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28 septembre 2025
ABDOUL AZIZ DIOP OU L’ HISTOIRE D’UNE PROMOTION-SANCTION
Tout jeune reporter, il entendait être un journaliste indépendant, impertinent et irrévérencieux dans le Sénégal des années 70. Mais c’est sans compter la susceptibilité et la frilosité du président Senghor
Journaliste de formation, Abdoul Aziz Diop a eu une carrière fabuleuse parce que très tôt consacré correspondant de l’Office de radiodiffusion télévision sénégalaise (ORTS) à l’étranger. Tout jeune reporter, il entendait être un journaliste indépendant, impertinent et irrévérencieux dans le Sénégal des années 70. Mais c’est sans compter la susceptibilité et la frilosité du président Senghor qui, au faîte de son pouvoir, voire de sa gloire, n’était pas prêt à tolérer un certain niveau d’impertinence. Face à la fougue d’Abdoul Aziz, «Léo Le Poète», pense devoir trouver une parade. Une solution qui arrange tout le monde. C’est ainsi qu’Abdoul Aziz sera nommé correspondant de l’ORTS (ancêtre de la RTS) en Allemagne alors qu’il n’avait pratiquement qu’un an d’expérience. Cette promotion à la forte saveur de sanction, Abdoul Aziz saura l’exploiter judicieusement à son avantage. En effet, après trois ans à son poste, il rend le tablier de l’ORTS et enfile le manteau de la Deutsche Welle, la radio allemande, où il y officiera pendant plus de quatre décennies. Quoique parfaitement intégré et surtout époux d’une Allemande depuis bientôt 50 ans, il n’a jamais demandé la nationalité, preuve de son attachement au Sénégal. Également artiste, Abdoul Aziz est musicien, écrivain et peintre. La retraite actée, c’est à ces passions qu’il se consacre désormais.
Jeune «révolutionnaire », fraîchement diplômé de l’école de journalisme Maisons-Laffitte (France), une référence d’alors, Abdoul-Aziz Diop commence sa carrière dans l’année 70 à l’Office de radiodiffusion télévision sénégalaise (ORTS), actuelle Radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS). Très vite, il va se révéler être une épine dans le pied du président Senghor. Ce dernier ne pouvant tolérer de s’encombrer d’un «journaliste emmerdeur», pense devoir vite trouver une solution, mais une solution douce qui arrange les deux parties : l’emmerdeur et l’emmerdé. C’est alors que Senghor tourne ses méninges et sort une idée de génie. Il s’agit d’«exiler» Abdoul Aziz Diop en Allemagne comme correspondant de l'ORTS.
Pour un jeune reporter, frais, fougueux et sans grande expérience, c’était une énorme promotion. Et Abdoul Aziz ne crache pas dessus. Dans la foulée, il fait ses valises et embarquement immédiat pour Cologne avec l’espoir de rentrer après deux ans au maximum. En terre germanique, bien que correspondant de l'ORTS, très tôt, Aziz «flirte» avec la radio publique allemande, la Deutsche Welle (DW) en collaborant comme pigiste. Le temps passant, entre les «deux dames», ORTS d’une part et la DW d’autre part, son cœur balance. Et un choix s’impose. C’est alors qu’il décide de lier son destin avec la Deutsche Welle, l’heureuse élue de son cœur. Il va ainsi entamer une belle histoire et très longue carrière avec cette radio internationale jusqu'à la retraite en 2014. Une belle manière de profiter d'une sanction, finalement, enviable que le président Senghor a bien voulu lui infliger pour sa langue un peu trop pendue. Puisque c’est son désir imparable de ne pas demander l’autorisation pour parler et le refus de recevoir l’injonction de se taire ou même de parler d’une certaine manière qui lui ont valu cette «promotion-sanction».
D’ailleurs avant l’Allemagne, sa première «promotion sanction» fut son affectation à Ziguinchor. Là-bas aussi, au lieu de vivre son éloignement comme une sanction, il a profité pour s’enrichir culturellement et spirituellement alors qu’il était rentré de sa formation de France, il y avait peu de temps. «J’étais un jeune ambitieux qui avait pour objectif de pousser le métier vers le haut, notamment la radio. C’est là où j’ai commencé à avoir de problèmes. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas duré à Dakar, on m’a affecté (jeté) à Ziguinchor. Je croyais que c’était une punition. Mais une fois à Casamance, j’ai trouvé là-bas des Hommes bien, intègres et pieux, à tel point que je ne voulais plus retourner à Dakar. Après, on m’a fait revenir à Dakar et j’ai continué à faire ce que je faisais. C’était trop aux yeux du gouvernement. On a dû me chercher une sorte de poste. C’est comme ça que je suis venu en Allemagne», expliquait en mars dernier Abdoul Aziz sur la chaine Emigré Tv.
«J’étais un révolutionnaire. C’est notre génération qui était comme ça», ajoute Aziz. Entre jeune révolutionnaire et un régime de parti unique difficile pour les deux parties d'accorder leurs violons. «Il faut reconnaître que dans les années marquant le début des indépendances, les autorités étaient très soucieuses du respect des Institutions qu’à leur avis, la Presse et les journalistes leur devaient. Cette attitude cavalière des ‘’autorités’’ a créé très vite une ‘’distance ‘’ entre les deux camps et pendant longtemps, rangé la presse parmi l’opposition», analyse le journaliste Mbaye Sidy Mbaye. Il est utile de rappeler que Senghor malgré sa méfiance vis-à-vis de la presse surprend parfois son monde.
Le maraboutisme à la radio : Senghor calme les ardeurs de son ministre
L'intrépide Abdoul Aziz s’autorisait le traitement de quelques sujets sensibles sous le régime du président Senghor. Il se rappelle cette émission qu’il animait sur le thème « Croyez-vous au maraboutisme ? » Dans le micro-trottoir de l'émission, d'aucuns estimaient qu’ils ont de bonnes raisons de croire aux marabouts parce que même le président Senghor pendant les élections se rend chez les marabouts pour chercher leur concours. Le ministre de la communication d’alors Daouda Sow, dans tous ses états déboule dans le studio et les réprimande copieusement. Erreur ! Senghor, plutôt satisfait va prendre le contrepied du ministre zélateur presque au même moment. « On a fait passer cette bande à la radio. Et ça a fait un gros scandale. À l’époque notre ministre était Daouda Sow. Il était venu tout furieux nous réprimander. Mais au même moment, Senghor a téléphoné à la radio pour dire qu’il a suivi l’émission et que c’était intéressant. Cette émission, je pense qu’on l’a fait passer dix fois grâce à Senghor qui avait un esprit de dépassement». Pour ce sujet, Senghor n'avait pas de problème. Mais globalement Abdoul Aziz Diop est une brebis incontrôlable et imprévisible, il fallait qu'il aille ailleurs faire ses soubresauts.
Senghor définitivement débarrassé d’un trouble-fête
Promu correspondant, Abdoul Aziz admet qu’il n’était pas particulièrement «le plus intelligent ou le plus compétent» pour mériter une consécration aussi précoce que prestigieuse. Mais en revanche, il était «certainement le plus emmerdant» de tous. En effet, au temps des partis uniques, aucun régime en Afrique ne pouvait tolérer un journaliste avec une certaine liberté de ton. Tout compte fait, le jeune journaliste d’alors a su exploiter cet éloignement. D’ailleurs, Abdoul Aziz reconnait le prestige rattaché à ce poste de correspondant à l'étranger surtout pour son âge. «Pour un jeune journaliste qu’on nommait immédiatement correspondant, c’était une promotion extraordinaire dans la carrière de journaliste». Sauf que dans son cas précis, ce n'était pas gratuit et désintéressé.
Mais sa nomination relevait plutôt d'une stratégie méticuleusement pensée, une méthode savamment planifiée pour appâter et éloigner un journaliste politiquement encombrant, professionnellement impertinent, un peu trop libre et insoumis. En somme, une manière douce d'écarter «un chien de garde» pour se préserver des aboiements assourdissants. Abdoul Aziz se fait plus précis sur les motifs inavoués de sa nomination : «Ce qui me valait cette promotion n’était pas mon mérite. Je n’étais pas plus intelligent ou plus méritant que mes autres collègues. Peut-être j’étais le plus emmerdant. Donc, il fallait un peu m’isoler pour avoir un peu la paix», plaisante-t-il.
Travaillant à Bonn et résidant à Cologne, quand Abdoul Aziz arrivait en Cologne, en 1973, il n’y avait qu’une dizaine d’Africains et le Sénégal comptait environ 3 millions d’habitants. Aujourd’hui c’est une bonne colonie qu’on rencontre dans cette ville allemande. Mamadou Diop Decroix, le camarade de promo à la Fac d'Abdoul Aziz n’est pas surpris par les manœuvres de Senghor pour éloigner le journaliste. Par ailleurs, il trouve l’expression de «promotion-sanction» très juste pour traduire la nomination de son ancien camarade de lutte avec qui il était très proche au département de philosophie. «La notion de promotion-sanction est appropriée puisqu'il (Abdoul Aziz Diop) était brillant et en même temps invivable pour les chefs qu'il empêchait de tourner en rond. Donc on l'éloigne tout en l'incitant à accepter ce qui, somme toute, était une bonne opportunité pour un jeune de son âge», explique l’ancien ministre.
De l’ORTS à la Deutsche Welle
En découvrant la Deutsche Welle, Abdoul Aziz Diop n’a pas quitté son poste de correspondant de manière précipitée. Tout en assurant sa mission pour l’ORTS, il a continué à faire des piges pour la DW. Stratégiquement, il fallait assurer pour quelques années la mission pour laquelle il était en Allemagne. Mais très vite, du collaborateur, le jeune reporter passera à agent de la DW. «Quand j’ai démissionné, j’avais déjà un pied dedans (Ndlr : à la DW). Donc il ne me restait plus qu’à ramener l’autre pied pour continuer», se rappelle-t-il sur un ton comique. Trois ans ont suffi pour qu’il renonce à son poste de correspondant pour l'ORTS. Pour le régime de Senghor, c’est du pain béni. Tant qu’Abdoul Aziz reste loin du Sénégal et ne peut jouer à l'empêcheur de tourner en rond au Sénégal, cette démission est plutôt une bonne nouvelle. Dont acte.
Même si Abdoul Aziz reste modeste, sa compétence est aussi un fait. Journaliste politique, il s’est pendant longtemps occupé de «Politique occidentale» envers l'Afrique à la Deutsche Welle. À l’époque, des profils de journalistes comme le sien étaient considérés comme les «meilleurs connaisseurs de la politique occidentale». Officiellement, Abdoul Aziz est journaliste politique, mais dans sa carrière, il n’a laissé presqu’aucun desk en rade au sein du service francophone de la Deutsche Welle. Polyvalent, il est passé de la Culture, à l’Économie et au Sport. En 2012, il était encore responsable du desk Sports de la DW. Au total, il aura capitalisé 47 ans à la DW et à juste raison. «Je sais que son travail était bien apprécié par les responsables de la chaîne, sinon ils ne l’auraient pas gardé si longtemps car Aziz a quasiment fait toute sa carrière à la DW jusqu'à la retraite», estime Djadji Touré qui a pris le relais pour l’ORTS quand Abdoul Aziz a rejoint la DW.
Le journaliste Mbaye Sidy Mbaye a rencontré Abdoul Aziz Diop en Allemagne et se souvient des valeurs dont est porteur son confrère. «Aziz était un journaliste aguerri aux règles d’éthique et de déontologie de notre profession. On s’est connu en Allemagne, à la Deutsche Welle. Un homme très ouvert aux innovations en matière de liberté des journalistes, de leurs droits d’assumer la responsabilité au nom des "personnes". C’est une notion qui est née dans les années 40-45 et qui a renforcé le pouvoir de l’opinion publiques».
Un face à face avec Abdou Diouf qui fait l'effet d'une bombe dans le pays
Abdoul Aziz Diop se rappelle cet entretien tendu qu’il a eu avec le président Abdou Diouf en direct à la télé lors des élections de 1988 pour le compte de la DW et qui «avait retenti comme une bombe dans ce pays». Il s’agit d’un entretien sans concession où Abdoul Aziz récusait l’incarcération d’Abdoulaye Wade et dénonçait la flagrance d’une injustice. Une prise de position claire et nette de ce journaliste ô combien révolutionnaire. «Bien que je ne sois pas membre du PDS, j’étais en discussion très, très vive avec le président Abdou Diouf pour la libération de Abdoulaye Wade parce qu’il n’y avait aucune raison de l’arrêter», se souvient-il. D’ailleurs, il se rappelle avoir été le premier à évoquer l’idée d’un gouvernement d’union nationale au Sénégal à cette époque précise.
Bientôt 50 ans passés en Allemagne, Abdoul Aziz Diop explique pourtant que son projet à l‘époque ne fut nullement de s’incruster au pays de Johann von Goethe. «Puisque, dit-il, toute ma volonté était de travailler pour le Sénégal» et surtout de lutter pour «la liberté de la presse qui a été l’une des raisons pratiquement de mon exil». Ça, c’était le vœu. Mais l’amour étant parfois capable de chambouler des projets les plus obsédants, cela a dû changer les plans du journaliste. Ce n’est pas pour autant qu’il s’est déconnecté du pays, surtout pas de son Saint-Louis natal. Aziz Diop tient à la terre de ses ancêtres comme à la prunelle de ses yeux. Il a voyagé dans nombre de pays à travers le monde, visité beaucoup de villes. Mais son Saint-Louis natal demeure sa ville de cœur. Cette ville l'habite même s'il a aussi son cœur au pays de Konrad Adenauer.
Cette Allemande qui conquis le cœur du journaliste
Arrivé en Allemagne, Abdoul Aziz Diop s’est très tôt remarié avec une native avec qui ils forment un couple exemplaire et fusionnel. Un amour fort qui a transcendé les années et les différences culturelles. Le couple germano-sénégalais a eu trois enfants et des petits enfants. L’épouse allemande d’Abdoul Aziz a généreusement éduqué ses autres enfants issus de son premier mariage au Sénégal qui l’avaient rejoint en Allemagne. En famille, Abdoul Aziz Diop est un papa modèle, diplomate et négociateur. Avec ses enfants, c’est la grande amitié, une complicité à toute épreuve et une expression sans tabou dans le respect mutuel. À la question de savoir quel type de papa il est, il répond en souriant «Si je fais confiance à mes enfants, je ne sais pas s’ils voulaient me truander ou pas, il semble que je suis un excellent papa», rapporte-t-il sur un ton humoristique. Mais une chose est sûre, Abdoul Aziz est d’abord «un ami» pour eux.
Par exemple, quand, il rentre à Dakar, il sort avec l’une de ses filles. «Nous sommes sortis deux ou trois nuits. Mais personne ne voulait croire que c’était ma fille. Nous sommes allés en boîte, allés ici et là prendre un pot. Notre dialogue est sincère et l’échange se fait dans le respect avec un langage très libre. Je suis comme ça avec tous mes enfants», assure-t-il. En plus d’être bon papa, Abdoul Aziz Diop est loyal en amitié. Il dit porter toujours ses amis de jeunesse dans son cœur sans distinction aucune, quel que soit ce qu’ils sont devenus socialement ou qu’ils ont accompli professionnellement. «Pour moi, ils sont tous égaux et je les porte dans mon cœur avec la même passion», affirme-t-il «J’ai toujours adoré tous mes amis et je respecte beaucoup mes amis de jeunesse parce que nous avons partagé quelque chose de très, très beau. D’ailleurs, je ne fais que leur courir après. Je crois qu’autant que je suis un bon père de famille, je suis un bon ami», insiste-t-il. Abdoul Aziz a compris que donner de l’amour participe aussi, dans une certaine mesure, de son bonheur.
La philosophie du bonheur selon Abdoul Aziz Diop
Affable et très prévenant, Abdoul Aziz est un homme attentionné au regard bienveillant. Svelte et de teint clair, ses cheveux grisonnants portent le poids des âges. Le regard de ce Saint-louisien bon teint suffit pour mettre en confiance ses interlocuteurs. C’est tout débordant d’émotion qu’il nous accueillait en 2012, chez lui à Yoff. Il était si ému qu’il avait du mal à s’installer confortablement dans le fauteuil, le dos très loin du dossier. Ce n’est pas pour autant qu’il se sépare de sa pipe après s’être excusé de fumer. Pour Abdoul Aziz, il fallait à tout prix mettre à l’aise ses hôtes. Le journaliste Djadji Touré connaît bien l’homme qu’il a remplacé à la Deutsche Welle pour l’ORTS : «Aziz c’est un grand cœur, un vrai «domou Ndar» avec la sensibilité, l’urbanité mais aussi la témérité», nous confie Djadji Touré avec qui il a «des relations familiales par alliance».
Abdoul Aziz Diop est un homme heureux parce que sa philosophie de la vie est simple et le bonheur pour lui, c’est facilement atteignable. «L’idée du bonheur pour moi, c’est d’être d’accord avec soi-même. Si on est d’accord avec soi-même, je crois qu’on peut être heureux». L’argent c’est bien, mais trop d’argent, c’est problématique. À son avis, il est absurde de passer sa vie à thésauriser car rien ne vaut la paix. Or si vous avez trop d’argent, ce qui risque de vous manquer cruellement c’est la paix que l’argent ne peut acheter outre mesure. «Si vous avez beaucoup d’argent, vous n’avez que des soucis d’argent. Vous n’avez pas la paix. Quand vous dormez, vous pensez à l’argent, quand vous rêvez, vous ne pensez qu’à l’argent ainsi de suite», estime Aziz. In fine, il est important de savoir apprécier le peu que l’on possède. «Avec le peu, je peux vivre honnêtement, vivre heureux et ne pas me donner des préoccupations qui me chargent moralement jusqu’à m’exclure un peu du véritable sens de la vie», analyse Abdoul Aziz.
Passion, parcours et regard sur le journalisme aujourd’hui
Né en 1948 à Saint-Louis, Abdoul Aziz est ancien pensionnaire du lycée Blanchot et a été ancien élève du ministre Amadou Makara Mbow. Étudiant en philosophie, avec Mamadou Diop Decroix, c’est en deuxième année d’études qu’il passe avec succès le concours de journalisme organisé, à l’époque, à l’échelle continentale. Reçu à ce concours, il rejoint La Maisons-Laffitte (France). À ce titre, Abdoul Aziz est de la même génération et de la même formation que Sokhna Dieng, Abdou Bane Ndongo. D’autres comme Malick Gueye, Abdoulaye Fofana Junior étaient admis dans les centres de production de la même institution. La formation terminée, rentré au pays, Abdoul Aziz rêvait d’une presse libre, indépendante et respectueuse de l’éthique et de la déontologie. C’était une période de brouillement politique où la jeunesse avait soif de changement, voire de chamboulement politique, sociale et idéologique.
«Cette génération de soixante-huitards ce sont des combattants. Partout où ils sont, ils se battent contre l'injustice et contre la médiocrité. Aziz était en pointe sur ce front contre l'injustice et contre la médiocrité», se remémore Mamadou Diop Decroix qui a lui-même fait les frais du régime Senghor parce qu’«exclu de l'université et enrôlé dans l'armée jusqu'en 1972». Il entre clandestinement en politique et perd de vue Abdoul Aziz Diop alors qu’ils étaient «de vrais copains» au département de philo. C’est dans ce contexte que Abdoul Aziz trouve l’opportunité d’aller se former en France en journalisme.
Le journalisme, trop sérieux pour rester aux seules mains des journalistes
Une presse libre et indépendante, c’était le vœu des journalistes de la génération d’Abdoul Aziz. «Notre but c’était qu’il y ait ce qui existe aujourd’hui. Vous êtes heureux actuellement», se réjouit Abdoul Aziz Diop. Il se «satisfait» aujourd'hui de la floraison des titres au Sénégal et de la liberté dont jouissent les journalistes. Puisque quand, lui quittait le Sénégal, l’ORTS radio et le quotidien «Le Soleil» étaient seuls médias du pays. Mieux, il n’était «pas donné de parler ou d’écrire», en toute liberté comme c’est le cas aujourd’hui. C’était un seul discours, lisse, commode et en phase avec le régime Senghor. D’ailleurs, c’est en voulant passer outre que lui s’est retrouvé en Allemagne par la force des choses. «J’ai fait partie de ceux qui œuvraient pour le développement du pays parce que j’étais à la radio et à la radio c’est du sérieux. On a essayé d’apporter notre savoir-faire. Aujourd’hui, quand j’attends parler de liberté de presse, j’ai envie de rire. Parce qu’on était les premiers militants de cette cause», affirme Abdoul Aziz.
Mais sur un autre plan, Abdoul Aziz reste dubitatif sur la pratique du métier au Sénégal. «À lire parfois le contenu de certains collègues, on relève énormément d’insuffisances», regrette-t-il. À son avis, ces insuffisances pourraient relever des failles de la formation. Mais en même temps, l’école ne peut pas non plus tout donner. Le journaliste doit sans cesse se former. D’ailleurs, le doyen sénégalais de la DW est pour une suppression de «l’école réelle de journalisme». Pour lui, ce n’est pas inintéressant d’ouvrir la profession à des professionnels d’autres secteurs. En d’autres termes, il serait pertinent que de plus en plus, tout journaliste, ait une autre formation dans un domaine quelconque en plus des techniques professionnelles qu’il peut acquérir à l’école de journalisme. «Je ne suis pas partisan d’une école réelle. Je suis favorable à ce qu’un juriste, un médecin ou qu’un instituteur fasse du journalisme. Qu’on ait quelque chose en main pour apprendre ensuite les techniques de l’information», argue-t-il.
Toutefois, Abdoul Aziz Diop ne perd pas de vue le fait que ce soit «plus complexe» aujourd’hui parce que tout simplement c’est «toute une science, la communication avec pas mal de disciplines». In fine, aller à l’école pour certaines disciplines dérivées oui, mais y aller pour du journalisme exclusivement, «je ne crois pas que l’école soit nécessaire», conclut-il. Professionnel aguerri, Abdoul Aziz a reçu et formé des générations de stagiaires africains, notamment sénégalais au service francophone de la DW pendant des années. Son conseil à leur endroit a toujours été «lire, lire, lire et lire». Il n’y a pas de secret pour être bon dans ce métier. Internet existe certes, mais ne suffit pas. Et pour que ses conseils soient mis en application et suivis d’effets, Abdoul Aziz ne manque pas d’offrir des œuvres à ses interlocuteurs. À son avis, le manque de documentation peut-être une des causes des lacunes notées chez la nouvelle génération. Abdoul Aziz a aimé le journalisme, mais sa vie n’est pas faite que du journalisme. Il a ses passions pour exprimer et partager ses émotions. Au commencement était l’art...
Vie littéraire et artistique
Journaliste, Abdoul Aziz Diop est aussi écrivain, musicien et peintre. Un artiste multidimensionnel en somme. Son premier livre «L’ailleurs et l’illusion» paru en 1983 au NEA porte sur l’émigration. Dix ans plus tard, il sort «Prisonniers de la vie» qui rassemble ses souvenirs d’enfance à Saint-Louis, «Prison d’Europe» en 2011, a eu le 3è Prix des lycées et collèges du Sénégal. Ce roman retrace l'itinéraire de Michael, un Africain incarcéré dans une prison allemande, accusé de supercherie et de violences conjugales. «L’obsession du bonheur» est en cours de finalisation compte non tenu des nombreux «brouillons» en attente dans les tiroirs. Passionné de «création musicale», en 1997, Aziz avait sorti une cassette intitulée «Ndar». «J’écris des chansons en wolof car avant d’être journaliste, j’ai été musicien. Je chantais et jouais de la guitare et je me suis formé au Star Jazz de Saint-Louis». Également attiré par la peinture, c’est l’expression artistique qu’il a le moins pratiqué. Tant mieux puisque le «’virus de la peinture' a été retransmis à quelques-uns de ses enfants tout comme la musique», expliquait-il dans le quotidien Le Soleil en 2014.
Retraité depuis 2014, malgré son attachement pour le Sénégal, Abdoul Aziz ne compte pas commettre la maladresse de rentrer au Sénégal et laisser son épouse en Allemagne. Dans sa vision des choses, cela relèverait de l’ingratitude. «Ce n’est pas très reconnaissant de profiter d’un peu trop de ma liberté pour dire : ‘’maintenant je suis en retraite, je vais aller dans mon pays, je vais rester six mois ou sept mois là-bas et te laisser seule ici’’. Ce n’est pas correct», estime-t-il. Toutefois, il avait prévu de multiplier «si c’est possible les va-et-vient».
Attaché à sa culture sénégalaise, Abdoul Aziz s’est aussi enrichi de quelques valeurs germaniques comme le culte du travail. La société allemande m’a beaucoup marqué ; elle m’a donné le sens de la ponctualité, de la franchise, de la conscience au travail quitte à y laisser ma vie». En près de 50 ans de service, Aziz ne s’est absenté que 2 fois au boulot parce que là-bas, même malades, les gens ne s’absentent pas aussi facilement. Ce qui pour lui tranche avec les habitudes au Sénégal ou ailleurs.
Abdoul Aziz tel un ambassadeur du Sénégal ?
Abdoul Aziz est probablement le premier Sénégalais arrivé en Cologne en 1973. Sa profession aidant, il a sans conteste réussi à trisser sa toile en termes de relations et de réseautage. Etant donné son grand coeur, il ne s'abstient pas d'aider ses compatriotes qui ont quelques petits soucis d'ordre administratif ou autres. En tout cas sur la toile, des internautes qui connaissent l’homme témoignent. «Ce monsieur Diop est une pilonne de la fierté sénégalaise et il pesait beaucoup plus lourd que notre ambassadeur à Bonn. Son assistance aux Sénégalais en Allemagne est sans borne», commente un internaute qui se fait appeler Clin D’Œil. «Généreux de cœur et d'esprit, patient et pédagogue accompli. Aziz Diop est multidimensionnel. C'est la source à laquelle on ne se privera jamais assez d'étancher notre soif inextinguible de connaissance. Reste longtemps encore parmi nous », dit pour sa part un certain Pappur_Meradiop. Un troisième internaute est plutôt surpris quand Abdoul Aziz Diop dit n’avoir pas été confronté au racisme pendant tout ce temps en Allemagne. «il faut avoir une drôle de chance à moins d'être" aveugle». En effet, Abdoul dit n'avoir été victime de racisme à proprement parlé, mais convient que la discrimination existe.
Nous avions interviewé et dressé le profil très léger de Moulay Abdel Aziz, le nom d’antenne d’Aboul Aziz en 2012 lors de son bref passage à Dakar pour la célébration des 50 ans de la section française de la Deutsche Welle. Le profil avait été publié dans Le Pays au Quotidien et le Sénégalais.net. Abdoul Aziz profitait de ce retour pour passer l’une de ses rares Tabaski à Saint-Louis «après 40 ans de non tabaski» en Allemagne. Puisque là-bas, le jour de la Tabaski est «une journée comme une autre, à part prier et se recueillir», contrairement à la convivialité et le partage dont on peut jouir au Sénégal. Ce texte alors très maigre en infos, a été profondément réactualisé et mieux documenté, notamment avec des témoignages les propos récent du personnage dans un entretien sur Emigré Tv.
Puisque désormais "Domou Ndar" est définitivement libéré de ses charges à la Deutsche Welle, il peut revenir tranquillement fêter, fin de ce mois de juillet, une Tabaski en paix dans l’intimité familiale, renouer avec les senteurs et les saveurs de Ndar, sa «cité éternelle».
VIDEO
LA CHINAFRIQUE A-T-ELLE SUCCÉDÉ À LA FRANÇAFRIQUE ?
Vêtements, téléphones ou motos, le marché africain est inondé de produits "made in China". Mais cette influence grandissante ne s'arrête pas là : Pékin trouve sur le continen des matières premières, de la main-d'œuvre bon marché pour ses industries
Vêtements, téléphones ou motos, le marché africain est inondé de produits "made in China". Mais cette influence grandissante ne s'arrête pas là : Pékin trouve sur le continen des matières premières, de la main-d'œuvre bon marché pour ses industries et une zone d'influence géopolitique.
Certains voient une relation gagnant-gagnant entre l’Afrique, en plein développement, et la première puissance économique, au marché saturé : la "Chinafrique" a-t-elle succédé à la Françafrique ?
CES HÉROÏNES AFRICAINES QUI ONT LUTTÉ CONTRE LE COLONIALISME
A l'heure où de nombreux pays africains célèbrent leurs 60 ans d'indépendance, voici 5 portraits de femmes africaines qui ont combattu le colonialisme tout au long des siècles
La Journée internationale de la femme africaine (JIFA) a été créée en 1962 et promulguée par l'ONU et l'OUA le 31 juillet 1963. Elle est célébrée tous les 31 juillet.
Cette année, cette célébration tombe dans un contexte particulier où la mort de l'afro-américain George Floyd, tué lors de son arrestation à Minneapolis aux Etats-Unis, a redonné une vigueur au débat sur les traces du colonialisme en Afrique.
Voici cinq héroïnes de la lutte contre le colonialisme à découvrir ou à redécouvrir.
Aline Sitoé Diatta, Sénégal (1920-1944)
Originaire de la basse-Casamance, Aline Sitoé Diatta fut l'une des premières résistantes contre la domination française.
Orpheline très jeune, elle a été élevée par son oncle paternel. Quand celui-ci est mort à son tour, elle est partie vivre à Ziginchor où elle a travaillé comme docker puis à Dakar où elle trouva du travail comme domestique chez un colon.
Un jour de 1941, elle entend une voix lui dire d'entrer en résistance contre les colons pour sauver le Sénégal et de retourner en Casamance sous peine de connaître un malheur. Elle choisit tout d'abord d'ignorer cette voix et devient paralysée quatre jours plus tard.
Ce n'est qu'une fois de retour en Casamance, en 1942, que la paralysie disparait même si elle garde en séquelle un léger boitillement.
A cette époque, la France est pleinement engagée dans la deuxième guerre mondiale et demande à ses colonies de contribuer à l'effort de guerre de la métropole. Les autorités françaises au Sénégal ponctionnent la moitié des récoltes de riz de Casamance. Révoltée par cet état de fait, Aline Siloé Diatta dissuade les habitants de sa région de participer à l'effort de guerre et les pousse à refuser l'enrôlement dans l'armée française.
On prête également à celle qui était surnommée "la femme qui était plus qu'un homme" des pouvoirs de guérison et de nombreuses personnes se déplacent pour la voir en pèlerinage afin d'obtenir un miracle. Ce pouvoir spirituel, lui confère également une forte autorité sur la population.
Craignant de possibles troubles dans cette région de Casamance traditionnellement réfractaire au pouvoir colonial, les autorités françaises arrêtent Aline Sitoé Diatta le 8 mai 1943, en même temps que son mari.
Elle est ensuite transférée de prison en prison, au Sénégal, en Gambie puis à Tombouctou au Mali où elle décède finalement du scorbut en mai 1944.
Lalla Fatma N'Soumer, Algérie (1830-1863)
Femme éduquée née dans une famille de lettrés, elle rejoint la résistance kabyle à l'âge de 20 ans.
Prophétesse et stratège, elle est très respectée parmi les combattants. En 1854, elle succède au chef de la résistance Chérif Boubaghla.
Cette même année, elle remporte la bataille du Haut Sebaou, sa première victoire contre les français. Capturée au combat par l'armée française en 1857, elle meurt en prison à l'âge de 33 ans.
Sarraounia Mangou, Niger, XIXe siècle
« Sarraounia » signifie « reine » en langue haoussa. Elel a été chef politique et religieuse présidant depuis Lougou, la capitale aux destinées du royaume Azna, dans le sud-ouest du Niger.
En 1899, elle organise la résistance contre la colonne d'exploration Voulet-Chanoine, réputée l'une des missions les plus meurtrières de la colonisation française en Afrique de l'Ouest.
La Mission Afrique centrale, créée en 1898 et dirigée par les capitaines Paul Voulet et Julien Chanoine, partie de Saint-Louis du Sénégal devait rejoindre le Tchad.
EXCLUSIF SENEPLUS - En débusquant et en dénonçant les bourreaux, nous devons nous interroger sur nos propres responsabilités dans notre histoire. Qu’avons-nous fait pour subir ce qui nous a été infligé ?
Hamadoun Touré de SenePlus |
Publication 31/07/2020
« La guerre la plus difficile à gagner est celle que l’on mène contre soi-même » (Amadou Hampaté Bâ).
L’homme a des problèmes avec son histoire, celle qui est faite de turbulences et de sang, de bruit et de fureur. Le passé que nous devons lire, comprendre et interpréter pour le transcender mêle parfois, dans de douloureuses réminiscences, bourreaux et victimes.
Les blessures du passé restées ouvertes expliquent que l’émotion soit le sentiment qui domine lorsqu’on songe à ces moments de douleur. La traite négrière, l’esclavage, la colonisation et le nazisme font partie des plaies profondes de l’humanité.
L’Allemagne hitlérienne qui fut sa honte il y a 80 ans, a obligé l’Occident à liguer ses peuples pour faire triompher la civilisation sur la barbarie. Il a traqué sans répit les criminels jusque dans leur dernier repaire, les a jugés et condamnés. L’État d’Israël a poursuivi avec une opiniâtreté aussi tenace que redoutable les auteurs de la Shoa.
L’Afrique n’a pas vu ce même Occident mettre au ban de l’humanité ceux qui l’ont pillée, avilie et méprisée des siècles durant. Juste un petit frémissement après l’assassinat de George Floyd.
Le crime de Minneapolis, dans des conditions effroyables, a été le point de départ d’une indignation qui a culminé à un niveau rarement atteint dans des manifestations planétaires contre la barbarie.
Époques d’obscurantisme
Le monde entier, toutes races confondues, a dénoncé, dans un élan d’espérance, les époques d’obscurantisme. Après le temps de l’émotion, celui de l’interrogation, et surtout de l’inventaire. Inévitable, la question centrale est de savoir si le combat est livré contre le passé ou pour l’avenir ? Il est tentant de répondre que la lutte est menée pour les deux. Notre passé doit être une référence, un point de départ qui nous engage à commencer par le plus difficile, reconstruire et non le plus facile, détruire.
Significatif de l’après-George Floyd, le déboulonnement des stèles et de statues de ceux qui ont marqué au fer rouge l’histoire de l’homme noir, un vaste mouvement a pris partout le relais pour jeter à l’eau des œuvres honteuses, débaptiser des avenues et des places, comme si de tels actes, si fortement chargés de symboles, suffisaient à exorciser les démons d’une très longue résignation.
Ces objets inanimés que sont les statues, ont-elles
donc une âme, comme s’interrogeait le poète Lamartine ? Elles ont fait partie en tout cas du décor quotidien qui a nourri pendant des siècles le combat contre le racisme. De la même façon la participation des soldats africains aux guerres mondiales a servi de levain aux revendications et à l’obtention de nos indépendances.
Aristote (IVe siècle avant JC) écrivait dans la Politique «l’humanité est divisée en deux catégories : les maitres et les esclaves ». Énoncé comme une évidence, il n’y a rien de plus faux que ce mot du penseur grec dont l’apport a été, par ailleurs, remarquable, dans certains secteurs de la philosophie. Les bourreaux et les victimes ne peuvent pas avoir la même lecture de l’histoire, les héros des premiers ne peuvent pas être célébrés chez les seconds.
Sans guerre, sans traite négrière et sans colonisation encore moins esclavage, l’Europe et l’Afrique, deux continents voisins, tentent de mutualiser leurs efforts face aux crises qui secouent le monde, en ce moment la maladie à coronavirus. Les rapports humains ne sont donc pas condamnés à la barbarie. En ce 21è siècle, avec des relations normales entretenues, nous commerçons et coopérons dans des conditions d’intérêt mutuel.
Une évidence, sans doute teintée d’angélisme, est que nous aurions pu mêler nos traditions, nos civilisations, nos valeurs et notre sang même sans cette violence inouïe qui a conduit à la plus grande saignée qu’ait connue l’humanité dans la durée, par le nombre et les conséquences.
Devoir d’inventaire
Aussi, l’émotion qui étreint lorsqu’on évoque ce que notre histoire recèle de tragédie se justifie-t-elle avec la destruction de ce qui est visible : les symboles qui sont autant de couteaux remués dans les plaies. La profondeur de ces blessures justifie que l’on déboulonne des statues, débaptise des avenues, des villes et même des pays. Ils ne rappelaient que trop asservissement et destruction, profanation de nos panthéons où nos rois, nos chefs de guerre, nos cerveaux, bref nos héros, ont subi l’injure du dénigrement et du rejet aux orties de l’histoire.
Après l’émotion inévitable, humaine, s’impose le devoir d’inventaire. En débusquant et en dénonçant les bourreaux, nous devons nous interroger sur nos propres responsabilités dans notre histoire. Qu’avons-nous fait pour subir ce qui nous a été infligé ? Avons-nous participé, contribué ou facilité notre propre lynchage, la violation de nos droits, le bradage de nos semblables, notre rabaissement en tant que partie intégrante de l’humanité ? Pourquoi ce qui est arrivé est-il arrivé ? Qu’avons-nous fait pour le rendre possible ? Nos traditions politiques, sociales, économiques, et culturelles, étaient-elles perméables au point d’annihiler en nous toute capacité de défense et de résistance ? Qu’avons-nous fait pour rendre possible ce qui nous est arrivé ?
Avons-nous eu connaissance de l’existence d’autres esclavagistes qui n’ont pas érigé des statues visibles dans nos avenues et nos villes mais dont les pratiques ont laissé des stigmates indélébiles dans les cœurs meurtris ? Quel sort a-t-on réservé aux nombreuses demandes de réparation par le Nord de l’esclavage et de la colonisation subis par le Sud ?
Question terrible : l’Union Africaine (UA) a-t-elle enterré le combat initié dans ce secteur par son ancêtre, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) ? A-t-on sacrifié les revendications légitimes sur l’autel de la realpolitik ?
Autant de questions qui exigent des réponses de toutes les disciplines des sciences politiques et humaines, des acteurs politiques ainsi que le décodage de nos traditions orales pour permettre de décrypter notre passé, éclairer notre présent, choisir nos options pour maitriser notre avenir.
Œuvre suprême
En attendant, penchons-nous sur le passé sans affecter sa réalité, en n’oubliant pas que les méfaits d’hier dont nous sommes victimes demeurent une honte et une plaie sur le front de l’humanité qui ne s’y trompe pas dans le préambule de la charte constitutive de l’Organisation des Nations Unies pour la Science et la Culture (UNESCO) : « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ».
Gardons-nous donc de conduire à la potence les esclavagistes par procuration par le simple déboulonnage de leurs statues. Laissons-leur symboliquement la vie sauve à travers leurs descendants pour comprendre la justesse du combat que l’on menait contre les perversités du système qui les entretenait. Et leur prouver que la démocratie est égalité entre les hommes et les peuples. Même s’il est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres, comme le disait avec esprit Winston Churchill.
A l’inverse, les esclavagistes et autres racistes doivent trouver d’autres réponses à leurs ignobles forfaits, empêcher la répétition de leurs crimes, ériger le contraire des sociétés qu’ils prônaient, origine de leur fortune douteuse au fil des siècles. Enfin, en prêchant d’exemple face aux générations montantes, abstraction faite de leurs origines, en leur enseignant que la fraternité est meilleure que les préjugés hiérarchisant les races. Et mettre définitivement au bûcher le funeste Code noir de Colbert qui rejetait aussi les Juifs, tout comme les infâmes instructions de Jules Ferry sur ceux qui ont pour mission de civiliser les indigènes.
Il faut, ici et maintenant, déboulonner les images, les symboles, les pensées et les idées qui véhiculent tous les stéréotypes. C’est le préalable pour extirper de nos têtes les complexes autant chez les bourreaux que chez les victimes, nous libérant ainsi de nos vieux démons. L’objectif ultime est d’accomplir une œuvre de destruction des statues mentales pour préparer l’avenir sans oublier le passé. C’est l’épreuve suprême pour conjurer nos propres pulsions, car, comme l’a dit le sage Amadou Hampaté Bâ « la guerre la plus difficile est celle que l’on mène contre soi-même ».
Les avocats des prévenus, dans l'affaire dite de la dame de Sacré-Cœur, sont-ils atteints du syndrome de Peter Pan, en voulant ériger une bulle qui mettrait leurs clients hors du champ du vrai débat ?
Les avocats des prévenus, dans l'affaire dite de la dame de Sacré-Cœur, sont-ils atteints du syndrome de Peter Pan, en voulant ériger une bulle qui mettrait leurs clients hors du champ du vrai débat ? Sachant que leurs clients sont dans un sacré pétrin qui les amènera à passer plus que la Tabaski en prison, ils n'ont rien trouvé de mieux que de s'en prendre au directeur d’Amnesty International/Sénégal, Seydi Gassama.
Son ‘’crime’’ : avoir diffusé sur les réseaux sociaux la vidéo montrant les sévices infligés à la dame accusée de vol. Kekh kekh..., rigolons-en ! Que la famille de la dame, affligée par ces images, eût préféré leur non-divulgation et ne jamais les voir sur la toile, on aurait pu comprendre sa volonté de se prévaloir du droit à l'image. Mais que les avocats des suspects de faits délictuels s'en prennent au défenseur des Droits de l'homme qu'est Gassama, on en boyaute ! Nul ne plaidant par procuration, donc ne pouvant parler au nom de la dame victime, c'est pour le compte de leurs clients prévenus dans l'affaire qu'ils reprochent à Gassama d'avoir mis sur la place publique les images incriminées.
La question est de savoir dans quelle mesure une personne peut-elle se prévaloir d'un droit à l'image pour empêcher ou dénoncer la diffusion de scènes filmées ou photographiées et dans lesquelles elle est impliquée ? En le faisant, que cherche-t-elle vraiment : à défendre son honorabilité (ou ce qu'il en reste) ou empêcher la production de preuves des crimes ou délits qu'elle aurait commis ? Il est évident que sans la diffusion sur les réseaux sociaux, comme évoqué dans ces pages, la semaine dernière, l'affaire de la dame de Sacré-Cœur n'aurait pas eu la même ampleur.
SE PREVALOIR DE... - ... Récemment, sur le web, a été racontée l'histoire d'un jeune homosexuel banni et en errance sur une plage de Dakar. Les premières nuits où il a été chassé de son domicile familial, il explique avoir vécu une agression et, pire, avoir été violé par... trois gaillards. Qui en parle ? Personne ! Qui est-ce qui en était informé ? Personne ! Sauf, seuls les protagonistes, dont la victime, auteur du récit. Ce viol aurait-il été filmé par un témoin et lâché sur les réseaux sociaux, la chronique en eût été défrayée pour le moins ? Pas de témoins, pas de preuves, les criminels courent toujours librement.
Revenons-en aux faits de Sacré-Cœur. Il sera intéressant de savoir comment les juges vont trancher cette affaire, une fois qu'elle se retrouvera au tribunal. En attendant, rappelons que la protection du droit à l'image, qui est considéré comme un droit fondamental, admet quelques limites. "Sont considérées notamment comme licites et exemptes d'autorisation, les images diffusées qui répondent au besoin de l'information du public (fait d'actualité, phénomène de société, fait divers tragique, catastrophe nationale ou internationale", à condition que les images diffusées aient un rapport avec l'information véhiculée (Source agoravox.fr).
Les faits diffusés par le représentant d'Amnesty International sortent-ils de cette jurisprudence ? Non, manifestement ! Il y a lieu de relever, d'une part, que cette vidéo filmée par des témoins des atrocités circulait largement sous cape sur les réseaux sociaux, avant même que Gassama ne portât le débat sur la place publique. D'autre part, il existe plusieurs versions diffusées dont certaines qui floutent, fort heureusement, le corps et le visage de la dame. Laquelle est attribuable à Gassama ? En tout état de cause, le partage de la vidéo, quelle qu'en soit la motivation, aurait dû être précédé par le floutage de la dame. Sa personne en serait mieux respectée.
In fine, en diffusant de telles images sur les réseaux sociaux, Seydi Gassama enfonce certes ses auteurs, mais, et c'est sans doute cela son objectif principal, il contribue à décourager la répétition de tels faits attentatoires à la dignité humaine en général et féminine en particulier. Rappelons-le aux auteurs des faits incriminés, si besoin en est : nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude !
TOUT A COUP, BT : Certains lecteurs ont fait à Pépessou l'ultime flatterie de penser que derrière ce pseudo se cachait la plume de Babacar Touré. Que non ! Bab's l'Eléphant... ou BT pour les "gars de Sud", avait une stature imposante et une plume savante et bien trempée qui ne font pas partie des prétentions de Pépessou. Dans la presse sénégalaise, son parcours en avait fait un pachyderme qui s'est affaissé, tout à coup, ex abrupto, un certain dimanche, alors que personne ne s'y attendait.
Sa vie de journaliste aura été, en grande partie, celle d'un grand combattant pour le développement de la presse, la sauvegarde de sa liberté et des valeurs démocratiques au Sénégal. Parmi les moments les plus épiques de l'existence du groupe Sud Communication qu'il laisse derrière lui, il y a eu la forte opposition à Me Wade et son régime dont il fut pourtant un des proches à une certaine époque. Mécontent de la liberté de ton de certaines des ouailles de Sud, Babacar Touré fut alors combattu, jusqu'à l'esseulement, par le pouvoir de Wade qui voulait à tout prix la perte de son groupe de presse.
Comment évoquer l'essor des médias privés au Sénégal sans parler de son challenge fou avec sa bande de copains, au milieu des années 80, de lancer un hebdomadaire, ‘’Sud Hebdo’’, qui deviendra plus tard parmi les journaux de référence et donnera naissance à un groupe de presse parmi les plus influents du pays ? Ou encore Sud FM, qui devint, en 1992, la première radio privée sénégalaise. Il y eut aussi, LCA - La Chaîne Africaine, disparue depuis - première expérience de télé privée du Sénégal à vocation panafricaine, obligée de se baser à Paris d'abord et en Gambie ensuite, faute d'autorisation d'émettre depuis Dakar.
Journaliste devenu homme d'affaires, il était un influent conseiller de plusieurs chefs d'Etat de la sous-région, mais avait l'humilité et la discrétion pour étendard au point de refuser médailles et hommages. De BT, on aurait pu dire, il fit comme il put. Il fit courageusement et généreusement, pourra-t-on retenir. Avec Sidy Lamine Niasse, disparu il y a plus d'un an, il fait partie des figures marquantes de l'essor de la presse privée au Sénégal.
Qu'il repose en paix auprès des élus de Dieu !
LE CORONAVIRUS DOIT INCITER LES MUSULMANS AU REPENTIR
La pandémie doit inciter au raffermissement de leur foi en Dieu, a déclaré Serigne Moustapha Mbacké en dirigeant la prière de l’Aïd el-Kébir à la mosquée Massalikoul Djinane
La pandémie de Covid-19 doit inciter les fidèles au repentir et au raffermissement de leur foi en Dieu, a déclaré Serigne Moustapha Mbacké en dirigeant la prière de l’Aïd el-Kébir à la mosquée Massalikoul Djinane, à Dakar.
‘’Comme toute difficulté qui nous met à l’épreuve, cette pandémie doit être saisie par les musulmans comme étant une occasion unique pour se repentir et se rapprocher de Dieu’’, a-t-il dit devant des milliers de fidèles venus des nombreux quartiers de la capitale sénégalaise.
Pour y arriver, a indiqué l’imam, les musulmans doivent faire de la prière une arme et s’inspirer du prophète Ibrahim, qui, en suivant une recommandation divine, n’a nullement hésité à donner en sacrifie l’être qui lui est le plus cher, son fils.
‘’Quand Dieu a su que sa foi était inébranlable, il a aussitôt donné ordre à l’ange Gabriel de remplacer l’enfant par un bélier, quand Ibrahim était prêt à porter le coup fatal à son fils. Cela veut que lorsqu’on accepte les choses telles que Dieu les veut, nous ne pouvons qu’en sortir bien récompensés’’, a dit Serigne Moustapha Mbacké.
Il a également invité les musulmans au culte de la paix et de la tolérance, suivant une recommandation des grands érudits.
En raison de la pandémie de Covid-19, la prière de l’Aïd el-Kébir s’est déroulée à la mosquée Massalikoul Djinane dans le strict respect des mesures de prévention de la Covid-19.
Les mesures prises par les responsables de la mosquée faisaient obligation aux fidèles d’apporter une natte individuelle, de porter le masque, de se laver les mains avec du gel hydroalcoolique et de respecter la distanciation physique.
Du matériel de lavage des mains était installé sur toutes les entrées de la mosquée, et les masques étaient distribués gratuitement aux fidèles qui n’en avaient pas.
Les forces de l’ordre, aidées du personnel de la mosquée Massalikoul Djinane, veillaient au strict respect des gestes barrières.
MACKY SALL INSISTE SUR LE RESPECT DES GESTES BARRIÈRES ET LA PROTECTION DES PERSONNES ÂGÉES
Le président de la République a exhorté vendredi ses compatriotes à respecter les gestes barrières contre le Covid-19 et a demandé aux jeunes d’aider à la protection des personnes âgées contre la maladie à coronavirus.
Dakar, 31 juil (APS) – Le président de la République a exhorté vendredi ses compatriotes à respecter les gestes barrières contre le Covid-19 et a demandé aux jeunes d’aider à la protection des personnes âgées contre la maladie à coronavirus.
S’adressant à la nation à l’occasion de la Tabaski, la fête du sacrifice commémorant la soumission du prophète Ibrahim à Dieu, Macky Sall a tenu à ‘’insister’’ sur le port du masque, le lavage des mains et la distanciation sociale pour réduire les risques de propagation du Covid-19.
‘’La seule [mesure] qui peut aider à freiner la maladie, c’est le respect des gestes barrières, c’est surtout le port correct du masque et la distanciation sociale’’, a-t-il dit en s’exprimant sur la RTS, assurant que ‘’nous pouvons arrêter la propagation et protéger des vies’’ du Covid-19.
‘’La jeunesse a un rôle déterminant à jouer. Elle peut penser qu’elle est protégée. Elle doit protéger les personnes âgées’’, a dit le chef de l’Etat, rappelant que les plus âgés ont payé le plus lourd tribut à la pandémie de coronavirus.
Il a demandé le pardon de tous et a accordé le sien à tout le monde, à l’occasion de la Tabaski, célébrée le 10 du dernier mois du calendrier musulman.
Cette année, la Tabaski se déroule dans un contexte singulier : la pandémie de coronavirus, qui a fait des centaines de milliers de morts dans le monde.
Au Sénégal, un peu plus de 10.000 cas de coronavirus ont été recensés par le ministère de la Santé depuis la découverte du premier cas dans le pays, le 2 mars.
Quelque 200 personnes en sont mortes, et 3.176 patients sont pris en charge dans les centres de traitement de la maladie, selon le dernier bilan donné de la maladie, jeudi, par le ministère de la Santé.
DÉCÈS DE GORA NGOM, PROMOTEUR DE KHELCOM BÂCHES
Gora Ngom n’est plus. Le promoteur de Khelcom Bâches, société spécialisée dans la confection et la location de bâches et autres chapiteaux à l’occasion de grandes cérémonies est décédé ce matin
Gora Ngom n’est plus. Le promoteur de Khelcom Bâches, société spécialisée dans la confection et la location de bâches et autres chapiteaux à l’occasion de grandes cérémonies est décédé ce matin, à l’hôpital Principal de Dakar selon nos confrères de DakarActu. Gora Ngom y avait été hospitalisé depuis plus d’une semaine, avant de rendre l’âme tôt ce matin.
A MBOUR, UN IMAM APPELLE LES FIDÈLES À FAIRE BON USAGE DES RÉSEAUX SOCIAUX
Pape Ibrahima Faye, adjoint de l’imam de la grande mosquée de Mbour (ouest), a dénoncé vendredi l’usage des réseaux sociaux et des médias classiques par certains pour insulter, calomnier ou régler leur compte à leurs semblables.
Mbour, 31 juil (APS) - Pape Ibrahima Faye, adjoint de l’imam de la grande mosquée de Mbour (ouest), a dénoncé vendredi l’usage des réseaux sociaux et des médias classiques par certains pour insulter, calomnier ou régler leur compte à leurs semblables.
‘’Les réseaux sociaux, les médias en général, ne doivent pas être utilisés pour des injures, des invectives et des règlements de comptes’’, a-t-il dit à l’occasion de la prière de la fête de Tabaski.
‘’Rien n’est éternel dans ce monde. Devant Dieu, le jour de la résurrection, nous répondrons tous de nos actes, quels qu’ils soient’’, a-t-il lancé devant les nombreux fidèles.
Pape Ibrahima Faye a ajouté, s’adressant encore à ses coreligionnaires : ‘’L’un des péchés les plus graves, c’est de raconter de mauvaises choses sur son prochain. Chaque individu a des défauts qu’il ne souhaite pas voir étaler sur la voie publique, sur les réseaux sociaux et les médias.’’
Le prophète Mohamed recommande aux musulmans de ne se préoccuper que leurs défauts, pas de ceux des autres, selon le religieux.
‘’Devant Dieu, chaque membre de notre corps témoignera de ses actes. Et chaque péché sera puni. Nous sommes des handicapés, chacun d’entre nous vit avec un handicap’’, a insisté Pape Ibrahima Faye, faisant allusion aux défauts inhérents à chaque être humain.
Tout musulman qui ne fait pas les cinq prières quotidiennes recommandées par sa religion n’en est pas un, a-t-il dit aux fidèles, les invitant au respect strict des recommandations de l’islam, du Coran.
Le religieux a prié pour que la pandémie de coronavirus soit éradiquée le plus vite possible, au Sénégal et partout dans le monde.
Les musulmans du Sénégal, comme ceux de nombreux pays, célèbrent ce vendredi l’Aïd al-Adha ou Tabaski, l’une des principales fêtes de l’islam.
La ‘’fête du sacrifice’’, qui a lieu le 10 du dernier mois du calendrier musulman, se déroule cette année dans un contexte singulier : la pandémie de coronavirus, qui a fait des centaines de milliers de morts dans le monde.
Au Sénégal, un peu plus de 10.000 cas de coronavirus ont été recensés par le ministère de la Santé depuis la découverte du premier cas dans le pays, le 2 mars.
Quelque 200 personnes en sont mortes, et plus de 3.000 patients sont pris en charge dans les centres de traitement de la maladie, selon le dernier bilan donné de la maladie, vendredi, par le ministère de la Santé.
UNE TABASKI SOUS PRESSION SOCIALE
Des moutons hors de prix, des obligations familiales intenables et une conjoncture accentueé par la crise du covid-19... Les chefs de famille vivent un calvaire à l'occasion de cette fête de l'Aïd al-Adha
Un rendez-vous crucial dans ce pays à majorité musulmane, où la pression sociale est insoutenable pour certains ménages. Plusieurs cas de suicide de chefs de famille qui n'ont pas les moyens d’acheter le mouton sont régulièrement relatés par la presse locale.