Bénéficiant pour la plupart d’allocations de la part de leur Etat d’accueil, nombre de Sénégalais de l'étranger s’interrogent sur la pertinence des 12,5 milliards de F CFA dédiés à la diaspora dans le cadre du fonds Force-Covid-19
Bénéficiant, pour la plupart, d’allocations de la part de leur Etat d’accueil, nombre de Sénégalais établis en Europe et en Amérique du Nord s’interrogent sur la pertinence des 12,5 milliards de F CFA dédiés à la diaspora, dans le cadre du fonds Force-Covid-19. Pour eux, seules quelques catégories, dont les étudiants et ceux qui travaillent dans l’informel, sont susceptibles d’être dans le besoin et ils ne sont pas aussi nombreux.
La distribution d’une dizaine de milliards de francs CFA aux Sénégalais de la diaspora, ne fait pas l’unanimité. Ils sont nombreux, les compatriotes établis à l’étranger, à estimer que cette manne financière importante aurait pu servir dans d’autres domaines, dont la santé qui éprouve d’énormes difficultés. Résident en Espagne, Moustapha Tandiné témoigne : ‘’Je suis de ceux qui ont proposé au gouvernement d’investir cet argent dans le système sanitaire. Comme l’argent nous était destiné, on aurait pu l’utiliser pour construire, en notre nom, un grand hôpital au Sénégal. Je pense que c’était bien plus efficace que de donner quelques euros ou quelques dollars à des gens qui n’en ont pas grand besoin.’’
Pour étayer un tel propos, certains émigrés avaient vite fait de prendre leur calculette, diviser le montant total de l’aide par le nombre de Sénégalais établis à l’étranger, pour se retrouver avec des chiffres les uns plus insignifiants que les autres.
Etabli en Italie, Abdou Thiam, lui, était convaincu que le montant était fixé à 18 euros par émigré. Même s’il ne s’est pas inscrit sur la plateforme, il confie que c’est un Sénégalais inscrit sur les listes qui lui a donné cette information. Interpellée, sa source se réfugie, à son tour, sur les ouïe-dire, avant de préciser : ‘’En fait, moi, je suis inscrit et on m’a donné un numéro. Depuis lors, j’attends, mais je n’ai encore aucune information précise. Je ne sais même pas que faire pour recevoir l’aide. J’ai juste entendu des compatriotes parler de 18 euros et j’avais commencé à regretter de m’y être inscrit.’’
En vérité, les montants varient en fonction des victimes et dépassent largement la dizaine d’euros annoncée. Mamadou Aliou Sy est étudiant en France. Il fait partie des premiers bénéficiaires de cette aide à la diaspora. Il témoigne : ‘’J’ai pu avoir 200 euros, grâce à cette aide. J’avoue que cela m’a été d’un grand apport. Il faut donc relativiser. L’aide est utile à certains comme les étudiants qui avaient des emplois précaires et qui se retrouvent sans revenu et sans aucune allocation. Mais elle l’est moins pour d’autres catégories dont les travailleurs qui, malgré la pandémie, reçoivent des allocations de la part de leur Etat d’accueil, parfois tout leur salaire.’’
Pour lui, tous les étudiants devraient bénéficier de cette aide. Mais il y a une grosse équation autour de ses camarades qui sont dans le privé et qui ne parviennent pas encore à rentrer dans leurs fonds. Ont-ils été ignorés par le mécanisme ? Il déclare : ‘’Nous ne savons pas s’ils sont pris en compte ou non. En tout cas, je vois des gens qui sont dans le public et qui ont reçu leur part. Mais pour ceux qui sont dans le privé, je n’en ai vu aucun. Nous souhaiterions avoir des éclairages à ce niveau.’’ Quant aux données à fournir pour s’inscrire en ligne, il mentionne : trois relevés de compte (février, mars et avril), le relevé d’identité bancaire, le certificat d’inscription, entre autres. ‘’Tout, selon lui, a été transparent. J’ai postulé dans le site ; on m’a, par la suite, notifié que mon inscription a été validée et enfin j’ai reçu le virement de 200 euros. La seule chose sur laquelle nous n’avons pas d’informations claires, c’est à propos de nos camarades étudiants dans le privé.’’
Profil des bénéficiaires
Si, en France, les choses s’accélèrent, ce n’est pas le cas dans tous les pays. Membre du comité de pilotage établi par l’ambassade du Sénégal en Espagne, le député Mor Kane informe : ‘’Pour ce qui concerne l’Espagne que je maitrise, les travaux de recensement sont toujours en cours. Pour le moment, on ne sait donc pas encore les montants qui seront donnés à chaque bénéficiaire. Ne connaissant pas le nombre total d’attributaires, on ne peut encore savoir les montants qui leur seront alloués.’’
En attendant le gros lot, le député de la diaspora tient à préciser que, sur les 12,5 milliards qui étaient dégagés, 1 milliard a été soustrait pour soulager, en priorité, les familles des Sénégalais décédés, ceux qui ont été bloqués à l’étranger et les malades de Covid-19. Ils auront respectivement 2 000 et 500 euros pour les deux autres, selon le parlementaire. Dans la répartition de cette première enveloppe, souligne-t-il, 30 millions de F CFA ont été dégagés pour l’Espagne, 65 millions pour l’Italie, 8 millions pour le Portugal, pour ne citer que ces pays.
En Amérique du Nord, la réalité semble tout autre. Dans cette partie du globe, particulièrement aux Etats-Unis et au Canada, l’aide est sérieusement remise en cause. ‘’Honnêtement, nous n’en avons pas besoin. La plupart, pour ne pas dire tous les émigrés régulièrement établis aux Etats-Unis, bénéficient d’une aide de l’Etat. Je ne sais pas pour les autres pays, mais ici on peut s’en passer’’, indique Babacar. Idem pour le Canada où le promoteur de la plateforme Gena Covid-19, Bassirou Bèye, renseigne que presque tout le monde bénéficie de l’aide de l’Etat fédéral. Un point de vue également partagé par M. Tandiné.
Selon lui, c’est la position de plusieurs ressortissants sénégalais en Espagne. ‘’Seuls 20 % des émigrés, insiste-t-il, en auront peut-être besoin. Par exemple, ici en Espagne et en Italie, il y a ceux qui travaillent dans l’informel. En France, par contre, il y a surtout les étudiants. S’il doit y avoir de l’aide, seules ces catégories doivent en profiter, parce que les autres continuent de recevoir leurs salaires ou des appuis de l’Etat’’.
Revenant sur la question du ciblage des bénéficiaires, Mor Kane souligne qu’il revient à chaque représentation diplomatique de mettre en place une commission présidée par l’ambassadeur ; et dans laquelle siégeront les représentants consulaires, les députés de la diaspora, ainsi qu’une personne ressource issue d’une grande association ou d’un ‘’dahira’’. ‘’Les personnes concernées sont effectivement les commerçants qui sont dans l’informel, les étudiants non boursiers, les sans-papiers et les retraités qui ne sont pas pris en charge’’, assure le parlementaire membre de la commission en Espagne.
En Italie, la constitution de ladite commission n’a cependant pas été de tout repos. Pays très vaste et largement impacté, il était difficile, selon Mamadou Dièye, de trouver une personne ressource consensuelle qui puisse représenter tous les émigrés. L’autre pomme de discorde, relève-t-il, c’est l’exigence d’une carte consulaire dans le dossier de candidature. Généralement, ce sont les compatriotes en situation irrégulière qui en disposent. Quatre-vingt pour cent des Sénégalais ne l’ont pas. On risque ainsi d’exclure du processus l’écrasante majorité des Sénégalais. Sur la question de la pertinence, ‘’l’Italien’’ a un point de vue mitigé. ‘’Certes, il y en a qui en ont besoin. D’ailleurs, au niveau de notre ‘dahira’, nous avions dégagé 4 000 euros pour soutenir nos compatriotes dans le besoin. Mais si c’est pour leur donner des miettes, ce n’est pas la peine. Aussi, il faut savoir que ceux qui en ont véritablement besoin ne sont pas aussi nombreux’’, affirme-t-il.
En quête de la bonne information
Par ailleurs, en ces temps de confinement, l’un des défis majeurs des autorités réside dans la communication des bonnes informations aux communautés sénégalaises. Coupés de leurs représentations diplomatiques, certains ont toutes les peines du monde à disposer de la bonne information. ‘’Il y a vraiment des efforts à faire dans toutes les ambassades à ce niveau. Actuellement, si tu n’es pas dans une association ou un ‘dahira’, tu ne disposes d’aucune information. La plupart des représentants diplomatiques n’ont même pas les adresses des ressortissants sénégalais établis sur leur territoire. Aussi, avec le réaménagement des heures de travail, les téléphones des ambassades sonnent souvent dans le vide et il n’est pas possible de se déplacer’’, plaide Aminata Diagne, membre de la plateforme Gena Covid-19, établie au Canada. A l’en croire, certains se sont engouffrés dans cette brèche pour accomplir leurs forfaits en envoyant, par exemple, des liens frauduleux aux Sénégalais pour leur soutirer des données personnelles.
Selon les chiffres de vendredi dernier, rapporte Mor Kane, le pays qui comptait le plus nombre de demandeurs était la France. Ensuite, venaient dans l’ordre le Maroc, l’Espagne, l’Italie, le Gabon et la Gambie. A ce jour, pour ce qui est de l’Espagne, seuls deux Sénégalais décédés de Covid-19 ont été recensés. Il s’agit d’Aita Ndoye et d’Abdoul Aziz Seck. Pour ce qui est des malades, huit ont été dénombrés dans le même pays.
Nous avons essayé par tous les moyens d’entrer en contact avec les services d’Amadou Ba, mais en vain.
par le chroniqueur de SenePlus, Hamadoun Touré
LE CHEF, CE SUPER HÉROS
EXCLUSIF SENEPLUS - Au nombre et à la durée des mandats, un chef aura toujours la biologie et l’outrage du temps comme adversaires. Les Etats survivent aux hommes indispensables dont sont pleins les cimetières
Hamadoun Touré de SenePlus |
Publication 05/05/2020
Ils peuvent se tromper comme tous les autres hommes » (Corneille)
Dans notre monde moderne, plus particulièrement dans notre tiers-monde, le président élu attribue sa victoire non pas à ses seules qualités personnelles mais surtout à sa bonne étoile, dont la déclinaison a pour nom le destin. Les magouilles, achats de conscience, intimidations et autres promesses électorales qui n’engagent que ceux qui y croient sont vite classées au rebut de l’histoire.
De même, le perdant de l’élection, justifie sa défaite par le même coup du destin, accusant rarement les ratés de l’organisation de sa campagne électorale, son maillage territorial, le poids de ses arguments, l’engagement de ses militants. S’y ajoutent la fatale méprise entre foules et électeurs et une campagne de communication mal ciblée.
Faute d’introspection véritable donc de remise à plat les mêmes causes produiront les mêmes effets à la prochaine élection. Et ce, jusqu’à ce qu’on comprenne et admette cette vérité tant de fois clamée : une élection présidentielle est la rencontre entre un homme et son peuple. François Mitterrand, après deux échecs à l’élection présidentielle française (1965 et 1974) entre enfin à l’Elysée en 1981 porté par un puissant désir des électeurs pour le changement, lui qui avait soupiré, un jour de défaite : “l’histoire ne m’aime pas”. On le voit, l’histoire n’y était pour rien. Elle venait d’être écrite comme toujours par les circonstances et les exigences du moment.
Le pouvoir est de droit divin, entendons-nous souvent, entraînant ainsi notre capacité à contredire le roi, le président de la République, le chef et par extension toute autorité, à s’émousser, voire à être annihilée. Cette assertion qui nous vient du fonds des âges et des civilisations, sans cesse serinée, est surtout développée par les dirigeants et leurs obligés du moment. Elle entretient chez le petit peuple la mystique de l’extraction divine de celui qui est au-dessus de tous.
Chez nous, une vieille superstition situe le chef hors de toutes les contingences. Le citoyen ordinaire ne conteste pas celui que Dieu a placé en tête, donc au-dessus de tout, à l’abri du besoin, insensible à la douleur et à la maladie. A-t-on déjà vu nos dirigeants suprêmes consulter nos médecins et se faire hospitaliser dans une structure sanitaire nationale ? Qui a en mémoire leurs bulletins de santé ? Dans une démocratie, rien de plus normal que la capacité du président à diriger le pays, composé de millions de citoyens, soit connue et jugée. Car de lui, le peuple profond ne connaît que les images de la télévision de service, rythmées par les campagnes électorales, les réceptions, les lambris dorés du palais.
Notre conscience collective le situe au-delà de nos embarras et frustrations au quotidien. Et pourtant, l’avertissement de Corneille transpire la sagesse : « Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes. Ils peuvent se tromper comme tous les autreshommes ». Cette vérité simple a été énoncée il y a quatre siècles. Ajoutons en pastichant le célèbre écrivain français du 17è siècle, qu’ils peuvent tomber malades comme tout le monde. Pourtant, nous en sommes à prêter à nos chefs d’Etat des pouvoirs magiques, certains croyant naïvement qu’ils sont invulnérables, entendent et voient tout, ont l’art d’éventer les complots et de percer les secrets les plus ténus. Jusqu’à ce qu’un militaire hardi vienne prouver le contraire en s’emparant du pouvoir et auquel nous nous empresserons de prêter les mêmes attributs supra humains. Tels nous sommes.
Aussi, nouveau dirigeant, nouvelle flagornerie et nouvelle inspiration qui font remonter les qualités du nouveau chef à ses ancêtres, qui eux-mêmes, le doivent à des aïeux fictifs. Force-t-on le trait lorsque l’on voit tel personnage de flatteuse réputation intellectuelle ou civile, de notoriété notabilisante, issu de surcroît de la république et de la démocratie, faire acte de contrition obséquieuse devant le prince du jour ? Assurément non, tant les exemples sont légion, mais ne nommons personne. Il est vrai que la susceptibilité de nos chefs va jusqu’à se nicher dans la sémantique protocolaire lorsque l’appellation “Monsieur le Président” n’est pas précédée de “Son Excellence”. Colère puérile quand l’usage protocolaire consacre l’appellation “Monsieur le Président ou Madame la Présidente” qui n’offense en rien le prestige et la dignité de la plus haute charge.
Nos présidents ne se veulent jamais malades et croient que nous leur dénions ce “droit”. C’est pourquoi le moindre rhume devient secret d’état, la plus petite grippe soigneusement camouflée. Tant de journalistes ont été arrêtés, emprisonnés voire torturés pour avoir cherché à connaître si le Chef avait encore bon pied, bon œil ! Rien de surprenant alors quand la masse populaire considère qu’un super héros n’a jamais faim, ni soif. Jamais fatigué ni malade. Alors, le génie populaire qui a le secret de la dérision malicieuse transforme chez nos dirigeants la quinte de toux en tuberculose, la simple céphalée est décryptée comme un cancer en phase terminale. Le vulgum pecus (la multitude ignorante, le commun des mortels) se venge ainsi d’eux par l’imagination comme pour se convaincre que tous les hommes sont égaux devant la douleur. Comme bien souvent, la vérité sert plus qu’elle ne nuit aux gouvernants. Elle peut tenir les gouvernés à distance des supputations parfois ravageuses face au black-out officiel. Ils savent remplir les silences de l’autorité par des rumeurs et des fantasmes qui sont autant de façons de dénoncer la mauvaise gouvernance, surtout depuis l’irruption des réseaux sociaux dans nos façons de communiquer.
De fait, une conception irrationnelle du pouvoir empêche de regarder au-delà de nos pratiques, de notre histoire et de nos frontières. Comment sous d’autres cieux se comporte-t-on vis-à-vis des tenants du pouvoir ? Question simple en effet à l’heure du village planétaire. Chacun de nous a sa propre réponse.
Toutefois, un fait significatif n’est sans doute partagé que sous notre hémisphère : la terreur qui s’empare de la plupart de nos dirigeants, à quelques exceptions notables, quand sonne l’heure de quitter le pouvoir au terme du mandat constitutionnel. Comment expliquer autrement ce syndrome des derniers moments de règne qui altère leur lucidité dont font fonds de commerce des conseillers redoutant la fin de privilèges et des prébendes. C’est alors le bal des experts en tripatouillages de la Constitution et d’organisateurs de marches de soutien à la spontanéité provoquée.
Au nombre et à la durée des mandats, un chef aura toujours la biologie et l’outrage du temps comme adversaires. Les Etats survivent aux hommes indispensables dont sont pleins les cimetières. Les reliques du pouvoir, suprême soit-il, ont aussi leurs poussières.
Le petit peuple veut un dirigeant à hauteur d’homme, à son écoute, informé de ses préoccupations ordinaires, porteur de ses rêves de grandeur. Il le juge à l’aune de son dévouement désintéressé à accomplir le mandat qui lui a été confié et qui ne peut être qu’un renoncement à soi. Le reste, tout le reste, est juste hochet de la vanité, comme dirait Napoléon.
MISE EN GARDE CONTRE LA SPÉCULATION SUR L'ARTEMISIA
Cette plante traditionnelle utilisée contre le paludisme est à la Une de l’actualité avec la tisane présentée par le président malgache comme un remède au covid-19. Malgré les mises en garde, la demande de produits à base d’artémisia flambe
Au Sénégal, c’est la ruée sur l’artemisia. Cette plante traditionnelle utilisée contre le paludisme est à la Une de l’actualité avec la tisane présentée par le président de Madagascar comme un remède au coronavirus. Malgré les mises en garde, la demande de produits à base d’artémisia augmente substantiellement.
L’Organisation mondiale de la santé reste très prudente sur ce « Covid Organics ». Selon l’OMS, son efficacité n’est pas prouvée. Au Sénégal, le professeur Moussa Seydi, responsable de la prise en charge des patients, estime également qu’il faut des tests et ne valide pas son utilisation dans le protocole de traitement à ce stade. Malgré ces mises en garde, la demande de produits à base d’artemisia explose au Sénégal… et les prix aussi.
« Gélules disponibles, livraison immédiate ». Sur Facebook, ce revendeur prend les commandes. Nous l’appelons en nous faisant passer pour un client. « Les gélules sont disponibles mais les tisanes sont épuisées », nous dit-il avant d’ajouter que « les gélules coûtent 6500 et les tisanes 7500 FCFA »et qu’il «peut nous livrer en moins d’une heure, à Dakar ».
7 500 FCFA le sachet de tisane au lieu de 2 500, moins de 4 euros comme indiqué sur le paquet.
Au Sénégal, l’artemisia est notamment cultivée dans la région de Tivaouane, et vendue sous le label « Le Lion Vert ». Son représentant, le Belge Pierre Van Damme, croule sous la demande.
« En moyenne, Le Lion Vert vendait plus ou moins entre 3 000 et 4 000 paquets par mois. Aujourd’hui, nous sommes à une production de 2 000 paquets par jour et nous avons une demande de 4 000 paquets par jour. Cela a fait un boom. Nous, notre position est très claire : il n’y a rien qui est encore prouvé scientifiquement. Notre premier objectif, c’est le palu et on stipule bien que l’artemisia, ce n’est pas un médicament, c’est un complément alimentaire. Nous, on ne veut pas du tout que l’artemisia devienne politique ni un business aussi », a-t-il tenu à préciser.
Face à la spéculation, Le Lion Vert a mis en ligne une vidéo humoristique : un père se faisant piéger par son fils avec… de fausses gélules.
Le Sénégal a enregistré lundi 4 mai son dixième décès lié au Covid-19, un homme de 58 ans décédé à l’hôpital Principal de Dakar. A ce jour, le pays enregistre 1 271 cas positifs dont 845 sous traitement.
par Nioxor Tine
ÉRIGER DES BARRICADES COMMUNAUTAIRES CONTRE LE COVID-19
À mesure que la pandémie progresse, se creuse un fossé de plus en plus béant entre les élites et les masses fondamentales. Rien d’étonnant alors à ce que des mouvements de défiance se multiplient
Les récentes manifestations des acteurs de l’informel sont symboliques de l’érosion du capital confiance, dont était crédité l’Exécutif national, devenu par la grâce de la loi d’habilitation, seul maître à bord. Non pas tant à cause de la gestion de la pandémie, certes en progression, mais loin d’avoir atteint les mêmes proportions qu’ailleurs, mais surtout à cause de difficultés économiques croissantes rencontrées par les citoyens. Les effets du programme de résilience gouvernemental seraient-ils en train de se dissiper, en moins de deux mois ?
Vers une cohabitation inévitable
Malgré tous les efforts déployés pour contenir la pandémie, on assiste quand même à une augmentation lente mais inexorable du nombre de cas susceptible de connaître, à tout moment, une accélération brusque voire exponentielle. Il apparaît, de plus en plus, que nous allons devoir cohabiter durablement avec cette pandémie, à moins qu’elle ne soit appelée à disparaître en été, comme le SRAS.
Cela ne peut aucunement vouloir dire que nous devrions baisser les bras et lui laisser le champ libre, pour obtenir une hypothétique immunité de groupe.
En attendant la découverte d’un traitement étiologique/suppressif ou d’un vaccin efficace, les autorités sanitaires n’ont d’autre choix que de poursuivre la mise en œuvre des interventions non pharmaceutiques incluant les gestes barrières. Ces techniques ont fait la preuve de leur efficacité pour ralentir la transmission du coronavirus et réduire, de ce fait, la mortalité, en permettant aux services de santé de ne pas être submergés par un flot inhabituel et massif de patients.
Une promiscuité périlleuse
Néanmoins, la persistance du COVID-19 pourrait se révéler problématique.
D’abord, notre système sanitaire déjà très affaibli pourrait tout bonnement s’effondrer. Il risque, en effet, d’être dépassé, à cause de la prise en charge des cas graves particulièrement délicate et onéreuse, nécessitant des plateaux techniques relevés, qui sont très peu disponibles dans nos contrées.
Paradoxalement, le risque de contagion des lieux de soins a conduit, pour l’instant, à une baisse de fréquentation, qui se traduit par un manque à gagner en termes de recettes et handicape le fonctionnement des structures sanitaires. D’ailleurs, les professionnels de la santé arrivent très difficilement à concilier la lutte contre la pandémie avec les activités traditionnelles de soins, qu’il s’agisse de la lutte contre la maladie, de la santé de la mère et de l’enfant, sans oublier celle des personnes âgées, très vulnérables au COVID-19.
L’autre défi énorme que pose l’affection à coronavirus réside dans la quasi-paralysie de la vie économique, à l’origine d’une précarité sociale qui a commencé à impacter les larges masses populaires.
Le remède pire que le mal ?
Plus le COVID-19 s’éternise, plus les stratégies gouvernementales montrent leurs limites. Elles restent encore trop centrées sur les aspects purement médicaux, mettant l’accent sur la morbidité (nombre de cas), la mortalité (nombre de décès), les traitements (débats sur l’hydroxychloroquine, l’artemisia...).
Même la promotion d’interventions non pharmaceutiques, notamment la distanciation sociale, est parasitée par un style de gestion autoritaire, frisant l’état d’exception, avec un durcissement des peines pour non-respect des mesures édictées, de manière discrétionnaire par l’État.
Or, nous avons affaire à des populations, qui se sentent prises au piège, victimes d’une détresse morale croissante liée autant à une angoisse existentielle qu’à une paupérisation brusque sur fond de précarité préexistante.
Rien d’étonnant alors à ce que la mendicité et les agressions se développent et que des mouvements de défiance se multiplient, venant des habituels laissés pour compte auxquels sont venus se joindre les acteurs du secteur informel, ne parvenant plus à joindre les deux bouts.
Pour une riposte communautaire et populaire !
À mesure que la pandémie progresse, se creuse un fossé de plus en plus béant entre les élites et les masses fondamentales.
Le mode directif de prise de décisions engageant le quotidien des citoyens est certes une habitude dans notre pays. On ne peut, non plus, occulter l’implication utile de l’administration territoriale (gouverneurs, préfets...), dans la lutte contre le COVID-19, avec toutes les pesanteurs attachées à l’héritage jacobin, comme le montre l’exemple de Goudiry.
Mais dans un contexte de paralysie de la vie économique et de pandémie appelée à s’éterniser, on assiste à une fragilisation de l’appareil d’État, dont la marge de manœuvre se réduit de jour en jour. Des facteurs tels que la gestion solitaire, l’usage abusif de la coercition, la détérioration progressive des conditions d’existence des masses populaires risquent de conduire à une détérioration du climat social voire à une crise politique.
C’est dire que le moment est venu de changer de paradigme et de promouvoir la participation des communautés à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation continue de toutes les initiatives de lutte contre la pandémie à COVID-19.
Il est bon de préciser que jusque-là, les collectivités locales, les organes de participation communautaire (comités de santé, conseils d’administration, comités de forage...).souffrent d’un déficit notoire de représentativité (souvent caporalisées par le parti au pouvoir) et s’alignent le plus souvent, sans réserve, ni aucun esprit critique, sur toutes les initiatives émanant de l’Exécutif National.
Il faudrait, plutôt, mettre en place ou redynamiser des groupes de riposte communautaire composés de personnes-ressources des communautés, volontaires et engagées.
Ces acteurs communautaires ont un grand rôle à jouer dans la mobilisation des populations pour ralentir la propagation du virus (recherche de cas-contact, promotion et adaptation des gestes barrières...). Ils pourraient également superviser les distributions de produits hygiéniques, de vivres et d’intrants agricoles....etc. Ils seraient chargés de veiller à la disponibilité et à l’accessibilité des services de santé durant la pandémie. Ils auraient aussi à jouer un rôle de veille et d’alerte sur les dysfonctionnements dans la gouvernance des collectivités territoriales et des administrations locales dans la période, au moment où on envisage d’aménager des mesures dérogatoires au fonctionnement des Conseils départementaux et municipaux.
Enfin, il leur reviendrait la tâche de participer au suivi et à l’évaluation des actions mises en œuvre pour juguler la pandémie à COVID-19.
Au-delà de la pandémie, il faudrait pérenniser ces initiatives de contrôle populaire, gages d’un approfondissement de la démocratie et de la prise en compte de la totalité des droits des citoyens, y compris des droits économiques et sociaux, dont celui à la Santé.
Par Mary Teuw Niane
L’APRES COVID19, LE DEFI DES SCIENCES EMERGENTES
Le numérique sous toutes ses formes est un de ces flambeaux dont il faut s’emparer et apprivoiser
Dans beaucoup de pays, le monde d’après covid19 est en train d’être pensé et les prémisses financiers de sa construction en cours de mobilisation. Une chose semble évidente. Le futur né de la nuit. Il peut s’effondrer dans la pénombre ou comme l’aurore, éclabousser de ses lumières.
Le numérique sous toutes ses formes est un de ces flambeaux dont il faut s’emparer et apprivoiser. De l’enseignement à distance domestiqué, à la mise à disposition de services en ligne pour le citoyen (état civil, casier judiciaire, certificat de bonne vie et mœurs, certificat de résidence), des payements numériques généralisés, à l’interconnexion des différentes plateformes des services publics (impôts, douanes, domaines, etc.), de l’agriculture écologique durable à la télémédecine-téléconsultation, de la robotique à la conception de prothèses par les imprimantes 3D, de la reconnaissance faciale à la reconnaissance vocale, du travail à la maison au travail peu économe dans les bureaux, il y a tellement d’applications qui résolvent des problèmes et interpellent notre intelligence pour bâtir un monde nouveau propre à notre culture, notre humanisme et résolvant des problèmes que nous nous posons.
Les flambeaux de la génétique moléculaire, de la biotechnologie et de la bio-informatique nous conduisent dans un monde où tout est possible, presque possible, et dans un monde où l’homme devient Prométhée. Heureusement que les barrières posées par l’éthique et la responsabilité freinent certaines tentatives de franchir l’inadmissible, l’impensable, la rationalisation de combinaisons hasardeuses des briques élémentaires du vivant.
De l’inventaire du patrimoine de notre biodiversité végétale, animale, microbienne, avant que d’autres ne s’en emparent pour se les approprier avec des brevets, de la production de semences, de médicaments, des tests rapides et fiables de diagnostique de maladies, des thérapies génétiques, de la protection des populations contre des aliments, des médicaments et des vaccins trafiqués, rien n’est presque impossible, tout est presque possible ! Là où la sécheresse sévit, où les sols se dégradent, où la faim et la malnutrition rodent, maîtriser ces sciences et ces technologies, c’est se donner les moyens de renvoyer aux calendes grecs la misère des populations. J’aurai pu parler des fantastiques applications des nanotechnologies, de la physique nucléaire, de la géomatique, de la physique de l’atmosphère et de l’espace, etc. La maîtrise de ces technologies est impérative pour notre bienêtre et pour notre sécurité.
Pour y arriver, il faut au moins les trois ingrédients fondamentaux : -les ressources humaines : nos universités en forment. Les compétences qui manquent peuvent être complétées par des collaborations interuniversitaires et l’intervention des sénégalais et africains de la diaspora ; - les infrastructures lourdes de recherche. Elles sont indispensables pour bâtir la souveraineté et l’émancipation du pays. Nous avons un maillon essentiel, le supercalculateur, la Quantum Learning Machin (QLM), deux microscopes électroniques (l’un à balayage et l’autre à transmission), les équipements de biotechnologie végétale. Il faut y ajouter une plateforme de génétique moléculaire, un réacteur nucléaire de recherche et quelques autres appareils pour que les institutions publiques de formation et de recherche puissent en toute autonomie (par rapport à l’international) résoudre les problèmes qui se posent à nous. -le financement public pour accompagner la recherche, l’innovation, le prototypage et le passage à l’entrepreneuriat.
Ne faisons pas comme Hamady Kandy dont parle le dicton peul : « Hamady Kandy ala welo soodi korne » (« Hamady Kandy n’a pas de vélo, il a acheté un klaxon »). Ne perdons pas de temps pour réussir l’après covid19. Ces sciences et technologies sont à la portée de notre jeunesse qui, d’ailleurs spontanément, en est passionnée. Convaincus et engagés nous réussirons !
Mary Teuw Niane
LA BANQUE MONDIALE DONNE LES CLES AUX PAYS EN DEVELOPPEMENT
Après l’arrêt brutal de l’économie mondiale depuis près d’un semestre à cause du Coronavirus, les conséquences se font déjà ressentir dans plusieurs pays, notamment ceux en développement
Après l’arrêt brutal de l’économie mondiale depuis près d’un semestre à cause du Coronavirus, les conséquences se font déjà ressentir dans plusieurs pays, notamment ceux en développement. C’est dans ce contexte que la Banque Mondiale a fait des recommandations aux pays en développement susceptibles de les aider à redresser leurs économies fortement éprouvées.
Face à la crise sanitaire qui a plongé le monde dans une profonde crise économique, les mesures que vont prendre les Etats surtout ceux en développement, s’avèrent cruciales pour relancer leurs économies.
Selon la Banque Mondiale (BM), les responsables politiques disposent d’une fenêtre de tir étroite pour limiter les dégâts et écourter la crise. Ainsi, elle recommande au pays en développement de se focaliser sur la priorité immédiate pour désamorcer cette crise sanitaire. Ils devront prendre des mesures pour sauver des vies, protéger les moyens de subsistance. Il faudra aussi qu’ils aident les entreprises à attendre l’embellie et préserver l’accès aux services publics essentiels, le tout en fonction du contexte local.
La BM recommande aussi aux pays en développement dont le Sénégal de prendre des dispositions pour éviter que la crise sanitaire ne dégénère en crise financière. Mais, note la Banque Mondiale, avec l’accentuation de la précarité causée par le Covid-19, nombre d’Etats ne seront pas dans les dispositions à faire face à la crise. «Dans certains cas, les systèmes de santé sont largement sous-équipés. Des pans entiers de la population tirent leurs revenus d’emplois informels, ce qui signifie qu’ils n’ont accès à aucune protection sociale et seront encore plus difficiles à atteindre et à soutenir en ces temps de crise», souligne la BM qui estime que les Pme, souvent confrontées à un manque d’accès aux financements, vont se heurter à des difficultés de trésorerie. Ce qui peut rapidement engendrer une crise de solvabilité. Par ailleurs, poursuit l’institution de Bretton Woods, les secteurs susceptibles de subir les fouets de la crise sont ceux qui dépendent du commerce, des produits de base ou du tourisme et aussi ceux qui concentrent le plus d’habitants.
RECESSION PROFONDE PREVUE EN 2020
Avant même l’explosion de la pandémie, souligne la BM, la plupart des pays en développement étaient confrontés à un ralentissement économique. Par ailleurs, sur ces prévisions détaillées, elle annonce que cette catastrophe sanitaire doublée d’une catastrophe économique va plonger les pays en développement dans une récession en 2020 avant de voir leur croissance redémarrer en 2021. Pire, prédit-elle, les pays en développement devraient subir une contraction de leur production d’environ 2%.
En plus de marquer le premier repli de ces économies depuis 1960, une telle évolution rimerait également avec des performances incroyablement médiocres par rapport au taux moyen de croissance de 4,6% observé depuis 60 ans, observe l’institution financière internationale. Avant d’alerter que les perspectives pourraient être nettement plus sombres. D’ailleurs, même si la Banque Mondiale note que les mesures d’atténuation se sont révélées efficaces pour stopper le Covid-19, elle a relevé une certaine frilosité du côté des investisseurs et des ménages, et l’incapacité des chaînes d’approvisionnement locales ou mondiales à refonctionner normalement.
Sous ce rapport, prévient-elle, les ménages risquent de limiter leurs dépenses de consommation et les entreprises de reporter leurs investissements jusqu’à ce qu’ils reprennent confiance dans un redressement solide.
UN AGRONOME ANNONCE UN MANQUE A GAGNER DE 50 MILLIARDS
«On annonce une mévente record de 30.000 tonnes d’anacarde et un manque à gagner de 50 milliards pour les producteurs casamançais, qui ne voient pas l’ombre d’un acheteur (…) en ce début de campagne
La pandémie de coronavirus pourrait entrainer la mévente de 30.000 tonnes d’anacarde et «un manque à gagner» estimé à 50 milliards de francs CFA aux dépens des producteurs de noix de cajou des trois régions de la Casamance (sud), a déclaré l’ingénieur agronome Abdourahmane Faye.
«On annonce une mévente record de 30.000 tonnes d’anacarde et un manque à gagner de 50 milliards pour les producteurs casamançais, qui ne voient pas l’ombre d’un acheteur (…) en ce début de campagne», a écrit M. Faye dans une tribune dont l’APS a obtenu une copie.
«Le désastre sera d’autant plus grand que la campagne précédente était chahutée par une chute drastique des prix aux producteurs, qui était due à une surproduction au niveau mondial», a souligné l’ingénieur agronome et expert chargé de la formation et de l’emploi à l’Initiative prospective agricole et rurale (IPAR), un «espace de réflexion» sur «les politiques publiques dans le secteur agricole et rural en Afrique de l’Ouest». Ce sont des hommes d’affaires indiens qui venaient souvent acheter la production d’anacarde aux producteurs des régions de la Casamance (Kolda, Sédhiou et Ziguinchor), selon M. Faye. Un collectif d’acteurs de la filière anacarde locale a fait part de son «désarroi», déplorant l’absence des partenaires commerciaux indiens et mauritaniens, qui ne peuvent se rendre en Casamance à cause de la pandémie de coronavirus, a-t-il expliqué. La morosité de la filière anacarde va affecter le port de Ziguinchor, qui connaissait chaque année un regain d’activité pendant la campagne de vente des récoltes de noix de cajou, selon l’ingénieur agronome.
Les services portuaires prévoient une baisse importante de leur chiffre d’affaires à cause de la mévente des récoltes d’anacarde. «C’est toute une filière, à l’entame de son envol, qui prend du plomb dans l’aile avec ce Covid-19, qui n’épargnera même pas la mangue, pour la même raison, le manque d’acheteurs», a souligné Abdourahmane Faye. «Les deux mamelles principales de l’économie agricole sont ainsi infectées dans cette partie du Sénégal, qui présente déjà une comorbidité lourde liée aux effets des changements climatiques, à la salinisation des terres, à la baisse de la fertilité et de la productivité des sols, au sous-équipement des exploitations agricoles, etc.», a ajouté M. Faye.
Selon lui, à cause de la fermeture des marchés hebdomadaires ruraux, en raison de la pandémie de coronavirus, les paysans sont privés de «débouchés commerciaux» et ne peuvent pas vendre leurs produits agricoles et d’élevage pour subvenir à leurs «besoins monétaires et alimentaires». «Dans plus de 80% des cas, les ménages agricoles épuisent leurs stocks vivriers six mois après récoltes et dépendent, pour le reste de l’année, de ces marchés pour s’acheter de la nourriture», a expliqué l’expert d’IPAR. «Les restrictions imposées dans les transports intérieurs et extérieurs ont perturbé le fonctionnement des chaînes logistiques d’approvisionnement et de livraison [des] exploitations agricoles», a-t-il écrit.
DES ECONOMISTES SE PRONONCENT …
Alors que la crise sanitaire du coronavirus en passe d’engloutir l’économie mondiale, le président Macky Sall s’engage dans le combat pour l’annulation de la dette des pays africains
Alors que la crise sanitaire du coronavirus en passe d’engloutir l’économie mondiale, le chef de l’Etat Macky Sall, quant à lui, s’est engagé sur deux fronts. D’un côté, éradiquer la pandémie du covid19 au Sénégal, de l’autre, mener au nom de tout un continent le combat pour l’annulation de la dette des pays africains auprès des bailleurs de fonds étrangers. S’agissant surtout de ce dernier combat, continental, des experts s’interrogent sur la pertinence de l’orientation des politiques publiques conduites par le pouvoir en place.
Plus d’un demi-siècle après les indépendances, une quarantaine de pays africains dont le Sénégal croulent toujours végètent toujours dans la pauvreté et sous le poids d’une dette estimée à 365 milliards de dollars. Une dette colossale dans laquelle la part du Sénégal représente 8231 milliards de francs Cfa. Comment pouvoir payer une telle dette, celle du continent mais aussi celle de notre pays, dans un contexte de crise sanitaire où, partout dans le monde, l’économie est au ralenti ?
Pour le chef de l’etat Macky Sall, il ne faut pas chercher loin car, d’après lui, urge d’adopter en faveur du continent « une stratégie d’annulation de la dette des pays africains assortie d’un plan de rééchelonnement de la dette commerciale qui permettra à l’Afrique, dans le cadre du nouvel ordre mondial, d’avoir un nouveau départ ». la réponse à une telle doléance n’a pas tardé du côté des pays prêteurs, notamment ceux regroupés au sein du g20 représentant les 20 plus importantes économies mondiales. en lieu et place d’une annulation, le g20 propose une suspension d’échéances pour une période de 12 mois afin d’assurer la survie des économies africaines. Bien évidemment, ce n’est pas ce que voulait le président Macky Sall !
Expert des questions liées à l’économie internationale, le professeur Malick Sané invite d’abord à une clarification des différentes formules utilisées en matière de dette qui sous-tendent les enjeux autour de ce débat enclenché par le président Macky Sall. a l’en croire, le terme annulation prôné par ce dernier renvoie à un effacement total de la créance ainsi que des intérêts qui l’accompagnent. Or, la suspension accordée par les pays étrangers, notamment ceux du g20, est un simple moratoire autrement dit un arrêt provisoire du paiement de la dette jusqu’à ce que s’améliore la situation de crise sanitaire. « L’autre formule utilisée, à savoir le rééchelonnement, consiste à étaler sur une période beaucoup plus longue le remboursement de la dette. Ce qui veut dire que le remboursement de la dette principale et des intérêts va se faire, mais de façon beaucoup plus souple en matière de paiement. Et cela va constituer en quelque sorte un budget de sauvetage des pays africains lourdement endettés parmi lesquels figure le Sénégal », a clarifié le professeur à la faculté des sciences économiques et de gestion (Faseg) de l’Université Cheikh Anta Diop.
Donnant son point de vue sur l’initiative lancée par le président Macky Sall en faveur de l’annulation de la dette, M. Malick Sané estime que cette nouvelle tournure renseigne sur l’échec de nos politiques publiques. «Les gouvernements sont les premiers responsables d’un telle situation. Car pour avoir une indépendance, voire une autonomie économique, il faut plus de sérieux dans l’orientation des politiques publiques. Aujourd’hui, il est admis que les ressources de cette dette ont été mal gérées à travers des investissements pour la réalisation de grandes infrastructures pour le prestige mais non prioritaires. Le TER (train express régional) est une parfaite illustration de cet endettement massif à coup de milliards qui pouvait servir, par exemple, à réhabiliter le chemin de fer dans tous le Sénégal » soutient l’universitaire, Malick Sané.
À l’en croire, malgré la requête de Macky Sall en faveur de l’annulation de la dette, celle due aux investisseurs privés ne peut être annulée. (ndlr, le président de la république, qui en est conscient, veut juste un rééchelonnement de la dette commerciale). D’après le spécialiste de l’économie mondiale Malick Sané, l’erreur stratégique du gouvernement a été d’aller s’endetter lourdement auprès des investisseurs privés comme le Club de Paris où les taux d’intérêts sont très élevés et les durées de remboursement plus courtes. Et c’est pourquoi, explique-t-il, la situation risque de devenir intenable pour l’etat surtout dans la mesure où la dette privée ne s’annule jamais contrairement aux dettes multilatérales et bilatérales.
MEISSA BABOU, ECONOMISTE : « Le Sénégal ne peut bénéficier d’une annulation de sa dette »
Selon l’économiste Meissa Babou, contrairement aux Pays africains les moins avancés (acronyme PMa), le Sénégal ne peut bénéficier de l’annulation de sa dette. Or, une des possibilités qui s’offrait au Sénégal pour un éventuel effacement de sa dette était de figurer sur cette liste des PMA à l’image de la guinée où même du Mali. Il y a aussi le fait que la part des institutions financières internationales, qui auraient pu régler la situation, ne représente même pas 10 % de la totalité de sa dette. « Mais étant donné que nos politiques vantent le Sénégal partout ailleurs chiffres à l’appui comme étant un pays avancé avec une croissance économique de l’ordre de 7 % ; là on ne peut plus bénéficier de la faveur économique qu’est l’annulation de dette. L’autre réalité, c’est que le pays n’est pas dans une situation de crise incommensurable bien que nous soyons touchés par la pandémie comme d’autres pays. Il convient même de se demander ce qui se serait passé si par exemple tous les pays touchés par le covid19 demandaient la même chose par rapport à leurs créances. Ce sera l’hécatombe financier international», prédit M. Babou dans son analyse du nouveau combat économique porté par le président Macky Sall au nom du continent africain.
Le professeur d’économie à l’Ucad s’est aussi prononcé sur la question de la dette intérieure que l’etat doit au privé national. il rappelle que des entreprises nationales, ou en tout ça exerçant dans notre pays, courent derrière l’état pour obtenir le paiement de la dette colossale qu’il leur doit. il a fallu qu’elles le relancent de façon intempestive pour que le gouvernement décaisse 300 milliards dans une cagnotte à hauteur de 1000 milliards afin de soulager quelques-unes. «Toutes les entreprises qui ont eu à travailler avec ce régime sont dans la dèche. D’ailleurs, deux mois avant la pandémie du coronavirus, le FMI a dû intervenir pour sommer l’Etat du Sénégal de régler la question de cette dette intérieure », a rappelé l’enseignant en économie à l’Ucad.