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18 juillet 2025
par Abdoulaye Daouda Diallo
ANNULER LA DETTE DES PAYS AFRICAINS EST VERTUEUX ET BIEN FONDÉ
Le ministre des Finances répond aux arguments des opposants, dont son homologue béninois, à la demande d’annulation des créances institutionnelles des pays africains dans le contexte de la pandémie du Covid-19
Jeune Afrique |
Abdoulaye Daouda Diallo |
Publication 28/04/2020
Dans une tribune adressée à Jeune Afrique, Abdoulaye Daouda Diallo, ministre des Finances du président sénégalais Macky Sall, répond aux arguments des opposants, dont son homologue béninois, à la demande d’annulation des créances institutionnelles des pays africains dans le contexte de la pandémie du Covid-19.
Le 23 avril, Romuald Wadagni, ministre de l’Économie et des Finances de la République du Bénin, a publié dans Jeune Afrique une tribune intitulée « Covid-19 : pourquoi l’allègement de la dette n’est pas la solution ». Dans la présentation de l’article, il est mentionné que la tribune prend une position contraire à celle de Son Excellence Macky Sall, président de la République du Sénégal.
Notre contribution vise à clarifier certains faits, ainsi que les arguments sur le sujet de la dette des pays africains dont les économies subissent les effets du Covid-19. En Afrique, l’impact de cette pandémie sera important. La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) anticipe un taux de croissance de 1,8 %, contre une hausse de 3,2 % initialement prévue en 2020, sous l’effet de la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales, de la baisse des prix des matières premières et des transferts effectués par les migrants.
Pour la zone Uemoa, les premières estimations font ressortir une diminution de 3,9 % de la croissance du PIB, qui se situerait à +2,7 % contre une progression de +6,6 % initialement prévue pour 2020. Une étude de la Cedeao évalue la perte cumulée de ressources financières pour des scénarios projetant le terme de la crise à la fin juin 2020, à la fin septembre 2020 et à la fin décembre 2020 respectivement à 36,4 milliards de dollars, 63,2 milliards de dollars et 73 milliards de dollars.
Ces projections ont amené les institutions régionales et sous-régionales à définir une position commune sur le traitement de la dette dans le cadre des initiatives pour faire face aux conséquences sanitaires et économiques du Covid-19. Le communiqué final de la session extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao du 23 avril est sans ambiguïté. Ils soutiennent l’initiative de l’Union africaine (UA) de négocier avec les partenaires pour une annulation de la dette auprès de créanciers publics et des institutions multilatérales.
Riposte urgente et de court terme
La position de la Cedeao procède d’un pragmatisme dans la prise en charge des besoins nouveaux induits par la pandémie. Elle traduit la volonté marquée dans le sens d’efforts de réallocation budgétaire, ensuite de mobilisation de dons et de contributions volontaires, puis d’emprunts nouveaux concessionnels pour faire face aux urgences.
À ces mesures d’endiguement des effets de la pandémie grâce à la stabilisation du cadre macroéconomique, qui relèvent de la riposte urgente et de court terme, s’ajoute le plaidoyer pour un sursis suffisamment long du remboursement du service de la dette institutionnelle et, ultérieurement, une annulation de son encours.
Au regard de l’urgence, certes, un moratoire est une bonne chose, mais les situations budgétaires difficiles de nombreux États africains, limitant les capacités de réponse à la crise, ainsi que les effets du double choc de demande et d’offre sur les marchés du pétrole, appellent des mesures aussi ambitieuses que celles prises en 2009 à travers l’initiative PPTE. L’Afrique doit absolument éviter que cette crise sanitaire ne débouche sur un drame économique et social. Elle doit disposer d’un espace budgétaire supplémentaire pour faire face aux effets durables de la crise, notamment par des investissements visant à accroître la résilience économique et sociale.
En clair, l’objectif des moratoires sur des périodes suffisamment longues et de l’annulation de la dette institutionnelle est de libérer des capacités budgétaires pour renforcer les fondamentaux, de manière à maintenir les capacités de production et le pouvoir d’achat des ménages, notamment ceux qui sont vulnérables.
Quel sera, donc, l’impact d’un allègement de la dette sur l’image des États africains, notamment la perception de leur qualité de crédit ? En réalité, la perception de la qualité de crédit repose essentiellement sur deux éléments : la capacité ainsi que la volonté d’honorer, à date, les engagements financiers souscrits. La volonté de nos États d’assurer le service de la dette ne doit souffrir d’aucune équivoque. Des pays comme le Sénégal ont toujours été responsables dans la gestion de leur dette ; ce qui leur a valu de ne jamais être en défaut. Ainsi, l’appréciation, en termes de dégradation de la perception des créanciers sur les pays africains, est à relativiser.
Endettement responsable
Par ailleurs, le Sénégal – comme d’autres pays bénéficiaires dans le passé des initiatives PPTE – ont adopté une politique de gestion prudente, efficace et responsable de leur dette. La bonne mise en œuvre de cette politique dans le cadre d’une stratégie bien définie, selon des normes de l’Uemoa, des organes de gouvernance bien structurés avec des capacités avérées ont donné au Sénégal une double notation de S&P et de Moody’s qui le place au rang des émetteurs souverains de référence en Afrique.
L’endettement responsable se mesure à l’aune du respect à date des échéances d’engagements financiers. Des pays comme le Sénégal, faut-il le rappeler, n’ont jamais fait défaut à ce niveau, offrant ainsi un profil de débiteur évalué positivement aussi bien par les partenaires techniques et financiers, les bailleurs de fonds que par les investisseurs des marchés de capitaux.
Ce profil d’émetteur souverain de référence bénéficie d’une prime de risque nettement plus appréciée par les investisseurs qui accompagnent le Sénégal sur des émissions de maturité à trente ans.
Enfin, ce qui est proposé par le ministre béninois de l’Économie et des Finances – c’est-à-dire la mobilisation urgente de liquidités nouvelles, via des financements concessionnels et semi-concessionnels-des institutions multilatérales, hormis la création d’un véhicule financier ad hoc – correspond, en réalité, aux instruments de financements qui sont déjà disponibles pour les pays africains.
Cela dit, les annulations de la dette auprès des créanciers institutionnels sur des niveaux importants permettront d’obtenir des marges de manœuvres conséquentes pour un tel refinancement, en plus de pouvoir être utilisées pour des investissements structurants et à fort impact sur la croissance et l’emploi.
En cela, l’annulation de la dette institutionnelle sous forme de conversion en programmes d’investissements orientés sur des besoins de relance économique et de résilience sociale dans un monde post Covid-19 demeure une option intéressante pour l’Afrique et ses partenaires. Ainsi, le leadership du président Macky Sall est motivé par la volonté d’aboutir à des mesures fortes qui permettront à l’Afrique de poursuivre sa marche vers l’émergence.
LES CHERCHEURS AFRICAINS VEULENT SE FAIRE UNE PLACE DANS LE CLUB FERMÉ DE LA RECHERCHE MONDIALE
Encore à l’écart de la recherche clinique menée à l’échelle mondiale pour percer les mystères du Covid-19 afin d’y trouver un remède et un vaccin, les chercheurs africains sont prêts à en découdre pour s’y imposer
Jeune Afrique |
Marième Soumaré |
Publication 28/04/2020
« Si vous ne faites pas partie du club, c’est fini pour vous ! » Ce club, qu’évoque le pneumologue kényan Evans Amuyoke, c’est le monde de la recherche scientifique sur le plan international. Et sur le continent africain, plus qu’ailleurs, financer ses recherches est difficile, raconte ce membre de l’Institut kényan de recherche médicale.
« Les budgets pour mener une recherche clinique sont extrêmement élevés, et nous recevons très peu de fonds locaux. Même si nous avons nos propres solutions, elles ne seront jamais appliquées : vous les retrouverez en train de traîner dans un livre, quelque part, parce que personne ne peut les mener jusqu’au bout. » Une situation qui explique que des maladies endémiques en Afrique restent, à ce jour, négligées par la recherche.
Pourtant, Evans Amuyoke espère bien que l’Afrique finira par « s’asseoir à la table des discussions » de la recherche sur le Covid-19. « Il est important que nous ne soyons pas juste les consommateurs du savoir, mais que nous intégrions le groupe qui crée ce savoir ».
Le Kényan est l’un des signataires de la Coalition pour la recherche clinique sur le Covid-19 qui soutient les pays aux systèmes de santé les plus fragiles, en favorisant notamment les contacts entre chercheurs et institutions. Selon l’organisation de recherche contractuelle Cytel, sur les 590 essais cliniques mondiaux sur le Covid-19, seule une petite dizaine sont réalisés en Afrique.
Solidarity
En mars dernier, l’Organisation mondiale de la santé lançait Solidarity, un essai clinique mondial faisant appel à la collaboration des États.
Les médecins qui prennent en charge une personne hospitalisée en lien avec le coronavirus peuvent lui proposer de collaborer et de tester l’un des quatre traitements suivants : le Remdesivir (un antiviral conçu pour Ebola) – malgré les résultats peu concluants des premiers essais cliniques réalisés par la firme américaine Gilead Sciences -, deux combinaisons différentes d’antirétroviraux contre le VIH, et enfin l’hydroxychloroquine, habituellement utilisée contre le paludisme.
En Afrique, une vingtaine de pays pourraient participer, selon Michel Yao, responsable régional des opérations d’urgence de l’OMS. L’Afrique du Sud est la plus avancée d’entre eux. « Plus on teste, et plus on teste dans des contextes différents, plus les données collectées sont robustes », détaille le spécialiste.
Le même principe est appliqué à l’essai Solidarity 2, centré sur les vaccins. Actuellement, une soixantaine de vaccins sont en phase préclinique dans le monde. Trois pays ont déjà débuté les essais : la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni. En Afrique, plusieurs pays pourraient tester eux aussi, dans une seconde phase, ces vaccins.
Qui en seront les bénéficiaires ? « Nous voulons éviter la situation de la pandémie de grippe aviaire, pour laquelle le vaccin était disponible essentiellement pour les pays du Nord », détaille Richard Mihigo, le coordinateur du programme d’immunisation et vaccination de l’organisation. « Il faut que le vaccin reste abordable et qu’il soit financé pour les pays en développement. C’est une chose d’avoir un vaccin efficace, c’en est une autre d’en avoir un qui soit produit en quantité suffisante pour tout le monde. »
Remèdes « made in Africa »
En attendant le vaccin, les États africains expérimentent. La plupart d’entre eux, à l’instar du Sénégal, du Burkina Faso ou du Maroc, ont fait le choix de la chloroquine, « remède miracle » défendu par le Français Didier Raoult, dont les travaux divisent le monde scientifique.
D’autres remèdes 100% africains, moins connus, sont également utilisés sur le continent. C’est le cas de la fagaricine, du Gabonais Bruno Eto, qui pourrait renforcer les défenses immunitaires des malades, ou encore de l’apivirine, du Béninois Valentin Agon, utilisée contre le paludisme. Pourraient-ils constituer une manière de lutter contre le virus ? Ce 21 avril, le Conseil des diasporas africaines de France lançait justement un appel visant à « mettre en exergue » les « solutions que l’Afrique a à proposer au monde ».
« À partir du moment où des solutions existent, nous ne comprenons pas pourquoi l’OMS ne les teste pas de façon contradictoire et scientifique de manière à évaluer leur efficacité au niveau mondial”, s’étonne le président du Conseil, Serge Bakoa. L’avocat dit en particulier attendre avec impatience les résultats de l’essai clinique lancé au Burkina Faso sur l’apirivine.
Période exceptionnelle oblige : médecins et chercheurs gagnent en notoriété, pour le meilleur et pour le pire. Car, tandis que le monde entier s’emballe pour la recherche, de nombreux experts s’inquiètent du respect du principe de rigueur scientifique. « Seul l’essai clinique mené dans des conditions rigoureuses peut permettre d’évaluer l’efficacité d’un médicament, avertit le docteur en santé publique Jean-Philippe Chippaux, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). L’essai clinique n’est pas fait pour le bénéfice du patient qui y participe ! C’est un outil méthodologique qui sert à répondre à une question scientifique simple : ça marche, ou ça ne marche pas ? »
Les essais cliniques restent néanmoins soumis à des règles strictes, édictées par des textes internationaux, censées protéger les malades. Certains laboratoires pharmaceutiques se sont pourtant affranchis de ces règles de déontologie. Des dérives donnant lieu à plusieurs scandales sanitaires qui ont laissé de – très – mauvais souvenirs de la recherche sur le continent.
Le docteur Jean-Philippe Chippaux a longtemps travaillé en Afrique. Il fait état de nettes améliorations sur le continent ces vingt dernières années : adaptation de l’appareil législatif, amélioration des infrastructures, formation des chercheurs, et, surtout, renforcement des comités d’éthique nationaux, qui émettent un avis sur l’ensemble des essais cliniques. « Les membres de ces comités ont été formés pour mieux juger de la valeur des protocoles [documents détaillant le projet et le cadre d’un essai clinique] qu’on leur soumettait », fait-il savoir.
De quoi se prémunir contre un nouveau scandale sanitaire ? « On n’empêchera jamais ce genre de scandale, qui n’est d’ailleurs pas propre à l’Afrique… Mais il y en a de moins en moins », répond le chercheur. À charge pour les comités d’éthique nationaux d’exercer leur fonction de vigie et de s’assurer que les protocoles soumis aux autorités respectent les malades.
Réaliser plus d’essais cliniques sur le continent serait donc une bonne chose, « à condition que la recherche clinique soit justifiée par les besoins des populations. L’une des voies, c’est d’évaluer l’adaptation que l’on peut faire d’un traitement dans les conditions africaines. Et ça ne peut pas se faire ailleurs qu’en Afrique », souligne Jean-Philippe Chippaux.
Polémique
C’est cette idée que souhaitait défendre le microbiologiste Camille Locht lors de son passage sur la chaîne française LCI le 2 avril dernier, justifie-t-il aujourd’hui à Jeune Afrique.
Dans une courte vidéo devenue virale, il répond par l’affirmative à la question du médecin Jean-Paul Mira, qui lui demande si son étude sur l’utilisation du vaccin antituberculeux BCG contre le Covid-19 « ne devrait pas [se] faire en Afrique », « un peu comme c’est fait pour certaines études sur le sida [avec] les prostituées ». Une question « maladroite en termes de formulation », estime aujourd’hui Camille Locht, qui a provoqué une onde de choc sur le continent dont les effets se font encore sentir.
En France, l’étude de Camille Locht devrait en tout cas être lancée prochainement. L’essai doit inclure 1 200 personnes, divisées en deux groupes, l’un recevant le BCG et l’autre un placebo. À la fin de l’étude, les chercheurs comptent le nombre de Covid-19 dans les deux groupes.
« L’étude va nous dire si le vaccin est capable de diminuer la fréquence du Covid et la sévérité de la maladie », explique Camille Locht. Si rien n’est encore avéré, « des études épidémiologiques suggèrent que les pays les plus vaccinés [avec le BCG] sont mieux protégés [contre le coronavirus] », glisse le chercheur. « On ne peut rien affirmer, mais c’est tout de même intrigant. »
L’Afrique, où le taux de vaccination contre la tuberculose est de 85% environ, selon l’OMS, bénéficie-t-elle de ce fait d’une plus grande protection contre le coronavirus ? C’est une hypothèse. Quoi qu’il en soit, « faire une étude en Afrique a parfaitement son sens », précise Camille Locht, d’autant plus que « la revaccination n’est pas dangereuse ».
Depuis la polémique, les chercheurs africains qui avaient manifesté leur intérêt se sont toutefois mis en retrait. « Des initiatives de collaboration ont pris du retard », admet le chercheur.
« Cet épisode a tout plombé », lâche, avec moins de précautions, l’immunologue sénégalais Tandhaka Dieye. Chef de la plateforme d’immunologie à l’Institut de recherche en santé de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef) au Sénégal, il était l’un des chercheurs intéressés par l’essai clinique du BCG.
« Nous étions bien partis pour faire quelque chose en Afrique, mais aujourd’hui on préfère attendre que les choses se calment. Parler de l’étude risque de heurter l’opinion publique, voire le comité d’éthique », estime le Sénégalais, également membre de l’Observatoire Covid-19 du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Dans le cadre des essais pratiqués actuellement au Sénégal – sans rapport avec le Covid-19 -, « les gens commencent à se poser des questions », confie l’immunologue. Pourtant, rappelle-t-il, aucun des essais cliniques au Sénégal ne se fait sans l’aval du comité d’éthique national, dont il loue « l’indépendance » et la « grande prudence ».
En attendant que la polémique retombe, le chercheur garde un oeil sur l’avancée des essais vaccinaux dans le monde, et espère encore voir l’Afrique y participer. Dans son propre pays, il se félicite de voir l’État s’intéresser au travail de la science. « Je n’ai jamais vu un engouement pareil pour la recherche dans mon pays. Ils ont investi de l’argent pour le Covid-19 ; à présent j’espère qu’ils vont continuer comme ça chaque année. »
VIDEO
LES DIVERGENCES DU BÉNIN SUR LA DETTE AFRICAINE
Pour le ministre béninois des Finances, Romuald Wadagni, repousser ou annuler la dette "handicaperait notre capacité à avoir accès aux financements dans le futur et à renouer avec le chemin de la croissance"
Le ministre de l'Économie et des Finances du Bénin, Romuald Wadagni, estime que le moratoire sur la dette de pays africains n'est pas la meilleure solution pour affronter la crise sanitaire du Covid-19.
Dans un entretien à TV5MONDE, il assure que repousser ou même annuler la dette revient à "demander l'indulgence pour ne pas respecter nos engagements. Cela handicaperait notre capacité à avoir accès aux financements dans le futur et à renouer avec le chemin de la croissance", craint-il.
Le ministre béninois propose d'autres solutions, notamment une aide du Fonds monétaire international (FMI) par l'intermédiaire des Droits de Tirage Spéciaux (DTS, liquidités mises à disposition par le FMI).
SORO CONDAMNÉ À 20 ANS DE PRISON
L’ancien Premier ministre et ex-président de l’Assemblée nationale ivoirienne a été reconnu coupable de recel de deniers publics detournés et de blanchiment de capitaux
Jeune Afrique |
Vincent Duhem |
Publication 28/04/2020
L’ancien Premier ministre et ex-président de l’Assemblée nationale ivoirienne a été reconnu coupable de recel de deniers publics detournés et de blanchiment de capitaux. Il a été condamné à 20 ans de prison ferme, 4,5 milliards de F CFA d’amende, et à la privation de ses droits civiques pendant sept ans.
L’ancien président de l’Assemblée nationale a été reconnu coupable de recel de deniers publics détournés et de blanchiment de capitaux. Il a été condamné à 20 ans de prison ferme, 4,5 milliards de francs CFA d’amende et à la privation de ses droits civiques pour une période de sept ans.
Les faits reprochés à Guillaume Soro concernent l’achat de sa résidence de Marcory Résidentiel, un quartier d’Abidjan, en 2007, pour un peu plus d’1,5 milliards de francs CFA (environ 2,3 millions d’euros). Il était alors Premier ministre.
Selon l’accusation, cette villa a été acquise par Soro via une société civile immobilière, la SCI Ebure, grâce à des fonds du trésor public ivoirien.
En France depuis son retour manqué à Abidjan le 23 décembre, Guillaume Soro n’était pas présent lors du procès. Ses avocats ont décidé de ne pas y assister.
ATTAQUER LE PROFESSEUR SEYDI, C’EST ATTAQUER L'UNIVERSITÉ !
Si le directeur de cabinet du ministre de la Santé éprouve le besoin de discipliner ses subordonnés, nous lui suggérons de chercher à savoir comment la situation constatée à l’Hôpital de Ziguinchor a pu se produire - COMMUNIQUÉ DU SUDES/ESR
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du Dr Oumar Dia, Secrétaire Général National du Sudes/Enseignement Supérieur et Recherche, daté du 8 avril 2020, concernant les attaques dont le Professeur Moussa Seydi a été récemment l'objet.
"En visite à l’Hôpital de Ziguinchor, le Professeur Seydi, chef du service des maladies infectieuses du CHU de Fann et responsable des soins portés, dans notre pays, aux malades atteints par le Covid2019, a usé d’une litote pointant avec beaucoup de retenue ce qu’il a nommé « quelques petits problèmes » dont un « service de réanimation qui n’est pas construit selon les normes ».
Le Docteur Aloyse Waly Diouf, Directeur de Cabinet du ministre de la Santé et de l’Action Sociale, au lieu de se demander comment il était possible qu’un service de réanimation ne fut pas construit selon les normes, au lieu de se demander comment le marché pour ce service de réanimation a été passé et comment il a été possible qu’un tel service de réanimation fut réceptionné ; a préféré gourmander le Professeur Seydi en lui reprochant de ne pas « laver le linge sale en famille. »
Le Sudes/ESR est choqué par cette expression malheureuse et contraire à tout esprit de bonne gouvernance et de reddition des comptes.
Au-delà de cette anecdotique expression, le Sudes/ESR tient à rappeler au Directeur de Cabinet du Ministre de la Santé que :
Les médecins Hospitaliers Universitaires ne reçoivent pas d’ordre du ministre et ne sont pas soumis à une quelconque obligation de réserve. Leur autorité, c’est le Recteur de leur Université.
Certains postes dans les Centres Hospitaliers Universitaires sont rattachés à certains statuts universitaires. En tant que Titulaire de la Chaire de Maladies Infectieuses, le Professeur Seydi est ipso facto chef du Service des Maladies infectieuses de Fann. L’Université le choisit. Le ministre ne fait qu’entériner un choix dans lequel sa compétence est liée.
Par conséquent, le Professeur Seydi a des devoirs non pas envers une Administration mais envers la Vérité et la Science. Ces devoirs et surtout son droit à s’exprimer plus librement que n’importe quel administratif sont garantis par la loi N° 94-79 du 24 novembre 1994 relative aux franchises et libertés universitaires.
Le Sudes/ESR s’indigne donc que le Dr Diouf se soit permis de se montrer aussi peu respectueux de ses devoirs de Haut Fonctionnaire qui doit scrupuleusement respecter la loi et veiller à préserver les libertés académiques qu’elle consacre. Ces libertés garantissent d’ailleurs la validité des diplômes du Dr Diouf. Si le Dr Diouf éprouve, malgré la crise que nous vivons, le besoin de discipliner ses subordonnés, nous lui suggérons de mener l’enquête pour savoir comment la situation constatée par le Professeur Seydi a pu se produire dans des structures dépendant d’un ministère où il occupe un poste si éminent.
Le Sudes/ESR attire l’attention de l’Exécutif et au premier chef du président Macky Sall sur le fait qu’une attaque contre le Professeur Seydi est une attaque contre l’Université et les libertés qui la fondent. Les universitaires de ce pays, qui font plus que leur part pour lutter contre la maladie à coronavirus, ne sauraient la tolérer.
Le Sudes/ESR profite de l’occasion pour assurer le camarade et collègue Seydi de son total soutien, l’encourager à persévérer dans la voie de la vérité qui est la seule digne d’un universitaire et appeler la population sénégalaise à continuer à respecter les gestes barrières qui nous protègent tous de cette pandémie."
MEDINA GOUNASS REFUSE DE FERMER LES MOSQUEES ET CONTINUE LES RASSEMBLEMENTS PUBLICS
Contrairement aux autres localités du pays, à Médina Gounass, les habitants refusent de se plier aux restrictions et autres mesures de prévention prises par les autorités en cette période de pandémie du covid-19.
Alors que tout rassemblement public a été interdit à travers tout le territoire national, entrainant d’ailleurs la fermeture des lieux de culte, à Medina Gounass, les populations rament à contre-courant des mesures édictées par l’Etat pour lutter contre la propagation du coronavirus. Outre les prières quotidiennes dans les mosquées, celle du vendredi continue de drainer des foules dans cette ville sainte située dans le département de Vélingara et qui abrite annuellement la retraite spirituelle dénommée «Daaka».
Contrairement aux autres localités du pays, à Médina Gounass, les habitants refusent de se plier aux restrictions et autres mesures de prévention prises par les autorités en cette période de pandémie du covid-19.
Pour cause, une grande partie de cette communauté continue de s’acquitter de la prière du vendredi sous l’autorité du Khalife Thierno Tidiane Ba qui s’avère intransigeant quant au respect strict des principes islamiques.
Selon des témoignages recueillis par le «témoin» auprès de plusieurs sources dans la localité, certains habitants de la ville sainte sont très inquiets de la situation qui y prévaut.
D’autres, par crainte de voir une propagation du coronavirus, avec l’accroissement des « cas communautaires », des habitants auraient même alerté les autorités administratives afin que les rassemblements soient dispersés.
Mais, d’après des sources présentes sur les lieux, des éléments de la gendarmerie dépêchés sur place afin d’interdire aux fidèles l’accès à la grande mosquée ont fait face à deux reprises à une foule déterminée à effectuer la prière dans le lieu de culte. Il s’en était suivi un repli des forces de l’ordre après un bref échange entre leur chef et l’imam qui n’était pas disposé à rebrousser chemin.
« Jusqu’au moment où je parle, la grande prière du vendredi voit une forte affluence des fidèles. Actuellement, avec cette situation, c’est toute la ville qui est en danger. Car même si la majorité des habitants s’accorde à respecter les règles préventives et autres gestes barrières tant qu’il y a d’autres personnes de la même localité qui refusent de faire pareil, personne ne sera à l’abri du coronavirus. Malheureusement, là où les forces de l’ordre n’ont rien pu faire, les civils sont particulièrement impuissants » se désole un habitant de Medina Gounass sous le couvert de l’anonymat par crainte de représailles.
Autre bizarrerie dans cette localité religieuse au sud du pays, la neutralité de l’autorité administrative face au péril sanitaire encouru par les habitants de cette ville. En tout cas, beaucoup pointent du doigt la proximité entre les chefs religieux de ladite ville et le président de la république. Une entente cordiale et spirituelle qui, d’après certains, serait à l’origine de l’embarras du président Macky sall de voir son guide religieux forcé à lâcher du lest. « Aujourd’hui, en plus d’être complices sur ce qui se passe ici, les autorités étatiques seront les premières responsables d’une propagation de la pandémie au sein de notre communauté. Parce qu’on ne peut ne pas comprendre qu’il y ait des éléments de la gendarmerie cantonnés à l’intérieur de la ville tandis que des regroupements continuent », rouspète un intellectuel natif de Gounass.
«MACKY DOIT GENERALISER LE REPORT DES ECHEANCES BANCAIRES POUR TROIS MOIS RENOUVENABLES»
Famara Ibrahima Cissé, le président de l’Association des Clients et Sociétaires des Institutions Financières (ACSIF) considère que les salariés sont tous impactés par la crise du Covid-19
Le président de l’Association des Clients et Sociétaires des Institutions Financières (ACSIF) considère que les salariés sont tous impactés par la crise du Covid-19. C’est pourquoi il plaide pour la généralisation du report des échéances des crédits bancaires et invite le chef de l’Etat à agir par décret pour obliger les banques à appliquer la mesure.
Le Témoin – Le 15 avril dernier, en Conseil des ministres, le chef de l’Etat, Macky Sall, a demandé le report des échéances bancaires des agents économiques pour une période à convenir. Comment avez-vous accueilli cette annonce ?
Famara Ibrahima CISSE - il faut dire qu’elle intervient à la suite de la lettre que notre association a adressée au président de la république lui demandant de faire bénéficier à tous les salariés un report de trois mois renouvelable de leurs échéances bancaires pour leur permettre de faire face aux conséquences de la pandémie du coronavirus. c’est une décision salutaire que nous avons donc tous appréciée. Le Président avait même instruit les ministres concernés d’entamer des discussions avec la Banque centrale (ndlr, des états de l’Afrique de l’ouest – Bceao) pour l’application de cette mesure. Mais à notre grande surprise, nous avons appris que seules les entreprises privées impactées directement sont pris en compte par cette mesure présidentielle.
Pourquoi, selon vous la Banque Centrale n’a-t-elle pas pris en compte les salariés?
Je pense que la situation que nous vivons ne laisse personne indifférent. Par conséquent, c’est tout le monde qui est impacté directement ou indirectement. C’est la Banque centrale qui a d’abord sorti un communiqué où il est mentionné que seules les entreprises du secteur privé sont concernées. Les banques ont à leur tour demandé aux entreprises de ne répertorier que les personnes directement impactées pour que leurs cas soient examinés un à un avant de leur accorder ce report. Donc, si vous analysez bien la situation, vous allez vous rendre compte que c’est la cacophonie. La demande du chef de l’état n’a pas été suivie par la Banque centrale qui a vu ses instructions foulées au pied par les institutions financières.
Ne pensez-vous pas que la Banque Centrale a raison de procéder à un tri sachant que tous les salariés ne sont pas touchés par les effets du Covid-19 ?
J’aimerais qu’on me démontre en quoi tous les salariés ne sont pas impactés. C’est même manquer de respect aux clients et sociétaires de banque que nous sommes que de soutenir cela ! Je considère que les salariés vont souffrir plus que quiconque. Je vous donne un exemple simple. Vous prenez une famille prise en charge par un salarié, un émigré, un commerçant et un tailleur. a part le salarié, tous les autres ne peuvent plus contribuer à la fin du mois du fait que leurs activités sont à l’arrêt. donc, c’est le pauvre salarié qui va débourser plus pour faire face aux dépenses. il y a aussi des salariés qui subissent une cession volontaire autorisée par la loi. si la mesure n’est pas élargie à cette frange de travailleurs, ils peuvent se retrouver sans salaire. il en est de même pour ceux qui bénéficiaient de fonds communs qu’ils percevaient par trimestre et sur lesquels leurs banques prélevaient entre 75 % et 100 % pour des crédits immobiliers. si ces fonds ne sont plus disponibles à cause des effets du covid 19, cela risque d’être très compliqué pour eux. Je peux vous donner aussi le cas des salariés qui sont dans des zones enclavées et qui ne pourront pas se déplacer avec la mesure de fermeture des frontières régionales. Voici quelques preuves parmi tant d’autres qui prouvent à suffisance que ce sont tous les salariés qui vont souffrir des effets du covid 19.
Que comptez- vous faire si les banques s’entêtent à revenir sur leur décision ?
il appartiendra au chef de l’état de prendre ses responsabilités. il a fait un pas important mais il faut qu’il aille jusqu’au bout en prenant un décret qui obligerait les banques à appliquer la mesure pour tous et immédiatement. La loi d’habilitation votée par l’assemblée nationale le lui permet. Nous pouvons espérer qu’il le fera d’autant plus que des pays comme le Maroc, le Rwanda, le Burkina-faso ont déjà accordé ces reports d’échéances à tous leurs salariés. en ce qui nous concerne, on va lutter jusqu’au bout. Nous avons mis en place une stratégie consistant à envoyer des milliers de messages aux gestionnaires et aux directeurs des banques pour les empêcher de travailler. L’autre consigne consiste à bloquer les guichets pour arrêter les opérations de payement, à boycotter les Gabs (ndlr, guichets automatiques de banques), banques en ligne et tout service. Nous avons également prévu de faire passer des slogans pour exprimer notre déception face à ces banques sans état d’âme. Nous ne sommes pas favorables à la demande de la Bceao pour un dépôt de formulaire de report soumis à l’appréciation des agents de banque. Cela pourrait créer non seulement un rassemblement qui exposerait les personnes à la contamination mais aussi favoriser la propagation de la maladie. ce que nous réclamons, c’est la généralisation de la mesure pour trois mois renouvelables. Mais encore une fois, nous pensons que le président de la république va réagir dans les plus brefs délais pour que le report de trois mois renouvelables de l’échéance sur les prêts bancaires soit élargi à tous.
par Fatoumata Sissi Ngom
QUAND LE CORONAVIRUS ENTRERA DANS LE CHAMP DE NOS SOUVENIRS
EXCLUSIF SENEPLUS - En termes d’objectifs de développement à atteindre et de besoins des populations à combler, une solution adaptée, existe déjà : les ODD - L’économie des narratifs et des idées sur le continent doit être lucide
La pandémie de Covid-19 fera basculer le monde dans un autre régime. En plus de la tragédie humaine qu’il est en train de générer à mesure qu’il se propage, le Coronavirus tend au monde un gigantesque miroir. Il nous pousse à nous examiner. Nous-mêmes, nos économies, nos aspirations, nos modes de vie, notre façon de prodiguer les soins. Cet examen de nous-mêmes est déjà extrêmement douloureux et nécessite une grande quantité de courage pour l’affronter, mais il constitue, aussi, une opportunité pour se relever plus forts. Pour le continent africain, il devient vital de saisir cette opportunité pour s’embarquer sur une nouvelle trajectoire de développement durable véritablement endogène et souverain. Dès lors, définir la bonne algèbre de priorités et d’approches relève aujourd’hui d’une absolue nécessité. Mais avant de débuter l’écriture de nos nouveaux romans nationaux et d’unir nos forces aux niveaux sous-régional et continental, factoriser nos réelles aspirations en matière de développement constituent une première étape cruciale qu’on ne doit pas manquer.
L’économie des narratifs
Comme analysé par l’éminent économiste américain Robert Shiller à travers ce qu’il appelle narrative economics, les histoires et idées propagés populairement sont devenus un moteur de la marche économique du monde. Exacerbés par les réseaux sociaux, la prolifération rapide des informations et le potentiel destructeur des fake news, les narratifs affectent nos émotions et peuvent précipiter perceptions, choix et actions. La puissante analyse de Shiller peut être véritablement étendue aux sphères intellectuelle et politique. En effet, les doctrines, écoles de pensée, et histoires racontées orientent l’évolution des sociétés. L’Afrique, qui se trouve à un carrefour décisif, doit embrasser avec urgence la nécessité de construire une économie saine de narratifs qui façonneront son futur.
D’un côté, avant de mettre en œuvre des programmes socio-économiques de relance, une endogénéité exige de déterminer l’origine de la trajectoire. Pour cela, il faudra fixer le miroir et examiner l’essence même des sociétés africaines et de leurs besoins. A quoi la société africaine doit-elle aspirer ? Il faudra urgemment faire la distinction entre les traditions africaines qualifiées aujourd’hui, de façon très étonnante, « d’ancestrales », les “réalités africaines” ou modes de vie imposés en vérité par la pauvreté, et la souche véritablement originelle de la culture africaine. A titre individuel, aucun africain et aucune africaine ne doit se considérer comme un rescapé ou un survivant de l’Histoire, et encore moins vivre avec l’idée exclusive et unilatérale d’être un point d’intersection d’identités et de réalités défavorables. Les narratifs anthropologiques et philosophiques véhiculés ont un rôle clairement déterminant. Accéder à la Liberté, par l’Education, la poursuite de la connaissance et la recherche de la bonne information, sera crucial. Un examen social qui définira nos aspirations les plus profondes est une première étape décisive dont on ne peut faire l’économie.
D’un autre côté, on assiste à un foisonnement de narratifs autour de “solutions africaines”. L’urgence de mettre en œuvre des politiques économiques et monétaires souveraines et endogènes est aujourd’hui absolument indiscutable. Mais les déclarations sur les voies et moyens à adopter se succèdent et s’entrechoquent parfois, et on passe du pessimisme le plus extrême aux rêves les plus fantaisistes, tous les deux parfois complètement décorrélés de la réalité. Même si la différence et la diversité des idées est une chance pour le débat démocratique et la fertilité du changement, une trop large dislocation intellectuelle et politique mine la concrétisation d’initiatives qui peuvent émaner aujourd’hui des gouvernements et de la société civile en matière de développement durable.
La dislocation intellectuelle et politique doit être évitée et les récents appels comme ceux émanant de Kako Nubupko ou de Ndongo Samba Sylla, Amy Niang et Lionel Zevounou sont à saluer. Mais en termes d’objectifs de développement à atteindre et de besoins des populations à combler, une solution, universelle et adaptée, existe déjà : les Objectifs de Développement Durable (ODD), développés par l’ensemble des pays du monde et résultants de remises en question progressives de la notion même de progrès.
Célébrer la face changeante des priorités
Dès les années 70, le modèle de croissance infinie qui s’appuie sur la surexploitation des ressources de la planète commence à être fortement questionné. Des ouvrages comme The Limits to Growth, paru en 1972 ou le rapport Brundtland — Notre avenir commun paru en 2009 accélèrent l’idée de la nécessité d’un changement de paradigme pour la définition du développement durable. D’autres études, comme le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi (Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social), paru en 2009, recommandent l’établissement d’un nouveau cadre de mesure du progrès qui devra intégrer, en plus du PIB et du Seuil de pauvreté, des indicateurs de bien-être et de cohésion sociale, et de partir de l’humain et de ses besoins pour définir les politiques publiques.
En Afrique, le développement durable est un concept longtemps ancré dans de nombreuses sociétés traditionnelles africaines (mais aussi océaniennes ou sud-américaines) qui entretiennent une relation respectueuse avec l’environnement et le monde vivant qu’ils considèrent comme garants de leur propre survie. Des grands intellectuels et économistes comme Joseph Ki-Zerbo ont historiquement vigoureusement prôné un modèle de développement durable et écologique.
Les narratifs autour du développement durable et du bien-être doivent devenir le fil directeur de toute politique économique, environnementale et sociale, et les Objectifs de développement durable offrent un cadre pouvant faciliter leur concrétisation.
Développés en 2015, ces Objectifs jettent les bases d’un agenda aux niveaux mondial et national pour éradiquer la pauvreté à horizon 2030 et adresser, au-delà du PIB ou du seuil de pauvreté, ses facettes multidimensionnelles, comme l’emploi, la santé, l’environnement, la bonne gouvernance. Ils sont accompagnés d’indicateurs qui font sens, que l’on se situe au Nord, au Sud, à l’Est ou à l’Ouest, et chaque pays est invité à en définir des supplémentaires qui leur seraient endogènes.
Plus important encore, les ODD sont complétés par le World Social Capital Monitor, développé dans le but d’intégrer au développement durable des dimensions de capital social comme la confiance entre les personnes, la solidarité, ou l’hospitalité. Par exemple, une enquête officielle sur le terrain avait notamment montré des scores significativement performants des indicateurs de capital social dans les pays du Sud.
De sorte que les ODD n’ont pas été développés à New York, imposés et propagés à travers le monde en vue d’une adoption aveugle par les gouvernements. La participation des experts africains (nationaux, onusiens, ONGs, etc.) à leur élaboration était active et compétente, et il est très important de reconnaître ce travail déjà fait. Même si mettre en place des “solutions africaines” est crucial, il ne doit pas être question d’une prospérité et d’un bien-être africain qui devraient être ontologiquement différents de celui européen, américain, ou océanien.
Tendre vers l’asymptote
La nature holistique des ODD fait qu’ils sont interdépendants, ce qui favorise la multiplication des synergies. Par exemple, l’ODD 1 — Pas de pauvreté, est liée à la quasi-totalité des autres ODD, comme l’ODD 3 — Bonne santé et bien-être, l’ODD 6 — Eau propre et assainissement, l’ODD 8 — Travail décent et croissance économique, l’ODD 16 Paix, Justice et institutions efficaces ou l’ODD 13 Lutte contre les changements climatiques.
Les ODD doivent continuer à être largement promus à tous les niveaux de gouvernement. Au Sénégal, ils ont même été traduits en langue wolof, ce qui est un signal fort en termes de volonté d’appropriation nationale.
Sur la base des ODD, ce sera aux décideurs publics du continent de mettre en œuvre leurs propres modèles de développement durable, endogène et adapté ; la prodigieuse expertise africaine en matière d’économie, de secteur privé, d’urbanisme, d’environnement, de culture, etc. devra alors être massivement sollicitée. L’implémentation progressive des ODD permettra (et a déjà permis) de révéler les lacunes existantes et de les adresser soit par le renforcement des capacités locales, soit par une redéfinition des priorités et des politiques.
Le Coronavirus a révélé de grosses failles, comme la santé et le problème de l’économie informelle qui, malgré nos “réalités africaines” et pour des raisons de dignité humaine, doit être urgemment réglé. La pandémie est un puissant rappel sur l’urgence de formaliser nos économies, et cela doit devenir une priorité centrale qui permettra d’augmenter la résilience sociétale, alimentaire et médicale, surtout en cas de chocs majeurs comme celui du Covid-19. Cela permettra également de faire plus participer la population en âge de travailler à l’économie, et donc une mobilisation fiscale et une redistribution plus effectives. Sur le plan de la santé, même si certains systèmes de Sécurité Sociale essaient autant que faire se peut de s’adapter aux besoins des populations rurales et des citoyens vivant d’activités informelles (exemple de la Couverture Maladie Universelle au Sénégal mise en place par le président Macky Sall), la béance mise en lumière par le Coronavirus est grande.
Ainsi, au sortir de cette crise pandémique, il faudra mobiliser encore plus de ressources pour l’atteinte des Objectifs de développement durable qui ont à leur cœur la croissance économique, le bien-être des populations, l’écologie et la bonne gouvernance.
Il faudra bien tenir de nos mains le miroir que nous tend le Coronavirus, il ne doit pas voler en éclats. L’économie des narratifs et des idées sur le Continent doit être lucide, de bonne foi, et productive. Il est temps que l’Afrique s’assoie enfin, triomphalement, aux grandes tables du monde.
Fatoumata Sissi Ngom est analyste de politiques, écrivaine (Le silence du totem, 2018), (La tragédie des horizons, Revue Apulée, 2020), ingénieur en informatique et en mathématiques financières et diplômée de Sciences Po Paris.
L'ÉTAT A FAILLI BRISER L’ÉLAN DE SOLIDARITÉ NATIONALE
Dans les marchés, les quartiers, l'enthousiasme accompagnait des actions citoyennes de confection et de distribution de masques en tissu. Ces bonnes actions ont failli disparaitre, avec l’arrêté exigeant une normalisation de ces masques barrières
Dans les marchés, quartiers ou sur les réseaux sociaux, un grand enthousiasme accompagnait des actions citoyennes de confection et de distribution de masques en tissu. Ces bonnes actions ont failli disparaitre, avec l’arrêté exigeant une conformité des masques barrières à la marque nationale de conformité ‘’NS-Qualité Sénégal’’, finalement suspendu jusqu’à nouvel ordre.
Au début, une initiative citoyenne personnelle. Adja Fatou Cissé, détentrice d’un atelier de couture, décide de répondre à l’appel des autorités sénégalaises pour contrer l’avancée du coronavirus dans le pays. A ses frais, elle confectionne plus 400 masques en tissu qu’elle distribue gratuitement à des personnes en difficulté. Elle reçoit ensuite une proposition de deux amis, Aïssatou Sène et Ernest Cissé, pour augmenter la production, afin d’aider le maximum de personnes vulnérables devant la pandémie.
Mais cet élan de solidarité a été coupée durant le weekend, lorsque l’arrêté n°2020/9450 du 24 avril 2020, co-signé par le ministère du Développement industriel et des Petites et moyennes industries, et le ministère du Commerce et des Petites et moyennes entreprises, a rendu obligatoire la certification de conformité des masques barrières à la marque nationale de conformité ‘’NS-Qualité Sénégal’’.
Ainsi, tous les masques produits par les tailleurs ne disposant pas de cette ‘’autorisation’’, devaient être interdits sur le territoire national.
C’est avec cette déception qu’Aïssatou a raconté, sur sa page Facebook, sa ‘’longue et surtout triste’’ journée du vendredi dernier : ‘’Avec Adja Fatou Cissé, on a parcouru la ville entre tailleurs, achats d’élastiques et distribution de masques. On a eu de longues discussions par rapport à l’arrêté concernant la fabrication et la distribution des masques. On ne comprend pas la démarche de l’Etat. Avec tout ce qui se passe dans le pays, comment on peut sortir un arrêté comme ça du jour au lendemain ?’’.
En effet, Aïssatou Sène et ses amis se sont rendus à l’ASN pour une certification de leurs masques normés Afnor. Mais, après évaluation, révèle la designer, ‘’la facture à régler était de 220 000 F CFA. Et cela ne couvrait pas les frais d’audit. Nous ne connaissons pas, au Sénégal, une société capable de faire le bilan demandé. Cela nous coûterait trop cher’’, se lamentait-elle.
L’arrêté en question disposait, en son article 1er, que la norme ‘’NS 15-014 : masque barrières - exigences minimales de confection et d’usage et méthodes d’essai’’, adoptée par le comité technique n°15 sur la santé, est entrée en vigueur et applicable sur toute l’étendue du territoire national. L’article 2 vient préciser que les masques barrières au sens de la norme NS 15-014, commercialisés ou offerts en don sur le territoire national, sont soumis à la procédure de certification avec la marque nationale de conformité ‘’NS-Qualité Sénégal’’, conformément à l’article 13 du décret n°2002-746 du 19 juillet 2002 relatif à la normalisation et au système de certification de la conformité aux normes. La certification de conformité donne droit à la délivrance d’un certificat de conformité ou d’une attestation de conformité.
Volte-face
Hier, dans la soirée, le ministre du Développement industriel et des Petites et moyennes Industries, Moustapha Diop, a sorti un communiqué pour annoncer que ‘’l’application de l’arrêté susmentionné est suspendue jusqu’à nouvel ordre’’. Le ministre explique le rétropédalage par le fait que ‘’des fabricants de masques ont souhaité l’allégement de la procédure et des modalités de certification des masques barrières, pour pouvoir continuer à participer à l’effort national de lutte contre le coronavirus’’.
En faisant cela, l’Etat a sorti une grosse épine du pied de toutes ces bonnes volontés et autres tailleurs qui se sont lancés dans la confection de masques. Car le processus de certification des masques barrières NS 15- 014, décrit sur le site de l’ASN, comprend un audit des locaux, un échantillonnage et des essais avant la délivrance du certificat de conformité. Le montant global de la certification est de 900 000 F CFA répartis sur trois années de droit d’usage de la marque nationale NS, comme suit : Année N (année d’admission) : 350 000 F CFA (frais d’admission + prestations initiales + droit d’usage de la marque) ; Année N+1 : 275 000 F CFA (prestations de surveillance + droit d’usage de la marque) et Année N+2 : 275 000 F CFA (prestations de surveillance + droit d’usage de la marque).
Ainsi, les trois bénévoles vont pouvoir continuer leurs actions. Depuis une quinzaine de jours, les trois ont parcouru la banlieue, en distribuant quelque 10 136 masques avec des journées remplies d’émotion, certains bénéficiaires ayant ‘’du mal à croire qu’on leur remet un masque de qualité gratuitement, sans que cela vienne d’un ONG ou d’un parti politique...’’.
Leurs masques ont été aussi distribués à Nabil Choucair, à Le Dantec ou encore à l’hôpital de Rufisque, les médecins les ayant approuvés et utilisés.
UNE FUITE EN AVANT QUI CACHE D’AUTRES MOTIVATIONS ?
Confection de masques : Moustapha Diop suspend son arrêté rendant obligatoire la certification ns-qualité Sénégal
C’est l’agence de presse sénégalaise qui annonce la nouvelle. Le ministre du développement industriel et des Petites et moyennes industries a décidé d’annuler l’obligation pour les tailleurs, d’obtenir la certification ns-Qualité Sénégal avant de mettre les masques qu’ils confectionnent sur le marché. Le ministre Moustapha diop cède ainsi à la pression des fabricants de masques qui, à l’en croire, auraient «souhaité l’allégement de la procédure et des modalités de certification des masques barrières, pour pouvoir continuer à participer à l’effort national de lutte contre le coronavirus».
C’est pourtant vendredi dernier seulement que cet arrêté a été rendu public mais ce lundi, tous ceux qui avaient applaudi des deux mains ont été surpris d’apprendre que cette décision, somme toute assez logique et fort courageuse, a été annulée. La norme de certification dénommée «ns 15-014 : 2020» imposait des « exigences minimales de confection et d’usage et méthodes d’essai ». ceux qui avaient accueilli favorablement cet arrêté s’étaient inquiétés de la floraison de masques fabriqués dans des arrière-cours par des tailleurs peu scrupuleux ou… ignorants et qui ne respectaient ni mesures d’hygiène, ni aucune norme établie pour la confection de leurs produits.
C’est ainsi que toutes sortes de masques, des plus sophistiqués aux plus loufoques étaient vendus n’importe comment par n’importe qui alors que personne, aucune institution ne pouvait certifier leur efficacité contre la contamination du coronavirus. il était donc logique que des normes garantissant la qualité de protection des masques soient établies. Mais Moustapha diop y est allé comme un « médecin après la mort ». car son arrêté est intervenu après que des centaines d’entreprises de confection et d’artisans tailleurs de quartiers ont fabriqué des milliers et des milliers de masques dont personne ne pouvait garantir qu’ils protègent vraiment contre la contamination. Tous ceux qui déambulent dans nos rues en affichant fièrement leurs masques achetés chez des marchands ambulants par exemple ne sont pas sûrs de l’efficacité du bout de tissu qu’ils portent sur le visage.
C’est donc bien avant que tout ce beau monde ne se mette à l’ouvrage pour « participer à l’effort national de lutte contre le coronavirus » qu’il fallait établir les normes. Pas après. aussi, il est légitime de se poser des questions sur les réelles motivations de Moustapha diop lorsqu’il produisait cet arrêté et de se demander pourquoi a-t-il fait machine arrière de manière spectaculaire deux jours seulement après sa décision. Certains croient savoir qu’il a agi surtout pour des raisons politiques. Car, ayant constaté qu’un grand nombre de ses rivaux politiques ont commandé des milliers de masques pour les distribuer gratuitement aux populations alors que lui-même n’a rien fait ou n’en a fait que trop peu, par jalousie contre ces derniers il aura donc voulu amorcer une contre-offensive pour stopper leurs actions.
Explication politique, peut-être, mais à ne pas écarter derechef. Mais il y a une autre explication, plus prosaïque mais qui pourrait tout aussi bien tenir la route. L’homme est réputé très proche des industriels sénégalo-libanais qui possèdent plusieurs PME de confection et il a visité, il y a quelques semaines, certaines de ces entreprises et a félicité les patrons pour leurs «efforts dans la lutte contre covid 19 ». Il n’avait pas encore pris conscience de la nécessité de mettre en place des normes de fabrication. Son arrêté de vendredi dernier aurait-il contrarié ces industriels libanais en perturbant leurs plans d’affaires ? Les pressions qu’il avoue avoir subies ne viendraient-elles pas de cette catégorie d’hommes d’affaires seulement à la recherche de profit ?
Toujours est-il qu’en suspendant son arrêté – pris tardivement, il faut le dire —, le ministre du développement industriel et des Petites et moyennes industries est en train de priver ces entreprises de l’exclusivité de la confection des masques qu’ils pensaient pouvoir obtenir par l’élaboration de normes strictes. or, ces normes de certification «ns 15-014 : 2020» étaient aussi drastiques pour les artisans tailleurs que pour les PMe de confection. on peut donc comprendre aisément que ces dernières puissent mettre la pression sur le ministre afin qu’il en assouplisse les critères, d’où cette mesure de suspension. Motivations… financières ? notre langue au chat !