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18 juillet 2025
Par Abdoulaye TAYE
L’URGENCE D’UN REVENU DE BASE GENERALISE ASSOCIE A UNE ASSURANCE MALADIE OBLIGATOIRE
La crise sanitaire provoquée par le COVID-19 pose le problème de la résilience de notre économie voire de notre société. Notre économie repose sur l’informel où l’entreprenariat individuel domine.
La crise sanitaire provoquée par le COVID-19 pose le problème de la résilience de notre économie voire de notre société. Notre économie repose sur l’informel où l’entreprenariat individuel domine. Ainsi, l’activité économique des auto-entrepreneurs, l’écrasante majorité des sénégalais, est en sursis à cause du confinement. Du secteur commercial au secteur événementiel, en passant par le secteur des services (auto, restaurant,…),tous ces braves gorgorlous sont exposés à des difficultés de survie. L’état conscient de ces risques de précarité tente d’amortir le choc en distribuant de manière ponctuelle et sélective des produits alimentaires sur fonds de carence d’un système d’informations presque inexistant que des chefs de village et de quartier sont appelés à relayer. La plupart des pays occidentaux, disposant de systèmes d’informations plus fiables, optent pour une distribution monétaire. Donald Trump, le président américain, décide de verser un chèque d'environ 1000 dollars par adulte et 500 par enfant. En Allemagne, le journal Frankfurter Rundschau, plaide pour l’octroi d’un revenu de base mensuel de 1000 euros sur six mois. Le gouvernement espagnol envisage l’instauration d’un revenu universel le temps de la pandémie tandis qu’au Royaume-Uni, 170 parlementaires de différents partis ont adressé une lettre au gouvernement britannique lui demandant la même option. En France, un collectif de travailleurs précaires appelle également à la mise en place immédiate d’un revenu de base. Le débat sur l’opportunité, la pertinence mais aussi la nécessité d’un revenu de base est ainsi relancé (en France, au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne et aux États-Unis) pour répondre aux conséquences brusques et brutales de la crise du COVID-19 qui a entraîné le confinement de la moitié de la population mondiale.
La brutalité et l’imprévisibilité du CORONAVIRUS ont pris tous les états au dépourvu. Il a mis à rude épreuve les capacités résilientes de tous nos systèmes de protection et d’adaptation sociale, économique et démocratique. Les réactions des décideurs à travers des plans pour sauver l’école, le pouvoir d’achat des ménages, le ralentissement de l’activité économique, la santé des populations mais aussi et surtout celle des infectés,… sont plus ou moins erratiques et inefficaces. L’instauration institutionnelle et permanente d’un revenu de base généralisé associé à une assurance maladie obligatoire (RBG-AMO) nous aurait épargné de tous ces agissements pénibles à coordonner pour ne construire d’ailleurs qu’une résilience conjoncturelle. Il renforcerait de toute évidence notre sécurité sociale, sanitaire voire économique. Le contexte actuel est propice pour ouvrir un débat démocratique et réfléchir sur les nombreux impacts économiques, sociaux, démocratiques et culturels positifs du RBG-AMO. Son potentiel résilient est de nature à nous prévenir des chocs sanitaires, alimentaires et écologiques à travers une gestion maitrisée et contrôlée sans dérapage ni précipitation tel que nous le vivons maintenant.
Le revenu de base généralisé (RBG) remplit plusieurs fonctions dont les sept suivantes. Il se présente comme un instrument de redistribution de la richesse, de financement de programmes sociaux (la santé, l’éducation, la redevance télé ,…), de réduction de la pauvreté et des inégalités, comme une subvention des biens et des services, comme une matérialisation de la citoyenneté, comme un système d’information, mais aussi comme une technique d’injection de l’argent dans le circuit économique à l’instar de la dette. Le revenu de base généralisé s’inscrit dans un cercle vertueux où l’argent quitte la production par les impôts et les taxes, se transforme en RBG et revient à la production par la consommation. C’est le rôle joué par notre vieille technique de la dette pour injecter de l’argent dans la production par l’investissement. Mais à la différence que dans le cas du RBG, rien ne se perd (pas de déperdition financière) rien ne se crée (pas d’intérêt), tout se transforme (dans le circuit économique) !
Le RBG augmente le pouvoir d’achat national du pays, booste la consommation et tire la production, donc crée de la croissance et des emplois en contribuant à la réduction de la pauvreté. Il permet la distribution du pouvoir d’achat sur tout le territoire national, la réduction des prix à l’intérieur et à l’extérieur du pays et la diminution de la dette publique intérieure. Il assure le financement de l’assurance maladie obligatoire. Il permet enfin de financer les daaras et de retirer tous nos enfants de la rue.
L’assurance maladie obligatoire (AMO) qui lui est associée et dont le caractère obligatoire assure la pénétration à 100%dans les populations est un concept très adapté aux pays sous-développés et pauvres. Elle favorise un redéploiement des cliniques privées et des plateaux techniques médicaux sur tout le territoire national en créant une véritable économie décentralisée de la santé puisque l’assurance paie désormais les factures. Le paysan, l’éleveur, le pécheur, l’ouvrier, le chauffeur, l’artiste,… deviennent plus productifs grâce à un accès aux soins et aux médicaments plus facile et moins coûteux voire gratuit. L’insécurité sanitaire liée à la vente des médicaments dans la rue disparait. L’assurance maladie obligatoire représente en outre un modèle de financement du système de la santé et sert de système d’information relatif aux patients et aux maladies.
Ce projet aux multiples enjeux (enregistré au BSDA en 2008) devrait être financé sans recours au budget excepté le transfert des dépenses et des allocations sociales traditionnelles de l’Etat et de leur budget de fonctionnement. Il conviendra aussi de sortir le social de la politique, surtout de la politique des collectivités locales.
Le revenu de base généralisé est une condition nécessaire pour la mise en œuvre de l’assurance maladie obligatoire qui lui est assujettie et que l’on peut considérer comme une contrepartie. Les impacts de ces deux outils sur l’économie, la société, la démocratie et la culture sont insondables. Le CORONAVIRUS nous révèle la nécessité impérieuse de se doter d’un système résilient permanent qui résiste à toute épreuve. Il nous rappelle aussi qu’il faut voir tôt, qu’il faut voir grand, qu’il faut voir loin.
Dr. Abdoulaye Taye
Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop de Bambey
Initiateur du projet RBG-AMO
Président de TGL (voir Tôt, voir Grand, voir Loin)
DANS QUELQUES TEMPS ON AURA CE PIC...
Le taux important de guérisons, le protocole Raoult, le cas de rechute, le traitement des symptômes, Dr Khardiata Diallo Mbaye, responsable du centre de traitement Fann fait un diagnostic de la pandémie
«Il fallait qu’on prenne les devants et nous avons commencé à faire nos réunions avec le Comité de pilotage de Fann et au niveau national avant même qu’il y ait des cas en Afrique. Je me rappelle que le premier cas en Afrique nous a trouvés ici et on parlait de l’organisation à mettre en place. Quand le patient 0 est arrivé, on a dit «voilà, il fallait s’y attendre».
Dès l’instant que l’Afrique a eu son premier cas, j’étais sûre que le Sénégal n’y échapperait pas parce qu’on est pays un carrefour. Il y a beaucoup d’aller et de retour, les parents qui sont à l’étranger et aussi les relations que nous avons avec l’Europe qui sont importantes avec beaucoup de compagnies présentes ici. Personnellement, je m’étais préparée à ça et c’était pareil pour tout le monde. Néanmoins, c’était brusque parce que ce jour-là je me suis fait un déni : je me suis dit : «Non ! Non. Ce n’est pas ça. Le test va être négatif. C’était juste un déni, mais on était préparé à ça.» On était sûr que le Sénégal n’allait pas y échapper.
Taux important de guérisons
Il n’y a pas miracle, mais c’est lié à beaucoup de choses. Notre population est jeune, contrairement à celle européenne. Ensuite, l’espérance de vie des Européens et beaucoup plus élevée. Donc, vous aurez là-bas des vieux qui ont 70, 80 ou 90 ans avec toutes les comorbidités comme le diabète, l’insuffisance rénale, mais ils se soignent. Ils ont toutes les pathologies et ils sont sous traitement. Ce sont des «bombes» à retardement. Alors que notre population est jeune, ça c’est un facteur explicatif.
Nous avons vu dans la littérature que les facteurs de risque sont l’âge avancé. Les comorbidités étaient aussi des facteurs à risque, même si nous avons parfois des pathologies associées chez les personnes âgées, c’est plus vu en Europe qu’ici. Sans compter que les gens prient. Mais du point de vue scientifique, il n’y a pas de miracles et l’Afrique est à moins risque que l’Europe.
Protocole Raoult
Franchement, nous avons vu que ce protocole marche. Ce n’est pas qu’il guérit le malade, mais il accélère la guérison. Le délai de prise en charge est réduit, c’est-à-dire le séjour en milieu hospitalier est moindre chez les patients qui sont sous ce protocole. Bien sûr, il y a des exceptions. En général, ceux qui sont sous hydroxy (hydroxychloroquine) associé à l’azithro (azithromycine) guérissent plus rapidement que ceux qui ne sont pas sous ce protocole.
Tout le monde n’est pas sous hydroxy parce qu’il y a parfois des contreindications, mais ça fait partie des facteurs qui accélèrent la guérison parce que l’élimination de la charge virale est beaucoup plus rapide avec le protocole.
Ça dépend, parce qu’il y a des patients qui peuvent rester 10 ou 15 jours. Mais en moyenne, c’est trois semaines. Il y a des exceptions parce qu’il y a eu des malades qui ont fait un mois d’hospitalisation et qui ne sont pas guéris. Il y a des contrôles qui sont faits à répétition.
Même si la charge virale est basse, le patient n’est toujours pas guéri parce que l’expression virale est toujours là. Même s’il n’y a plus de signes, on ne peut pas le laisser sortir.
Cas de rechute
Ce fameux cas, tout le monde en parle. De deux choses l’une : Pour moi, c’est soit une ré-infestation, même si on dit qu’avec cette maladie on acquiert une immunité. On ne sait pas combien de temps va durer cette immunité. Même s’il y avait une immunité longue, on ne sait pas si le patient est infecté par une autre souche différente de celle à laquelle il a acquis une immunité. Ou c’est une réactivation et ça pose problème parce qu’on ne sait pas exactement si le patient était réellement guéri ou seulement sa charge virale était simplement basse, mais n’était pas nulle.
Pour avoir des explications, il va falloir faire des recherches parce que le virus n’a pas montré toutes ses facettes. Il faut que les gens prennent du recul, fassent des recherches pour qu’on soit fixé une bonne fois pour toutes.
Traitement des symptômes
Bien sûr que ça existe. En Europe, ils n’hospitalisent pas tout le monde. Ils en sont où les formes simples se gèrent à domicile parce que si vous n’avez aucune comorbidité ou si vous n’êtes pas un cas avec les facteurs de risque, la maladie peut guérir rapidement avec juste un traitement symptomatique. Par exemple, si vous avez de la fièvre, prenez votre paracétamol. Le fait tout un chacun. Ils font souvent une téléconsultation et on leur dicte les médicaments à prendre. Nous n’en sommes pas encore à ce stade, mais la maladie peut guérir dans les formes simples sans pour autant qu’on fasse quelque chose.
Profil des patients
On a tous les profils. Les personnes âges représentent 1/3 de nos malades, des femmes enceintes, allaitantes, des nourrissons de quelques mois. On a toutes les formes cliniques. Pour le moment, aucune étude n’a démontré la transmission par le lait maternel. Par contre, elle a le devoir de mettre son masque pour éviter de contaminer son bébé au moment de l’allaitement s’il y a transmission par gouttelettes ou contact avec la maman.
De toute façon, ils sont moins à risque et Dieu fait bien les choses. Aucun enfant ici n’a fait des formes compliquées et ils font des formes en général asymptomatiques ou avec peu de signes. Il y a même des enfants qui guérissent avant leur mère. Il y a peu de décès chez les enfants.
Pic de la maladie
Le pic de la maladie n’est pas une vue de l’esprit. Du point de vue épidémiologique, vous voyez qu’on est en train de monter. Je suis sûre que dans quelque temps, on aura ce pic. Je ne suis ni mathématicienne ni modéliste, mais je sais qu’on va vers le pic parce qu’on ne l’a pas atteint. Nous sommes préparés à faire face parce qu’il y a une expansion du centre. On touche du bois et on ne veut pas en arriver là, mais il faut qu’on s’y attende. Il y aura des pics et malheureusement en cas de pic, il y aura beaucoup plus de formes graves et beaucoup plus de décès.
LE SENEGAL A LA FIN DU STADE 2 ET AU DEBUT STADE 3 DE L’EPIDEMIE
« Il n’y a pas et il n’y aura pas d’exception sénégalaise », selon Dr Boubacar Signaté de SoS médecins.Les cas communautaires et les cas contacts évoluent à un rythme incontrôlable
Le chemin qu’a pris cette épidémie au Sénégal, avec la multiplication des cas faisant que la courbe tend inexorablement vers le sommet, ce chemin ne risque-t-il pas de nous mener droit à la catastrophe ? N’est-il pas temps de prendre les décisions fermes qui s’imposent et les appliquer immédiatement ? Face à ces questions, l’urgentiste Dr Boubacar Signaté de SOS Médecins, demande soit « de partir sur de nouvelles bases » soit d’« arrêter tout et laisser la sélection naturelle se faire ». Pour ne pas dire le « louniou am dieul », comme il le dit !
Le coronavirus ressemble aujourd’hui à un agresseur qui revient souvent sur le lieu du crime pour attaquer et faire encore de nouvelles victimes. on signale dans des pays fortement touchés des rechutes. Dans ces pays, situés notamment en Asie, l’on a pensé tourner la page covid-19. Pendant ce temps, certains pays européens, confinés depuis des semaines, réfléchissent sur des plans de dé-confinement partiel.
Hélas ! Dans des pays africains comme le Sénégal où le virus n’a pas encore dit son mot, on assiste à un non-respect des mesures barrières et préventives. ce qui fait que le covid-19 circule librement et frappe à la porte de qui il veut attaquer. Qu’il s’agisse de personne âgées, de jeunes gens, d’enfants, d’agents de santé, d’hommes politiques, d’artistes… autrement dit, les profils des personnes atteintes sont différents.
Le virus sévit dans notre pays depuis bientôt deux mois ! Parti d’un seul cas enregistré le 02 mars dernier — encore que c’était un cas importé —, le coronavirus a fait à ce jour plus de 800 cas de personnes contaminées avec une implosion des cas communautaires et des cas contacts. ce qui place le Sénégal au stade « fin 2 à début 3 » de la courbe épidémique. Une « courbe ascendante », comme l’a dit avant-hier le directeur du centre des opérations et des urgences sanitaires (cous) au ministère de la Santé et de l’action sociale, Dr Abdoulaye Bousso. cette montée, selon l’urgentiste Dr Signaté, appelle aujourd’hui à freiner la propagation du virus et atténuer les effets de la pandémie.
Malheureusement, on n’a pas pu freiner l’introduction du virus dans notre pays à temps. a ce stade crucial de la gestion de la pandémie, l’état semble débordé par la situation. Les populations paniquées luttent pour survivre face au covid-19 qui dicte toujours sa loi. Sa progression devient inquiétante chez les Sénégalais dont la plupart portent le masque n’importe comment.
Chez certains compatriotes, on néglige pourtant le port de cet outil de protection qu’on enlève parfois avant de le remettre sur le visage sans même prendre la peine de le laver. D’autres refusent carrément de porter le masque ou de respecter la distanciation sociale d’au moins un mètre. Des comportements décriés par tout le monde car encourageant la transmission et la propagation du covid-19.
Face à cette situation, Dr Boubacar Signaté de SoS médecins demande de faire un stop, c’est-à-dire de s’arrêter un moment, de faire un petit état des lieux avant de repartir sur de nouvelles bases pendant qu’il est encore temps. « Nous avons encore le temps de réagir » assure l’urgentiste selon qui « il n’y a pas et il n’y aura pas d’exception sénégalaise ». « Nous ne sommes pas plus forts, pas plus intelligents, pas plus équipés, pas plus religieux, pas plus malins, pas plus futés, et donc pas mieux protégés que les autres.
Certes, pour la majorité des gens, l’infection par le coronavirus n’aura pas de conséquences majeures. Mais pour une petite fraction des personnes contaminées, ce sera une question de vie ou de mort. Si les chiffres de l’épidémie continuent d’augmenter, le petit pourcentage de malades qui auront un besoin vital d’assistance médicale pourrait bien saturer nos services de réanimation », avertit le médecin urgentiste. a l’en croire, on est non seulement et jusque-là inconscients du danger qui nous guette, mais encore on est encore plus laxistes et plus arrogants vis-à-vis de ce virus qui continue pourtant son bonhomme de chemin dans notre pays.
Dr Signaté se veut clair, « ça se passera chez nous exactement comme cela s’est passé chez les autres ». ah bon ? « Ah oui ! Sauf si nous utilisons le temps d’avance dont nous avons bénéficié en voyant les choses arriver. Sauf si nous redevenons réalistes et raisonnables dans la gestion de cette pandémie aussi bien du côté des autorités sanitaires et étatiques, qui doivent maintenant sortir de leur bulle, que du côté de la population générale qui pense être protégée par je ne sais quels mécanismes », insiste encore le médecin lancer d’alertes. il demande de « partir sur de nouvelles bases » ou alors d’« arrêter tout, et laisser la sélection naturelle se faire ».
Pour ne pas dire « louniou am dieul », dit-il. A ce stade de la maladie, un médecin sous l’anonymat propose de centrer la stratégie sur la protection des sujets âgés et des personnes à risque ainsi que du personnel médical. ce serait plus appréciable, dit-il, même si on serait à plus de 2000 cas avec un nombre insignifiant de cas graves et zéro décès dans les prochains jours. Il suggère de tester les personnes vulnérables à traiter dès le début pour éviter la survenue de complications.
L’ENTHOUSIASME DOUCHÉ DES SÉNÉGALAIS D’ITALIE
Dans le pays européen le plus touché par le coronavirus, tant sur le plan sanitaire qu’économique, l’aide financière annoncée par l’Etat du Sénégal pour venir au secours de sa diaspora apparaît comme un mirage aux yeux de la plupart des "Modou-Modou"
En Italie, le pays européen le plus touché par le coronavirus, tant sur le plan sanitaire qu’économique, l’aide financière annoncée par l’Etat du Sénégal pour venir au secours de sa diaspora apparaît comme un mirage aux yeux de la plupart des «Modou-Modou». A les en croire, entre le discours du chef de l’Etat, Macky Sall, et les modalités de cet appui financier déclinées par le Dr Pape Abdoulaye Seck, l’ambassadeur du Sénégal dans ce pays, le fossé est énorme.
Après avoir poussé un soupir d’espoir suite à la décision du président Macky Sall de dégager une enveloppe financière de 12,5 milliards pour venir au chevet de la diaspora, des Sénégalais établis en Italie ont replongé dans un cauchemar pandémique. en guise d’information sur les modalités de cette aide, le message audio de 2 minutes 52 secondes qui leur a été adressé par la voix de Papa Abdoulaye Seck, ambassadeur du Sénégal en Italie, a douché leur enthousiasme. car via le canal d’une application très prisée, il ressort de la voix du diplomate sénégalais que la manne financière en question n’est réservée qu’aux immigrés contaminés par le covid19, leurs proches immédiats et les Sénégalais de passage à l’étranger puis coincés sur place à cause de la fermeture des frontières. en d’autres termes, ceux en chômage technique du fait de la situation de confinement qui prévaut dans ces pays, ainsi que les « sans papiers » s’activant dans la clandestinité et une situation de précarité ne seraient pas concernés par ce programme de secours mis en place par l’état du Sénégal. Une tournure qui n’a pas laissé indifférents les immigrés sénégalais établis en Italie, le pays européen où on retrouve la plus grande communauté de « Modou-Modou »
Désillusion partagée
Demba Ndiaye, établi depuis de longues années dans ce pays, n’a pas caché sa désillusion dès réception du message de l’ambassadeur faisant état du dispatching de l’aide financière accordée aux Sénégalais de la diaspora. a l’en croire, la procédure de répartition des 12 milliards ne tient pas compte de la réalité socio-professionnelle sur le terrain. « Avec le déséquilibre économique occasionné par la pandémie, aujourd’hui, la plupart des émigrés sont en chômage technique. Ceci pour la simple raison que le secteur informel et les tâches manuelles dans les entreprises européennes sont occupés en majorité par les immigrés en provenance des pays pauvres comme le Sénégal. Et ce sont ces mêmes travailleurs qui assuraient une bonne part de l’économie de notre pays à travers les transferts d’argent. Maintenant, au lieu de venir au secours de ses vaillants fils actuellement dans le désarroi, l’Etat a préféré cibler un nombre bien réduit de compatriotes établis à l’étranger pour leur octroyer le fonds d’aide » a fustigé m Ndiaye.
L’autre motif du cri du cœur de ce Sénégalais basé en Italie concerne la mise à l’écart des associations et regroupements communautaires des immigrés qui, d’après son constat, n’ont pas été consultés dans le cadre de la répartition de l’aide financière. or, souligne le Modou-Modou, « ici, en Europe, les associations d’immigrés maitrisent mieux que quiconque le vécu quotidien de nos compatriotes ainsi que ceux qui sont dans le besoin pour une aide urgente. D’ailleurs, ils ont même des dahira et autres communautés de sénégalais qui s’activent déjà sur le terrain pour des actions de bénévolat. Donc, pour plus de transparence et d’efficacité, les consuls et les ambassadeurs devraient travailler en étroite collaboration avec ces regroupements de Sénégalais afin de garantir une bonne répartition des 12 milliards. Lesquels, certes, ne sont pas destinés uniquement aux Sénégalais d’Italie » estime Demba Ndiaye.
De nouveaux mécanismes à élaborer
Mais selon cheikh Gaye, écrivain et financier résidant en Italie, il se trouve qu’il y a eu, sur le plan de la communication, une subtilité manifeste dans le discours du président de la République par rapport à l’aide financière destinée aux émigrés en ce temps de crise économique mondiale. il fait savoir que beaucoup de ces Sénégalais, qui souffrent en Europe du chômage technique à cause de la pandémie du coronavirus, ont pensé à juste titre qu’ils seront soutenus par l’état du Sénégal mais hélas tel n’est pas le cas. « D’après le message qui nous est parvenu de l’ambassade, cet argent n’est distribué qu’aux familles et émigrés infectés par le covid19. Ces derniers vont toucher 2000 euros tandis que les autres Sénégalais coincés dans les pays étrangers à cause des fermetures de frontières, ceux-là vont empocher 500 euros chacun. Et l’aide se limite là. Or, en ce moment, ici en Italie, une région comme la Lombardie qui a vu son économie ralentir totalement, abrite un nombre impressionnant de Sénégalais » souligne cet émigré et ex-banquier selon qui, il est temps de mettre en place une banque de la diaspora. Ceci, explique-t-il, au vu de la situation sanitaire qui prévaut en Italie avec toutes les difficultés que rencontrent les immigrés surtout avec cette situation de confinement où même la plupart des points de transfert d’argent ont été fermés.
Autant de raisons selon lui pour que l’état du Sénégal mette sur pied, avec les 12 milliards promis, une banque de la Diaspora. « Cette période cruciale que nous vivons doit constituer également un prétexte pour repenser notre système diplomatique et refournir surtout nos ambassades en service social et juridique pour mieux accompagner les Sénégalais vivant à l’étranger dans des conditions de vie très difficiles » a plaidé notre compatriote établi en Italie.
LES TALIBES CHEIKHS CONFINES DANS LEUR WAZIFA ET HADRATOUL JUMMAH
Quand il s’agit de séances de « Wird », « Lazim », « Wazifa » et « Dhikr » du vendredi ou « Hadratoul Jummah », le fidèle talibé Tidiane en fait un sacerdoce.
Cheikh CAMARA, Correspondant permanent à Thiès |
Publication 29/04/2020
Quand il s’agit de séances de « Wird », « Lazim », « Wazifa » et « Dhikr » du vendredi ou « Hadratoul Jummah », le fidèle talibé Tidiane en fait un sacerdoce. En dépit des mesures prises par l’autorité avec l’interdiction des rassemblements, tout en se conformant à ces mesures, des fidèles Tidiane de Thiès vivent intensément leurs dévotions religieuses.
Sevrés de rassemblements religieux, les Tidiane de la région de Thiès n’en tiennent pas moins au respect scrupuleux des mesures prises par l’autorité. leur conviction est que dans le respect des mesures édictées pour lutter contre le coronavirus, ils peuvent accomplir convenablement leur devoir religieux. ces disciples tiennent au respect des principes et des valeurs de l’islam tout en s’efforçant dans leur dévotion à ne pas franchir les interdits étatiques. ce qui fait qu’aux premiers jours du mois béni de Ramadan, la ville de Thiès vibre au rythme de la lecture du Saint coran, des prières, louanges dédiées au Prophète Muhammad (Psl), à l’intérieur des maisons. Un Ramadan aussi marqué par le recueillement dans les différents cimetières.
Toutefois, les manifestations traditionnelles comme les conférences et causeries religieuses, qui rythmaient l’actualité dans la ville et un peu partout dans le pays, ont été renvoyées à de meilleurs moments avec le contexte de la covid-19. Ce qui fait que les soirées religieuses très courues, dont les programmes ont été ficelés bien avant l’apparition de la covid ont été renvoyées. Bref, tout a changé dans le quotidien des fidèles Tidianes. les mosquées étant fermées, les disciples souffrent de ce sevrage. la fréquentation de ces lieux de culte pour les prières du soir étant des moments forts de réflexion sur la pratique de la religion. Un temps où l’on notait de fortes affluences de fidèles qui se bousculaient à l’entrée des mosquées.
Autres faits marquant comme dans tous les coins du pays, la longue procession de fidèles, jeunes et vieux, se dirigeant à l’aube vers les mosquées, rend certains fidèles nostalgiques de cette première prière de la journée. ouztass Badara Guèye, lui, se remémore de ces moments où, partout dans les rues de Thiès, le mois béni prenait la forme d’une université d’été où les musulmans développaient une réflexion sur différentes questions qui touchent à l’islam. La covid -19 est venue compromettre tous ces instants religieux. les mosquées fermées, tout ce beau monde qui y passait la journée, histoire de tuer le temps tout en recevant un enseignement spirituel ou revisiter la charia, (loi islamique), etc., reste triste, se remémorant de ces moments de ferveur religieux. Issa Fall, talibé cheikh, lui, dit tenir au « respect des principes et des valeurs de l’islam qui doit être de rigueur ».
Malgré la fermeture des mosquées, certains fidèles restent plus que jamais engagés et déterminés avec les séances de Wazifa ou de Hadratoul Jummah. Selon eux, ces pratiques sont une liaison et une relation avec le tout Puissant et le Prophète Seyyidinaa Muhammad (PSl). Ce qui fait qu’elles constituent un moment fort devant permettre aux fidèles Tidianes d’exalter la philosophie de Cheikhna cheikh Ahmad Tidiane chérif. Et plutôt que la mosquée, des espaces d’échanges entre les acteurs religieux sont aménagés à l’intérieur des maisons. Moussa Mbaye et ses camarades, entre autres nombreux disciples Tidianes, bien que conscients des enjeux de l’heure, des inquiétudes et des risques qui émanent de la situation actuelle marquée par le covid-19, entendent vivre pleinement leur « spiritualité à travers une philosophie religieuse teintée d’une soumission sans fanatisme. ils se disent convaincus que la pratique du Wazifa et du Hadratoul Jummah, loin d’être simplement un rituel, reste une ressource de vie qui nous accompagne du lever au coucher du soleil.
Tivaouane, Thiénaba, Pire, Keur Mame El Hadji Ndiéguene dans la ferveur religieuse
Dès l’apparition du croissant lunaire qui marque le début du mois béni de Ramadan, beaucoup de maisons à Thiès ont changé de décor. Dans la ferveur religieuse, dans le frisson spirituel, ces dernières ont presque été transformées en des ‘’temples d’Allah’’ faisant la fierté de la Ummah islamique. Dans tous les quartiers, c’est l’effervescence de grands moments de recueillement. Un temps fort qui permet aux nombreux fidèles tidianes de revisiter l’œuvre et la vie du meilleur des êtres (Psl). A l’heure où les mosquées faisaient le plein à pareille moment, drainant à un rythme spectaculaire les foules pour les besoins du nafila, cette année, les fidèles, par respect scrupuleux des mesures édictées dans la lutte contre le coronavirus, préfèrent rester chez eux accomplir leur devoir religieux.
La nature spacieuse de ces maisons permettant à toute une famille de vivre intensément leurs pratiques religieuses. Certains devront également se passer des fortes affluences de fidèles chez certaines autorités religieuses. les sanctuaires de l’islam comme Tivaouane, Thiénaba, Pire, Keur Mame el Hadji Ndiéguene, pour les ziaars traditionnels, le recueillement auprès des mausolées des vénérés cheikhs, entre autres, étant privés de leurs visiteurs. Pape Ndiaye, président de Dahira Tidiane à Thiès, évoquant la ferveur religieuse qui accompagne le Ramadan à travers le comportement de talibés Tidianes fait savoir qu’« il ne saurait en être autrement compte tenu du fait que Maodo, suivant les traces du Sceau des Prophètes (PSl), a formé de nombreux disciples appelés moukhadams dont Elimane Sakho de Rufisque, père d’ El hadji Ibou Sakho, Moctar Coumba Diop de Dakar, Serigne Alioune Guèye de Tivaouane, amadou lamine Diène de Dakar, Thierno Alioune Kandji de Diourbel, Tafsir Abdou Cissé de Pire (père Moustapha Cissé).
Ces derniers, chargés de vulgariser l’islam, l’ont aidé avec détachement dans sa noble et exaltante mission consistant à repêcher les âmes en errance dans les méandres du paganisme triomphant et faire de ses talibés des modèles de croyants, prompts à affiner chaque jour davantage leur pratique religieuse. De son école qui était une véritable université populaire, sont sortis d’abord 41 moukhadams qu’il a installés partout au Sénégal et dans certains pays africains. ce, à l’instar de Ndary Mbaye au Gabon, el Hadj amadou Bouyo Guèye en côte d’ivoire, Madiakhou Diongue au Congo Belge, actuel RDc, entre autres.
Ceci pour propager et perpétuer son œuvre éducationnelle. Parmi les autres élèves figurent, hormis ses fils Ahmed, Babacar, Mansour, Abdoul Aziz et Habib, ceux de chérif Younouss de Banguère (Casamance), Serigne Youssoufa Diop, Médoune Mbaye Sarr, mor Binta dit Mbeur Sy, mor Khoudia Sy, Baye Mbacké et Baye Dame Sy, Amadou Anta Samb, Serigne Hady Touré, Maouloud Fall (un mauritanien), el Hadj Rawane Ngom, el Hadj Abdoul Hamid Kane, Serigne Ngounta Diop, el Hadj Alioune Tall, le cadi Alioune Dia. tous ces érudits ont fondé dans les localités où Maodo les avait envoyés des foyers religieux qui, à ce jour, illuminent tous les coins et recoins environnants. ils avaient la charge de décentraliser l’éducation et l’enseignement des sciences islamiques. Cheikh el Hadji Malick Sy a très tôt connecté la célèbre ville de Tivaouane aux grandes capitales de l’islam comme la ville de Fès, capitale de la tijâniyya.
De la cité de Mame Maodo, Tivaouane-la-pieuse, à Thiénaba Seck, foyer religieux fondé par le cheikh Amary Ndack Seck, en passant par le Premier foyer religieux du Sénégal, Pire Gourey de Khaly Amar Fall (xaali amar Faal), Keur Mame al-hadji, fondée par Mame el-hadji Ahmadou Barro ndiéguene, entre autres foyers ardents de la tidianiyya dans les départements de Thiès et Tivaouane, prières et louanges dédiées au Sceau des Prophètes (Psl) rythmaient ces sanctuaires durant le ramadan. et fidèles à une tradition bien établie à Thiès, les disciples anticipaient de quelques jours le jeûne du carême à travers d’intenses séances de la « Wazifa », de lecture du Saint coran, de recueillement auprès des mausolées des vénérés cheikhs de la confrérie. Une pratique qui n’a pu résister cette année à la présence de la pandémie qui a mis à l’arrêt toutes les activités dans le monde.
DANS LA FIÈVRE DE FAN
Aux Maladies infectieuses de Fann, au Service de réanimation, l’horloge tourne au rythme des malades. Ici, plus de 70 malades y ont été internés avec quasiment une cinquantaine de guérisons.
Les contextes mettent en lumière des hommes et des femmes qui sont longtemps restés dans l’ombre, guidés par les orientations de leur travail. A l’hôpital Fann, ils tiennent sur une ligne directrice : sauver des vies en cette période incertaine de propagation du coronavirus. La journée s’enchaîne à un rythme soutenu, on se prive aussi de sommeil, on corrige les procédures, on prend des risques pour soulager les personnes en détresse. C’est leur serment. Mais on le sait, il va leur falloir de la réserve pour poursuivre cette mission exaltante et périlleuse. Aux Maladies infectieuses de Fann, au Service de réanimation, l’horloge tourne au rythme des malades. Ici, plus de 70 malades y ont été internés avec quasiment une cinquantaine de guérisons. C’est une plongée dans le quotidien des agents en première ligne face à la pandémie du Covid-19.
Boly Ahmed Niang, surveillant du service des Maladies infectieuses
«Que les populations respectent les consignes sinon on risque de s’épuiser !»
Tout au début, on n’avait pas un protocole. Il y a toujours des différences qui font que dans chaque pays, les gens, de par leurs expériences, prennent les patients tels qu’on les voit et tels que les symptômes se présentent. Le Covid-19 d’amblée, nous nous sommes dit qu’il n’y a pas de traitement. Mais dès l’admission du patient, qu’on puisse voir de plus près les différents signes que le patient présente. C’est comme cela que nous avons essayé de prendre en charge les patients. Un patient qui vient, on le regarde, on l’ausculte, tout ce qui est nécessaire du domaine médical et on prend tous les symptômes que le patients pouvait présenter avant de rentrer.
Au début, tous les patients qui venaient c’est comme cela qu’on les suivait de près. Et à chaque fois qu’ils présentaient des signes, on était là pour pouvoir prendre en charge ce patient selon les symptômes qu’il présentait. Après une semaine, on se réunit en staff, les gens discutent pour voir est-ce qu’il ne faudrait pas prendre en compte le protocole. Ce qui nous a amené à prendre ce protocole. Mais au départ, pour nos premiers patients, les cinq ou six premiers, on était en observation. On les suivait de près et puis on essayait de mettre le traitement symptomatique en fonction des signes. Et pourtant, cela réussissait. C’est vrai qu’on n’avait pas un cas grave.
Mais quand on parle de cas grave, nous en tant qu’acteurs de la santé, c’est à partir des signes qui nous le montrent. Par exemple, un patient peut se présenter avec une déficience respiratoire et d’autres signes qui pourraient peut-être nous laisser plus de vigilance de telle sorte que ce patient nous le considérons comme cas à observer de près. C’est ce qui nous a poussés à prendre au fur et à mesure, lors des staffs, des décisions qui ont porté des fruits.
Très sincèrement, on a tous les moyens quelque part en surnombre parce que, après Ebola, nous avons gardé beaucoup de matériels dans le service pour attendre d’autres épidémies qui pourraient survenir. Nous avions un stock, mais en dehors de ce stock, il y a le Cous qui était en appoint à chaque fois qu’on fait un bon de commande. Dans l’organisation, ce sont des équipes qui roulent et quand elles viennent faire les prélèvements, elles font le traitement des patients par la méthode de la donation directe observée.
On veut qu’à chaque fois qu’on sera face à ce patient, on lui donne, on attend de voir nous-mêmes si le patient a pris, et puis les «compte-sang» sont pris, on les envoie par un système qui nous permettrait de les avoir dehors par le biais d’un appareil qu’on a mis à l’intérieur qui permet de recevoir toutes les données des patients pour nous permettre de voir de plus près comment cela se passe. Même à distance à la maison, on a mis un réseau qui nous permettrait de suivre à distance ou de près toutes les données du patient.
Le matin de très bonne heure, ce que je vois, les «compte-sang» des patients pris pas des infirmiers. On voit les réactions. Quand on constate des réactions, les médecins de garde projettent ce que le patient a au niveau du réseau, ce qui nous permettra d’aller voir tel ou tel patient.
Nous sommes obligés de prendre des mesures d’hygiène. Par exemple à l’intérieur, nous avons mis tout le dispositif nécessaire pour nous permettre de ne pas sortir à chaque fois. On prend les produits désinfectants pour nettoyer les locaux, les surfaces. En dehors de cela, les agents du Bio-nettoiement rentrent pour nettoyer toutes les surfaces des chambres. C’est comme cela que nous faisons.
La seule solution à cette pandémie c’est que les populations respectent les consignes parce que dans la durée, moi ou quelqu’un d’autre risquons de s’épuiser. Les gens peuvent s’épuiser. Il est vrai que nous sommes là, nous avons l’obligation d’être là chaque jour. Tout au début, presque chaque jour, j’étais là pendant un mois, les autres aussi. Mais à un certain moment, on est épuisé physiquement, mais on ne peut pas rester chez nous.»
Pr Oumar Kane, chef du service de réanimation
«Toutes les formes graves sont acheminées à Fann pour une meilleure prise en charge»
A l’hôpital de Fann, on s’est organisé très tôt pour faire face à cette pandémie. Le directeur avait mis en place une cellule de riposte composée de tous les chefs de service. Une cellule pluridisciplinaire qui nous a permis de manière collégiale de prendre les bonnes décisions au moment opportun en vue de prendre en charge les patients. Parmi nos patients, nous recevons qui sont asymptotiques, c’est-àdire qui ne présentent aucun signe. Mais aussi à côté, des patients un peu sévères qui vont nécessiter un apport en oxygénothérapie.
Et derrière, nous avons des malades qui peuvent être graves. Nous les recevons dans les unités de réanimation. L’unité de réanimation de Fann a été dédiée au Covid-19 depuis le 25 mars dernier. Cela nous a permis de recevoir le premier patient grave arrivé au pays. Dans cette unité, nous avons un personnel disponible avec une équipe de médecins qui monte la garde et une autre avec des paramédicaux composés d’infirmières et d’infirmiers.
Tous travaillent avec nous continuellement au niveau de la salle de réanimation. Il faut rappeler que les formes graves demandent beaucoup de ressources humaines. L’expérience nous a montré que la prise en charge de ces patients est très lourde et nécessite une assistance permanente auprès des malades. Ce sont des patients qui nécessitent un appareillage très compliqué, du matériel de ventilation, de dialyse et de toutes les formes d’assistance, parce que ce sont des patients qui vont avoir des défaillances de plusieurs organes. Actuellement nous sommes en première ligne dans la prise en charge des formes graves.
D’ailleurs, toutes les formes graves recensées sont acheminées à Fann pour une meilleure prise en charge. Nous le faisons bien avec les centres de traitement des épidémies qui sont autour de Dakar. Je coordonne les admissions de ces formes graves à Fann et en réanimation. Ainsi, je suis interpellé par tous les Cte qui ont des patients dont les cas sont graves. La coordination mise en place nous permet de les recenser et d’aller les chercher pour les transférer chez nous. Jusque-là, nous avons recensé sept (7) patients en réanimation, nous avons enregistré 4 décès, pour dire que c’est assez lourd (Ndlr: l’entretien a eu lieu vendredi).
Des patients s’en sont sortis et sont rentrés chez eux, mais nous avons déploré les cas de décès, pour la plupart des malades qui présentaient beaucoup de dysfonctionnements. Et on n’a pas réussi à les sauver. Effectivement, les patients qui s’en sont sortis sont moins âgés et tous les décès sont dans la soixantaine. L’un des patients décédés avait beaucoup de pathologies associées et des antécédents très lourds. Et lorsqu’il a eu l’infection,
il n’a pas pu supporter.
Pour vous dire que l’âge est un facteur de risque important sur la mortalité, mais aussi et surtout les comorbidités, c’est-à-dire les infections antérieures, notamment les maladies chroniques que présentent certaines personnes. Celles-ci constituent des facteurs de risque et de mortalité. Il faut d’abord souligner que la maladie est encore inconnue et elle a une évolution très imprévisible. Il arrive qu’un patient soit bien portant aujourd’hui, le soir son état se dégrade et le lendemain il décède. Cela est dû à une évolution très rapide et la non-maîtrise encore du virus.
Dans notre stratégie de riposte, nous avons des médecins au niveau des Centres de traitement des épidémies (Cte). Ils sont au chevet des malades et guettent les critères de gravité. Et quand les besoins en oxygène augmentent, on nous alerte pour qu’on puisse prendre les devants. Mais malgré cela, on a eu des décès, car le transfert prend un peu de temps et arriver à la réanimation, l’état du patient se dégrade très vite…
Il y a beaucoup d’hypothèses qui sont là et nous, à notre niveau, nous les acceptons et adaptons nos traitements. On essaie de prévoir, d’intervenir plutôt, mais l’évolution est toujours imprévisible. Un malade est admis en réanimation quand il a un organe qui est défaillant. Il ne peut pas survivre sans cet organe. Et en réanimation, on essaie de suppléer cet organe. Lorsque le malade a par exemple des problèmes d’oxygène, il est admis en réanimation, on lui branche une machine qui apporte l’oxygène. Il s’agit de traitements adaptés en fonction de la défaillance.
La réanimation est calquée sur la défaillance d’organe qui est suppléé pour maintenir le malade en vie. Equipement Dire qu’on est prêt à faire face c’est se mentir, car on a vu des pays qui sont plus développés que nous, mais ils sont en difficulté et ils n’ont pas pu gérer l’afflux important de malades vers les réanimations. Donc, on peut avoir la prétention de dire qu’on est prêt et qu’on pourra faire face. On a des limites et on les connaît. On doit aussi tout faire pour ne pas les atteindre, car le jour où on va les atteindre, ce sera la catastrophe.
Même en ressources humaines, on est très limité dans le pays. Il n’y a pas beaucoup de réanimateurs, environ la centaine au niveau national. Mais aussi, les réanimations équipées pour pouvoir faire face, il n’y en a pas beaucoup et tout cela pose problème. Ce qu’il faut souhaiter, c’est de ne pas atteindre de nombres importants en réanimation. Le jour où on va l’atteindre, on sera très rapidement saturé et on aura tous les problèmes pour contenir la maladie.»
Par Mariama DIALLO
DIASPORA SENEGALAISE, DE LA GLOIRE AU RANG DE PARIA
Le HCSP à travers son avis et son arrêté n’entrave en rien le transfert et le transport des dépouilles du coviD-19+, alors que dire des personnes décédées hors situation covid-19
Plusieurs pays accueillant les sénégalais de l’extérieur, ont été fortement touchés par le coronavirus SaRS-co v2. Le 1er cas de contamination a été décelé en chine, le 17 novembre 2019. A cet égard nous pouvons rappeler la stupeur et le désarroi de nos compatriotes présents, dans la province de Wuhan, épicentre de l’épidémie.
En effet, la situation des étudiants sénégalais, avait fait couler énormément d’encre. Partant de l’absence du virus sur le territoire et la garantie que nos ressortissants sénégalais étaient en sécurité et suivis par les autorités compétentes, le Président de la République, Son excellence monsieur Macky Sall, avait fait le choix de les maintenir sur place en assurant un suivi et une logistique en adéquation à la situation. Dès lors, il était question d’assurer la protection des millions de sénégalais présents sur un territoire national, vierge de tout coronavirus SaRS-co v2.
Malheureusement, le 1er cas sur le territoire national du Sénégal, a fait son apparition, le 02 mars 2020. Quelques jours plus tard, le 11 mars plus précisément, l’épidémie coronavirus a été déclarée, pandémie coronavirus SaRS-cov2 par l’OMS. Depuis la liste des victimes du coviD19 ne cesse de s’allonger à travers le monde, affectant une partie nos ressortissants sénégalais établis à l’extérieur.
Face à cette ampleur, la diaspora ne cesse de tirer la sonnette d’alarme sur la nécessité de prise en charge de nos compatriotes qui décèdent dans les hôpitaux de France, d’Italie, d’Espagne, des Etats-Unis ou encore ailleurs. Des décès qui peuvent d’ailleurs être liés au coviD-19 pour certains et pas pour le reste. Malgré l’absence de restriction émanant des pays, concernant le transport des défunts, la diaspora sénégalaise se retrouve rejetée, stigmatisée par sa nation.
Pour rappel, la diaspora contribue à hauteur de 1200 milliards de francs CFA, par an sur l’économie sénégalaise. Parfois organisée sous forme d’association voire de fédération, elle épargne et investit sur des projets de tout genre, dont le rapatriement des corps. Sous des prétextes fallacieux, dépassant l’entendement, les autorités consulaires refusent toute remise de documents aux proches des défunts afin de permettre le rapatriement des corps. Depuis plusieurs jours nous assistons à une multiplication des décès des sénégalais de l’extérieur, qui de leur vivant ont toujours émis le souhait d’être inhumés, au plus près de leur famille en cas de décès.
Certains avaient même obtenu le document, leur permettant de transférer le corps, mais à la dernière minute, celui-ci leur a été arraché, et tout bonnement annulé, alors que les espaces aériens n’étaient pas encore fermés. en dépit de la présence du covid-19, sur le territoire national et hors restriction des pays où a eu lieu le décès quel qu’il soit, nous demandons le rapatriement des corps des sénégalais de l’extérieur à travers le monde, selon leur demande et celle de leur famille.
Le ministère de la sante et de l’action sociale par la voix de son ministre, nous a délivré le communiqué n*37 le 07 avril 2020, en des termes incompréhensibles. en voici un extrait : «au regard du fort risque de contagion lié à la manipulation des dépouilles, aucun transfert de corps provenant des pays infectés ne devra être permis.» cependant, nous souhaitons porter à sa connaissance, qu’aucune des dépouilles provenant des pays infectés, ne peut être manipulée, car elles répondent, en ce qui concerne la France, à l’arrêté du 28 mars 2020, fixant les listes des infections transmissibles prescrivant ou portant interdiction de certaines opérations funéraires. en plus de l’avis du 24 mars 2020, émanant du Haut conseil de Sante Publique coronavirus SaRS-cov2, concernant la prise en charge du corps d’un patient décédé, suivi du décret du 01 avril 2020 venant clarifier les mesures applicables concernant la prise en charge d’un covid19, par le personnel funéraire. ainsi, les mesures de la mise dans une housse étanche, hermétiquement close et désinfectée, la mesure de mise en bière immédiate, le placement du défunt dans un cercueil, qui n’est pas forcément hermétique, répondant aux caractéristiques définies à l’article R.2213-25 du code général des collectivités territoriales, qui a reçu les soins préalables par le personnel soignant, les agents des pompes funèbres et selon les rites religieux, n’expose en aucune manière aux risques d’exposition au sang, aux liquides biologiques et aux risques d’aérosolisation. Contrairement aux mesures drastiques prises par rapport à l’épidémie d’Ebola.
En d’autres termes, le HcSP à travers son avis et son arrêté n’entrave en rien le transfert et le transport des dépouilles du covid-19, alors que dire des personnes décédées hors situation coviD-19. C’est pourquoi, nous demandons le rapatriement des dépouilles des sénégalais de l’extérieur, afin d’organiser des obsèques conformes aux souhaits du défunt et/ou de ses proches. conformément au communiqué du 07 avril 2020, émanant du ministère de l’intérieur portant l’arrêté n°008622, sur la suspension de délivrance des autorisations de circuler sur l’étendue du territoire, à l’exception de celle pour raison de maladie et pour transports de corps sans vie, la diaspora demande le même traitement.
En dernier lieu, conscient du caractère exceptionnel de la situation, nous souhaitons éviter la crémation et l’enterrement non consenti. en cela, nous en appelons, au Président de la République, Son excellence monsieur Macky Sall, afin d’éviter de faire porter les stigmates de cette mauvaise expérience a l’ensemble de la communauté sénégalaise vivant hors du territoire national.
Mariama DIALLO
Titulaire :
- Diplôme d’État Infirmier français
- DU médecine de catastrophe
- DU urgences vitales en soins infirmiers
- DU en psychotraumatologie
- Formation professionnelle, prise en charge des décès
Par Abdoul Wahab DIALLO
EUROPE ET AFRIQUE, DESTINS LIES
La pandémie du covid-19 est là implacable et inarrêtable. Tous les continents sont touchés.
Démarrée en chine au mois de décembre 2019, elle frappe durement l’Europe qui enregistre l’un des quatre foyers de propagation les plus virulents et massifs. L’Afrique n’échappe à cette pandémie. a quelques exceptions près tous les pays africains comptent aujourd’hui des cas de covid 19. L’Algérie, l’Egypte, l’Afrique du Sud et le Maroc sont les touchés.
En Europe, l’Italie qui compte aujourd’hui plus de dix sept mile (17.000) décès de contaminés et la France qui en est à près de onze mille (11.000) décès et plus de soixante cinq mille testés positifs sont les premiers pays touchés. l’Espagne dépasse la France en termes de personnes testées positives au covid 19 et de nombre de décès qui avoisine les quinze mille (15.000) l’Europe c’est également une vielle terre d’asile pour de millions d’africains. En France, le nombre d’africains installés sur son sol varie entre cinq (05) et six (06) millions de personnes. Une forte diaspora qui contribue fortement aux économies des pays africains. Parmi cette diaspora, des artistes et des sportifs de grande renommée.
Les disparus comme la légende de la musique soul manu Dibangu et Pape Diouf, ex Président de l’olympique de Marseille. Nous avons les footballeurs Sadio Mané et l’algérien Mahrez, le banquier Tidiane Thiam, l’artiste Omar SY très aimé par les Français entre autres. l’Europe et l’Afrique sont aujourd’hui des continents victimes d’une pandémie qui trouve son foyer de départ la a ville chinoise de Wuhan.
Contrairement en chine où tous les étrangers sont stigmatisés et mis en quarantaine dès qu’ils foulent le sol chinois, en revanche en Europe, les africains ne vivent pas cet ostracisme. ils sont traités avec respect et dignité. la chine qui se vante être l’ami de l’Afrique connait un taux de racisme élevé avec l’avènement du covid 19 qui a pourtant pris naissance à Wuhan. et pourtant des pays européens ont fortement soutenu la chine quand elle a été confrontée à l’explosion de la maladie. L’Europe est actuellement le continent qui soutient le plus l’Afrique dans la lutte contre la propagation du covid 19. la France a annoncé ce 08 avril 2020 par la voix de son ministre des affaires étrangères, Jean Yves le Drian une aide de 1, 2 milliards d’euros à l’Afrique pour lutter la propagation du covid 19. Paris a décidé de réorienter une partie de son aide au développement sur les enjeux de santé et les besoins alimentaires.
C’est ainsi que l’initiative intitulée coviD 19- Santé en commun a été validée au début du mois d’avril 2020 par le conseil d’administration de l’agence Française de Développement (aFD). il y aura 150 millions d’euros sous forme de dons et un milliards (1.000.000.000) d’euros sous forme de prêts
Par ailleurs l’ONG Alima au Sénégal, en Guinée Conakry, au Burkina Faso, et en République centrafricaine sera soutenue par la France ainsi que médecins du monde de l’hôpital de Kinshasa. la France va renforcer les capacités des laboratoires de l’institut Pasteur au Cameroun, en République centrafricaine, en Guinée Conakry et au Sénégal. Paris a plaidé pour un « moratoire » sur le paiement des taux d’intérêt voire des « annulations ou restructurations » des dettes pour les pays les plus touchés par la pandémie.
L’Union européenne de son côté a garanti l’octroi de vingt milliards d’euros aux pays les plus vulnérables en Afrique et dans le reste du monde pour lutter contre la propagation du covid 19. c’est ainsi que 3, 25 milliards d’euros seront destinés à l’Afrique et 1, 4 milliard d’euros sous forme de prêts. L’Union européenne a déjà dégagé 115 millions d’euros pour l’organisation mondiale de la santé (OMS) dont une partie est destinée à l’Afrique.
L’institut Pasteur de Dakar a été désigné pour recevoir une aide de 05 millions d’euros pour financer notamment la surveillance épidémiologique. D’autres fonds ont été versés au Maroc (150 millions), la Tunisie (250 millions d’euros). L’Europe reste donc le principal bailleur et le principal partenaire de l’Afrique, loin devant la chine. c’est pourquoi l’Afrique doit rester solidaire avec l’Europe car les destins des deux continents sont liés. Personne ne doit accuser l’Europe d’avoir transmis le virus à l’Afrique et de chercher à déstabiliser l’Afrique. La pandémie du covid 19 est mondiale. Elle n’épargne aucun continent. C’est donc le moment de resserrer les liens entre africains et européens. L’Europe n’abandonnera jamais l’Afrique. Les initiatives prises par la France et l’Union européenne ces derniers sont la preuve que l’Europe est et sera toujours au côté de l’Afrique.
Abdoul Wahab DIALLO
Guédiawaye
59 NOUVELLES CONTAMINATIONS AU COVID-19 SIGNALÉES CE MERCREDI
S’exprimant lors d’un point de presse, Marie Khémés Ngom Ndiaye a souligné que les 59 nouveaux cas de Covid-19 provenaient de 800 tests.
Dakar, 29 avr (APS) - Le ministère de la Santé a annoncé, mercredi, 59 nouvelles contaminations au Covid-19, ce qui porte à 882 le nombre de patients recensés dans le pays depuis le 2 mars.
Il s’agit de 51 cas contacts dont les sujets étaient placés en observation dans les services sanitaires, de 8 cas communautaires, a précisé la directrice de la Santé.
S’exprimant lors d’un point de presse, Marie Khémés Ngom Ndiaye a souligné que les 59 nouveaux cas de Covid-19 provenaient de 800 tests.
Les cas de transmission communautaire, ceux dont la source de la contamination n’est pas identifiée, ont été recensés à 8.
Ces cas ont été identifiés à la Patte d’Oie (1), à Touba (1) et à Thiès (6).
Selon la directrice de la Santé, ‘’deux cas graves sont pris en charge dans les services de réanimation de l’hôpital de Fann et de l’hôpital Principal’’.
Dix-neuf (19) patients ont été déclaré guéris, ce qui porte à 315 le nombre de personnes qui ont vaincu la maladie depuis le début de la pandémie au Sénégal.
A ce jour, 882 cas ont été déclarés positifs, dont 315 guéris, 09 décès, 01 évacué et 557 patients sous traitement.
La Directrice de la Santé a réitéré aux populations l’appel constant des autorités au respect strict des règles d’hygiène et au port du masque.
par la chroniqueuse de seneplus, Rama Salla Dieng
SE SOUVENIR DE THANDIKA MKANDAWIRE
Entretien pour la revue Roape avec le directeur de l'IDEA, Adebayo Olukoshi, sur la contribution de l’économiste malawite et ancien directeur du CODESRIA décédé en mars dernier, à la pensée sur le développement en Afrique et au-delà
Rama Salla Dieng a interviewé pour ROAPE, Adebayo Olukoshi sur la vie et l'œuvre de l’économiste Thandika Mkandawire. Une plongée dans la contribution du malawite décédé en mars dernier, à façonner la pensée sur le développement en Afrique et au-delà. SenePlus reproduit l'intégralité de l'entretien publié en anglais sur roape.net en version française.
Le 9 avril 2020, j'ai eu le privilège d'interroger le professeur Adebayo Olukoshi, directeur Afrique et Asie occidentale de l'Institut international pour la démocratie et l'assistance électorale (IDEA International) à propos de Thandika Mkandawire. L'entrevue a également été l’occasion de retrouver un ancien patron à moi, car j'ai travaillé avec le professeur Olukoshi lorsqu'il était directeur de l' IDEP (Institut africain de développement économique et de planification) et il a contribué à mon développement intellectuel entre 2010 et 2015.
Rama Salla Dieng : Comment, quand et où avez-vous rencontré Thandika Mkandawire pour la première fois ?
Adebayo Olukoshi : En 1983, le CODESRIA (le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique) organisait une conférence sur la crise économique que connaissent alors les pays africains à l'Université Ahmadu Bello de Zaria, au Nigéria. C'était la première fois que j'entendais parler de Thandika Mkandawire. Cadman Atta Mills qui dirigeait la délégation du CODESRIA, avait mentionné son nom lors des débats. Le CODESRIA était l'un des principaux instituts de recherche en sciences sociales du continent et, inévitablement, j’ai pris contact avec eux. La conférence était une réflexion sur la nature structurelle de la crise économique dans les pays africains suite aux mesures d'austérité recommandées par les institutions financières internationales (IFI), et comment ces Etats pourraient diversifier leurs économies. Les questions qui se posaient alors étaient de savoir si la crise était un accroc temporaire dû à l'assaut néolibéral ou une crise à long terme.
Après mon doctorat à Leeds et mon retour au Nigéria, j'ai été invité à faire partie d'un réseau mis en place par le CODESRIA, d'abord sur un projet concernant les mouvements sociaux en Afrique coordonné par Mahmood Mamdani, Ernest Wamba Dia Wamba et Jacques Depelchin. Plus tard, le CODESRIA a organisé une conférence panafricaine au Novotel de Dakar sur l'ajustement structurel en Afrique. Selon moi, la présentation de Thandika Mkandawire sur les politiques d'ajustement structurel (PAS) en Afrique et leur rôle dans l'agenda néolibéral plus globalement, contenaient deux idées frappantes. Premièrement, son introduction était éclairante et pas simplement protocolaire, comme c’est le cas pour de telles présentations, en particulier au Nigéria. Thandika a fait des commentaires très substantiels dans ses mots d’ouverture à propos des raisons pour lesquelles nous devions mobiliser la pensée africaine sur la question des PAS et comment nous pourrions interroger les trajectoires actuelles et influencer les futures orientations politiques. Il a été au cœur du sujet. Deuxièmement, bien qu'étant alors le Secrétaire exécutif du CODESRIA, il est resté avec tous les participants invités tout au long de la conférence et a présenté son propre document [Thandika était Secrétaire exécutif de 1985 à 1996]. Il a souligné que la réflexion sur les PAS était une bataille de politique et de pouvoir. Par conséquent, c'était stimulant et inspirant qu'il nous ait demandé des commentaires après sa présentation. J'ai fait une présentation à cette conférence après celle de Thandika.
De retour à Lagos, j'ai reçu un appel téléphonique de lui me demandant de mettre en place un comité interne d'examen par les pairs afin d'aider à publier les documents de la conférence. Cela deviendra plus tard notre livre édité sur La politique de l'ajustement structurel en Afrique : entre libéralisation et oppression, publié en 1995 par le CODESRIA. Ce fut le début de notre association intellectuelle et de notre amitié.
Comment décririez-vous Thandika en tant que personne ?
Thandika était polyvalent, pluridisciplinaire et avait une large connaissance de divers sujets. Il n'y avait pratiquement pas de sujet, académique ou non, sur lequel Thandika n'avait aucune idée à offrir. Il a beaucoup lu sur des thématiques variées dans différentes parties du monde. Il avait la capacité de glaner des informations de différentes sources et d'apporter une perspective interprétative et analytique unique sur les questions relatives au développement économique dans le monde.
Thandika était à la fois, un érudit sérieux et un compagnon sociable. Une anecdote disait au CODESRIA qu’il fallait prévoir une parade pour s’échapper au cas où vous envisagiez de passer la soirée avec Thandika parce qu'il était si engageant.
Il a abordé un large éventail de sujets, notamment la musique (de Kora à Youssou Ndour ou Baaba Maal), l'histoire, l'agriculture et les arts. Je me souviens être allé me coucher à 5 ou 6 heures du matin après avoir dîné avec lui alors que j'avais une présentation à faire quelques heures plus tard. Au CODESRIA, nous nous sommes toujours demandé comment il pouvait gérer toutes ses responsabilités et être toujours à l'heure.
Selon vous, quelles sont les trois contributions intellectuelles les plus importantes de Thandika à la réflexion sur le développement en Afrique et sur l'Afrique ?
Premièrement, Thandika était d'avis qu'un regard multidisciplinaire était nécessaire pour comprendre la trajectoire de développement du continent africain. Pour autant, il nous a également indiqué que nous devions être forts dans notre propre discipline et la maîtriser à fond avant d’élargir notre domaine de compétence. La multidisciplinarité n'était pas un raccourci pour éviter la rigueur dans l'analyse, mais impliquait de tirer des enseignements afin de confronter les interprétations étroites des réalités africaines.
Deuxièmement, Thandika insistait sur le fait que les intellectuels africains ne devaient laisser à personne la théorisation du développement du continent. C'était quelque chose qu'il n'était tout simplement pas prêt à accepter. Il a par ailleurs toujours insisté sur le fait d’investir le champ de la théorie sans être dogmatique afin de pouvoir apporter des perspectives uniques au développement du continent africain. Cela devait être fait sans stigmatiser et dénigrer le continent. Cela se reflète dans le néo-patrimonialisme, la corruption ou la crise de la littérature sur le développement à laquelle il s'est opposé. Cela nous a ouvert les yeux. En outre, il a recommandé d’aller au-delà de la simple observation superficielle des événements sociaux et économiques, en essayant de comprendre la logique des facteurs en jeu.
Troisièmement, il a toujours souligné l'importance d'historiciser le développement et il a toujours essayé d'analyser les phénomènes de développement dans une perspective historique. Ce qu'il a fait dans son propre travail. Par exemple, la Banque mondiale et le FMI ont décrit les années 1960 et 1970 comme les décennies perdues pour le développement en Afrique, selon la pensée dominante. Thandika a montré chiffres à l’appui, que la période d'ajustement structurel était en réalité une décennie perduepour l'Afrique, un détour du processus de développement. Juste après les indépendances, la plupart des États africains s'en sortaient très bien car les dirigeants, malgré leurs idéologies, étaient investis dans la théorie et la pratique vers le développement. Hélas, avec les politiques d’ajustement structurel, la plupart d'entre eux ont abdiqué au profit des expérimentations des institutions de Bretton Woods qu'ils ont ensuite contestées. C'était son postulat de départ à propos du débat sur l'état développementaliste. Il n'a jamais cédé à l'idée d'une impossibilité de développement pour les États africains. Par conséquent, cela n'a jamais vraiment été une question de faisabilité ni de la fausse dichotomie entre les nations en développement et ceux démocratiques (comme c'était le cas dans la plupart des États du Sud-Est asiatique). L'autoritarisme n'a jamais été une voie viable et, en fait, l'Afrique a été «condamnée à la démocratie, dans tous les sens», disait-il.
Dans quelle mesure pensez-vous que sa pensée a influencé la politique de développement en Afrique ?
Thandika a influencé directement et indirectement l'orientation de la politique économique sur le continent. Dans le premier cas, il a été personnellement invité à participer à de nombreuses séances de réflexion politique, par exemple par Thabo Mbeki en Afrique du Sud, Meles Zenawi en Éthiopie. Et indirectement, il avait une énorme audience intellectuelle, et beaucoup de ces dirigeants convaincus par sa pensée théorique ont essayé de l'appliquer tout en concevant des politiques gouvernementales clés dans toute l'Afrique.
Après environ 16 ans au CODESRIA, il a rejoint l'Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social (UNRISD) et a révolutionné son programme de recherche sur les politiques. Il a replacé le social au centre de l'élaboration des politiques (en particulier à travers la planification du développement), en s'inspirant des perspectives comparatives de nombreuses régions du monde, y compris les exemples salutaires des pays scandinaves. Tirant les leçons des nombreuses crises économiques et financières, notamment en Amérique du Sud en 1978-1979, en Asie de l'Est dans les années 90 et de la grande récession, il en est arrivé au fait que disposer d’une politique sociale saine n'était pas incompatible avec de bonnes performances économiques. Au contraire, cela y contribue, faisait-il remarquer.
Y a-t-il une leçon particulière que vous avez apprise de Thandika ?
«Quoi que vous fassiez, faites-le avec énergie, engagement et conviction.» Thandika n'a jamais semblé rebutant. Bien qu'il travaillait dur, il n'était jamais trop sérieux, il était très accessible, donnait son temps aux gens et était toujours souriant. Il n'a jamais détourné les gens de leurs idées. Il rendait tout ce qu’il avait à faire si simple qu’on pourrait croire qu'il évoluait dans une atmosphère de pur plaisir !
En tant que Secrétaire exécutif du CODESRIA, il a bâti une formidable réputation pour l'institut sans jamais donner l'impression d'être dépassé à aucun moment. J'ai eu la chance d'être le secrétaire exécutif après lui, et je lui ai demandé comment il s'en sortait, car le travail semblait impliquer une gestion de crise quotidienne. Il a dit : «Oui, oui, cela vient avec le travail. Quand j'ai demandé : «Comment avez-vous réussi à garder une attitude aussi calme, amicale et avenante tout au long de votre mandat ? Personne n'aurait pu supposer que vous faisiez face à tant de défis. Il a répondu : «Vous devez également comprendre qu'en tant que Secrétaire exécutif, vous êtes appelé à faire preuve de leadership et cela nécessite une maîtrise des défis de manière à encourager les gens plutôt qu’à les décourager. Thandika était un vrai leader.
Quel est votre souvenir préféré de Thandika ?
J'ai tellement de souvenirs de lui dans différents contextes. J’ai des souvenirs de lui en tant que chercheur au Danemark lorsque j'étais au Nordic Africa Institute (NAI) à Uppsala. J'ai aussi un souvenir précis d'un dîner que nous avons eu ensemble à Dakar au début de ma collaboration avec lui au CODESRIA. Nous travaillions alors à l'édition du livre Entre libéralisation et oppression : la politique de l'ajustement structurel en Afrique. Il était très détendu et j'ai découvert une autre facette de l'homme. Il s’était levé en plein et se mit à danser sur sa chanson préférée. J’en étais devenu très timide car je n'aurais pas pu imaginer ce côté-là de lui.
Que ce soit pendant son séjour à LSE ou à l'Université du Cap (Nelson Mandela School of Public Governance), je ne l'ai jamais vu tétaniser par un défi au cours de sa vie.
Comment Thandika a-t-il affecté votre vie ?
La rencontre avec Thandika à l'époque, m'a permis de développer de la confiance en moi. J'ai eu la chance de sortir de l'école d'économie politique radicale Zaria comprenant Tunde Zack-Williams, Yusuf Bangura, feu Yusuf Bala Usman, de jeunes universitaires comme feu Abdul Raufu Mustapha, Jibrin Ibrahim. Cela m'a donné une solide base car cette pensée radicale était comparable à bien des égards à celle de l’école de Dar es Salaam. J'ai également eu le privilège de faire mon doctorat à Leeds qui était la maison de ROAPE. Là, j'ai rencontré Lionel Cliffe, Ray Bush qui était l'un de ses mentors et amis, Morris Szeftel, puis à la Leeds School of Economic and Social Affairs, et au CODESRIA j'ai rencontré Thandika, Archie Mafeje, Shahida Elbaz, Mahmood Mamdani, Issa Shivji, etc. que nous appelions "Grandies du CODESRIA".
De plus, j'ai eu non seulement le privilège d'être co-éditeur avec lui, mais aussi de suivre ses traces au CODESRIA pour maintenir cette institution comme une étoile brillante de la recherche en sciences sociales ; Tout au long du processus, j'ai beaucoup appris de lui. Apprendre à ne pas être doctrinaire, à bien argumenter, à écouter les autres et à s’intéresser à leurs parcours en termes d'influences théoriques.
Lorsque je suis devenu secrétaire exécutif du CODESRIA, Thandika a fait tout son possible pour passer quelques jours avec moi à Dakar afin de se remémorer le parcours de l’institut, son histoire. Vous ne pourriez pas avoir un meilleur mentorat que cela. J'ai été intellectuellement plus sûr de moi après cela, car j'ai profité de sa sagesse et je suis resté en contact avec lui. Il n'a jamais hésité à me donner son avis. Nous sommes tellement plus pauvres maintenant qu'il nous a quittés. Il a assumé ses responsabilités de façon exemplaire. Il était un bâtisseur d'institutions.
Comment honorer sa mémoire ?
Nous devons nous assurer que cette tradition d'érudition critique et engagée que Thandika a représentée tout au long de sa vie reste vivante dans le travail que nous faisons et nous en avons besoin plus que jamais. Certains défis rencontrés dans différents contextes nécessitent une nouvelle génération de chercheurs capables de les relever, en empruntant de sa confiance, ses connaissances, son éthique du travail, son sens de la diligence et son objectif. Sa génération qui a construit le CODESRIA, a compris quelle était sa mission. A présent, votre génération a besoin de découvrir la vôtre et de l'accomplir. Nous devons tous nous demander ce que le CODESRIA devrait signifier pour nous tous aujourd'hui ? Quel type d'organisation et de renforcement institutionnel voulons-nous ? Le CODESRIA doit être préservé, ainsi que tous les écrits de Thandika. Le CODESRIA a de façon exhaustive, compilé sa bibliographie et examine également ses contributions qui ne sont pas dans le domaine public. Je sais qu'il y a beaucoup de savants dans ma génération, dont Jimi Adesina et d'autres, qui travaillent à une pérennisation de son travail. Il a laissé un immense héritage intellectuel à préserver.
Merci beaucoup Professeur, d'avoir pris le temps pour cette conversation avec moi et les inconditionnels de ROAPE. Nous vous sommes reconnaissants.
Rama Salla Dieng est écrivaine, universitaire et activiste sénégalaise, actuellement maîtresse de conférence au Centre d'études africaines de l'Université d'Édimbourg. Elle est l'éditrice de la série Talking Back sur roape.net et membre du groupe de travail éditorial de ROAPE.
Adebayo Olukoshi est ancien directeur de l'Institut africain des Nations Unies pour le développement économique et la planification (IDEP) et présentement directeur du bureau Afrique et Asie occidentale de l'Institut international pour la démocratie et l'assistance électorale. Il est également membre du conseil consultatif international de ROAPE.
Cette interview a été traduite par Cheik Farid Akele de SenePlus.