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18 juillet 2025
LES SCANDALES EN SÉRIE DU SECTEUR DE LA PÊCHE
Pendant combien de temps le Sénégal gardera-t-il encore la souveraineté de ses ressources halieutiques ? L’octroi de licences de pêche à tout-va sous le magistère de différents ministres, menace la sécurité alimentaire de milliers de Sénégalais
A chaque nomination à la tête du ministère de la Pêche et de l’Economie maritime, de nouveaux espoirs s’emparent des acteurs locaux de la pêche. En novembre 2019, Alioune Ndoye, nouvellement nommé pour diriger ce département ministériel, en avait suscité. Seulement, lui aussi ne fait guère exception et semble promis à décevoir les quelques ambitieux de son secteur. Six mois après sa mise en place, il s’inscrit déjà dans la voie tracée par certains de ses prédécesseurs empêtrés dans des polémiques d’attribution de licences de pêche à des bateaux étrangers. De sorte qu’au département de la Pêche, les ministres passent et les scandales sur les licences de pêche s’enchainent, au grand dam de la disponibilité de la ressource pour la consommation locale.
Ce n’est pourtant qu’une dizaine de jours après son installation comme ministre de la Pêche et de l’Economie maritime que l’ONG Greenpeace Afrique, dans une lettre ouverte, alertait Alioune Ndoye sur des ‘’choix inappropriés des politiques menées et la non-application des textes réglementaires et documents stratégiques" qui impactent ‘’négativement’’ les communautés de pêcheurs. Ces ‘’choix inappropriés’’ constituent une menace supplémentaire pour les stocks de poisson déjà surexploités, selon les conclusions de la dernière campagne menée par le Centre de recherche océanographique Dakar-Thiaroye (CRODT).
Ces choix concernent, entre autres, l’attribution d’autorisations aux unités de production de farine de poisson qui constituent une réelle menace et surtout celle des licences de pêche à des bateaux étrangers pour pêcher dans les eaux sous juridiction sénégalaise.
Aujourd’hui, l’ONG s’associe au Groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal (GAIPES) pour dénoncer une probable attribution de 52 licences de pêche à des bateaux d’origine chinoise et turque. En effet, dans une lettre adressée au ministre, les armateurs s’offusquent de voir ‘’13 demandes de promesses de licences’’ sur des ressources démersales côtières dont l’octroi de nouvelles licences dans le secteur a été gelé depuis 2006, et sur des ressources en petits pélagiques côtiers, déjà surexploitées et réservées aux pêcheurs artisanaux. Plus grave, alerte le GAIPES, les 39 demandes de navires ont été introduites sur l’espèce merlu, avec une ressource à la limite de la surexploitation.
Tout ceci vient s’ajouter au fait qu’entre 2018 et 2019, plusieurs dizaines de licences avaient été accordées dans le plus grand secret et sur un type de pêche (‘’chalutier de pêche démersale profonde option poisson et céphalopode’’) qui n’existe ni dans le Code sénégalais des pêches ni dans son décret d’application. La commission mise en place pour tirer cette histoire au clair n’a toujours pas encore rendu ses conclusions, que de nouvelles licences sont agitées.
La conservation de la ressource jamais priorisée
Ces licences, signées entre 2018 et 2019, l’auraient été sous l’ex-ministre Oumar Guèye. Une démarche d’autant plus incompréhensible que, face à la rareté de plus en plus observée de la ressource, le Sénégal se démerde auprès de ses voisins disposant de côtes maritimes, pour trouver des licences de pêche pour ses ressortissants. Les dernières complications sur de pareils accords avaient débouché sur les scènes de violence survenues le 4 février 2020 à Saint-Louis, au cours d’une manifestation de pêcheurs à Guet-Ndar, réclamant des licences de pêche pour accéder aux eaux maritimes mauritaniennes.
Dans ce contexte, comment comprendre que le Sénégal puisse accorder des licences sur les maigres ressources qu’il lui reste pour nourrir des milliers de citoyens ?
Peut-être avec son prédécesseur. Entre septembre 2013 et juillet 2014, Haïdar El Ali occupe la tête du ministère de la Pêche et de l’Economie maritime. Durant son bref passage, l’écologiste signe avec l’Union européenne (UE) un accord qui autorise désormais 38 navires de l'UE à pêcher le thon dans les eaux territoriales sénégalaises, pour un peu plus de 9 milliards de F CFA sur 5 ans. Acculé par les acteurs du secteur et les ONG, le principal intéressé s’en était expliqué : ‘’Je n’ai fait que régulariser une situation anormale. L’Union européenne, depuis 2006, pêche gratuitement dans nos eaux. Voilà que je prends une compense financière pour régulariser cet accord pour lequel l’Institut international de conservation de la ressource thonière (ICAT) m’autorise à pêcher 50 mille tonnes de thon. Je signe un accord pour 14 000 t de thon et ils ruent dans les brancards.’’
Le directeur de l'Oceanium de Dakar en avait même profité pour révéler un protocole thonier signé en 2006, permettant à des bateaux de l’UE de pêcher 15 000 t de poisson par an dans la ressource sénégalaise et cela dans le plus grand secret, alors que l'accord de pêche entre l'UE et le Sénégal était officiellement suspendu.
15 dollars la tonne de poisson
Considérées parmi les plus poissonneuses au monde, les côtes sénégalaises souffrent beaucoup de cette pêche illicite non déclarée et non réglementée (INN) des navires industriels qui jettent leurs filets sans autorisation dans les eaux sous juridiction nationale. Selon une étude de l’Institut d’études de sécurité (ISS) publiée en 2015, le Sénégal perd chaque année 150 milliards de F CFA, conséquence de l’INN. Rien qu’une surveillance efficace des eaux nationales pourrait faire gagner au gouvernement plus d’argent que ce que l’ensemble des licences de pêche octroyées fournit.
De plus, l’obtention d’une licence ne garantit point la pratique d’une pêche licite. Greenpeace dénonce, depuis plus de 15 ans, les pratiques de navires chinois sur de fausses déclarations de leurs prises au Sénégal, en Guinée-Bissau et en Guinée, pour minimiser les redevances à payer à l’Etat. L’ONG évalue cette perte au Sénégal à 372 millions de F CFA entre 2000 et 2014. Et cette somme pourrait ‘’être revue à la hausse, dans la mesure où certaines fraudes pourraient avoir échappé aux enquêteurs’’ de l’ONG.
Le changement de régime en 2012 avait cependant permis aux pêcheurs de se rassurer sur la concurrence des chalutiers étrangers et sur le renouvellement de la ressource halieutique.
Fraichement installé à la tête du ministère, Pape Diouf annonçait l’annulation des autorisations de pêche accordées jusqu'alors à 29 chalutiers étrangers, lors des deux années précédentes par le gouvernement sortant. Ces accords conclus permettaient à des bateaux européens de pêcher moyennant 15 dollars la tonne de poisson.
La période 2010-2012 correspond au passage de Khouraïchi Thiam au département de la Pêche et de l’Economie maritime. L’homme fut certainement l’un des ministres les plus contestés par les acteurs de la pêche locale. Sa gestion du secteur a été marquée par plusieurs accusations d’octrois illégaux de licences de pêche à des bateaux étrangers. L’on se souvient du rapport ‘’Main basse sur la sardinelle’’ de Greenpeace, publié en 2012, accusant l’ex-ministre d’avoir, par l’octroi de licences de pêche à des bateaux russes, fait perdre au Sénégal plus de 7,5 milliards de F CFA et participé à un bradage des ressources halieutiques.
Plus de 7,5 milliards de F CFA perdus, en plus du pillage de la ressource
Le rapport soulignait que Khouraïchi Thiam a ‘’ignoré le droit sénégalais et signé des accords bradant les droits de pêche dans la Zone économique exclusive (ZEE) à des prix trois fois inférieurs à la norme pratiquée dans les pays voisins et très inférieurs à ceux formulés par les armateurs russes en mars 2011’’. Avec la bénédiction de la présidence, le ministre signe au moins 11 protocoles d’autorisation au bénéfice de 4 ‘’consignataires’’ qui servent d’intermédiaires pour le compte des armateurs de 21 chalutiers.
Les scandales liés à l’attribution des licences de pêche à des bateaux étrangers remontent aussi à la gestion du régime socialiste. Après son accession au pouvoir en 2000, le président de la République Abdoulaye Wade exprimait ses préoccupations par rapport à la gestion de l'argent généré par la vente des licences de pêche qui, selon des enquêtes à l’époque de la Division des investigations criminelles (Dic) était directement versé dans des comptes ouverts par la présidence. Une affaire que des responsables libéraux prenaient un malin plaisir à jeter à la figure des socialistes, notamment Ousmane Tanor Dieng, avant la Présidentielle 2012.
Aujourd’hui, la problématique des licences de pêche revient au-devant de scène. Elle permet de remarquer que malgré les régimes politiques changeants, les pratiques restent les mêmes, dès qu’un besoin pressant d’argent se fait ressentir. Préparation d’élections, entretien d’une clientèle politique ou enrichissement personnel, le large sait entretenir son monde loin des regards. Et pas que des marins.
GUINEE, GUINEE-BISSAU, MAURITANIE, SENEGAL, GAMBIE ET SIERRA LEONE
114 navires chinois ont été mis en cause dans 183 cas de pêche INN
Dans les ‘’Résultats généraux des pêches maritimes 2018’’, rapport publié par le Bureau des statistiques de la Direction des pêches maritimes, les chiffres officiels montrent que ‘’la production de la pêche maritime artisanale et industrielle (nationale et étrangère) s’élève, pour l’année 2018, à 524 851 t pour une valeur commerciale estimée à 272,466 milliards de F CFA, contre 510 596 t pour une valeur commerciale estimée à 222,719 milliards de F CFA en 2017. (…) La part de la pêche artisanale dans la production nationale représente 76 %, soit 398 643 t, et celle de la pêche industrielle 126 209 t, soit 24 % en valeur relative. Les captures de la pêche industrielle sont réalisées, pour l’essentiel, par la flotte nationale à hauteur de 94 % et, dans une moindre mesure, par la flotte étrangère pour 6 %. La production maritime est destinée à la consommation, à la transformation et à l’exportation’’.
Pour avoir une idée de l’importance de ces activités, Greenpeace évalue la contribution de la pêche à environ 70 % des apports nutritionnels en protéines d’origine animale. Ce qui constitue un rôle majeur dans la sécurité alimentaire des Sénégalais. Et c’est bien cette ressource stratégique que les licences de pêche aux grands navires étrangers menacent. L’organisme rapporte également que 114 navires chinois ont été mis en cause dans 183 cas de pêche INN en Gambie, en Guinée, en Guinée-Bissau, en Mauritanie, au Sénégal et en Sierra Leone, pour défaut de licence, utilisation de mailles non-réglementaires et pêche en zones interdites.
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DESTRUCTION DE DEUX STATUES DE VICTOR SCHOELCHER EN MARTINIQUE
Relayée sur les réseaux sociaux, la vidéo de la chute de ces statues, réalisée par des activistes qui se présentent comme anti-béké et hostiles à l'héritage colonial, a provoqué une vague d'indignation
Emmanuel Macron a condamné ce samedi ces dégradations qui « salissent la mémoire » de Victor Schœlcher et « celle de la République ».
L'affaire fait grand bruit en Martinique : des manifestants contestant la figure historique de Victor Schœlcher ont renversé deux statues de celui qui a décrété l'abolition de l'esclavage le 27 avril 1848, le jour même où l'île commémorait cette décision historique. Ces actes, perpétrés vendredi à Schœlcher et Fort-de-France, ont suscité de nombreuses condamnations, dont celle d'Emmanuel Macron. « En abolissant l'esclavage il y a 172 ans, Victor Schœlcher a fait la grandeur de la France. Je condamne avec fermeté les actes qui, perpétrés hier en Martinique, salissent sa mémoire et celle de la République », a tweeté samedi le chef de l'État.
Relayée sur les réseaux sociaux, la vidéo de la chute de ces statues, réalisée par des activistes qui se présentent comme anti-béké et hostiles à l'héritage colonial, a provoqué une vague d'indignation. Une jeune femme soupçonnée d'avoir participé à l'action a été placée en garde à vue et, à l'issue, elle a été convoquée au tribunal le 9 juillet, selon son avocat Maître Dominique Monotuka.
« Schœlcher n'est pas notre sauveur »
« Schœlcher n'est pas notre sauveur », ont écrit dans un communiqué les manifestants. Les mêmes avaient déjà bloqué pendant plusieurs semaines fin 2019-début 2020 les hypermarchés tous les week-ends, accusant leurs propriétaires, souvent de grandes familles locales (béké), d'être à l'origine de la pollution au chlordécone. Ce pesticide, longtemps utilisé dans les bananeraies, est suspecté d'être à l'origine de cancers de la prostate.
Le 22 mai 1848, les esclaves qui s'étaient rebellés contre les colons arrachaient leur liberté en Martinique au terme de plusieurs jours de violentes émeutes. À peine un mois plus tôt, le 27 avril, avait été signé à Paris le décret abolissant l'esclavage, porté notamment par Victor Schœlcher. Ce dernier était ensuite devenu député de la Martinique. La bibliothèque de Fort-de-France porte son nom. Ainsi qu'en 1889, la toute nouvelle ville de Case Navire également baptisée de son nom. Ces hommages, pour certains opposants, empêchent la reconnaissance des héros locaux de l'abolition, tel l'esclave Romain.
Les manifestants ont d'ailleurs demandé que la bibliothèque et la ville qui portent le nom de Schœlcher soient renommées au bénéfice d'acteurs locaux de l'abolition de l'esclavage et de l'émancipation des Noirs. Dans un communiqué, le maire de Fort-de-France, Didier Laguerre, a condamné « avec la plus grande fermeté » la destruction de ces statues et appelé à « ne pas céder à la tentation de réécrire l'histoire ».
« Maladroit révisionnisme »
La ministre des outre-mer, Annick Girardin, a estimé sur Twitter que, s'il est « permis à tous de questionner l'histoire, cela nécessite un travail méthodique et rigoureux. En aucun cas cela ne doit se faire à travers la destruction de monuments qui incarnent notre mémoire collective ». De même, les sénateurs Catherine Conconne et Maurice Antiste appellent à refuser « ce maladroit révisionnisme » et à reconnaître que si « la pression finale a eu raison de la barbarie », il y eut « un apport extérieur de penseurs et autres philosophes européens et donc français ». Pour le député Serge Letchimy, ces « actes de vandalisme (...) portent atteinte au travail de l'homme dont on ne peut nier le rôle et la contribution dans l'abolition de l'esclavage en 1848 ».
Samedi, la Fondation pour la Mémoire de l'Esclavage a expliqué, dans un communiqué, que « ce combat a réuni les personnes réduites en esclavage, qui n'ont cessé de se révolter contre leur état, et l'ont fait encore le 22 mai 1848 en Martinique, et des militants abolitionnistes comme Victor Schœlcher ». Sur Twitter, l'écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau a dénoncé la récupération politique du travail de Victor Schœlcher, mais appelé à respecter l'homme. « Honte aux auteurs de cet acte ignoble, ne rien lâcher jamais face à la haine et au racisme », a tweeté la maire de Paris Anne Hidalgo.
"NOUS DEVONS ÊTRE PRÊTS À GÉRER LE CARACTÈRE COMPLEXE DE LA MONNAIE"
Papa Demba Thiam, économiste international et expert en développement industriel intégré, revient sur l'étape décisive dans le processus d’adoption de l’Eco, la future monnaie ouest-africaine
La Tribune Afrique |
Ristel Tchounand |
Publication 23/05/2020
Le conseil des ministres français a adopté le 20 mai le projet de loi amorçant la fin du franc CFA au sein de l’UEMOA, faisant suite à l’accord de coopération monétaire annoncé à Abidjan en décembre dernier par les présidents Emmanuel Macron et Alassane Ouattara. Avec La Tribune Afrique, Papa Demba Thiam, économiste international et expert en développement industriel intégré, revient sur cette étape décisive dans le processus d’adoption de l’Eco, la future monnaie ouest-africaine. Entretien.
La Tribune Afrique - La France avance vers la fin du franc CFA, qu'est-ce qui change désormais selon vous ?
Papa Demba Thiam - D'entrée de jeu, je dirais que le gouvernement français n'a fait qu'appliquer les éléments de son calendrier, en prenant une décision qui était déjà prévue dans l'accord conclu en décembre 2019. Bien avant cela, la décision de l'UEMOA de mettre un terme au franc CFA pour adopter l'Eco introduisait déjà un changement vis-à-vis de la gestion des ressources en devises des pays de l'UEMOA. La mise en œuvre des nouveaux arrangements telle que prévue à partir du 1er juillet, impactera forcement la manière de travailler des organes de l'UEMOA, dans leurs rapports entre eux, mais aussi dans leurs rapports avec la France et avec les économies de des pays de la zone.
Mais dans ce type de processus, la Banque centrale régionale devient hautement importante. Il ne faut pas oublier que le Franc CFA n'existe que par un traité. De ce fait la BCEAO avec son voisin la BEAC en Afrique centrale sont les seules banques qui ne font pas de véritable politique monétaire. Si on repense globalement les économies africaines, leurs manières de se financer pour être moins dépendantes de la dette, telle que nous l'avons proposé récemment dans notre note pour le Maroc, la question va se poser sur la forme de banque centrale (liée aux banques commerciales) qui peut assurer ce genre de travail.
Une chose est donc certaine, avec la fin du franc CFA, la forme de la banque centrale (BCEAO) doit changer en fonction des impératifs de reconfiguration économiques qui existaient déjà avant l'avènement de la Covid-19, mais ont été suramplifié parce que toutes les vulnérabilités de nos économies ont été exposées.
J'avais déjà dit à l'époque qu'il était impératif que les Chefs d'Etats de l'UEMOA constituent des groupes d'experts pour réfléchir à cette problématique pour leur emmener des solutions qui sortent hors des sentiers battus, la manière dont on a toujours géré nos banques centrales et notre monnaie. Et la Covid-19 ne nous laisse pas le choix, c'est même devenu un impératif. Cette pandémie nous place dans une logique de construire nos économies avec des instruments monétaires qui sont appropriés.
Justement dans ce contexte de crise du coronavirus, on pourrait penser que ce dossier monétaire aurait pu être suspendu, au vu notamment des conséquences sur les économies. Mais l'agenda se poursuit. Que faut-il comprendre à votre avis ?
Ce contexte de crise sanitaire mondiale est certes un des aléas majeurs dans le fonctionnement d'une économie, mais gouverner n'est pas seulement gérer. C'est aussi prévoir et faire face à des contradictions et des chocs. J'imagine que les experts de l'UEMOA, des ministères des Finances et de la BCEAO n'ont pas arrêté, pendant que s'opérait le choc du coronavirus, de travailler sur cet agenda tracé depuis fin 2019.
Une chose est certaine, la pression budgétaire et la pression sur l'endettement des Etats membres de l'UEMOA face à la nécessité de répondre aux questions de sauvegarde sanitaire, économique et financière au niveau de leurs pays -tout en pensant à relancer leurs économies- créent une nouvelle donne qui fera en sorte que les critères de convergence de tout ordre ne pourront tout simplement pas être respectés. Qu'il s'agisse des niveaux d'endettement ou des déficits budgétaires, la question fiduciaire va fondamentalement se poser. En théorie, quand des gouvernements et des institutions fonctionnent normalement, il devrait y avoir des circuits de veille qui permettent d'identifier les risques et de pourvoir proposer des systèmes de dilution pour ces risques. Je fais donc confiance aux institutions qui sont en charge, en me disant que je ne peux pas imaginer une seule seconde que ce dossier ait pu être mis en veille alors qu'il était évident que l'agenda du franc CFA devrait avancer et que nulle part son report n'a été évoqué.
Comme je l'ai toujours dit, il faut considérer que la monnaie telle qu'elle est aujourd'hui, le franc CFA, est plus un instrument de paiement qu'une véritable monnaie, parce que l'émission monétaire dans tous les pays du monde pour être équilibrée, doit être basée sur la volonté d'endettement de l'économie, c'est-à-dire qu'elle est indissociable de la politique de crédit. Et il ne faut pas oublier que nous sommes dans un contexte où les pays africains sont en train de devenir un enjeu stratégique dans le nouvel ordre économique mondial qui va s'instaurer après ou pendant la crise de la Covid-19.
La France quitte les instances de gouvernance de l'UEMOA, la BCEAO n'aura plus à déposer ses réserves de change auprès du Trésor français, mais le maintien de la parité fixe entre la future monnaie, l'Eco, et l'Euro suscite des critiques en Afrique de l'Ouest. Quel est votre regard d'expert sur la question ?
Il ne faut pas être pressé. On ne peut pas du jour au lendemain changer totalement de manière de faire et de perspective. Il y a tout un travail à faire pour mettre en place des dispositions visant à reconfigurer la manière dont le franc CFA est géré, surtout au niveau de la centralisation des réserves en devises, mais aussi sur la nature de la garantie que la France devrait donner. Car, si la France promet de garantir la parité entre l'Eco et l'Euro, elle n'est cependant pas seule dans l'union monétaire européenne, il y a donc plusieurs paramètres à prendre en compte.
DES REPAS CINQ ÉTOILES AUX SOIGNANTS SUR LE FRONT DU COVID-19
Deux fois par semaine, de grands chefs cuisiniers de « l’Académie du Bocuse d’Or » préparent bénévolement des plats gastronomiques pour les livrer au personnel médical et aux malades, notamment à l’hôpital Le Dantec de Dakar
Au Sénégal, des repas 5 étoiles sont offerts aux soignants engagés dans la lutte contre le coronavirus. Deux fois par semaine, de grands chefs cuisiniers de « l’Académie du Bocuse d’Or » préparent bénévolement des plats gastronomiques pour les livrer au personnel médical et aux malades, notamment à l’hôpital Le Dantec de Dakar. La plupart des restaurants de la capitale étant fermés, ils louent un appartement pour cuisiner.
L'ARTEMISIA, NOUVEL "OR VERT" DE MADAGASCAR ?
Le président malgache a contribué à doper les ventes de tisanes d’artémisia afra, l’autre armoise cultivée en Afrique, dans les boutiques du Tchad au Sénégal
Aucune étude clinique sérieuse n’a confirmé l’efficacité de cette plante contre l’épidémie de Covid-19, mais Andry Rajoelina, le président malgache l’assure : l’artemisia contenue dans le remède « Covid Organics », fabriqué sur l’île, pourrait devenir « l’or vert » de Madagascar.
Madagascar est avec la Chine le premier producteur au monde d’artemisia annua, une plante verte aussi appelée armoise annuelle, qui peut atteindre un mètre de haut, et qui avait connu un premier succès au début des années 2000, lorsque l'on avait scientifiquement prouvé son utilité contre le paludisme.
Stocks d’artemisia
Une filière s’était créée à Madagascar, autour d’une entreprise, Bionexx, qui avait conclu des contrats avec des cultivateurs des hauts plateaux. Malheureusement on avait entre-temps réussi à synthétiser chimiquement l’artemisia. L’usage de la plante malgache avait donc stagné. Bionexx avec sa production de 2 500 tonnes par an avait du mal à écouler ses stocks de plante séchée à plus de 500 dollars la tonne.
Exportations interdites
Le lancement du « Covid-Organics » pourrait dans une certaine mesure relancer la filière. Le président Rajoelina a su populariser le remède local, à base d’artemisia et d’autres plantes gardées secrètes, tout en faisant taire les critiques de l’Académie malgache de médecine. Tant que les victimes du Covid 19 à Madagascar étaient rares, le discours passait très bien. Et il a contribué à doper les ventes de tisanes d’artémisia afra, l’autre armoise cultivée en Afrique, dans les boutiques du Tchad au Sénégal.
25 centimes d’euros le kilo
Mais à Madagascar l’artemisia annua est interdite à l’exportation, la logique étant de fabriquer les remèdes localement pour capter la valeur ajoutée. Cela réduit considérablement le marché potentiel de cette herbe.
Des doutes commencent en outre à s’exprimer à Madagascar sur la gestion de l’épidémie par les autorités : le nombre de cas explose à Antananarivo. Il est donc fort peu probable que l’artemisia devienne comme le proclame Andry Rajoelina le nouvel « or vert » de Madagascar, susceptible de se vendre selon lui à 3 000 dollars la tonne, dix fois plus cher que le riz. Pour l’heure, la dizaine de milliers de cultivateurs malgaches qui produisent de l’artemisia pour Bionexx reçoivent à peine dix fois moins que cela, l’équivalent de 25 centimes d’euros le kilo.
LA CAN 2021 AURA-T-ELLE LIEU ?
L'incertitude quant à la reprise des matchs internationaux fait planer un doute croissant sur la tenue de la compétition en début d'année prochaine au Cameroun
L'incertitude quant à la reprise des matchs internationaux fait planer un doute croissant sur la tenue de la CAN 2021 en début d'année prochaine au Cameroun. Avec quatre journées d'éliminatoires restant à disputer, la CAF joue serré et pourrait être contrainte de reprogrammer sa compétition reine.
La CAN 2021 aura-t-elle lieu à la date prévue ? La question se pose aujourd'hui pour les décideurs du football africain. Programmée du 9 janvier au 6 février prochain au Cameroun, l'épreuve paraît de plus en plus compromise par la crise du Covid-19. Alors que la pandémie a déjà provoqué le report des 3eme et 4eme journées des éliminatoires, prévues initialement en mars, l'embouteillage du calendrier fait planer une menace croissante sur la reprise de ces rencontres qualificatives. Consciente de la situation, la Confédération africaine de football préfère pour l'heure temporiser et remettre sa décision à plus tard. « Face à une telle situation, j'estime que toutes les parties prenantes dans l'organisation de ces compétitions pourront se retrouver plus tard pour discuter et se concilier pour que l'on puisse ensemble trouver un moyen de reprendre ces compétitions », a déclaré le président de l'instance, Ahmad Ahmad, dans une interview accordée à la Deutsche Welle. En clair : tant que la pandémie n'est pas sous contrôle, le football africain devra attendre.
La FIFA a son mot à dire
Une attitude prudente et attentiste, qui se comprend d'autant mieux que la FIFA a également son mot à dire dans cet épineux dossier, puisqu'elle a la haute main sur le calendrier. Après avoir décidé d'annuler les fenêtres internationales de mars puis de juin, l'instance faîtière va devoir statuer sur une éventuelle reprise en septembre. Les Fédérations nationales sont actuellement sondées à ce sujet. Le temps commence à presser : quatre journées des éliminatoires restent à disputer alors qu'il ne reste au mieux que trois créneaux FIFA pour le faire : septembre, octobre et novembre 2020. En fonction de l'évolution de la pandémie, sera-t-on alors en mesure d'organiser des matchs dans tous les pays concernés ? Par ailleurs, sera-t-il possible de faire voyager des centaines de joueurs après de longs mois de fermeture totale ou partielle de l'espace aérien ? Enfin, dans un contexte de reprise décalée (et assortie de protocoles sanitaires stricts) des championnats européens, les clubs seront-ils disposés à laisser leurs joueurs à disposition de leurs équipes nationales ? Loin d'être tranchées, ces questions n'ont sans doute pas fini de se poser.
Quelle nouvelle date pour cette CAN ?
Si leurs réponses s'avéraient négatives, à quelle date pourrait alors avoir lieu la CAN initialement prévue début 2021 ? La réponse n'a rien d'évident. La date de juin 2021 paraît tomber sous le sens, mais il est pourtant peu probable de voir la CAN se dérouler à cette période. D'abord parce que cela mettrait la compétition africaine reine en concurrence frontale avec l'Euro, qui se jouerait (au moins en partie) sur le même créneau. Ensuite parce que l'édition 2021 avait officiellement été programmée en hiver pour des raisons météorologiques (à la demande du Cameroun, qui craignait d'accueillir la compétition en pleine saison des pluies), et qu'on voit difficilement la CAF enclencher le rétropédalage et ainsi se contredire. Un décalage d'une année, de janvier 2021 à janvier 2022, resterait dès lors la solution la plus raisonnable. Ce saut de douze mois dans le temps offrirait en outre au pays organisateur de l'événement un répit pour en peaufiner la préparation.
LES VENDEURS DE VOLAILLE PRIS D'ASSAUT POUR LA FIN DU RAMADAN
Un million de poulets seront mis en vente pour cette korité, d’après une estimation du ministère du Commerce
La korité, la fête pour la fin des 30 jours du jeûne du ramadan, aura lieu dimanche 24 mai au Sénégal. Une célébration dans des conditions particulières, car les autorités ont interdit les rassemblements en raison de l’épidémie de coronavirus. Mais dans les familles, pas question de faire une croix sur la fête et le repas, qui comptera avec le plat préféré pour l’occasion : le poulet.
Dans le marché central de Ouakam, l’heure est aux provisions avant la fin du ramadan. Penda Diagne regarde l’étal de ce boucher : des poulets emballés individuellement dans du plastique jaune, qui seront ensuite rôtis, accompagnés de sauces épicées et servis en famille.
« Sincèrement, je ne sais même pas d’où vient cette tradition. Se retrouver en famille pour fêter la korité est d’une importance capitale », explique Aliou Sané, qui achète lui aussi sa volaille. Le fonctionnaire passera la fête avec sa famille restreinte, coronavirus oblige. « Parce que la korité, on peut la fêter sans se rassembler autour de la famille, mais sans renoncer au poulet, bien évidemment », ajoute-t-il.
Dans cette boutique, chaque volatile est déplumé, préparé puis vendu par Moustapha Lô. Le prix : entre 2 500 et 3 500 francs CFA (3 à 5 euros) l’unité. « On vendra tout. On pourra même vendre plus que la centaine de poulets qu'on a en stock, si les choses marchent normalement, assure ce dernier. On s'en sort tant bien quel mal, même si c'est vrai qu'avec la pandémie, les affaires ne tournent pas aussi bien qu’avant. »
Un million de poulets seront mis en vente pour cette korité, d’après une estimation du ministère du Commerce.
«S’IL MANQUE UN SEUL ÉLÉMENT DU PROTOCOLE SANITAIRE, LA CLASSE OU L’ÉCOLE CONCERNÉE SERA FERMÉE»
Mamadou Talla se veut formel en dotant les établissements scolaires d’un important lot de matériel permettant de respecter le protocole sanitaire
C’est par Thiès que le ministre de l’Education Nationale a entamé hier sa caravane nationale, dans le cadre de la préparation de la reprise des cours le 2 juin prochain. Une occasion pour Mamadou Talla de doter la région d’un important lot de matériel permettant de respecter le protocole sanitaire. «S’il manque un seul élément du protocole sanitaire, la classe ou l’école concernée sera fermée», assure Mamadou Talla.
Dans le cadre de la caravane nationale initiée en perspective des préparatifs e la réouverture des salles de classe, Mamadou Talla était hier à Thiès. Et c’est le Collège d’Enseignement Moyen (CEM) Mamadou Diaw qui a abrité la rencontre, marquée par la mise à disposition de matériel. Il s’agit de dupli-copieurs pour tout le département de Thiès, de 1.000 thermo-flash, de 200.000 masques, du matériel de lavage des mains et d’autres produits d’hygiène. Il a tenu à rassurer les parents, que dans chaque classe, il n’y aura que 20 élèves avec tout le matériel nécessaire.
Selon lui, le protocole sanitaire sera strictement respecté et c’est la seule condition pour le démarrage effectif des enseignements. «S’il n’y a pas un comité de suivi, s’il manque un seul élément qui est dans le protocole, dans un établissement quelconque au niveau du Sénégal, que cela soit dans les villes dans les villages, dans les hameaux, que l’Inspecteur de l’Education et de la Formation (IEF) ou le Directeur d’école ferme aussitôt cette salle ou cette école, parce que la santé n’a pas de prix. D’après lui, tout ce qui sera fait dans le cadre de cette reprise des cours, sera adossé au protocole sanitaire, qui a été remis à l’Inspecteur d’Académie.
La priorité des priorités c’est le respect des gestes barrières pour les élèves, les enseignants et tout le personnel de l’établissement. Une fois ce préalable réglé, on peut passer à la pédagogie. C’est dire à ses yeux, que tout est fin prêt, tant du point de vue du matériel que pédagogique. C’est dans ce sillage qu’il a lancé l’appel de Thiès à l’endroit des parents d’élèves, aux enseignants du Sénégal, aux partenaires sociaux, à la société civile, aux guides religieux, à la jeunesse sénégalaise, aux Associations Sportives et Culturelles (ASC). C’est dit-il, « nous sommes décidés d’aller dans la direction de la décision prise par le Président de la République, d’assurer, de donner à tout jeune sénégalais le droit à l’éducation et à la formation, en respectant les conditions. Il poursuit, « au lieu de faire comme certains pays de la sous-région qui ont décidé d’ouvrir totalement du préscolaire jusqu’en Terminale, nous avons décidé d’y aller par étape, en commençant par les classes d’examen, ce qui nous permettra de bien gérer, de mesurer et de voir comment ensuite entamer la seconde phase ».
Pour lui, seules les classes d’examen font fonctionner et tous les enseignants seront sur place, ce qui veut dire qu’il n’y aura pas de difficultés en terme d’enseignants et de professeurs pour encadrer, enseigner uniquement 15% de l’effectif global. Mamadou Talla renseigne par ailleurs que le Ministre des Transports est en train de travailler sur le plan de transport à mettre en œuvre pour déplacer les 19.000 enseignants à partir du 29 mai. Au total 4.794 vont quitter Dakar pour aller vers l’intérieur du pays, 1.760 quittent l’intérieur du pays pour rejoindre Dakar.
ALIOUNE SARR MINISTRE DU TOURISME, MAIRE DE NOTTO DIOBAS «LA DECISION DE ROUVRIR LES SALLES DE CLASSE EST ADOSSEE A UNE DEMARCHE SCIENTIFIQUE»
Dans cette même lancée, la commune de Notto Diobas a mis à la disposition de son système éducatif local, 88 cartons de gel soit 2.000 unités, 45 thermo flash, 300 lavoirs, pour accompagner ce processus de reprise des cours. Selon le maire Alioune Sarr, par ailleurs ministre du Tourisme et des Transports Aériens, ce geste traduit l’engagement de la commune de Notto Diobass dans la lutte contre la pandémie du coronavirus. Il a par ailleurs exprimé «toute sa disponibilité, celle du Conseil Municipal et de l’ensemble des acteurs de la commune à accompagner le système éducatif local dans tout ce processus ».
En effet dit-il, la commune de Notto Diobas se fait l’obligation d’être aux côtés de l’éducation et des différents acteurs dans le cadre de ce combat commun. Pour le maire Alioune Sarr, la décision du gouvernement du Sénégal d’ouvrir les salles de classe le 2 juin est adossée à une recommandation du corps médical, des experts du pays en santé publique qui, après avoir évalué la situation sanitaire du pays, dans cette période du 2 juin sont arrivés à la recommandation que le Sénégal peut ouvrir ses salles de classe. Cela veut dire que sur le plan sanitaire, les populations doivent être rassurées, puisqu’il s’agit d’une décision adossée à une démarche scientifique.
Cependant dit-il, la situation demande une obligation et une responsabilité de chaque citoyen et de chaque citoyenne. C’est dire que les gestes barrières, les mesures de distanciation physique doivent être appliquées par les élèves et tous les acteurs, à la maison, sur le chemin de l’école, mais aussi dans l’établissement. Il a par ailleurs demandé aux enseignants de poursuivre la sensibilisation dans les salles de classe.
«LA PRESSE DOIT CHANGER SON ANGLE DE TRAITEMENT DE L’INFORMATION SUR LA CONTAMINATION»
Dans cet entretien accordé à «L’As», Amadou Kanouté, Directeur exécutif de l’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (Cicodev) revient largement sur la gestion de la crise liée au nouveau coronavirus.
Dans cet entretien accordé à «L’as», le Directeur exécutif de l’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (Cicodev) revient largement sur la gestion de la crise liée au nouveau coronavirus. Même si Amadou Kanouté avoue que la gestion de l’épidémie s’est révélée globalement positive, il affirme cependant que les derniers réajustements effectués par le gouvernement en rapport avec la stratégie de lutte ont donné un sentiment de relâchement ou de ‘’je m’en lave les mains’’.
«L’AS» : Bientôt trois mois qu’est apparu le COvID-19 au Sénégal. Quelles appréciations faites-vous de la gestion de la crise sanitaire par les autorités sénégalaises ?
Globalement, la gestion s’est révélée positive. Je ne veux juger que par les résultats à la date d’aujourd’hui face à une pandémie inconnue, fortement contagieuse et létale et en tenant compte de l’état de notre système de santé. Il s’agit en fait d’abord d’une course de vitesse pour assurer un équilibre entre nos capacités de prise en charge -sanitaire, sociale, économique- et le respect d’un droit consacré par notre Constitution : celui du droit humain à la santé. Et après viendra le marathon, car personne ne peut prédire jusqu’à quand nous allons devoir vivre avec le virus. Donc, j’ai une lecture globalement positive de la gestion de la crise en regardant quelques points qui peuvent être considérés comme des repères dans la gestion d’une crise comme celle que nous vivons. La grande mobilisation de tous les acteurs (État, société civile, secteur privé, religieux, OCB, media) a permis de dérouler des campagnes d’information et de sensibilisation sur les mesures et gestes barrières avec des résultats fort appréciables. Il en est ainsi de la réaction rapide dans la production des masques et son appropriation par les gens. Des protocoles de prise en charge du traitement comme le choix de l’hydroxychloroquine -où il s’est agi d’engager la responsabilité du personnel soignant- ont été vite utilisés dans un environnement incertain. Des mesures d’urgence souvent audacieuses, mais nécessaires ont été prises comme la fermeture des frontières, l’interdiction de manifestations publiques, la fermeture des lieux de culte et des écoles et universités; même si des atteintes aux droits humains ont été notées et des réajustements -certainement dus à des pressions sociales, religieuses et économiques- ont été opérés par la suite. Toutes choses qui ont donné un sentiment de relâchement ou de «je m’en lave les mains» à une grande frange de la population. Certes, le nombre de cas de décès augmente au quotidien, mais le taux de guérison à date tourne en moyenne autour de 40%. Ce qui est une performance comparativement à beaucoup d’autres pays. Face au risque de saturation ou de débordement de notre système sanitaire, des stratégies alternatives (prise en charge extra hospitalière) sont en train d’être explorées. Enfin, je me réjouis que le pays se soit doté d’un plan de contingence multisectoriel de lutte contre le COVID19. Le ministère de la Santé et de l’Action Sociale (MSAS) vient de le partager avec les acteurs de la société civile. Nous sommes en train de l’étudier. Ce que je retiens de ce développement, c’est que ce plan devrait aider à assurer et consolider la cohérence et la synergie des interventions des différents acteurs. Ce qui est extrêmement important.
Votre organisation avait exprimé son désaccord quant à la réduction du budget alloué au secteur de la Santé lors du dernier marathon budgétaire. Avec la pandémie de la Covid19, l’histoire semble vous avoir donné raison…
Absolument ! C’est comme une gifle pour nous obliger à revisiter nos priorités. Ce que nous regrettions dans cette baisse du budget, ce sont les contradictions et les revirements entre les engagements et les actes. Il y a deux ans, le pays a organisé un Forum national pour élaborer une stratégie de financement de la santé. Les différents acteurs (État, secteur privé, PTF) ont, chacun, pris des engagements. L’État s’était engagé à augmenter chaque année le budget du Msas de 2%. Voilà que pour le budget 2019-2020, on assiste plutôt à une baisse de 0,4%. Trois mois après, nous sommes rattrapés par cette pandémie qui nous oblige à chercher partout des ressources extrabudgétaires pour y faire face. Notre second regret, c’est qu’on a tendance à oublier la centralité de la santé dans toute politique de développement économique et sociale. On oublie trop vite que le capital humain est l’un des piliers du PSE. Et le capital humain, c’est d’abord des citoyens sains et aptes à créer des richesses.
Au plan social, la stigmatisation à l’endroit des supposées victimes prend de plus en plus de l’ampleur. N’est-ce pas là une attitude dangereuse à laquelle il urge de prendre des mesures ?
Savons-nous aujourd’hui combien de gens sont contaminés et refusent de se rendre dans les structures hospitalières par peur de la stigmatisation qui s’en suivrait si jamais leurs tests se révélaient positifs ? Combien de villages et de ménages refusent que leurs habitants ou parents soient déclarés positifs ? Avez-vous analysé ou observé quel traitement la presse fait des cas de contamination ? Elle titre à la une « un père de famille a infecté sa fille », « tel personne a infecté tel village ». Tout ceci peut paraître anecdotique, mais essentiellement on est en train de nous dire que cette maladie est honteuse et infamante. Aujourd’hui, la seule communication qui vaille - à côté des gestes barrières- est de «banaliser» cette maladie comme une maladie qui peut arriver à n’importe qui. Il nous faut montrer en modèle les personnalités publiques qui ont osé se prendre en vidéo pour déclarer leur maladie, les sages-femmes et autres agents de santé qui sont en première ligne. Il nous faut montrer et dire que cette maladie se soigne si on s’y prend tôt. La presse doit changer son angle de traitement de l’information sur la contamination. Les descentes des agents de santé qui viennent tester ou chercher ceux qui les appellent pour se signaler doivent se faire de manière plus discrète. Sinon, les cas dits communautaires vont continuer à augmenter car les gens vont rechigner à se faire tester, à se signaler. Et tout cela par peur de la stigmatisation.
Etes-vous d’avis qu’il faut laisser circuler le virus et lever les mesures de restriction imposées par l’Etat ?
Non ! Ce serait la meilleure manière de mettre à terre notre système de santé qui est déjà mal doté. Il s’agit plutôt d’adapter les mesures de restriction à notre situation socio-économique et culturelle. Quand bien même, nos autorités ont réduit et mis des contraintes à la mobilité, elles ont aussi très vite perçu que le modèle de confinement tel que pratiqué dans les pays développés ne pouvait pas marcher chez nous : pas d’eau courante dans toutes les maisons, pas de courant pour garder les aliments au frais pourvu qu’on ait pu s’approvisionner autrement qu’en achats en détail; l’État lui-même n’a pas les moyens de subvenir aux besoins des citoyens les plus défavorisés sur une durée non maîtrisée. Toute l’idée, c’est donc de chercher en bon père le point d’équilibre entre la santé des citoyens et le maintien d’un niveau d’activité économique qui leur permette de générer des revenus pour faire face à leurs besoins.
À votre avis, que faudrait-il faire pour réduire les dégâts socio-économiques causés par la pandémie du Covid-19 ?
Vous avez raison de parler de dégâts socio-économiques. Beaucoup de gains sociaux engrangés ces dernières années vont être anéantis à cause de la pandémie. Sur le court terme, la priorité pour réduire ces dégâts, c’est d’investir dans la santé et la prise en charge de la maladie pour éviter que notre système de santé ne se retrouve complètement à terre. C’est ensuite de lutter contre la vulnérabilité alimentaire. L’hivernage approche. Il nous faut une loi de finances rectificative pour réorienter une grosse partie des ressources de ce pays dans l’agriculture surtout dans un environnement de changement climatique. Nos ressources doivent nous servir à privilégier la recherche de l’autosuffisance alimentaire – et à terme aller vers la souveraineté alimentaire- dans toutes spéculations où cela est possible. La pandémie menace les marchés d’exportation, le secteur des services comme le tourisme ou les transferts de fonds des Sénégalais vivant à l’étranger et qui sont si cruciaux pour beaucoup de ménages et pour notre économie. Il y a certainement des opportunités pour nous de construire des économies plus résilientes dans cette crise. C’est incroyable comment le génie créateur des acteurs du secteur informel, de la recherche, de nos universitaires a été libéré avec la crise. Aujourd’hui, ce pays n’a plus besoin d’importer de masques. La demande est couverte. Nos universitaires ont fabriqué des respirateurs, des gels hydro-alcooliques et des robots. Nos chercheurs en veulent et disent il nous faut valoriser nos plantes médicinales. La Délégation de l’Entreprenariat Rapide va à leur rencontre pour les financer. Nos décideurs et la société civile ont retrouvé la voix pour dire haut et fort que la dette nous étouffe et nous voulons son annulation pure et simple, pour nous permettre d’investir dans les services sociaux de base comme l’eau, l’assainissement, la protection sociale, etc. C’est tout cela qui va contribuer à minimiser les impacts de la pandémie sur nos ménages, nos emplois et notre économie en général.
Pensez-vous que la manière dont l’Etat apporte son soutien aux couches défavorisées en leur distribuant des vivres est la meilleure solution en de pareilles circonstances ?
CICODEV est représenté dans les 14 régions du Sénégal par nos Points Focaux qui suivent les opérations de ciblage des ménages, la distribution. Nous sommes pour plus de transparence, d’équité et de recevabilités dans la gestion et la distribution de l’aide alimentaire et veillons à cela dans notre implication du niveau communautaire au niveau départemental. Nous sommes aussi pour plus de discrétion dans la distribution.
Pensez-vous que le comité de suivi du fonds force Covid-19 pourrait réaliser les missions qui lui sont assignées compte tenu des tares congénitales notées lors de sa création (composé en majorité de membres du régime) et les brouilles relatives aux perdiems de 3,5 millions annoncés ?
Les fonds Force COVID-19, il faut le rappeler- doivent être régis par les termes de l’Article 33 de la loi organique portant loi de finances. Ce sont des fonds de concours constitués par des contributions volontaires versées par des personnes morales ou physiques et notamment par des bailleurs de fonds, pour concourir avec les ressources de l’État à des dépenses d’intérêt public. Ils proviennent aussi de legs et des dotations attribués à l’État. Ils doivent être portés en recettes au budget et un crédit supplémentaire de même montant est ouvert sur le programme concerné par arrêté du ministre chargé des finances. L’emploi des fonds de concours doit être conforme à l’intention de la partie versante ou du donateur. Ce à quoi nous appelons nos autorités, c’est de se conformer à ces procédures même si la gestion est en urgence. Et c’est pourquoi il est fort gênant que la structure ait été secouée par des soubresauts au sujet de partage de perdiems. L’intention des parties versantes et des donateurs c’était d’abord d’apporter une assistance aux ménages impactés par la survenue de la pandémie. Et non de rétribuer ceux à qui l’État a donné le privilège de servir une cause noble. C’est pourquoi, nous plaidons pour qu’à l’instar des points de presse tenus par le Msas que le ministère du Budget puisse aussi tenir des points de presse pour nous informer de l’état de mobilisation des ressources et de leur utilisation. L’avantage est certain : c’est la confiance que cela va susciter auprès des parties versantes et l’attrait d’autres donateurs.
LA TUTELLE CLOT LE DEBAT ET RENVOIE GAIPES DANS LES CORDES
La question des licences de pêche est toujours au cœur de l’actualité. Suite aux tirs groupés des membres du Gaipes dénonçant l’attitude du ministre de la Pêche, une commission consultative avait été mise en place dont le rôle principal était de se penche
Le bras de fer entre le ministère de la Pêche et de l’Economie Maritime (Mpem) et le Groupement des armateurs et Industriels de la Pèche au Sénégal (Gaipes) est toujours d’actualité. Et les décisions de la tutelle au terme des travaux de la Commission consultative ne devraient pas apaiser le climat
La question des licences de pêche est toujours au cœur de l’actualité. Suite aux tirs groupés des membres du Gaipes dénonçant l’attitude du ministre de la Pêche, une commission consultative avait été mise en place dont le rôle principal était de se pencher sur la question. Et à l’arrivée, sur les douze (12) demandes présentées, deux seulement ont eu des avis favorables. Il s’agit des sociétés El Hadji Niang et Soperka. La société Ndiayene Pêcherie a pour sa part eu un avis mitigé. «Le ministre, qui en a dès lors une compétence exclusive, notifiera aux demandeurs sa décision finale qui s’appuiera grandement sur l’avis de la commission et prioritairement sur celui de la recherche», renseigne le directeur de Cabinet du ministère de la Pêche et de l’Economie Maritime (Mpem).
A l’en croire, les résultats de cette Commission mettent ainsi un terme à la question des licences, au cœur de l’actualité de ces dernières semaines. Cette décision fait suite à une vaste consultation à distance, initiée par le directeur des Pêches Maritimes. Ce dernier avait comme mission de recueillir les avis des uns et des autres pour enfin donner une suite aux demandes. Toutefois, renseigne le directeur de cabinet du Mpem, le Gaipes n’a pas jugé nécessaire d’y participer. «Le Gaipes a jugé utile de répondre au ministère par une lettre ouverte accusatrice, rappelant des faits tout au plus du passé, en se jouant d’amalgames et de manipulations grossières, avec un but non caché de vouloir faire chanter le Gouvernement. En atteste toute la campagne médiatique orchestrée pour tromper l’opinion en lui faisant croire que nous avions déjà donné 56 nouvelles licences à des Chinois», informe-il. Et de soutenir que les membres de cette structure ont voulu détourner les véritables acteurs de l’essentiel à travers des méthodes bien planifiées. «Nous avons enregistré leurs tentatives d’embarquer les acteurs de la pêche artisanale, les femmes transformatrices, premières victimes de leurs pratiques. Ils n’ont de mobiles que de préserver un monopole aujourd’hui inexplicable sur des pêcheries, dans des zones en concurrence directe avec la pêche artisanale, occasionnant régulièrement des accidents au détriment exclusif des artisans pêcheurs», détaille notre interlocuteur.
LE PRESIDENT DU GAIPES AU BANC DES ACCUSES !
Avec cette décision, le ministère de la Pèche et de l’Economie Maritime (Mpem) se retrouvera encore plus dans le viseur du Gaipes. Mais selon le directeur de cabinet du Mpem, cette organisation n’a de leçons à donner à personne. Et il n’hésite pas à égratigner son président, à la tête de quatre armements. «Pense-t-il être plus digne de respect que tous les autres membres de ladite commission, lui qui est partie, financièrement intéressée, contrairement aux autres ? Est-il plus patriote que tous ces fonctionnaires qu’il s’échine à présenter comme des corrompus, allant jusqu’à dire à combien se négocie une licence ? Expérience personnelle ou accusation non assumée?», s’interroge le directeur de cabinet du Mpem. Selon lui, le président de Gaipes devrait plutôt expliquer comment il a financé ses 24 navires. «Comme il l’a dit à deux émissions de télévision, les navires coûtent 5 milliards Fcfa l’unité (faites le calcul). Estil en mesure de nous expliquer comment il a pu affirmer à cette émission télé faire 80 milliards Fcfa de chiffre d’affaires et embaucher plus de 1060 personnes, quand ses états financiers déposés disent que son chiffre d’affaires est de 15 milliards Fcfa en 2018. Et que son navire Kentia est acheté à 587 millions de Fcfa ?», balance de Dircap du MPEM.
LES DISPOSITIONS PRISES PAR LE MINISTERE
Dans sa volonté de mettre de l’ordre dans le secteur, le ministre de la Pêche, Alioune Ndoye, a depuis fin avril 2020, lancé cette mission d’audit qui rencontre l’opposition de ces acteurs. Toujours au chapitre des mesures, il avait pris les dispositions pour la finalisation des travaux sur le bateau ITAF DEME dédié à la recherche du CRODT. A cet effet, il avait saisi son homologue mauritanien pour une réunion de la Commission sous régionale des pêches. «Il a planifié de s’en ouvrir aux autres homologues gambien, bissau guinéen et capverdien. En effet, certaines questions doivent être abordées conjointement au niveau sous régional, notamment celles relatives à la gestion de la ressource qui est commune, car fortement migratrice. Et il est un fait qu’utilisent, malhonnêtement, ceux qui cherchent à discréditer le Gouvernement : tous les navires de pêche battant pavillons étrangers et disposant de licences gambiennes ou guinéennes ont pour port de débarquement Dakar, du fait de l’absence de certaines infrastructures dans ces pays », renseigne notre interlocuteur.
DEUX MILLIARDS FCFA AUX ACTEURS POUR PALLIER LES EFFETS DU COVID 19
Face à ce qu’il considère comme une campagne de «désinformation», le ministère de la Pêche et de l’Economie Maritime a invité les acteurs du secteur à se retrouver autour de l’essentiel. «Les acteurs du secteur, ceux de la pêche artisanale en particulier, qui constituent, en moyenne, 80% des débarquements annuels, devront davantage se mobiliser pour accompagner le département dans les multiples initiatives les concernant», indiquent les responsables du ministère. Et pour les accompagner suite à la crise sanitaire qui secoue le monde, des initiatives sont déjà lancées. «Le département a lancé, suite à un partenariat avec la DER et le CMS, une vaste opération de financement des pêcheurs artisans, des femmes transformatrices, des mareyeurs, micro-mareyeurs et aquaculteurs impactés par la pandémie du Covid 19. Deux milliards de fcfa sont ainsi mobilisés et vont être injectés dans le secteur pour soutenir ces braves Sénégalais, où qu’ils se trouvent dans le pays», renseigne-il avant d’annoncer un autre partenariat avec la BNDE dont l’objectif est de mobiliser la somme de huit milliards Fcfa, destinée essentiellement à la prise en charge des préoccupations majeures des acteurs de la pêche artisanale dans son ensemble et de l’aquaculture.