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19 juillet 2025
par Abdou Latif Coulibaly
RÉPONSE À EMMANUEL DESFOURNEAUX
EXCLUSIF SENEPLUS - La vocation première de la fonction de Macky Sall n’est pas de porter le renouveau de l’Afrique - Il n’a pas non plus à porter la rupture historique pour tout un continent
Abdou Latif Coulibaly répond à notre éditorialiste Emmanuel Desfourneaux qui, à travers son texte intitulé "Pour un nouvel ordre politique sénégalais", analyse les différentes postures du président Macky Sall, à l'aune de cette crise du coronavirus.
« Macky Sall peut-il incarner le renouveau africain et la rupture historique ? »
La réponse à cette interrogation que vous posez d’emblée coule de source : la vocation première de la fonction de Macky Sall n’est pas de porter le renouveau de l’Afrique. Il n’a pas non plus à porter la rupture historique pour tout un continent. L’intéressé ne revendique pas, non plus, une telle mission. Il reste convaincu que les Sénégalais l’ont d’abord élu pour assurer un leadership politique marquant, lui permettant de prendre en charge les exigences de son peuple. Il est tout aussi conscient qu’il doit, dans cet esprit, continuer de marquer d’une empreinte positive et remarquable, comme cela a été le cas depuis notre indépendance, toutes les dynamiques économiques, diplomatiques et autres qui feront que l’Afrique sera toujours bien et positivement présente dans le concert des nations du monde.
Le renouveau global de ce contient sera la synergie de tous les renouveaux émanant des différentes nations et des convergences majeures réussies dans le cadre de l’Union Africaine (UA). A défaut, ce renouveau et la rupture historique tant souhaités ne seront jamais. L’Afrique est diverse et multiple. Il n’y a pas qu’une seule Afrique ! Autre précision nécessaire, vous dites : « Chaque pays possède son mythe fondateur. En France, c’est son nouvel ordre politique issu de la révolution française. Aux États-Unis d’Amérique, c’est l’esprit pionnier avec la conquête de l’ouest. Et au Sénégal ? C’est d’après moi, la Renaissance africaine consacrant le {paradigme sacré de l’égale dignité de tous les peuples et de toutes les cultures} ». C’est votre liberté de porter votre choix sur la Renaissance Africaine - même si elle reste encore une aspiration légitime parlant à peu de Sénégalais -, pour nous laisser croire qu’elle devrait constituer notre mythe fondateur. Vous n’y avez pas échappé, cette prétention dont certains ont souvent fait montre, aujourd’hui comme hier, pour faire des choix à notre place. C’est pour cela, pour ma part, que je ne vois pas autre mythe fondateur pour le Sénégal que son indépendance, marquée par cette date symbole du 4 avril, consacrant notre accession à la souveraineté nationale et à la liberté à laquelle tout peuple devrait prétendre.
Ces deux précisions faites, je souhaiterais dire à l’endroit d’Emmanuel Desfourneaux qui a publié un article intéressant sur le Sénégal et son président dans le site SenePlus (27/04/2020), qu’expliquer une situation n’est pas nécessairement la dénoncer. Je n’ai pas dénoncé le libéralisme, j’ai plutôt relevé, pour m’en désoler, le caractère outrancier du néolibéralisme, son caractère sauvage, diront d’autres. Je l’ai fait pour expliquer ses effets pervers sur la situation sanitaire de l’ensemble des pays luttant contre cette pandémie du Covid-19. Un des chantres les plus marquants du néolibéralisme dans le monde actuel, en l’occurrence, le président Emmanuel Macron, mettait en lumière dans une des nombreuses adresses qu’il a faites à son peuple, depuis l’avènement de la pandémie du Covid-19 chez lui, en déclarant : « Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ", ajoutant que "Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, au fond à d'autres, est une folie." C’est dans ces mots du chef de l’Etat français que se trouvent les tares du libéralisme forcené dont j’ai parlé. Ces tares ne sont pas la substance, ni l’essentiel même du libéralisme économique. Ç’en est qu’une vile et dangereuse perversion. Le président Macky Sall, dans son mémorable adresse à la Nation, le 03 avril 2020, à la veille de la célébration du 60ème anniversaire de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, soulignait avec force la nécessité, désormais, de promouvoir un développement à visage humain et à redéfinir les priorités « (…) La tourmente qui secoue le monde a fini de révéler au grand jour la fragilité de tous les pays et leurs vulnérabilités communes. Alors, il est temps de repenser l’ordre des priorités. (…) . Il est temps de travailler ensemble à l’avènement d’un nouvel ordre mondial qui met l’humain et l’humanité au cœur des relations internationales », dit-il, sachant que ces relations internationales sont placées sous le signe du capitalisme libéral outrancier. Dans un tweet du 03 avril 2020, il disait ceci : « Au demeurant, cette crise doit aussi nous faire réfléchir sur nos limité et vulnérabilité ». Le 22 du même mois, il soutenait par le même canal que : « La crise mondiale que nous traversons doit nous permettre de faire émerger de nouveaux systèmes de production et de consommation plus respectueux de notre environnement. Préservons notre planète pour les générations futures ». L’amalgame sciemment entretenu est frappant quand vous écrivez : « Même si le Covid-19 revêt un caractère de force majeure selon Abdou Latif Coulibaly, il n’en demeure pas moins vrai que la part de responsabilité des politiques est indiscutable. Ils ont largement profité du système qu’ils ont beau jeu de dénoncer aujourd’hui ! Tous les investissements de la phase 1 et 2 du PSE ont été rendus possibles par « l’idéologie libérale forcenée » (Latif Coulibaly) à laquelle de surcroît l’APR appartient ! ». Je suis loin d’être la seule personne au monde à dire que le Covid-19 et la pandémie qu’il a provoquée constituent des cas de force majeure. La diffusion et la propagation vertigineuse de la maladie qui a attaqué et fait plier les systèmes de santé les plus vigoureux du monde, ont été aggravées par la structuration de la mondialisation et l’organisation des marchés qui en découlent. Dire cela n’est pas dénoncer le libéralisme. Il s’agit là de constater simplement les effets pervers d’un néolibéralisme triomphant et ravageur.
Devons-nous encore demander la permission pour débattre de la problématique de la dette publique de l’Afrique, selon notre point de vue ? J’en ai parfois le sentiment, surtout quand je lis sous votre plume ce qui suit : « pourquoi toujours attendre une crise pour refonder les priorités des priorités, en particulier en faveur de l’économie de vie dédiée au bien-être humain (J. Attali), concept semblable à celui de l’économie réelle de Macky Sall ? » Je comprends bien ce que Jacques Attali dit et votre référence qui est en fait, traduisant la marque d’une paresse intellectuelle, car elle ne démontre nullement la pertinence de votre propos. Celle-ci met au contraire en évidence la faiblesse du raisonnement par le raccourci schématique sous l’aspect duquel il se présente. Vous savez comme moi, que toute crise dans la quasi-totalité des circonstances où elle survient, est souvent un révélateur marquant d’une défaillance ou d’un manquement. Manquements et défaillances qui ne sont, hélas, observables et palpables qu’après sa survenance. Sans l’apparition de la crise, on n’aurait certainement pas pu en prendre connaissance ou conscience. Il ne s’agit en rien d’attendre une crise pour opérer des changements. Le cas échéant, il s’agirait plutôt d’une attitude de sagesse relevant d’un simple bon sens. Le drame, ce n’est pas de vivre une crise qui, de surcroît, relève d’un cas de force majeure. Le drame serait d’opposer à la crise, de l‘irresponsabilité, en se montrant incapables de comprendre les leçons qu’elle enseigne, afin d’en tirer toutes les conséquences. Contrairement à ce que vous semblez dire, constater un cas de force majeure qui est hors du contrôle des humains n’est pas ignorer et encore moins absoudre des responsabilités en cause dans la gestion de cette crise ou dans l’organisation des services et secteurs de l’Etat qui devraient aider à la résoudre. Aussi, comme toujours, devons-nous en Afrique recevoir à la moindre occasion des leçons de tout le monde. Et celles venant en particulier de personnes parées de bonnes intentions, entre autres, activistes, africanistes « généreux », que sais-je encore, tous trop confortablement engoncés dans des certitudes totalement détachées des réalités que nous vivons sur ce continent. Non évidemment !
En lisant votre texte, j’ai noté cette interrogation : « comment en quelques jours Macky Sall est-il passé de l’allégorie de la main tendue à l’Occident au titre de l’annulation de la dette à celle du demi-dieu panafricain avec le Covid-organics ? La première réponse qui me vient à l’esprit, est d’ordre ontologique de l’être complexe du politique sénégalais : tourmenté existentiellement entre l’infiniment français et l’infiniment africain. Cette explication d’inspiration pascalienne du déséquilibre politique, trait caractéristique de la vie politique sénégalaise depuis 60 ans, est une réalité constante de la présidence salliste. Rappelez-vous la controverse sur les desserts des tirailleurs ! ».
Soyons plus justes dans la critique, si nous la voulons constructive. S’endetter, pour venir ensuite, en tenant compte de circonstances particulières et exceptionnelles, demander que le remboursement de cette dette soit reconsidéré, voire effacer n’est en aucune manière assimilable à l’allégorie à laquelle vous faites allusion. Sous ce rapport, je m’interroge pour savoir quel rapport cohérent faut-il établir entre la demande d’effacement de la dette publique africaine et l’entretien que le président Macky Sall a eu avec son homologue malgache, au sujet du traitement appelé Covid-organics qui est trouvé par les chercheurs de Madagascar ? Aucun rapport à notre avis. Le sophisme de la réponse trahit quelque part une totale vacuité du raisonnement. Ç’en est ainsi quand l’auteur s’interroge : « comment en quelques jours Macky Sall est-il passé de l’allégorie de la main tendue à l’Occident au titre de l’annulation de la dette à celle du demi-dieu panafricain avec le Covid-organics ? » Pour étayer une envie folle de dénier à Macky Sall tout droit de réclamer un effacement de dette, vous lui opposez ceci : « Sans doute Macky Sall manœuvre-t-il autant en faveur de l’annulation du service de la dette publique pour la faire supprimer à moindre coût ; elle a doublé au Sénégal depuis 2013 et son niveau élevé a poussé le FMI fin 2019 à obtenir l’augmentation de l’électricité (…). ». Votre raccourci est trop simpliste. Voilà ce qui me paraît plus juste d’écrire : En septembre 2015, le Comité national de la dette mentionnait que l’encours de la dette publique du Sénégal était à 3.076,2 milliards de francs à la fin de 2012. Cette dette est passée à 3.341,7 milliards en 2013 et à 4.112,9 en 2014. Cette tendance haussière s’est poursuivie en 2015 avec 4.597,6 milliards de francs et au premier trimestre 2016 avec un encours qui se situe à 4.745,3 milliards de francs, explique la Direction de la dette publique.
En effet, de 7.505,1 en 2019, l'encours de la dette est projeté à 8.076,6 en 2020. De même, la charge financière de la dette établie à 364,80 milliards FCFA contre 273,19 en 2019, est en hausse de 91,61 milliards FCFA. Il faut toutefois ajouter à ces remarques d’autres données qui éclairent davantage. En 2013, année de référence de votre texte, la valeur du produit intérieur brut courant était évaluée à 16,05 milliards de dollars américains, avec une croissance de l’économie atteignant à peine 3%. Quand cette dette a été doublée, ce même produit intérieur courant a atteint 24,12 milliards de dollars américains. Avec en prime un taux de croissance de l’économie oscillant (2015-2019) entre 6 et 7,6%. Les efforts réalisés dans le cadre de la gestion budgétaire, mais surtout les investissements faits grâce au produit de la dette, ont permis au cours de cette période de sortir le Sénégal du lot des vingt cinq économies les moins avancées au monde. Pourquoi omettre de souligner que l’augmentation ou plutôt le doublement de la dette du pays a servi et bien servi les intérêts économiques du de la nation ? Comme nous le constatons ensemble, les réalités économiques sont plus complexes que ne laissent apparaître la formule lapidaire et le raccourci avec lesquels vous avez abordé la question de la dette, pour tenter de disqualifier la demande du Sénégal. Dès lors, pourquoi le Sénégal serait-il moins digne et moins respectable que l’Allemagne, quand ce pays après avoir plongé le monde dans la plus grande catastrophe mondiale, la seconde guerre mondiale, a demandé et obtenu l’effacement de sa dette constituée après la défaite de 1945. Après avoir causé les pires crimes à l’humanité, ce pays a obtenu l’effacement de sa dette ? Il en était ainsi parce que, selon le professeur Éric Toussaint : « les puissances occidentales ont voulu après la seconde guerre mondiale éviter de faire peser sur l’Allemagne le poids de remboursements insoutenables car elles ont considéré qu’ils avaient favorisé l’accession du régime nazi au pouvoir ». Selon le même auteur, Éric Toussaint : « Après la seconde guerre mondiale, de multiples conditions ont été réunies pour permettre à l’Allemagne de l’Ouest de se développer rapidement en permettant la reconstruction de son appareil industriel ».
Pour en revenir aux méfaits du néolibéralisme outrancier et déshumanisant, je voudrais souligner avec l’auteur sud-coréen Chang qui, dans son ouvrage intitulé (Kicking Away the Ladder), explique que : « les politiques néolibérales, connues sous le vocable de (consensus de Washington), outre de les empêcher de se développer, comportent des périls multiformes. Elles sont en effet source d’insécurité et d’incertitudes car dans une situation de pénurie (…) ». Comment ne pas admettre que cette crainte prophétique suggérée par le livre de Chang, s’est aujourd’hui matérialisée avec les décisions unilatérales de restriction d’exportation de pays du Nord, dont dépend une partie de l’humanité pour disposer de nourriture et de médicaments. Chang indique que les pays riches sont montés sur le sommet du monde, en appliquant des politiques volontaristes interventionnistes et protectionnistes faites d’Etat acteur qui impulse aussi bien l’offre que la demande. Ainsi, les pays riches n’ont pas utilisé les préceptes libéraux au moment où ils étaient dans les stades de sous-développement. Les pauvres eux n’ont, depuis le début des années 80, eu de cesse d’ouvrir leurs marchés, de privatiser leurs économies, de promouvoir la concurrence et surtout de réduire l’instrument budgétaire. Ils sont soumis à l’application du dogme washingtonien qui les oblige à adopter les politiques de concurrence et de libéralisation faute de quoi, ils s’exposent à la sanction des guichets du FMI et de la Banque Mondiale. Cette anomalie qui structure les relations économiques internationales justifie et donne une totale légitimité à la demande d’effacement de la dette publique de l’Afrique et une réduction de sa dette commerciale. Il n’échappe à personne que le fardeau de la dette constitue une menace pour la stabilité de l’Afrique et présente de graves implications pour la paix et la sécurité dans le monde. C’est cela qu’il faut impérativement repensé. Le Prix Nobel nigérian, Wole Soyinka a raison quand il dit dans une interview accordée à RFI (mercredi 29 avril 2020 :« On ne comprendrait pas si l’Afrique n’apprend rien et ne fait rien à la suite de ce désordre universel ».
Abdou Latif Coulibaly est ministre, porte-parole de la présidence de la République du Sénégal
LA COTE D'IVOIRE NE RECONNAIT PLUS LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME
"A partir de ce jour, la Côte d'Ivoire a décidé de retirer sa reconnaissance de la compétence de la Cour africaine des droits de l'Homme", a déclaré une ministre lors d'une conférence de presse facilitée par le porte-parole du gouvernement
Le gouvernement de la Côte d'Ivoire a annoncé mercredi qu’il ne reconnaît plus l’autorité de la Cour africaine des droits de l'Homme et des Peuples, évoquant "une grave perturbation à l’ordre juridique interne" et "une véritable insécurité juridique" émanant des décisions de cette entité panafricaine.
"A partir de ce jour, la Côte d'Ivoire a décidé de retirer sa reconnaissance de la compétence de la Cour africaine des droits de l'Homme", a déclaré une ministre lors d'une conférence de presse facilitée par le porte-parole du gouvernement et diffusée en direct via Facebook. "C'est un exercice légitime de la souveraineté", a-t-elle précisé.
La veille, un tribunal ivoirien avait condamné l’ancien président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro à 20 ans de prison pour détournements de deniers publics. Ni l'accusé ni ses avocats n'étaient présents au procès.
Un verdict qui intervient une semaine après que la cour panafricaine basée à Arusha (Tanzanie) ait ordonné l’annulation des poursuites judiciaires contre M. Soro, qui brigue la présidence de son pays.
Cette décision de l’instance juridique panafricaine a fait des remous dans le paysage politique ivoirien et déclenché le courroux du gouvernement.
Mardi un conseiller de l’ex-chef des rebelles des Forces nouvelles avait déclaré que la décision de la justice ivoirienne était “illégale, illégitime et sans valeur" car elle n’est pas au-dessus de la cour basée à Arusha.
Le retrait de la Côte d'Ivoire a été critiqué par l'ONG Amnesty International.
"La décision de retirer aux individus et organisations non gouvernementales le droit de soumettre directement des plaintes à la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples marque un recul pour les droits humains en Côte d’Ivoire", a déploré Alice Banens, conseillère juridique pour l'Afrique au sein de l'ONG. "Cette décision, qui prendra effet dans un an, intervient dans un contexte pré-électoral où le gouvernement ivoirien a multiplié les attaques contre des opposants politiques et voix dissidentes", a-t-elle ajouté.
Composée de 11 juges, la Cour africaine est une cour régionale créée par les pays africains. Tout citoyen et des associations dont le pays reconnait l'autorité de la Cour peuvent la saisir. Elle a tenu sa première séance ordinaire en 2006.
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L'INSTITUT PASTEUR DE DADAR VEUT FACILITER LE DÉPISTAGE DU COVID-19 EN AFRIQUE
Le Docteur Amadou Sall, revient sur la progression de la pandémie sur le continent, ainsi que sur les efforts de son Institut pour améliorer le dépistage de la maladie.
Au Sénégal, l’Institut Pasteur de Dakar est en première ligne dans la lutte contre le Covid-19. Son Administrateur général, le Docteur Amadou Sall, revient sur la progression de la pandémie sur le continent, ainsi que sur les efforts de son Institut pour améliorer le dépistage de la maladie. Pour l’heure, les pays africains enregistrent au total 1425 décès provoqués par le coronavirus, tandis que 32 000 cas ont officiellement été détectés, des bilans bien moindres qu’en Europe, aux États-Unis ou encore en Asie.
"En Afrique, il n’y a pas suffisamment de laboratoires, notamment aux niveaux décentralisés", explique sur France 24 le Docteur Amadou Sall, Administrateur général de l’Institut Pasteur de Dakar, au Sénégal, l’un des centres de recherche les plus réputés au monde.
Il explique que son Institut travaille à l’élaboration de tests de dépistage rapides du Covid-19, en partenariat avec l’entreprise britannique Mogolic, et via la plateforme sénégalaise Diatropix. Ces tests visent à déterminer en seulement dix minutes si un individu est porteur du virus.
"Les prototypes sont au stade d’évaluation et ce processus devrait se terminer courant le mois de juin", affirme le Docteur Sall, ajoutant que l’objectif est ensuite de "faciliter l’accès" des différents pays africains à ces kits de dépistage et de les vendre à prix coûtant, soit "maximum un euros".
MODY GUIRO RASSURÉ PAR LES MESURES DU PRÉSIDENT SALL
Mody Guiro, après avoir craint des pertes d’emplois du fait de la pandémie de Covid-19, s’est dit rassuré par les mesures prises par Macky pour protéger les travailleurs pendant cette crise.
Dakar, 29 avr (APS) - Le secrétaire général de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS), Mody Guiro, après avoir craint des pertes d’emplois du fait de la pandémie de Covid-19, s’est dit rassuré par les mesures prises par le chef de l’Etat, Macky Sall, pour protéger les travailleurs pendant cette crise.
Le président de la République a pris une ordonnance pour interdire les licenciements et garantir des revenus aux travailleurs mis en chômage technique durant la pandémie de coronavirus, a annoncé le ministre du Travail, Samba Sy, le 10 avril dernier.
L’ordonnance du chef de l’Etat ‘’vise, dans les limites de la durée de la loi d’habilitation, d’une part, à interdire le recours au licenciement, d’autre part, à garantir un revenu au travailleur mis en chômage technique’’, a dit M. Sy lors d’un point de presse.
‘’L’ordonnance comporte des mesures comme l’interdiction, durant la pandémie de Covid-19 et dans les limites de temps de la loi d’habilitation (…) du 2 avril 2020, de tout licenciement autre que celui motivé par une faute lourde du travailleur‘’, a-t-il précisé.
A la veille de la célébration de la fête du travail, le leader de la CNTS s’est montré rassuré par ces mesures, après avoir un temps eu des craintes sur d’éventuelles pertes d’emplois.
‘’Oui nous avons craint cela, mais heureusement pour nous, le président de la République a très tôt pris des mesures pour la protection des droits des travailleurs, mais aussi des mesures pour l’accompagnement des entreprises dans ces moments de crise’’, a-t-il dit.
Le leader syndical estime que "le chef de l’Etat a très tôt pris le taureau par les cornes’’. Il a souligné que les mesures qu’il a prises sont des "mesures à saluer’’, car venant en réponse au souhait des organisations syndicales pour la protection des droits des travailleurs par ces temps de crise.
‘’Dans notre entretien au Palais de la République, la protection des droits des travailleurs a été le maître mot de notre discussion. Et il a répondu largement à notre appel, avec les mesures qu’il a prises pour la protection des droits des travailleurs, mais aussi l’accompagnement accordé aux entreprises est à saluer’’, a ajouté Mody Guiro.
Selon lui, le Covid-19 est une pandémie qui a bouleversé le pays, comme partout ailleurs dans le monde. ‘’Les habitudes ont changé et des gestes barrières sont imposés en vue de diminuer la propagation du coronavirus’’, a-t-il dit.
Il affirmé que sa centrale n’a pas voulu être en reste par rapport à l’adaptation que requiert le nouveau contexte. "Le service minimum est appliqué dans toutes les entreprises du pays, voire celles du monde. C’est ce que nous avons appliqué à la Bourse du travail. En effet, pour parer à toute éventualité, nous avons fermé nos bureaux pour plus de sécurité’’, a-t-il indiqué.
Il signale avoir opté, depuis le mois de mars, pour le télétravail dans le souci de protéger les travailleurs et ceux qui sont affiliés à la CNTS, où il y a ‘’beaucoup d’entrées et de sorties’’.
‘’C’est pourquoi, après concertation avec les membres du bureau confédéral, nous avons jugé nécessaire de rester à la maison et de respecter les mesures barrières pour stopper la propagation du coronavirus’’, a-t-il ajouté.
Plus de 120.000 travailleurs appartenant à 108 syndicats sont affiliés à la CNTS.
Ces 108 syndicats sont représentés dans le bureau confédéral, qui se réunit chaque mois, ou en cas de besoin. Mais chaque syndicat a son autonomie de fonctionnement.
HAUSSE DES PRIX DU MASQUE : « ÑOO LANK » SAISIT ABDOULAYE DIOUF SARR
Le mouvement « Ñoo Lank » est monté au créneau pour dénoncer la hausse sur les prix des masques vendus dans les pharmacies
Le mouvement « Ñoo Lank » est monté au créneau pour dénoncer la hausse sur les prix des masques vendus dans les pharmacies. Dans une lettre adressée au ministre de la Santé et de l’Action sociale, les membres de ce mouvement renseignent qu’ils ont, le 14 avril dernier, acheté 15 masques à la pharmacie Sud Foire.
Mais, ils ont été informés que le paquet de 50 masques coûtaient maintenant 50.000 francs CFA soit 1.000 francs CFA le masque alors qu’il n’y a guère longtemps ce même masque coûtait 50 francs CFA. « Nous en avons achetés 15 pour le montant de 15.000 francs CFA », ont informé les membres dudit mouvement, demandant au ministre de la Santé et de l’Action sociale qui rend obligatoire le port du masque, de régler la situation.
« Nos organisations suggèrent que l’Etat mette à la disposition des populations des masques barrières en nombre suffisant notamment en accompagnant et subventionnant les tailleurs des différentes localités », lit-on dans le communiqué.
Egalement, "Ñoo Lank" suggère qu’un autre arrêté soit pris pour fixer les prix plafond des masques barrières. Les organisations, affiliées au mouvement « Noo Lank » ont, dans le même sillage, exprimé leurs préoccupations devant la situation des médecins généralistes en spécialisation « ballotés entre un nombre dérisoire de bourses et leur paiement irrégulier, absence de prise en charge maladie, absence de statut ».
Par ailleurs, « ,Ñoo Lank » demande à l’Etat de leur éclairer sur le prix du test de Covid-19 ; le nombre de lits dont notre système de santé dispose aujourd’hui pour les malades du coronavirus. Et met en garde les autorités en faisant savoir qu’ils n’accepteront pas que des gens profitent de cette situation pour s’enrichir au détriment des populations déjà éprouvées par la Covid-19.
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IL FAUT LAISSER LE VIRUS CIRCULER
Dr Moussa Thior, ex coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme a asséné ses quatre vérités aux autorités de l'Etat quant à leur manière de communiquer sur l'épidémie avec notamment le semi-confinement imposé aux populations.
Dr Moussa Thior, ex coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme a asséné ses quatre vérités aux autorités de l'Etat quant à leur manière de communiquer sur l'épidémie avec notamment le semi-confinement imposé aux populations. "Il n'y a pas lieu d'avoir peur des cas communautaires", tranche d'emblée l'invité de Alassane Samba Diop sur Itv.
Au contraire, recommande Dr Thior, "il faut favoriser la circulation des gens, utiliser les mesures barrières, mettre en place un bon système de surveillance épidémiologique et le renforcer, ce qui est déjà existant. Ensuite protéger les groupes vulnérables. Mais, dit-il, on n'a pas besoin d'ameuter les gens avec les cas communautaires. Dans le cadre d'une maladie comme le corona, les cas communautaires, c'est une très bonne chose, je pèse mes mots. Il faut laisser le virus circuler, ça va contribuer à développer l'effet de protection de masse. Il faut arrêter de faire peur aux gens. Cas communautaires, autochtones ou cas contacts, ce n'est qu'une classification, c'est à usage technique et ça doit rester dans la salle de situation épidémiologique", martèle Moussa Thior.
Et d'ajouter : "Ce que la masse a besoin de savoir, c'est où en est l'épidémie, comment s'en prémunir et où se soigner en cas de maladie. Le rôle du médecin est de rassurer les malades. Et pas de les ameuter".
"Actuellement tout le système est concentré sur le corona, et cela occulte les autres pathologies", regrette Dr Moussa Thior qui a également rejeté le financement, par les IBW du plan de contingence des Etats comme le Sénégal, lequel financement par des prêts maintient ces pays dans la dépendance par des pays qui ont déjà un genou à terre.
TROIS NOUVEAUX CAS DE COVID-19 DIAGNOSTIQUÉS À TOUBA
La ville de Touba a enregistré un cas communautaire et deux cas contacts suivis.
Diourbel, 29 avr (APS) - Trois nouveaux cas de coronavirus ont été diagnostiqués mercredi à Touba et sont actuellement hospitalisés au Centre de traitement, a indiqué le médecin chef de la région de Diourbel, Mamadou Dieng.
’’La ville de Touba a enregistré un cas communautaire et deux cas contacts suivis. L’état de santé des patients s’améliore. D’ailleurs, trois contrôles sont prévus et s’ils reviennent négatifs, ces patients seront déclarés guéris’’, a-t-il dit.
La région médicale mène les investigations pour trouver les contacts des personnes testées positives.
’’On est en train de chercher les contacts des cas communautaires qui sont éparpillés un peu partout. Ils sont difficiles à trouver. On cherche les contacts à haut risque en urgence, on les met en quarantaine’’, a indiqué Dr Dieng.
Présentement, plus de 700 contacts ont été dénombrés à Touba et Mbacké dont 662 pour la ville religieuse.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
AMINATA AIDARA, ÉPARPILLÉE FAÇON PUZZLE
EXCLUSIF SENEPLUS - Elle est arrivée sur la scène littéraire avec "Je suis quelqu’un", publié en 2018, aux éditions Gallimard. Roman patchwork qui dit autant de l’autrice que des sentiments inhérents au particulier et à l’universel - INVENTAIRE DES IDOLES
Ecrivaine, journaliste et docteure en littérature, Aminata Aidara, sénégalo-italienne, est arrivée sur la scène littéraire avec un livre remarqué, Je suis quelqu’un, publié en 2018, aux éditions Gallimard. Roman d’une famille à la poursuite d’un secret qui met en scène plusieurs continents, plusieurs émotions, plusieurs voix, plusieurs identités. Un roman patchwork qui dit autant de l’autrice, que de l’époque, des sentiments inhérents au particulier et à l’universel. Echange et portrait.
« Le roman accompagne la vie, c'est une vie potentielle qui marche à côté de la nôtre, en nous fournissant des béquilles pour mieux faire face à notre existence. Ce que j'attends d'un roman, que je le lise ou l'écrive, c'est une évasion réaliste, un possible à côté du réel. » C’est dit. Elle campe le décor elle-même. Les mots sont simples et limpides. Touchent à l’essentiel, s’enracinent dans le vécu, sans perdre d’une certaine forme de gracilité. Où est-on ? Dans un livre ou dans une interview ? Qui parle, est-on tenté de se demander ? Estelle, l’héroïne de son roman, Je suis quelqu’un, texte très remarqué à sa sortie, ou elle-même, Aminata Aidara, son autrice aux identités multiples, entre la Lombardie, le Piémont, le Sénégal, la France ? Le long de la lecture de l’ouvrage comme de son témoignage, les lignes sont brouillées ; la complémentarité est évidente. C’est à se perdre dans un labyrinthe qui a tout du puzzle. Il faut le démêler d’abord, le rassembler ensuite, pour entendre dans la même voix, tant d’histoires différentes et espérer, espérer seulement, repérer la vérité d’un parcours.
Puzzle romanesque
Un parcours qui change radicalement car la vie d’Aminata Aidara prend un virage en 2018 ; un roman, bien reçu, et le tourbillon des lumières qui s’en suit. Les invitations aux salons, les rencontres, l’ivresse des projecteurs, des signatures et des admirateurs, la résidence d’écriture à la fondation Facim, entre autres : la séquence est intense. Rétrospectivement, elle pose des mots sur cet enchainement heureux, ersatz de gloire, le fameux « soleil des immortels » : « l’année qui a suivi la publication de mon livre a été dense, émotionnellement très intense. C'est une naissance et une mort à la fois, le début et la fin de quelque chose : lucidité et naïveté se battent pour leur survie réciproque ». Loin en effet de la vie plus feutrée, plus insatisfaite d’Estelle, son avatar d’une trentaine d’année qui donne au roman sa voix et ses émotions. Comment vivre cette effervescence nouvelle ? Les mots pour répondre sont aussi pesés : « on est exposé à l'impact de ce qu'on inventait dans l'obscurité de son intimité, et qui se retrouve sous la lumière chirurgicale de l'extérieur ». Dans un texte singulier par la pluralité des voix, des « je », c’est au cœur de l’énigme familial que l’on suit une galerie de personnages à la poursuite d’un secret, noué autour d’une disparition. Pourquoi ce livre qui emprunte presque au théâtre la pluralité des scènes, des types de discours, tout en maintenant l’ensemble autour d’un noyau commun ? « C'est la solitude qui a laissé l'espace nécessaire à la naissance de ces personnages…La décision de passer à la forme romanesque a donc été dictée par la quantité de dialogues, de vécus qui se sont imposés à moi. »
Roman du voyage, de l’identité, de l’altérité, de la fragilité, Je suis quelqu’un est surtout un bric-à-brac, où l’on retrouve le cousin Mansour, bavard et maniaque avec ses mails, le journal étonnant de la mère Penda, les refrains d’Estelle sur elle-même introduit par « je suis qu’un qui »… qui cristallisent la première partie du texte, les messages vocaux de l’environnement amical, le mystère d’Éric…Toutes ces voix cohabitent, liées, au risque parfois de la disharmonie de l’ensemble, à laquelle on échappe de justesse. De toutes ces voix, domine celle d’Estelle, jeune femme tourmentée, en proie à un mal être et à un manque, qui erre de squats en incertitudes, mais pleine d’émotions à offrir au cœur de ses questionnements. Aminata Aidara a-t-elle donné elle-même l’essentiel de la matière du personnage ? Elle louvoie ! De ses personnages, elle dit ceci, en figure presque maternelle couvant ses enfants : « la réalité c'est que quelque part je les aime tous ». Et Estelle, insiste-t-on pour fissurer la bienveillance philosophique ? « Mansour serait plutôt mon véritable alter-égo, car il emprunte beaucoup de pages aux journaux intimes de mon adolescence. Estelle, pour sa part, dérive son expérience en partie de la mienne et en partie de celles de personnes que j'ai côtoyées. » On y est presque, Estelle c’est d’une certaine façon elle-même, consent-elle, expression de « la colère qu’elle avale tous les jours, l'insatisfaction qu’elle évite d'exprimer, la chair de poule qu’elle anesthésie ». De Penda, figure de la mère de la patience, de l’endurance, elle dit aussi se projeter : « Penda est également cette force que je guette, cette résilience que j'admire, cette patience que j'espère, plus tard, avoir ». L’écrivaine fait corps avec ses personnages et dans le chœur, de leurs réflexions, on entend l’art romanesque de l’écriture simple, à dessein naïve, musicale. Tous les personnages semblent être des bouts d’elle-même, et des autres, dans un roman ancré dans le vécu, pour lequel la fiction étend juste la perspective du réel.
Puzzle des critiques
Des atouts que la critique n’a pas manqué de souligner. Le veilleur et critique Lareus Gangoueus l’a écrit enthousiaste, en fendant pour une fois la tempérance très élégante de ses jugements : « un des plus beaux textes que j’ai savouré ces derniers mois […] Une œuvre magnifique ». Même tonalité chez Véronique Petetin, qui a recensé nombre de livres pour la revue Etudes, elle aussi conquise par « cette autrice à suivre » », entre autres relayeurs du livre. Le choix de la douceur pour traiter d’un enfant disparu dans la famille, avec la lenteur de l’intrigue à se déployer, peut parfois questionner sur le choix de la dire, la violence. N’empêche, sans se réclamer de Milan Kundera, théoricien du roman, Aminata Aidara, a assimilé une des conditions du roman actuel : le surplomb poétique qui refuse de juger : tout un art ou un équilibrisme ! Les initiés gloseront à loisirs pour savoir ce que doit être un « roman », sans doute vainement. L’écriture de la jeune femme n’est pas nerveuse, les mots n’explosent pas, la langue n’est pas particulièrement pointue ; tout est tenu, voire retenu, et des mots chantonnant poétiquement, sourd clairement une émotion. L’effet est naturel, car elle polisse son texte et argumente ses choix. Un texte qui esquive les épines du sujet riche de la migration, de l’identité, de la famille serait-on tenté de poser comme question ? Non, développe-t-elle : « est-ce pour autant dépolitiser leurs propos ou leurs actions ? Je n’en suis pas certaine. Le langage poétique que j'ai employé pour dire la douceur aussi bien que la violence n'est pas volontaire, si volontaire signifie choisi, mais c'est juste le mien. » On pourrait parfois s’agacer de ce que l’espièglerie que l’on perçoit, le grain de folie qui parsème le texte, n’enrichisse davantage pas la palette avec une l’ironie plus mordante, des variations, une expression plus vive, une langue aussi plus travaillée comme on le perçoit dans l’introduction, mais cela est bien marginal car la copie rendue est pleine et séduisante. Le style n’est pas une obsession chez elle, on se retrouve même sous le sceau que Dany Laferrière sur la supériorité de l’émotion sur la doctrine quand elle avance ceci : « je suis plus attentive à l'histoire qu'au style, parce que j'estime être une conteuse, une narratrice d'histoires de vie. Une belle prose, pour moi, ne vaut pas la puissance d'un sentiment, d'une volonté. » Cela ferme presque le ban d’un choix artistique clairement énoncé, auquel on ne peut rien opposer de valable sans passer pour un chipoteur. Sous la sagesse de la plume, la puissance des évocations se passe d’effets supplémentaires.
Un puzzle intellectuel
Un tel discours sur le roman, son art, sa propre quête, montre l’épaisseur de sa cuirasse. Aminata Aidara n’est pas seulement romancière, justement. Les Textes, elle les connaît pour les avoir fréquentés, comme critique, comme universitaire et comme simple lectrice. De quoi avoir une approche globale. De l’éventail de casquettes, celle de journaliste a contribué à la mettre en avant comme passeur, bien avant la consécration littéraire. A l’automne 2017, assise au premier rang de la première édition des universités de la rentrée de Présence Africaine (URPA), c’est en journaliste de la revue culturelle Africultures qu’elle suit consciencieusement les échanges. Stylo à la main, carnet sur les genoux, face à la scène, elle ne manque rien des conférences qui s’enchainent lors de cet évènement inédit de la programmation de la vieille maison d’édition afro-diasporique. A Paris, lieu désormais sanctuaire des ébullitions intellectuelles postcoloniales, avec son toit ouvert, l’ambiance est plutôt studieuse. La presse a timidement fait acte de présence : pour RFI, Tirthankar Chanda, l’historique de la maison est là ; pour Africultures, c’est, elle, Aminata Aidara qui consigne les échanges, pour la revue phare de la diaspora africaine en proie à des difficultés financières. De l’évènement, elle fera un long compte rendu, fidèle, appliqué, enthousiaste. Elle a intégré la revue en 2016, avant que la maison, en grande difficulté, ne s’enlise. Immanquable donc pour elle, au premier rang des discussions littéraires sur l’identité, de se former, d’affûter son regard. Cette carrière de journaliste la conduit aussi sur le plateau de TV5, où elle chronique quelques livres. Celle qu’Elara Bertho, chercheure en littérature, qualifie de « plus belle femme de Paris » présente bien à l’écran et capte la lumière. Quelques apparitions puis s’en va, pourtant, l’expérience télé est courte. Elle a gardé un attachement à la Revue où elle participe encore, bénévolement, aux hors-séries, dont un récemment sur le décentrement et la décolonisation. Ce thème, présent en filigrane dans son livre, elle l’explore alors par curiosité intellectuelle et déclic. Elle cite dans les moments fondateurs : la lecture de De la Postocolonie d’Achille Mbembe et Les Damnés de la terre de Frantz Fanon. Livres précurseurs de la prise de conscience sur la nécessité de la décolonisation et ses mécanismes entremêlées. « Le courant décolonial est important, à mes yeux, comme un rappel pour tous les moments de la vie où nous avons la tentation de nous accommoder du miroir social et du récit historique qui nous sont livrés », abonde-t-elle. Une jonction toute trouvée avec ses études de thèse qui la conduiront à soutenir un doctorat de littérature : Exister à bout de plume. Un recueil de nouvelles migrantes au prisme de l'anthropologie littéraire.
Elle pense ainsi son objet, et sur les thèmes actuels de l’universel, en débat entre le Nord et le sud, les épistémologies du Sud, elle abat aussi ses cartes. Les références sont riches. Pour l’amoureuse des lettres qui ne s’est entichée quasiment que d’écrivaines dont Emily Dickinson, Mariama Bâ, Toni Morrison, Maryse Condé, Simone de Beauvoir, curieusement, dans le champ purement des idées tendance « afro », elle cite Sartre, Souleymane Bachir Diagne, Albert Memmi, Kwame Anthony Appiah, mais dans le lot émerge Seyla Benhabib, qui vient diversifier l’offre. Elle ajoute encore pour les références : « les lectures de sociologues tels qu'Abdelmalek Sayad ou Pierre Bourdieu pendant mes études ont confirmé mon ressenti concernant le fait que les trajectoires individuelles et familiales incorporent les effets de l'histoire sociale et politique avec toutes les typologies de domination qui les caractérisent. » Pour le dire simplement, son universalisme est horizontal, riche des autres. Ce fondement de l’altérité est presque un défi voire un pari tant son puzzle n’est pas uniquement romanesque, mais une métaphore de sa vie. Elle en développe même une fibre humaniste, qui entre en résonance avec la pandémie actuelle qui a lourdement impacté sa Lombardie et où vivent encore ses grands-parents. Sur ce sujet, en pensant par exemple aux établissements pour personnes âgées et dépendantes, elle élabore un début de réflexion bien plus globale sur une potentielle prévention à explorer : « au niveau juridique cela pourrait se traduire dans l'idée que l'enfance et la vieillesse doivent être protégées vis-à-vis des structures collectives qui n'assurent pas l'encouragement, l'affection et tout simplement l'humanité nécessaire à des tranches d'âge si vulnérables. »
Puzzle identitaire et linguistique
C’est à Brescia, ville multiculturelle à la forte population immigrée de Lombardie, dans les années 80, qu’Aminata voit le jour. Son père est sénégalais et porte un patronyme à lignée prophétique. Les Aidara (Haidara, ou encore Aïdara) dynastie maraboutique, étendent partout en Afrique la réputation de piété. Sa mère est italienne. Le coin où elle grandit est raciste et bigot. Cette Italie la pousse à affiner ses désirs d’ailleurs. Un évènement dramatique, la mort d’un de ses meilleurs amis, accélère alors la quête d’évasion. A l’orée de ses 20 ans, elle quitte la Lombardie pour le Piémont, pour ses études. Le voyage et la poésie s’installent comme catharsis. Sa famille, éparpillée entre les continents, fait d’elle une nomade effective et une sédentaire affective, qui emprunte et pioche dans différentes sources. Elle lui transmet plusieurs valeurs, celles du père commerçant de carrelage, musulman, attaché à la valeur de la réussite, ce culte chez beaucoup d’immigrés qui connaissent la valeur de l’effort. Le patriarche insiste sur la nécessité de ne pas se laisser « définir par les autres ». Sa mère, dont elle narre les anecdotes précises, comme cet attachement à la douceur éternelle de l’enfance qu’elle la presse de garder vive. De quoi garder un amour du pluriel, de sa langue première l’italien, dans laquelle elle a écrit son premier recueil de nouvelle La ragazza dal cuore di carta (en français La Fille au cœur du papier, Macchione editore, 2014), un texte primé. Aujourd’hui encore, pour celle qui parle anglais, écrit en français, l’italien est la première langue, celle des berceuses, celle du lait maternel, des premiers textes. Elle aime les nouvelles, ce genre qu’elle prise, malgré les dédains du marché littéraire pour ces jets courts. De cet héritage multiple, elle fait un bon mix, et imprime dans ce terreau, sa propre vision. Petite, Aminata Aidara rêvait de musique, d’écriture, et de puériculture. Le bilan d’étape n’est pas si mal si on fait les comptes : elle est écrivaine saluée, chanteuse informelle qui déclame à tue-tête Piaff, Brel et qui aime Sona Jobarteh et en fait profiter de petites audiences, en attendant les plus grandes ? Depuis quelques mois, elle s’occupe de son petit garçon venu ponctuer le tourbillon d’une année folle. A peu de choses près, le destin n’a pas été très vilain avec elle.
Puzzle pour faire Quelqu’un
Au puzzle final manquent deux pièces essentielles : celles de métisse et de femme. A l’heure où l’afroféminisme s’épanouit, quelle part accorder à la place des femmes, à leurs luttes ? Le métissage donne-t-il un privilège ou condamne-t-il à l’inconfort de l’écartèlement permanent ? Elle pourrait sans doute dégainer son roman, exhiber fièrement Penda et Estelle, comme figures féministes, qui se suffisent à elles-mêmes. « Je me sens proche aussi bien des féministes sénégalaises que des Afroféministes européennes ou afro-américaines », avance-t-elle tout en confiant encore réfléchir sur le sujet du métissage sans encore trouver de réponses même si elle prête à ses multiples appartenances, l’origine d’une lecture plurielle du monde : « C'est peut-être mon métissage culturel qui m'amène à regarder la chose de plusieurs perspectives ? On veut bien le croire, tant elle donne des gages. Une chose est sûre et elle l’affirme : « le patriarcat sénégalais, je l'ai toujours très mal vécu. Il y en a un aussi en Italie, et dès mon plus jeune âge, j'ai manifesté des signes d'agacement pour l'un comme pour l'autre. » De tous ces puzzles qui se superposent, on réussit finalement, à faire quelqu’un, d’à la fois différent mais si commun. En Afrique, on s’amuse à dire d’un type c’est « un quelqu’un », s’il pèse, en mène large, l’histoire ne dit pas si Aminata Aidara, en donnant ce titre à son premier roman, joue malicieusement sur les deux registres : le vœu de gloire ou/et de modestie. On ne saura jamais. « Je suis quelqu'un qui écrit, et il se trouve que je suis une femme, métisse, et que j'ai décidé de faire de ces conditions des prismes orientant ma matière littéraire », lit-on au milieu de l’entretien, comme au début, on ne saurait l’attribuer cette devise engageante : Estelle ou Aminata ? L’histoire d’un dédoublement permanant qui exauce le vœu autant stendhalien que celui de Zola à propos du roman, le « miroir » pour l’un et « l’intuition dans les interstices du réel pour l’autre ».
LA BCEAO VIENT A LA RESCOUSSE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE
Une petite bouée de sauvetage pour les institutions de microfinance ! Pour les aider à mieux faire face aux effets néfastes de l’épidémie de coronavirus, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) a adopté cinq nouvelles mesures
Une petite bouée de sauvetage pour les institutions de microfinance ! Pour les aider à mieux faire face aux effets néfastes de l’épidémie de coronavirus, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) a adopté cinq nouvelles mesures. Des initiatives qui leur permettront de mieux aborder l’impact négatif de la pandémie sur le système bancaire et financière dans l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest.
La Bceao a décidé de venir à la rescousse des institutions de microfinance (IMF) pour les aider à faire face à l’impact négatif du Coronavirus sur l’activité financière au sein de l’Union. Comme première mesure, la Banque autorise désormais les IMF à accorder à leur clientèle affectée par les effets de la pandémie et qui le sollicite un report d’échéances sur leurs prêts, pour une période de 3 mois renouvelable une fois, sans charge d’intérêts ni frais, ni pénalité de retard.
En contrepartie, les créances dont les échéances feront l’objet de report doivent être classées dans un sous-compte spécifique dans la catégorie des crédits immobilisés sur la durée de report. Et les informations relatives aux créances dont les échéances auront été reportées doivent être communiquées aux Structures Ministérielles de Suivi (SMS). S’agissant de la deuxième mesure, la Bceao indique que les IMF visées à l’articles 44 de la loi portant règlementation des systèmes financiers décentralises ayant procédé à des reports d’échéances doivent également transmettre à la Banque Centrale les informations y relatives, à partir du canevas mis à leur disposition sur l’espace dédié au Dispositif Covid-19 sur le site internet de la Bceao.
A la suite de cela, la Banque centrale appréciera, en relation avec le Secrétaire général de la Commission Bancaire de l’Uemoa et les SMS, les implications de ces mesures sur la situation comptable et prudentielle des IMF et prendra, en tant que de besoin, les décisions appropriées.
En outre, les concours accordés par les établissements de crédit aux IMF sont éligibles aux dispositions de l’Avis numéro 005-04-2020 relatif au report d’échéances des créances des établissements de crédits affectées par la pandémie du Covid-19. Les IMF qui le souhaitent sont, en conséquence, invitées à se rapprocher de leurs partenaires bancaires pour bénéficier de la mesure de report d’échéances de leurs engagements.
Ainsi, à la cinquième et dernière mesure, conformément aux dispositions de la décision du Comité de Politique Monétaire du 2 mars 2011, les crédits bancaires octroyés aux institutions de microfinance visées à l’article 44 de la loi susvisée sont admissibles en support des refinancements de la BCEAO. Il faut signaler, à titre exceptionnel, que pour accroître la liquidité en faveur du secteur de la microfinance, le guichet spécial de refinancement des effets portés sur les Petites et Moyennes Entreprises (PME) est élargi aux créances bancaires détenues sur ces IMF.
En définitive, pour la mise en œuvre de cette mesure, les établissements de crédits s’appuieront sur la liste des SFD éligibles, disponible auprès des Directions Nationales de la BCEAO, conclut le communiqué.
ON EST PRÊT A ACCUEILLIR BEAUCOUP PLUS DE MALADE
Les assurances du Dr Cheikh Tacko Diop, directeur de l’hôpital de Fann
Comment avez-vous préparé l’arrivée des premiers cas ?
On n’a pas été trop surpris par l’évènement dans la mesure où c’est quand même une épidémie qui a démarré ailleurs en Chine depuis au moins deux mois avant que ça n’arrive chez nous. Des commissions avaient été mises en place, ont été réactivées rapidement d’autant que le ministère a eu également à appeler à des concertations pour dire si ça arrive qu’est-ce qu’on fait.
Si ça arrive au Sénégal, quelle que soit la région, les premiers cas nous reviendraient forcément ici à Fann, puisque nous avons le premier service de maladies infectieuses. Et donc on a mis en place rapidement deux comités : Un comité qu’on appelle comité de pilotage du Covid-19 qui a permis de planifier en disant qu’est-ce qu’on doit faire avant que ça n’arrive.
En termes d’évaluation du réceptacle, c’est une pathologie qui est particulière pour laquelle il ne suffit pas juste de prendre le patient et le mettre dans une chambre d’hospitalisation, mais il y a toute une armada qui est censée accompagner tout ça. Dans le centre de traitement, il y a les zones d’habillage, de déshabillage, la gestion des déchets, la gestion de l’alimentation de ces patients etc. C’est toutes ces choses qu’il fallait planifier au tout début.
Et donc nous avons notre comité de pilotage de ce Covid-19 qui est essentiellement constitué de tous les chefs de service. Parce qu’il fallait qu’on se dise si ça arrive, comment est-ce qu’on va travailler, mais également en dehors des chefs de service, d’un certain personnel administratif ou de soutien qui peut être également important dans la chose. Nous avons dit si ça arrive, on va faire deux choses : la première c’est que nous allons mettre tous les patients au niveau du centre de traitement. Et l’ancien service de gériatrie par exemple lui va servir à la gestion des cas suspects.
Alors si jamais ça progresse encore, parce que le centre de traitement on sait qu’on ne peut mettre là-bas que 12 patients, qu’est-ce qu’on fait ? Donc on a planifié en disant qu’on va dans un premier temps prendre le grand bâtiment des maladies infectieuses, après on prend le grand bâtiment de pneumologie, mais si on le fait qu’est-ce que deviendraient éventuellement les patients qui fréquentaient ces services ?
Qu’avez-vous alors ?
On a discuté entre nous en disant que pour les cas compliqués par exemple, on va les mettre dans le nouveau centre de chirurgie cardio-pédiatrique où on opère les cœurs. Mais si on met là-bas des cas compliqués parce que nous n’avons que 10 lits de réanimation et tout l’équipement qu’il faut depuis le moniteur, les respirateurs, les poussins, c’est vraiment un truc aux normes européennes.
C’est là-bas qu’on met les cas compliqués. Alors on s’est dit si on fait ça, qu’est-ce qui va se passer parce qu’on ne pourra plus faire les cœurs, ceux qui ont une pathologie pulmonaire très compliquée, on ne pourra pas les gérer, les maladies infectieuses, ce n’est pas seulement Covid-19, il y a beaucoup d’autres maladies qui sont prises en charge là-bas.
Qu’est-ce qu’on en fait en particulier les malades du Vih ? Alors on a dit si on sépare l’hôpital en deux : Après l’Orl, c’est la chirurgie cardiovasculaire, la cardiologie, la pneumologie et les maladies infectieuses, donc on fait de cette zone-là une zone Covid-19 totalement. Donc il faudrait qu’on réfléchisse à mutualiser les services qui sont de ce côté-là. C’est essentiellement la neurochirurgie où on fait tout ce qui est intervention chirurgicale, donc on dit neurochirurgie et cardiologie chirurgicale, vous allez ensemble. Donc vous mutualisez vos moyens, vous opérez dans les mêmes blocs opératoires, vous utilisez les mêmes salles d’hospitalisation.
Donc ce n’est plus un service, c’est maintenant deux services qui travaillent dans la même enceinte. Alors on a fait exactement la même chose à la gériatrie, il y avait des vieilles personnes qui étaient hospitalisées làbas dans des salles Vip, parce que les vieilles personnes, c’est surtout des salles individuelles avec un certain niveau de confort comme on a des cabines en psychiatrie un peu isolées de la grande psychiatrie. On a dit à ce niveau-là, on met tous les malades de la gériatrie, donc on mutualise. La pneumologie, on fait la même chose.
Les malades qui sont différables, on diffère les rendez-vous pour les pathologies mineures. Et pour les pathologies qui sont assez compliquées, on les hospitalise dans les autres services, en particulier la neurologie ou la psychiatrie. L’Orl la même chose, si jamais on est débordé dans un service de neurochirurgie par exemple, on l’opère en Orl tout en demandant maintenant à tous ces chefs de service de faire une re-planification de leurs activités.
La re-planification de leurs activités, c’est quoi ? C’est demander aux malades qui venaient pour des choses très mineures. Par exemple en neurologie, si vous y allez, il y a plein de personnes qu’on suit pour de petites migraines, des céphalées. Pour des choses qui sont différentes, il y a des pathologies qu’on est censé opérer, mais qui sont différentes. Donc on reprogramme toutes ces activités-là et maintenant tout ce qui est urgent ou les consultations du jour, on programme systématiquement.
Tout ce qui est «différable», on diffère. Et de la même manière qu’on a fait un comité de pilotage de gestion Covid-19, on a fait un comité de pilotage, mais cette fois-ci clinique qui lui ne discute que des pathologies elles-mêmes et des malades eux-mêmes. Parce que c’est une pathologie qui n’est pas très connue. Quel que soit ce que les gens puissent dire aujourd’hui, il y a beaucoup de nouveautés qui nous viennent, des choses qu’on ne comprend pas. Donc il y a ce comité clinique qui également tous les jours pose les cas de tous les patients que nous recevons.
En termes d’équipement, d’hospitalisation, Fann est un peu au-dessus de Dalal Jamm et de Diamniadio ?
Parfaitement. Parce que la réanimation par exemple, on a une équipe très dynamique, où on a même fait une garde de réanimateurs qui sont sur place. Et on a réservé là-bas une maison des enfants. En fait là-bas, on a un projet où on a un service où on a fait la chirurgie cardiaque. C’est comme un hôtel où on met tous les enfants qui viennent de l’étranger, donc du coup, on a libéré tout ce réceptacle-là. Les malades sont donc hospitalisés au niveau de ce réceptacle et la maison des enfants sert aujourd’hui aux réanimateurs qui ne sont plus censés sortir.
C’est que quand vous travaillez dans le centre pendant une semaine, on vous confine pendant 14 jours. C’est pour éviter également que les gens soient malades. Donc on essaye autant que possible de protéger le personnel et leurs familles.
Comment vous occupezvous des cas de décès ?
Il y a quand même des réalités du pays que nous sommes obligés de prendre en compte. Par exemple, nous avons des cas de décès, vous avez un malade qui est décédé, quand on vous dit, il ne faut pas le laver, c’est un problème pour la famille. Donc nous avons également formé les gens de la morgue qui sont super bien protégés. Et en cas de décès, on arrive à travailler en collaboration avec le Service d’hygiène, les sapeurs-pompiers et les agents de la Croix-Rouge pour pouvoir faire un enterrement digne. On lave effectivement les corps, on les met dans les sacs mortuaires, on les envoie au niveau de la morgue.
Et ça, c’est l’hôpital qui est censé le faire et qui le fait en collaboration avec la famille. Donc on reçoit quelques membres de la famille qui viennent, s’ils veulent avec leur imam etc., pour faire la prière mortuaire et après c’est nous qui gérons ces enterrements-là.
Les membres de la famille ne sont pas censés assister à l’enterrement ?
Ils assistent sans toucher, mais c’est vraiment le Service d’hygiène, la Croix-Rouge et les sapeurs-pompiers qui gèrent le corps et qui mettent à terre, mais de manière digne. On lave le corps, la famille fait la prière mortuaire tout en sachant qu’il y a une certaine distance à respecter. Ce sont des séances mortuaires qui sont assez sécurisées.
Par rapport au pic de la maladie, vous vous préparez à ça aussi ?
Ah oui, je pense même au niveau national, on se prépare à ça. On ne sait pas quand est-ce qu’il y aura un pic. Parce que quoi qu’on puisse dire aujourd’hui cette maladie est très peu connue. Les gens disent plein de choses, mais il y a plein d’inconnus autour de la maladie. Donc il faut s’attendre à ce qu’il y ait plus de cas, mais le ministère a également planifié pour pouvoir recevoir ces patients-là.
Donc régulièrement, le ministère fait le recensement des lieux qui peuvent être libres dans les différents hôpitaux. Il demande que dans le cadre de la régulation des patients, que tel patient soit à tel endroit. Donc de ce point de vue, je pense qu’il n’y a pas trop de problèmes. Jusque-là c’est contenable, mais il faut peut-être s’attendre effectivement à ce qu’il y ait un peu plus de cas. Main tenant quand on a le pic, quand on n’a pas le pic, on ne sait pas.
De toute façon le Sénégal, et vous en particulier, est préparé à accueillir beaucoup plus de malades ?
Absolument ! De toute façon, nous, on doit être tout le temps prêt. Vous avez vu le centre qu’on est en train de faire. Il (le technicien) nous donne le premier module et c’est 4 modules comme ça qu’il est censé faire. Même si ce module-là n’était pas prêt, on mettrait les gens dans les services sachant qu’on est encore dans nos capacités. Aussi bien ici, à Diamniadio, à Dalal Jamm, on a la capacité encore de prendre des patients.
Dans quelles conditions les cas guéris sont libérés de l’hôpital ?
Quand on libère le malade, il est quasiment pulvérisé jusqu’à ce qu’il sorte de l’hôpital, qu’il soit javellisé et tout et on lui donne des habits neufs et il sort avec. Si on prend toutes les précautions vraiment, je pense que ça peut aller. Et j’ai l’impression qu’on a été un peu favorisé par le bon Dieu parce que la manière dont ça grimpe ailleurs, ce n’est pas la même chose ici. Même du point de vue mortalité, ce n’est pas la même chose. Il y a quelque chose dans l’environnement qu’on ne maîtrise pas.