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28 septembre 2025
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, EMMANUEL DESFOURNEAUX
LES "COMPLOTISTES-RÉVOLTISTES" SÉNÉGALAIS DU COVID-19
EXCLUSIF SENEPLUS - Le « complotiste-révoltiste » appartient à la confrérie d’extrême gauche, parfois divisée entre les soixante-huitards rangés derrière Macky et la nouvelle génération opposée au président
Emmanuel Desfourneaux de SenePlus |
Publication 13/04/2020
En ces temps de Covid-19, de complotiste au néologisme « révoltiste » en passant par la case populiste, il n’y a qu’un pas. Dans cette amorce d’essai, je m’efforce de tirer le portrait d’une catégorie d’idéologues du complot et surtout de déconstruire leurs schèmes de pensée sans les stigmatiser. Je vous l’avoue humblement, cette entreprise est complexe. Il ne s’agit pas ici de décrire le complotiste dans son état confusionnel et délirant mais de s’attarder sur une connexion entre le politique, le réel et l’irréel. C’est là où se trouve toute la difficulté de démêler le vrai du faux, sur fond d’angoisse collective.
Commençons par le plus simple, le réel ! Si les pandémies ne changent pas le cours de l’histoire, elles accélèrent les tendances socio-politiques déjà présentes. Au Sénégal, le gouvernement salliste essuyait des critiques récurrentes autour de l’absence d’un patriotisme économique et autour d’un monopole partenarial français. Dans ce contexte, cette pandémie ravive ces condamnations et appelle à la nécessaire auto-suffisance alimentaire, réhabilitation des services publics et industrialisation africaine.
Pour les « complotistes-révoltistes » au Sénégal, la pandémie marque une continuité cohérente dans leur combat politique en faveur d’une société plus équitable et solidaire. On ne saurait le leur reprocher malgré une démarche quelque peu revancharde contre leur ennemi de toujours : le capitalisme. Ils s’inscrivent dans la remise en cause d’un modèle et d’un ordre qui, selon eux, ne marchent pas. Et ce avant même l’arrivée du Covid-19 ! C’est du pain bénit pour certains activistes de métier, citoyens procureurs-enquêteurs, militants extrémistes et politiciens populistes. La pandémie leur donnerait raison tant les défaillances, les dysfonctionnements des Etats et du système des Nations unies sont à juste titre sur le banc des accusés ! Les présidents français et sénégalais en ont pris conscience, et annoncent l’avant-goût d’un nouveau monde dont on ignore encore à quoi il ressemblerait.
Mais ont-ils vraiment changé ? Macky Sall fait appel à l’aide extérieure bien que, dans cette crise sans précédent, nous ne saurions lui en faire grief. Et les français se soignent toujours de leurs démons colonialistes. Ce pays, en l’espace d’une semaine, a offert sur un plateau d’argent aux « complotistes-révoltistes » tous les arguments pour tailler leurs lances. Entre le déshonneur des médecins français incompatible avec le serment d’Hippocrate, une note diplomatique surréaliste rédigée par un ancien archiviste du fonds Foccart (ça ne s’invente pas !) et l’interview du responsable français de l’aéroport international Blase Diagne sur ce qui est devenu l’affaire des vaccins, c’était le jeudi noir de la relation entre la France et le Sénégal ! Peut-être cette semaine catastrophique a-t-elle sonné le glas : il y aura un avant et un après dans les relations franco-africaines.
Tout ce qui est allégué par les « complotistes-révoltistes » n’est pas faux. Le lobbying des industries pharmaceutiques est une réalité, ainsi que l’histoire coloniale qui regorge d’essais cliniques sur les populations du Sud et les abus néo-colonialistes toujours sur le même sujet. La révolte numérique initiée par la Diaspora africaine après les propos du Pr Jean-Paul Mira, sur laquelle surfent émotionnellement les « complotistes-révoltistes », constitue dorénavant une barrière de sécurité sanitaire. En effet, de nombreux gouvernements africains, jusque-là silencieux, faute d’une communication de crise, sont sortis du bois pour rassurer leurs populations légitimement en proie au doute.
Allons dorénavant sur le terrain de l’irréel ! Sur Facebook, Ibrahima Sène met en doute l’origine animale de la pandémie. D’un doigt accusateur, il dénonce les grands laboratoires biotechnologiques en quête de profit. Sa preuve ? Une simple déduction précédée d’une série d’interrogations sans réponses argumentées, comme très souvent chez les complotistes-révoltistes qui, à l’exemple de la CREI et son renversement de la charge de la preuve, s’affranchissent de l’administration de celle-ci ! Pourquoi soudainement ces animaux sauvages transmettraient-ils ce virus, se demande-t-il ? Il ne s’est pas au préalable questionné sur la nouvelle responsabilité humaine dans le transfert des nouveaux virus de l’animal à l’homme (les « zoonoses »), à cause des effets destructeurs de l’activité humaine sur la biodiversité. Il n’a pas non plus pris la précaution de consulter l’histoire des pandémies : ces dernières existent depuis la nuit des temps, c’est-à-dire depuis la sédentarisation des hommes et à travers leurs voies de commerce.
Comme tout complotiste qui se respecte, il faut un bouc émissaire. Pendant le moyen-âge, lors de la peste noire entre 75 000 000 à 200 000 000 de décès et avec la décimation de plus de la moitié de la population européenne, les juifs étaient suspectés d’avoir empoisonné les puits. Beaucoup d’entre eux furent massacrés par des populations hystériques. Le « complotiste-révoltiste » au Sénégal est conditionné par son anti-impérialisme et son obsessionnel complot mondialiste. Il appartient à la confrérie d’extrême gauche, parfois divisée entre les soixante-huitards rangés derrière Macky Sall et la nouvelle génération opposée au chef de l’Etat sénégalais. A la toute fin d’une interview-audio, Guy Marius Sagna assimila sans détour le dispositif français Aphro-Cov à un G5 Cobaye. Il finit par plaider en faveur d’un nouveau partenariat avec Cuba, la Chine et le Venezuela, étrangement trois pays d’obédience communiste, à l’opposé de la France. Le « complotiste-révoltiste » reçoit le soutien des intellectuels africains et celui de nombreux afro-européens dont il y aurait tant à dire sur leur positionnement confus entre l’instrumentalisation de l’Etat français et leur rattachement à un imaginaire africain.
Au Sénégal, les « complotistes-révoltistes » ont une audience au-delà de leurs membres. Ils exploitent la fragilité psychique de tous face à la crainte de la mort. Ils intègrent dans leur stratégie les paramètres socio-culturels favorables à la diffusion de leurs thèses. Comme la culture du complot étatique. L’histoire politique du Sénégal commença par un complot dont la France joua un rôle important contre le président du Conseil Mamadou Dia. D’ailleurs, cette figure de proue d’un socialisme auto-gestionnaire, inspire les « complotistes-révoltistes » d’aujourd’hui. Les complots plus contemporains contre les deux K ne font que renforcer l’idée d’un Etat suspect, marionnettiste et secret. L’échec du développement du Sénégal depuis 60 ans a aussi fini par installer la défiance et le désespoir du peuple vis-à-vis de l’Etat.
L’idée de l’extermination de l’Afrique par les vaccins, quant à elle, par la voie d’injection ou de produits occidentaux importés ou de masques, se répand comme une traînée de poudre depuis quelques jours. C’est une réalité socio-culturelle où la peur de l’empoisonnement se retrouve dans de nombreuses sociétés africaines. Le médecin de l’ancien président du Bénin avait été accusé d’une tentative d’empoisonnement sur la personne du chef de l’Etat Boni Yayi. A cela vous ajoutez les propos méprisants tenus par Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron sur la démographie africaine et le taux de fécondité des femmes africaines. Et vous obtenez un cocktail irréaliste de plusieurs faits distincts à l’origine mais reliés entre eux par les complotistes.
Voyons dans une dernière partie le rapport entre le réel et l’irréel ! Comment ne pas tomber dès lors dans le piège de la mise en scène du complotiste ? Mêlées dans de nombreuses exclusivités qu’il prétend détenir, il vous glisse une ou des infox dans son raisonnement. C’est le cas d’un analyste stratégique congolais qui accuse les Etats-Unis d’Amérique en produisant une fausse déclaration du Pr Didier Raoult.
En réalité, comme Jean Piaget le prophétisait, seule l’intelligence devient notre dernier recours quand nous ne savons pas comment faire face à une situation. Lorsque le réel est complexe, la communication des différents acteurs-gestionnaires d’une crise doit être plus simple et mesurée. Le format rapide et exclusif des chaines d’info en continu est un piège à éviter, surtout pour les non-experts de la com’ ! Pour les gouvernants, la transparence est préconisée. Pour les journalistes, il faut inlassablement enquêter pour ne pas laisser le terrain aux complotistes. Toutes les sources d’informations doivent faire l’objet d’une vérification minutieuse. Je m’étonne que Pape Alé Niang ait rapporté à sa communauté d’auditeurs un fait à l’état brut : selon un agent de l’AIBD, il faudrait regarder du côté de l’aéroport LSS qui accueillerait des vols militaires et qui, à cette occasion, pourrait voir débarquer des vaccins au Sénégal. Bien sûr que cette information mérite de faire l’objet d’une enquête ! Mais est-il raisonnable de la partager à l’état brut sans preuve à l’opinion publique dans un contexte de peur ?
Nous sommes également tous responsables en tant qu’internautes et récepteurs des thèses complotistes. Il s’impose de faire le tri entre les véritables et fausses informations. La tâche n’est pas aisée ! Mais faisons preuve de bon sens ! Dans la thèse complotiste du congolais, cet analyste prétendait que les Américains comptaient moins de morts que les Européens tandis qu’ils avaient plus de patients déclarés positifs. Etrange, concluait-il ! Aujourd’hui, cette thèse tombe à l’eau et s’avère même indécente. Faisons preuve aussi d’un minimum de cohérence avec nous-mêmes ! Ils vous arrivent de visionner des vidéos de blancs qui vous confortent dans la supposée extermination des Africains par les Occidentaux. Vous les croyez parce qu’ils sont blancs ? Alors que, sur l’affaire des vaccins, vous accusez les blancs de vouloir vous empoisonner ? Pourquoi porter plus de crédit à des inconnus blancs ?
Je terminerai par une célèbre citation de Pascal qui s’applique si bien au Covid-19 et au besoin d’être tous unis face à cette épreuve et de mettre notre pensée au service de l’humanité : « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goute d’eau, suffit pour le tuer (…). Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever (…). Travaillons donc à bien penser ». En France, travaillons aussi notre pensée et notre éducation pour cesser nos erreurs et nos fautes inexcusables envers l’Afrique sinon il ne faudra pas se plaindre de la propagation des thèses complotistes contre ce pays !
Covid-19 : 11 nouveaux cas positifs dont une transmission communautaire et 7 patients guéris
Le Sénégal a enregistré ce lundi 11 nouveaux cas positifs sur 144 prélèvements effectués. Il s’agit selon le ministre de la santé et de l’action sociale Abdoulaye Diouf Sarr de 10 cas contacts suivis par les services sanitaires et d’un cas issus de la transmission communautaire. Aussi, le patron des blouses blanches a annoncé la guérison de 7 patients hospitalisés dans les différentes structures du pays. Ils sortiront de l’hospitalisation dans les prochaines heures. A ce jour, 291 cas ont été déclarés positifs depuis le 2 mars dont 178 guéris, 02 décès, 01 évacué et 110 sous traitement.
Comment l’Etat du Sénégal compte maîtriser les cas communautaires
Le comité de gestion va démarrer la chasse aux cas communautaires. Selon le directeur de cabinet du ministre de la santé et de l’action sociale, de nouveaux actes seront posés d’ici la semaine prochaine dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19 avec l’objectif de rechercher activement des cas communautaires. Joint par la Rfm, Dr Aloyse Waly Diouf a informé que d’abord les services du ministère de la santé et de l’action sociale vont aller à la chasse des cas communautaires en faisant testés un nombre important de malades qui se présenteront au niveau des structures de santé. Ainsi, explique-t-il, «le premier acte consiste à redéfinir la définition de cas car jusque-là c’était le malade qui portait les symptômes et qui venait d’une zone épidémique. Cette théorie est relevée pour élargir l’éventail des cas qui peuvent être considérés comme suspect. Le deuxième acte consiste à passer à la recherche active c’est-à-dire, il va falloir, chez les malades qui viennent en consultation de routine pour des maux de ventres et autres, faire des tests aléatoires. Il faut tester tous ceux qui viennent en consultations dans les zones où il y a des cas communautaires».
Dakar Sud atteint la barre des 50 cas, 12 à Guédiawaye et 11 à Louga
Sur les 11 nouveaux cas enregistrés ce lundi sur le territoire national, le plus grand nombre vient de la région de Louga. 7 sur les 11 sont proviennent de cette région qui totalise désormais 25 cas confirmés de cette pandémie. Le reste est issu entre Dakar et Goudiry. En effet, Dakar Sud a enregistré un nouveau cas, ce qui fait qu’il compte désormais 50 cas au moment où Yeumbeul et Dakar comptent chacun 7 cas car ayant enregistré chacun un nouveau cas. Goudiry aussi a un nouveau cas, ce qui porte le nombre de personnes testées positives à 8. Guédiawaye aussi a enregistré un nouveau cas et totalise 12 cas.
Utilisation Chloroquine - Taux de guérison Covid19 au Sénégal: Dr Abdoulaye Bousso explique
Au Sénégal, le nombre de personnes déclarées guéries du coronavirus, par les autorités sanitaires, s’élève désormais à 171, à la date de ce dimanche 12 avril. Par contre, 106 patients sont sous traitement, selon les chiffres du ministère de la Santé, dans un communiqué. Interrogé sur ce taux de guérison, le directeur du Centre des opérations d’urgence sanitaire (COUS), Docteur Abdoulaye Bousso, a donné des explications. « Le traitement (avec la chloroquine) a été introduit. Le Pr Seydi et son équipe ont beaucoup développé sur la question. Aujourd’hui sur l’ensemble de nos sites de traitement, c’est un produit qui est utilisé (la chloroquine). Comme on le dit, c’est une étude qui est en cours et on ne peut pas beaucoup s’avancer », a-til expliqué sur la RFM. « Quand on voit le nombre de guéris, on peut se poser la question, mais on va être quand même très prudent par rapport à cela. La chloroquine fait partie d’un arsenal thérapeutique, donc ce n’est pas que la chloroquine qu’on donne à nos patients. Il y a d’autres médicaments administrés à ces patients. Pour le moment, le protocole thérapeutique semble donner de bons résultats », a-t-il ajouté. Dr Bousso a fait savoir qu’ils n’ont pas eu beaucoup de cas sévères au Sénégal. « Il y a une prise en charge qui s’est faite de manière précoce. Elle se fait dans le milieu hospitalier. Tous ces éléments peuvent expliquer ce taux de guérison important », selon lui. « Nous connaissons la chloroquine. Nous l’avons pris contre le paludisme. C’est un médicament qui est connu. C’aurait été différent si c’était un nouveau médicament. Si aujourd’hui on arrive à cerner l’ensemble des questions liées aux indications, notamment les effets secondaires, en terme de bénéfices et risques, je pense que le bénéfice est plus important », a-t-il conclu, avant d’assurer qu’il y a un stock disponible au niveau de la Pharmacie nationale.
Grave révélation de Gora Khouma : « Des camionneurs profitent de l’état d’urgence pour convoyer des… »
Des transporteurs routiers censés acheminer de la marchandise en profitent pour transporter des personnes en cette période d’état d’urgence, ce que dénonce le secrétaire général de l’Union des transporteurs routiers du Sénégal. « Il y a un groupe de camionneurs qui profite de l’état d’urgence pour convoyer des passagers en échange de vingt-cinq mille ou même trente mille Fcfa alors qu’ils n’en ont pas le droit », a soutenu Gora Khouma sur la Rfm. Par ailleurs, le secrétaire général de l’union des transporteurs routiers du Sénégal demande à l’État d’être plus vigilant et de sévir pour sanctionner ces transporteurs véreux. « C’est mon rôle de les dénoncer et de demander aux forces de l’ordre d’ouvrir les cabines pour vérifier. Il s’agit d’un petit groupe qui veut salir la peau de tous les camionneurs alors que les règlements disent que chaque camion a le droit de transporter deux personnes ».
Une pirogue bondée de passagers en provenance de Guinée Conakry débarque au quai de pêche de Mbour.
Au moment où nous écrivons ces lignes, une pirogue bondée de passagers débarque au quai de pêche de Mbour. Cette pirogue, d’après des sources recueillies sur place serait en provenance de la République de Guinée Conakry, avec à son bord des passagers Sénégalais. La police et les services de santé sont sur les lieux pour procéder aux investigations d’usage. Nous y reviendrons en images.
Célébration d’un anniversaire à Ouest foire : une trentaine de nigérians embarqués par le gendarmerie
Ce week-end de Pâques restera inoubliable pour une bande de potes d’origine nigériane, même si ce n’est pas dans le sens qu’ils voulaient. En effet, la fête qu’ils avaient organisé malgré le couvre-feu, s’est terminée en queue de poisson. Ils étaient trente cinq personnes à fêter un anniversaire dans un appartement sis à Ouest Foire, pas loin de la bande verte, malgré l’interdiction de rassemblement et le couvre-feu. La bande de potes festoyait joyeusement, avec un raffut pas possible. Un tapage nocturne qui a fini par indisposer les voisins, qui ont appelé la gendarmerie. Les hommes de loi n’ont pas tardé à se déployer sur les lieux et à cueillir les 34 invités. Le principal organisateur de la fête et propriétaire de l’appartement a pu s’échapper, et selon un voisin, témoin oculaire, rencontré à la boutique: « Il est caché dans un des balcons de l’immeuble en face depuis hier soir ». Poursuivant, il raconte: « j’étais à mon balcon au moment de leur arrestation, et j’ai compté moi-même 34 personnes qui montaient dans le car de la gendarmerie. Le voisin responsable de cette pagaille, a intérêt à se calmer, sinon il va très vite aller retrouver ses amis.
LES AFRICAINS DE FRANCE NE SAVENT PLUS OÙ ENTERRER LEURS MORTS
Les familles des victimes du Covid-19 peinent à rapatrier les corps dans leur pays d’origine ou, à défaut, à leur trouver une place dans un cimetière français
Le Monde Afrique |
Mariama Darame |
Publication 13/04/2020
Plus aucun laissez-passer pour les morts. C’est l’une des conséquences de la fermeture des espaces aériens mondiaux en pleine pandémie liée au coronavirus : les rapatriements funéraires depuis la France sont compromis. Un déchirement pour de nombreuses familles, notamment dans les diasporas africaines : beaucoup n’ont pas d’autre choix que d’enterrer leurs proches décédés sur le sol français. A l’épreuve du deuil s’ajoute alors la culpabilité de ne pas pouvoir respecter les dernières volontés de leurs défunts.
« C’est une douleur indescriptible. Je ne souhaite à personne de vivre cela », confie Mohamed, la voix lourde. Son grand-père s’est éteint à l’âge de 85 ans, dix jours après l’entrée en vigueur des mesures de confinement en France. « On n’a pas pu lui rendre visite pendant ses trois jours d’hospitalisation. Même pas un coup de téléphone. Et même après sa mort, impossible de voir son corps. Pour nous, c’était la double peine », explique l’homme de 29 ans.
Décédé du Covid-19, le patriarche ne pourra pas être inhumé, comme il l’aurait souhaité, dans son pays natal, l’Algérie. La nouvelle a été d’autant plus difficile à accepter pour Mohamed et sa famille que l’islam encourage les retours post-mortem vers les terres d’origine, à l’instar des deux autres monothéismes, judaïsme et christianisme, dans une moindre mesure. Comme beaucoup de croyants, ils s’étaient mis eux aussi à redouter plus que tout la mort d’un être cher dans cette France confinée où les funérailles sont abrégées et les rites empêchés.
« On a envisagé tous les scénarios possibles. Initialement, on voulait envoyer sa dépouille par avion-cargo. Puis on a eu l’espoir de pouvoir l’enterrer ici dans un premier temps, avant de le déterrer et de le renvoyer au pays une fois le confinement terminé. Mais religieusement, ce n’est pas possible », concède Mohamed. Lui et sa famille ont dû se résigner à enterrer leur parent dans le carré musulman du cimetière de la commune d’Ile-de-France où il résidait depuis une cinquantaine d’années. « Pour nous c’est bizarre. Ma grand-mère est enterrée là-bas et mon grand-père ici. On aurait aimé qu’ils soient réunis. »
Manque de carrés musulmans
Au-delà des traditions religieuses, le rapatriement est surtout un choix qui résonne avec le parcours migratoire des personnes décédées. « Par le rapatriement, il y a cette volonté de réintégrer le défunt dans une filiation et de réparer cette rupture des trajectoires familiales provoquée par la migration », explique Valérie Cuzol, chercheuse aucentre Max-Weber, à Lyon, qui travaille sur les enjeux de l’inhumation chez les immigrés originaires du Maghreb et leurs descendants. Elle estime « entre 80 et 85 % » la proportion de rapatriement posthume chez cette population en France. « Même ceux qui sont nés ici sont majoritairement rapatriés à leur mort », ajoute-t-elle. Bien qu’il soit difficile d’obtenir des données précises sur l’ampleur des rapatriements depuis la France en direction des pays africains, ils se compteraient chaque année par milliers.
La pratique est encadréepar les entreprises funéraires. Depuis le début de l’épidémie, le portable de Jamal, 36 ans, n’arrête pas de sonner. « On m’appelle quasiment toutes les heures pour m’annoncer un nouveau décès », reconnaît ce directeur de pompes funèbres musulmanes. Dans ses deux agences de Vitry-sur-Seine et Montreuil, en région parisienne, les familles se pressent pour organiser un enterrement ou demander un rapatriement, souvent en vain. « Des pays comme le Maroc, la Tunisie, la Guinée, le Mali, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire ne proposent plus de vols ou refusent les morts du Covid-19 », précise-t-il. Seule l’Algérie autorise encore les rapatriements de ses ressortissants décédés à l’étranger, sur présentation d’un certificat de non-contagion du défunt.
Face à ces interdictions, certains n’hésitent pas à se tourner vers d’autres voies. « Une famille malienne voulait absolument rapatrier un parent décédé du Covid-19. Donc elle s’est débrouillée pour emmener le défunt en Belgique et, de là, le rapatrier à Bamako », raconte Jamal, qui affirme qu’actuellement, « 80 % des décès » qu’il traite sont liés au Covid-19. Ce qui le pousse à rediriger dorénavant ses clients vers des enterrements dans les cimetières des communes d’Ile-de-France. Mais face à l’afflux des demandes, l’attente pour les inhumations a quadruplé. « D’habitude, on fait des enterrements en 48 heures. Là, le délai est passé à plus d’une semaine. Et il commence à y avoir de moins en moins de place dans les cimetières. Certains nous ont déjà dit qu’il n’y avait plus d’emplacements pour les musulmans. »
Le manque de carrés musulmans dans les cimetières français est une problématique récurrente. En 2015, leur nombre s’élevait à 449 sur les quelque 36 000 communes de France et à 279 pour les regroupements juifs. Soit, en cinq ans, une augmentation d’environ 125 % pour les espaces musulmans et de 180 % pour les espaces israélites. Une hausse insuffisante pour répondre aux besoins. Sur Twitter, le recteur de la Grande Mosquée de Paris et vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Chems-Eddine Hafiz, a appelé les maires de France et le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, à se saisir du problème.
Des funérailles sobres et écourtées
« Cette pandémie révèle deux choses : l’inégalité que crée le manque de places dans les carrés confessionnels des cimetières français et l’importance du rôle des Etats tiers dans la gestion et la circulation des morts », insiste Valérie Cuzol. La Tunisie, le Maroc et l’Algérie ont développé des politiques de rapatriement très actives en proposant sa prise en charge par les consuls et les ambassades, sans oublier les contrats d’assurance prévoyance proposés aux immigrés et à leur famille. Dans le contexte actuel, l’ambassade du Maroc en France a annoncé le 3 avril un soutien financier aux plus démunis pour l’organisation des obsèques en France. Quant aux diasporas, elles se mobilisent pour payer les obsèques de leurs défunts via des cagnottes.
Car d’autres familles parviennent à faire rapatrier leurs morts. Depuis le 27 mars, le père de Farid est enterré dans son village natal de Kabylie, à 200 km d’Alger. Lui n’est pas décédé du Covid-19, ce qui a simplifié les démarches pour sa femme et ses neuf enfants, à Alès (Gard). « On avait juste cinq jours pour tout organiser et le voir une dernière fois, car on savait qu’en choisissant l’Algérie comme lieu d’inhumation, on ne pourrait pas l’accompagner », souligne Farid. L’impossibilité d’assister aux obsèques a d’autant plus compliqué la tâche qu’il a fallu tout organiser à distance. « La difficulté, c’était ça aussi : des échanges de documents sur WhatsApp, l’avion qui a eu dix heures de retard entre Lyon et Alger et pas d’informations… On regardait même les sites d’aviation civile pour vérifier les horaires de vol en temps réel. »
Finalement, la dépouille de Mohand, son père, a été récupérée par une ambulance à l’aéroport d’Alger, avant d’être conduite auprès de ses frères. Des funérailles sobres et écourtées, confinement oblige. « L’essentiel, c’est qu’il repose en paix dans son village. Nous, on pourra toujours aller se recueillir sur sa tombe quand tout ça sera fini », promet Farid.
UNE TRENTAINE DE FILMS SÉNÉGALAIS SUR LA RTS PENDANT LE "CONFINEMENT’’
Ce programme est proposé par le ministère de la Culture et de la Communication par le biais de la direction de la cinématographie (DCI), en partenariat avec la télévision nationale
Le directeur de la cinématographie Hugues Diaz a annoncé, lundi, la diffusion d’une trentaine de films sénégalais sur la Radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS, publique) durant tout le mois d’avril pour aider les populations à traverser la période d’état d’urgence liée à la pandémie de Covid-19.
La diffusion de ces films s’inscrit dans le cadre d’un programme dénommé ‘’Le cinéma sénégalais chez vous’’. Avec un film court ou long métrage par jour, l’objectif, souligne-t-il, est d’‘’occuper sainement les populations (téléspectateurs) pendant la période de confinement liée au COVID-19 sur le petit écran de la RTS’’.
‘’Il s’agit de faire découvrir le patrimoine cinématographique sénégalais et les réalisateurs sénégalais et valoriser les contenus audiovisuels locaux et contribuer à la résilience socio-culturelle et psychologique des populations face aux conséquences négatives du COVID 19 sur le plan socio-économique des foyers et du pays’’, explique Hugues Diaz.
Le film ‘’Guelwaar’’ (1992) de Sembene Ousmane a été projeté vendredi et samedi sur la RTS.
D’autres productions suivront durant tout le mois d’avril avec des films documentaires, d’animation et de fiction sénégalais tels que ‘’Tey’’ de Alain Gomis, ‘’La pirogue’’ de Moussa Touré, ‘’Un amour d’enfant’’ de Ben Diogoye Bèye et ‘’Mbeubeuss, le terreau de l’espoir’’ de Nicolas Sawolo Cissé.
En outre, le public aura aussi droit à ‘’A nous la Tabaski’’ de Adama Binta Sow, ‘’Une place dans l’avion’’ de Khardiatou Sow, ‘’Cette couleur qui me dérange’’ de Khadiatou Pouye.
‘’On a choisi des films appropriés voire pertinents pendant les heures du confinement’’, explique le directeur de la cinématographie.
Ce programme est proposé par le ministère de la Culture et de la Communication par le biais de la direction de la cinématographie (DCI), en partenariat avec la direction générale de la RTS et les cinéastes, producteurs sénégalais ou ayants droits des films.
LOUGA FACE AU CAS COMMUNAUTAIRE "LE PLUS COMPLEXE DU PAYS’’
La région est confrontée au cas de Covid-19 issu de la transmission communautaire "le plus compliqué à gérer" du pays, du fait de la "posture sociale’’ et de l’activité professionnelle du patient contaminé
La région de Louga est confrontée au cas de Covid-19 issu de la transmission communautaire "le plus compliqué à gérer" du pays, du fait de la "posture sociale’’ et de l’activité professionnelle du patient contaminé, a affirmé lundi le gouverneur de la région, El hadji Bouya Amar.
Vingt-quatre personnes ont été infectées après avoir été en contact avec cette personne dont on ignore la source de la contamination, et 139 autres, qui l’ont côtoyée, sont placées en quarantaine dans des hôtels et maisons de la région.
‘’Nous sommes en train de gérer le cas communautaire le plus compliqué du Sénégal, du fait de sa posture sociale et aussi de son occupation professionnelle, qui font que ses contacts sont épars, élargis et étendus. C’est un cas complexe qui mérite beaucoup de planification et d’anticipation’’, a-t-il expliqué.
Selon M. Amar, ‘’la meilleure façon d’aider à la limitation de la propagation de la maladie dans la région, ‘’est de rester chez soi et de ne sortir qu’en cas d’extrême urgence’’.
‘’Certains citoyens pensent que la pandémie ne les concerne pas’’, a-t-il regretté, soutenant que les contrôles vont être davantage renforcés sur les axes routiers reliant la commune de Louga aux autres localités.
‘’Sur le plan administratif et sécuritaire, il faut gérer la commune de Louga et l’isoler du reste de la région. Nous avions déjà anticipé en interdisant le transport entre villes et zones rurales’’, a-t-il dit.
El Hadji Bouya Amar a fait savoir que le comité de gestion des épidémies, dont il est le président, a acquis cinq termoflash sur fonds propres et en a reçu quatre autres de l’hôpital régional.
La gendarmerie a reçu trois termoflash, la police deux. Les sapeurs-pompiers en ont également reçu.
‘’J’ai pris un arrêté autorisant les éléments des forces de l’ordre à utiliser les termoflash au niveau des axes routiers en même temps que le contrôle administratif’’, a-t-il confié.
Entre autres mesures, le gouverneur a rappelé l’opération de désengorgement des marchés de la commune dirigée lundi matin par le préfet et le recasement des commerçants au stade Watel.
‘’Nous veillerons au respect de la distanciation réglementaire et des masques artisanaux sont en train d’être distribués dans les marchés’’, a-t-il dit.
"LES ANCIENS COLONS SONT PARTIS SANS ÊTRE PARTIS"
Il faut distinguer l'indépendance de la décolonialité, estime Felwine Sarr qui appelle les Etats africains à se réinventer pour recouvrer une souveraineté pleine et entière
" Les anciennes puissances coloniales sont parties sans être parties ", a déclaré Felwine Sarr, écrivain et économiste sénégalais.
Il établit la distinction entre Indépendance et Décolonialité, à l'occasion des 60 ans d'indépendance du Sénégal célébrés récemment.
Pour Felwine Sarr, les Etats africains doivent se réinventer.
Une vidéo réalisée par Rose-Marie Bouboutou et montée par Alassane Dia.
DÉCÈS D’UN JEUNE COMMERÇANT : LE MÉDECIN DE GARDE DE L’HÔPITAL DE LA PAIX INDEXÉ
Tidiane Diallo est décédé. Ce jeune commerçant de 36 ans, résidant au quartier Cadior de Ziguinchor, est passé de vie à trépas dans la nuit du dimanche au lundi
Tidiane Diallo est décédé. Ce jeune commerçant de 36 ans, résidant au quartier Cadior de Ziguinchor, est passé de vie à trépas dans la nuit du dimanche au lundi. Ces proches, selon la RFM, déplorent une négligence du médecin de garde au service d’urgence de l’hôpital de la paix de Ziguinchor. La famille du jeune commerçant estime qu’on l’a laissé mourir parce que suspecté d’être infecté du coronavirus.
Selon la famille, le médecin en garde refusait d’examiner leur patient qui s’est présenté à lui en détresse aux environs de 2h. La famille qui parle de non-assistance à personne en danger compte saisir la justice afin que la lumière soit faite dans cette affaire. En plus, les proches, parents et amis du défunt comptent descendre dans la rue pour dénoncer cette affaire.
Interrogé par la RFM, le directeur de l’hôpital de la paix de Ziguinchor, Abdoulaye Fall a rejeté la thèse avancée par la famille de la victime. « Tidiane Diallo n’a pas été rejeté. C’est lui-même qui a proposé de revenir le lendemain », a déclaré le Directeur qui indique que le jeune commerçant aurait été effrayé par la présence de cas suspect de Coronavirus qu’il a trouvé sur place.
LE TRANSPORT DE L’AIDE ALIMENTAIRE VA COÛTER 1,5 MILLIARD
Le ministère du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale, Mansour Faye, a démenti la rumeur selon laquelle le transport de l’aide alimentaire destinée aux populations vulnérables devrait coûter 6 milliards de francs CFA
Le ministère du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale, Mansour Faye, a démenti la rumeur selon laquelle le transport de l’aide alimentaire destinée aux populations vulnérables devrait coûter 6 milliards de francs CFA, un montant jugé exorbitant et déraisonnable par certains observateurs.
Les 146.000 tonnes de denrées alimentaires destinées aux couches vulnérables sont convoyées dans les différentes régions du pays pour un coût global de 1,5 milliard de francs Cfa, a précisé M. Faye en recevant dimanche la contribution des radios et médias de Saint-Louis à la lutte contre le Covid-19.
Il a indiqué que les premiers camions, qui ont transporté l’aide pour les régions périphériques, comme Ziguinchor, Kédougou et Matam, sont payés à raison de 18.500 francs CFA la tonne. Pour les régions centre, Diourbel, Fatick, Louga et Kaffrine, le coût du transport s’élève a 7.500 francs CFA la tonne, a-t-il déclaré.
Pour Tambacounda et Saint-Louis, les frais de transport se chiffrent à 15.000 francs CFA la tonne.
Il souligne que l’aide alimentaire destinée à la région de Dakar sera transportée par l’armée gratuitement, à l’exception des coûts du carburant et des frais d’accompagnement des chauffeurs.
Il a aussi signalé que l’association des transporteurs a offert gratuitement ses services pour accompagner l’opération. "Et nous attendons le volume de camions, afin de renforcer l’acheminement et la distribution des denrées alimentaires dans les régions du Sénégal’’, a-t-il ajouté.
"Nous ne serons pas distraits par des allégations non fondées. Notre seul objectif est d’arriver à ce que l’opération se fasse très bien et dans les règles de l’art et que tous les produits arrivent à destination sans aucun problème, dans la transparence et la célérité’’, a-t-il assuré.
CORONAVIRUS : "CE QUI FAIT TENIR LA SOCIÉTÉ, C'EST D'ABORD UNE BANDE DE FEMMES"
Christiane Taubira rend hommage aux femmes, "majoritaires dans les équipes soignantes, aux caisses des supermarchés, dans les équipes qui nettoient les établissements"
Le ton martial ("Nous sommes en guerre") du président Emmanuel Macron, lors de son allocution télévisée du 16 mars dernier, n'était pas le bon, a jugé lundi 13 avril sur France Inter Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice. "Je pense que des femmes en situation d'autorité, de pouvoir, auraient abordé les choses différemment", a-t-elle ajouté. "Elles auraient vu plus facilement que ce qui fait tenir la société, c'est d'abord une bande de femmes", a salué Christiane Taubira, rappelant qu'elles sont "majoritaires dans les équipes soignantes, aux caisses des supermarchés, dans les équipes qui nettoient les établissements".
"Je n'ai pas envie de sombrer dans la facilité et dire que le président s'est trompé de registre, a déclaré Christiane Taubira. Il a probablement intentionnellement voulu secouer les consciences et bousculer les emportements. Ceci étant, je pense très sincèrement que des femmes en situation d'autorité de pouvoir auraient abordé les choses différemment.Plutôt que d'avoir recours à ce corpus viril, martial, sans doute qu'elles auraient vu plus facilement que ce qui fait tenir la société, c'est d'abord une bande de femmes, parce que les femmes sont majoritaires dans les équipes soignantes - même si nous saluons aussi avec autant gratitude les hommes - parce que les femmes sont majoritaires aux caisses des supermarchés, parce que les femmes sont majoritaires dans les équipes qui nettoient les établissements qui travaillent encore, et qu'elles sont souvent majoritaires dans la fonction publique qui tient encore."
"Et elles le font depuis longtemps ou presque. Depuis toujours, ce sont les femmes qui portent les métiers de soin, le soin en général, dans sa conception la plus large", a expliqué l'ancienne Garde des Sceaux.
"Il ne s'agit pas de révoquer les hommes" pour autant, a plaidé Christiane Taubira. "Mais c'est un effet de loupe tout à fait intéressant et qui doit interroger la société, qui doit interroger le pouvoir dans sa nature, dans sa masculinité et dans ses projections viriles. Qui doit nous interroger, nous, parce que la source du pouvoir, c'est nous, nous sommes encore une démocratie. Qui doit nous interroger aussi sur l'impact du regard sur la société", a développé l'ancienne ministre, qui a rappelé que "le patrimoine, le corpus culturel des femmes, historiquement, est différent que celui des hommes, qui ont été dans des positions, de génération en génération, de domination".
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"LE PAUVRE CHRIST DE BOMBA", PAR MONGO BETI
Récit iconoclaste des efforts apostoliques de l'Église catholique en Afrique, sur fond de suprématie coloniale, Le Pauvre Christ de Bomba du Camerounais Mongo Beti fit scandale lors de sa parution en 1956
Récit iconoclaste des efforts apostoliques de l'Église catholique en Afrique, sur fond de suprématie coloniale, Le Pauvre Christ de Bomba du Camerounais Mongo Beti fit scandale lors de sa parution en 1956. L’Église empêcha sa distribution au Cameroun et son éditeur Robert Laffont arrêta sa commercialisation. Roman anticlérical, anticolonial, mais avant tout une œuvre puissante et inventive.
Un titre incontournable
Paru en 1956, Le Pauvre Christ de Bomba compte parmi les dix romans africains incontournables. Son auteur, le Camerounais Mongo Beti, s’était fait connaître au début des années 1950 en publiant dans les pages de la revue Présence africaine, une critique cinglante de L’Enfant noir, roman du Guinéen Camara Laye. Intitulé « L’Afrique noire, littérature rose », l’article était une dénonciation en règle de l’« image stéréotypée de l’Afrique et des Africains » proposée par Laye. L’auteur reprochait à son confrère de présenter une Afrique paisible, belle et maternelle, alors que les populations du continent étaient victimes des pires exactions coloniales.
C’est d’ailleurs en réponse à L’Enfant noir que Mongo Beti qui avait alors 24 ans, a écrit Le Pauvre Christ de Bomba. Son narrateur est aussi un jeune garçon, mais l’histoire qu’il raconte est autrement plus traumatisante que celle de Camara Laye.
Récit des traumatismes de la période coloniale
Dans ce roman, Mongo Beti aborde la colonisation par son versant religieux. Son thème : les turpitudes au sein de l’Église catholique dans les territoires colonisés d’Afrique. On est plus précisément au Cameroun, dans les années 1930, dans la mission catholique de Bomba, sur laquelle règne en maître le révérend père supérieur Drumont. Ce dernier se fait appeler « Jésus-Christ » par ses ouailles et prend très au sérieux sa mission d’évangélisation, qu’il accomplit avec un autoritarisme certain. Il n’hésite pas, par exemple, à faire fouetter sur la place publique les auteurs des moindres inconduites antichrétiennes. On le voit aussi faire irruption pendant les fêtes païennes, allant jusqu’à briser en mille morceaux des instruments de musique des villageois.
Or, les certitudes du révérend père supérieur Drumont s’effondrent lorsqu’au bout de vingt ans de prêtrise en Afrique, à la faveur d’une tournée en brousse, il prend brutalement conscience des limites de son action apostolique.
Le triple échec du missionnaire en Afrique
Trop préoccupé par son souci d’imposer la moralité chrétienne et son obsession de la vie éternelle, le missionnaire n’a pas su répondre aux attentes réelles des populations qui réclamaient plus de savoirs scolaires et techniques pour sortir de leur sous-développement. Par ailleurs, - c’est l’autre grand échec du père Drumont -, en ne s’opposant pas fermement aux travaux forcés et autres injustices perpétrées par l’administration coloniale, il a laissé son Église se transformer en un simple « auxiliaire de l’asservissement des Africains ».
Plus dure encore sera la découverte que, profitant de sa négligence, ses plus proches collaborateurs locaux, ont transformé la maison des jeunes femmes de la mission en un lieu de débauche. Drumont est obligé de s’avouer vaincu et le roman bascule alors dans une tragédie quasi-racinienne, alors que les premières pages du livre pouvaient se lire comme une version de « Tartuffe » des temps modernes.
Une écriture inventive
Si les circonstances historiques que ce roman dénonce ont évolué, l’écriture inventive de Mongo Beti n’a pas vieillie. Agrégé de lettres, l’écrivain était un grand lecteur de Montesquieu, de Diderot et de Voltaire auxquels il avait emprunté leur sens de la parodie et de la dérision pour attirer l’attention sur les hypocrisies et les iniquités de son temps.
Le Pauvre Christ de Bomba se présente sous la forme d’un journal personnel, celui de Denis, boy dans la mission de Bomba. Cet adolescent qui va accompagner le Père Drumont pendant sa tournée dans la brousse, note dans son cahier les événements importants survenus au cours de ce périple, sans nécessairement en comprendre toute la portée. C’est à travers le prisme décalé de ces notations fidèles mais naïves des drames au quotidien de la confrontation coloniale entre Africains et Européens, que le lecteur saisit la grandeur et la décadence du personnage central, ainsi que les paradoxes de l’entreprise colonisatrice.
On est à un moment charnière de l’histoire africaine, et aussi de l’histoire de la fiction littéraire. Avec Mongo Beti, le récit ethnologisant des traditions africaines cède le pas à une approche réaliste et politique de la vie africaine, dévoilant les tensions et les conflits dont le continent est le théâtre. Voilà ce qui fait du Pauvre Christ de Bomba un grand roman, à lire ou à relire.
Le Pauvre Christ de Bomba, par Mongo Beti, est disponible dans la collection poche des éditions « Présence africaine ».