SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
26 septembre 2025
MULTIPLE PHOTOS
UN CONFINEMENT TOTAL EST À EXCLURE
Cela entraînerait une récession économique de -9,9% par rapport au PIB de 2019 - Le secteur informel subirait une perte de revenu de 594 milliards - RAPPORT D'UN GROUPE D'UNIVERSITAIRES SUR LE CONFINEMENT AU SÉNÉGAL
Ralentissemennt de l'activité économique avec pour corollaire, une chute drastique des recettes, paupérisation des couches vulnérables... La mise en place d'un confinement intégral de la population, ne serait-ce que pour une courte durée - un mois - aurait des conséquences dramatiques pour l'ensemble des acteurs de l'activité économique du pays. C'est la conclusion à laquelle est parvenu le GRI-COVID19-ARCES, un groupe de recherche interdisciplinaire de l'Ucad qui a planché sur le sujet.
Le fruit de leur travail chiffres à l'appui, dont SenePlus vous livre ci-dessous l'intégralité, est subdivisé en trois thèmes qui dissèque tour à tour, la pertinence médicale du confinement, son impact sur l'économie, les stratégies alternatives, ainsi que les couches susceptibles d'en pâtir.
Les infographies explicatives du rapport sont en illustration de cet article.
RAPPORT DU GROUPE DE RECHERCHE INTERDISCIPLINAIRE GRI-COVID19-ARCES SUR LE CONFINEMENT TOTAL AU SENEGAL
Professeurs membres du GRI-COVID19-ARCES
M. Serigne Omar SARR, pharmacien, FMPO, UCAD, Coordonnateur
M. Amath NDIAYE, économiste, FASEG, UCAD
M. Mbaye Thioub, médecin, FMPO, UCAD
M. Pape Ibnou NDIAYE, biologiste, FST, UCAD
M. Tidiane NDOYE, socio-Antropologue de la santé, FLSH, UCAD
Le confinement total est une stratégie de lutte contre une épidémie dont l’objectif est de ralentir la transmission de l’agent pathogène responsable de la maladie. Elle vise essentiellement à restreindre les contacts humains et à limiter les déplacements. Elle arrive au troisième stade de lutte après l’échec des mesures barrières, d’hygiène des mains et de distanciation sociale. Elle a été utilisée en Chine avec des résultats jugés satisfaisants.
Mais est-ce à dire que cette stratégie est pertinente pour un pays comme le Sénégal ? Le modèle de la Chine ou des pays du Nord peut-il être reproduit en Afrique en général ou au Sénégal en particulier ? La réponse à ces questions est loin d’être évidente. Pour y arriver, il est nécessaire d’analyser les différentes variables qui entrent en jeu et dont la confrontation peut aboutir à une prise de décision objective.
L’expérience de plusieurs pays asiatiques – dont la Corée du Sud, Taiwan, Singapour –, qui ont réussi à endiguer l’épidémie sans aller jusqu’à un confinement total de la population confirme la réussite de l’approche de large dépistage. Après l’Asie, le cas allemand confirme le succès du dépistage massif.
Au Sénégal, et en Afrique la cinétique de l’épidémie est beaucoup plus modérée qu’ailleurs. Le confinement général tant galvaudé au Sénégal obéirait-il à une logique purement médicale ?
Où se trouve la nécessité de ralentir une cinétique qui est déjà très lente avec un système de santé qui n’a jamais été débordé ?
De plus, ses effets collatéraux néfastes sur le système hospitalier pourraient à terme entrainer une mortalité hors COVID19 plus importante que celle liée au Coronavirus.
Enfin, le confinement total pourrait ralentir l’installation de l’immunisation collective de la population qui est absolument nécessaire en l’absence d’un traitement clairement identifié pour l’instant.
Au vu de toutes ces données, un confinement total nous parait non pertinent dans la situation actuelle.
Nous préconisons d’alléger certaines mesures de restriction collectives et de promouvoir rigoureusement les mesures barrières individuelles qui peuvent être efficaces et suffisantes si elles sont bien suivies. En particulier, il nous semble sage de généraliser le port de masques barrières de qualité avec une bonne communication ciblée sur leur fonction et leur bon usage, et aussi d’évaluer de façon dynamique leur impact ainsi que celui des autres mesures de lutte entreprises jusqu’ici. Aussi conviendrait-il de mieux protéger les groupes à risque notamment les personnes âgées et porteuses de comorbidités avec un système de confinement adapté à leur situation, le pic épidémique étant prévu entre mi-mai et début juin 2020 après modélisation.
Par ailleurs, la stratégie du dépistage massif accompagné de la généralisation du port du masque semble plus efficace. En effet, du fait d’un dépistage plus massif, l’Allemagne a 20% de plus de cas confirmés en densité que la France (267 par million d’habitants contre 216) au total. Si on élargit la comparaison aux pays asiatiques que sont la Corée du Sud, Taiwan et Singapour ayant pratiqué un large dépistage, la France présente une densité de décès 14 fois supérieure à la moyenne (16,4 vs 1,2 par million d’habitants).
Touchée de plein fouet par la pandémie de coronavirus, l’économie sénégalaise, qui espérait réaliser un taux de croissance de 6,8% à la fin de cette année, pourrait en faire seulement 3%.
Le Tourisme, les transports aériens, l’hôtellerie et la restauration sont les branches les plus affectées. Les transferts des émigrés sénégalais sont en chute et plus de risques vont peser sur les investissements étrangers. Par ailleurs, des conséquences sociales graves vont affecter le secteur informel qui représente 96,4% des emplois. Compte tenu de sa place dans l’économie et de son caractère précaire, le secteur informel risque de générer un chômage massif et plus de pauvreté, lesquels vont favoriser la propagation de pathologies diverses.
Outre les craintes inhérentes à l'effondrement de l'économie nationale, le sort des couches sociales vulnérables suscite des inquiétudes majeures, à l'idée d'un confinement total du pays.
D’après nos estimations, en cas de confinement total au Sénégal, l’année 2020 connaitrait une récession économique de -9,9% par rapport au PIB de 2019, c’est-à-dire 1485 milliards de baisse du produit intérieur brut. A titre de comparaison la Banque de France prévoit, pour l’économie française, une récession de -1,5% par quinzaine de confinement, ce qui correspond à -3% pour un mois mais avec un taux d’activité de 32% ; et pour l’année 2020 une récession de - 9% est prévue.
Le Sénégal dans un scénario de confinement total d’un mois, d’après nos estimations se retrouverait à -9,9% de récession avec un taux d’activité de 33,64%. La perte fiscale serait de 297 milliards ou 7,4% du budget 2020. Le secteur informel subirait une perte de revenu de 594 milliards. Le coût économique total d’un mois de confinement total pour le Sénégal serait supérieur à 2485 milliards CFA (16,56% du PIB) et aurait son corollaire en termes de chômeurs, d’augmentation de la pauvreté et d’instabilité sociale et politique.
En revanche, une stratégie alternative de dépistage serait plus efficiente. En effet, le coût de dépistage s’élève à un peu plus de de 310 milliards de francs CFA soit presque 5 fois inférieur au coût fiscal d’un mois de confinement. Mais cela représente un coût 8 fois inférieur au coût économique total d’un mois de confinement.
Si le dépistage massif est accompagné de la généralisation du port du masque, nous obtenons un coût économique plus faible. En effet, si les masques sont produits localement et destinés à la population de plus de 5 ans, la valeur de la production sera de 34 milliards 560 millions de CFA. Si l’on déduit ce montant du coût du dépistage, nous aurons un coût économique final de 275 milliards 460 millions de CFA pour l’économie ; ce qui représente un coût 9 fois inférieur au coût économique total d’un mois de confinement.
Les mesures de résilience économique et sociale arrêtées par le gouvernement pour un budget de 1000 milliards CFA dans l’ensemble vont dans le bon sens mais il convient de dire que le secteur informel et le secteur agro-sylvo-pastoral doivent mériter une attention particulière. D’une part parce qu’ils contribuent pour près de 50% au PIB et d’autre part parce qu’ils regroupent 95% des emplois.
Compte tenu des capacités financières limitées de l’Etat, la banque centrale doit monter au créneau pour entrainer le système financier dans une nouvelle dynamique de crédit à l’économie.
Cette crise appelle à un changement de paradigme de la politique économique. L’urgence c’est la transformation sur place des produits de base. Elle est la voie salutaire pour enclencher un développement endogène et durable qui réduirait notre vulnérabilité aux chocs externes.
La stratégie d’industrialisation doit être basée sur la capacitation des petites unités de production de biens permettant la satisfaction des besoins essentiels des populations. Elle est transposable dans tous les autres pays africains et pour cette raison, elle doit être pensée dans un cadre régional.
Ensuite, en plus de l’industrialisation, il faut aussi accroître l’investissement dans la gestion des risques et dans la protection sociale.
INTRODUCTION
Dans le but de formaliser et valoriser les nombreuses réflexions de certains résidents de la deuxième Cité des Enseignants du Supérieur de Mermoz (ARCES), et apporter une contribution scientifique à la riposte contre le COVID-19, il a été mis sur pied un groupe de recherche interdisciplinaire dénommé GRI-COVID19-ARCES. La coordination de ce groupe de travail électronique s’est faite :
-en créant un groupe whatsapp ouvert à tout volontaire à la date du 30 mars 2020 (GRI-COVID19-ARCES);
-une plateforme de travail électronique slack ouvert à tout volontaire à la date du 31 mars 2020 (gri-covid19-arces.slack.com);
-en partageant une note d’information avec tous les résidents le 31 mars 2020;
-en informant M. le Recteur de l’UCAD à la date du 02 avril 2020 ;
-en informant M. le MESRI via le DGRI à la date du 10 avril 2020;
-en créant trois sous-groupes de travail :
Médical-biomédical,
Economie,
Sociologie-communication-histoire-droit.
Le présent rapport intérimaire porte essentiellement sur le confinement. D’autres rapports suivront sur le diagnostic, les traitements et d’autres aspects de la maladie. Il comporte trois thèmes :
Confinement total au Sénégal : est-ce une stratégie médicalement pertinente ?
Analyse économique du confinement et des stratégies alternatives
Catégories de métiers menacées par le confinement ? Quelles stratégies de protection sociale ?
CONFINEMENT TOTAL AU SENEGAL : EST-CE UNE STRATEGIE MEDICALEMENT PERTINENTE ?
Le confinement total est une stratégie de lutte contre une épidémie dont l’objectif est de ralentir la transmission de l’agent pathogène responsable de la maladie. Elle vise essentiellement à restreindre les contacts humains et à limiter les déplacements. Elle arrive au troisième stade de lutte après l’échec des mesures barrières, d’hygiène des mains et de distanciation sociale. Elle a été utilisée en Chine pour la première fois avec des résultats jugés satisfaisants.
Il parait pertinent de s’interroger sur le timing idéal de ce confinement total: doit-on le mettre en œuvre tôt avant la flambée de l’épidémie ou attendre le début de la saturation du système ? Doit-il être mis en œuvre quand on a encore la carte du port généralisé de masques barrières à jouer?
Si on remet les choses dans leur contexte, le confinement total a essentiellement pour objectif spécifique d’éviter la saturation des structures hospitalières lorsque l’afflux trop massif de patients ne peut plus être absorbé par l’offre de soins disponible pendant la même période. Elle ralentit, endigue l’épidémie mais ne l’arrête pas. Cela explique sa mise en œuvre seulement après l’échec des mesures moins lourdes.
En Chine le confinement a permis d’endiguer la maladie en deux mois et de reprendre progressivement les activités stratégiques dans le pays.
Mais est-ce à dire que cette stratégie est pertinente pour un pays comme le Sénégal ? Le modèle de la Chine ou des pays du Nord peut-il être reproduit en Afrique en général ou au Sénégal en particulier ? La réponse à ces questions est loin d’être évidente. Pour y arriver il est nécessaire d’analyser les différentes variables qui entrent en jeu et dont la confrontation peut aboutir à une prise de décision objective.
La cinétique de l’épidémie au Sénégal
Le Sénégal a enregistré son premier cas de coronavirus le 02 Mars 2020 et compte à ce jour (27 avril 2020) 736 cas dont 284 guéris et 09 décès (patients âgés de plus de 60 ans avec des comorbidités) après 55 jours d’épidémie. La communication du ministère ne permet pas de connaitre la proportion de cas sévères enregistrés. Cette communication suit le même format que celui des média occidentaux annonçant sans discrimination un nombre brut de décès au quotidien. Aucune identification ou récit précis n’est fait autour des victimes comme on le voit souvent en cas d’attentat. Frédéric Keck, directeur de recherches au Laboratoire d’anthropologie sociale (CNRS) faisait remarquer récemment l’absence totale de récits autour des morts du coronavirus.
Les chiffres notés au Sénégal, par ailleurs identiques à ceux de la majorité des pays de l’Afrique subsaharienne ne sont en aucune façon comparables aux chiffres du reste du monde (Europe et Amérique du Nord). Et bien qu’il faille corréler ces chiffres à la disponibilité des tests en Afrique, la mortalité elle, reste un élément objectif et ne peut souffrir d’aucune sous-estimation. La saturation des systèmes de santé, d’ailleurs prévue par l’OMS et tous les observateurs internationaux, n’est observée nulle part en Afrique. Evidemment nous sommes d’accord que le nombre de cas est largement sous-estimé, évidemment que le dépistage est insuffisant mais aujourd’hui nous avons le recul nécessaire pour affirmer que cette pandémie a incontestablement un profil diffèrent en Afrique. Les raisons sont sans doute multiples mais il parait évident que la jeunesse de notre population est le facteur déterminant. D’autres facteurs pourraient entrer en jeu mais des études plus objectives permettront de les mettre en évidence. Parmi ceux-ci, il paraît pertinent de citer l’immunité à médiation cellulaire conférée par la vaccination au BCG notamment. Une évolution lente de la maladie favoriserait aussi l’immunité de groupe tant souhaitée qui nécessite d’atteindre un certain niveau de prévalence. En effet, le pic de l’infection serait prévu vers mi-mai et fin juin (Ndiaye B. et al., 2020).
Les caractéristiques du système de santé au Sénégal
Au Sénégal l’organisation du système de santé est de type pyramidal avec une hiérarchisation de l’offre de soins allant des cases de santé aux hôpitaux de niveau 4. Cependant cette organisation est plutôt théorique car les patients arrivent très souvent directement à l’hôpital sans passer par les structures de niveau inférieur. De plus la pérennité des soins c’est à dire la disponibilité de l’offre 24 h / 24 n’est assurée quasiment que dans les hôpitaux. La médecine de famille est quasiment inexistante. Les soins pré-hospitaliers (SAMU, SOS) ne sont pas encore bien installés et leur coût les rend difficilement accessible à une partie importante des sénégalais. Ainsi la grande majorité des patients qui viennent à l’hôpital en urgence sont amenés par des taxis.
Impact du confinement sur l’accès aux soins
Conséquence de l’organisation de notre système sanitaire, un confinement va nécessairement limiter l’accès aux soins, notamment les patients qui se présentent en situation d’urgence. De plus beaucoup d’hôpitaux notamment à Dakar traitent des patients atteints de Covid 19 alimentant ainsi la peur chez la population qui ne viendra à l’hôpital que contrainte et forcée. Par conséquent nous risquons une surmortalité et une morbidité supplémentaire pour les pathologies autres que le COVID 19. La réduction des activités programmées notamment les consultations et les chirurgies pourrait renforcer ces craintes.
Aussi, les changements d’horaires de travail de certaines officines de pharmacie tenant compte des difficultés de mobilité de certaines catégories d’employés, contribue dans une certaine mesure à retarder l’accessibilité géographique aux médicaments et autres produits de santé en cas d’urgence.
Impact du confinement sur la mobilité des soignants
La raréfaction des moyens de transports va rendre plus difficile l’accès des soignants aux structures hospitalières. En effet la grande majorité des personnels de soins emprunte les transports en commun pour aller à leurs lieux de travail. Ces problèmes de mobilité imposeront nécessairement des modifications des plannings de travail qui n’obéiront plus à des impératifs purement médicaux. Toutes ces difficultés cumulées seront responsables d’une fatigue surajoutée toujours délétère à la bonne marche des soins.
Impact du confinement sur les pathologies liées à la sédentarité
Le confinement pourrait être à l’origine d’une sédentarité plus importante au-delà d’une certaine durée. L’absence d’activité physique régulière pourrait déséquilibrer des pathologies comme le diabète ou entrainer l’augmentation des pathologies cardio-vasculaires.
Impact du confinement sur l’immunité collective au COVID
Les infections virales confèrent après une certaine durée une immunité collective. L’installation de cette immunité nécessite une circulation du virus chez une proportion assez importante de la population. Le confinement en ralentissant la transmission de la maladie va également entraver cette immunité collective et par conséquent favoriser une pérennisation de l’épidémie.
Impact du confinement sur la contamination du COVID-19
Il convient de souligner que les tests numériques réalisés ci-dessous, doivent être compris sous forme d'hypothèses. Si rien n'est fait à temps, il pourrait être possible de tomber sur les prévisions ci-dessous (pic atteint en mi-Mai 2020, Figure 1). Il urge d'organiser des actions minimales pour atténuer fortement les dommages causés par le COVID19 au Sénégal.
Conclusions et recommandations
Plusieurs analyses scientifiques ont montré que la propagation du virus obéit à un modèle presque constant dans tous les pays.
Au Sénégal, et en Afrique la cinétique de l’épidémie est beaucoup plus modérée qu’ailleurs. Le confinement général tant galvaudé au Sénégal obéirait-il à une logique purement médicale ?
Un confinement, a pour objectif de ralentir la transmission de la maladie. Mais où est la nécessité de ralentir une cinétique qui est déjà très lente avec un système de santé qui n’a jamais été débordé ?
De plus ses effets collatéraux néfastes sur le système hospitalier pourraient à terme entrainer une mortalité hors Covid plus importante que celle liée au Coronavirus.
Enfin le confinement pourrait ralentir l’installation de l’immunité collective qui est absolument nécessaire en l’absence de traitement clairement identifié.
Au vu de toutes ces données un confinement total nous parait non pertinent dans la situation actuelle.
Nous préconisons d’alléger avec intelligence et de façon concertée certaines mesures de restriction collectives et de promouvoir rigoureusement les mesures barrières individuelles qui peuvent être efficaces et suffisantes. En particulier, il nous semble sage de rendre disponible des masques barrières de qualité avec une bonne communication sur leur bon usage et d’évaluer leur impact ainsi que celui des autres mesures de lutte entreprises jusqu’ici.
Cependant, nous recommandons de protéger les groupes à risque notamment les personnes âgées et porteuses de comorbidités avec un système de confinement adapté à leur situation.
Faudrait-il utiliser le ressort de la peur ou de l’émotion pour faire adhérer aux prochaines mesures? La peur pourra faire modifier les comportements à court terme mais à long terme, cela peut être contre-productif car personne ne peut vivre constamment dans la peur. Et au bout d’un moment, le risque est que s’élaborent des contre-récits qui, pour juguler la peur, peuvent déboucher sur des comportements peu rationnels comme le souligne Jocelyn Raude (EHESP).
Enfin, il convient de rappeler que l’acceptation des mesures de santé publique et leur mise en œuvre, implique que la population soit convaincue de leur efficacité et puisse en supporter les effets indésirables inévitables.
ANALYSE ECONOMIQUE DU CONFINEMENT ET DES STRATEGIES
ALTERNATIVES
Le confinement de plus de la moitié de la population mondiale met l’économie mondiale à l’arrêt. Après la Chine, l'Europe et les Etats-Unis sont frappés de plein fouet par des chutes d'activité de 15% à 40% du PIB, les plongeant dans une crise inédite (Challenges). La plupart des économistes estiment que la crise du coronavirus COVID 19 sera plus dévastatrice que celle de 2008 surnommée la Grande Récession. Selon Bruno le Maire, le ministre de l’économie et des finances de la France, le choc est si violent qu’il faut plutôt le rapprocher de l’impact d’une guerre mondiale ou la Grande Dépression de 1929.
Dans le cadre de ce travail multidisciplinaire, nous voulons mettre en relief les coûts économiques liés aux différentes stratégies de lutte contre la pandémie du Covid 19. Il s’agit au bout de l’analyse d’indiquer la stratégie la plus efficiente pour l’économie du Sénégal.
Nous commencerons par regarder les expériences de confinement total à travers le monde, puis nous analyserons l’impact économique de la crise sanitaire sur l’économie du Sénégal avant d’évaluer ex ante le coût économique d’un confinement total au Sénégal. Enfin, nous conclurons et donnerons nos recommandations de politique économique.
Impacts économiques des Expériences Récentes de Confinement Total
Les expériences de confinement total ont transformé la crise sanitaire en crise économique aussi
bien dans les pays les plus développés que dans les pays émergents et moins avancés.
Chine
Etant le premier pays touché par la pandémie, les mesures radicales de confinement ont pesé indéniablement sur l’activité économique chinoise paralysant un peu plus la deuxième économie de la planète au risque de ralentir la croissance mondiale. Les statistiques du Bureau National de la Statistique chinois disponibles donnent une idée de l’impact de la crise sur ce pays. La valeur ajoutée dans l’industrie et les services (hors administrations) ont enregistré une baisse impressionnante de 13 % sur la période janvier-février par rapport à janvier-février 2019. Comme la croissance était auparavant de 6%, le décrochage du niveau de la valeur ajoutée est de l’ordre de 20%. Tenant compte du fait que la production des administrations publiques n’a probablement pas beaucoup baissé - dans le secteur de la santé, elle a même dû progresser fortement - on peut estimer que la contraction du PIB chinois au 1er trimestre 2020, par rapport au dernier trimestre de 2019, a été de 10% à 15%. En moyenne, une baisse trimestrielle de 13% se traduirait par une baisse de 9% en comparaison avec le 1er trimestre 2019. En supposant que le retour à une activité normale prenne six mois et soit suivi d’une croissance soutenue, le PIB chinois pourrait baisser d’environ 3% en 2020 avant de rebondir au-dessus de sa tendance en 2021 (Eric Chaney).
La fermeture de la plupart des entreprises et usines ont paralysé les chaînes de production à travers le pays. Wuhan et la province du Hubei, placés sous quarantaine, sont des centres névralgiques industriels (automobile, acier, télécoms). Les industries les plus susceptibles d’être immédiatement affectées sont la chimie, le textile, l’aéronautique, l’automobile, l’électronique et l’électrique, les hôtels et restaurants, selon Euler Hermes. La plupart des prévisionnistes s'attendent à ce que la croissance du PIB de la Chine au premier trimestre 2020 baisse de 1% à 2% par rapport au taux de croissance annuel de 6% qui prévalait avant l'apparition du virus.
D’un point de vue fiscal, Pékin pourrait augmenter ses dépenses publiques de 2,7 points de PIB que ce qui est déjà prévu en 2020, selon Euler Hermes. "Ces politiques budgétaires et monétaires peuvent atténuer l’impact économique de l’épidémie, notamment en évitant la faillite de nombreuses entreprises".
Dans l’union européenne nous pouvons analyser ces conséquences sur l’économie des trois pays les plus touchés par la crise sanitaire à savoir l’Italie l’Espagne et la France.
Italie
En Italie, le pays le plus touché en Europe par la crise du coronavirus, les mesures de confinement ont porté un coup dur sur l’économie Italienne.
Selon les chiffres de l'Institut national des statistiques Italien (Istat), même si le gouvernement italien arrive à enrayer cette crise avant le mois de mai, les pertes pourraient tout de même s'élever à 220 milliards d’euros cette année, et 55 milliards supplémentaires en 2021.
Si initialement les prévisions anticipaient une perte de PIB entre 1 % et 3 % au premier semestre par rapport à fin 2019, la situation actuelle en Italie est désormais celle d’un « LOCKDOWN » complet et la baisse est estimée à 8 %. (EDOARDO SECCHI).
L’Italie risque de vivre sa quatrième récession en douze ans. Selon les estimations du Fonds monétaire international, la dette publique devrait augmenter jusqu’à atteindre 137 % du PIB et le déficit sera de 2,6%.
Actuellement, environ 3 millions de personnes ne travaillent pas, soit 13,2% du total des salariés. Parmi eux, environ un million sont des travailleurs indépendants qui risquent de payer cette crise au prix fort, c’est-à-dire d’assister à la faillite de leurs entreprises.
Après Italie la deuxième économie de l’UE touchée par la pandémie poussant le gouvernement à prendre des mesures drastiques de confinement est l’Espagne.
Espagne
L’Espagne est désormais le deuxième pays en Europe le plus touché par la pandémie. Une situation qui a poussé le gouvernement à renforcer les mesures de confinement de la population, avec la suspension de la production de biens et services non essentiels.
Ces mesures de confinement total auront de lourdes conséquences sur l'économie espagnole. Près de 60% du système productif est concerné par ces mesures dont l'impact dépendra de la durée du confinement.
Dans un scénario optimiste avec une reprise des activités non essentielles à partir du 12 avril, la perte en termes de PIB serait de 3,6%. Or, la probabilité d'un déconfinement graduel commence à se confirmer, ce qui pourrait faire porter le coût de cette crise à près de 8,5 points de PIB pour 2020, qui se traduirait par une contraction de la consommation de près de 10% et de l'investissement de 8,3%.
Afin d’en limiter l’impact, au cours de ces dernières semaines, le gouvernement a multiplié les mesures de soutien. Un effort budgétaire de 10 points de PIB a été fait, dont près des deux tiers prennent la forme de garanties publiques de prêts aux entreprises. Elles sont accompagnées de mesures de préservation de l’emploi (élargissement du dispositif de chômage partiel et soutien aux indépendants et PME) et de mesures sociales (moratoire sur les hypothèques et les loyers) équivalentes à 3,3 points de PIB ce qui porterait le déficit public à 5,9% en 2020. Mais cette estimation ne prend pas en compte la baisse des recettes budgétaires inhérentes à la contraction de l’activité. Elle pourrait creuser davantage le déséquilibre des finances publiques jusqu’à -10% du PIB.
France
Selon Xavier Timbeau, directeur principal de l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE), la France va perdre entre 2 et 3% de son produit intérieur brut annuel par mois de confinement, soit entre 45 et 70 milliards d’euros. Donc si, dans un scénario très pessimiste, ça devait durer 6 mois c’est 10 et 15% du PIB annuel qui sera perdu.
Les enquêtes de conjoncture de mars 2020 de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) montrent une lourde chute du climat des affaires résultant de la pandémie du coronavirus. Les climats des affaires sont présentés par secteurs et au niveau global dans le Point de conjoncture du 26 mars.
Au niveau global, le climat des affaires perd 10 points. Il s’agit de la plus forte baisse mensuelle de l’indicateur depuis le début de la série (1980). L’indicateur du climat de l’emploi connaît également sa plus forte chute depuis le début de la série (1991). Il perd 9 points. D’après les projections des économistes du laboratoire de recherches rattaché à Sciences-Po Paris, plus de 5,7 millions de salariés, soit 21% de l'emploi salarié, pourraient se retrouver au chômage partiel. Le 27 Mars, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a précisé que plus de 220000 entreprises avaient eu recours à ce dispositif pour environ 2,2 millions de salariés. Pour faire face au marasme, le gouvernement incite les entreprises à recourir à ce type de mesure pour éviter les licenciements massifs et faciliter la reprise.
Le coût estimé pour les finances publiques serait d'environ 12,7 milliards d'euros et la perte de cotisations sociales est estimée à 8,7 milliards d'euros. Au total, l'enveloppe budgétaire pourrait dépasser les 20 milliards d’euros. L’exécutif pourrait rapidement revoir ses prévisions à la hausse.
D’un autre coté les estimations de l’INSEE montrent que la perte d’activité économique est actuellement estimée à 35 % par rapport à une situation « normale » et le ministère de l’Économie annonce une récession de 9% pour 2020.
Dans les pays émergents et les pays moins avancés, le confinement total a été plus dévastateur sur le plan économique et social.
Afrique du Sud
Après avoir instauré le confinement total, le pays risque de payer un coût économique et social très élevé. Non seulement le confinement reste inefficace dans les townships où les populations vivent entassées mais ces dernières ont du mal à le respecter.
La banque centrale sud-africaine a annoncé que le pays, déjà en récession, subirait probablement une contraction de son PIB de l’ordre de 6,1% en 2020. D’après ses premières estimations, la nation pourrait perdre au moins 370 000 emplois cette année, alors que le chômage officiel frôle déjà les 30 %. Les prévisions du FMI quant à elles s’attendent à une récession économique de 5,8% en 2020.
Nigeria
Le Nigeria, riche en pétrole, a été frappé par la chute de la demande d'énergie déclenchée par le blocage mondial contre COVID-19. Ce pays de près de 200 millions d'habitants, compte un grand nombre de personnes vivant sous le seuil d'extrême pauvreté (plus de 87 millions en 2018). Le secteur informel contribue à 65 pour cent de son PIB.
Le gouvernement fédéral a imposé un confinement total dans les États de Lagos et d’Ogun ainsi qu'à Abuja (qui comptent le plus grand nombre de cas de coronavirus combinés). Le confinement a été bafoué par les populations qui ne pouvaient pas rester sans subvenir à leurs pressants besoins quotidiens et du fait que l’aide de l’Etat était largement insuffisante. La situation est d'autant plus inquiétante que la faim et la criminalité semblent se diffuser dans tous les quartiers de ces mégapoles.
Le Fonds monétaire international a annoncé que l'économie devrait reculer de 3,4% en 2020 et que la plus grande économie d'Afrique pourrait faire face à une récession qui durerait jusqu'en 2021. Et le taux de chômage du pays, déjà à 23 pour cent, devrait grimper encore plus haut. (Transcript of Sub-Saharan Africa Regional Economic Outlook Press Briefing, April 2020 April 15, 2020)
Asie du Sud
Un rapport de la Banque mondiale (Press release April 12, 2020) a également averti que les pays d'Asie du Sud, dont le Pakistan, l'Inde, le Bangladesh et l'Afghanistan, étaient sur le point de connaître leurs pires performances économiques depuis des décennies au lendemain de la pandémie.
Dans un contexte très évolutif et incertain, le rapport anticipe un repli de la croissance régionale situé dans une fourchette allant de 1,8 à 2,8 % en 2020, alors que les précédentes prévisions tablaient il y a six mois sur un taux de 6,3 %. Il s’agirait là de la pire performance enregistrée par l’Asie du Sud depuis 40 ans, tous les pays connaissant un ralentissement temporaire.
Si les confinements décrétés à l’échelon national devaient se prolonger et se durcir, les auteurs redoutent un scénario du pire, avec un taux de croissance régional négatif en 2020.
Ce sont les Maldives qui vont souffrir le plus avec l'effondrement des revenus du tourisme qui risque de provoquer une contraction du PIB de 13 %, alors que celui de l'Afghanistan risque de se contracter de 5,9 % et celui du Pakistan de 2,2 %.
L'Inde, dont l'année fiscale débute le 1er avril, devrait enregistrer un PIB de 1,5-2,8 %, contre 4,8-5,0 % pour l'année qu'elle vient d'achever.
La Banque mondiale estime en outre que la pandémie aggravera les inégalités dans la région, les populations les plus pauvres n'ayant qu'un accès limité, ou pas d'accès du tout, aux systèmes de santé et aux aides sociales.
En Inde, les mesures de confinement ont eu pour conséquence de mettre au chômage des centaines de milliers de travailleurs migrants, qui n'ont eu d'autre choix que de regagner leur région d'origine, parfois à pied.
Au Pakistan, Le Premier ministre a toutefois noté que le confinement d'un mois a perturbé l'activité économique et que des millions de journaliers ont perdu leurs emplois. Les commerçants ont rejeté l'extension du confinement et ont annoncé la reprise de leurs activités. Ceux du Punjab, la province la plus peuplée du pays, ont demandé la réouverture partielle des entreprises.
Les mesures de confinement ont été prises dans de nombreux pays pour limiter la charge sur le système de santé et en particulier en soins intensifs du fait des caractéristiques particulières du virus COVID-19. Les premières études révèlent que les mesures de confinement paralysent l’économie de ces pays du fait la plupart des activités sont mises à l’arrêt. Du coup si le confinement a eu un impact colossal sur l’économie des pays développés comme la Chine, l’Italie, l’Espagne ou la France et qu’il a été plus dévastateur dans les pays émergents à savoir Afrique du Sud, Nigéria Inde Pakistan, quel en sera le tribut économique dans les pays en développement comme le Sénégal avec des structures socioéconomiques plus vulnérables?
2. Impact économique et social de covid 19 au Sénégal
Bien que relativement épargné par l’épidémie, le continent africain n’en subit pas moins les conséquences économiques notamment du fait de la chute des cours des matières premières et du tourisme international dont des pays comme le Sénégal tirent des revenus substantiels. (Egypte, Kenya).
Touchée de plein fouet par la pandémie de coronavirus, l’économie sénégalaise, qui espérait réaliser un taux de croissance de 6,8% à la fin de cette année, pourrait en faire seulement 3%, a déclaré le président de la République.
2.1 L’économie Sénégalaise entre Ralentissement Et Récession
Elle subit de plein fouet la récession économique de ses principaux partenaires commerciaux que sont l’Europe et la Chine. Par ailleurs ses partenaires commerciaux africains étant durement impactés par la crise mondiale, le Sénégal va voir ses exportations chuter drastiquement.
Au niveau du marché intérieur les restrictions dans la circulation des biens et des personnes et le pessimisme des agents vont doublement affecter l’offre et la demande sur les différents marchés de biens et services. La désorganisation des chaines de valeur et du commerce va non seulement alourdir les coûts de transaction mais elle va aussi contribuer à désorganiser les marchés.
Le Tourisme, les transports aériens, l’hôtellerie et la restauration sont les branches les plus affectées.
Le secteur touristique représente environ 7% du Produit intérieur brut (PIB) sénégalais. La tendance expansionniste du Coronavirus à l'échelle du monde a mis en quarantaine le tourisme mondial, avec des prévisions de pertes en dépenses touristiques estimées par l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) à entre 30 et 50 milliards de dollars en 2020, voire beaucoup plus si la crise se prolonge. La France qui est le principal marché pourvoyeur de touristes dans notre pays avec plus de 30% de nos visiteurs, est durement frappée par la pandémie. Elle en est, du reste, réduite à de fortes mesures de confinement. Ces mesures prévalent également dans le reste de l'Europe, en Amérique, en Asie. Tout cela s’est traduit par une récession à incidences socioéconomiques graves (chômage, fermetures temporaires, faillites) dans la branche touristique, notamment dans les domaines du transport aérien (agences de voyage), de la restauration et de l'hôtellerie où le taux de remplissage des hôtels était seulement d'environ 35% avant l'avènement du Covid-19.
Les transferts des émigrés sénégalais en chute :
Les transferts envoyés au Sénégal annuellement par les Sénégalais de la diaspora par le canal des circuits formels sont estimés à plus de 1000 milliards de FCFA et environ 10% du PIB. Cette contribution de taille a pour effet majeur d'améliorer le pouvoir d'achat dans le pays, de booster la consommation des ménages et d'alléger le poids de la demande sociale vis-à-vis de l'Etat.
En effet, au-delà des lendemains incertains qui angoissent en ces temps nos compatriotes établis dans ces pays, suffisants pour les pousser davantage à l'épargne, bon nombre d'entre eux se retrouveront au chômage ou en arrêt de travail temporaire, donc en défaut de revenus. Toutes choses qui auront un effet compressif sur le volume des entrées d'argent à partir de l'extérieur.
Plus de risques sur investissements étrangers :
Les incertitudes et les inquiétudes vis-à-vis de l'avenir, nées de la pandémie, auront aussi pour corolaire le ralentissement de la circulation des capitaux et la diminution des flux mondiaux des Investissements directs étrangers (IDE).
C'est ce que confirme d'ailleurs le rapport du 08 mars 2020 de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED).
Selon le document, la croissance annuelle des IDE devrait être réduite de -5% à -15%. Le rapport prédit une proportionnalité inverse entre le degré de contamination à l'intérieur des Etats et leur attractivité vis-à-vis des IDE pour 2020-2021.
De ce point de vue, le Sénégal ne se trouve pas, pour l'instant, en si mauvaise posture, au regard du nombre de cas de contamination enregistrés à ce jour.
De plus, dans sa perspective de production de pétrole et de gaz à partir des tout prochaines années, le Sénégal s'est inscrit dans une démarche de recherches d'investissements colossaux dans son secteur extractif. Or, les chocs négatifs occasionnés par la crise sanitaire sur la demande mondiale de pétrole et de gaz sont tels que le rythme des IDE dans le secteur de ces hydrocarbures risque de connaître un ralentissement conséquent. (Ahmadou L. Toure 2020).
De la même manière, l'on peut s'inquiéter au sujet de l'accomplissement à temps des engagements financiers obtenus par le Sénégal, à l'occasion du Groupe consultatif de Paris de décembre 2018, auprès des bailleurs internationaux et d'investisseurs privés dans le cadre de la mise en œuvre de la phase 2 (2019-2023) du Plan Sénégal Émergent (PSE).
Des conséquences sociales graves notamment sur le secteur informel
L’emploi informel prédomine dans l’économie sénégalaise. En effet, 96,4% des emplois sont générés par le secteur informel contre 3,6% d’emploi du secteur formel. Ce sont les résultats issus de l’Enquête régionale intégrée sur l’emploi et le secteur informel (Eri-Esi). Selon l’Eri-Esi, le secteur informel non agricole compte 1689 613 chefs d’unités de production informelles et emploie 809606 personnes en 2017, soit 2499219 emplois générés par ledit secteur.
En effet, plus de 99% des emplois agricoles du secteur privé ou de celui des ménages sont informels. Dans les activités non agricoles, les proportions d’emplois informels sont estimées à 97,3% et 99,6% respectivement dans le secteur privé et celui des ménages. L’emploi formel est principalement noté dans le secteur public.
Avec un taux de 75,7%, l’emploi vulnérable affecte plus les femmes que les hommes (58,4%). Contrairement à l’emploi vulnérable, l’emploi précaire est plus présent chez les hommes avec un taux de 30,2% contre 24,3% pour les femmes. Les taux d’emplois vulnérable et précaire sont estimés respectivement à 82,1% et 18,0% en milieu rural, 59,5% et 33% dans les autres milieux urbains et 47,6% et 37,3% à Dakar urbain.
Compte tenu de sa place dans l’économie et de son caractère précaire, le secteur informel risque de générer un chômage massif et plus de pauvreté, lesquels vont favoriser la propagation de pathologies diverses.
3. Hypothèse de Confinement Total au Sénégal
La stratégie du confinement total est adoptée dans plusieurs pays avec des coûts élevés. Nous tenterons d’en évaluer ex-ante le coût au Sénégal et discuter les conditions de sa faisabilité.
3.1 Coûts Economiques et Sociaux du Confinement Total au Sénégal
Outre les craintes inhérentes à l'effondrement de l'économie nationale, le sort des couches sociales vulnérables suscite des inquiétudes majeures, à l'idée d'un confinement total du pays. En effet, pour ce qui est, d'un côté, des différents secteurs de l’économie sénégalaise dont une partie importante subit déjà le contrecoup de la crise sanitaire mondiale, c'est la menace d'un abîme généralisé qui s'opère avec la perspective du confinement : chute de l'activité productive, secteur informel à genoux, aggravation de la baisse du chiffre d'affaires des entreprises en proie déjà au marasme ambiant, pertes colossales de recettes pour l'Etat, chômage massif, arrêts provisoires de travail lourds d'incidences financières dans le public comme dans le privé, faillites à la pelle, raréfaction de l'investissement, recul de l'initiative entrepreneuriale, régression significative de la consommation des ménages, insoutenabilité du service de la dette publique, aggravation du déficit budgétaire, etc.
D'un autre côté, au titre des dommages sociaux, ils pourraient atteindre des proportions à la limite de la famine. Les Sénégalais sont, pour une large part, aux prises avec la pauvreté, obligés de pourvoir chaque jour aux besoins vitaux les plus élémentaires (hygiène, alimentation) au bénéfice de leurs familles souvent nombreuses.
Une vie au jour le jour, lot quotidien d'une majorité de compatriotes dans les villes comme dans les campagnes, dont on peut s'inquiéter à juste titre de leurs capacités de résilience en temps de confinement total. Aussi, il y a le secteur informel qui serait entièrement affecté alors qu'il génère plus de 95% des emplois dans le pays. De l'agriculture au commerce, en passant par l'artisanat, la main d'œuvre, entre autres, les différentes composantes de l'informel seraient mises en berne, avec des pertes insurmontables de revenus conduisant à des conséquences sociales dramatiques en termes de paupérisation, de surendettement et de crise alimentaire.
C’est donc dire que notre système d’interactions sociales, en particulier, la nature fondamentalement informelle du système de production sénégalais pose un risque de taille à la réussite des politiques de confinement et de distanciation sociale. Notre système de production repose en effet sur un complexe écosystème de petits acteurs informels, sur lesquels l’Etat n’a que très peu de visibilité, encore moins de contrôle. Les entreprises individuelles, les entreprises familiales, les autres micro- et nano-entreprises, évoluant dans l’agriculture, l’industrie et les services, constituent plus de 97% de notre outil de production. Ils contribuent au PIB pour au moins 40% et à l’emploi, pour au moins 95%. Ces activités sont souvent très faiblement mécanisées, très peu productives, et à fort contenu de main- d’œuvre. Ce qui fait dire à Pr Ahmadou A. Mbaye (2020) que la promiscuité est leur caractéristique dominante : promiscuité dans les pirogues qui s’adonnent à la pêche artisanale, dans les marchés aux légumes et au poisson, aux abattoirs et autres marchés à ciel ouvert, dans les bus, taxis, et autres systèmes de transport, dans les gargotes et autres dibiteries, dans les unités de transformation de poissons et autres produits primaires. Face à une telle configuration de l’activité productive, toute mesure de distanciation sociale passera forcément par une forte contraction, voire un arrêt total d’une bonne partie des activités productives du pays. Ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de risques.
a) Il y a, en effet, un important risque de perturbation, voire de rupture des chaines de production et de distribution des produits de consommation de masse. Ce qui, en augmenterait les prix, et favoriserait par là-même l’instabilité sociale, en particulier dans les zones urbaines, du fait de la nature sensible des produits concernés.
b) Par ailleurs, les moyens de subsistance de l’écrasante majorité des sénégalais deviennent menacés, si on considère qu’environ seulement 500.000 personnes sont employées dans les institutions publiques et privées formelles et que la quasi-totalité des autres ont des revenus informels, souvent précaires.
c) La réalisation des scénarios a) et b) couplerait pertes de moyens de subsistance et baisse substantielle, voire perte totale de revenus, pour la majorité des sénégalais.
d) La récession sera inévitable dans ce cas de figure. Etant donné que les activités informelles représentent environ 40% du PIB sénégalais, une réduction de la production informelle de moitié, toutes choses étant égales par ailleurs, induirait une baisse du PIB de l’ordre de 20%. Lorsque nous considérons le ralentissement des activités au niveau même du formel (hôtels à l’arrêt, activités aéroportuaires suspendues, restaurants fermés, autres activités au ralenti), il ne serait pas exagéré d’anticiper une très forte réduction du PIB, de l’ordre de 50% ou plus.
e). Ce qui, en retour, priverait l’Etat de ses moyens d’interventions usuels, et mettraient en péril les filets sociaux existants ou annoncés.
f) Enfin la situation de fragilité découlant de cet état de fait serait de nature, si elle n’est pas correctement maitrisée, à culminer vers une situation d’instabilité politique.
Pour toutes ces raisons, analysées et invoquées par le Pr Ahmadou. A. MBaye (2020) les conséquences sociales des nécessaires mesures de confinement qui touchent directement les moyens de subsistance des personnes les plus démunies, doivent être appréhendées et prises en compte dans la prise de décision.
3.2. Scénario de Confinement Total : Estimations des Coûts Economiques
Il s’agit d’estimer ex-ante les coûts économiques d’un confinement total à l’instar de ce qui se passe dans plusieurs pays.
Pour cet exercice de prévision nous utilisons les comptes nationaux du Sénégal de 2017 et 2018. Pour plus de détails nous avons pris les données trimestrielles et la nomenclature en 22 branches.
Hypothèse 1. En cas de confinement, vraisemblablement quelques branches continueraient à fonctionner pour assurer les besoins de base de la population. Dans le cadre du Sénégal nous considérons que les branches suivantes continueraient de fonctionner :
L’eau et l’assainissement
L’électricité
L’Agriculture
La pêche
Et l’élevage
La fabrication des produits agro-alimentaires
Les télécommunications
Le commerce des produits pharmaceutiques, des denrées et du carburant continuerait de fonctionner. Nous supposons que la branche commerce va fonctionner à 50% de ses capacités pour assurer la distribution des produits.
Le transport avec 20% de ses capacités (transport de marchandises)
Les activités financières à 20 % de leurs capacités pour assurer la circulation monétaire et les paiements.
A partir de ces hypothèses nous avons calculé le taux du coût économique qui est égal à 1 – taux d’activité de l’économie. Ce dernier n’est rien d’autre que la part des branches en activité dans le PIB.
Nous nous retrouvons avec un système économique rétréci et constitué de 10 branches sur 22 branches, le reste des branches 12/22 étant à l’arrêt.
D’après nos estimations, un mois de confinement total résulterait en une récession économique de 66,64% du PIB trimestriel c’est-à-dire 2998,8 milliards.
Avec une pression fiscale de 20% l’Etat verra une baisse de ses recettes fiscales pour un montant de 297 milliards sur 1 mois de confinement.
Hypothèse 2. Si le confinement se limite à 1 mois, pour connaitre le taux de croissance annuel nous supposons qu’il y a des effets de rattrapage ou d’ajustement de la dynamique de courte période sur celle de la longue période et que le niveau de la production potentielle ou optimale n’est atteint qu’à la fin du second trimestre. Sur la base des données du PIB trimestriel des comptes nationaux (ANSD 2019) nous avons calculé et trouvé un taux de croissance trimestriel moyen de 2,43 % sur les 2 derniers trimestres.
D’après nos estimations l’année 2020 connaitrait une récession économique de -9,9% par rapport au PIB de 2019 c’est-à-dire 1485 milliards de baisse de PIB. A titre de comparaison la Banque de France prévoit, pour l’économie française, une récession de -1,5% par quinzaine de confinement, ce qui correspond à -3% pour un mois mais avec un taux d’activité de 32% ; et pour l’année 2020 une récession de - 9% est prévue. Le Sénégal dans un scénario de confinement total d’un mois, d’après nos estimations se retrouverait à -9,9% de récession avec un taux d’activité de 33,64%.
La perte fiscale serait de 297 milliards ou 7,4% du budget 2020. Le secteur informel subirait une perte de revenu de 594 milliards.
Le coût économique total d’un mois de confinement total pour le Sénégal serait supérieur à 2485 milliards (16,56% du PIB). Ce coût aura son équivalent en termes de chômeurs, d’augmentation de la pauvreté et d’instabilité sociale et politique.
Un confinement d’un mois qui laisserait fonctionner une dizaine de branches économiques indispensables à l’approvisionnement de la population en produits essentiels se traduirait par une récession économique de dix pour cent du produit intérieur brut. Compte tenu de son coût élevé sur les plans économique, sanitaire et social, des alternatives à la stratégie de confinement total sont à rechercher. Un de ces alternatifs pourrait être l’approche par le dépistage massif.
3.3. Comparaison des coûts économiques d’un mois de confinement aux coûts de dépistage Massif
Nous pensons qu'une détection précoce des patients grâce à des tests précis, suivis d'un isolement, peut faire baisser le taux de mortalité et empêcher le virus de se propager.
L’expérience de plusieurs pays asiatiques – dont la Corée du Sud, Taiwan, Singapour –, qui ont réussi à endiguer l’épidémie sans aller jusqu’à un confinement général de la population confirme la réussite de l’approche de large dépistage. Après l’Asie, le cas allemand confirme le succès du dépistage massif. Le tableau 3 ci-dessous démontre l’impact des tests massifs sur la réduction de la mortalité dans deux situations comparables que sont la France et l’Allemagne. Au 25 mars 2020, le nombre de décès est 8 fois supérieur en densité par million d’habitants en France (16) qu’en Allemagne (2). Le seul jour du 24 mars, le nombre de décès par jour était 9 fois plus élevé en France (3,6) qu’en Allemagne (0,4), en densité par million d’habitants. L’Allemagne réalise environ 4 fois plus de tests que la France avec une capacité journalière de 5000 en France contre 20000 à 25000 en Allemagne.
Du fait d’un dépistage plus massif, l’Allemagne a 20% de plus de cas confirmés en densité que la France (267 par million d’habitants contre 216) au total. A noter que le 1er mars, la France comptait autant de cas confirmés au total que l’Allemagne (130).
Si on élargit la comparaison à 3 pays asiatiques ayant pratiqué un large dépistage (Tableau 4), la France présente une densité de décès 14 fois supérieure à la moyenne (16,4 vs 1,2 par million d’habitants).
Pourquoi tester massivement réduit la mortalité
D’abord, le dépistage massif permet à chaque individu infecté de le savoir avec certitude. Cette connaissance va l’inciter fortement à se confiner avec rigueur et à se soigner. En cas de forme grave, le diagnostic précoce, comme pour toute autre maladie, augmente la probabilité de guérison. Ainsi le dépistage massif présente le double avantage de mieux protéger la collectivité et l’individu.
Ensuite, le dépistage est important pour prendre les dispositions appropriées face à l’évolution de l’épidémie. Il permet aux autorités sanitaires de mieux comprendre la propagation de l’épidémie sur le territoire et de prendre des mesures basées sur des faits précis pour ralentir cette propagation.
A la lecture du Sitrep Numéro 13 du 20 Avril 2020, les informations suivantes se dégagent à savoir Vingt-cinq (25) districts sanitaires ont enregistré des cas, soit une proportion de 32% (25/78). La distribution géographique de cas montre que plus de 96% des cas se concentrent dans six régions : Dakar (236), Diourbel (avec Touba 34 cas), Louga (29), Thiès (26), Tamba (24) et Ziguinchor (13). A partir de ces informations, il est possible de pouvoir agir en connaissance de cause. Il est important à ce stade d’avoir une approche graduelle de la prévention et de la prise en charge en s’appuyant sur le profil épidémiologique. Ainsi on peut calculer le coût de dépistage massif dans ces six régions et le comparer avec le cout d’un mois de confinement. Connaissant le prix du kit de dépistage et le nombre d’habitants dans les zones les plus touchés on peut évaluer le coût. D’après les informations le kit de dépistage coûte aux environ de 40000 francs CFA. Les données sur le nombre d’habitants par région sont issues de la base de données de l’ANSD 2019.
On constate que le coût de dépistage s’élève à un peu plus de de 310 milliards de francs CFA soit presque 5 fois inférieur au coût fiscal d’un mois de confinement. Mais cela représente un coût 8 fois inférieur au coût économique total d’un mois de confinement. A noter que nous sommes dans une hypothèse pessimiste, le dépistage massif probablement sera plus faible et donc aura un coût beaucoup plus faible.
Si le dépistage massif est accompagné de la généralisation du port du masque nous obtenons un coût économique plus faible. En effet, si les masques sont produits localement et destinés à la population de plus de 5 ans, la valeur de la production sera de 34 milliards 560 millions de CFA. Si l’on déduit ce montant du coût du dépistage, nous aurons un coût économique final de 275 milliards 460 millions de CFA pour l’économie ; ce qui représente un coût 9 fois inférieur au coût économique total d’un mois de confinement.
En plus il faut noter que les règles de confinement strictes font subir un énorme choc négatif à l’économie. En revanche l’approche de dépistage massif est attrayante, car elle permettrait une reprise progressive des interactions sociales et de l’activité économique pour redémarrer le plus rapidement possible le système économique, une fois l’épidémie maîtrisée.
Si nous prenons l’expérience de la Corée du SUD on constate que son PIB s’est contracté de 1,8% au premier trimestre et l’économie souffre du ralentissement de la demande intérieure, avec un secteur des services qui tourne au ralenti, ce qui engendre de nombreuses pertes d’emploi. Pour autant, selon Hamid Bouchikhi, le choc devrait être de moindre ampleur que dans d’autres pays touchés par le Covid-19 comme la France (3% du PIB).
Conclusion et Recommandations
Les mesures de confinement ont été prises dans de nombreux pays pour limiter la charge sur le système de santé et en particulier en soins intensifs du fait des caractéristiques particulières du virus COVID-19. Les premières études ont révélé que les mesures de confinement paralysent l’économie de ces pays du fait que la plupart des activités sont mises à l’arrêt. Toutefois, notons que les pays qui, comme la Corée du Sud ou l’Allemagne, ont mis en œuvre des stratégies plutôt fondées sur des tests ciblés mais systématiques et massifs, sans recourir au confinement généralisé, sont moins touchés, ce qui pose évidemment la question de la pertinence des mesures de confinement, en comparaison avec les stratégies coréenne et allemande.
D’après nos résultats, pour le Sénégal, la stratégie du dépistage massif accompagnée de la généralisation du port du masque comparée au confinement total est cinq fois moins coûteux pour le budget de l’Etat et huit à neuf fois moins couteux pour l’économie nationale.
Avant d’en arriver à des recommandations de politique économique, il convient de souligner, que dans la période récente, le taux élevé de croissance de l’économie sénégalaise a été plus catalysé par la croissance de la demande intérieure que par celle des exportations. Cependant la production nationale ne couvre que 71% du marché intérieur d’où l’opportunité de profiter du repli des marchés extérieurs pour redynamiser la reconquête du marché intérieur.
Un Programme d’urgence économique et Social
Les mesures de résilience économique et sociale arrêtées par le gouvernement pour un budget de 1000 milliards CFA dans l’ensemble vont dans le bon sens mais il convient de dire que le secteur informel et le secteur agro-sylvo-pastoral doivent mériter une attention particulière. D’une part parce qu’ils contribuent pour près de 50% au PIB et d’autre part parce qu’ils regroupent 95% des emplois.
Compte tenu des risques de pénurie sur les marchés internationaux des produits agricoles, un soutien technique et financier doit être apporté au secteur agro-sylvo-pastoral pour l’aider à surmonter les perturbations des chaines de valeur et à mettre en place dans, le court terme, des plans de production capables de satisfaire la demande intérieure.
Le secteur informel doit impérativement bénéficier de soutien d’urgence en termes d’encadrement administratif, technique et financier pour contribuer davantage à la satisfaction de la demande intérieure et à la reconquête du marché intérieur. C’est aussi une occasion d’envisager sa transition vers le secteur formel à travers une modernisation de ses méthodes de production.
Le secteur agro-sylvo-pastoral et le secteur informel devraient bénéficier de crédits à travers la mise en place de fonds de financement ou de garantie. Pour ce faire, aussi bien les banques que les institutions de microfinance devraient être concernées. Renforcer les fonds alloués au FONGIP donnerait à ce dernier plus de capacités d’intervention auprès des PME/PMI et les entreprises du secteur informel.
Compte tenu des capacités financières limitées de l’Etat, la banque centrale doit monter au créneau pour entrainer le système financier dans une nouvelle dynamique de crédit à l’économie.
Des réponses structurelles pour l’économie sénégalaise
La crise économique qui va succéder à la crise sanitaire actuelle (COVID 19) suscite de grandes inquiétudes dans tous les coins de la planète. Les mesures de confinement adoptées dans la plupart des pays du monde pour ralentir la propagation du virus accélère sa survenance. Pour beaucoup d’experts, si rien n’est fait, elle pourrait avoir une ampleur comparable à celle de la crise de 1929. Pour y faire face, les gouvernements des puissances économiques n’ont pas lésiné sur les moyens. En effet, le monde va engager sa plus forte relance depuis le plan Marshall avec une relance budgétaire mondiale estimée à 5000 milliards de dollars, une baisse importante des taux d’intérêt et une « planche à billets » d’un montant de 4000 milliards du côté de la Réserve Fédérale américaine et 3000 milliards d’euros du côté de la Banque Centrale Européenne (BCE).
S’il est important d’apporter des solutions immédiates pour contenir la pandémie, il n’est pas moins important de réfléchir d’ores et déjà sur les politiques structurelles post-COVID 19 pour mieux préparer notre économie à de pareilles circonstances. Elles devront s’adosser sur une bonne compréhension de la nature de la crise à venir.
Le COVID-19 présente un assemblage de propriétés d’un choc d’offre et de demande
Le modèle d’économie « duale » d’Arthur Lewis décrit bien l’économie sénégalaise. Dans notre système de production, coexistent un secteur formel et informel. Le secteur informel y occupe une place importante.
Dans un tel contexte, les premiers effets économiques de la pandémie de COVID-19 se feront ressentir d’abord dans le secteur informel. Le confinement va se traduire par une contraction de l’offre du secteur informel à travers la rupture des chaines d’approvisionnements, la fermeture des bars restaurants et la baisse des services de transport.
L’offre du secteur informel sera aussi lourdement affectée par les tensions sur les échanges internationaux de biens alimentaires (riz, céréales etc…). Ces tensions sont nourries par les comportements de spéculations de certains pays exportateurs qui font des stocks de denrées alimentaires. Selon le Financial times, la Chine a fait des réserves de farines pour au moins une année. Dans cette même logique, des pays comme l’Argentine, l’Ukraine, la Russie qui nous fournissent respectivement 14,5%, 14,4% et 39,3% de nos importations de blé ont pris des mesures de restriction aux exportations pour sécuriser leurs approvisionnements. De ce point de vue, un mouvement de « repli sur soi » risque de se produire tout au moins en ce qui concerne les produits alimentaires.
De ce point de vue le choc qui va affecter l’économie à travers le secteur informel sera bien un choc d’offre négatif. Les finances publiques vont en pâtir. Il faut s’attendre à une perte des recettes fiscales qui risque de déboucher sur une baisse des revenus de la majeure partie de la population active (cette population active est employée dans le secteur informel et l’administration).
Les pertes de revenus seront exacerbées par une baisse importante des envois des émigrés. Ces transferts représentent 10% du PIB et il est prévu, sous l’hypothèse que le confinement ne dure pas dans le reste du monde (RDM), qu’ils vont subir une baisse de 30% selon les estimations du MEPC. Cette baisse des revenus va affecter négativement la demande. Vu sous cet angle, la crise correspond aussi à un choc de demande négatif.
Pour le moment, les mesures d’urgence prises par l’Etat (paiement des factures d’électricité et d’eau pour les ménages à faible revenu, les transferts directs etc…) cumulées à un maintien des salaires dans l’administration et dans certains secteurs (formels) permettent de maintenir la demande. Cependant si le confinement dure, la poursuite de ces mesures sera remise en cause pour la simple raison que notre Etat n’a pas les moyens de soutenir à moyen terme une telle politique dans un contexte où ses recettes fiscales baissent et ses dépenses augmentent.
La soutenabilité des mesures économiques prises par le gouvernement est subordonnée à la durée de la pandémie
La réaction budgétaire de l’Etat pour traiter immédiatement les difficultés de l’offre sont à saluer. Elle a consisté à des remises partielles de la dette fiscale, des suspensions d’impôts et des délais de paiement de la TVA recouvrée. Également l’objectif de mettre à contribution le secteur bancaire dans le cadre d’un partenariat pour éviter un effondrement du crédit est salutaire.
Cependant jusqu’à quel terme ces mesures peuvent-elles aller ? Du fait de l’incertitude liée à l’évolution et à l’ampleur de la pandémie et ses implications sur les échanges internationaux, jusqu’à quel terme les entreprises dont l’offre dépend des importations (les entreprises de distributions, de conditionnement etc…) peuvent-elles tenir sans avoir une contraction de leur production même si l’Etat continue à les soutenir ? Des inquiétudes peuvent aussi être émises sur la durabilité des mesures de soutien de la demande.
La crise à venir, si la pandémie n’est pas rapidement maitrisée sera plus profonde que celle du moment car nous n’avons pas les ressorts internes nous permettant d’absorber les chocs et de rebondir.
Le COVID-19 doit nous rappeler à un changement de paradigme du point de vue de nos politiques économiques
En toutes choses malheur est bon. En regardant le bon côté des choses, le COVID 19 doit nous rappeler qu’il est grand temps de changer de vision sur la marche économique de notre pays. Ce n’est pas la première ni la dernière fois que la planète connaitra une pandémie alors que les bases sur lesquelles repose notre économie sont fragiles face aux chocs externes.
Cette vulnérabilité continuera tant que l’on ne prenne pas des mesures structurelles face aux défis du développement. C’est pour cela qu’en plus des questions sanitaires et d’éducation, l’industrialisation doit être au cœur de notre vision de développement.
L’urgence c’est la transformation sur place des produits de base. Elle est la voie salutaire pour enclencher un développement endogène et durable qui réduirait notre vulnérabilité aux chocs externes. La stratégie d’industrialisation doit particulièrement viser les secteurs de production de biens permettant la satisfaction des besoins essentiels des populations. Le problème est bien évidemment de pouvoir définir pour chacun des secteurs des techniques de production intensive en main d’œuvre et utilisant peu d’inputs importés. De telles techniques peuvent exister dans les unités de traitement de riz, les huileries, les unités de transformation des céréales, le textile etc…
Une stratégie d’industrialisation basée sur la capacitation des petites unités de production de biens permettant la satisfaction des besoins essentiels des populations peut être une solution salutaire pour réduire la vulnérabilité de notre économie. Elle est transposable dans tous les autres pays africains et pour cette raison, elle doit être pensée dans un cadre régional.
Au-delà de la réponse immédiate à la crise, la pandémie de Covid-19 devrait être l'impulsion qui permettra de maintenir les acquis et d'accélérer la mise en œuvre de mesures attendues depuis longtemps pour placer le monde sur une voie de développement plus durable et rendre l'économie plus résistante aux chocs futurs.
Des efforts de grande ampleur doivent être déployés d’abord pour d’accélérer les investissements à long terme dans des infrastructures résistantes pour le développement durable, par des investissements publics et des incitations pour le secteur privé.
Ensuite en plus de l’industrialisation il faut aussi accroître l’investissement dans la gestion des risques et la préparation et un renforcement de la protection sociale.
Le rapport 2020 du FMI sur le financement du développement durable recommande par ailleurs d’améliorer les cadres réglementaires, par exemple pour décourager les emprunts privés excessifs lorsque la dette n'est pas destinée à des investissements productifs (par opposition à l'augmentation des rendements pour les actionnaires). Mais aussi de renforcer le filet de sécurité financière international et le cadre de viabilité de la dette.
Le degré de dépendance des producteurs nationaux à l'égard des marchés extérieurs devrait permettre aux décideurs de mieux orienter les mesures de soutien et également veiller à une coordination plus efficace des mécanismes de réduction de la vulnérabilité des entreprises et des agents économiques. L'application de ces mesures pourrait viser à protéger l'emploi et les revenus. La résilience aux chocs commerciaux extérieurs pourrait être améliorée en mettant l’accent sur le rôle moteur de la demande intérieure.
Des mesures spécifiques pourraient être prises pour les familles des territoires défavorisés et pour les entreprises rurales, renforçant ainsi la résilience de l’économie collective au niveau des collectivités territoriales.
La pandémie à Covid-19 a fait naître un nouvel ordre économique mondial. Dans cette dynamique, le Sénégal peut jouer sur ses atouts pour juguler les conséquences potentiellement néfastes pour son économie et redevenir un acteur déterminant, au retour à la normale de la situation globale, puisqu'il est doté d'immenses ressources naturelles - gisement de minerais, terres agricoles fertiles, combustibles, etc.
L’histoire nous enseigne, par ailleurs, que pour sortir la Chine de la situation économique dramatique, des années soixante-dix, dans laquelle l’avait plongée la révolution culturelle, Deng Xiaoping avait repris la politique des « quatre modernisations » (agriculture au sens large, industrie, sciences et techniques, défense nationale), introduite par Zhou Enlai dès 1964. En quatre décennies, le centre de gravité du développement économique mondial se situe aujourd'hui vers le pays du président Xi Jinping.
Références
Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie : ERI ESI Rapport final 2019.
Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie : Comptes nationaux du Sénégal 2019.
Pr Ahmadou Aly MBAYE FASEG :
Quel modèle d’allocation des dépenses pour le fonds de riposte et de solidarité contre le Covid 19. Contribution Avril 2020.
Ahmadou Lamine TOURE Economiste, Conseiller des Affaires étrangères :
Le Coronavirus en langage économique pour le Sénégal. www.pressAfrik.com. Avril 2020.
UNECA (2020) : Conférence virtuelle sur l'impact de COVID-19 sur l'Afrique Jeudi, 19 Mars 2020.
CATEGORIES DE METIERS MENACEES PAR LE CONFINEMENT? QUELLES STRATEGIES DE PROTECTION SOCIALE ?
La problématique d’un confinement total est de plus en plus évoquée surtout face aux cas qu’on appelle « communautaires » (je passe sous silence les énormes débats que la notion de communauté soulève depuis toujours chez les sociologues et anthropologues et qui devraient amener à se demander pourquoi cette désignation est utilisée surtout quand on parle de l’Afrique et des africains). Rappelons que la notion de « cas communautaire » est utilisée pour désigner les malades pour lesquels les contacts qui les ont contaminés n’ont pu être retrouvés.
Mais si le confinement total est soulevé – à juste titre - pour régler une question de risque sanitaire, de volonté de juguler une contagion, il n’en demeure pas moins que la question doit être examinée sous tous ses angles puisqu’elle comporte à la fois des implications et des conséquences importantes pour des pays africains avec un accès aux ressources très limité.
Dans cette pandémie, le semi-confinement, le couvre-feu (de 20h00 à 6H00) et les mesures qui vont avec affectent déjà grandement certains secteurs dans un pays où le secteur « informel » domine largement dans les occupations des citoyens. Selon une étude de la Banque mondiale, ce secteur génèrerait 97 % des créations d'emplois. Plusieurs catégories professionnelles y sont frappées de plein fouet dans leurs activités quotidiennes. C’est le cas de celles qui gagnaient leurs ressources grâce à un travail quotidien indépendant et qui sont durement affectées par les mesures d’interdiction et de confinement.
Parmi ces acteurs on peut citer ceux qui s’adonnaient à la cuisine dans les cérémonies à Dakar. L’instauration du couvre-feu, la remise en cause des cérémonies éprouvent durement leurs activités quotidiennes : si les cérémonies ne sont pas organisées, pas de dépense quotidienne pour ces « goorgoorlu » (débrouillards). Dans ce contexte un double risque s’instaure comme le montre un témoignage d’un impacté de ce secteur : « depuis ces mesures, mes activités ne marchent plus. J’en suis arrivé à aller dans les domiciles de mes anciens clients fidèles pour qu’ils m’aident à m’en sortir. Cette épidémie a été tellement brusque ». Tant d’autres exemples pourraient être cités pour montrer à quel point la décision d’un semi-confinement et l’instauration d’un couvre-feu ont été un choc pour ces acteurs de l'économie et de la société sénégalaises.
Dans le même temps, les mesures annoncées de restreindre l’ouverture des marchés (pour ceux qui sont restés ouverts) vont empêcher à plusieurs catégories d’exercer leur travail dans un contexte où elles n’ont aucune prise en charge (indemnités de chômage…), ni accès à une mutuelle de santé. Déjà l’interdiction des marchés hebdomadaires a envoyé plusieurs acteurs à un chômage (arrêt travail ?) qui ne dit pas son nom, ces nouvelles interdictions pourraient y ajouter toutes ces catégories qui gravitent autour des marchés.
Ces mesures – même si elles paraissent pertinentes pour juguler la pandémie - induisent deux difficultés principales :
1) la personne affectée par la précarité ne reste pas chez elle pour trouver les moyens nécessaires à sa survie et celle de sa famille (appliquant ainsi ce qui est appelée distanciation sociale mais qu’il conviendrait plus d’appeler une distanciation physique),
2) elle devient un acteur qui passe de maison en maison s’exposant ainsi à d’éventuelles contagions mais aussi exposant d’autres personnes à la contagion du fait des contacts qui pourraient ne pas respecter les gestes barrières.
Cela pose la question du confinement sur ces catégories d’acteurs où les limites en termes de moyens et d’accès aux revenus sont autant d’entraves au respect d’un confinement. A ces acteurs se pose la question d’un double risque : la prise de risque pour braver les difficultés économiques et les difficultés sanitaires liées au COVID-19. Quelle option alors ?
Un confinement plus ou moins durci en Afrique pose la question de tous ces acteurs précaires qui s’activent autour de secteurs hautement touchés par les interdictions (cérémonies) comme les tailleurs (confection d’habits de cérémonies), traiteurs, cuisiniers (repas de cérémonies), vendeurs de restaurants (gargote…), ouvriers à leur compte, tenants des micro-commerce, etc.
Les aides annoncées par l’Etat pour soulager ces catégories face aux difficultés du COVID-19 devraient donc prendre en compte :
Un profilage optimal de ces catégories pour que les appuis touchent les acteurs qui en ont le plus besoin. Le manque de confiance vis-à-vis d’acteurs politiques qui viseraient d’abord leur clientèle serait un risque pour la paix et la stabilité sociale. Ainsi les mesures de protection sociale (filets sociaux relatifs au COVID-19) devraient opérer un ciblage très rigoureux afin de ne pas laisser en rade les acteurs qui peinent à rester confinés.
Des mesures hardies d’accompagnement devraient être réfléchies pour aider certaines catégories à redémarrer leurs activités après la crise afin que l’économie et la stabilité sociale n’en subissent pas un coup.
CONCLUSION GENERALE
Ce rapport montre clairement que le confinement total ne semble pas être la meilleure stratégie du moment. Il apparait primordial d’améliorer la communication, la sensibilisation des masses populaires afin de susciter leur adhésion à la lutte, la massification du dépistage, le traçage des cas en vue d’un confinement et d’une prise en charge ciblés. Plus que jamais, le respect strict de toutes les mesures barrières édictées jusqu’ici (dont le port de masque) et l’évaluation rigoureuse de leur impact s’impose. Le Sénégal avait une avance sur la maladie mais la tendance s’inverse actuellement. Il faudrait plus de célérité et de pro-activité dans la mise en œuvre des recommandations pertinentes et la diffusion transparente des rapports d’évaluation et d’exploitation des données générées après deux mois de riposte.
Aussi, il semble judicieux de responsabiliser et d’encadrer la jeunesse sénégalaise pleine d’énergie dans la surveillance du strict respect de ces mesures dans chaque commune ou localité du Sénégal, ceci en étroite intelligence avec les forces de défense et de sécurité.
Les prochains rapports de GRI-COVID19 ARCES permettront de faire le point sur l’efficacité voire l’efficience des mesures de lutte mises en œuvre jusqu’ici.
Par Pape NDIAYE
PANCARTES ET BANDEROLES… EN QUARANTAINE
Demain 1e Mai 2020, le Sénégal, à l’instar de la quasi-totalité des pays du monde, ne va pas célébrer la Fête du travail. Avec l’état d’urgence sanitaire doublé d’un couvre-feu, les célébrations se feront sans doute sur les réseaux sociaux
Demain 1e Mai 2020, le Sénégal, à l’instar de la quasi-totalité des pays du monde, ne va pas célébrer la Fête du travail. Avec l’état d’urgence sanitaire doublé d’un couvre-feu, les célébrations se feront sans doute sur les réseaux sociaux. Si ce n’est à travers des « télédoléances » pour remettre le cahier virtuel de revendications au président de la République. Quoi qu’il en soit, les organisations syndicales ne vont pas descendre dans les rues cette année pour manifester leur colère et exprimer leurs doléances.
Pis, ces défilés ne vont pas être couronnés au niveau des entreprises par des déjeuners gargantuesques sur fon de boissons coulant à flots. Autant donc dire que de fête proprement dite, il n’y en aura point ce vendredi. Un 1e Mai sans défilé des travailleurs, personne n’aurait osé l’imaginer dans le monde. Pourtant, c’est ce qui va se passer dans un contexte mondial marqué par une crise pandémique où le Sénégal, comme tous les pays du monde, s’est barricadé face à un redoutable ennemi viral à éradiquer. Une crise qui a entraîné l’interdiction des manifestations et rassemblements, la fermeture des écoles et des lieux de culte etc.
Toutes ces mesures visant à freiner la propagation du coronavirus.
Face à cette situation inédite, les organisations syndicales vont rivaliser d’imagination pour manquer à leur façon la Fête du travail. Parce que le respect des mesures de l’état d’urgence leur impose de faire preuve de créativité pour s’exprimer c’est-à-dire se faire voir ou se faire entendre. C’est d’autant plus important pour elles de donner de la voix que certains employeurs sont tentés de profiter de la crise pandémique pour licencier des salariés. Des employeurs qu’il leur faudra donc cibler à défaut de les fusiller verbalement.
Les syndicats vont donc inviter le gouvernement à œuvrer pour le respect des droits des travailleurs ainsi qu’à renforcer les moyens de contrôle pour dissuader les licenciements abusifs et arbitraires sur fond de…covid-19. Les mesures d’hygiène et de sécurité dans les entreprises occuperont, demain 1e Mai 2020, une bonne place dans les revendications. Surtout du fait que la plupart des entreprises font travailler leurs ouvriers en les exposant à la contamination virale. Des ouvriers qui, si l’on n’y prend garde, risquent d’être les « oubliés » ou « laissés en rade » de l’épidémie car continuant toujours à travailler à leurs risques et périls.
Bref, en lieu et place des pancartes et banderoles mises en quarantaine, des revendications en ligne marqueront le 1e mai 2020. On espère quand même qu’en ces temps de crise sanitaire les employeurs n’auront pas oublié de donner à leurs travailleurs les primes d’habillement qui leur permettaient d’arborer des habits de fête le 1er Mai de chaque année !
KAYAMA
CNG
Ils sont nombreux à vouloir le limogeage du Cng de lutte à la tête duquel trône Doc Alioune Sarr depuis 26 ans. Moi, je me demande bien ce qu’un médecin trouve de palpitant dans ce monde pour y avoir duré autant d’années.
Ils sont nombreux à vouloir le limogeage du Cng de lutte à la tête duquel trône Doc Alioune Sarr depuis 26 ans. Moi, je me demande bien ce qu’un médecin trouve de palpitant dans ce monde pour y avoir duré autant d’années.
L’on me dira qu’il est Sérère et fondamentalement, cela peut tout justifier. Cette ethnie et la lutte, c’est plus que culturel, c’est démentiel. Tous les jeunes Sérères au corps si bien sculpté semblent avoir ce sport dans leur ADN. Les années passent vite et s’entassent démesurément jusqu’à la sclérose. Cette usure du temps fait naitre forcément des ambitions. L’on peut tout reprocher au président Sarr sauf d’être un incompétent.
Le pays regorge d’assez de cadres pour apporter du sang neuf dans ce sport national. Ce qui était le remède il y a vingt ans ne l’est plus en ce temps. Le boom des promoteurs atteste de l’attrait de cette discipline que nous n’avons point importée. L’argent y a toujours été présent avec l’apport des sponsors qui menaient et mènent encore la danse. Chaque grande maison avait son promoteur favori qui proposait de grandes affiches.
Des affiches pompeusement transformées en combats du siècle, du millénaire, pour faire monter les enchères et les cotes. Hélas, ces dernières années, le marasme s’est installé dans l’arène. Les années blanches, années sans combat, se comptent désormais et la quasi-totalité des lutteurs est concernée. La contestation du Cng est d’abord venue des lutteurs qui prétextaient de ponctions sur leurs dus par les administrateurs de la lutte. Et les arbitres ont suivi cette voie de la révolte qui leur a valu de lourdes peines de suspension et d’exclusion. Bien vrai que la lutte nourrit bien ses hommes les plus déterminés. Les plus déterminés ne sont pas forcément les champions mais ils évoluent dans la cour des grands.
Fréquenter cette cour fait de vous un Vip de la lutte. Le Graal. Alors, comme une règle non écrite, l’ambition de rejoindre cette cour habite nombre de jeunes lutteurs qui veulent tous toucher des cachets de millions et de millions. Personne ne leur conteste cette noble ambition qui est fort légitime. Quand les uns s’entrainent éperdument, d’autres lutteurs, sur le tard ou à la retraite, rêvent de remplacer le président du Cng. Cette perspective est certainement improbable. On n’a jamais vu un ancien lutteur, fût-il champion, se métamorphoser en administrateur.
Jusqu’à diriger le Cng de lutte. Gérer ce monde si particulier de la lutte n’est certainement pas chose aisée. Si tous les ministres des Sports ont accordé leur confiance au Cng depuis si longtemps, il y a certainement une bonne raison à cela !
En ces temps de coronavirus, les choses doivent et devront changer ! Certes la confiance se mérite mais quand des évènements surviennent là où personne ne les attendait, il faut bien revoir la copie et trancher pour avancer !!!
LA PISTE ANGLAISE SE PRECISE POUR KALIDOU KOULIBALY
Manchester United, Everton, Tottenham ou encore Newcastle convoitent tous l’ancien Messin
Kalidou Koulibaly se dirige vers un été agité, avec les nombreux clubs qui s’agitent pour le faire signer. En plus du PSg (D1 France), Newcastle, Everton, Manchester United et même Tottenham rêvent également du Sénégalais. Et à en croire le spécialiste mercato de Sky Italia, Gianluca Di Marzio, l’actuel joueur de Naples devrait rejoindre l’Angleterre.
A l’image de Sadio Mané dont le nom est associé au Real Madrid de Zinedine Zidane, Kalidou Koulibaly lui aussi connaîtra un mercato mouvementé. En Italie depuis 2014, l’international sénégalais est sur le point de changer de cap. Et des prétendants, il n’en manque pas. Après l’intérêt du FC Barcelone et du PSG, c’est au tour des formations anglaises d’entrer dans la danse. Manchester United, Everton, Tottenham ou encore Newcastle convoitent tous l’ancien Messin. Lors de son passage à Manchester United, Jose Mourinho avait souhaité avoir le Sénégalais dans son effectif. A l’époque, le club anglais avait même formulé une offre estimée à plus de 100 millions d’euros au président napolitain Aurelio De Laurentis. Mais ce dernier qui est un dur en affaire l’avait décliné. Aujourd’hui sur le banc de Tottenham, le technicien portugais a remis le dossier sur la table. Et à en croire le journaliste italien Gianluca Di Marzio, la piste est très sérieuse. «Koulibaly pourrait être l’une de leurs plus importantes cibles. Ses agents s’entendent très bien avec le propriétaire de Tottenham», a fait savoir ce spécialiste mercato de la chaîne Sky Italia. Outre Tottenham, Everton de Carlo Ancelotti est également en embuscade. Le défenseur sénégalais qui a eu à travailler sous les ordres de ce dernier ne serait pas en terrain inconnu, s’il arrivait à signer chez les Toffees. Mais on est encore loin de là. « En plus de Tottenham, Carlo Ancelotti le veut à Everton », a lâché le journaliste italien.
NEWCASTLE FORMULE UNE PREMIERE OFFRE !
Newcastle ne manque pas d’ambitions. En passe d’être vendu pour 340 millions d’euros au PCP Capital Partners, une société accompagnée par le Saudi Public Investment, le club anglais rêve de bousculer la hiérarchie et jouer les premiers rôles en Premier League. Et parmi les joueurs convoités par les Magpies, il y a Kalidou Koulibaly. En fin de semaine, un premier contact avait été annoncé. Mais les choses semblent aller trop vite. Selon les informations relayées par Le 10Sport, l’international sénégalais aurait déjà reçu une proposition salariale estimée à 12 millions d’euros. C’est presque le double que ce dernier gagnait avec son club italien de Naples. Rien n’a filtré par rapport au contrat. Mais à 28 ans, l’ancien joueur de Genk (D1 Belgique) pensera sans doute à s’inscrire dans la durée. « La probabilité que Koulibaly arrive en Premier League est très élevée. Ses agents ont de très solides contacts avec les clubs de Premier League », renseigne Di Marzio de Sky Italia. Désormais décidé à libérer son défenseur, le président napolitain attendrait au moins 100 millions d’euros pour entamer les négociations.
LE PSG N’A PAS DIT SON DERNIER MOT !
Au rang des prétendants, il y a aussi le PSG. Le club français qui cherche un éventuel successeur à Thiago Silva (le Brésilien a entamé des discussions avec les dirigeants pour une prolongation) songerait en priorité au roc sénégalais. « Même si Koulibaly représente le Sénégal, il est à l’origine français. Et l’idée de rejoindre son pays natal pourrait le tenter. Et le récent achat d’un appartement à Paris par le footballeur serait un élément important à prendre en considération », avance ESPN. Autre élément qui pourrait faciliter les choses, l’agent de l’ancien Messin entretiendrait d’excellentes relations avec Leonardo, directeur sportif du champion de France en titre. Et côté sportif, rejoindre le PSG permettrait au défenseur sénégalais de disputer la Ligue des Champions la saison prochaine. Des éléments de taille qui pourraient grandement faciliter les négociations. Avec sa belle santé financière, le PSG dispose assez d’astuces pour s’asseoir à la table et faire face au teigneux Aurelio De Laurentis qui ne cesse de varier dans ses positions. Réputé coriace dans les affaires, le sulfureux dirigeant italien a une fois de plus changé d’avis. Après avoir qualifié le Sénégalais « d’intransférable », il avait déclaré attendre au moins 70 millions pour aborder le sujet de transfert de son défenseur. Conscient de ce qu’il pourrait tirer, surtout avec les prestigieux prétendants, De Laurentis a revu son offre à la hausse. Il fixe désormais la barre à au moins 100 millions d’euros. Il reviendra désormais aux clubs intéressés de s’aligner.
LA COALITION DES CONFEDERATIONS SYNDICALES PLAIDE POUR PLUS D’INVESTISSEMENTS DANS LA SANTE
La Cnts/Fc, la Csa, Cnts, l’Udts, l’Unsas invite l’Etat à investir davantage dans la santé communautaire et sur les ressources humaines du secteur
En prélude à la commémoration de la journée internationale du Travail prévue le 1er mai 2020, la Coalition des Confédérations Syndicales de Travailleuses et de Travailleurs regroupant la Cnts/Fc, la Csa, Cnts, l’Udts, l’Unsas invite l’Etat à investir davantage dans la santé communautaire et sur les ressources humaines du secteur. Dans leur manifeste prévu pour la fête du Travail, le Cartel syndical relève les nombreuses contraintes qui freinent le bon fonctionnement du mouvement syndical au Sénégal.
La célébration de la fête du 1er mai intervient cette année dans un contexte exceptionnel marqué par la pandémie du coronavirus avec son lot de conséquences dont de nombreuses pertes en vies humaines et le présage d’un avenir incertain pour l’économie mondiale. Dans son manifeste parvenu hier à «L’As», la Coalition des Confédérations Syndicales de Travailleuses et de Travailleurs, affectée gravement par cette crise, plaide pour plus d’investissements dans le secteur sanitaire.
Pour le regroupement des centrales syndicales les plus représentatives du Sénégal, les Etats devront penser à accroître les investissements dans les secteurs de la Santé et de l’Action sociale face à cette situation. Pour les syndicalistes, la paix universelle et durable ne peut être obtenue que sur la base de la justice sociale, l’équité, la coopération, le développement, l’égalité des chances et la prospérité, D’où la nécessité, disent-ils, de réaliser «l’inclusivité» et la durabilité des investissements en les articulant avec les programmes de développement durable. Ils saluent toutefois les importantes mesures incitatives prises par le Gouvernement «pour soutenir financièrement les entreprises à faire face à la crise, et sur le plan social, protéger les travailleurs à travers la promulgation de l’Ordonnance n° 001-2020, du 08 avril 2020, aménageant des mesures dérogatoires au licenciement et au chômage technique durant la période de la pandémie du Covid19».
Mais au-delà de l’Etat du Sénégal, la Coalition des centrales syndicales interpelle également l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et lui suggère de réviser à la hausse ses normes relativement aux dépenses de santé publique dans le budget global de ses Etats membres. La Coalition des Confédérations Syndicales de Travailleuses et de Travailleurs du Sénégal pense d’ailleurs que l’heure est à une nouvelle approche de gouvernance des relations professionnelles menées de manière très élargie avec les différents acteurs. «C’est seulement une telle approche qui donne tout son sens et sa portée au dialogue social afin de mieux gérer la situation, notamment dans sa dimension post-crise Covid-19», indique la coalition.
CONTRAINTES QUI FREINENT L’ELAN UNITAIRE DU MOUVEMENT SYNDICAL…
Dans leur manifeste du 1er mai 2020, les centrales syndicales rappellent les nombreuses contraintes qui handicapent l’élan unitaire du mouvement syndical sénégalais. Ces contraintes, expliquent-elles, sontliées à la dispersion de leurs forces et à la désunion de leurs entités fondatrices, notamment le mouvement ouvrier et l’élite engagée. «Le regroupement depuis quelques années des cinq centrales syndicales des travailleurs au sein d’une même Coalition des centrales syndicales du Sénégal(Ccss) est une initiative à saluer», soulignent-elles. D’autant qu’elles sont conscientes que c’est en mutualisant leurs forces que «leurs interventions seront plus porteuses et restitueront ainsi au mouvement syndical sa puissance».
BILAN JUGE ELOGIEUX
Revenant sur son bilan, la coalition des Confédérations Syndicales des travailleurs et Travailleuses le juge élogieux. Et de rappeler l’augmentation sensible de la prime de transport, la revalorisation du SMIG horaire porté de 209,10 FCFA à 333,808 FCFA, et l’augmentation généralisée des salaires de 8% de la 1ère à la 3e catégorie ; de 5% au-delà de la 4e catégorie. En plus de ces acquis importants, il y a la signature de la nouvelle convention collective nationale interprofessionnelle, l’adoption des conventions collectives de branche du nettoiement, de l’enseignement privé, de la sécurité privée, de la presse et du pétrole. Enfin, on peut citer également la mise en place du fonds de garantie de l’assurance maladie obligatoire, la mensualisation et la revalorisation des pensions de retraite, l’instauration de la pension minimum de retraite et la mise sur pied du conseil supérieur de la Fonction publique locale.
PASTEF DEPLORE «L’IMPROVISATION» DE L’ETAT
Le Mouvement National des Cadres Patriotes doute sérieusement de la faisabilité de l’utilisation du numérique pour sauver l’année académique, suite à la crise sanitaire du Covid-19
Le Mouvement National des Cadres Patriotes (Moncap) doute sérieusement de la faisabilité de l’utilisation du numérique pour sauver l’année académique, suite à la crise sanitaire qui a poussé l’Etat à procéder à la fermeture systématique des Etablissements d’Enseignement Supérieur (EES) publics et privés pour endiguer la pandémie du Covid-19. «Pour sauver l’année académique (2019-2020), comme à ses habitudes, l’Etat du Sénégal, dans la précipitation et l’improvisation, agite le recours immédiat au numérique à travers les plateformes existantes et les cours déjà mis en ligne», s’insurgent les cadres patriotes dans un communiqué.
Selon Bassirou Diomaye Faye et ses camarades, la mise en œuvre effective du numérique suscite beaucoup d’interrogations. «Comment peut-on prétendre poursuivre des activités pédagogiques en cette période de vacances forcées où la majeure partie des étudiants habite parfois dans des contrées pauvres et reculées dépourvues d’électricité avec la persistante problématique de la fracture numérique? Comment tous ces enseignants et étudiants confrontés au manque d’outils informatiques adéquats et n’ayant subi aucune formation pour l’utilisation des plateformes en ligne pourront-ils s’adapter à cette nouvelle situation à laquelle ils ne sont pas préparés ?
Les préalables ne devaient-ils pas être installés à la base (primaire, moyen et secondaire) pour un glissement naturellement moins préoccupant en de pareilles circonstances ?» se demandent les cadres de Pastef qui estiment qu’il ne fallait pas attendre seulement que la pandémie du Covid-19 apparaisse pour recommander des plateformes déjà fonctionnelles. Un tantinet pessimiste, ils se demandent ce qu’il en serait des travaux pratiques qui nécessitent la manipulation d’objets dans les domaines des sciences et de la formation professionnelle. «Au cas où la pandémie continuerait à gagner du terrain, quels procédés d’évaluation préconiser pour les apprenants ? Que dire des apprenants qui seraient bien partis pour être les victimes de leur inadaptation ?» s’inquiètent Bassirou Diomaye Faye et ses camarades.
Raison pour laquelle la Commission Enseignement Supérieur et Formation Professionnelle (Cesfp) du Moncap appelle les autorités étatiques à faire face à leurs responsabilités dès à présent. Ces dernières doivent, selon les patriotes, éclairer les parents, enseignants, étudiants et partenaires en prenant des dispositions concrètement applicables, adossées à un échéancier, quelle que soit la situation qui se présentera au lendemain de la date butoir. «Le gouvernement du Président Sall a pris des résolutions inspirées de l’une des recommandations fortes de la Concertation Nationale sur l’Avenir de l’Enseignement Supérieur au Sénégal (Cnaes) relative à l’utilisation du numérique dans l’enseignement supérieur en 2013».
Dans ses réformes succinctes, le ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Mesri) a placé le numérique au centre de l’enseignement supérieur par des programmes qui incluent l’interconnexion des établissements, le programme «un étudiant un ordinateur», la promotion de l’enseignement à distance à l’Université Virtuelle du Sénégal (Uvs) et dans les universités publiques.
L’Etat a aussi contracté un prêt d’environ 110 millions de dollars (66 495 000 000 FCFA) à travers le Projet de Gouvernance et de Financement de l’Enseignement Supérieur (PGF SUP) avec des signatures de Contrats de Performance (CDP), et a déclaré avoir investi 436 627 355 000 FCFA dans l’enseignement supérieur entre 2012 et 2019’’, soulignent le Moncap. Malheureusement, d’après les patriotes contre toute attente, la majeure partie de ces projets n’a pas abouti avec parfois des objectifs dévoyés.
Selon eux, Le projet « un étudiant un ordinateur » n’a touché qu’une partie infime des étudiants depuis 2013. ‘’La formation des acteurs n’est pas généralisée. L’interconnexion des établissements fait défaut. L’UVS peine à fonctionner correctement. Depuis 2015, seuls 03 des 50 Espaces Numériques Ouverts (ENO) prévus ont été effectivement construits et achevés, 10 ENO fonctionnent provisoirement dans des bâtiments loués et 37 sont au stade de projets malgré les financements disponibles.
Les financements du PGF SUP n’ont pas aidé à l’acquisition des équipements technologiques prévus dans les projets. Malheureusement, le projet Smart Sénégal Elearning entre la Chine et le Sénégal qui devait équiper les universités dans ce cadre depuis 2018 fait face à des lenteurs. Des chapiteaux ont été érigés à hauteur de 300 millions FCFA en lieu et place de bâtiments dans les EES publics’’, s’alarment-ils. Ils estiment en outre que l’Etat a pris des initiatives probantes dans la mise en pratique du numérique au service de l’enseignement supérieur. Mais il a failli, signalent-ils, dans la mise en œuvre des recommandations et des mesures adoptées pour que l’on assiste aujourd’hui à ce qui ressemble beaucoup plus à une entreprise de tâtonnement de la part du gouvernement. ‘’L’agitation ponctuelle et tout bricolage entretenu pour la poursuite des cours en forçant la porte du numérique sans les pré-requis ne seraient que du test sur des sujets (apprenants et enseignants) qu’il ne faut surtout pas sacrifier d’avance’’, renchérissent les camarades d’Ousmane Sonko dans le communiqué.
par Thierno Bocoum
COVID-19: LE PEUPLE DOIT SAILLIR FACE A UN ETAT QUI A FAILLI
La situation épidémique liée au COVID-19 est de plus en plus inquiétante. La pathologie gagne gravement du terrain. Les citoyens doivent davantage s’impliquer, chacun doit en faire une affaire personnelle.
La situation épidémique liée au COVID-19 est de plus en plus inquiétante. La pathologie gagne gravement du terrain. Les citoyens doivent davantage s’impliquer, chacun doit en faire une affaire personnelle. - Que les porteurs de voix, les dignitaires et les leaders d’opinion s’impliquent davantage, dans le cadre de la communauté.
- Que chaque citoyen soit le gendarme de son prochain. Sensibilisation et vigilance doivent rythmer nos relations quotidiennes. Sensibiliser sur les bonnes pratiques, dénoncer les mauvaises pratiques. - Que chaque citoyen respecte les mesures barrières et les fasse respecter à son cercle d’influence (famille, quartier, groupes sociaux...)
Il est temps de créer une majorité d’action dans une démarche communautaire pour faire face à l’évolution du virus. L’Etat sénégalais a failli.
Le président de la République a très tôt montré sa préférence entre le riz et les masques, entre le sucre et l’équipement du personnel de santé, entre l’huile et la rénovation d’un service de réanimation comme celui de Ziguinchor dont l’abandon a été récemment décrié par le professeur Seydi. Il a préféré aider, en majorité, des démunis à la place des impactés.
Des démunis qui l’ont été hier, qui le sont aujourd’hui et qui le resteront demain si des réformes structurelles majeures ne touchent pas leurs conditions de vie. Au moment où de véritables impactés sont laissés en rade notamment 80% de la population active qui est concentrée dans le secteur informel.
Face à un triomphalisme béat dès le début de l’épidémie avec l’insistance sur le taux de guérison et sur une certaine exception sénégalaise en terme de maîtrise de l’évolution du virus, la réalité nous rattrape. Le Sénégal fait partie aujourd’hui du top 10 des pays où la propagation du virus est le plus rapide. Il est donc clair que l’Etat Sénégalais a péché dans les stratégies et dans l’ordre de priorité face à des moyens financiers et techniques limités.
Cependant, l’Etat reste toujours au début et à la fin de tout processus décisionnel. Cet État doit alors se ressaisir. Il faudra qu’il travaille à soutenir les relais sociaux pour une gestion communautaire du virus et à renforcer son système sanitaire pour faire face à un rush dans les structures de santé. Il faudra également mettre à la disposition des populations suffisamment de masques et veiller au respect scrupuleux de la distanciation physique.
A l’état actuel de l’évolution du virus, il revient particulièrement aux populations de redresser la pente en s’impliquant davantage dans la sensibilisation et le respect des mesures barrières.
Thierno Bocoum
President du mouvement AGIR
Par Mamadou Ndione
AGIR COMME LE COLIBRI PLUTOT QUE DE…
Dans une tribune écrite sans doute avec « l'effet ramadan », mon jeune frère Thierno Bocoum s’attaque à la stratégie mise en place par le Sénégal.
Dans une tribune écrite sans doute avec « l'effet ramadan », mon jeune frère Thierno Bocoum s’attaque à la stratégie mise en place par le Sénégal. Ironie du sort, des pays européens comme la France depuis hier 28 avril 2020 copient sur notre démarche en décidant de traquer enfin les contacts des cas détectés pour les isoler, les tester et les traiter afin d'éviter la spirale de l'augmentation exponentielle.
Mon jeune frère Thierno Bocoum semble oublier que le Sénégal a depuis le début opté pour une identification des contacts, leur isolement, leur suivi, leur test, l'hospitalisation des patients issus de ces tests et la libération des cas jugés négatifs. Si nous n’avions pas procédé ainsi, nous aurions depuis lors basculé dans une situation intenable. Mon jeune frère Thierno semble oublier que le Sénégal applique depuis plusieurs jours l'interdiction du transport entre les régions. Il semble avoir oublié que les transports en commun au Sénégal ont l’obligation de ne prendre que la moitié des passagers autorisés avec en sus une obligation de port de masques et le respect des distances sociales. C'est hier 28 avril qu'un pays comme la France a pris des mesures similaires annoncées par son Premier Ministre Edouard Philippe trois mois après ses premiers cas.
Bocoum Thierno semble oublier que notre pays, dans le cadre de l'état d'urgence a donné pouvoir d'appréciation aux sous-préfets, préfets et gouverneurs. Ces derniers tous les jours prennent les décisions qui s’imposent dans leur contexte notamment sensibilisation, accompagnement des collectivités locales, fermeture si nécessaire des marchés et zones à risques et répression sans concession contre ceux qui violent les dispositions mises en place dans le cadre de cette lutte contre COVID 19. Il sera difficile de bloquer tous ceux qui violent tous les jours les dispositions et mesures édictées.
L’État agit depuis le début sur la sensibilisation et la ferme répression en cas de violation des règles. D’ailleurs un impressionnant nombre de véhicules et de personnes qui ont tenté de violer les règles ont été mis au arrêt pour décision de justice à prendre. Thierno qui parle de triomphalisme béat semble avoir oublié que l'Autorité a dit et redit que nous ne devons pas verser dans le triomphalisme et que le combat est d’abord communautaire. L'Autorité a joué sur les registres de la santé, du social et de l'économique parce que cette crise n'est pas que sanitaire.
Dans l’allocation des moyens financiers, l’Autorité à privilégier le volet riposte sanitaire dans la mise en place du budget. Thierno semble avoir oublié que dans la stratégie nationale, le réseau des relais communautaires appelé « Bajjenu Gox » travaille dans les coins et recoins du pays à côté des populations. Profiter de l'augmentation des cas communautaires et de leurs corollaires en termes de contacts pour dire que nous avons échoué me paraît injuste. Je crois qu'à l'heure actuelle, nous devons tous agir sur l'individu pour en appeler à la prise de conscience collective par un changement de comportement. Cette façon insidieuse consistant à dédouaner l’individu et à charger l’État central n’est pas à mon avis une attitude sereine et productive. Cela pourrait même en rajouter à des formes d'incivisme qui ne feront que compliquer l'atteinte de l'objectif de sensibilisation collective.
Dans un Monde où les systèmes sanitaires, sociaux et économiques des USA, de l'Europe et même de la Chine ont été fortement secoués, l'heure en Afrique doit être beaucoup plus à la sensibilisation collective sur les gestes barrières pour endiguer la propagation du virus qu’à la 1vaine polémique. Ce chantier de la sensibilisation collective n'est pas le monopole de l'État central. Nous sommes tous concernés et devons agir plutôt que de ...
Le Sénégal n’est pas dans le triomphalisme comme l’écrit Thierno Bocoum. Nous sommes humblement et de façon énergique dans un combat où chacun des seize millions de Sénégalais est un soldat derrière un seul commandant. En définitive, chacun doit « faire sa part » à l’instar du colibri de la fable amérindienne amenant de l'eau par son bec au moment où les autres étaient passifs devant le feu de brousse. Le colibri était dans la citoyenneté d'abord. C’est à ce test de citoyenneté qu’invite d’abord cette pandémie COVID-19 qui nous met tous dans des positions de potentielles victimes si collectivement nous ne nous dressons pas ensemble pour appliquer à la lettre les mesures prises par l’Autorité.
Par Mamadou NDIONE DG du COSEC
L’ETAT «DECONFINE», LES ELEVES EN CLASSE D’EXAMEN
La reprise des enseignements et apprentissages est prévue le 02 juin 2020 pour les élèves en classe d’examen
C’est le déconfinement progressif dans les écoles et universités du Sénégal. La reprise des enseignements et apprentissages est prévue le 02 juin 2020 pour les élèves en classe d’examen. Tout comme, informe-t-on dans le communiqué du conseil des ministres d’hier, mercredi 29 avril, il est recommandé aux académies, de réfléchir sur les modalités de reprise globale des enseignements dans la période du 02 et le 14 juin 2020
Eviter une année blanche ou une année invalide ! C’est ce à quoi s’attèle, l’Etat du Sénégal. Sans l’affirmer, il engage une sortie de confinement partiel décrété et prolongé jusqu’au 04 mai. Ce déconfinement concerne toutes les écoles et universités du Sénégal, mais pas tous les 3.510.991 apprenants (du Public et du Privé) et certainement les 96.649 enseignants. En effet, les 16.235 écoles et établissements accueilleront uniquement les élèves en classe d’examen. Ce sera à compter à du 02 juin 2020 pour les potaches appelés à participer aux examens nationaux notamment le Baccalauréat, le Bfem et le Cfee.
Dans les universités, il a été demandé aux académies, de réfléchir sur les modalités de reprise globale des enseignements dans la période du 02 et le 14 juin 2020. Cette démarche a été arrêtée hier, mercredi 29 avril, à l’occasion du conseil des ministres. Cette timide reprise entre en cohérence avec le plan de crise conçu par les autorités en vue de rompre la chaîne de transmission du COVID-19.
Compte tenu de la prolongation de la mesure de suspension des enseignements jusqu’au 4 mai 2020, l’école a enregistré un déficit horaire d’environ 136 heures, en plus 29 heures soit 05 jours ouverts étant entendu que les fêtes du premier semestre devaient porter sur la période du 20 mars au 06 avril. Sans compter le gap horaire occasionné par les grèves des syndicats d’enseignants, le quantum horaire aura pris un sacré coup.
Les 1296 heures, réparties en 03 trimestres avec respectivement 371 heures, 386 heures et 539 heures pour les 1er, 2e et 3e trimestres (avec le mois de juillet), sont désormais plus d’actualité. Tout comme d’ailleurs les dates retenues pour les évaluations nationales. L’examen du certificat de fin d’études élémentaires (Cfee) combiné au concours d’entrée en 6e étaient prévus les 16 et 17 juin 2020 sur l’étendue du territoire.
L’examen de Brevet de fin d’études moyennes (Bfem) avait été calé à partir de 14 juillet 2020 et celui du bac à partir 01 juillet. A la considération de la décision prise en conseil des ministres, le calendrier des examens et concours devrait connaître inéluctablement des changements. Les ministères de l’Education et de l’Enseignement supérieur devront s’y pencher avec les acteurs, pour trouver de nouvelles dates. La majorité des élèves dans les classes intermédiaires devront prendre leur mal en patience avant de reprendre le chemin des écoles.
LES EXIGENCES DU SIENS
Le syndicat des inspectrices et inspecteurs du Sénégal avait dégagé un certain nombre de prérequis pour une reprise effective et réussie des enseignements-apprentissages dans les écoles. Le Siens préconise la systématisation des tests à tout le personnel (enseignant et apprenants) pour s’assurer de leur statut sérologique en vue d’une prise en charge rapide des cas probants, la distribution et le port de masques obligatoire pour tous (enseignants comme apprenants) et la scission de chaque classe pédagogique en autant de groupes que nécessaire pour respecter le principe de distanciation sociale d’1.5m à 02 m entre tables-bancs, et désinfecter chaque classe physique obtenue avant la reprise effective.
«J’AVAIS ENVIE DE FAIRE EN SORTE QUE CE CORPS, UNE FOIS OUVERT AUX FEMMES, NE SOIT PLUS REFERME»
Présidente de l’Association des juristes sénégalaises (Ajs), Aby Diallo, poursuit son combat pour la reconnaissance des droits des femmes. Un pari engagé alors qu’elle était dans la Police nationale
Présidente de l’Association des juristes sénégalaises (Ajs), Aby Diallo, poursuit son combat pour la reconnaissance des droits des femmes. Un pari engagé alors qu’elle était dans la Police nationale. En fait, elle fut une des premières femmes à la tête de ce corps. Ses batailles d’aujourd’hui prolongent ses combats d’hier. Entretien.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir intégrer la Police ?
Je ne suis pas entrée dans la police par vocation. Je voulais être magistrat. J’ai fait des études en Droit jusqu’à la maitrise. A l’époque, pour être magistrat on était admis sur titre après la Licence en Droit l’Ecole de magistrature (Enam). Mais en 1978-1979 on a commencé à instaurer un concours d’entrée. La première année, il n’y avait que dix places et cela n’a pas marché pour moi. Mais comme je suis fille de policier, ma famille m’a poussé à faire le concours de commissaire en 1980, quand une loi a réformé l’entrée dans les corps de comme la police pour l’étendre aux candidatures féminines. Dans un premier temps je voulais attendre encore. Mais comme j’avais l’encouragement de la famille, je me suis lancée. C’était assez sélectif, mais j’ai réussi.
Ce n’était pas votre vocation, mais elle vous a mené loin. Qu’est-ce qui explique cette réussite dans la Police ?
Encore une fois ce n’était pas mon premier choix de devenir commissaire de police. A l’époque, il n’y avait pas de femmes dans ce corps. Mais j’ai vite eu la pleine conscience que j’étais une pionnière dans un métier alors réservé aux hommes. J’étais consciente de ce que je devais faire. C’est-à-dire assumer une responsabilité historique, en pensant que l’avenir allait aussi dépendre de mes performances. Je suis entrée avec conviction à l’Ecole nationale de police (Enp) et elle ne m’a jamais quitté. Avec un encadrement et une formation adéquate, j’ai pu commander. J’avais envie d’assumer et de faire en sorte que ce corps, une fois qu’il est ouvert aux femmes, ne soit plus fermé.
Avez-vous bénéficié de privilèges dans votre formation ?
Je n’ai pas eu de privilège dans la formation. Quand nous faisions le concours, nous étions deux femmes à être admises. Deux jeunes dames mariées et vivant avec leurs époux. A l’Enp, le régime de l’école était l’internat, la seule dérogation dont nous avons bénéficié c’est l’externat. Et cela veut dire que nous étions à l’école de 6 heures du matin jusqu’à 18 heures. A 6 heures, nous devrions être à l’école faire le sport comme tout le monde avant d’entrer en salle de cours. Je pense qu’on a la même formation et la même rigueur dans tout le circuit.
Avez-vous été victime d’un traitement discriminant à cause de votre féminité ?
Non. La police, c’est comme l’armée. C’est un corps hiérarchisé. C’est le grade qui prime dans les relations professionnelles. Personnellement, je n’ai pas subi de discrimination. J’ai eu le privilège d’entrer dans la plus haute hiérarchie, le corps de commissaire de police. Nous n’avons donc pas rampé. J’avais la maitrise de Droit avant de faire le concours et avec mes autres collègues qui étaient du même niveau on n’a pas trop souffert. Mais il faut savoir que dans le commandement on entre en tant que femmes, mais quand on commande on oublie qu’on est femme. C’est le commissaire qui parle à ses hommes. On ne voyait que le grade et le commandement.
Qu’est-ce qui vous le plus marqué dans votre carrière ?
Je ne peux pas en parler en raison de l’obligation de réserve. Mais, il y a eu de situations extraordinaires comme les événements politiques de 1988 (Ndlr : contestations et troubles post-électoraux) et même en 1987 (Ndlr : grève dans la police et radiation de milliers d’agents). Ces événements me marquent jusqu’à présent. J’étais commissaire au commissariat centrale de Dakar. J’ai eu à mener des auditions de personnalités sur des questions politiques, des questions de sécurité. J’ai pas mal d’anecdotes. Mais l’obligation de réserve ne me permet pas de tout dire.
Quel regard portez-vous sur la présence féminine dans les rangs ?
Avec ma collègue Codou Camara, nous qui sommes les premières femmes de la Police, nous nous sommes toujours dits que nous avions une responsabilité historique. Il ne fallait jamais prêter le flanc, ne jamais donner l’occasion qu’on dise : «c’est parce que c’est une femme que la mission n’a pas été bien menée ». Notre doyen Amath Khary Béye, qui était directeur de l’Ecole de police à l’époque, nous avait dit le jour de la sortie de notre promotion : «Rappelez-vous toujours que le jour où devant une mission vous vous diriez que nous sommes des femmes, ce jour-là vous avez échoué. Vous devrez rendre les épaulettes et rentrez chez vous». Ce conseil ne m’a jamais quitté. J’ai eu à gérer des situations compliquées à Saint-Louis où j’ai été la première femme commissaire de police, en tant que commissaire d’arrondissement de Sor. J’ai eu à assurer la sécurité pendant les événements d’avril 1989 entre le Sénégal et la Mauritanie. Bien après, il y a eu des événements plus ou moins similaires, mais de moindre ampleur avec le quartier de Guet Ndar. Mais jamais je n’ai mis les hommes devant et moi en arrière.
Avez-vous connaissance de promotionnaires ou d’autres policières qui ont eu à s’illustrer dans la profession ?
Des femmes ont été dans le système des Nations Unies comme Aminata Thiaw. Elle a marqué de façon pertinente ses missions. Ma collègue, avec qui j’ai été première femme commissaire, Codou Camara, a été aussi dans le système des Nations Unie comme formatrice. Elle a été la première femme africaine et Sénégalaise à avoir été décorée de la Médaille des Nations Unies. Récemment on a eu l’adjudant Seynabou Diouf, qui a eu être décorée de la Médaille des Nations Unies. D’une manière générale, les femmes sont brillantes dans la police. On pas sur le dos des faits scandaleux qui portent atteinte à l’image de la femme. Les jeunes que nous suivons maintiennent le flambeau très haut.