SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
16 juillet 2025
VIDEO
LE CORONAVIRUS VU PAR MOUSSA SENE ABSA
"Une autre humanité va se créer", et "ce ne sera pas le monde d'avant j'espère, parce que le monde d'avant, c'est le monde de la consommation, du super fric, des banques, c'est le monde du matériel, qui a déshumanisé les êtres humains"
La pandémie vue par le cinéaste sénégalais Moussa Sène Absa : "une autre humanité va se créer", et "ce ne sera pas le monde d'avant j'espère, parce que le monde d'avant, c'est le monde de la consommation, du super fric, des banques, c'est le monde du matériel, qui a déshumanisé les êtres humains."
par Ada Pouye
LA RIPOSTE AU COVID-19 À L'ÉPREUVE DE LA SUPPRESSION DE LA PRIMATURE
EXCLUSIF SENEPLUS - S’appuyer sur le CNLS pour la distribution alimentaire et le transfert d’argent, nous aurait fait gagner du temps, des coûts et de l'efficacité dans la gestion des transmissions communautaires
Depuis l’abrogation du poste de Premier Ministre, le Sénégal s’est englué sur un terrain miné par les contradictions internes après s’être appuyé sur le PSE comme le pivot intangible du développement du Sénégal en occultant les contraintes de la géopolitique mondiale et surtout l’avènement du Covid-19 qui ont chamboulé les efforts pour l’union nationale et le dialogue politique. Comment la disparition du PM dans le schéma institutionnel a-t-il impacté la gouvernance de la riposte au Covid-19 au Sénégal ?
Le Sénégal entame la phase la plus critique de la riposte au Coronavirus avec le nombre actuel croissant de transmission communautaire. En effet, après les cas importés et les cas contacts, nous assistons à ce nouveau phénomène des cas relevant de la propagation communautaire. La gouvernance de la riposte face à la pandémie du Covid-19 ayant frappé le Sénégal depuis plus de deux mois connaît des fortunes diverses avec beaucoup d’incohérences et d’hésitations dans la prise de décision politique. Nous reviendrons la prochaine fois sur le diagnostic de la communication actuelle autour de la riposte et l’analyse de signes avec l’essoufflement et la lassitude des communautés par rapport aux messages des médias.
La pandémie du Covid-19 qui est une des pandémies les plus complexes que le monde a connu, revêt une importance particulière de par ses modes de transmission, sa vitesse de propagation, la discrimination de ses effets sur l’âge, entraînant une mortalité élevée. De cette complexité, il faut retenir la centralité de la gouvernance et de sa coordination pour une efficacité de la riposte. La gestion politique de la pandémie intervient dans un contexte marqué par la suppression du poste de Premier Ministre. La bonne gouvernance de la riposte dépend à la fois de la superstructure au niveau de l’appareil d’Etat et de la qualité des infrastructures biomédicales ainsi que des leçons apprises dans la gestion politique de la pandémie.
La superstructure de la riposte s’appuie sur des leviers complémentaires à savoir le Comité Stratégique, le comité technique pour la mobilisation et l’affectation des ressources, le Comité National de gestion des épidémies et le Centre d’opérations des urgences sanitaires sous la maitrise d’ouvrage du ministre de la Santé et de l’Action sociale. Nous sommes arrivés à une phase critique de la réponse, s’approchant presque de la barre des 2000 cas sans être alarmiste avec un faible taux de létalité. Nous constatons que l’absence de Premier ministre a plombé la riposte et permis une vampirisation de la réaction par le ministère de la Santé et de l’action sociale et de son cabinet, occultant la multi-sectorialisation. En son temps, l’ancrage politique de la structure de gouvernance de la pandémie du sida et de la lutte contre la malnutrition au niveau de la Primature a permis au Sénégal d’avoir une reconnaissance internationale dans cette double lutte. En effet, le Comité National de Lutte contre le Sida et la Cellule de lutte contre la Malnutrition étaient placés sous la tutelle de la Primature pour démontrer la volonté politique du gouvernement de mener ces combats et les maîtriser. La première génération de la Commission Nationale de lutte contre la Malnutrition après la dévaluation survenue en 1994 était logée à la présidence gérée par l’AGETIP comme un élément du Fonds d’investissement social avec une emphase sur la création de micro-entreprises de jeunes. En s’appuyant sur la nature de leur problématique, on aurait pu se dire que cela devrait relever du ministèrere de la Santé, mais en réalité seules les divisions sida et la Nutrition étaient associées dans la coordination.
Nous sommes même fondés à penser que nous assistons à un pilotage à vue de la riposte contre une pandémie avec plusieurs variables pouvant générer des risques politiques très élevés.
La riposte telle qu’elle a été abordée à travers la structure de gouvernance porte la marque de la verticalité autour du ministère de la Santé et de l’action. Les formats de communication institutionnelle autour du cabinet nous renseignent largement sur le parti pris d’une gouvernance à la fois politique et médicale au détriment des structures de coordination multi-sectorielles que nous connaissons dans la gestion des urgences sanitaires et humanitaires.
Le ministère de la Santé et de l’action perd pied et bande des muscles.
Le Covid-19 est sous la forme d’une géométrie à plusieurs variables dont la santé est juste une composante avec des incidences collatérales notamment sociales, économiques et politiques.
Vouloir réduire la riposte à une gouvernance médicale, c’est se tromper d’approche et exposer le Sénégal à une grave crise humanitaire dont les conséquences vont même ensevelir le PSE et exacerber l’ampleur de la demande sociale.
En effet, la nature de la pandémie exige une approche horizontale inclusive et multidisciplinaire. La structure de coordination de la pandémie doit être articulée au-delà du ministère de la Santé et de l’action sociale en l’absence du poste de Premier ministre, à l’instar des structures de coordination des urgences y compris sanitaires comme l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire en Guinée avec Dr Sakoba Keita, l’Agence nationale de lutte contre les urgences au Nigeria, et le Comité exécutif national de gestion des urgences au Kenya, piloté depuis la présidence du fait des enjeux politiques de la pandémie.
Les atouts pour bâtir sur le modèle des bonnes pratiques dans la gouvernance de la riposte au Covid-19
Au plan de la définition des politiques, l’amnésie est le sentiment le mieux partagé au Sénégal. Le CNLS dispose d’un potentiel énorme au niveau du plaidoyer, de la mobilisation sociale de l’engagement communautaire et de la prise en charge clinique et même ambulatoire. Rien ne s’opposait à ce qu’on bâtisse à partir du modèle du CNLS une matrice inclusive, participative avec la société civile et les communautés, qui prend suffisamment en compte la dimension du genre. Le CNLS qui dispose d’une plateforme communautaire et d’un maillage avec les religieux, les leaders communautaires, les femmes et les personnes vivant avec le VIH, est complètement ignoré par les structures de gouvernance de la riposte au Covid-19. En s’appuyant sur le dispositif du CNLS ou de la Cellule de lutte contre la malnutrition pour la distribution alimentaire et le transfert d’argent, il en découlait un gain en termes de temps, de coût et d’efficacité pour gérer les transmissions communautaires. Le modèle de gouvernance de la pandémie porte les marques d’une capture de la riposte par le ministère et son cabinet. Il ne sert à rien de réinventer la roue en s’appuyant sur une approche verticale avec le ministère de la Santé comme maitre d’œuvre de la riposte, comme le dit si bien le ministre. Il ne faut pas confondre l’algèbre et les mathématiques. La pandémie du Covid-19 est multidimensionnelle : c’est une équation à plusieurs inconnues qui mérite qu’on aille chercher au fonds de nous-mêmes le génie culturel et cultuel sénégalais et déconstruire le modèle technicisé, voire technocratique que nous tirons de l’occident dans la gouvernance de la riposte. La meilleure riposte face à une pandémie aussi complexe que le Covid-19 doit s’appuyer sur une bonne analyse du contexte socio-culturel, politique, social et économique et s’engager dans une singularité subjective, socle de la transformation positive autour des communautés qui ont toujours montré la voie de la résilience non cosmétique. Les sciences humaines doivent nous aider à décrypter ce qui se joue autour de la pandémie en vue de trouver des solutions appropriées pour les communautés.
Nous avons assisté le 11 Mai 2020 à un point de presse bien singulier tant sur la forme que sur le ton des messages conflictogènes donnant un sentiment de non-maitrise des nerfs du ministère de la Santé et de l’action sociale. Il semble démontrer qu’il perd pied devant l’impératif du changement de cap et le débordement sur sa droite par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique en termes de positionnement envers les collectivités locales et les confréries religieuses. Les coups de boutoir du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, du ministère de l’intérieur, du ministère du Développement communautaire de l’équité sociale et territoriale, du ministère de l’Economie et des finances, le ministère des Affaires étrangères et des sénégalais de l’extérieur, montrent encore une fois avec acuité les problèmes de coordination gouvernementale au niveau de la riposte.
Assiste-t-on à une guerre au sommet avec comme facteur d’exacerbation des contradictions sur les perspectives politiques post Covid-19 ? Le post covid-19 va-t-il être suivi par le réchauffement du climat social ? Les enjeux financiers des 1 000 milliards de francs vont pousser inéluctablement les groupes sociaux, politiques et religieux à chercher les moyens de prendre leur part du butin de guerre. Le chef de l’Etat devrait siffler la fin de la recréation et revenir sur les fondements de la République avec un retour en perspective du poste de Premier ministre pour faciliter la coordination de l’action gouvernementale autour de la riposte, et tracer les lignes directrices d’une deuxième phase de la montée en puissance de la riposte et du post Covid-19. Une chose est sûre : après l’expérience difficile du Covid-19, le Sénégal ne pourra plus être géré comme avant sans mettre en place une politique hardie de rupture de la géopolitique africaine et mondiale, de pleine souveraineté dans la prise de décision des politiques publiques, sanitaires, alimentaires et monétaires africaines, du renforcement du secteur privé et de la protection sociale. Plus qu’un handicap ou un désastre, le post covid-19 s’avère une opportunité pour aller au-delà du Programme Sénégal Émergent avec l’épanouissement des femmes et de la jeunesse comme point d’ancrage de toutes les politiques. Devrions-nous recourir au keynésianisme pour lancer de décisifs travaux à haute intensité opérationnelle de main d’œuvre et aborder la relance économique dans la sérénité républicaine ? Légitime et indispensable question à se poser !
D’ANCIENS MINISTRES DE LA SANTÉ LANCENT ‘’UN CADRE DE RÉFLEXIONS ET D’INITIATIVES’’ CONTRE LE COVID-19
‘’Cette initiative regroupe des personnalités ayant exercé d’importantes responsabilités dans le secteur de la santé dans leurs pays respectifs
Dakar, 12 mai (APS) – D’anciens ministres de la Santé du Sénégal, de la France, du Bénin, de la Mauritanie et de la Tunisie ont lancé une initiative visant à offrir aux autorités de leur pays ‘’un cadre de réflexions et d’initiatives’’ dans les stratégies nationales de riposte au nouveau coronavirus (Covid-19), a-t-on appris mardi à Dakar.
‘’Cette initiative regroupe des personnalités ayant exercé d’importantes responsabilités dans le secteur de la santé dans leurs pays respectifs. Elle marque leur volonté d’offrir un cadre de réflexions et d’initiatives pour soutenir les pouvoirs publics dans les stratégies nationales de riposte au Covid-19’’, a annoncé, dans un entretien avec l’APS, un ancien ministre sénégalais de la Santé (2000-2001, 2005-2007), Abdou Fall.
M. Fall et d’anciens ministres de la Santé de la France, Nora Berra, de la Mauritanie, Diye Ba, du Bénin Dorothée Kindé-Gazard, et de la Tunisie, Samira Meraï-Friaa, ont récemment publié une tribune publiée par l’hebdomadaire Jeune Afrique et le journal français L’Opinion, pour faire part de leur initiative.
Selon l’homme politique et ancien ministre sénégalais, le but de cette démarche est ‘’de capitaliser les innovations et les bonnes pratiques engendrées par cette crise, d’aider à entretenir cette dynamique créatrice et de travailler sur les conditions d’émergence de partenariat de nouvelles générations entre l’Afrique et le reste du monde, dans le secteur de la santé’’.
‘’Nous en sommes à la phase d’élaboration du projet’’, a-t-il précisé, affirmant que les auteurs de cette initiative sont en train de travailler sur ‘’la stratégie et les initiatives à entreprendre de façon planifiée’’ pour atteindre leur objectif.
‘’Notre ambition est de contribuer à l’effort de construction de systèmes de santé de plus en plus résilients et performants, au regard de la place que la santé occupe dans la vie des hommes et des sociétés’’, a souligné M. Fall.
‘’Nous n’avons aucun doute que nos propositions, qui s’inscrivent dans la ligne de renforcement des politiques nationales de santé, ne manqueront pas de susciter un intérêt pour les décideurs et les professionnels du secteur’’, a-t-il assuré.
Concernant l’inquiétude que suscite la propagation du Covid-19 en Afrique, Abdou Fall estime que ‘’la situation sanitaire du continent reste globalement sous contrôle’’.
‘’Mais un devoir de vigilance absolue et de tous les instants s’impose, car il ne fait aucun doute que nos systèmes de santé, malgré les résiliences prouvées, restent encore faibles pour contenir une flambée de l’épidémie. Des efforts soutenus doivent être consacrés à des stratégies préventives, destinées à la rupture de la chaîne de transmission’’, a-t-il souligné.
LE PANAFRICANISME SANITAIRE DE RAJOELINA TROUVE DES ÉCHOS FAVORABLES
En affirmant que les doutes émis contre son remède sont dus au fait qu’il ait été élaboré en Afrique, le président malgache a réussi un coup double : être porté aux nues par les internautes du continent, et éluder la question des preuves cliniques
En affirmant que les hostilités et les doutes émis contre son remède, qu’il présente comme étant curatif, sont dus au fait qu’il ait été élaboré en Afrique, Andry Rajoelina a réussi un coup double : être porté aux nues par les internautes du continent africain, et éluder la question des preuves cliniques de l’efficacité de sa décoction. Aux questions posées, des réponses empreintes d’une forte fibre nationaliste et africaniste qui ont fait mouche, aux dépens d’arguments scientifiques.
« Le nouveau Sankara », « courageux et déterminé », « gardant la tête haute », « pourfendeur de l’Occident » : les adjectifs et métaphores dithyrambiques pour qualifier le président malgache ont inondé, hier, les réseaux sociaux, après son interview donnée sur notre radio.
« Lui, au moins, il a eu le courage de dire que comme il n’y a pas d’autres solutions meilleures provenant d’autres pays, il y a le médicament trouvé à Madagascar, donc on va s’en tenir à cette solution-là. »
Pour cet acteur de la société civile malgache comme pour de très nombreux internautes du pays, le président Rajoelina sort grand vainqueur de son intervention. Il a su notamment, disent-ils, défier publiquement l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et pu prouver aux yeux du monde sa volonté de faire fi des mises en garde de cette organisation internationale.
Pour le politologue Toavina Ralambomahay, également élu municipal de l’opposition à la mairie d’Antananarivo, le chef de l’État a joué à l'envi sur une corde sensible : « Il utilise une frustration partagée par la population africaine, dont malgache. Le fait d’avoir été méprisés, sous-estimés pendant pratiquement toute l’histoire de l’humanité, d’avoir été colonisés, c’est comme une revanche. Toutefois, utiliser la fierté nationale et continentale pour donner de la crédibilité au remède tambavy-organics, c’est un argument, mais il vaut mieux hisser le débat sur le terrain scientifique ».
Pour d'autres, les vrais enjeux sont ailleurs
Des arguments écartés jusqu’à présent au profit de constats ou observations énoncés et répétés par le président et son entourage, jusqu’ici invérifiables. Pour Faraniaiana Ramarosaona, activiste de la société civile, le débat est ailleurs.
« On est en train de gaspiller de l’énergie pour cette tisane, alors que des gens dans notre pays sont en train de mourir de faim. Et on ne voit toujours pas arriver le plan de relance socio-économique alors que c’est le plus important. »
Les plus sceptiques, dont certains taxent le chef de l'État malgache de « panafricaniste opportuniste », « complotiste » voire de « dangereux imposteur », eux, attendent avec impatience les résultats des essais cliniques réalisés par l’Union africaine, le Sénégal ou encore l’Afrique du Sud.
Pour rappel, à ce jour, la Grande Île compte officiellement 183 cas d'infections au Covid-19 dont 105 guérisons et aucun mort.
par le chroniqueur de SenePlus, Hamadoun Touré
COVID- 19 : LE TRAIN DE LA RÉSILIENCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le temps d’après sera celui qui substituera la résilience à la résignation, conséquence de la manière dont nous avons supporté les contraintes d’hier, qui nous ont justement préparés à dominer celles de demain
Hamadoun Touré de SenePlus |
Publication 12/05/2020
« Dieu a donné une sœur au souvenir et l’a appelée espérance ». (Michel-Ange)
Progressivement, le monde s'éloigne de l’œil du cyclone de la maladie à coronavirus. Les premiers pays les plus touchés brisent timidement le cercle du confinement à la manière d’un enfant qui apprend à marcher, sortent de l’ombre avec discrétion et surmontent la psychose ambiante. Conséquence de l’observation de l’évolution de la pandémie par médecins et scientifiques dont les travaux ont réduit la part d’inconnues dans la propagation de cette maladie, entraînant ainsi moins de frayeur dans l’opinion populaire.
Les chercheurs et scientifiques auront sans doute raison du Covid-19 qui a fait tant de ravages et occasionné tant de pertes en vies humaines. Des médicaments sont proposés, des vaccins annoncés alors que les nouvelles technologies viennent en appui du travail des spécialistes. Ces évolutions nous éloignent de la panique ambiante du début.
Les malades du COVID-19, ceux qui en sont guéris comme ceux qui en ont été épargnés ne considèrent plus qu’un test positif à la maladie est synonyme de rejet dans le camp des pestiférés. En parler n’entraîne plus apparemment ni stigmatisation ni culpabilité. Pour le plus grand nombre d’entre nous, il ne s’agit plus de maladie honteuse comme d’autres pathologies en d’autres temps pas si lointains. Une belle avancée dans l’approche psychologique du coronavirus.
Tout voir et faire autrement
Il n’est pas trop tôt d’envisager une vie de l’après-pandémie, en raison de sa “décrue” et se préparer à embarquer dans le train de la résilience. En effet, la crise actuelle, si dure qu’elle soit, quelque douleur qu’elle ait engendrée ces six derniers mois, ne devrait pas occulter notre volonté d’inscrire l’avenir dans cette perspective.
Oui, le temps d’après, sera celui qui substituera la résilience à la résignation, conséquence de la manière dont nous avons supporté les contraintes d’hier, qui nous ont justement préparés à dominer celles de demain, à les adapter à notre nouvelle vie. L’arme du passé nous permet d’affronter le combat de l’avenir. L’épreuve vécue nous impose de tout voir et de tout faire autrement pour conjurer les imprévisibles retombées du coronavirus. Car désormais, il y aura, dans notre façon d’être, un avant et un après COVID-19.
Il nous faut donc nous préparer à un bouleversement des habitudes, nous qui avons développé des réflexes de résilience qui nous ont prémunis de l’effondrement tant redouté. Il ne fait aucun doute que le temps d’après sera une succession d’étapes plus longues et même plus contraignantes que l’adoption des mesures barrières et l’instauration des restrictions administratives. Ce sera un long parcours. Il faut s’y résoudre.
La fin attendue de la sédentarisation annonce aussi le temps des comptes du confinement et plus généralement de la pandémie. Au bilan, seront inscrites en solde positif toutes les vies humaines qui ont pu être préservées au regard des énormes conséquences de cette pandémie sur l’économie mondiale, de ses répercussions sur les plans financiers, sociaux, culturels, cultuels, psychologiques.
Notre siècle considérait comme acquis définitifs tant de conquêtes réalisées par l’homme. Il tenait par exemple les fusées comme des instruments domestiques ; de même, la santé, les congés payés, la liberté d’aller et de venir, les voitures, les trains et les avions étaient des évidences. Le COVID-19 nous ramène à une réalité moins orgueilleuse. Elle nous impose, devenus familiers de tous les aspects de la pandémie, d’adapter nos réactions et nos comportements. Tel doit être le crédo de la résilience pour qu’elle n’apparaisse pas comme une simple mode dont la vocation est d’être démodée.
C’est sur cette base que la résilience sera collée au réel au lieu d’être le catalogue de pieuses résolutions utopiques. La résilience ne vise pas à renouer avec la vie d’avant.
Urgences sanitaires et préoccupations économiques
Dans le temps d’après, il y aura un nouvel environnement professionnel et un espace de loisirs qui induiront une nouvelle manière de nous regrouper avec masque, cet appendice qui se sera imposé comme supplément vestimentaire à l’image d’un imperméable pour se protéger de la pluie.
Les urgences sanitaires coïncident rarement avec les préoccupations économiques. La santé sans soutien financier n’est qu’un état précaire, la richesse sans santé n’est qu’une maladie qui se prolonge. Entre les deux, la résilience est la forme de la réalité. C’est cette conviction qui guide les défenseurs du déconfinement en cours entrepris avec tact et prudence dans un monde en devenir.
La résilience suppose encore la nécessité de reconsidérer la place secondaire de la santé sans laquelle aucune vie économique, sociale et même politique n’est possible. Ainsi, on l’a vu, les gouvernements de certaines grandes démocraties n’ont pas hésité à bousculer leur calendrier républicain et ont même accepté des compromis idéologiques pour s’ajuster à la crise.
Longtemps négligé, parent pauvre de maints budgets africains, derrière ceux consacrés aux départements régaliens par exemple, le secteur sanitaire apparaît soudain dans toute son importance, nous contraint à distraire tous les fonds qui lui avaient été refusés pour acquérir dans l’urgence masques, respirateurs, matériels sanitaires dédiés à la lutte contre la propagation de la pandémie. Une vision politique lucide eût évité ce qui ressemble fort à un colmatage de brèches trahissant une improvisation et un sauve-qui peut dans la gouvernance.
Priorité à la vie tout court
Répétons-le. Le COVID 19 ne nous aura pas entièrement vaincus si, à l’heure de la résilience, il permet de prendre conscience que nos budgets de santé sont squelettiques et que nous tentons piteusement de les renflouer par des appels pathétiques aux contributions volontaires et à l’aide internationale. Cet élan désespéré, démontre hélas que nous avons été incapables de nous donner les moyens d’assurer notre bien-être physique, moral et mental. La santé ne doit pas être considérée comme une série d’urgences successives à gérer dans l’improvisation et les tâtonnements, comme l’a fait notre monde. Le prétexte fallacieux de l’imprévu, qui ne doit pas échapper à une vision lucide, ne saurait dédouaner aucun dirigeant. Gouverner, c’est prévoir. Cette maxime n’est pas une fantaisie sémantique, mais une feuille de route.
La pandémie vaincue, la lutte contre le COVID-19 doit aller plus loin, nous aider à inventer une autre manière de concevoir notre monde et notre mode de fonctionnement. Est-ce de l’angélisme ? Justement, la réponse pourrait se trouver dans notre capacité à assumer notre résilience.
La crise actuelle ne doit pas obstruer les chemins de l’avenir. Hier doit donner naissance à des lendemains meilleurs. Comme l’a dit le génie florentin Michel-Ange : « Dieu a donné une sœur au souvenir et l’a appelée espérance ».
EXCLUSIF SENEPLUS - L'ordre théocratique qui a partout travaillé à la ruine des puissantes monarchies "ceddo" n'a fait que se superposer aux monarchies déclinantes, pour en épouser bien souvent les contours et les pratiques
Nous sommes une Nation fragile, bâtie sur des plaques dont le ciment reste mou, sujet à des mouvements continus jusqu'à son édification compète. L'histoire a voulu que nous soyons une Nation carrefour, avec deux influences majeures, chacune porteuse de la violence qui la caractérise, avec ses sous-entendus hégémoniques et racistes. L'une arabo-berbère, porteuse d'une culture arabophone et d'une religion à vocation universalisante, l'Islam, avec, naturellement, ce que l'arabité (à distinguer de l'islam) porte de dominateur, de condescendant, d'esclavagiste à bien des égards.
L'autre, occidentale, elle-même dominatrice qui, en raison du blocage de la Route de la soie par les Ottomans, s'est cherchée des nouvelles routes vers l'Ouest, à la découverte des Nouvelles Indes, bientôt la mise en place des premiers comptoirs sur la côte ouest africaine et la funeste traite négrière. Nous avons eu le malheur de nous trouver, nous populations d'Afrique occidentale, à la pointe la plus rapprochée de cette Amérique nouvellement découverte et serons bientôt le lieu de transit des esclaves achetés pour servir de main-d’œuvre à l'Amérique. Les navires marchands ont remplacé les caravanes, mais les cargaisons, elles, n'ont pas changé : des épices, des étoffes contre des esclaves.
En réalité, par quelque bout que l'on prenne la chose, cette dure réalité s'est traduite par une extraversion de nos valeurs fondatrices, l'expansion de nouvelles religions par la force du sabre ou de la gamelle ; la dispersion de nos grands empires et la déperdition de notre héritage civilisationnel. Nous nous sommes mis à nous appeler comme des catholiques d'occident ou comme des musulmans du Moyen-Orient, avec une fierté qui devrait plutôt interroger notre authenticité et ce que nous sommes profondément.
Les deux grandes cultures qui ont été au premier contact de ces deux envahisseurs ont été les vecteurs relais de notre processus de nationalisation : le Wolof sur la côte occidentale et le Pulaar sur la côte nord-orientale. Deux groupes porteurs d'un héritage culturel certes radieux, mais très marqués par les ordres monarchiques et les castes sociales, toutes deux difficilement transposables dans un cadre démocratique. L'ordre théocratique qui a partout travaillé à la ruine des puissantes monarchies Thieddo n'a fait que se superposer aux monarchies déclinantes, pour en épouser bien souvent les contours et les pratiques. Le Sourghe cohabite avec le Jaam. Voilà pourquoi en dehors de quelques cas de résistance héroïque, l'islam local s'est accommodé de ce pouvoir colonial, quand il n'a pas travaillé à son maintien.
L'école, assurément, qui devait être un creuset de civilisation, lieu de nationalisation par excellence, cadre dans lequel doit se transmettre ce que nous avons en commun et en partage, a failli. 500 ans après la création des premières écoles dans notre pays, nous n'avons pas pu scolariser plus de 40% de nos compatriotes. D'où voudrions-nous qu'ils tiennent leur citoyenneté ? Ils sont d'un côté assaillis par des marchands de la foi qui se font concurrence et de l'autre, soumis à un discours rationaliste occidental auquel ils sont très peu préparés.
D'où il me vient que s'il y a une tâche à laquelle nous devons nous atteler sans attendre, c'est travailler à notre unité. Il n'y a pas une autre définition de ce qu'est la République. En faisant la promotion de ce qui nous unit. C'est ce que j'appelle Education.
Par Habib Demba FALL
L’OPINION DU GOUVERNEMENT ET LE GOUVERNEMENT DE L’OPINION
La tyrannie de la patrimonialisation de notre représentation sociale de la religion favorise un glissement dangereux en mettant en accusation le degré de considération vis-à-vis d’un groupe confrérique
La gouvernance est aussi une affaire d’horloge. L’aiguille qui tourne est un instrument de mesure du temps créé et commandé par l’intelligence humaine à travers un art consommé du timing. La bonne appréciation au bon moment ! C’est la marque de l’autorité de l’Etat et de la volonté du peuple de s’y soumettre parce qu’il se reconnaît dans l’action publique. Et pile, nous avons eu droit au cri mobilisateur dans cette guerre contre, non pas une superpuissance orgueilleuse et odieuse, mais un minus «vicieux» selon la formule présidentielle : « l’heure est grave ».
Une alerte du Général qui a « confiné » nos curiosités face aux tentations du dehors et sorti de sa coquille notre fierté de Républicains. L’opinion du Gouvernement a trouvé un point de jonction entre son plan de riposte et les instances populaires de validation. Le président de la République, M. Macky Sall, a sans doute formulé une opinion sur la base de paramètres précis tant en termes d’évaluation de la situation que de projections plus ou moins lointaines dans le temps. Les pouvoirs publics ont taillé à la situation une armure face au défi sanitaire : Etat d’urgence, couvre-feu, interdiction de la circulation inter-urbaine, fermeture de marchés, réaménagement des horaires de travail, etc.
Plusieurs tours d’aiguille et presque 2000 tests positifs plus tard, il faut « apprendre à vivre avec le virus ». Nous sommes loin de la centaine de cas ayant sonné l’alerte. Nous avons franchi le cap du millier. La « guerre » est loin d’être terminée à la lumière de la capacité de l’ennemi à se loger dans les organes vitaux et à les affaiblir.
Dans une autre mesure, cet ennemi est encore plus qu’un sniper perché dans le néant et capable de réussir le coup fumant du lâche. Ses balles sont prêtes à envoyer leurs cibles à l’internement, dans le meilleur des cas. Car, en ce mois de mai inauguré par la Fête du Travail, le virus « travaille » encore dans le corps sain de la communauté nationale, allongeant les régiments des angoissés des lendemains sans revenus aussi bien dans les structures sanitaires que dans les demeures. Puis, arrive l’heure des dissonances. C’est en ce moment précis que le gouvernement de l’opinion se saisit des moyens de persuasion sociale pour convaincre l’opinion de Gouvernement d’assouplir les conditions de riposte à la COVID-19. Au marché comme à la mosquée, sur nos routes comme dans la diaspora, l’air du temps est au «déconfinement » des esprits et, partant, des habitudes. Que voulez vous ? Dakar, porte océane d’Afrique, est également à l’heure du monde. Avons-nous déjà manqué un rendez-vous ?
Lorsque le reste du monde se préparait au confinement, les familles sénégalaises qui en avaient les moyens ont fait le plein de provisions. Le président de la République a opté pour un système modulé plus proche du mi-confinement que de l’isolement total. Maintenant que le reste du monde «déconfine », il est encore plus difficile d’imposer un «confinement ». Pis, certains employeurs ne garantissent pas des revenus à leur personnel en chômage technique prolongé et cela, en dépit des assurances présidentielles.
Le risque de voir l’économie souffrir d’«embolie pulmonaire » (une des conséquences désastreuses de la progression de la COVID19) fait qu’il soit urgent d’amorcer une phase réaliste de relance. Dans la même ligne de cohérence, la stratégie devra être reconsidérée, en rapport avec les hommes de science.
Dans un débat souvent proche de la défiance, le registre de la solution religieuse est convoqué pour ouvrir les portes des lieux de culte. La poussée d’émotions voire de fanatisme qui entoure les demandes de réouverture des mosquées (l’utilisation des génériques « lieux de culte » ne ferait pas justice aux catholiques) n’est pas une simple transmission de volonté qui laisserait à l’autorité le soin de prendre LA décision.
La tyrannie de la patrimonialisation de notre représentation sociale de la religion favorise un glissement dangereux en mettant en accusation le rapport de nos gouvernants à la foi ou, de manière plus pernicieuse, le degré de considération vis-à-vis d’un groupe confrérique. Il n’est pas mal d’écouter son peuple dans ses composantes les plus saines. Seulement, il vaut mieux faire face à une opinion des gouvernés plutôt qu’à un gouvernement de l’opinion. Car, c’est l’autre nom de la dictature des allégeances sociales au cœur de la République.
Habib Demba Fall est Journaliste
«NOUS NOUS BATTONS POUR FREINER LA MALADIE, ALORS IL NE FAUT PAS DÉTRUIRE CE QUI A ÉTÉ CONSTRUIT JUSQUE-LA»
C’est une Marie Khémess Ngom Ndiaye particulièrement remontée qui, après le communiqué sur le point journalier hier, s’est adressée aux Sénégalais pour asséner ses quatre vérités.
C’est une Marie Khémess Ngom Ndiaye particulièrement remontée qui, après le communiqué sur le point journalier hier, s’est adressée aux Sénégalais pour asséner ses quatre vérités. Visage grave et ton ferme, la directrice générale de la Santé a soldé ses comptes avec ceux qui chahutent la stratégie de riposte mise en place pour combattre le virus. Elle a tenu à mettre les points sur les «i» concernant un certain nombre de questions.
La directrice générale de la Santé est dans tous ses états. Elle a laissé exploser sa colère hier après sa présentation du point journalier.
Dénonçant avec vigueur le non-respect des mesures sanitaires, Dr Marie Khémess Ngom Ndiaye s’est prononcée sur l’utilisation de l’artémisia et les faussaires qui s’activent dans la pratique des tests du covid-19. «Les gens commencent à se familiariser avec la maladie en ne respectant pas les gestes barrières. Il y a même des gens qui disent que si l’on porte un masque, on peut se rapprocher, mais ce n’est pas vrai», tonne-t-elle avant d’appeler les populations à se plier aux recommandations édictées par les autorités sanitaires.
«Nous nous battons jour et nuit pour freiner la maladie, alors il ne faut pas qu’on en profite pour détruire ce qui a été construit jusque-là», martèle Dr Marie Khémess Ngom Ndiaye qui révèle par ailleurs une campagne de sabotage contre le travail mené par le Ministère de la Santé. D’autant que, souligne-telle, «Interpol nous a mis en garde contre les détracteurs des règles sanitaires. Il y a un produit dénommé Uni-Gold TM HIV, certains qui sont de mauvaise foi l’utilisent pour dire qu’ils effectuent des tests ou soignent le coronavirus. Ce produit est fabriqué et commercialisé par Trinity Biotech Plc, ils ont mis des dates de péremption, mais c’est un faux médicament. Le gouvernement, à travers le Ministère de la Santé, a pris toutes les dispositions pour lutter contre cela. C’est la police qui nous a envoyé ce document et nous allons le transmettre aux gouverneurs et aux médecins-chefs de régions et de districts».
Au Sénégal, poursuit-elle, le système de santé est encadré par des experts. «Et quiconque veut nous aider sait où nous trouver, nos portes ne sont pas fermées. Le personnel de santé chargé de lutter contre le coronavirus est doté d’un badge professionnel», renseigne-t-elle S’agissant de l’utilisation de l’artémisia pour traiter le nouveau coronavirus comme préconisée par le Pr Daouda Ndiaye, la directrice générale de la Santé se montre prudente. «Ces feuilles (d’artemisia, Ndlr), nous les avons au Sénégal même si elles ne sont pas nombreuses. Leurs effets sont différents, il y en a de curatifs et certains ont d’autres effets. Nous connaissons cet arbre, parce que quand on a éliminé la Nivaquine, c’est ce que l’on utilisait sous le nom d’Artémisine. Mais quand on l’a utilisé contre le paludisme, nous avons remarqué que ses effets n’étaient pas importants parce que la maladie ne diminuait pas, alors on l’a encore changé avec un décret. Maintenant, on ne va pas dire que l’artémisia venu de Madagascar n’est pas bon. Nous faisons des essais thérapeutiques et c’est là qu’on jugera après de son efficacité ou non», explique-t-elle avant de sonner une nouvelle charge contre les théoriciens de l’artémisia : «Les gens spéculent sur cette plante sans parler avec les responsables de la santé. Nous ne fermons la porte à personne, s’ils sont des experts dans le domaine de la santé, qu’ils viennent avec les chercheurs, car un soignant doit être avec un soignant.»
Toujours dans le même registre, elle informe que tout ce processus est piloté par la Direction de la Pharmacie et du Médicament. «Il y a un comité éthique et on ne fera pas de recherche avec qui que ce soit si l’on ne vérifie pas ce qui est fait. Nous sommes dans un Etat de droit et nous ne laisserons pas le soin aux gens de faire ce qu’ils veulent», clame-t-elle.
En guise de conclusion, elle demande aux Sénégalais d’être vigilants avec le virus. «Nous ne savons pas quand le coronavirus va disparaître, car nous ne connaissons pas le virus», indique-t-elle.
Par Jean Pierre Corréa
COURAGE… FUYONS !
Nous avons besoin de courage pour crier aux Sénégalais qu’ils ne sont pas moins vulnérables que des Américains ou des Français, auxquels nos décisions font, comme par hasard souvent écho
Les chiffres et statistiques du Covid 19 s’affolent et égrainent leurs tristes litanies désormais par centaines de cas positifs, conduisant à des morts de plus en plus inquiétantes, et face à ce désastre annoncé, les propos du chef de l’etat ont eu la prégnance incarnée en deux mots aux allures d’oxymore qui se résument ainsi : «Courage… Fuyons !!!».
Le Sénégal s’est encore illustré dans sa capacité à toujours parler des alentours du problème plutôt que du problème lui-même. Il est encore préférable sous nos contrées de parler de la manière dont il convient d’être enterré si l’on décède à l’étranger, plutôt que de la façon d’éviter de mourir, oubliant que la terre est la même partout, dès lors qu’on doit y vivre six pieds dessous. Mourir, on s’en fout, c’est être enterré ici ou là qui importe le plus, faisant fi des règles d’hygiène mortuaire les plus élémentaires et universellement admises.
Le discours du Président Macky Sall a parcouru deux moments véridiques absolus. La stigmatisation qui nous fait considérer le Coronavirus comme une maladie honteuse, et qui nous mène, ultime paradoxe à fuir un hôpital lorsqu‘on est atteint, plutôt que de s’y précipiter, et le manque de courage qui aurait été nécessaire de nous faire admettre qu’il nous faut largement plus de deux mois pour apprendre à être moins sales et à vivre avec ce satané virus en s’appliquant les inévitables et salvateurs gestes barrières. Sinon, tout n’aura été que reculades.
Face aux pressions des familles maraboutiques qui auront pesé sur une suicidaire réouverture des lieux de culte, où c’est bien connu, il ne peut rien nous arriver de fâcheux, protégés que nous serions par les Saints qui ont traversé notre Sainte histoire. Cette irresponsabilité face à un virus qui explose et se répand, nous la paierons cher, et le clergé catholique a bien compris que face à cette légèreté, il fallait rester prudent, pour ne pas dire responsable de ses ouailles.
Pour Benjamin Ndiaye, il est urgent d’attendre. Dieu reconnaîtra les siens. Que valent des prières dans des lieux de culte, alors qu’on se fout comme de l’An 40 de l’avenir de nos enfants dont il est évident qu’ils vont être les sacrifiés de cette année qui n’ose s’afficher comme blanche, paradant sur un système qui permettra à seulement 2 % de nos enfants de suivre des cours numériques. Nous avons inventé le virus qui va au lit à 21 heures, après avoir cavalé toute la journée de nos mains à nos visages, et qui se réfugie harassé dans une chambre de 15 mètres carrés où sont entassés des dizaines de personnes. C’est sûr qu’on peut parader sur les plateaux-télé encombrés de chroniqueurs bien masqués et qui passent leur temps à tripoter leurs masques en s’invectivant de mots chargés de postillons assassins. Ce n’est pas de confinement ni de couvre-feu dont nous avons besoin, mais d’éducation hygiénique et de rigueur empêchant des policiers de distribuer des sauf-conduits contre de l’argent à des personnes qui s’offrent ainsi des passe-droits. Nous avons besoin de courage pour crier aux Sénégalais qu’ils ne sont pas moins vulnérables que des Américains ou des Français, auxquels nos décisions font, comme par hasard souvent écho. Nous devons mettre ce pays en ordre de bataille contre un mal qui n’est pas celui de la pauvreté, mais juste du désordre structurel dans lequel nous baignons joyeusement depuis 30 ans et qui a été révélé par ce microbe minuscule qui met à nu nos inconséquences. L’Etat a juste manqué d’autorité. Courage… Fuyons !!!
Par Ibra Birane WANE
LA FIN DE L'HISTOIRE
Le transport aérien est certainement le secteur d’activité le plus directement et le plus négativement impacté par les effets de la pandémie du Covid19.
Le transport aérien est certainement le secteur d’activité le plus directement et le plus négativement impacté par les effets de la pandémie du Covid19. A mi-avril, soit trois semaines après la fermeture de la plupart des frontières et aéroports, c’est l’hécatombe partout à travers le monde :
-Boeing travaille sur un plan de licenciement de 16 000 collaborateurs ;
-Virgin licencie le 1/3 de ses effectifs (plus de 3150 collaborateurs)
-Ryanair licencie 3 000 collaborateurs ;
-Virgin Australia et Eurowings déposent le bilan ;
-Norwegian arrête l’activité long-courrier et rend ses B787 aux loueurs ;
-Lufthansa réduit sa flotte et met 70 avions au sol ;
-Luxair réduit sa flotte de 50% ;
-Ibéria met 56 avions au sol ;
-British Airways met 34 avions au sol (dont tous ses Airbus A380), fait un plan de retraite anticipée, licencie le ¼ de ses effectifs, et abandonne le projet de reprise d’Air Europa contre une indemnité compensatrice de 40 millions d’euros ;
-Emirates met 38 Airbus A380 au sol, annule toutes ses commandes de Boeing 777x (150 avions, le record de commandes d’un avion de ce type) et « invite » certaines catégories de son personnel à prendre leur retraite ; -60 avions tout neufs (dont 18 A350s) sont dans les hangars d’Airbus dans l’attente d’acheteur ! du jamais vu ;
-Les constructeurs prévoient que d’ici septembre 2020, au moins 8.000 avions se retrouveront au sol (« grounded ») et mettront 90.000 pilotes au chômage à travers le monde…
-La liste des catastrophes ci-dessus évolue chaque jour. Le transport aérien mondial est dans tous ses états ! Qu’en est-il de l’Afrique ? Déjà au 31 décembre 2019, les compagnies aériennes du continent africain, prises collectivement, sont quasiment les seules à continuer à perdre de l’argent. Pour l’année 2020, selon l’IATA, les ravages du Covid 19 pourraient situer les pertes de revenus passagers à 6 milliards de dollars américains, soit 3.618 milliards de francs CFA pour l’ensemble des compagnies opérant en Afrique. C’est proprement vertigineux !
La South African Airways (SAA) a ouvert le bal, si l’on ose dire, encore que la situation relève plutôt du tragique. Cette compagnie a été pendant très longtemps le fleuron de l’industrie aéronautique africaine avant d’être détrônée de la première place du classement continental par Ethiopian Airlines ces deux dernières années. La SAA est d’ailleurs la seule compagnie africaine à ce jour à opérer sur tous les continents de notre planète, y compris l’Australie. Elle dispose du centre de maintenance le plus complet possible, de classe exceptionnelle qui lui vaut la reconnaissance de l’industrie aéronautique internationale. Elle a, au fil des années, construit un groupe aéronautique de classe mondiale (le seul de cette dimension en Afrique) avec une dizaine de filiales couvrant tous les secteurs d’activités.
La SAA a fièrement porté le drapeau de la nouvelle République Sud-Africaine et a été abondamment sollicitée lors d’événements fédérateurs pour unifier la vision de la nouvelle « nation arc en ciel » : le 10 mai 1994, la SAA peinte aux nouvelles couleurs du pays survole à très basse altitude, la place du parlement Sud-Africain où Nelson Mandela prête serment comme premier Président de l’ère post-apartheid. Elle sera utilisée dans les mêmes conditions au-dessus du stade de Johannesburg en mai 1995 et juin 2010 à l’ouverture des coupes du monde de rugby et de football.
Cette compagnie est donc en train de déposer bilan, son actionnaire unique, l’Etat SudAfricain ayant décidé de mettre un terme à une histoire de 86 ans (la compagnie a été créée en 1934), marquée ces dix dernières années par une dégradation continue de l’activité, malgré une succession de plans de restructuration et de développement. Il convient justement de noter que, si le Covid 19 constitue le contexte de l’avènement de l’arrêt probable de l’activité de la SAA, il n’en est pas la principale cause. Le parlement Sud-Africain a débattu pendant des semaines, de manière parfois très houleuse sur l’opportunité d’autoriser le Gouvernement à garantir pour la énième fois un prêt de 500 millions d’euros que l’administrateur judiciaire de la compagnie souhaitait contracter pour sortir l’entreprise d’une situation financière désastreuse et mettre en œuvre le plan de relance de la dernière chance.
Cette dernière chance ne lui sera pas accordée par le Président Cyril Ramaphosa, l’ancien leader syndicaliste, qui a pourtant reconnu que le secteur des transports est au premier rang des activités impactées par le Covid 19 contre lequel il met en œuvre un plan de lutte de 26,3 milliards de dollars. L’arrêt de la SAA est salué par la communauté économique du pays. Tout un symbole !
A ce stade, nous nuançons quelque peu notre propos sur l’issue définitive de ce dépôt de bilan, car un frange politique assez forte de l’ANC continue de batailler ferme pour faire évoluer la situation dans le sens de maintenir la compagnie même au prix de sacrifices suprêmes. Il reste que la rationalité économique n’admet pas la poursuite de l’activité de la compagnie dans les conditions actuelles. Les historiens locaux de l’économie de l’Afrique du Sud pourront certainement conter la vie de la compagnie et les péripéties qui ont conduit à un tel désastre. Nous sommes, pour notre part, témoin d’une tranche de vie de la SAA et souhaitons donc revisiter, ici, les relations que cette compagnie a entretenues avec notre pays.
Tout commence le 11 février 1990 : jour mémorable de la libération de Nelson Mandela. Cette journée signifie également pour l’ensemble des pays africains (et du monde) la fin de l’isolement politique et économique de l’Afrique du Sud et la possibilité d’envisager des relations multiformes, notamment commerciales. Les pays africains signataires du Traité de Yaoundé, à travers leur instrument Air Afrique, se mettent au travail. Ils créent un instrument multilatéral unique dénommé le Comité Multinational de Négociation (CMN) qui permet de conclure des accords aériens impliquant l’ensemble des Etats membres face à une seule partie. Georges AMOUSSOU, Directeur des Affaires Internationales d’Air Afrique (concepteur de l’instrument) et son équipe sont à la manœuvre; Modou KHAYA, éminent Directeur de l’Aviation Civile du Sénégal, joue un rôle déterminant dans les négociations et conclusions d’accords aériens avec le Kenya et l’Afrique du Sud.
En seulement deux ou trois rounds de négociations collectives, les 11 Etats membres d’Air Afrique signent chacun un accord aérien avec ces deux pays. La compagnie multinationale est l’une des premières du continent Africain à inaugurer une desserte de vols réguliers vers Johannesburg avec son Airbus A310 flambant neuf le 11 novembre 1992 à partir de son hub d’Abidjan. Air Afrique a contracté avec la SAA un accord de Code Share sous la forme d’un vol conjoint exploité par la multinationale pour le compte des deux compagnies sur la route Abidjan-Brazzaville-Johannesburg en connexion avec Dakar et Bamako sans rupture de charge, c’est-à-dire avec le même avion (le Mali venait d’adhérer au traité de Yaoundé comme 11ème Etat membre).
Air Afrique réalisait donc ainsi la première liaison aérienne entre le Sénégal et l’Afrique du Sud (il y a de cela 28 ans). Durant les années 90, Air Afrique a largement contribué à initier les cadres de la SAA, très hésitants et méfiants, à la connaissance de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
En effet, le compagnonnage avec la multinationale a permis à la SAA de s’ouvrir aux régions africaines extérieures à la SADEC dont elle ne connaissait que les aéroports d’Abidjan et de Sal pour des raisons d’escales techniques sur la route des USA d’une part, et de parfaire sa connaissance très embryonnaire des principes de la coopération internationale dans le transport aérien d’autre part. A l’époque, Air Afrique restait la référence africaine dans ce domaine (elle était quasiment la seule compagnie du continent à participer à la construction de la règlementation du transport aérien international). Plus tard, dans les années 2000, devenue incontestablement la vitrine la plus reluisante du transport aérien africain adossée à un pays ouvert et conquérant, la SAA densifie son expansion vers le reste du continent Africain et le monde.
C’est ainsi que le 05 mai 2006 la SAA inaugure sa desserte des lignes Johannesburg-Dakar-Washington, Johannesburg-Dakar-New York et Johannesburg-Dakar-Atlanta. Trois destinations quotidiennes sur les Etats Unis d’Amérique au départ de Dakar ! C’est inédit. SAA devient la compagnie la plus importante sur la plateforme de Léopold Sédar Senghor. Aucune compagnie n’avait encore réalisé six touchées (atterrissage-décollage) quotidiennes par très gros porteur (Boeing 747) sur l’aéroport de Dakar. La SAA construisit ainsi son deuxième hub après Johannesburg. Comment ? Par une association avec Air Sénégal International(ASI), laquelle, sur la base d’un accord de partage de code, lui a offert des possibilités de correspondance de/vers 13 destinations en Afrique de l’ouest.
Cet accord est signé par le Directeur Général de la SAA, Monsieur Kaya NKULA et le Directeur Commercial et Marketing d’ASI dans les salons de l’Hôtel Méridien-Président le 06 mai 2006, Cheikh Tidiane GADIO, Ministre des Affaires Etrangères et Ousmane Maseck NDIAYE, Ministre des Transports Aériens participent à la cérémonie.
ASI avait construit un réseau autour de Dakar avec un maillage complet de toutes les escales comprises entre Nouakchott et Cotonou. Dakar devenait ainsi la meilleure plateforme de correspondance en Afrique de l’Ouest de/vers l’Afrique du Sud et les Etats Unis : la SAA opérant les vols longs courriers et ASI les vols régionaux et de voisinage avec une parfaite harmonisation des programmes dans le but de faire de Dakar le point de regroupement et d’éclatement du trafic. Il faut noter que la SAA avait décidé de transférer ses activités du Cap Vert qui l’avait pourtant toujours accueillie durant les années d’embargo (les infrastructures de l’aéroport de SAL sont en partie construites par les Sud-Africains à cet effet). Les raisons de ce transfert sont multiples, parmi lesquelles la présence au Sénégal d’une compagnie nationale (ASI) la plus performante de la sous-région pouvant offrir des possibilités exceptionnelles de capter un important trafic de correspondance dans une zone de chalandise très vaste.
Dans le même temps, la SAA rejoint Star Alliance le 09 mai 2006, ce qui constitue un casus belli pour son alliée jusqu’à cette date, la compagnie Delta, leader américain de l’Alliance concurrente Skyteam. Delta et la SAA avaient un accord de partage de code sur la relation Johannesburg-Atlanta opérée par cette dernière. Il est resté en vigueur jusqu’au 04 décembre 2006, le temps pour Delta d’inaugurer ce jour-là l’ouverture de sa ligne Atlanta-Dakar-Johannesburg, poussée à le faire par le passage de la SAA chez « l’ennemie ».
La SAA, après avoir « amené » Delta au Sénégal (il faut lui en rendre grâce !!) a alors recentré ses opérations sur les lignes de Washington et de New York. A la fin de l’année 2006 les deux compagnies SAA et Delta ont opéré 5 vols quotidiens sur la plateforme de Dakar, en escale sur leurs routes entre l’Afrique du Sud et le Kenya (pour Delta) d’une part et les USA d’autre part. En ouvrant Dakar, la SAA crée dans le même temps une concurrence féroce à son détriment, mais au bénéfice du Sénégal, sur la route des USA.
La compagnie nationale ASI fait le choix de maintenir et de renforcer son alliance avec la SAA tout en concluant des accords très favorables d’acceptation réciproque de passagers avec Delta, conformément à sa stratégie d’ouverture et de coopération avec toutes les compagnies opérant sur sa base de Dakar. Durant l’année 2007, la mise en opération par la SAA de l’Airbus A300-600, l’appareil qui avait la plus grande envergure à l’époque, avait conduit le Gestionnaire de l’aéroport Léopold Sédar Senghor (Mbaye NDIAYE Directeur Général des ADS) à agrandir la « raquette », le point de demi-tour des avions en bout de piste. La représentation commerciale de la SAA à Dakar a compté jusqu’à 22 collaborateurs pour gérer 28 touchées (14 vols) par semaine, même s’il convient de le préciser, la majeure partie du trafic concernait plutôt la relation Afrique du Sud-USA. L’apport en activité et en recettes pour l’aéroport de Dakar et l’ensemble du secteur du tourisme sénégalais était considérable. En avril 2009, la compagnie Air Sénégal International dépose le bilan, privant ainsi la SAA de la possibilité d’accéder au trafic sous-régional Coïncidence ?
C’est aussi l’année du début des difficultés de la SAA. La cessation d’activité d’ASI, entre autres, obligea la SAA à redimensionner ses opérations sur le Sénégal, d’autant que globalement, la situation financière de la compagnie commandait des mesures d’économie. Les fréquences passent de 2 vols quotidiens à 1,5 (le vol de New York sautant désormais l’escale de Dakar dans un sens) puis à 1 seul (Joh a n n e s b u r g - D a k a r - Washington).
A partir de 2010/2011 la SAA a cessé d’être bénéficiaire. Dans le même temps, Delta qui bénéficiait également de l’apport de trafic régional d’ASI a commencé à réduire ses vols secs sur Dakar, les continuations sur l'Afrique du Sud et le Kenya avaient déjà fait long feu. Il convient de noter que Delta tire sa principale force de son classement comme la première compagnie américaine qui dispose du maillage le plus dense et le plus complet du réseau domestique, ce qui lui permet de rassembler les passagers de toutes les régions des USA à New York son hub de la côte Est.
En mai 2015, après plusieurs plans de relance, la SAA franchit un nouveau palier dans l’austérité : elle ferme plusieurs lignes (Bombay, Hong-kong, Bejin, etc.), réduit ses opérations à Dakar (sauvée in extrémis de la fermeture) à 3 vols par semaine et externalise ses activités commerciales. Cette année-là, le Ghana fait évoluer sa politique aéronautique dans un sens plus ouvert et octroie (enfin !) à la SAA des droits de trafic sur la relation Accra-Washington (droits dits de « 5ème liberté » qui permettent à une compagnie aérienne de transporter des passagers entre deux escales en dehors de son pays) ; les mêmes que le Sénégal avait accordés à la SAA pour l’attirer sur la route des USA… Sauf que le Ghana n’est pas le Sénégal en termes d’opportunité de prise de trafic ! En effet, il y a 250 000 passagers annuels entre le Ghana et les USA lorsqu’il n’y en a que 80 000 entre le Sénégal et les USA ; 80 000 que se partagent plusieurs compagnies sur toutes destinations intra-USA : la SAA, Delta, la RAM, SN Bruxelles, Air France, Air Algérie, Iberia, Tap Air Portugal, Ethiopian, Emirates…
Cette énumération ne doit pas étonner ; elle démontre que toutes les compagnies de « Network » (réseaux) se battent sur tous les marchés pour prendre du trafic vers toutes les destinations via leur plate-forme principale (cf mon article sur la définition du « Hub » paru en 2018 dans le Magazine « Réussir »). Il n’y a plus de distance ; il n’y a que des destinations que les compagnies décident de desservir ou non en fonction de leurs possibilités de prises de trafics et des stratégies d’investissements opérationnels qu’elles peuvent mettre en œuvre.
La SAA a donc déplacé 4 vols par semaine de Dakar vers le Ghana où elle a rapidement gagné d’énormes parts de marchés dans un environnement culturellement plus proche de l’Amérique. Le produit sur Dakar, amputé de sa substance (les fréquences et la régularité) ne convenait plus à la clientèle « corporate ».
A la fin de l’année 2017, la SAA a réduit ses vols sur Dakar à 2 fréquences par semaine avant de décider de les transférer vers ACCRA le 1er août 2019, date de la fin des opérations de la SAA au Sénégal au bout de 15 années de présence. C’est une très belle page de l’histoire du transport aérien sénégalais qui se tourne. La compagnie Sud-Africaine a contribué à rouvrir le Sénégal sur le monde après la mort d’Air Afrique en accroissant l’opportunité de faire de Dakar non pas un hub régional mais un hub intercontinental.
La SAA a formé et employé des collaborateurs sénégalais qui ont pu servir une clientèle internationale prestigieuse. Elle a ainsi contribué au renforcement des capacités aéronautiques du pays et à la rentabilité des activités aéroportuaires de Dakar durant ses dix premières années d’opération au Sénégal. C’est une page qui se tourne dans un contexte où le transport aérien mondial est à la croisée des chemins : il devra obligatoirement se réinventer demain. Quels enseignements tirer de la faillite de la SAA et du contexte actuel pour les compagnies africaines?
Le trafic aérien va se contracter durablement à la reprise post Covid19 pour plusieurs raisons : -Une méfiance va rapidement s’installer de sorte que pour nombre de clients, la décision de voyager n’interviendra plus que pour nécessité absolue ; -La période de confinement a vu se développer l’utilisation des plateformes digitales de travail collectif à distance (Webinare, Zoom, Google Meet, etc.).
L’expérience va sans doute se poursuivre, ce qui aura pour conséquence de réduire les déplacements professionnels ;
-Les déplacements professionnels seront d’autant plus réduits qu’ils constitueront les variables d’ajustement d’entreprises « sinistrées » dont la préoccupation essentielle sera de réaliser le maximum d’économie ;
-Le tassement de la demande touristique va accentuer la baisse du trafic ;
-Etc. Tous les analystes, y compris les dirigeants de grands groupes de transport aérien prédisent qu’il faudra compter au moins trois ou quatre ans pour retrouver le niveau d’activité d’avant crise du Covid19 ; trois ou quatre années durant lesquelles, cette contraction du trafic provoquera inévitablement une concurrence exacerbée, toutes les compagnies allant à la recherche de la même clientèle rétrécie dans un monde ouvert. Dans ces circonstances, les compagnies les mieux outillées dans la stratégie de la distribution internationale s’en sortiront le mieux, pour le reste l’hécatombe continuera… Et c’est là que les transporteurs africains sont interrogés : ont ils pris la pleine mesure des enjeux ? Ont-ils déjà opéré la mue nécessaire pour affronter l’avenir ?
Les aides indispensables des pouvoirs publics ne sauraient suffire à régler les problèmes qui se posent ; elles maintiennent les transporteurs en vie, elles ne suffisent pas, au plan conceptuel, à les projeter favorablement dans l’ère post Covid19. Les compagnies aériennes majeures vont sortir de la pandémie totalement restructurées. Les licenciements de personnels et réductions de flottes actuelles, dont nous avons fait état en introduction, sont mis en œuvre, non pas pour s’adapter au contexte actuel mais bien pour entrer dans le futur post Covid19.
Le Groupe Air France KLM qui vient pourtant de recevoir la promesse d’une aide massive de ses Etats (sous forme de prêts) envisage une réduction de 20% de ses capacités à partir de 2021 ! C’est qu’il est très conscient des enjeux du futur. « Preparing for a different future » : c’est la phrase mise en objet dans la lettre de licenciement que les collaborateurs de British Airways ont reçue. C’est effectivement l’enjeu clé car le futur sera forcément très différent. Alors l’on repose la question aux compagnies africaines : Quel sera votre futur ? Comment repensez-vous votre modèle d’affaire ?
En soutien à ses membres dans ces circonstances exceptionnelles de la pandémie Covid 19 et fidèle à sa doctrine de toujours promouvoir la coopération, l’AFRAA a organisé un webinaire dans le cadre des actions urgentes, immédiates et cohérentes visant la survie de l’industrie. Le webinaire avait pour thème « Naviguer en pleine pandémie Covid mm19 et se préparer à la reprise d’après-crise ». Il faut souhaiter (espérer ?) que les compagnies africaines se mettent au travail collectivement pour revisiter de manière critique les paradigmes habituels et inventer de nouvelles façons de créer de la valeur et de coopérer, seules conditions de survie dans un futur qui promet d’être sanglant.
Ibra Birane WANE
Directeur Général Aviation and Co