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27 septembre 2025
LA CHRONIQUE HEBDO DE PAAP SEEN
LES INTERNETS EN FURIE (1)
EXCLUSIF SENEPLUS - Rayan Hachem a été un prétexte à l’expression du racisme. Nos compatriotes, improprement appelés “Libano-Syriens”, ont été pointés du doigt pour leur supposé “communautarisme” - NOTES DE TERRAIN
Rayan Hachem a fait la Une des journaux ces derniers jours. Toute la semaine, il s’est retrouvé sous les feux de l’actualité. Notre compatriote, à tort ou à raison, est cité dans une affaire d’Etat. Le patron de Planet Kebab a gagné un marché pour faire venir du riz au Sénégal. Deux de ses entreprises, Avanti et Afri and Co, font partie des attributaires de l’achat public de riz en faveur des plus démunis. Pour 17 milliards de F CFA. Comme Rayan Hachem est connu pour être le patron d’une entreprise spécialisée dans le fast-food, il a très vite attiré les suspicions. Dans un pays où la transparence a souvent fait défaut, il fallait s’y attendre. D’autant plus que d’autres soupçons émaillent la mise en œuvre du programme d’aide alimentaire d’urgence, du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets du Coronavirus (Force-Covid 19).
Le président de la République a dégagé 69 milliards de F CFA. Pour doter les ménages vulnérables en denrées alimentaires. Tout cela, bien sûr, aurait pu se passer de manière intelligible. Dans la transparence. Si le chef de l’Etat avait installé le comité de pilotage du Force-Covid 19, sans tarder et avant une quelconque opération, personne n’aurait trouvé à redire. Ce n’est pas encore le cas. Et les Sénégalais sont en droits de demander des comptes. Car une grande partie de l’argent récolté reste celui du contribuable. Aussi, en vertu de la Constitution et de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le peuple sénégalais a un devoir de vigilance. Nécessaire dans une démocratie. Macky Sall, Mansour Faye, Demba Diop dit Diop Sy, Rayan Hachem ne sont pas au-dessus de nos lois. Ce qu’ils font en notre nom nous concerne.
“La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.” Il faut insister sur cette contrainte juridique. Et le rappeler à l’autorité, toujours prompte à mépriser et à abaisser le citoyen, dès que ce dernier réclame des gages de bonne foi dans la gestion de la chose publique. Nos dirigeants ont un devoir d'impartialité et de loyauté envers nous. C’est évidemment une épreuve d’intégrité très difficile. L’auto-émulation des gouvernants, en probité, ne peut pas se faire naturellement. Surtout dans nos Etats africains, où le pouvoir est concentré entre les mains d’une minorité, et les Républiques conçues presque en monarchies présidentielles. La veille citoyenne est souvent le seul moyen de soumettre le chef au contrôle de la légalité. D’élever la conscience du gouvernant, en justice et en vertu. Seulement, ce contrôle citoyen est un exercice moral, qui doit se faire en responsabilité.
Mais voilà, au lieu de se placer du point de vue de la loi et des principes démocratiques, des individus, à l’abri de leur ordinateur, ont épinglé les origines de Rayan Hachem. Proférant pour certains des propos haineux sur les réseaux sociaux. Nos compatriotes originaires du Liban et de la Syrie ont été pris pour cibles. Ce penchant, des esprits étriqués, à toujours chercher un bouc émissaire, et à pointer du doigt l’autre est insupportable. C’est du racisme. C’est injustifiable. Il faut le sanctionner par le blâme absolu. On pourrait circonscrire ces attitudes malveillantes au web. Et dire que le caractère binaire du numérique reste propice à la haine et à la méchanceté. Aux divisions. C’est exact. Les réseaux sociaux virtuels ont donné une puissance inédite à l’intolérance. C'est devenu un problème social qu’il faut interroger.
Si internet est un incroyable outil pour la démocratie, c’est aussi le lieu des médisances. La barrière physique tombée, les individus peuvent vivre dans une grande hallucination. Et voir leur perception et leur présence dans le monde modifiées. Le sentiment de bienveillance, qui résulte du contact humain, est souvent abandonné. La courtoisie oubliée. Au profit de de l’aigreur et des vanités abjectes. L’opinion se substitue au savoir et à la science. Il n’y a plus cette contingence des sens extéroceptifs. Cela étant dit, il faut observer que les hommes viennent sur internet comme ils sont dans la vraie vie. Avec leurs préjugés, leur capital culturel, leurs croyances. Ainsi, pour prêter attention aux passions qui naissent dans la société, les réseaux sociaux peuvent être utiles.
Rayan Hachem a été un prétexte à l’expression du racisme. Nos compatriotes, improprement appelés “Libano-Syriens”, ont été pointés du doigt. Pour leur supposé “communautarisme”. C’est un faux alibi. Un prétexte vulgaire et sot. L’instinct de survie pousse les humains, qui ont les mêmes origines et valeurs, à la protection mutuelle. C’est ainsi. Il n’y a, dans cette conduite, aucun mal. Tant qu’elle ne remet pas en cause le ferment républicain. Partout, les hommes se rassemblent selon leurs affinités religieuses, ethniques, culturelles ou encore politiques. Par besoin de sécurité et de quiétude. Certes, le grand dessein humaniste est de construire des ponts, de bâtir l’éthique de l’autre. De pousser toujours plus loin la mixité entre les hommes. Mais les relations communautaires, basées sur la tolérance et le respect, doivent rester intangibles. Au Sénégal, ce que nous partageons de plus précieux, c’est certainement notre vivre ensemble. Nous devons rester fermes face à toute tentative de sabotage de cet esprit pacifique entre les groupes ethniques et religieux.
Tristes passions. Pour l’instant, le racisme s’exprime sur les réseaux sociaux. Si nous ne le freinons pas énergiquement, il peut déborder. Devenir un réflexe. S’insinuer dans le sens commun. Il peut être mis en système, publiquement, par les ambitieux et les apprentis sorciers. Qui savent que les hommes et les peuples, malheureusement, sont manipulables dans leurs passions. Ceux qui s’attaquent aux communautés minoritaires sapent les fraternités entretenues par plusieurs générations de Sénégalais. Sans doute, nos aînés savaient que la compréhension humaine est une exigence pour les hommes qui vivent en société. Qu’elle pouvait nous protéger des conflits. A nous de maintenir et de renforcer l’ouverture à autrui. En rappelant toujours ce principe : la sympathie est le fondement de la paix sociale. Toute idée de discrimination ou de haine envers une communauté est un affront fait à tout le corps social. L’acte et le propos racistes doivent être portés en tabous dans notre société. Il faut en faire des interdits au sens moral et religieux. Notre esprit collectif ne doit jamais libérer de la place au racisme. Qu’on le proclame le plus fort possible. Pour le bien de tous.
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
VOYANTS ET MARABOUTS DÉSERTÉS POUR CAUSE DE COVID-19
Voyante reconnue au Sénégal, Selbé Ndom a une spécialité : les sacrifices. Avec le coronavirus, plus de clients et sa porte reste fermée. Chez Thierno Amadou Gueye, marabout guérisseur à Saint-Louis, le nombre de séances s’est réduit comme peau de chagrin
La pandémie de coronavirus peut avoir aussi des conséquences économiques parfois inattendues. Au Sénégal, toute l’année, de nombreux Sénégalais vont consulter les marabouts, les voyants et autres guérisseurs plusieurs fois par mois. Des consultations qui ont souvent lieu en face à face, mais la clientèle se fait rare. Le milieu a dû s’adapter aux conditions imposées par la pandémie.
Voyante reconnue au Sénégal, Selbé Ndom a une spécialité : les sacrifices. Avec le coronavirus, plus de clients et sa porte reste fermée.
« Le travail est fini pour l’instant. On attend la levée du couvre-feu et après, on va recommencer à travailler », dit-elle.
Les consultations avaient lieu le plus souvent la nuit… Sauf qu’à partir de 20h00, tous les jours, c’est le début du couvre-feu.
Chez Thierno Amadou Gueye, marabout guérisseur à Saint Louis, au nord du pays, le nombre de séances s’est réduit comme peau de chagrin.
« Normalement, les gens consultent peu le jour. Ils préfèrent la nuit, c’est-à-dire après le crépuscule mais malheureusement, avec le couvre-feu, vous voyez que le manque à gagner se fait sentir, parce que les gens qui viennent le matin, se font rares », explique-t-il, avant d’ajouter que la solution c’est le télétravail, la consultation par téléphone: « La consultation à distance peut se faire en 24 heures pour essayer de compenser certaines pertes et ensuite, il faut assister les gens parce qu’ils en ont besoin en ce moment ».
Beaucoup d’appels concernent le coronavirus et d'éventuels symptômes. Dans ce cas, le marabout redirige ses patients vers la médecine moderne et le numéro vert du ministère de la Santé. Et ce numéro vert c'est le 800 00 50 50.
par Ousseynou Nar Gueye
LA SODAV PAIE LE PRIX D’AVOIR VÉCU SUR SA « SITUATION DE RENTE »
En plus de la copie privée qui est un vœu pieux dans la maison dirigée par Aly Bathily et dont Ngoné Ndour Kouyaté est la PCA, rien n’est fait pour percevoir les droits légitimes des artistes, créateurs et éditeurs, sur le streaming
60% en moins. C’est la baisse spectaculaire des redevances qu’elle perçoit que l’ex Bureau Sénégalais du Droit d’Auteur (BSDA), organisme d’État devenu une société civile privée, sous le nom de SODAV (Sénégalaise du Droit D’Auteur et des Droits voisins), connaîtra en 2020, à cause de la pandémie de coronavirus. Celle-ci a entraîné la fermeture de tous ces lieux que la SODAV taxait (bars, restaurants, hôtels, concerts, etc.) au titre de la musique et autres œuvres de l’esprit qui y étaient diffusées au public.
Pourtant la SODAV connait le remède, à la fois seul gage d’entrée dans la modernité (enfin !) et unique instrument pour un paiement équitable des droits des artistes, éditeurs, auteurs et compagnie, du Sénégal : c’est la rémunération pour copie privée, censée être instauré depuis le vote d’une loi en janvier 2007. Soit, il y a 13 ans, bientôt trois lustres.
C’est sur la copie privée que le directeur intérimaire (intérim jusque quand ?) de la SODAV, Aly Bathily, a pleurniché jeudi dernier : « il faut concrétiser la mise en œuvre de la rémunération pour copie privée, qui est une redevance prélevée sur les supports d’enregistrement. Le travail technique est déjà fait, et le taux retenu est de 2,5 %. Cette rémunération peut sauver le secteur culturel’ », a supplié Bathily.
Pourtant, cette rémunération est un droit et non une faveur à quémander à l’Etat, pour les ayants-droits. Le Burkina Faso qui l’applique depuis 16 ans perçoit plus de 50% des droits (60% en 2017 !) de son BBDA (Bureau Burkinabé du Droit d’Auteur) par la copie privée. Le BBDA l’applique en coopération avec la douane burkinabé, qui impose ces redevances sur tous les appareils pouvant copier des œuvres et permettre l’enregistrement de celles-ci (tablettes, clés USB, smartphones, disques durs externes, etc.). Et les montants perçus se montent au Burkina, depuis 16 ans, à toujours plus de milliards perçus par le BBDA. A comparer à la pauvre somme que la SODAV a annoncée dans son rapport 2018 : dans son rapport 2018 publié en juin dernier, la SODAV avait perçu 807 millions 906 mille 866 francs CFA au titre des droits d’auteur. En hausse pourtant de 47,88 % sur les perceptions de l’année précédente, cette somme reste ridicule en regard de ce qu’on est en droit d’attendre pour les créateurs et éditeurs avec la rémunération pour copie privée. Quand et si elle est enfin instituée !
Le BBDA burkinabè, sur financement de la CISAC (Confédération internationale des sociétés de droit des auteurs et compositeurs), a envoyé une mission pendant 4 jours à Dakar en juin 2019, pour aider la SODAV à avancer sur ce serpent de mer qu’est la copie privée au Sénégal. Mais comme pour d’autres missions précédentes envoyées par la communauté internationale du droit d’auteur, et après moult séminaires sur la question auxquelles l’ex BSDA et actuelle SODAV ont participé dans l’UEMOA et ailleurs, rien n’a bougé d’un iota sur ce chantier impérieux.
Mais la SODAV ne fait que payer le prix de n’être jamais sortie de sa « zone de confort », qui est de vivre de la « situation de rente » qui consiste à taxer les plus visibles et les plus directement accessibles : hôtels, restaurants, bars, salles de spectacles, concerts, etc.) et les organes de presse audiovisuelle, radios et télés (qui pourtant, sur leurs enregistrements, sont aussi des ayant-droits que la SODAV devrait rémunérer !). Une approche bureaucratique de la SODAV donc, semblable en tous points à celle du fisc sénégalais, qui pour les impôts sur les sociétés, tape toujours sur les plus formelles et les plus visibles des entreprises.
La SODAV, malgré le ravalement de façade de son changement de nom, n’est toujours pas entrée dans le 21ème siècle : en plus de la copie privée qui est un vœu pieux dans la maison dirigée par Aly Bathily et dont Ngoné Ndour Kouyaté est la PCA, rien n’est fait pour percevoir les droits légitimes des artistes, créateurs et éditeurs, sur le streaming. Le streaming, dont les redevances ont décuplé en 10 ans pour les auteurs et éditeurs, ailleurs dans le monde, est pourtant le moyen privilégié d’accès aux œuvres pour les Sénégalais, dont le taux de couverture par téléphone mobile dépasse les 100%! En ces temps de confinement pour cause de « Coronacrise », la consommation d’œuvres de l’esprit par le streaming a bondi dans tous les foyers sénégalais et chez tous les particuliers du Sénégal. Qui peut imaginer un auto-confinement sans livre, sans musique, sans film ?
Enfin, et cela concerne aussi les journalistes sur leurs articles et les éditeurs de presse qui sont des ayant-droits prévus par la SODAV, qu’est-ce qui est fait par l’ex-BSDA pour percevoir des redevances de la part des GAFA, notamment de Google qui indexe les articles des journaux et sites d’info sénégalais, et de Facebook ? Là encore, la SODAV se tourne les pouces, contente (au moins jusqu’au Covid-19!) de taxer les prétendues vaches à lait de sa zone de confort.
SODAV ? Société du Droit d’Auteur Virussé !
Seul motif de consolation ? La communauté des créateurs ivoiriens et leur BURIDA (Bureau Ivoirien du Droit d’Auteur) courent aussi derrière la concrétisation de la rémunération pour copie privée depuis 15 ans…
Ousseynou Nar Gueyeest Fondateur-Éditeur de Tract.sn,Expert en propriété intellectuelle
L'OMS, UNE MARIONNETTE CHINOISE ?
La chronologie du mois de janvier montre, si ce n’est des retards, a tout le moins des ambiguïtés dans les réactions de l’Organisation internationale
Mediapart |
François Bonnet |
Publication 19/04/2020
Donald Trump suspend les financements américains à l’Organisation mondiale de la santé, accusée d’avoir couvert les mensonges de la Chine et tardé à réagir. Des critiques reprises à demi-mot par la France. L’histoire est plus complexe, l’OMS étant à chaque crise sanitaire mise en cause.
Donald Trump a donc trouvé le coupable. Mis en cause pour sa gestion catastrophique de la pandémie de Covid-19, toujours en campagne électorale, le président lynche sur la place publique le « bad guy » : l’OMS, et son directeur général, l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Mercredi 15 avril, Trump a annoncésuspendre les financements américains à l’Organisation mondiale de la santé, pendant au moins deux ou trois mois, « le temps d’une enquête ». Les États-Unis sont les premiers contributeurs de l’OMS, avec plus de 400 millions de dollars, dix fois plus que la Chine. Mais cette décision a peu de chances d’être appliquée, le Congrès ayant déjà adopté le versement des fonds pour l’année 2020.
La décision a été critiquée par presque tout le monde, en Europe, en Afrique, en Asie et aux États-Unis même, en particulier par Bill Gates dont la fondation est l’un des gros contributeurs de l’institution. Cette nouvelle fureur trumpienne relaie bruyamment des accusations faites depuis des semaines à l’OMS. Sa direction serait sous influence chinoise. Elle aurait pris grand soin de ne pas fâcher Pékin en couvrant ses retards et ses mensonges sur la réalité de l’épidémie. Un temps précieux aurait été perdu en janvier, facilitant la propagation de l’épidémie devenue pandémie.
Mercredi, la France reprenait en des termes plus tempérés ces critiques, par la voix de Jean-Yves Le Drian, ministre des affaires étrangères, à l’occasion d’une audition à l’Assemblée nationale. Tout en « regrettant » la décision américaine, le ministre a estimé qu’il y avait « peutêtre un manque de réactivité, d’autonomie par rapport aux États, peut-être un manque de moyens de détection, d’alerte et d’information, de capacité normative ». « Mais ce n’est pas automatiquement la responsabilité des acteurs de l’OMS,
c’est aussi dans les fondamentaux de l’institution », ajoutait-il.
Les critiques faites à l’Organisation mondiale de la santé ne sont pas nouvelles. À chaque grande crise sanitaire ou presque, l’OMS, énorme agence créée sous les auspices des Nations unies en 1948, qui compte 7 000 employés et un budget de 4,4 milliards de dollars en 2018-2019, est montrée du doigt. En 2003, elle est accusée d’avoir loupé l’émergence du Sras. Mais c’est alors surtout la Chine qui est mise en cause pour avoir tardé à informer, avoir menti et dissimulé.
En 2008-2009, l’OMS est cette fois accusée d’avoir surréagi à la pandémie de grippe H1N1. Mais l’erreur la plus spectaculaire fut en 2013-2015 son incapacité à se saisir dans les temps de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest. L’organisme mit cinq mois à déclarer « l’urgence de santé publique de portée internationale », une alerte censée obliger
les pays à s’organiser et agir fortement.
Ce loupé majeur a été reconnu par l’OMS qui a déclenché une enquête interne, fait publiquement acte de contrition en 2015 et promis de fortes réformes. Parallèlement, un ancien consultant de l’organisation, Charles Clift, publiait en 2014 un long rapport d’audit fortement critique. L’OMS est « trop politisée, trop bureaucratique, mal organisée, trop
timide quand il s’agit de problèmes sensibles et trop lente à s’adapter », résumait-il. Un diagnostic partagé, par exemple par l’historien de la santé Theodore Brown, coauteur en 2019 d’un livre de référence sur l’histoire de l’organisation.
Ce constat, de longue date sur la place publique, donne-t-il raison à Donald Trump ? Certainement pas. D’abord parce l’OMS est après tout ce que les 194 États membres en ont fait. Ensuite parce que l’institution demeure un acteur majeur de santé publique, indispensable en particulier pour les pays les plus pauvres et avec de réels succès à son actif. Enfin, parce que Donald Trump, tout occupé à faire oublier ses erreurs et turpitudes, choisit une fois de plus de tirer sur ses deux cibles préférées : le multilatéralisme et la
Chine.
L’OMS aurait donc favorisé la propagation « du virus chinois ». Cela fait un tweet mais pas pour autant une vérité. Contacté par Mediapart, un membre du « comité d’urgence » de l’organisation, qui ne peut s’exprimer que sous garantie d’anonymat, assure que « les décisions prises en janvier n’ont certainement pas été dictées ou influencées par la Chine ».
Ce comité d’urgence rassemble quinze scientifiques et spécialistes du monde entier (la liste est ici). Le directeur Tedros Adhanom Ghebreyesus est obligé de le consulter. Il ne peut décider seul même si ses interventions lui permettent d’accompagner en des termes parfois très politiques les décisions techniques et sanitaires prises.
La chronologie du mois de janvier montre, si ce n’est des retards, a tout le moins des ambiguïtés dans les réactions de l’Organisation internationale. Le 31 décembre, la Chine se décide à informer l’institution de cas de pneumonies d’origine inconnue. Le 3 janvier, quarante-quatre cas lui sont rapportés. « L’OMS surveille de près la situation et est en contact étroit avec les autorités chinoises », est-il précisé (voir ici la chronologie des actions).
Le premier reproche fait à l’organisation concerne le mode de transmission du virus. Le 14 janvier, l’OMS déclare que « de premières enquêtes faites par les autorités chinoises n’ont pas établi de preuves claires d’une transmission humaine ». Or, à cette date, de premières études publiées par des médecins chinois et des informations en provenance de Wuhan ne laissaient guère de doute sur cette transmission humaine. Pourquoi l’OMS reprend-elle alors sans distance une information des autorités chinoises ?
Ce n’est qu’une semaine plus tard, les 22 et 23 janvier, que cette transmission humaine est officiellement reconnue par l’OMS. Le comité d’urgence s’est réuni ces deux jours. Des experts ont fait une brève visite à Wuhan les 20 et 21 janvier. Les choses s’accélèrent, sans doute facilitées par un changement radical en Chine où le pouvoir central et Xi Jinping en personne ont décidé de prendre les choses en main, écartant les autorités locales dont il sera établi qu’elles ont depuis novembre dissimulé la réalité sanitaire.
Ce 22 janvier, le confinement est mis en place à Wuhan. 557 cas sont alors signalés. « Il existe une transmission interhumaine du virus », déclare le comité. Tout en soulignant l’urgence de la situation, en demandant à la Chine « davantage d’informations », il n’est pas pour autant déclaré une « urgence de santé publique de portée internationale » (USPPI).
« Le comité était alors totalement divisé, à 50-50, or il doit fonctionner au consensus », dit le membre du comité d’urgence de l’OMS, interrogé par Mediapart. « Il y avait alors 557 cas, nous avons demandé au directeur général de nous réunir à nouveau les jours suivants, ce qu’il a fait. Certes, nous n’avons pas de pouvoirs de vérification des informations transmises, mais je n’ai pas d’arguments aujourd’hui pour dire que nous n’avons pas été informés dans les délais en ce mois de janvier », ajoute-t-il.
Nouvelle réunion, une semaine plus tard. Cette fois, l’urgence USPPI est déclarée. Il y a alors « 7 711 cas confirmés et 12 167 cas suspects » en Chine. Le virus est sorti du pays et 83 cas sont enregistrés dans 18 pays. « Le Comité est d’avis qu’il est encore possible d’interrompre la propagation du virus, pour autant que les pays prennent des mesures fortes pour détecter rapidement la maladie, isoler et traiter les cas », note le compte-rendu de cette réunion.
Un directeur général jamais avare de compliments sur la Chine
Dès lors les alertes de l’OMS vont monter crescendo dans les semaines suivantes. Une mission conjointe OMSChine, à laquelle participent des experts américains, enquête sur le terrain du 16 au 24 février (leur rapport est ici). Le 11 mars, l’organisation déclare l’état de pandémie.
Mais plus encore que les retards supposés et discutables, c’est sa relation complaisante avec les autorités chinoises qui est dénoncée. L’OMS est « Chinacentric », s’indigne Donald Trump. Sous influence, donc, et son directeur général ne serait qu’une marionnette entre les mains de Pékin.
De nombreux spécialistes de l’organisation soulignent son incapacité à heurter frontalement la Chine au risque de ruiner toute coopération et information. Dans la revue Science, l’expert Lawrence Gostin estime que le directeur général de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus se trouve « dans une situation quasi impossible ».
Mais au-delà de cette complexe diplomatie sanitaire, il demeure les étonnants hommages rendus à Pékin tout au long de la crise par Tedros Adhanom Ghebreyesus. Ce n’est pas nouveau. La Chine a appuyé de manière déterminante sa candidature et son élection à la tête de l’OMS en 2017, avec les voix de la totalité des États de l’Union africaine.
Premier Africain a être élu à la tête de l’OMS, le nouveau directeur a aussitôt accédé à une demande chinoise : la suppression du statut d’observateur de Taïwan, épousant le principe d’une « seule Chine ». Le conflit est depuis récurrent. Taïwan dispose d’un des meilleurs systèmes de santé au monde, est aux portes de la Chine et a remarquablement géré la crise du Covid-19.
Dans une note très récente, publiée par la Fondation de la recherche stratégique (FRS), la chercheuse Valérie Niquet fait l’histoire d’une longue stratégie d’influence de la Chine dans les grandes agences de l’ONU. En s’appuyant sur les voix des pays africains, Pékin a pu conquérir des places importantes et contrôler ainsi directement ou indirectement des organismes internationaux.
« Tedros Adhanom Ghebreyesus n’a aucune distance politique par rapport au régime chinois », dit Valérie Niquet, interrogée par Mediapart. « La Chine est par ailleurs la première source d’investissements étrangers et le premier partenaire commercial de l’Éthiopie », pays du directeur général, où il a été successivement ministre de la santé et
ministre des affaires étrangères.
Autre spécialiste de la Chine, François Godement reprend en des termes à peine plus mesurés, les analyses de Valérie Niquet : « La réticence du directeur général à critiquer la Chine sous quelque forme que ce soit saute aux yeux », estimet-il.
Il est vrai que dans chacun de ses discours, avant et après la crise, le directeur général multiplie les compliments et se coule parfaitement dans l’agenda international de Pékin. La chercheuse Alice Ekman explique dans la revue Le Grand Continent comment « le docteur Tedros a, dès 2017, complètement intégré les éléments de langage du pouvoir chinois ». « Par sa voix », ajoute-t-elle en analysant un de ses discours prononcés à Pékin en août 2017, un mois après sa prise de fonction, « l'Organisation se rangeait aux côtés de Pékin dans la promotion d'une “route de la soie sanitaire” ».
Le 28 janvier, Tedros Adhanom Ghebreyesus se rendait à Pékin pour y rencontrer Xi Jinping. « Nous apprécions le sérieux avec lequel la Chine traite cette épidémie, et tout spécialement l’engagement de ses dirigeants et la transparence dont ils ont fait preuve. » Pas un mot sur les médecins lanceurs d’alerte, les rapports censurés et les journalistes poursuivis.
Mais il est aussi vrai que dans les semaines suivantes, il est un autre dirigeant qui félicitait la Chine et Xi Jinping. C’était Donald Trump qui, par poignées de tweets et avant de parler de « virus chinois », s’en remettait à Pékin.
De fait, l’Occident, États-Unis et pays européens en tête, découvrent aujourd’hui qu’ils ont perdu pied dans bon nombre d’organisations internationales, souvent négligées, voire méprisées. L’OMS a longtemps été considérée comme l’agence sanitaire des pays pauvres du Sud. Le Covid-19 vient leur rappeler que leur négligence ou leur hostilité à un multilatéralisme efficace a aujourd’hui un prix politique et sanitaire.
LUXURE, CALME ET VOLUPTÉ À LA COUR DE THAÏLANDE
Tel est son bon plaisir, le roi de Thaïlande Rama X s’est confiné avec un harem de 20 jeunes filles en Allemagne
C’est un va-et-vient quasi incessant de vans sombres aux vitres fumées et de limousines tout aussi mystérieuses. Les véhicules grimpent le raidillon qui mène à la réception du Grand Hotel Sonnenbichl. Le matin, les fenêtres de la façade reflètent le sommet blanchâtre du Kramerspitz (1 985 mètres) mais restent désespérément fermées : le bon air des Alpes bavaroises ne risque pas de pénétrer à l’intérieur de ce quatre-étoiles de Garmisch-Partenkirchen. Inutile de tenter la moindre approche. Des gardes du corps thaïlandais, peu enclins au bavardage, font sèchement signe de dégager et n’hésitent pas à appeler la police locale.
Confiné au quatrième étage depuis mi-mars : Rama X, de son nom complet Maha Vajiralongkorn, 67 ans, roi de Thaïlande depuis 2016. Il est le dixième souverain de la dynastie Chakri, fondée en 1782. A quatorze heures de vol, ses 70 millions de sujets subissent l’état d’urgence et le couvre-feu, mais Rama X ne semble pas vraiment disposé à les réconforter. Il mène en Allemagne une vie de patachon assumé. Son père, Rama IX, avait garanti l’unité et assuré l’autorité morale du royaume pendant soixante-dix ans, malgré dix-neuf coups d’Etat, dont douze réussirent. Rama X, lui, avait prévenu. « Je suis le mouton noir », déclara-t-il avec lucidité au magazine thaïlandais Dichan, à 35 ans, trois décennies avant de monter sur le trône.
Le hashtag « Pourquoi avons-nous besoin d’un roi ? » a suscité plus de 2 millions de tweets entre le 25 et le 29 mars dernier. Une insurrection virtuelle sans précédent en Thaïlande, où le crime de lèse-majesté (art. 112 du Code pénal), même en ligne, est puni de lourdes peines de prison. L’homme qu’il est interdit de regarder en face, et devant lequel tout le monde s’aplatit au sol à chaque cérémonie officielle, semble ignorer l’indignation de ses sujets.
Rama X assouvit sa boulimie sexuelle loin de toute vertu prônée par le bouddhisme, religion dont il est le chef dans son pays. Vingt jeunes Thaïlandaises sont astreintes à résidence et confinées dans un salon de l’hôtel, rebaptisé « salle des plaisirs » par le souverain. « Certaines de ses “concubines” sont droguées et subissent des pressions psychologiques dignes d’une secte », nous affirme le journaliste écossais Andrew MacGregor Marshall, connaisseur du personnage. La polygamie est interdite en Thaïlande depuis un siècle, sauf pour le souverain. A Bangkok, un régiment de la garde royale est spécialement consacré à ses plaisirs. C’est le vivier dans lequel il puise. Des dizaines de jeunes filles, parfois encouragées par leur famille, s’engagent dans l’armée en espérant se faire repérer par leur roi. Si tel est le cas, elles intègrent le Special Air Service (SAS). Leur devise : « Qui ose gagne ». Nommées lieutenantes, capitaines ou majors, elles portent toutes le même pendentif en forme de demi-cœur et un numéro allant de SAS 20 à SAS 1, comme un grade récompensant leurs compétences… extramilitaires. Mais l’avenir de ces proies est rarement gagnant. Colérique, capricieux, cruel, d’humeur et de goûts continuellement changeants, le potentat voit des complots partout. La dernière SAS 1 en date a été répudiée au motif qu’il la trouvait trop proche de sa propre fille aînée.
Rama X s’est marié quatre fois. D’abord avec une cousine, dont il divorce en 1991. Suit une actrice, accusée d’infidélité, répudiée et déshéritée. Une danseuse, ensuite, jetée en prison en 2011 avec sa famille. Une hôtesse de l’air, enfin, trois fois divorcée, reine actuelle, qu’il épouse trois jours avant la fastueuse cérémonie de son couronnement (près de 30 millions d’euros), comme s’il avait simplement besoin d’y apparaître accompagné. Il s’en lasse d’ailleurs très vite et, trois mois plus tard, nomme « noble concubine royale » une infirmière militaire promue au passage major générale. Cette dernière croupit aujourd’hui en prison, accusée d’être une ambitieuse qui aurait comploté contre la reine.
par Pouye Ibra
L’HOMME FACE À L’AMPLEUR DU CORONAVIRUS
Nous sommes ce que nous sommes, le lit de notre propre égoïsme et de notre petitesse d’esprit. Nous nous croyons invincibles. Ô mon Dieu, prions pour que ce virus ne soit bientôt qu’un mauvais souvenir !
Depuis que la lune s'est couchée pendant une éternité, une paresse intellectuelle de lire et d'écrire me tenaille. Cri de peine. Cri de douleur. Cri de malheur. En effet, le malheur dans son acception la plus absolue tient en ces temps sombres toute l'humanité en haleine. Une odeur de mort souffle dans le vent. Je ne sais plus à quoi m'en tenir et à quel saint me vouer. Le sol se dérobe sous mes pieds. Je n'arrive plus à tenir, quoique tenu par la vigueur de l'âge, quoi que ce soit qui pourrait me sauver. J'ai du mal à bredouiller un seul mot sauf le mot coronavirus.
Mon cerveau est devenu un confinement d'idées noires. Flux et reflux de mots à la couleur saumâtre déferlent comme une vague de la Méditerranée. Je n'arrive plus à me fixer et à me décider. Décidément, je pense au coronavirus. A ce virus venu d'ailleurs. Probablement de la Chine. Probablement d'un animal ou d'animaux tels que le pangolin ou autres. Probablement d'essais cliniques voire chimiques qui ont mal tourné. Ma tête risque d'exploser. La question qui interpelle l'humanité, c'est de savoir comment sommes-nous arrivés à ce cataclysme sanitaire mondial ? La réponse ne peut couler de source parce que les tenants et les aboutissants nous sont ô combien inconnus !
L'Homme et le mal. L'homme est le propre de son mal qui le décimera un jour. Telle est la situation à laquelle nous assistons en ce moment. Enfants, allons alors faire le procès de l'humanité assise sur le banc des accusés ! Hélas, l'heure n'est point aux règlements de comptes. L'heure est ô combien fatidique et confinée à l'action parce qu'il est temps de trouver le remède miracle face à ce mal qui nous consume ! Même si les pouvoirs publics n'avaient pas sonné le tocsin, l'Homme de par ses sensibilités et de par son instinct grégaire et animal allait se confiner.
En effet, le coronavirus de par son ampleur funeste, bouleverse le quotidien des humains et à jamais comme la peste décimant l'humanité dans une autre époque récente. Encore un combat entre un virus et l'humanité dans tout son malheur. Qu'il nous tarde de savoir l'issue de ce combat entre pot de fer, le coronavirus contre pot de terre, l'humain ! En fait, la fin risque d'être une calamité à laquelle nous assisterons, bouche bée et bras ballants. Ô Dieu, fais que la fin ne soit pas le fruit d'un martyr agonisant sur sa croix ! Et oui, nous sommes notre propre malheur.
Et oui nous sommes notre propre destin. Et oui nous nous croyons invincibles. Et oui nous sommes ce que nous sommes, le lit de notre propre égoïsme et de notre petitesse d’esprit. Mais face à ce virus, aussi invisible et destructeur qu'il est, nous ne sommes que notre propre reflet et face à ce qui se trame sous nos yeux et à notre barbe, nous sommes ô combien impuissants devant ce malheur qui nous assomme et pourrait nous réduire en cendres. Et pour une fois, l'Homme est infiniment petit devant la grandeur de Dame nature. Ô mon Dieu, ciel mes jours, prions pour que ce virus ne soit bientôt qu’un mauvais souvenir !
Après ce déluge des temps modernes, l'heure des comptes sonnera tel un glas mais cela ne sera pas une guerre mais une humanité meilleure qui se dégagera de nous tel le temps d'une floraison printanière.
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"LES INTERPRÈTES", DE WOLE SOYINKA
Qualifié de « roman d’un poète », l’ouvrage mêle le registre poétique et mythologique à la satire sociale et met à nu les forces et les faiblesses de la société nigériane renaissante au terme d’une longue nuit de domination coloniale
Prix Nobel de littérature 1986, poète et homme de théâtre, le Nigérian Wole Soyinka est aussi l’auteur de deux grands romans essentiels du corpus littéraire africain dont Les Interprètes, son premier roman paru en 1965. Qualifié de « roman d’un poète », l’ouvrage mêle le registre poétique et mythologique à la satire sociale et met à nu les forces et les faiblesses de la société nigériane renaissante au terme d’une longue nuit de domination coloniale.
« Le livre de l’entrée dans le monde »
« Les Interprètes est le livre de l’entrée dans le monde », peut-on lire sur la quatrième de couverture de ce premier roman du Nigérian Wole Soyinka. Une trouvaille d'éditeur qui renvoie, d’une part, au moment précis de la parution de ce livre en 1965, au lendemain de l’accession à l’indépendance du Nigeria. D’autre part, cette entrée dans le monde est aussi celle des personnages de ce roman. Héros problématiques, ceux-ci cherchent à trouver leur place dans la société postcoloniale. Le roman raconte leurs cheminements semés d’espérances et de déceptions dans le Nigeria nouveau. Ils en sont les interprètes.
Qui sont ces interprètes ?
Ils sont cinq : fils d’un pasteur et d’une princesse, le premier, Egbo est fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères. Il est tiraillé entre la chefferie côtière de son grand-père dont il est l’héritier et son poste de haut fonctionnaire dans la capitale. Sagoe, lui, est journaliste. Celui-ci croit encore aux lendemains qui chantent, mais confronté à la corruption du système en place, il peine à dévoiler le mal qui ronge son jeune pays de l’intérieur. Sekoni, l’ingénieur, construit avec des moyens de fortune une centrale électrique dans un village isolé, mais sombre dans la démence lorsque les chefs de son entreprise récusent ses projets. Quant aux deux autres, Bandele et Kola, ils sont respectivement professeur d’université et peintre.
Amis d’enfance, ces cinq se retrouvent au pays, après avoir terminé leurs études à l’étranger. Conscients de leurs potentialités et leurs limites, ils forment une génération spirituelle réunie par leur quête identitaire. Le roman raconte la résolution de leurs dilemmes, à travers des choix individuels qui révèlent surtout l’ambiguïté de leur condition de privilégiés dans une société profondément inégalitaire, marquée par la corruption et la brutalité.
Bonjour et adieu à la négritude
« Le tigre n’a pas besoin d’affirmer sa tigritude : il saute sur sa proie », ainsi parle Wole Soyinka. Sur le plan littéraire, cela se traduit par le refus de la célébration du passé pour mieux s’atteler à la mission, primordiale pour Soyinka, de donner à voir les forces à l’oeuvre dans la société africaine contemporaine. C’est ce qu’accomplit brillamment l’auteur des Interprètes qui raconte la dégradation des valeurs morales dans le Nigeria nouveau.
Ce rejet du passé n’empêche pas toutefois Soyinka de puiser son inspiration dans la littérature orale du continent ou de se servir des légendes d’autrefois pour parler du présent dans son roman. Nombre de critiques ont souligné l’utilisation que fait l’écrivain des divinités du panthéon yorouba comme grille de lecture des personnages. D’ailleurs, « Panthéon » est le titre de la toile que dessine Kola, l’artiste du groupe des 5, qui a placé son œuvre sous l’égide d’Ogun, dieu yorouba à la fois dionysiaque et apollonien.
Entre satire sociale et poésie
Il y a un côté onirique dans Les Interprètes. Ce roman n’a pas d’intrigue centrale à proprement parler. Nous sommes dans un registre résolument moderniste. Les dix-huit chapitres se lisent comme une série de tableaux reliés entre eux par des associations d’idées et d’images métaphoriques. L’action de ce roman, partagée entre Lagos et Ibadan, s’ouvre dans une boîte de nuit où les protagonistes sont engagés dans un débat existentiel, qui traîne en longueur à mesure que la nuit avance et que l’alcool leur monte à la tête.
La narration procède ensuite par flashbacks, évocations nostalgiques et projections futuristes. On peut parler de récit introspectif qui convoque le mythologique, le psychique et le spirituel pour évoquer la quête identitaire de ses personnages et au-delà, la résurrection dans la douleur du Nigeria renouvelé au sortir de la colonisation.
Les Interprètes, par Wole Soyinka. Traduit de l'anglais par Etienne Galle. Présence Africaine, Paris, 1991, 413 pages (collection poche)
POURQUOI LA DISTANCIATION SOCIALE VARIE-T-ELLE D'UN PAYS À L'AUTRE ?
Si l'OMS comme la France recommandent de maintenir au moins 1 mètre de distance avec les autres pour éviter la propagation du virus, d'autres pays vont jusqu'à conseiller le double
La distanciation sociale, depuis le début de l’épidémie, est une des mesures recommandées par l’ensemble des pays pour endiguer la propagation du virus. Mais les préconisations peuvent varier quant à la distance que les citoyens doivent respecter.
En France, la distanciation sociale est «d’au minimum 1 mètre», précise la direction générale de la santé (DGS), en charge de préparer la politique de santé publique. Cette distance concorde avec les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). «Selon les données actuelles, le virus du Covid-19 se transmet principalement entre les personnes par les gouttelettes respiratoires et les voies de contact. La transmission par gouttelettes se produit lorsqu’une personne est en contact étroit (à moins de 1 mètre) avec une personne qui présente des symptômes respiratoires», d’après une note de l’organisation. Sur son site internet, l’OMS recommande de «maintenir une distance d’au moins 1 mètre avec les autres personnes qui toussent ou qui éternuent».
Pourtant, les mesures de distanciation sociale varient donc selon les pays. Si un citoyen français est encouragé à se tenir au minimum à 1 mètre de son voisin, pour les citoyens monégasques, la distance préconisée est de 1,5 mètre. C’est le cas également en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas. Pour d’autres pays comme l’Italie, l’Espagne et les Etats-Unis, c’est même 2 mètres de distance qui sont de mise.
Les gouvernements ne donnent donc tous pas les mêmes consignes en la matière. Nous avons compilé ces différentes préconisations pour 95 pays. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur les sites internets des ministères de la Santé ou ceux des ambassades de France. Dans la carte ci-dessous, les pays pour lesquels nous avons trouvé cette information sont représentés en couleur. Les autres, en blanc, n’émettent, à notre connaissance, pas de recommandations en la matière (ou nous ne les avons pas trouvées).
Les distanciations sociales recommandées par pays
Pour éviter la propagation du Covid-19, de nombreuses autorités politiques et sanitaires recommandent de respecter une distance minimale entre les personnes. Cette distance varie d’un pays à l'autre.
«Ajouter 50 centimètres aux préconisations de l’OMS»
Certaines régions, comme Hongkong, respectent à la lettre les recommandations de l’OMS, et conseillent une distance de sécurité de 1 mètre minimum. Le ministère de la Santé hongkongais précise toutefois à CheckNews qu’il n’exclut pas d’ajuster les mesures de prévention en fonction de l’évolution du discours scientifique.
D’autres, comme la Belgique et le Japon, ont choisi d’ajouter aux recommandations de l’OMS un éloignement supplémentaire. Au Japon, il est ainsi conseillé de laisser 2 mètres entre chaque individu, en plus du port du masque. Ayako Suzuki, professeure assistante à l’Université de Hokkaido, explique à CheckNews : «La transmission du virus par gouttelettes se fait par contact proche (environ 1 mètre). Dans ce cadre, maintenir une distance de 1 mètre est acceptable, mais pour éviter la transmission du virus nous préférons appliquer une distance de 2 mètres.»
En Belgique, où la recommandation est de 1,5 mètre, le Centre de crise national nous précise qu’en plus d’une grande distance de sécurité entre les personnes, nécessaire pour endiguer la propagation du virus, «il faut rester réaliste : les citoyens doivent pouvoir continuer à vivre, à se rendre au supermarché, circuler dans les rayons, prendre les transports pour se rendre vers son emploi dans un secteur essentiel». Et de conclure : «Ajouter 50 centimètres aux préconisations de l’OMS représente un équilibre entre recommandations médicales et la distance permettant aux citoyens de faire un minimum société.»
Gouttelettes et microgouttelettes
Les distances de sécurité recommandées par les scientifiques reposent notamment sur un constat : le Covid-19 se transmet via des gouttelettes de salive, émises par des postillons, un éternuement ou une quinte de toux. Ainsi, aux Etats-Unis, les centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) préconisent une distanciation sociale de 2 mètres (6 pieds), en considérant que c’est la distance que parcourent généralement ces gouttelettes.
Une décision qui ne tient pas compte du fait que des microgouttelettes (ou aérosol), plus volatiles car susceptibles de rester en suspension dans l’air, pourraient être vecteurs du virus (même s’il n’y a pas pour l’heure de certitude scientifique à ce sujet, notamment car la dose infectante du Covid-19 n’est pas connue). C’est ce que pointe le New York Times, dans une modélisation de la distanciation sociale, réalisée à partir des données de l’Institut technologique de Kyoto, qui a travaillé sur la propagation du virus de la grippe (et non sur le Covid-19).
Par ailleurs, la distance qui doit nous séparer des autres, souvent présentée comme un chiffre unique par les gouvernements, varie en fait grandement selon les situations. Si, d’après une récente étude belgo-néerlandaise, la distance à respecter pour éviter la circulation du virus est de 1,5 mètre à 2 mètres lorsque les personnes sont statiques, en intérieur ou en extérieur, et que la météo est calme, il en est autrement lorsque les personnes sont en mouvement. Dans le cas de la marche ou d’une activité physique, des mesures de distanciation sociale plus grandes doivent être appliquées. Les chercheurs préconisent 4 à 5 mètres lors d’un footing, 10 mètres dans le cas d’un cycliste à vitesse modérée et 20 mètres pour un cycliste à vitesse rapide.
Masques et gestes barrières
Aussi, la distance de sécurité évitant de propager un virus dépend de l’environnement dans lequel les personnes se situent – que l’on soit dans un espace confiné ou en plein air, par exemple. Pour le professeur Eric Caumes, du service des maladies infectieuses et tropicales de la Pitié-Salpêtrière (Paris), l’éloignement nécessaire pour éviter toute contamination pourrait varier si, par exemple dans une pièce fermée, un ventilateur se trouvait derrière une personne infectée. Les gouttelettes pourront alors se déplacer plus loin. C’est également ce qui ressort d’une étude de cas menée dans un restaurant à Canton, en Chine, où les chercheurs concluent qu’un ventilateur «a pu diffuser les gouttelettes» d’une table à l’autre.
La professeure Christine Katlama, infectiologue à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière et enseignante chercheuse à l’Institut Pierre-Louis à Paris estime, à l’unisson de nombreux scientifiques, que si la distanciation sociale est importante, le port du masque et le lavage des mains régulier sont des actions primordiales pour empêcher la diffusion de la maladie.
Article rédigé par Soraya Boubaya, Emma Cante, Brianne Cousin et Léa Gorius, journalistes en formation à l’ESJ Lille, dans le cadre d’un partenariat avec CheckNews. Il sera également publié sur le site de la 95e promotion de l’école, Rue des confinés.
DÉCÈS DE L’ANCIEN LUTTEUR MOR NGUER
L’ancien lutteur de l’écurie, Fass Mor Nguer, est décédé dans la nuit de samedi à dimanche, à l’hôpital El Hadji Ibrahima Niass de Kaolack
Kaolack, 19 avr (APS) - L’ancien lutteur de l’écurie, Fass Mor Nguer, est décédé dans la nuit de samedi à dimanche, à l’hôpital El Hadji Ibrahima Niass de Kaolack (centre), des suites d’une longue maladie, a appris l’APS de sa famille.
Mor Nguer est de la génération de Manga 2 et était un des lieutenants du tigre de Fass Mbaye Gueye. Il résidait depuis des années dans la capitale du Saloum.
Son enterrement est prévu dimanche matin à Touba, selon ses proches.
17 NOUVEAUX CAS ANNONCÉS DIMANCHE
Le ministère de la Santé et de l’Action sociale, a annoncé dimanche, la contamination supplémentaire de 17 personnes au nouveau Coronavirus (Covid-19) sur 313 tests virologiques réalisés.
Dakar, 19 avr (APS) - Le ministère de la Santé et de l’Action sociale, a annoncé dimanche, la contamination supplémentaire de 17 personnes au nouveau Coronavirus (Covid-19) sur 313 tests virologiques réalisés.
Parmi ces nouvelles contaminations, 15 sont des cas contacts suivis par les autorités sanitaires et 2 issus de la transmission communautaire, notamment des communes de Derkhlé et de Guédiawaye, a précisé la directrice de la Santé, Marie Khémés Ngom Ndiaye, lors du point quotidien sur la situation de l’épidémie au Sénégal.
Elle a annoncé que 9 patients ont été contrôlés négatifs et déclarés guéris, portant le total à 220 guérisons
Au total, 143 patients sont sous traitement dans les différents centres de traitement dédiés à la maladie dans le pays, a-t-elle fait savoir, ajoutant que leur état de santé est stable.
Le Sénégal compte 367 cas positifs de Covid-19 depuis l’apparition de la maladie dans le pays, le 2 mars dernier, 220 guérisons et trois décès. Un patient a fait l’objet d’une évacuation à son pays d’origine.
Le ministère de la Santé et de l’Action sociale exhorte par ailleurs les populations au respect strict des mesures de prévention collectives et individuelles.