de l’UFP, de tous ses organes, de tous ses militants et sympathisants, à mon nom personnel et au nom du camarade Bâ Boubacar Moussa à qui le liait une fraternité légendaire, je présente au grand peuple sénégalais frère mes condoléances les plus attristés pour ce digne fils qui fut toujours l'un de ses meilleurs et plus vaillants messagers de fraternité et de paix en direction du nôtre. A sa famille et à ses amis de par le monde, je présente mes plus sincères condoléances.
Notre parti et tous les mauritaniens qui l'ont connu, n'oublieront jamais la haute personnalité politique et morale et l'œuvre démocratique colossale de Babacar Touré. Repose en paix Camarade Babacar. Qu'Allah le Tout- Puissant t'accueille dans son Paradis.
Mohamed Ould Maouloud, Président de l'UFP
«NOUS AVONS ENREGISTRE 64 900 SUJETS INVENDUS»
Sur le marché terminal de Dakar 267 000 têtes de moutons ont été présentées sur un objectif de 260 000 sujets. Un objectif largement «supérieur à celui de l’année dernière de plus de 42 000 têtes», a dit Dame Sow, directeur de l’Elevage.
Sur le marché terminal de Dakar 267 000 têtes de moutons ont été présentées sur un objectif de 260 000 sujets. Un objectif largement «supérieur à celui de l’année dernière de plus de 42 000 têtes», a dit Dame Sow, directeur de l’Elevage.
Selon le directeur Sow: «Au lendemain de la Tabaski, les invendus enregistrés à Dakar sont estimés à 64 900 sujets sur un total de 150 000 au niveau national». Pour ce qui est des plus importants points de méventes, il liste entre autres points, le stade Léopold Sédar Senghor et les foirails traditionnels (parc des petits ruminants Sotiba, foirail Diamaguene, foirail Rufisque, foirail Keur Massar).
A la question de savoir est-ce la cherté ou conjoncture économique qui justifie le nombre élevé d’invendus, le directeur fait valoir comme explication, le niveau exceptionnel d’approvisionnement du marché national cette année comparable à 2017 et 2018 où on a enregistré également un effectif très important de reliquats sur les marchés. A l’en croire: «Un facteur comme l’autoproduction de moutons de Tabaski qui revient de plus en plus dans les pratiques devrait être prise en compte dans l’analyse».
Pour ce qui est des prix, souligne-t-il: «La loi de l’offre et de la demande s’appliquant à ceux-ci ont fortement baissés dans les 48 heures lorsque les clients ont commencé a acheté dans une situation où l’offre était plus que suffisante. De plus toutes les catégories de moutons ont été proposées, accessibles à toutes les bourses». Pour ce qui est de la libération et du nettoyage des sites, le directeur dira: «Les visites faites au niveau des points de ventes ont permis de constater que la plupart des opérateurs concernés sont repartis, un certain nombre de patiente encore un peu et sont en train de vendre aux populations qui probablement vont les élever. Ceux qui sont dans les points de vente provisoires vont incessamment quitter les lieux soit pour chez eux ou alors dans les traditionnels foirails pour faciliter l’UCG de faire le nettoyage».
SI MACKY SALL DECIDE DE SE PRESENTER, LA REGION OUEST-AFRICAINE VA EXPLOSER
Alors que le débat est de plus en plus agité, le professeur d’histoire à l’université de Columbia (États-Unis), Mamadou Diouf met en garde le chef de l’Etat, Macky Sall et ses partisans sur une possible 3eme candidature.
Alors que le débat est de plus en plus agité, le professeur d’histoire à l’université de Columbia (États-Unis), Mamadou Diouf met en garde le chef de l’Etat, Macky Sall et ses partisans sur une possible 3eme candidature.
Invité de l’émission Objection de la radio Sudfm (privée) hier, dimanche 2 août, l’enseignant chercheur est formel en indiquant que «si le président Macky Sall se présente pour un 3e mandat, l’Afrique de l’ouest va exploser».
Face à notre confrère Baye Oumar Guèye, Mamadou Diouf qui analysait le contexte actuel sous régional ouest africaine marqué par des foyers d’instabilité notamment au niveau du Mali, Guinée, Burkina Fasso, Niger, Nigéria, a indiqué que les conséquences d’un troisième mandat du président Sall au Sénégal pourraient tout simplement faire basculer dans la violence toute cette partie du continent africain déjà confronté à des mouvements radicaux. «Si le président Macky Sall décide de se présenter pour un troisième mandat, la région ouest-africaine va exploser. Ça c’est évident. Ça va être une explosion terrible» a-t-il prévenu en précisant que cela serait une crise de trop dans une région déjà très instable aussi bien sur le plan politico-institutionnel que sur le plan économique. Par ailleurs, le professeur d’histoire à l’université de Columbia (États-Unis) a également salué le rôle avant-gardiste de feu Babacar Touré rappelé à Dieu le dimanche 26 juillet dernier.
Après s’être incliné devant sa mémoire, Mamadou Diouf a indiqué au sujet du défunt Pdg du groupe Sud communication qu’en plus d’être le pionnier de la presse privée indépendante au Sénégal et en Afrique francophone à travers ses organes (un journal et une radio non partisans), Babacar Touré était également un homme de confiance qui avait des amis parmi les gens qui étaient au pouvoir de même que dans l’opposition et parfois même ceux qui incarnaient son aile dure.
Par SIÉ OFFI SOME
ADIEU LE CONDISCIPLE, ADIEU L’AMI
Babacar Touré qui est décédé le 26 juillet 2020 a commencé sa carrière professionnelle à Enda Tiers-monde, en 1979, au sortir de sa formation professionnelle au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI).
Désormais, la Maison de la presse à Dakar va porter le nom de Babacar Touré. Une décision prise par le président Macky Sall, en hommage à l’ancien président-fondateur du Groupe Sud Communication et ancien président du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA). Babacar Touré qui est décédé le 26 juillet 2020 a commencé sa carrière professionnelle à Enda Tiers-monde, en 1979, au sortir de sa formation professionnelle au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI). Comme journaliste, il avait ainsi participé au lancement du périodique «Vivre Autrement». A ses côtés, Sié Offi Somé qui fut aussi son condisciple au CESTI. SOS, comme l’appelait Babacar, revient sur son parcours avec son «ami» et sur ces moments durant lesquels les idées avancées par Enda Tiers Monde étaient marquées d’originalité et préfiguraient les transformations fondamentales (consommation, énergie, environnement, etc.), qui sont toujours actuelles pour nos sociétés.
«J’ai connu Babacar en octobre 1976, à Dakar, au CESTI. Babacar Touré faisait partie d’un groupe de sept Sénégalais, Ibrahima Fall, Martin Faye, Mamadou Koumé, Sidy Gaye, Ibrahima Souleymane Ndiaye et Fatoumata Sow. Nous étions la septième promotion. J’avais choisi la presse écrite et je m’intéressais au secrétariat de rédaction. J’avais ainsi eu à coordonner la publication des suppléments de journaux-école que nous faisions, aussi bien à Dakar qu’à Montréal. A la fin de notre formation, je suis retourné au Burkina (à l’époque Haute-Volta).
En 1984, Babacar Touré, qui était alors à enda tiers monde, m’avait demandé si j’étais intéressé à travailler dans une revue en gestation comme secrétaire de rédaction. En mars 1984, j’ai intégré la petite équipe de la rédaction de «Vivre Autrement» dirigée par Jacques Bugnicourt, le Secrétaire exécutif d’Enda Tiers Monde. Il y avait Diana Senghor, rédactrice en chef, Babacar Touré, rédacteur et moi comme secrétaire de rédaction. Charles Diagne en était le maquettiste pigiste. Babacar Touré, a contribué à au lancement du journal en parcourant quelques pays d’Afrique de l’Ouest francophone pour faire sa promotion.
En somme, mettre en place un réseau de distribution, identifier des collaborateurs éventuels et récolter les sujets susceptibles d’intéresser le lectorat. La revue voulait impulser une autre façon de traiter l’information en mettant l’accent sur l’analyse de grandes thématiques économiques et sociales comme l’école, l’énergie domestique, l’agriculture, la consommation, les valeurs sociales, etc. Elle aura des de la peine à s’imposer dans une Afrique de l’Ouest en proie à des régimes politiques rigides, avec une liberté d’expression surveillée. L’équipe était également réduite et le réseau de correspondants peu dynamique.
Avec les lenteurs administratives et les difficultés financières d’Enda Tiers Monde, la revue «Vivre Autrement» ne parviendra pas à s’imposer comme un journal grand public. Au bout de quatre numéros, réalisés dans des conditions éprouvantes, Babacar Touré, avait décidé d’aller tenter une autre expérience.
C’est ainsi qu’il va lancer, avec d’autres journalistes sénégalais, mais pas seulement, «Sud Magazine», embryon de ce qui est aujourd’hui le Groupe Sud Communication. Diana Senghor, la rédactrice en chef de «Vivre Autrement», elle, ira à Paris pour diriger l’Institut Panos qui s’installait alors en Afrique francophone. «Vivre Autrement», de journal à vocation grand public va devenir, au début des années 90, un périodique militant, le porte-voix du mouvement consommateur qui émergeait sur le continent.
En mars 1992, c’est à mon tour de quitter «Vivre Autrement», et Enda Tiers Monde pour regagner mon pays. Babacar Touré, l’ami J’ai gardé d’excellentes relations avec Babacar Touré Je suis resté en contact régulier avec lui.
Après l’expérience d’Enda Tiers Monde, j’avais eu l’occasion de le revoir plusieurs fois, lorsque je passais à Dakar au cours de mes voyages professionnels. Il me faisait l’amitié de m’inviter à la maison. S’il ne le pouvait pas, il faisait l’effort de passer me voir dans l’hôtel où je descendais. En 2004, alors que je travaillais comme chargé de projets à Terre des Hommes Allemagne au Burkina, j’étais tombé gravement malade. Il fallait m’évacuer à l’étranger pour des soins appropriés assez coûteux.
Dans la chaîne de solidarité qui s’était constituée à l’occasion, Babacar Touré avait été l’un des maillons forts. Il avait travaillé alors en tandem avec Gary Engelberg, un autre ami disparu en août 2019. Babacar, dans la discrétion, avait activé également son réseau pour contribuer à réunir la somme nécessaire. C’est donc dire si, pour moi, la disparition de Babacar, ce 26 juillet 2020, est une perte éprouvante. Notre dernière rencontre remonte à 2009, lors d’un séjour professionnel à Dakar.
C’est cette année-là que nous nous sommes revus après ma convalescence. Il revenait, m’avait-il dit, d’un long voyage à l’intérieur du Sénégal. Il avait tout de même tenu à venir me voir. C’est la seule fois où, parlant de mon état de santé à moi, il avait – brièvement- évoqué le sien, mais en n’y attachant pas beaucoup d’importance. Je lui avait tout de même conseillé de se ménager. En rigolant, il m’avait assuré de ce que cela n’était pas bien grave. Nous ne nous sommes plus revus depuis. Nous échangions de temps à autre au téléphone et par mail. Et c’est justement en voulant le taquiner dans la journée du lundi 27 juillet dernier, à l’occasion de l’Aid el Kébir, que j’ai vu le triste message de notre ami et condisciple Mamadou Koumé m’annonçant sa mort la veille, le dimanche 26 juillet. Babacar, SOS (comme tu aimais à m’appeler) te dis « Repose en paix ! »
SIÉ OFFI SOME
SECRÉTAIRE DE RÉdACTION DE «VIVRE AUTREMENT» à ENdA TIERS MONDE (1984-1992) SIEOFFISOME@GMAIL.COM
Par Mamadou WANE
ADIEU, ETOILE FILANTE !
Je ne saurais malheureusement parler de Babacar Touré que sous la toge du ‘’je’’. Aussi ‘’méprisable’’ soit-il, pour utiliser un terme du philosophe français Blaise Pascal, fasciné comme Babacar Touré le fut, par la ‘’mort’’.
‘’Le courage, c'est d'agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l'univers profond, ni s'il lui réserve une récompense’’. Jean Jaurès
Je ne saurais malheureusement parler de Babacar Touré que sous la toge du ‘’je’’. Aussi ‘’méprisable’’ soit-il, pour utiliser un terme du philosophe français Blaise Pascal, fasciné comme Babacar Touré le fut, par la ‘’mort’’. ‘’Je’’, parce que chaque fois qu’un être qu’on aime nous quitte, c’est toujours une partie de nous-même qui meurt.
Et les mots échouent à remplir l’énorme vide des maux, l’abime sous nos pieds, qui nous rappelle que nous sommes comme tous les vivants sur terre, appelés à mourir… A partir, sans jamais revenir, et ne vivre que dans les souvenirs évanescents de ceux qui vous aiment, jusqu’à ce qu’eux-mêmes oublient avec le temps ou… la mort elle-même. C’est une grande tristesse de constater que même les plus belles ‘’étoiles’’ qui illuminent nos vies, finissent par s’éteindre, de la même manière.
Et que la poésie des mots, les hommages aussi éloquents soient-ils, les oraisons funèbres et les statues, ne peuvent cicatriser la blessure qui fend nos cœurs en de pareilles circonstances. Je m’en vais raconter une anecdote, qui se passe à la morgue de l’hôpital Principal de Dakar. Nous venions, vers une heure du matin, déposer la dépouille mortelle d’Amath Dansokho, qui fut son grand ami.
Dans le stress qui a suivi l’annonce de la mort de cet autre ‘’géant’’, Babacar Touré en avait oublié ses médicaments à Ngaparu et ne se sentait pas bien. Mes épaules pourraient en témoigner car chaque fois qu’il faiblissait, c’est vers elles que ses bras venaient prendre appui, pour reprendre l’équilibre. Et ce commentaire presque chuchoté, devant le corbillard qui avait ouvert ses portes : ‘’Finalement, c’est ça !’’, ‘’la mort, l’ultime vérité que nous fuyons tous les jours… Nous courons toute notre vie pour en arriver là’’. On était tous saisi d’émotion au moment où le corps d’Amath est extrait du corbillard pour la chambre froide de la morgue. Il faisait très chaud en cette soirée hivernale du 23 août 2019 et son corps était tout dégoulinant de sueur. C’est lui qui me dépose ce soir-là, vers 2 heures du matin chez moi. Nous étions tous les deux installés à l’arrière de la voiture. Babacar avait pleuré en silence, pudiquement. Ça a duré quelques secondes ou une éternité. En quittant pour Ngaparu, il me dit ceci : ‘’je ne viendrai pas demain à la levée du corps…’’.
En vérité, Babacar Touré avait coupé bien des fils, ces dernières années, se repliant dans son ‘’ile’’, à Ngaparu qui était devenu pour lui, une sorte de sanctuaire. Bien avant que la Covid 19 n’impose sa loi de fer, il était devenu un solitaire qui ne se connectait que par téléphone au monde des hommes. Il choisissait ses interlocuteurs et pouvait rester avec eux au téléphone de longues minutes durant. Solitaire, mais vigilant, très informé, lucide et… solide dans la tête.
Les nombreuses vies qu’il a eues dans sa riche carrière professionnelle depuis la naissance de Sud, les épreuves traversées surtout sous le règne du Président Wade qui s’était juré de détruire Sud après la publication du livre d’Abdoulatif Coulibaly, ‘’Wade, un opposant au pouvoir…’ l’expérience de la maladie (il se savait fragile), tout cela avait fini par forger chez l’homme, un regard perçant et froid sur la société sénégalaise et le devenir du monde. Il faut le dire, malgré son naturel optimiste qui se traduit dans sa joie de vivre dont peuvent témoigner ceux qui le connaissent bien, Babacar Touré était incommodé – que dis-je, meurtri par la décomposition sociale créées par la montée en puissance de valeurs décadentes.
Le Sénégal est sur une mauvaise pente. Cette vision de Nboumbélane (le Sénégal sous forme métaphorique), cristallisée dans son dernier papier, publié en deux jets dans les éditions 8145 et 8146, les 13 et 14 juillet derniers, ‘’De la Culture au Culte de Violence’’ est à la fois une diatribe et une invite à une réelle et profonde introspection. Morceaux choisis : ‘’ A côté de la Téranga sénégalaise tant vantée, se distille une culture de violence atavique, qui ne cherche que la moindre occasion pour s’exprimer, y compris de la plus hideuse et la plus cruelle des manières’’. Une violence qui trouve ses racines dans Ndoumbélane, ‘’ce royaume magique sorti de l’imaginaire de deux monstres sacrés de notre littérature, Léopold Sédar Senghor et Abdoulaye Sadji. C’était au temps où les animaux parlaient. Leuk-le-lièvre, rusé, espiègle et gouailleur, représente le Sénégalais de notre époque. Il tient de Kakatar- le caméléon, toujours aux aguets, doté d’ yeux à mobilité indépendante, d’une capacité à changer de couleur à des fins de communication (séduction) et de camouflage. La nature a également pourvu ce reptile d’une langue protractile à même d’attraper sa proie, comme le font certains compatriotes passés maîtres dans l’art de médire, d’affabuler et de jeter en pâture d’honnêtes citoyens, parfois par méchanceté envieuse, souvent par mesquinerie gratuite’’
Le Sénégal tel que rendu par nos contes. La caricature prend racine dans la réalité vécue. Plus précisément, la chute se manifeste par le pourrissement des valeurs porteuses de progrès et de prospérité. ‘’De la chance, plutôt qu’une licence (d’enseignement) ou le hasard plutôt que l’effort, l’argent de la débrouille plutôt que gagné honnêtement, à la sueur de son front ou avec la « force de ses bras », résume cette mentalité de plus en plus partagée dans notre société, notamment dans sa frange jeune…’’, écrit Babacar Touré.
N’échappe pas à sa plume, ‘’ces brigades du Net préposées à une cyberguerre peu glorieuse et dégradante, à la solde de politiciens, d’hommes d’affaires de lobbies, etc., (qui) envahissent l’espace viral pour distiller leur venin’’, dans un contexte d’un déficit de leadership à tous les niveaux de la société, de la cellule familiale au sommet de l’Etat. La loi, ce n’est pas l’arbitrage, mais le ‘’laisser-faire’’ et le ‘’laisser-aller’’. Même s’il fait un petit clin d’œil aux acteurs souvent méconnus d’une ‘’histoire sublimée par de hautes œuvres d’hommes et de femmes exceptionnels et exemplaires qui font la fierté et la bonne réputation de notre pays’’, le constat reste bien amer. On est mal barrés.
La vraie générosité de Babacar Touré réside à notre avis dans ce courage qu’il a de rendre visibles les zones de faiblesse de notre société, qui sont autant de fausses notes à l’émergence réelle. C’est le cadeau post mortem qu’il offre aux jeunes. Il faudra relire les écrits de cet homme très sensible et intéressé à l’avenir de la jeunesse sénégalaise et africaine. Les latins ne disent-ils pas : ‘’qui bene amat, bene castigat’’ (Qui aime bien châtie bien). Personnellement, j’ai eu la chance de croiser dans ma vie, cet homme, alors que j’avais juste 28 ans. Mais je ne l’expérimente qu’en 2000, après l’arrivée de Wade au pouvoir. Ma vie serait, sans aucun doute, différente si cette étoile n’avait pas visité mon jardin. Il m’a réellement aidé à ouvrir bien grands les yeux, à rester lucide, résilient et surtout libre.
Son trait de caractère dominant, après sa folle générosité, est son attachement à la liberté. C’est parce qu’il est fondamentalement libre, qu’il peut se battre pour l’irradier autour de lui, dans la société qui l’a vu naître. Cela lui a permis de se faire des amis au plus haut sommet de la pyramide sociale. Me vient en souvenir ce dîner avec le Président Guinéen Alpha Condé, en octobre 2011. Nous étions en train de manger du ‘’poulet sans hormones’’, comme aime bien dire le président guinéen. Il y avait les membres de son cabinet et Babacar Touré engage une discussion avec Alpha Condé, son ‘’grand ami’’.
Le débat finit en disputes entre les deux amis qui s’apprécient. ‘’Tu racontes des histoires Alpha’’, lui lance Babacar Touré. Un à un, les membres de son cabinet s’éclipsent et il ne restait que les deux amis rigolant et s’injuriant, sous nos yeux. Baye Omar (pour qui il avait une grande affection) et moi-même ont été témoins de cette scène qui renseigne de l’amitié entre les deux hommes mais aussi de l’absence de complexe et la force de caractère de Babacar Touré. Puisses-tu, cher ami, reposer en paix pour l’éternité !
Par Madiambal DIAGNE
BABACAR TOURÉ A FINI PAR FAIRE CE QU’IL NE SAVAIT PAS FAIRE, NOUS TRAHIR !
La disparition de Babacar Touré laisse sans voix. C’est une de ces situations lors desquelles on ne cesse d’interroger le décret divin, qu’on ne s’empêche de repenser à tous les moments partagés avec la personne disparue et qu’on n’arrive pas à comprendre
La disparition de Babacar Touré laisse sans voix. C’est une de ces situations lors desquelles on ne cesse d’interroger le décret divin, qu’on ne s’empêche de repenser à tous les moments partagés avec la personne disparue et qu’on n’arrive pas à comprendre. Le choc est violent pour tous ceux qui y ont eu à connaitre, pratiquer, apprécier et aimer BT.
L’homme, par sa courtoisie, son entregent, son humanité et son altruisme, avait fini d’être, pour beaucoup, un interlocuteur passionné, une oreille attentive, un pacificateur discret. Il avait tellement habitué son monde à sa présence marquante que dans notre for intérieur, nul ne pouvait s’imaginer un jour sans la bienveillance de BT.
Babacar Touré laisse un vide, celui que laisse un pionnier et un militant des libertés et de la démocratie qui n’a ménagé aucun effort pour faire du Sénégal une terre de débat public de haut niveau, de démocratie à travers une expression de voix plurielles, de gouvernance orthodoxe avec une transparence dans la présentation des faits et de la chose publique. Babacar Touré est comparable dans ses combats, à un puits dont l’œil se trouve en lui-même. Il agissait par la force de ses convictions, de sa foi en un idéal démocratique, et dans une nécessité de concilier toutes les contributions utiles à la construction des nations africaines et de leurs citoyens. Albert Camus disait à propos de René Char, ce qui suit : «J’aime votre bonheur, votre liberté, votre aventure, en un mot et je voudrais être pour vous le compagnon dont on est sûr, toujours.» Ces mêmes mots peuvent être lus à Babacar Touré, car il s’est fait aîné et compagnon, a guidé des pas, a motivé et encouragé toutes les aventures constructives dans lesquelles des personnes décidaient de se lancer en sollicitant ses conseils. En observateur averti et acteur de première ligne, il ne manquait aucune occasion de recadrer par un discours franc et véridique, de suggérer des voies plus à même d’apporter des résultats bénéfiques pour le plus grand nombre. Tout cela, avec une joie de vivre et un humour sans égal.
UN BERGER VIENT DE TOMBER, LE CŒUR DES JOURNALISTES EST EN LARMES*
Le Sénégal a perdu en la personne de BT un de ses meilleurs fils. Son œuvre et son service seront à jamais ici pour témoigner du grand homme que fut Babacar Touré. Chaque jour qui passe, cette perte se fait de plus en plus pesante et le vide nous rappelle à quel point cette vie ici ne tient qu’à un fil. «Le jour où l’un de nous disparaîtra, l’autre ne saura plus à qui parler de certaines choses.» Ce mot de Picasso à Matisse est plus que parlant pour tout ce que BT fut pour nous, pour le vide qu’il laisse et pour tout l’amour et l’estime qu’on ne pourra plus lui témoigner de vive voix à chaque détour de conversation. En novembre 2017, j’avais fait de Babacar Touré l’invité spécial des Assises de l’Union internationale de la presse francophone (Upf) à Conakry. Il fallait rendre hommage à ce monument des médias et cet inspirateur de nombre de fondateurs d’entreprises de médias et d’écoles de formation de journalistes en Afrique. Je l’avais apostrophé par ces mots : «Je voudrais saluer la présence de mon ami Babacar Touré. Son déplacement à Conakry pour venir prendre part à notre manifestation me va droit au cœur. BT, c’est comme cela que nous l’appelons, est un monument de la presse africaine. C’est un précurseur de la création d’entreprises de médias libres et indépendants en Afrique. C’est un grand professionnel qui nous inspire par sa sagesse, sa rigueur professionnelle et morale mais aussi par sa générosité, son sens du partage. De toutes les personnes que je pratique, il m’est le plus proche par l’identité de vues et par l’empathie qu’il me manifeste. Je vous demande de le saluer chaleureusement ». La salle lui réserva une forte et longue ovation. BT n’avait pu contenir son émotion. A la fin de la cérémonie, il me prit par la main pour dire: «Je te dispense d’une oraison funèbre à ma mort ». Ma réponse a été : «On a le temps de voir venir car ce ne sera pas avant vingt-cinq ans». Le Président Alpha Condé voulait nous l’arracher pour l’amener déjeuner avec lui, Babacar lui dira : «Alpha, je reste avec les miens». La réplique du chef de l’Etat guinéen ne se fit pas attendre et dénota le degré de leur amitié et de leur familiarité. Tout cela avait fini par de fous rires.
BABACAR PRÉPARAIT CHAQUE JOUR SA PROPRE MORT
Babacar Touré ne pensait sans doute pas rester sur terre jusqu’à l’âge de 69 ans. En 2011, pour fêter ses 60 ans, sa famille lui avait offert une petite fête. Babacar y invita quelques amis dont Mansour Cama qui nous a lui aussi quitté hier. La fête était très sympathique. Jusqu’à ce que Babacar la gâcha quelque peu. Il se réjouissait de fêter ses 60 ans d’autant qu’il n’espérait pas trop arriver jusqu’à 70 ans. Il venait de sortir d’une pénible période durant laquelle son pronostic vital avait été des plus pessimistes.
Avec son sens de l’autodérision, Babacar Touré fit en quelque sorte son legs testamentaire. Des années ont passé et Babacar reprit sa vigueur. Ces derniers mois, Babacar Touré restait cloitré dans sa résidence de Ngaparou. Il s’imposait l’isolement, la réclusion même, comme mesure de prophylaxie contre la pandémie du Covid-19. Mais Babacar s’inquiétait plus pour nous autres en nous prodiguant à chaque conversation téléphonique de faire attention, d’éviter les contacts et de prendre garde à la maladie. Subitement, Babacar a été piqué par on ne sait quelle mouche. Il prétexta du décès de la maman d’un ami de jeunesse pour se déplacer. Il fera un détour jusqu’à sa nouvelle résidence à Touba. Il fera le tour pour saluer du monde et improvisa un déplacement à Porokhane où il voulait bâtir une demeure et à Foundiougne pour aller voir ses neveux et nièces qu’il n’avait pas revus depuis quelques temps. Il fera des sorties pour offrir des ambulances aux populations de Ngaparou et prit de temps en temps la liberté de faire des promenades, disant en avoir marre de rester enfermé. Je lui criais dessus pour ces escapades et il s’en sortait par une pirouette: «Ndok samarak». (Ndlr: tant pis jeune frère). Il m’appela et je boudai ses appels, bien que j’avais bien envie de lui parler. Il m’envoya un message pour me dire que je suis sadique en le torturant de la sorte. C’était reparti pour de fous rires ! Je lui avais présenté des amis étrangers qui étaient intéressés de participer à son projet d’installation d’un centre de remise en forme à Ngaparou. Babacar disait que c’était son dernier projet sur terre. Je devais retourner à Ngaparou avec ces amis qu’il recevait généreusement à sa table.
Pour le taquiner, je lui commandais de la grillade de viande de gazelles «oryx» pour faire tendance. Il répondit: «Je n’ai pas possédé des gazelles oryx mais j’aurais pu vous servir de la viande de lama si je n’avais pas vendu mes bêtes entre temps». Comment a-t-il pu faire ça? Babacar Touré s’était débarrassé de ses nombreuses espèces d’animaux rares et de son cheptel de bovins parce que disait-il, à sa mort sa famille ne pourrait pas s’en occuper et il ne souhaitait pas faire souffrir les pauvres bêtes. Le dimanche 12 juillet 2020, il me fit l’amitié de me faire lire un texte, qu’il a prévu de publier le lendemain et intitulé « Le Sénégal entre défi et déni ». Il me disait : «Puisque tu as pris un congé pour tes «Lundis» j’assure ton intérim». Le texte était exquis, sublime même. Je le rappelais après la lecture pour lui dire que le lecteur ne saurait lâcher cet intérimaire de luxe et qu’il devra continuer à nous gratifier d’aussi profondes et pertinentes réflexions. Il ne voulait envisager cette perspective. J’insistai et il chercha à s’en sortir par une pirouette disant : «Mettons cette question au registre de nos divergences irréconciliables». Un tel registre ne saurait exister. J’eus la prétention de lui «ordonner» de faire ses papiers le «Mardi», après les miens du «Lundi».
Avec son sens de la répartie, il me dit «Tu veux que je te fasse du «felu» (Ndlr: un mot wolof qui traduit le geste d’un danseur qui entre sur la scène pour prendre le relais ou pour féliciter un autre danseur épatant). Qu’à cela ne tienne! Il rajouta: «Et ce sera Talata. Tu voudrais que je fasse du Talata » (Ndlr: le jour du mardi est nommé talata en wolof mais ce mot peut aussi signifier donner une gifle». La discussion se termina par un fol éclat de rires. En écrivant ces lignes, je dois avouer que je suis envahi par l’émotion car je ne pouvais pas m’imaginer qu’en reprenant mes chroniques, je le ferai avec une oraison funèbre à la mémoire de Babacar Touré.
Le 13 juillet 2020, je commentais avec lui son article. Nous nous parlions plusieurs fois dans une même journée et pendant de longs moments. Je lui fis part de la volonté d’un ami Marocain de le prendre comme un associé dans un grand projet immobilier à Touba. Babacar Touré n’était pas intéressé par le partenariat, indiquant que pour ce qu’il lui reste à vivre il ne voudrait pas se lancer dans des projets qui lui boufferaient sa vie. C’était Babacar Touré qui avait introduit, quelques mois auparavant, ces investisseurs auprès du Khalife Général des Mourides, Serigue Mountakha qui d’ailleurs, s’en était félicité et avait béni le projet. Serigne Mountakha avait indiqué l’emplacement où ce projet immobilier devait être érigé et avait annoncé qu’il donnerait le ton à la communauté Mouride en achetant directement des villas. Serigne Mountakha considère qu’un tel projet participerait à moderniser la ville de Touba. Le 15 juillet 2020, en fin de journée, Babacar Touré me confia qu’il ne se sentait pas trop bien, qu’il ressentait de la fatigue suite à ces derniers déplacements. Je lui conseillais de penser à faire un test de paludisme. Il chambra à nouveau avec son autodérision: «Je ne pense pas supporter un gros paludisme encore moins le fichu Covid-19». Il se révéla que Babacar Touré sera emporté par le Covid-19. Quand on se rappelle ces petites discussions et anecdotes, ajoutées à celles vécues avec lui par d’autres proches, on mesure la banalité de l’être humain mais surtout on réalise a postériori que Babacar Touré nous faisait subtilement ses adieux à chaque occasion.
UNE MAISON DE LA PRESSE SI BIEN NOMMÉE
Le secteur des médias a tout donné à Babacar Touré, mais Babacar Touré le lui a rendu au centuple. C’est en reconnaissance à son mérite que le Président Macky Sall avait choisi Babacar Touré pour être le premier professionnel des médias à avoir l’insigne honneur de diriger le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) du Sénégal. Le choix était judicieux et unanimement salué à travers le Sénégal et le monde. Durant tout son mandat à la tête du Cnra, Babacar Touré a su conforter le sentiment que le président Sall ne pouvait pas faire un mieux choix. Babacar Touré, avec son panache naturel, a réussi sa mission avec brio.
En quittant le Cnra, Babacar Touré avait fini de mettre la dernière main sur tous les projets de textes de réforme du secteur des médias. Le meilleur hommage à lui rendre serait sans doute de conduire à terme les réformes préconisées au grand bénéfice du secteur des médias. En reconnaissance à son oeuvre, le président Macky Sall qui l’avait déjà honoré de son vivant, a tenu à donner le nom de Babacar Touré à la Maison de la Presse du Sénégal. Aux personnes qui tenaient à remercier le chef de l’Etat pour ce geste, Macky Sall a répondu: «Damay motali kolëre». C’est dire toute l’admiration, l’estime et l’affection qu’il avait pour celui qu’il appelait «le grand». Babacar Touré avait un sens élevé de l’amitié et de la loyauté, mais il aura fini par nous trahir tous, en partant pour toujours et au moment où nul ne s’y attendait. Il avait une obsession, celle de voir sa dépouille exposée à la face du monde.
Repose en paix BT, ta volonté a été scrupuleusement respectée !
*Cet intertitre est inspiré par la chanson de Enrico Macias en hommage au président Anouar El Sadate.
EXCLUSIF BENINPLUS - Il y a peine à ne pas hurler « y a-t-il un adulte dans la maison rupture, pour parler au chef de l’Etat ? » ; lui expliquer que cette notion provinciale du développement en porte-à-faux avec les libertés et droits humains, est ridicul
Un cul-de-sac, également appelé, une impasse, est un passage avec une seule entrée ou sortie. Dans le jeu d’échecs, l’impasse est une situation où le joueur dont c’est le tour de se déplacer n’a aucun mouvement légal.
Ici, impasse est en référence au contexte dans lequel une résolution ou une action supplémentaire semble très difficile ou improbable pour tous. Force est donc de constater en ce jour où nous célébrons soixante ans d’indépendance que nous sommes dans l’impasse au Benin, dans un cul-de-sac, socio-économique et politique de tout point de vue.
Sur le plan socio-économique, même si on nous parlera désormais de « pays à revenu intermédiaire de tranche inferieure », (après les bisbilles du « rebasage » économique) ou « d’asphaltage », ne nous y méprenons pas ; la pauvreté reste rampante. Les emprunts frénétiques et récurrents, les impositions et taxations tous azimuts, les licenciements massifs, les fermetures d’entreprises fréquentes, des chômeurs par milliers, un système éducatif tangentiel, la fermeture des frontières avec le voisin fortuné de l’est, la baisse drastique du trafic portuaire, les purges au sein de l’armée, la chute du coût mondial du Coton, l’isolement diplomatique, l’embastillement, le déni de justice, la fuite des capitaux, l’incapacité d’accompagnement social de COVID-19 que sais-je d’autre… sont des signes avant-coureurs d’une situation socio-économique sans issue, un cul-de-sac.
Au plan politique, le constat est sans ambages. Le pays ne peut pas, avancer ou faire des progrès depuis que subsiste l’exclusion qui a conduit à la crise post-électorale de mai 2019 ou plusieurs enfants du Benin ont connus la morts, la population est tétanisée.
Des lois crisogenes, une constitution non consensuelle, une Assemblée nationale illégitime, des élus communaux désignés, des institutions sans crédibilité, des exilés, des résistants, des opposants, des opposants faire-valoir, des partisans, des partisans faire-valoir, des candidats sans parrains, des parrains sans candidats; une présidentielles élusive … autant d’indices patents d’un contexte politique boueux où aucun progrès ne peut être réalisé en raison d’un désaccord fondamental. En somme, il s’agit d’une impasse, d’un cul-de-sac.
Il y a peine à ne pas hurler « y a-t-il un adulte dans la maison rupture, pour parler au chef de l’Etat ? » ; lui faire prendre toute la mesure du contexte socio-économique alarmant et surtout lui expliquer que cette notion provinciale du développement qui existerait exclusif d’un ordre démocratique ou en porte-à-faux avec les libertés et droits humains, est ridicule et sans mérite. « Y a-t-il un adulte dans la maison rupture pour rappeler au chef de l’Etat » si le rêve est toujours d’être « porté en triomphe à la fin de son premier et unique mandat » comme dans un cul-de-sac, il devra se retourner car la porte de sortie est la même que la porte d’entrée… la restauration de l’ordre démocratique et républicain.
Ambassadeur Arouna, MBA est Managing Partner chez USAFCG, fondateur et PDG de Global Specialty (GSL), ancien ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Bénin aux États-Unis d’Amérique, et représentant du Bénin au Mexique et à l’Organisation des États américains. Il est un expert reconnu des investissements du secteur privé en Afrique, des relations gouvernementales et des relations entre les États-Unis et l’Afrique.