SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
6 octobre 2025
GARGOTES, UN MOYEN DE SE REMPLIR LA PANSE A MOINDRES FRAIS
Aujourd’hui, presque toutes les couches sociales fréquentent les gargotes devenues une véritable industrie surtout en banlieue dakaroise. Du fonctionnaire à l’étudiant en passant par le commerçant, le chômeur ou les ouvriers…
Le Sénégal ne figure plus sur la liste des 25 pays les plus pauvres au monde. C’est en effet ce que révèle le dernier classement du genre publié récemment par le Fmi. Il y a cinq ans, notre pays était dans ce palmarès peu glorieux des 25 pays les pauvres au monde. Un classement qui avait fait sortir de ses gonds le gouvernement et particulièrement le ministre des Finances d’alors. Bien que le Sénégal ait donc quitté ce classement peu glorieux des pays les plus pauvres du monde, sur le terrain, la pauvreté est visible partout dans la capitale et à l’intérieur du pays. Dans la rue, des personnes sont souvent à la quête de la pitance pour se nourrir, tandis que d’autres dorment à la belle étoile, faute de gites. Des familles peinent à nourrir convenablement leurs progénitures et c’est devenu un luxe pour certaines femmes de cuisiner. Dans de larges parties du pays, c’est le règne du « gobar diassi », c’est-à-dire d’un seul repas par jour. Ce qui explique certainement ces restaurants de fortune appelés familièrement gargotes qui pullulent à chaque coin de rue. Les tenancières elles-mêmes sont des femmes dans des difficultés qui cherchent à se sortir du cercle infernal de la pauvreté en vendant différents mets à des gens peu fortunés. Reportage dans quelques coins de Dakar et sa banlieue à propos de ces phénomènes des restaurants pour pauvres à ciel ouvert.
CLIENTELE DES GARGOTES DES PARCELLES ASSAINIES : PRESQUE TOUTES LES COUCHES SOCIALES MANGENT… DANS LES RESTAURANTS DE RUE
Aujourd’hui, presque toutes les couches sociales fréquentent les gargotes devenues une véritable industrie surtout en banlieue dakaroise. Du fonctionnaire à l’étudiant en passant par le commerçant, le chômeur ou les ouvriers… voire les femmes seules !
Babacar est étudiant à la Faculté des sciences et techniques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Avec ses deux amis (Aliou et Sidy Lamine), il loge aux Parcelles Assainies unité 16 dans une toute petite chambre d’environ 2,5 mètres sur trois mètres. Et où est jeté par terre un matelas de deux places, avec une table de chevet qui supporte mal les bouquins, les cahiers et autres articles de ces apprenants. Dans un coin de la pièce où sont rangées leurs chaussures, l’odeur est fétide, rendant la chambre repoussante. Le trio d’étudiants est originaire des régions de Kaolack et de Fatick. En plus de cette exiguïté aggravée par le défaut d’entretien, ces étudiants mangent mal. Ils se sustentent dans la rue, plus précisément au niveau des petits restaurants du coin avec des mets à la qualité douteuse. « On se rabat tous les jours chez les gargotiers pour manger à notre faim. Ou, en tout cas, tromper notre faim. On mange rarement au niveau des restaurants de l’université », a témoigné Aliou, le sapeur de la chambre connu pour son goût vestimentaire et qui se plait à se faire appeler ainsi. Il s’apprête à aller acheter le petit déjeuner chez la gargotière du coin. Sur la table de cette dernière, on voit toutes sortes d’aliments. Kène Diaw, la quarantaine révolue, exerce cette activité depuis 10 ans. Chaque jour, elle propose un menu varié à ses fidèles clients. « Toutes catégories confondues », selon elle. Parmi sa clientèle, on trouve le trio d’étudiants Babacar, Aliou et Sidy Lamine. Aliou, le sapeur de la chambre, s’est chargé d’acheter le petit déjeuner. Il s’est mis debout devant la table de Kène Diaw, les deux mains dans les poches. « Je veux un kilo et demi de pain. Dans celui de Babacar, tu mets du niébé, pour Sidy Lamine il dit pain mayonnaise et petits pois. Pour moi, comme d’habitude. Et les trois tasses de café également », a-t-il commandé. Le tout revient à 750 francs. Dans le mois, nos trois apprenants dépensent, rien que pour le petit déjeuner, la somme de 22 500 francs. Sans compter les 30 000 francs du déjeuner et pas moins de 20 000 francs pour le diner. Soit une dépense mensuelle de près de 80 000 francs. Ces étudiants constituent un tout petit maillon dans la longue chaine de clientèle qui fréquente chaque jour les gargotiers, et autres petits restaurants du coin qui encombrent les trottoirs et des pans entiers de la chaussée.
CONJONCTURE ECONOMIQUE
Face à la conjoncture économique, aidés par le laxisme des autorités municipales, les gargotiers ont cru bon d’installer leurs tables le long des trottoirs et même sur la chaussée en certains endroits. Si bien que le phénomène étale ses tentacules de jour en jour. La clientèle touche toutes les couches sociales. Du fonctionnaire à l’étudiant, du commerçant aux ouvriers, de l’intellectuel à l’analphabète, du jeune homme au vieillard. Aujourd’hui, plusieurs chefs de ménages font recours aux gargotes pour prendre leurs deux voire trois repas quotidiens. C’est le cas de Baye Fadilou Mbodj. Pour ce père de 6 enfants dont deux filles, les mets présentés par ces vendeuses de la rue, c’est de la nourriture locale, simple et vendue à un prix défiant toute concurrence. A propos de « son » restaurant spécifique, l’homme estime que « c’est un lieu très fréquenté. Les mets sont bien cuits, préparés à la minute et servis bien chauds ». Mais il déplore parfois un excès de piment. Ce qui ne le dissuade guère de fréquenter ce restaurant. Comme lui, des milliers d’habitants de la banlieue, des Parcelles Assainies en particulier, prennent d’assaut dès le crépuscule et jusque tard dans la nuit, ces gargotes. D’aucuns consomment sur place tandis que d’autres mettent les aliments achetés dans un plat ou un petit bol à emporter. Juste en face de la célèbre boulangerie Mandela sise sur la route principale qui mène au Marché Dior, on se demande même si les Parcellois préparent le diner tellement la bousculade est monstre autour des tables tenues par ces restauratrices de quartier.
MANGER A SA FAIM
La table de Mère Absa, vendeuse de couscous et de « tiakry », ne désemplit jamais. Dame Ndiaye est fonctionnaire. Cet agent de l’Education nationale est un fidèle client de mère Absa. Il est éducateur, mais il mange dans la rue. Presque tous les soirs ! Il rate rarement l’occasion de se présenter chez la vendeuse de « tiéré », de fondé, ou chez Binetou du nom de sa restauratrice préférée. Pour son diner, il ne prend que le « tiéré » ou couscous. Et la dépense mensuelle pour le diner, il l’estime à 5 000 francs, 15 000 francs pour le déjeuner et 5000 francs pour le petit déjeuner. Une restauration mensuelle qui lui coûte environ 25 000 francs. « Je suis très économe. Je pouvais manger parfois de la viande ou commander quelque chose de consistant. Mais je suis marié et père de famille. Chaque mois, j’envoie une somme à la famille. Ici aux Parcelles, je suis en location et je débourse 35 000 francs pour le loyer. Sans compter l’eau et l’électricité. Une lourde charge que j’essaye de supporter avec mon maigre salaire. Bien que je sois fonctionnaire de l’Etat. Mais vous comprenez la situation des enseignants, surtout le régime indemnitaire, qui fait de nous les parents pauvres des fonctionnaires », a-t-il expliqué avec détachement. Il dit être conscient de la qualité douteuse des mets servis dans les gargotes mais se dit obligé de se remplir le ventre. « Quel que soit le prix à payer », s’est-il désolé. A l’image des étudiants évoqués plus haut, de cet enseignant et de l’autre père de famille, presque tout le monde fréquente ces petits restaurants nichés au coin de chaque quartier. Si certains y prennent leurs petits déjeuners, d’autres ne font qu’y déjeunent ou y diner. D’autres y sont carrément abonnés. Parmi ceux-là, Laurent Sambou. Il vit avec sa femme en état de grossesse avancée dans une chambre au deuxième étage d’un immeuble de l’unité 19 des Parcelle et mange à crédit, payant son ardoise à la fin de chaque mois. « Le mois passé, rien que pour le déjeuner, j’ai déboursé 30 000 francs. Sans compter le petit déjeuner, le diner et les fruits de madame. Ah j’allais oublier les médicaments », a-t-il expliqué entre deux sourires. Jaunes. Notre homme dépense plus de 150 000 francs le mois rien que pour le manger, le loyer et les médicaments de sa douce moitié qui attend un bébé. Après un tour dans cinq à 10 unités des Parcelles Assainies, on dirait que les stands des marchés de nuit sont les seules options pour manger le soir. Personne ne s’en plaint. Bien au contraire. On s’y plait même. Le décor n’est pas toujours à la hauteur. C’est très banal. Mais les plats sont adaptés aux goûts locaux, « mais souvent sont trop épicés ». C’est l’avis de Malal Diallo, vendeur de fruits, approuvé en cela par Habiboulah qui s’active dans la boucherie. Bon appétit à tous !
DU BONHEUR DE MANGER DEHORS A PEU DE FRAIS…
Ce n’est pas tous les jours que les familles sénégalaises cuisinent les trois repas quotidiens. Si elles ont les moyens de les assurer ! Avec la crise et les effets de la pauvreté, la tendance est aujourd’hui de manger dehors. Souvent, un ou deux repas par jour. Les mets proposés sont pour la plupart tirés de la cuisine locale avec des aliments du pays à savoir : la bouillie de mil, le coucous, les haricots — le fameux « ndambé » — et autres.
Autres temps, autres mœurs. L’époque où seuls les célibataires sortaient pour se restaurer hors du domicile familial est révolue. Avec la crise et la pauvreté qui étend chaque jour ses tentacules, beaucoup de familles sénégalaises peinent à assurer les trois repas quotidiens. Et s’il arrive que ces familles cuisinent, le diner ou ce qui en tient lieu est souvent réservé aux enfants. Les adolescents et adultes devant se débrouiller pour se nourrir. Une aubaine, si on peut dire, sur laquelle ont sauté de bonnes femmes pour chercher fortune ou pour assurer le quotidien de leur famille. De ce fait, il est impossible de traverser un quartier de la capitale et sa banlieue sans y apercevoir un restaurant de fortune. De restaurant, il s’agit d’ailleurs d’une table sur laquelle sont posés des ustensiles et autour de laquelle sont alignés des bancs en bois pour les clients dont certains sont souvent debout. Des restaurants à ciel ouvert qui accueillent toutes les catégories sociales de la population. Souvent même des familles entières viennent y prendre le petit déjeuner ou le diner par un système d’abonnement. Il est 12 heures dans le restaurant à l’enseigne « Chez Dikha » aux HLM Grand Médine.
Des clients prennent place tandis que d’autres se présentent sur les lieux avec de grands bols pour acheter le déjeuner à emporter. A la devanture du restau, le menu est affiché sur un tableau. Celui de ce jour-là : ’’Thiébou Dieune et mafé Yapp’’. De quoi mettre de l’eau à la bouche des Ndiayène ou des Sérères ! Mantoulaye, la gérante, ne sait plus où donner de la tête face à l’affluence des clients dont certains sont des habitués. D’après la gérante, toutes les catégories sociales viennent se restaurer. « Nous recevons des hommes et des femmes mariés, des célibataires. Et souvent, des familles entières y déjeunent. Ces dernières étant des abonnées et soldent leur dette à la fin de chaque mois. Pour les plats, il faut débourser entre 700 francs et mille francs, selon le menu du jour. » Sur la qualité des repas proposés, la gérante jure qu’ils sont de bonne qualité. Ce qui explique certainement l’assiduité de la clientèle. Une autre restauratrice se trouvant à l’unité 15 des Parcelles assainies, vante, elle aussi, la qualité de ses mets et le talent de cordon bleu de ses cuisinières qu’elle juge les meilleures de la zone. La quarantaine, la dame Aïda Niang dont la gargote est à l’enseigne « Chez Dada » pratique un tarif unique fixe de 1000 FCFA. Selon elle, à part une banque et une pharmacie à qui elle livre les repas et les célibataires qui viennent manger sur place, le reste de sa clientèle est constitué des familles. « Il y a des mères de famille qui partent au travail et n’ont pas le temps de cuisiner.
Et puisqu’elles n’ont pas de femmes de ménage la plupart d’entre elles me versent de l’argent pour que je cuisine pour leur famille » confie la propriétaire de ce restaurant. Maty Cissé, une femme d’un certain âge et mère de famille, estime que le fait de manger dans les gargottes avec toute la famille n’est pas bon. « Une bonne femme doit toujours cuisiner pour son époux. C’est plus sain et ça nécessite moins de dépenses », estime-t-elle. Dans la soirée, le décor est presque le même au niveau des Parcelles Assainies et partout ailleurs dans les quartiers populaires. Et c’est à croire que toutes les femmes s’activent dans ce business. Ça et là, des vendeuses de couscous, de bouillie de mil etc. Des gargotières qui sont entourées par des clients, chacun tenant un pot ou un bol à la main. Selon l’une d’elles, sa grosse marmite de bouillie de mil se vide chaque jour en moins de quatre heures. Un business qui permet à cette dame dont le mari est à la retraite d’entretenir son foyer. Parmi sa clientèle, Adja Khady. Cette mère de famille de trois enfants estime que les vendeurs de rues viennent au secours des familles démunies qui peinent à s’offrir les trois repas quotidiens. « Parfois avec la modique somme de 500FCFA, on peut acheter du laax ou du fondé pour toute la famille. Cela nous arrange beaucoup car si la même famille devrait préparer ce même plat à la maison, les 500 F CFA ne suffiraient pas. Je ne cuisine plus le soir, j’achète chez les vendeuses de la rue. Parfois j’ai un peu honte de ne pas préparer le soir à la maison, car il peut y avoir des visiteurs imprévus. Il n’empêche, les enfants sont habitués à leur bol de laax ou de fondé le soir », a-t-elle conclu. Il suffit de si peu pour faire le bonheur du monde…
CHEZ LES MBAYE DE GRAND YOFF, UNE ENTREPRISE FAMILIALE QUI TOURNE A PLEIN REGIME !
Chez les Mbaye, la vie tourne autour d’un restaurant de fortune installé au coin d’une rue. En fait de restaurant, il s’agit plutôt d’une table sur laquelle sont posés des ustensiles contenant les différents mets que la famille propose à ses nombreux clients du coin et autres quartiers environnants. Un fourneau pour griller quelques morceaux de viande posé à quelques mètres des vendeuses. Une bombonne à gaz à gauche du fourneau et non loin des bancs en bois qui entourent la table. Dans cette famille tout le monde s’active au sein de ce restaurant. A l’intérieur de la maison, non loin de l’emplacement du restaurant, le père, qui supervise tout, épluche les pommes de terre qu’il coupe en tranches que le cadet de la maison devra livrer à ses sœurs. La table installée très tôt le matin, certains élèves, étudiants et travailleurs viennent se procurer le petit déjeuner. Au menu : des petits pois, des omelettes, des haricots etc. Un petit monde s’y retrouve jusqu’à 14h avant que la famille ne range table, bancs et parasol pour reprendre la même ritournelle en début de soirée. En effet dès 20h, le travail reprend avec le même menu qui fait courir une clientèle cosmopolite chez les Mbaye dont la gargote est devenue un point de rencontre des jeunes, adultes et vieilles du quartier. Ici, des amitiés et des amours se lient. Des potins échangés. Grâce à cette activité, le père de famille, la cinquantaine, fait vivre sa progéniture. « C’est un investissement. Dès lors que je suis sans emploi, j’ai voulu de cette façon me rendre utile pour ne pas être inactif », raconte le patron de l’entreprise familiale. Avec un départ modeste, aujourd’hui, grâce aux fruits de cette activité, il parvient à gérer convenablement sa famille. Preuve que son activité marche, il a pu payer les études universitaires d’un de ses fils en fin d’études et qui est en quête d’emploi. Mais notre interlocuteur ne consent guère à parler de ses revenus. Du lundi au dimanche, la famille Mbaye s’active autour de ce business où tout le monde, sans exception, s’investit. Et le soir de 20 h à deux heures du matin, le restaurant tourne à plein régime avec des clients qui affluent de partout. Ce qui donne l’impression que presque personne dans ce quartier ne cuisine pour le diner. En effet, la majorité de la clientèle des Mbaye est composée de jeunes. « Pour le petit déjeuner comme pour le diner, on se débrouille. Cela fait même des lustres que l’on ne dine plus en famille », confie un jeune qui réclamait avec insistance son sandwich. En fait de sandwich, il s’agit d’un morceau de pain, de la sauce et des haricots. Les plus fortunés se payent dans ce restaurant de fortune quelques brochettes. Signe apparent d’une grande pauvreté. Même si le chef de famille nous confie que parmi sa clientèle, il compte des gens qui peuvent bien se nourrir dans des restaurants plus huppés. Mais familiarisés à ces mets, difficile de changer certaines habitudes. Chez les Mbaye, toute l’activité tourne autour de ce restaurant devenu une entreprise familiale.
DIAMAGUENE-DIAKSAO : DE BRAVES FEMMES ENGAGEES POUR ASSURER LA DEPENSE QUOTIDIENNE
Travailler dur pour gagner leur vie et subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille, c’est l’objectif de ces nombreuses femmes qui s’activent dans la restauration en Banlieue. Certaines sont abandonnées par leurs maris, d’autres veuves ou divorcées, mais elles tiennent à mener une vie digne
Elles sont nombreuses, ces braves femmes qui s’activent dans de petits commerces, à savoir la vente d’arachides grillées, de sachets d’eau etc. D’autres tiennent des restaurants de fortune devant leur maison ou dans une rue passante de leur quartier. Aïssatou Baldé, une Guinéenne, tient une table près du marché Diamaguène. Cette mère de famille, âgée d’une cinquantaine d’années, vit au Sénégal depuis plus 10 ans avec ses trois filles qui l’aident dans la cuisine à leur retour de l’école. Avec ce commerce, elle parvient à nourrir sa famille et à payer les frais de scolarité de ses enfants grâce à ses maigres revenus. « Alhamdoulhilha, je reçois des clients chaque jour. J’ai un menu varié qui tourne en général entre Thiou, Yassa et Ceebu Jeen. Les prix vont de 400 francs à 1000 francs. Il y a des clients qui sont abonnés et qui payent à la fin du mois. Ce sont les plus fidèles. Il s’agit de commerçants, de tailleurs et de toutes ces personnes qui s’activent autour du marché. J’arrive à nourrir ma faille grâce à ce travail. Mon père est décédé et c’est très difficile de couvrir les dépenses de la famille » explique cette ménagère avec une forte émotion dans la voix et à travers le regard. Si certaines filles ou femmes ont choisi le chemin de la facilité pour se faire de l’argent, d’autres restent dignes et courageuses dans l’épreuve. C’est le cas de Oulimata Guèye qui, très tôt le matin, occupe sa place à l’arrêt des bus de Diacksao sur la route nationale où elle propose le petit déjeuner à des clients. « Dieu merci, grâce à ce métier, j’arrive à assurer mes besoins et payer mon loyer. Jamais au plus grand jamais je ne vendrai ma dignité. Je préfère mourir plutôt que de me prostituer ou voler de l’argent » explique-t-elle sur son choix de s’investir dans cette activité.
« Mais venez, il reste encore de la place. Que voulez-vous prendre comme petit-déjeuner ? » C’est par ces mots que nous accueille une vendeuse à Sicap Mbao près de l’usine Jabot. Chaque jour, cette femme reçoit un nombre important de clients dès les premières heures. « Je n’habite pas très loin de ma gargote. Ma fille me règle toujours le réveil de mon portable à 5h 30mn. Le temps de me préparer pour la prière du matin, je quitte la maison pour mon lieu de travail. Il arrive très souvent que des clients se pointent avant même que je ne finisse d’installer sur ma table tous mes bagages » confie cette dame sous le couvert de l’anonymat et qui dit nourrir sa petite famille avec cette activité. Comme dans certains coins de la banlieue à Tivaouane Diacksao, le menu de ces vendeuses pour le diner reste partout le même. Elles préparent du « fondé », du « thiéré », du « Ngalax » etc. Dès 20h, les places de ces bonnes dames sont prises d’assaut par la clientèle, formant souvent de longues files qui débordent des ruelles de cette populeuse commune, allant jusqu’à gêner la circulation des voitures. La conjoncture qui sévit dans le pays et les difficultés sociales que traversent certains ménages ou la paresse de certaines femmes à cuisiner, sont les raisons qui expliquent le nombre important de clients autour de ces vendeuses. « Cela fait quatre mois que je me suis installée en cet endroit. Je me pointe à partir de 19 h jusqu’à 00h en profitant de l’éclairage public. Dieu merci, on se frotte les mains. Je vends du lakh, du fondé, du thiéré et du ngalax. Les clients achètent plus souvent du fondé et du thiéré» se réjouit la vendeuse Coumba Sy. La plupart de ces femmes disent assurer la subsistance de leurs familles grâce aux revenus tirés de ce petit commerce. Certaines ont vu un mari les quitter, d’autres sont veuves ou divorcées, mais tiennent à vivre dignement malgré la pauvreté et le peu qu’elles tirent de ce petit commerce.
MEME A SACRE CŒUR, LES GARGOTES PULLULENT !
Manger à prix abordable dans un endroit de son choix tout en gardant la satisfaction d’être bien traité, c’est le choix de certains consommateurs. Les Sénégalais mangent de plus en plus dehors du fait de la distance qui sépare leurs lieux de travail et leurs maisons. Ce qui explique la floraison de ces restaurants de fortune accessibles à toutes les bourses. L’éclosion de ce type de restaurants est fulgurante.
Si des quartiers comme Sacré Cœur, jadis perçus comme huppés, étaient épargnés par ce phénomène, aujourd’hui, tel n’est plus le cas. « Ces restaurants constituent du pain béni pour les gens aux bourses maigres et certains jeunes du quartier » explique Ousmane Ngom, un charpentier venu se restaurer tôt le matin afin de pouvoir vaquer à ses occupations. « J’aime la façon dont la vendeuse m’accueille et où l’on sent que le client est roi. C’est la raison pour laquelle, j’y déjeune chaque jour. Les prix sont abordables et les mets délicieux », explique notre artisan en se pourléchant les babines.
Chez Maria, à Sacré Cœur 3 sur la VDN, une grande table, des tabourets et bancs pour la clientèle, quatre poteaux qui retiennent des draps pour se protéger du soleil, constituent le décor. La clientèle patiente pour être servie. « Je suis un fidèle client. Le plus important, tu peux manger de la bonne nourriture, selon ta bourse. Et pour moi, c’est l’essentiel » confie Pape Sall qui se dit satisfait du menu proposé. A quelques mètres de chez Maria, Mame Diarra se confie : « je vends le petit déjeuner et le déjeuner à plusieurs personnes. Cela fait presque trois ans que je suis ici. Je m’en sors pas mal, j’ai une clientèle fidèle.
Le plat pour le déjeuner est à 600 francs » explique la brave dame. Ici la plupart des clients sont constitués d’ouvriers, d’élèves. Mais au milieu du mois, il arrive que la dame accueille une autre catégorie de clientèle. Celle-ci est composée de certaines personnes qui travaillent dans des entreprises installées dans le périmètre du quartier. Le mois étant creux et ne pouvant manger dans des restaurants plus « classes », ces employés se rabattent dans les gargotes de fortune…en attendant la fin du mois !
AJ/PADS AVERTIT SUR LES RISQUES D'UN RECUL DÉMOCRATIQUE
Les camarades de Mamadou Diop Decroix assurent que le fait de désigner le maire de Dakar par décret présidentiel et non plus par élection ramènerait la capitale au moins un siècle en arrière
Les camarades de Mamadou Diop Decroix assurent avoir été informés de la volonté des partisans du pouvoir d’introduire dans les discussions, la proposition de désigner le maire de Dakar par décret présidentiel, et non plus par élection. Ils estiment que cela ramènerait la capitale au moins un siècle en arrière. Et pour eux, cette affaire rappelle de manière atroce, ce qui s’était passé avec la loi sur le parrainage, rejetée par tous, et imposée par la majorité présidentielle.
Chaque jour, les sessions du Dialogue national, surtout dans son volet politique, charrient leur lot de mésententes entre le Pôle du pouvoir (majorité) et celui de l’opposition ou des nonalignés. Hier, c’est le parti de Mamadou Diop Decroix, And jef (Aj/Pads), qui dans un communiqué, a voulu mettre en garde «l’opposition et toutes les forces démocratiques et citoyennes» qui participent au dialogue contre l’intention prêtée à «la délégation de la mouvance présidentielle», d’introduire dans le dialogue politique, «un projet dont l’essence est d’enlever aux citoyens de Dakar le droit de désigner leur maire et de conférer au président de la République le pouvoir de nommer par décret une autorité chargée de conduire les destinées de la capitale».
Les camarades de Mamadou Diop Decroix s’offusquent du fait que cette question n’a jamais été discutée au cours des débats, et mieux encore, précisent-ils, «aucune commission n’a envisagé ce genre de question dans ses termes de référence». Ibra Mboup, le directeur de l’Ecole du parti Aj qui signe le communiqué publié hier dans la soirée, a tenu à rappeler que les citoyens de Dakar ont pris l’habitude d’élire leur maire depuis 1882. Par conséquent, retirer la métropole sénégalaise du «champ de la gouvernance démocratique locale, constituerait un recul démocratique d’un siècle» au moins.
Cette proposition est jugée d’autant plus inquiétante pour ces membres du Frn, parce qu’elle rappelle des précédents fâcheux. Le communiqué d’Aj rappelle ainsi la cruelle expérience vécue avec l’introduction du parrainage électoral. Le projet avait été introduit «au dialogue de 2017 et rejeté par la totalité des participants hormis la délégation du pouvoir et ses affidés, mais malgré tout, introduit à l’Assemblée nationale et voté dans les conditions que l’on sait».
Ce jour-là, la levée de boucliers des opposants, au sein de l’Hémicycle et en dehors de l’Assemblée, n’avait pu empêcher les tenants du pouvoir d’aller au bout de leur logique et de voter la loi. L’opposition, qui avait rêvé de faire de cette journée un «23 Juin bis», n’avait eu que ses yeux pour pleurer, devant le déploiement des forces de police qui empêchaient tout mouvement dans le périmètre de l’Assemblée.
La conséquence du vote de la loi sur le parrainage avait été l’élimination de l’essentiel des candidats à la Présidentielle de 2019. Cette histoire empêche les anciens communistes de dormir car ils voient que le chef de l’Etat a ajouté, «de manière unilatérale», assurent-ils, une quarantaine de personnes dans le dialogue.
S’ils se félicitent du profil de certaines de ces personnalités, dont ils ne trouvent rien à redire sur leurs compétences et leur moralité, les camarades de Decroix s’inquiètent par contre de certains qu’ils n’hésitent pas à qualifier de «sinistres». Aj explique que ces «personnages font aujourd’hui circuler des documents appelant à la suppression dans la Constitution, de la limitation des mandats».
L’une des personnes qui s’est illustrée sur cette question a été Serigne Mbacké Ndiaye, qui a été de ceux qui ont préconisé un 3ème mandat pour le Président Macky Sall. Il avait fait cette proposition avant d’être coopté au sein du dialogue. D’avoir rejoint cette instance a donné une certaine force et légitimité au ballon de sonde qu’il avait lancée en son temps.
Nénmoins, le communiqué de Aj s’inquiète que «tous ces phénomènes se manifestent alors que, dans le même temps, la cause principale qui est à la rupture du consensus sur les règles de dévolution démocratique et pacifique du pouvoir n’est pas encore examinée».
Pour ne pas être surpris, après en avoir appelé à toutes les forces parties prenantes au dialogue, Aj/Pads se tourne également vers le chef de l’Etat Macky Sall, qui a initié le dialogue, à ne pas laisser celui-ci être discrédité par toutes les manœuvres en coulisses.
LES PARENTS DE LAMINE KOITA DÉCHIRENT L'AUTOPSIE
Décédé lundi dernier dans des circonstances qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets, le jeune conducteur de vélotaxi, Lamine Koïta, a été enterré hier vers 17h 30 au cimetière de Peulgha.
Décédé lundi dernier dans des circonstances qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets, le jeune conducteur de vélotaxi, Lamine Koïta, a été enterré hier vers 17h 30 au cimetière de Peulgha. Seulement, sa famille a réfuté la thèse d’une mort naturelle telle que révélée par les résultats de l’autopsie. Ainsi, elle a promis de porter plainte pour faire éclater la vérité sur cette affaire.
Tant attendus par les Fatickois, les résultats de l’autopsie du corps de Lamine Koïta, du nom de ce jeune conducteur de vélotaxi mort lundi dernier dans des circonstances qui restent encore à être élucidées, ont révélé «une mort naturelle». Laquelle, selon une source proche du dossier, pourrait être liée aux informations contenues dans le certificat de genre de mort et qui indiquent que le défunt souffrirait de problèmes cardiaques.
Mais comme l’on s’y attendait, les camarades et parents de Lamine Koïta, qui ont depuis le début de cette affaire accusé les policiers d’avoir tabassé à mort ce jeune de 26 ans, ont catégoriquement réfuté la thèse d’une mort naturelle. S’adressant à la presse au sortir de la brigade de gendarmerie de Fatick où lesdits résultats leur ont été communiqués hier en début d’après-midi, les parents de Lamine Koïta ont laissé éclater leur indignation. «On nous a dit qu’il est mort d’une mort naturelle mais si c’est le cas, nous voulons être édifiés par rapport à ce qui l’a emmené de l’arène jusqu’au bord de la mer où il a été tabassé à mort», a déclaré une des tantes de Lamine Koïta, Astou Baly Seck.
Qui révoltée, poursuit : «Nous sommes prêts à tout. Nous n’avons rien mais nous avons foi en Dieu et nous invitons tous les Sénégalais, à commencer par le Président Macky Sall et son épouse Marième Faye, à venir nous soutenir. Nous allons porter plainte et même si nous devons vendre la maison où nous habitons actuellement pour chercher un avocat, nous le ferons pour faire éclater la vérité sur cette affaire», dit-elle très furieuse.
Mais, malgré sa colère noire, Astou Baly Seck a invité les jeunes au calme et leur a demandé de tout laisser entre les mains de la justice qui, selon elle, ne manquera pas d’éclairer la lanterne des Sénégalais par rapport aux véritables causes de la mort de son neveu. Cet appel à la sérénité a été plusieurs fois réitéré par les différents orateurs lors de la prière mortuaire effectuée dans l’enceinte de l’Institut Al Azhar qui a refusé du monde pour la circonstance.
Malheureusement, les conducteurs de vélotaxi ont été sourds à cette invite. Après avoir accompagné leur camarade à sa dernière demeure au cimetière de Peulgha, ils ont encore investi les artères de la ville en érigeant des barricades par-ci, brûlant des pneus par-là. Ce qui a encore fait sortir les Forces de l’ordre qui depuis trois jours étaient sur le qui-vive. Ainsi, jusque dans la soirée, on pouvait encore entendre les grenades lacrymogènes tonner dans le ciel de la cité paisible de Mame Mindiss.
Le député Alla Guène pris à partie Ce regain de tension a pris naissance à la maison mortuaire sise au quartier Mboubane. En effet, quelques minutes seulement après le retour du cimetière, alors que devait commencer une séance de prière, un conducteur de vélotaxi a surgi de nullepart pour interrompre l’imam Moudir Ndao de l’Institut Al Azhar, en train de faire une sorte d’introduction.
Apostrophant le député Alla Guène dit Fada qui était assis non loin de lui, ce jeune a déversé sa bile sur les policiers et les responsables politiques de Fatick à qui il a reproché de n’avoir rien fait pour leur trouver du travail. Ainsi, s’est installée subitement une cacophonie indescriptible.
Pris à partie par des conducteurs de vélotaxi dont certains lui ont même jeté des sachets d’eau, Alla Guène, qui était accompagné de son collègue Papa Birame Touré, a trouvé refuge dans l’une des maisons jouxtant celle des parents du défunt, pendant une vingtaine de minutes. Par la suite, un véhicule est venu le chercher dans cette maison pour le faire échapper à la furie des conducteurs de vélotaxi. C’est après ce malheureux incident que les conducteurs de vélotaxi sont retournés dans la rue pour, disaient-ils, venger la mort de leur ami Lamino enterré aux environs de 17h 30.
Par Abdou Khadre GAYE
EL HADJ AMADOU ASSANE NDOYE, UN ENTREPRENEUR HORS PAIR
Voici le portrait sommaire d’un bon père de famille et d’un entrepreneur hors pair que j’ai tiré de la biographie figurant sur la plaquette de présentation de la journée, de la brillante allocution de youssoupha Ndoye
L’Association pour la promotion des descendants de Medoune Paye Madjiguene Ndir a organisé, le 25 janvier 2020, la 2e édition de la journée de l’excellence à l’occasion de laquelle 40 jeunes, garçons et filles, du primaire et du secondaire, ont été célébrés. La journée, placée sous la présidence effective du Sëriñ Ndakaaru Ablaye Makhtar Diop, avait comme parrain El H. Amadou Assane Ndoye, dont la vie a été donnée en exemple aux jeunes récipiendaires. Voici le portrait sommaire d’un bon père de famille et d’un entrepreneur hors pair que j’ai tiré de la biographie figurant sur la plaquette de présentation de la journée, de la brillante allocution de youssoupha Ndoye, représentant de la famille à la cérémonie officielle de la dite journée, et des confidences de son fils, Adath, et de son petit fils et homonyme, Assane, fils d’Adja Arame Ndoye.
El Hadj Amadou Assane NDoye est né le 26 juillet 1890 à Dakar, soit 33 ans après que Protet ait planté le pavillon français en terre dakaroise. Il est le fils de l’Imaam Raatib Assane Ndoye et de Bineta Sylla qui est la petite fille de Makhtar Sylla Kheury Diop, lui-même Imaam Raatib de Dakar et Sëriñ Ndakaaru intérimaire de 1830 à 1831. Il est décédé le 4 juillet 1974 et repose à la Mosquée de Sanjaal face à son domicile familiale au 80 avenue William Ponty où il sera rejoint une dizaine d’année plus tard par son épouse Adja Aissatou Sylla, dite Foos Sylla.
Dès sa sortie de l’enfance, Amadou Assane NDoye reçut une éducation coranique d’abord à l’école de son père, puis, en 1909, à la Médersa de Saint-Louis qui avait remplacé, une année auparavant, l’école des fils de chefs et d’interprètes créé par Faidherbe en 1855 sous le nom « école des otages ». A la fin de sa formation, il exercera, tout naturellement, le métier de maître coranique et guide spirituel. Lorsqu’éclata la Première Guerre Mondiale, il fut enrôlé dans les troupes métropolitaines, avec plusieurs milliers de ressortissants des quatre communes dont faisaient partie les jeunes Papa Gueye Fall (parrain des ex allées Coursin et de l’institut qui s’y trouve), Ibrahima Diop et Ismaila Gueye qui deviendront respectivement Sëriñ Ndakaaru et Ndeyi Jàmbur et bien d’autres de leur génération.
A la capitulation de l’Allemagne, Amadou Assane Ndoye revint au Sénégal avec la Croix de Guerre et épousa alors Sokhna Oumou Khaïry Sy, fille d’El-Hadji Malick Sy et petite-fille de Mor Massamba Diery Dieng. De cette union naquit Mohamed Chams Eddine Ndoye, Ambassadeur du Sénégal au Proche et Moyen-Orient de 1976 à 1996, qui compte parmi ses épouses Sokhna Oumou, fille d’Abdou Aziz Sy Dabakh.
Perspicace, il perfectionna d’abord sa maîtrise de la langue Française, appris les rudiments de l’entreprenariat et se lança dans les affaires. Il fit montre d’un génie extraordinaire et d’une opiniâtreté qui étonna maints observateurs. Représentant de Renault au Sénégal, il perd son statut de représentant par défaut de soutien de la Banque Commerciale Africaine. En 1929, il créa une société de transit qui ne résiste pas à la concurrence européenne. Au lendemain de la crise économique mondiale, il prit une part active à la création du Syndicat Patronal et Artisanal de l’Ouest Africain (SYPAOA). Il se lança, en 1931, en association avec Henri Gomis, dans l’exploitation du poisson, avant de monter, avec un partenaire français, une usine de carreaux. Lorsque la Seconde Guerre éclata, Amadou Assane Ndoye diversifia ses activités, en se lançant dans la briqueterie et la fourniture de viande à l’armée et à l’administration.
L’armistice signé, il entreprit, avec Cheikh Mouhamadou Mbacké, dit Gaïndé Fatma, petit-fils de Sëriñ Tuuba, de créer une banque populaire. L’administration et les banques coloniales s’opposèrent au projet. Amadou Assane Ndoye forma alors, avec André Guillabert et Léon Boissier Palun, le projet d’une ligne aérienne intérieure. Cette initiative aussi n’eut pas l’agrément de l’administration coloniale et fut combattue et étouffée. Sur le plan politique, Amadou Assane Ndoye, après avoir été l’allié de Blaise Diagne au Conseil Municipal, conduisit, aux côtés de Galandou Diouf, une liste d’opposition aux élections municipales du 5 mai 1929. Lorsqu’Ibrahima Sow et Henri Martin créèrent le journal indépendant, le Périscope Africain, pour la défense des intérêts de l’Afrique Occidentale Française et de l’Afrique Equatoriale Française, il les finança. Il exerça les fonctions de Conseiller Colonial, puis de Conseiller Municipal, de Conseiller Général et de Député de la Presqu’île du Cap-Vert à Dakar. Il devint partisan de Lamine Guèye à la mort de Galandou Diouf et en fut le Premier Adjoint à la Mairie de Dakar. Il a aussi exercé, en tant qu’érudit en science religieuse et Muxadam d’El H. Malick Sy, la fonction d’Imam de la mosquée de Sanjaal et d’Imam adjoint de la Grande Mosquée de Dakar alors situé sur la rue Blanchot, actuel rue Mousse Diop. Lorsque fut lancé, en 1958, le projet de construction de l’actuelle Grande Mosquée de Dakar, sur le site d’un vieux cimetière désaffecté, il fut élu trésorier du comité d’édification présidé par Imaam Amadou Lamine Diene, avec comme membres du bureau El hadji Chams Dine Diagne, Cadi de Dakar, Thierno Amath Mbengue ex-adjoint au Maire de Dakar, Hyacinthe Camara, Souleymane Sidibe et El Hadji Ameth Diene, représentant des jeunes lébu.
A ce titre, il reçut la contribution de l’Etat du Sénégal, de la Ville de Dakar, de la communauté libano-syrienne, de la collectivité lébu, de Serigne Fallou Mbacke, Khalife General des Mourides et d’El Hadj Ibrahima Niass, dit Baye, etc. Ablaye Thiaw Laye, à l’instar de Gaïnde Fatma, était son ami et son partenaire en affaire. Serigne Babacar Sy, son ainé de 5 années qui devint khalife en 1922, était son marabout et son confident. Il fut élevé à la dignité de Chevalier de la Légion d’Honneur à titre étranger par décret du 3 mars 1948, puis promu Officier de la Légion d’Honneur par décret du 9 avril 1965, en qualité de Député de la Presqu’île du Cap-Vert à Dakar. Mais malgré son succès dans les affaires et en politique et tous les honneurs reçus, Amadou Assane Ndoye a toujours vécu au domicile familial avec ses frères, ses sœurs et ses enfants, car il croyait fermement aux valeurs familiales.
Il prônait l’entente avec les parents et les voisins, le respect du prochain et de la parole donnée, ne s’engageant et ne donnant sa parole qu’après mûres réflexions. Il était contre le gaspillage et l’ostentation et recommandait l’épargne, car, disait-il, il faut toujours être à même de régler les problèmes qui surprennent et saisir les opportunités d’affaire qui se présentent. Mais, il faut surtout travailler et investir intelligemment disait l’homme fidèle à ses principes qui savait aider lorsqu’il le fallait et récompenser généreusement ses enfants qui suivaient ses conseils. Amadou Assane Ndoye recommandait l’équité et l’oubli des bonnes actions que Dieu a permis d’accomplir. Mamadou Diop, ancien Maire de Dakar, fils du Ndeyi Jàmbur Ousmane Diop Coumba Pathe, a confié à ses enfants qu’il a eu à payer de sa poche, à un moment de difficulté de l’institution municipale, les salaires des agents de la ville de Dakar. Il a construit des mosquées, dont celui de Sanjaal. Il a offert des terres, dont le terrain d’1 ha abritant le cimetière de Diass…
Après son décès, et en guise de reconnaissance, Léopold Sédar Senghor, Président de la République du Sénégal, baptisera en son nom l’ancienne rue Thiers de Dakar où se trouvait son domicile, face à l’ancienne école de commerce, Pigier, créé par Raymond Panis. Cette demeure abritait sa descendance issue d’Adja Mame Tabara Diop, petite-fille d’Ahmed Diop Gora de Saint-Louis qui accueillit le jeune Amadou Assane lorsqu’il vint poursuivre ses études religieuses sur les rives du fleuve Sénégal et dont le centenaire du décès a été célébré en 2010. Sur cette même rue, sur le site accueillant l’Institut Islamique accolé au domicile de Serigne Babacar Sy, se trouvaient les locaux de son bureau. Plus tard l’école Thiers aussi, sur la rue qui porte son nom, lui sera dédiée. Pour rappel le site de l’école Thiers, classé patrimoine de l’Unesco, a abrité la première prison de Dakar.
Par Alassane K. KITANE
L’AFRIQUE PERPETUELLEMENT TRAHIE PAR SES ELITES
Les élites africaines ont remplacé les négriers et autres « apôtres » concubins de la politique.
Les élites africaines ont remplacé les négriers et autres « apôtres » concubins de la politique. Elles ont toujours tiré profit de la détresse et de la candeur de leur peuple. Elles n’ont jamais cherché à amener les masses vers la lumière, vers un humanisme affranchi de tout obscurantisme et de tout calcul mercantile. Nous n’avons pas inventé la démocratie, mais nous l’avons apprivoisée à des fins antihumanistes. Nous n’avons pas non plus inventé les religions révélées, mais nous en avons fait un succédané des pires entreprises d’exploitation de l’humain et de l’humanité en nous.
La politique sert une minorité, et n’a d’autres orientations que la prise en charge des problèmes ponctuels. Aucune vision prospective, aucune planification typiquement locale à long terme, aucun souci de transformation structurelle de la société. Les rois qui vendaient des esclaves ont réussi à mouler nos mœurs dans le mépris de soi : c’est le même principe qui est perpétué aussi bien dans la sphère politique que dans celle religieuse. L’exemple de Mamadou Dia est illustratif du complot qui se joue contre les biens et les intérêts du peuple. Ce grand monsieur défendait les intérêts du peuple, il voulait faire payer aux députés et aux débiteurs occultes leurs dettes, il voulait mettre fin aux privilèges accordés sans raison à des minorités et on l’a trahi.
Cheikh Anta Diop a connu le même sort : ostracisé et mis en mal avec les élites maraboutiques, son discours était devenu inaudible, même parmi les intellectuels. Les élites religieuses (toutes religions confondues) ont travesti l’essence de la foi, ils l’ont sécularisée et réduite à un ensemble de stratagèmes pour le salut terrestre. Et que je dis salut terrestre, ne croyez surtout pas qu’il s’agit de celui des fidèles : il s’agit bien et exclusivement du salut des élites. Le culte à ciel ouvert n’a jamais développé un pays. Le nombre de fêtes religieuses dans les pays africains est irrationnel, déraisonnable et fortement suspect.
La religion, telle qu’elle est pratiquée en tout cas dans nos pays, ne peut pas développer nos sociétés. Une société se développe d’abord par la foi au premier cadeau que Dieu a fait à l’homme : la raison. Une religion qui étouffe ou congédie la raison n’est pas humaniste. Nous ne sortirons jamais des ténèbres sans une critique sans complaisance de notre « religiosité ». Nous ne sortirons jamais de l’esclavage, car nous sommes encore doublement esclaves ou esclaves d’autres esclaves. Nos sociétés ont besoin d’être reformées en profondeur. Nous n’irons nulle part avec nos mœurs politiques et religieuses actuelles.
Notre hypocrisie nous tuera, notre torpeur intellectuelle nous enchaînera davantage dans la pauvreté, notre peur de regarder la réalité en face et de prendre notre destin en main nous damnera éternellement. Il est temps, pour nous, de penser à la communauté et de dépasser nos mesquines individualités. Ce n’est pas acceptable que dès qu’un citoyen accède à un poste, son premier réflexe soit de distribuer des prébendes aux siens et à des élites qui n’en ont aucun droit. Ce n’est pas acceptable que le rêve de tout intellectuel se résume à un mot : nomination ! Il faut abolir la culture de la rente, il faut se battre pour que la religion et la politique ne soient plus des espaces de rentes. Il nous faut une révolution culturelle pour sortir notre peuple de cette situation qui n’est ni esclavage ni souveraineté. La peur inhibe ; la croyance, quand elle n’est pas réfléchie, aliène l’homme : nous devons renaître si nous ne voulons pas mourir.
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
Président du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal
«NOUS AVONS FAILLI»
Dans cet entretien accordé à Sud Communication, Mameboye Diao, responsable de l’APR à Kolda s’en prend, sans langue de bois, aux responsables qui auraient des ambitions cachées, tout en restant aux côtés du président Macky Sall
L’ébullition du front social, avec les marches du mouvement “Nio Lank“, ainsi que certains débats politiques agités par l’opposition, ne seraient que la résultante d’erreurs commises par le régime en place. C’est du moins, en substance ce qu’a indiqué le Directeur des Domaines, El Hadji Mamadou Diao, dit Mameboye, qui estime que le camp présidentiel a failli sur certains sujets, notamment en ne prenant pas l’initiative de bien communiquer sur les grandes décisions du chef de l’Etat, avant qu’elles ne se retrouvent sur la place publique via d’autres canaux. Dans cet entretien accordé À Sud Communication, le responsable de l’APR à Kolda s’en prend, sans langue de bois, aux responsables qui auraient des ambitions cachées, tout en restant aux côtés du président Macky Sall. Il est aussi revenu sur certaines questions notamment la grisaille notée dans les retrouvailles Wade-Macky, sans occulter le silence sur l’amnistie de Karim Wade et Khalifa Sall.
M. Diao, on vous voyait plus dans les débats sur les politiques publiques, notamment le fisc, les impôts… Mais, de plus en plus, vous vous affichez en bouclier du chef de l’Etat. Qu’est ce qui explique ce revirement ?
Il est vrai que j’ai opté pour défendre le président de la République sur des questions qui peuvent intéresser davantage les Sénégalais que sur celles politiciennes. Pour cela, nous avons pensé que la meilleure attitude est celle de l’approche bilancielle. A chaque fois que des réalisations d’envergures ont été faites, il fallait prendre le temps de les expliquer aux populations. Parce qu’ils sont les principaux bénéficiaires de tout ce qui est déroulé en termes de politiques publiques. Cette approche permettait de faire une évaluation pour voir, si éventuellement, on pouvait rectifier. Aussi, les questions économiques m’ont toujours passionné. En effet, la stratégie qui avait été mise en place par le président de la République, à savoir celle des inclusions sociales, avec les marqueurs sociaux qui sont devenus une institution, est entrée dans les mœurs des sénégalais, avec le rattrapage sur les questions d’équité territoriale. C’est cette vision que nous avions de l’émergence qui nous a poussée à préférer ce type de communication. Mais, vous vous rendrez compte, en tant qu’experts, que le talon d’Achille que nous avions, lors du premier mandat, c’était d’avoir laissé le champ libre à l’opposition, qui nous avait imposé un débat politicien qui, le plus souvent, était basé sur les fake-news. Nous avions tardé à prendre en compte ces questions. Mais, je vois qu’il y a une résurgence de toute la stratégie qui avait été mise en place par ces personnes-là pour nous mettre mal à l’aise, dans le cadre du renouvellement du bail que le Président a, encore une fois, avec les Sénégalais. Beaucoup de personnes comme moi, pensent qu’à bon droit, il est temps qu’on ne laisse plus le champ aux questions politiques, parce qu’elles alimentent aussi le débat public, à ces personnes là, soit qui sont encore dans le camp de la majorité présidentielle et qui l’utilisent comme arme de chantage, soit aussi, à ces opposants qui pensent qu’il faut travestir les informations économiques pour en faire des armes politiques. C’est pour cela que nous sommes engagés sur ces questions là.
Mais, est ce qu’il n’y a pas aujourd’hui des craintes quand on voit les remous au sein de votre parti, avec les sorties de Moustapha Diakhaté, Moustapha Cissé Lo ? Est-ce que ce n’est pas des signes avant-coureurs d’un compagnonnage qui annonce le début de la fin ?
Il faut analyser chaque sortie par rapport à la personne qui en est l’auteur et à son contexte. On ne peut pas analyser la déclaration de Moustapha Diakhaté de la même manière qu’on analysera celle de Moustapha Cissé Lo. Donc, on présumait, c’est pourquoi d’ailleurs, lorsque j’en parlais, j’avais considéré qu’on avait attendu un peu trop tard pour poser tous les actes qu’il fallait pour réprimander de tels agissements. Parce qu’on sentait qu’il y avait une stratégie de pourrissement du fruit de l’intérieur, qui avait été muri certainement, par Moustapha Diakhaté et ses acolytes, qui peuvent être même à l’intérieur de la majorité présidentielle et qui peuvent avoir des ambitions inavouées pour le moment. Ces ambitions cachées signifient qu’on essaiera de gripper la machine de l’intérieur, de sorte que le Président, qui est le chef d’un parti, peut-être psychologiquement, devra vouloir lâcher les rênes, alors que les Sénégalais l’ont élu pour un mandat de 5 ans.
Ce n’est quand même pas un délit d’avoir des ambitions ?
L’ambition n’est pas un délit. Mais, il faut avoir le courage de ses ambitions. Qu’estce que ça coûte à ces personnes, si elles pensent qu’elles peuvent avoir un destin présidentiel, de sortir et de s’affirmer tout de suite. Si elles pensent qu’elles ont l’ancrage qu’il faut au niveau des Sénégalais, surtout en termes d’offres programmatiques, qu’est ce qui les empêche de sortir de notre mouvance et de se présenter pour aller à la conquête des suffrages des Sénégalais ? En ce moment, nous les considérerons comme des adversaires et nous ferons face. Mais, ce que je considère comme malhonnête, c’est de rester encore une fois près du président de la République, parfois même être membre du Secrétariat exécutif national, et vouloir déstabiliser la machine de l’intérieur. Tout cela, à dessein. Parce que l’objectif final, c’est de pouvoir peser considérablement dans le choix qui va être fait en direction de 2024. Or, je pense que la position du président de la République, sur cette question, est beaucoup plus adaptée aux préoccupations des Sénégalais. Aujourd’hui, poser la question du mandat, à moins d’un an de sa réélection, poussera les Sénégalais à avoir un comportement différentiel. Soit, on identifiera un dauphin, auquel cas, on pensera que c’est lui le vrai dépositaire du pouvoir et le président de la République sera inutile. Parce que, celui qui estimera être le dauphin, pensera à créer une approche qui lui permet un maillage dans le pays pour avoir le maximum de soutiens. Donc, l’un dans l’autre, il faut qu’on puisse travailler pendant ces 5 ans. Les Sénégalais ont choisi de réélire le Président Macky Sall sur la base d’un programme. Le 5-3-5, de par la pertinence des différentes actions phares qui sont dedans, nous permet normalement, si nous atteignons 100% de ces objectifs-là, même 80%, de revoir le Sénégal autrement, en 2024. Parce que les questions d’accès à l’énergie, à l’eau, celles de salubrité publique, de villes et bidonvilles, toutes ces questions sont prises en charge tel que le Président les avait présenté aux Sénégalais. Pour moi, la priorité est là. Maintenant, ceux qui ont envie d’investir tout de suite l’arène politique, qu’ils aient le courage de prendre leur destin en main, comme le Président Macky Sall l’a fait, en 2008, quand il a senti qu’il n’avait plus rien à faire avec le Pds.
C’est aussi stratégique de permettre à quelqu’un de se positionner en perspective de 2024, pour que l’APR ou la coalition qui l’accompagne depuis 2012 puisse continuer son œuvre ?
Le positionnement se fait naturellement. Le Président Macky Sall n’est pas un Sénégalais né avec une cuillère en argent dans la bouche. Il a dû gravir tous les échelons au niveau de l’appareil Pds, en commençant déjà par un poste de Conseiller auprès du Président Abdoulaye Wade, après Directeur général, puis ministre dans différents départements, jusqu’à bénéficier la confiance du Président Wade pour être son Premier ministre, après pour diriger la première institution du pays. C’est ce véculà qui lui a donné une envergure pour pouvoir aller à la recherche des suffrages des Sénégalais. Donc, ceux qui pensent qu’ils peuvent succéder à Macky Sall doivent déjà avoir le même parcours honorable que lui, à défaut, s’en approcher. Parce que, je pense que chacun des membres du gouvernement ou des collaborateurs du président de la République a la responsabilité de prouver que le destin du Sénégal, dans la frange qui lui est confié, a été bien pris en compte. C’est à ce niveau-là qu’on attend ces personnes-là. Si le travail est fait naturellement, c’est le phénomène naturel de la sélection qui viendra. Mais, aujourd’hui, on ne sait pas ce qui va se passer dans les 4 années à venir. On ne peut pas faire de la météo politique et poser des actes qui de plus en plus s’apparentent à des actes de défiance. Ce que je déplore, c’est cette attitude sournoise de la plupart des responsables politiques que nous avons qui n’existent que parce qu’ils ont bénéficié, en amont, d’un décret du président de la République et qui n’ont eu de mandat effectif qu’après ce décret. Donc, ces personnes-là qui doivent leur carrière politique, ou en tout cas leur notoriété d’aujourd’hui à Macky Sall, tardent à lui montrer leur soutien sur des questions politiques. Je suis d’accord que quand on parle de questions aussi pointues que la Pêche, l’Economie, la Santé publique et autres et qu’on ne soit pas instruit, on peut ne pas avoir les éléments de langage pour répondre. On peut concéder qu’ils ne sont pas maitres de l’art dans ces matières-là. Mais, sur des questions politiques, quand le Président est agressé par des membres de la mouvance présidentielle, normalement, dès le lendemain, ils doivent recevoir une volée de bois vert du point de vue politique. Parce que, toutes ces personnes qui ont pu bénéficier de mandats électifs ou de décisions nominatives devraient pouvoir porter ce combat politique. C’est sur cela qu’on pêche aujourd’hui. Nous laissons le Président se battre seul sur des questions politiques. D’ailleurs, si vous suivez l’évolution médiatique, ce sont de plus en plus des soutiens du président de la République, d’un âge moins avancé, qui sont en train d’occuper les médias. Parce que, justement, la frange jeune qui soutient le président de la République s’est réveillée et est en train d’occuper le terrain politique et médiatique pour être les «les boucliers du président de la République». Je félicite tous ces jeunes qui sont dans des structures du parti, mais, qui sont aussi dans la périphérie de ces structures, qui se battent au quotidien pour porter le combat. Aujourd’hui, ce sont ces jeunes-là qui donnent l’exemple à l’élite, alors qu’ils ont été les moins bénéficiaires de tout ce qu’on fait en termes de promotion du personnel et politique derrière le Président.
Le front social est en ébullition. “Nio Lank“ n’arrête plus de manifester dans les rues. Qu’est-ce qu’il faut faire pour que les Sénégalais puissent retrouver toute la quiétude nécessaire ?
J’analyse la situation froidement. Sur deux ou trois sujets, nous avons failli. Nous avons failli parce que nous n’avons pas eu la démarche explicative en amont, pour dire aux populations ce qui se passe. Vous vous rappelez de toute la problématique qui est née de la question pétrolière. Parce que, toute la communication qui devrait être faite sur la transparence des contrats nous a été presque forcée. Alors que, il revenait aux membres du gouvernement d’anticiper sur des questions aussi importantes et d’informer les Sénégalais sur tout ce qui se faisait en matière d’exploration. Au moins, ça rassure, parce que quand vous donnez l’information, vous donnez un préjugé favorable par rapport aux questions de transparence. Quand il s’est agi de la question du fer, la même thématique s’est posée. C’est comme si, ce sont les opposants ou la presse en général qui nous informent sur les actions d’envergure qui engagent le destin du Sénégal. Cela crée un soupçon naturel. Pour les questions énergétiques, vous vous rendez compte que l’information est sortie avant que celle officielle nous parvienne, sans pour autant qu’on ait expliqué qu’il y a eu, c’est vrai, un choix fort qui devait être fait. La commission nationale de régulation du secteur de l’énergie avait demandé une hausse qui n’a pas été suivie par les pouvoirs publics. Mais aujourd’hui, elle considère qu’on pouvait trouver un mécanisme de ségrégation positive pour que les ménages les plus vulnérables continuent de payer moins l’électricité. Si on avait anticipé sur la communication, si on avait eu l’humilité d’expliquer aux Sénégalais qu’il va y avoir un ajustement tarifaire sur la question de l’électricité, parce que des projets sont en cours sur l’universalisation de l’accès à l’électricité, on aurait eu une autre approche. Mais, quand les Sénégalais se réveillent et que l’information ne vienne pas par le canal où elle doit venir, c’est-à-dire le gouvernement ou la structure concernée qui donne l’information et qui donne la méthode qui a conduit à cette décision, nécessairement ceux qui pensaient gagner en 2019 et qui ont échoué, qui veulent nous imposer un deuxième tour, s’agripperont sur toutes ces questions. C’est pourquoi, toutes ces questions constituent des bouées de sauvetage à l’opposition qui essaie de se regrouper, d’occuper l’espace politique. Finalement, nous perdons beaucoup d’énergie à reprendre l’initiative, parce que nous avons un retard à combler. Parce qu’ils ont anticipé, eux, sur la démarche, sur la question et sur la stratégie d’occupation de l’espace. Le pouvoir vient difficilement rattraper ce gap. A chaque fois, si vous voyez, vous avez une crise cyclique qui s’estompe entre deux ou trois mois parce que quand on a l’humilité d’expliquer aux Sénégalais et quand on confronte les dires de ces opposants à la réalité, la situation s’estompe.
En matière de transparence et de bonne gouvernance, les rapports se suivent et se ressemblent. Que ce soit ceux de l’Ige, de la Cours des comptes et même de l’Ofnac qui a été créé par le président de la République. Comment expliquez-vous cette sorte d’impunité, alors que le président de la République avait promis aux Sénégalais qu’il ne protégerait personne ?
La première vocation des corps de contrôle est didactique. C’est celle de pouvoir dire à la plupart de ceux qui sont en rapport avec les deniers de l’Etat, voilà le comportement citoyen que vous devez avoir. Donc, les contrôles qui se font, servent plus à réajuster au départ, qu’à sanctionner. Deuxièmement, quand il y a des manquements graves, il faut que la sanction se fasse. Elle doit être prise dans toute sa rigueur, pour vu qu’en amont, tout ce qu’il y a comme procédures contradictoires soit respecter. Parce que, vous voyez que depuis la publication de certains rapports, les concernés réagissent pour dire qu’ils n’ont pas reçu de rapport ou qu’on n’a pas pris en compte leur droit de réponse. Donc, sous réserve, si toutes les conditions étaient réunies, je suis à l’aise pour dire : «la sanction doit être prise dans toute sa rigueur». Mais, vous vous rendez compte que dans la plupart du temps, on ne prend pas en compte les observations des concernés. Troisièmement, nous oublions qu’à côté, la plupart des infractions peuvent ouvrir à des sanctions pécuniaires. En réalité, la sanction n’est pas que pénale. Elle est parfois pécuniaire. Si vous allez à la Cours des comptes, vous vous rendrez compte de combien de responsables de ce type d’infractions sont en train de payer. Parce que, justement, le rôle de la Cours des comptes, c’est de veiller à la sauvegarde des deniers de l’Etat. Maintenant, quand les corps de contrôle finissent leur travail et que tout ce qui devait être fait en termes de procédures a été fait, il revient aux Cours et tribunaux de jouer leur rôle. Et ça, je ne pense pas qu’il y ait quelqu’un qui les en empêche.
Dans une récente sortie, l’ancien président du groupe parlementaire du Pds, Doudou Wade, a expliqué que les retrouvailles Wade-Macky sont grippées parce que Président Macky Sall n’a pas fait ce qu’il devait faire, à savoir rendre visite au Président Wade. Qu’en dites-vous ?
Si les retrouvailles ont été entamées, c’est parce que le Chef de l’Etat a eu l’humilité de lancer ce processus. Reconnaissons au Président Sall ce premier mérite. Reconnaissons-lui également, d’avoir tenu un discours apaisé sur toutes ces questions. Le président Sall a toujours appelé au dialogue et il a toujours voulu regrouper le maximum de fils et filles du Sénégal autour de sa personne, pour qu’on aille ensemble sur les combats qui nous importent. Maintenant, par rapport aux propos de Doudou Wade, je les considère comme des propos à charge. Même si les démarches de décrispation ont été faites sous l’égide du Khalife général des mourides, il y avait beaucoup d’actes hostiles qui ont été posés par le Pds et Abdoulaye Wade et cela peut créer la méfiance. Alors, qu’en réalité, tous les processus de pacification ne devraient pas souffrir de discours agressifs vis-à-vis de l’autre parti. Depuis que le Président Macky Sall a rencontré le Président Wade, vous n’avez pas entendu une seule fois un membre de l’Apr s’attaquer à Abdoulaye Wade ou au Pds. Pourtant, vous avez entendu des membres du Pds poser des actes, agir ou parler de sorte qu’on peut penser qu’ils ne sont pas dans une logique de pacification de l’espace.
Là, vous prônez une démocratie consensuelle à la Amadou Toumany Touré. Voulez-vous que l’opposition reste dans son coin le temps que le dialogue se poursuit?
Notre approche est différente parce que je ne vous ai pas parlé de l’opposition qui occupe de façon sporadique les rues tous les vendredis.
Il n’y a pas que l’opposition dans les rues. Il y a aussi des membres de la société civile
Ce ne sont pas les Sénégalais qui sont dans les rues, c’est l’opposition ? Nous sommes témoins de certains faits de l’histoire politique. En 1988, quand ça chauffait dans ce pays, il n’y avait pas besoin d’être dans un parti politique. Toutes les grosses tensions n’ont pas eu besoin d’une planification. Je ne sais pas comment on peut s’indigner et programmer toutes les deux ou trois semaines son indignation. Ça veut dire que ce n’est qu’une stratégie d’occupation politique. En tout cas, je ne vois pas ces mouvements comme des acteurs de la société civile. Ce sont des opposants qui s’agrippent à toutes les choses. Vous savez très bien que beaucoup d’entre eux militent pour des partis politiques.
Parlons du dialogue national. Est-ce qu’on peut s’attendre à l’application à la lettre des résultats comme ce fut entre Abdou Diouf et Kéba Mbaye pour le Code consensuel de 1992 ? Certains en doutent en évoquant les cas de la CNRI et des assises nationales.
Ils sont en train d’enfoncer une porte déjà ouverte en faisant cette comparaison. C’est le président de la République qui a dit qu’il va appliquer tous les consensus issus de ce dialogue. Le président de la République est constant dans ses choix. Ce que vous appelez dialogue dans le passé ne concernait que des concertations.
Mais il y a eu la CNRI ?
La Cnri est une institution qui a été créée sur instruction et sur décision propre du président de la République, qui lui a donné un cahier des charges. A charge au président de la République d’en tirer la quintessence. Ce sont les Sénégalais qui ont élu le président Macky Sall. Ils n’ont pas élu la Cnri. Donc, quand une institution a un cahier des charges ou un bon de commande d’une autorité politique, son devoir s’arrête à faire des propositions et à laisser l’autorité politique le pouvoir de décider ;
La CNRI a pourtant respecté le cahier des charges et a reçu quelques 700 millions de Francs CFA qui sont passés à perte et à profit ?
Ce ne sont pas 800 millions qui ont été utilisés à perte et à profit. Il y a eu deux recommandations faites par Cnri qui ont été utilisées. Maintenant, c’est comme je le dis, les concertations qui ont abouti au code électoral consensuel sont le fruit de concertations qui ont abouti en amont. Tous les partis politiques concernés étaient d’accord sur le schéma qui avait été mis en place. Les assises nationales ne sont pas une concertation nationale, parce qu’à ce moment-là, les assises nationales regroupaient la minorité qui était en train de s’opposer au régime de Abdoulaye Wade, qui était vainqueur de l’élection présidentielle.
Macky Sall a pourtant signé la Charte des assises.
Oui, il l’avait signé, sous réserve d’ailleurs, et il l’a dit, il n’avait pas obligation d’appliquer les recommandations. Les assises nationales ont posé beaucoup de questions. On ne va pas revenir sur le contenu des assises nationales. Mais, je dis que les assises nationales ne sont pas concernées par la majorité présidentielle qui était au pouvoir, à ce moment-là. De la même manière, la Cnri ne concernait qu’une commande issue d’un président de la République. Donc, ne pouvaient pas concerner tous les sénégalais. La seule assemblée qui peut décider, aujourd’hui, pour le compte de tous les sénégalais, parque tous les sénégalais y participent, c’est le dialogue.
Pourtant dans ce dialogue aussi, le principal parti de l’opposition, le PDS, n’y participe pas
Il y a deux franges dans le dialogue. Sur les questions politiques, tout le monde y participe. Il n’y a aucun parti au Sénégal qui n’y participe pas, sur les questions électorales. Maintenant, le dialogue national prend en compte différents sujets. Mais l’un dans l’autre, ce qui est important, c’est qu’on ait des consensus forts sur les questions électorales et politiques et qu’on ait aussi certains grands consensus sur les questions de gouvernance publique, qui peuvent nous conduire.
Le président de la République, dans un entretien qu’il avait accordé à nos confrères de France 24, avait évoqué une possibilité d’apaisement de l’espace politique sénégalais, en parlant même de possibilité d’amnistie pour Karim Wade et Khalifa Sall. Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que ça se réalise ?
Les actes qui ont été faits en direction de Khalifa Sall peuvent être analysés comme des actes de pacification de l’espace politique. Maintenant, il faut que les autres saisissent la balle au rebond. Vous savez, dans un conflit, il faut que chacune des parties apprenne à avancer vers l’autre. Aujourd’hui, c’est le président de la République qui pose des actes. Mais, les autres ne suivent pas. C’est dommage ! Pour le cas spécifique de Khalifa Sall, je loue la démarche. Au moins, ils sont en train de participer au dialogue. Au moins, il y en a qui ont la volonté d’essayer de trouver des consensus forts. Ça ne présage en rien d’une alliance future ou d’une compétition future. Mais, au moins, quand le destin du Sénégal est en jeu, quel que soit la position qu’on occupe dans l’échiquier politique, on doit pouvoir avoir l’humilité de s’assoir autour d’une table, de ne pas penser qu’on est le seul sachant ou le seul à même de disposer de solution. Dans un processus de décrispation, les signaux qui sont émis par une des parties doivent être pris en compte par l’autre.
Quid de Karim Wade qui est considéré comme étant en exil ?
Karim Wade est déjà libre. Ça aussi, le mérite revient au Président Macky Sall. Mais, il a été menacé de contrainte par corps si jamais il revenait au Sénégal. C’est pourquoi je dis que des questions comme ça méritent que les Sénégalais discutent entre eux. Parce qu’aujourd’hui, ce qui pouvait être considéré comme une contrainte politique, c’est le fait que Karim Wade ne puisse pas disposer de la liberté d’aller et venir. Maintenant, qu’il dispose de cette liberté, il y a une contrainte dans le jugement qui le concerne. Ce sont les questions pécuniaires. Donc, les questions qui sont relatives aux intérêts du trésor public sénégalais sont en suspens. Donc, certainement, ce sont des questions qui peuvent être débattus entre les différentes franges de la vie sociopolitique pour qu’on trouve des solutions. Mais, il ne revient pas seulement au président Macky Sall de pouvoir décider de questions de si grandes importances. Si des questions comme ça sont importantes, dans le cadre de décrispation, le lieu indiqué pour en parler, est le dialogue.
«AMNISTIER KARIM WADE ET KHALIFA SALL, C’EST PROCEDER A UNE REDISTRIBUTION DES CARTES»
Dr Maurice Soudieck Dione livre les enjeux d'une demande d’amnistie pour Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall
Enseignant chercheur en sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint Louis, Dr Maurice Soudieck Dione décortique la portée et les enjeux de la demande d’amnistie de Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall faite par l’opposition lors de la dernière réunion de la commission politique du dialogue national.
Lors de la réunion de la Commission politique du dialogue national du mardi 11 février dernier, l’opposition a posé sur la table la question de l’amnistie. A votre avis, cette commission est-elle un cadre idéal pour débattre de cette question ?
Pour répondre à cette question, il faut interroger d’abord le contexte de la mise en place du Dialogue national mené dans son volet politique par la Commission politique ; et revenir pour les besoins de la compréhension sur les deux cas en cause : Karim Wade et Khalifa Sall.
Le pouvoir en place a organisé un Dialogue national après la victoire du Président Sall avec 58,27% des voix, après toutes les manœuvres unilatérales faites au mépris des règles démocratiques pour faciliter sa réélection notamment le parrainage ; et après une certaine instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Dans le cas de Karim Wade, à travers l’opération dévoyée dite traque des biens mal acquis. Il a été ainsi condamné par la CREI (Cour de répression de l’enrichissement illicite), avec beaucoup d’irrégularités, lesquelles ont été dénoncées et décriées par le Groupe des Nations Unies contre la détention arbitraire, le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies et la Cour de justice de la CEDEAO. Dans le même ordre d’idées, dans le dossier politico-judiciaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, Khalifa Sall a subi beaucoup de violations de ses droits : il n’a pas été assisté par un avocat lors de son interrogatoire, son immunité parlementaire a été violée, notamment. La manipulation de la justice a encore été fortement suspectée à travers l’accélération de son dossier à une vitesse supersonique, du jamais vu dans l’histoire judiciaire du Sénégal, pour qu’il soit condamné définitivement, afin que sa candidature soit invalidée pour l’élection présidentielle du 24 février 2019. La candidature de Khalifa Sall a donc été rejetée par le Conseil constitutionnel, malgré le fait que les voies de droit n’étaient pas encore totalement épuisées, dans la mesure où il avait introduit un rabat d’arrêt en date du 8 février 2019. De ce point de vue, affirmer que le rabat d’arrêt qui est une voie de recours n’est pas suspensif est une aberration du point de vue juridique. Car, de deux choses l’une : ou c’est une voie de recours et en ce moment puisque l’examen de l’affaire n’est pas terminé, il n’y a donc pas encore une décision revêtant l’autorité de la chose jugée pouvant fonder l’exclusion de Khalifa Sall bénéficiant toujours de la présomption d’innocence. Ou alors le rabat d’arrêt n’est pas une voie de recours, ce qui est tout autant insensé, parce que l’article 51 de la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 relative à la Cour suprême le prévoit expressément comme tel : « Les décisions de la Cour suprême ne sont susceptibles d’aucun recours, à l’exception de la requête en rectification d’erreur matérielle ou pour omission de statuer sur un ou plusieurs moyens et de la requête en rabat d’arrêt ».
L’article 52 ajoute en son alinéa 4 : « Le rabat est ordonné lorsque l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de procédure non imputable à la partie intéressée et qui a affecté la solution donnée à l’affaire par la Cour suprême » ; et l’alinéa 3 de renforcer : « La requête en rabat d’arrêt est jugée par la Cour, statuant toutes chambres réunies ». Il apparaît donc clair que Karim Wade arbitrairement condamné par la CREI au point de ne pas pouvoir être candidat à l’élection présidentielle du 24 février 2019, tout comme Khalifa Sall, liquidé politiquement à travers cette affaire de la caisse d’avance en raison de sa démarcation de la coalition Benno Bokk Yaakar, tous deux sont victimes des pratiques autoritaires du régime du Président Sall. Car, si tous sont d’accord sur la nécessité de la reddition des comptes et de la lutte contre la corruption, dans un pays pauvre comme le nôtre, il faut que cela se fasse dans le respect des droits et libertés des mis en cause, et en dehors de toute politisation, qui vise des finalités de construction hégémonique à travers la liquidation d’adversaires politiques. La grosse mascarade inqualifiable qu’il y a derrière tout cela, c’est que la plupart des corps de contrôle sont tombés en léthargie. Dans ces conditions, c’est comme s’il y avait une sorte d’organisation machiavélique de l’impunité de la mal gouvernance ; une couverture politique que les gouvernants eux-mêmes s’accordent sur leurs propres actes de corruption, de prévarication et de prédation des ressources publiques. À titre d’illustration, la Cour des comptes est restée pendant pratiquement cinq ans sans fournir de rapports, alors qu’aux termes de l’article 3 alinéa 4 de la loi organique n° 2012-23 du 27 décembre 2012, obligation lui est faite de publier chaque année un rapport. Or, les faits répréhensibles découverts, qui sont le plus souvent constitutifs de délits, sont éteints par la prescription de l’action publique au bout de trois ans ; c’est-à-dire que leurs auteurs ne peuvent plus être poursuivis au plan pénal. À préciser que le point de départ du décompte pour calculer le délai de prescription est fixé au jour de la commission des faits.
En définitive, il y a une conjonction entre les pratiques néo-patrimoniales de gaspillage et de pillage des deniers publics et les pratiques autoritaires qui ont tendance à étouffer et à piétiner les droits et libertés démocratiques et à manipuler tendancieusement les règles de la compétition électorale de même que les institutions à des fins de conservation du pouvoir. Le dialogue national cherche à requinquer l’image du régime du Président Sall et à rétablir un minimum de confiance entre les acteurs politiques, et pour cela, il faut que les victimes de l’autoritarisme et de l’arbitraire soient rétablies dans leurs droits, et c’est tout à fait légitime que ces questions soient discutées au sein de la commission politique du Dialogue national.
Le contexte actuel marqué par l’interdiction par le chef de l’Etat, au sein de son camp tout débat sur sa succession est-il propice à l’adoption de cette mesure qui va faire des deux (Khalifa et Karim) des présidentiables ?
C’est une situation complexe dans la mesure où on ne sait pas encore précisément quelles sont les intentions du Président Sall par rapport à une candidature à un troisième mandat. En effet, la réponse qu’il a donnée le 31 décembre 2019 est manifestement ambiguë : « Je ne répondrai ni oui, ni non ». Il faut préciser encore que la Présidentielle du 24 février 2019 a été une compétition particulière, car le jeu a été sciemment et anti-démocratiquement fermé par le pouvoir au moyen du parrainage pour éviter la dispersion des voix, dans un scrutin majoritaire à deux tours, afin de favoriser la réélection du Président Sall au premier tour. Donc amnistier Karim Wade et Khalifa Sall, c’est procéder à une redistribution des cartes et donc à une reconfiguration des forces politiques. Car, le PDS n’a pas présenté de candidat à la Présidentielle de 2019 ; ce qui n’a jamais été le cas depuis 1978. Khalifa Sall, maire de Dakar, a été mis en prison, et malgré tout la coalition au pouvoir n’a pas réussi à obtenir la majorité des voix aux Législatives du 30 juillet 2017 ; elle a remporté la majorité des sièges à Dakar en raison du scrutin majoritaire à un tour au niveau départemental. Benno Bokk Yaakar lors de ces mêmes élections législatives était à 49,47% des voix avec 125 sièges sur 165, encore une fois à cause du mode de scrutin majoritaire à un tour au niveau départemental. Khalifa Sall, après avoir enduré l’épreuve de l’incarcération avec tout l’acharnement qu’il a subi, peut être auréolé d’un soutien populaire du fait que les Sénégalais ont tendance à éprouver de la sympathie envers les leaders qu’ils estiment avoir été l’objet d’injustices. Djibo Leyti Kâ paix à son âme, après ses difficultés au Parti socialiste avec qui il a fini par rompre, en avait bénéficié lors des Législatives de 1998, avec la percée remarquable de la coalition autour de son mouvement du Renouveau démocratique qui avait engrangé 11 députés. Idrissa Seck, après son emprisonnement sous le régime du Président Wade, se classe deuxième à la Présidentielle de 2007 avec 14,93% des voix. Le Président Sall lors de la Présidentielle de 2012, après avoir été injustement combattu au PDS et évincé du perchoir de l’Assemblée nationale, se classe deuxième derrière le Président Wade, en obtenant au premier tour 26,58% des voix, avant de remporter l’élection au second tour.
On comprend dès lors les réticences quant à remettre Khalifa Sall en selle, en lui permettant de revenir dans la compétition politique. C’est certainement ce qui motive les velléités nourries par le régime de conférer à Dakar un statut particulier avec un maire nommé par le président de la République ; ce qui serait un recul démocratique inacceptable, et une violation flagrante de l’article 102 de la Constitution du 22 janvier 2001, qui dispose : «Les collectivités territoriales constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Elles s’administrent librement par des assemblées élues». Ces mêmes raisons liées à la sympathie cristallisées en la personne des leaders persécutés valent également pour Karim Wade qui a été pour une bonne part construit politiquement par le régime en place, à travers son emprisonnement et sa condamnation arbitraires ; à preuve les nombreuses entorses au droit qui sont allées avec. Dans un contexte où la coalition Benno Bokk Yaakar qui a comme dénominateur commun et comme fédérateur le Président Sall, est traversée par une crise larvée du fait des ambitions à la succession des uns et des autres, l’amnistie de Karim Wade et de Khalifa Sall est une décision politique plus que problématique.
Quelles sont les chances selon vous pour que cette demande d’amnistie puisse passer ?
Le dialogue national ne peut évacuer cette question d’amnistie, si vraiment le but visé est de décrisper le jeu et de rétablir les fondamentaux de la démocratie. Mais cela me semble illusoire, au regard des actes et des pratiques constants du régime. Il faut rappeler que Président Sall avait signé la Charte des Assises nationales qui proposait des réformes pertinentes pour rationaliser les pouvoirs présidentiels, et éviter le danger que fait courir aux droits et libertés la toute puissance d’un homme ; et qui visait aussi le renforcement de l’État de droit. Le Président Sall a mis ensuite en place la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) qui a englouti 700 millions de francs CFA ; et aucune réforme sérieuse n’a été faite pour encadrer les pouvoirs du Président, pour consolider l’État de droit et assurer l’indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir exécutif. On en est encore aujourd’hui à parler de manifestations interdites ; d’instrumentalisation de la justice ; d’arrestations pour cause de distribution de flyers sur la cherté de l’électricité ; d’activistes embastillés comme c’est le cas pour Guy Marius Sagna ; de troisième mandat, alors que le pays a failli basculer en 2011-2012, après l’une des crises les plus graves de son histoire, liée effectivement au syndrome du troisième mandat du Président Wade ; et que c’est dans ce contexte de forte aspiration à changer de méthodes de gouvernance que le Président Sall est arrivé avec toutes ses promesses de réformes en définitive non tenues et d’engagements reniés comme la réduction de son mandat de 7 à 5 ans. Pour tout cela, il y a suffisamment de motifs pour être sceptique quant au dialogue politique.
Recueils par Nando Cabral GOMIS
«LA GAY PRIDE N’EST PAS POSSIBLE AU SENEGAL»
Macky Sall répond à justin trudeau sur l’homosexualité
La légalisation de l’homosexualité au Sénégal, ce n’est pas à l’ordre du jour. D’un ton ferme au départ, mais diplomatique par la suite, le président de la République, Macky Sall, a réitéré sa position sur l’homosexualité hier, mercredi 12 février 2020, devant le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, en visite officielle de trois jours dans notre pays.
«La gay pride (ou marche des fiertés) au Sénégal, ce n’est pas possible.» Macky Sall est formel. Face à son hôte, Justin Trudeau, Premier ministre du Canada, un défenseur de l’homosexualité, en visite officielle de trois jours au Sénégal à qui il accordé un entretien suivi d’un d’une conférence de presse conjointe au Palais de la République hier, mercredi 12 février 2020, le chef de l’Etat, Macky Sall, a réitéré sa position sur ce sujet. Répondant en Wolof, comme pour prendre l’écrasante majorité du peuple à témoin et s’adresser à l’opinion publique locale encore réfractaire à cette orientation sexuelle, Macky Sall a été sans équivoque.
«Je crois que Justin l’a bien dit, nous en avons parlé. Evidemment, je respecte son choix d’être défenseur des droits, je n’en suis pas moins un (défenseur des droits humains, ndlr). Seulement, les lois de notre pays obéissent à des normes qui sont le condensé de nos valeurs, de culture et de civilisation. Ces lois sont le reflet de cette vision, de notre manière de vivre et d’être. Cela n’a rien à voir avec l’homophobie. Le Sénégal est un pays de droit, c’est clair, un pays qui respecte les droits de l’homme. Mais, c’est un pays qui a des lois qui interdisent, en tout cas ce que dit le Code (de la famille, ndlr), en réalité, l’exhibition, les relations contre-nature, du point de vue de la législation. C’est cela qui est mis en œuvre. Mais ceux qui ont une orientation sexuelle, selon leur choix, ne font pas l’objet d’exclusion», explique Macky Sall.
Mieux, le président de la République déclare : «au Sénégal, nous sommes à l’aise avec nos lois» qui sont «le reflet de nos manières de vivre et d’être. Cela n’a rien à voir avec l’homophobie... Pour l’instant, c’est ça qui est en vigueur au Sénégal», insiste-t-il. Le chef de l’Etat soutient ainsi qu’«on ne peut pas non plus demander au Sénégal de légaliser l’homosexualité, et demain, la gay pride (…) Ça, ce n’est pas possible», tranche-t-il. Et d’ajouter : «on ne peut pas avoir une vision globale du monde… Chaque pays a son propre métabolisme.»
Auparavant, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a assumé son choix de défendre les homosexuels. «Moi, comme vous le savez très bien, je défends toujours les droits humains, et j’amène ces enjeux-là partout où je vais. Le président Macky Sall connait très bien mes positions là-dessus, et on en a parlé brièvement, mais surtout on est en train de voir à quel point le Sénégal est un leader en matière de démocratie, et de valeurs. On a tous du travail encore à faire, mais on a eu de très bonnes discussions là-dessus», a soutenu M. Trudeau.
«TANT QUE JE SERAI LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, L’HOMOSEXUALITE NE SERA JAMAIS PERMISe ICI»
Ce n’est pas la première fois que le président sénégalais est interpellé, notamment par des dirigeants occidentaux, sur ce sujet. Déjà, en juin 2013, lors d’une conférence de presse conjointe avec Barack Obama, alors président des Etats-Unis d’Amérique (USA), en visite officielle au Sénégal, Macky Sall avait répondu avec la même fermeté, mais de manière diplomatique, qu’il n’est pas encore question de légaliser l’homosexualité au Sénégal. Deux ans plus tard, en octobre 2015, invité d’i-Télé en France, le président Sall n’a pas varié, sur sa position. «Nous avons notre Code de la famille, nous avons notre culture, nous avons notre civilisation. Il faut que les gens aussi apprennent à respecter nos croyances et nos convictions. Au nom de quoi on doit penser que parce que ailleurs, on pense que l’homosexualité doit être dépénalisée, que ça doit être une loi universelle ? Au nom de quoi ça doit être une loi universelle ?».
Le même débat ayant ressurgi lors de la campagne pour le Référendum de mars 2016, avec l’opposition et certains sénégalais qui soupçonnaient une volonté non avouée de dépénaliser l’homosexualité, avec l’introduction de nouveaux droits dans la Constitution, Macky Sall rassurera : «je ne suis pas le genre de président à qui on demande de tourner à gauche ou à droite et qui s’exécute». «Cette proposition de réforme est celle de la paix. Elle ne va jamais aller à l’encontre des principes édictés par l’Islam… Ceux qui le disent, je le répète, ce sont des détails… Et tant que je serai le président de la République, l’homosexualité ne sera jamais permise ici», martèlera le Chef de l’Etat.
MACKY SALL SUR LA CANDIDATURE AU CONSEIL DE SECURITE : «Le Canada aura le soutien du Sénégal»
«On a besoin de la voix du Canada au Conseil de sécurité des nations unies. Le Canada aura le soutien du Sénégal pour sa candidature au Conseil de sécurité.» C’est le président de la République, Macky Sall, qui promet ainsi au Premier ministre canadien, Justin Trudeau, le vote du Sénégal en faveur du Canada pour sa candidature au Conseil de sécurité des Nations Unies (Onu).
Lors de leur conférence de presse conjointe tenue au Palais de la République, Macky Sall, en plus de cette volonté affichée de soutenir le Canada dans sa conquête de siège au Conseil de sécurité de l’Onu a sollicité la contribution de pays de l’Amérique du Nord dans la Zleca. «On va voir également comment le Canada peut contribuer dans la zone de Libre-échange africaine (Zleca)».
Pour ce qui est des relations diplomatiques entre les deux pays, Macky Sall, tout en rappelant que les deux pays partagent beaucoup de choses, en particulier la francophonie, il a informé que le Canada est prêt à aider le Sénégal dans les secteurs pétrolier et gazier. «Notre coopération avec le Canada date de 1962 et porte sur plusieurs secteurs dont l’agriculture. Et nous sommes disposés à fournir nos efforts pour que cette coopération soit beaucoup plus rigide. Et aujourd’hui, le Canada est disposé à contribuer au renforcement des capacités dans le secteur pétrolier et gazier», a-t-il révélé.
Revenant le sens que le Canada accorde à sa candidature au Conseil de sécurité de l’Onu, Justin Trudeau a dit : «on comprend l’importance des institutions comme l’Onu. Le Canada est très engagé pour l’obtention d’un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies». Et d’ajouter : «on peut participer à la lutte contre la radicalisation des jeunes, dans certaines contrées du continent africain, en les aidant sur le développement de l’emploi et de l’entreprenariat des jeunes».
CANADA - FACILITATION DE L’ACCES AUX ETUDIANTS SENEGALAIS : Le Premier ministre Trudeau s’engage !
En visite officielle au Sénégal, le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a annoncé que son pays est entrain de préparer un programme pour faciliter l’accès aux étudiants sénégalais, en terre canadienne. «On est dans un monde qui change et l’éducation aussi change. On a besoin d’investir dans la science, la technique et on doit préparer l’économie de cette éducation. L’année passée, on a fait une augmentation de 20% pour les étudiants sénégalais. Actuellement, nous sommes en train de préparer un programme pour faciliter l’accès aux étudiants sénégalais et marocains», a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse conjointe avec le président de la République Macky Sall à la Présidence, hier mercredi.
Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, en visite officielle au Sénégal, a eu un entretien avec le chef de l’Etat, Macky Sall, hier mercredi. Une rencontre entre les deux hommes élargi aux délégations des deux pays. Par la suite, les deux dirigeants ont animé une conférence de presse conjointe suivie d’un déjeuner. Justin Trudeau, qui effectue une visite officielle de trois jours au Sénégal, est arrivé à Dakar mardi dernier 10 février. Il a été accueilli à l’aéroport international Blaise Diagne par le ministre d’État, secrétaire général de la Présidence de la République, Mahammed Boune Abdallah Dionne. Son séjour au Sénégal vise à «consolider les relations de coopération multiformes» entre Dakar et Ottawa.
LIBYE: LE CONSEIL DE SECURITE RECLAME A SON TOUR UN «CESSEZ-LE-FEU DURABLE»
Hier mercredi 12 février, à New-York, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé une résolution réclamant qu’un cessez-le-feu durable remplace la trêve observée depuis janvier en Libye.
Les diplomates ont ainsi confirmé les conclusions du sommet de Berlin, le 19 janvier dernier, où de nombreux dirigeants avaient affiché leur unité.
Mais le temps qu’il a fallu pour négocier les mêmes termes aux Nations unies montre bien que les divisions internationales persistent.
Il aura fallu près de quatre semaines aux membres du Conseil de sécurité pour valider les conclusions de la conférence de Berlin,
où déjà, les dirigeants politiques s’étaient mis d’accord sur un cessez-le-feu en Libye.
Une résolution avait alors vite été réclamée par l’envoyé spécial de l’ONU, Ghassan Salamé, convaincu que cela permettrait d’apaiser les tensions réapparues sur le terrain.
Hier, 14 pays ont voté en faveur de la résolution. La Russie s’est abstenue - alors que Vladimir Poutine était l’un des signataires de Berlin.
En coulisses, les Russes ont bloqué les négociations en exigeant que toute mention des « mercenaires »
soit effacée : depuis plusieurs mois, ils sont en effet soupçonnés d’avoir soutenu l’acheminement
de plusieurs milliers de mercenaires du groupe privé Wagner, qui auraient aidé le maréchal Haftar dans ses avances militaires, contre le gouvernement d’union nationale de Sarraj.
MARIAGES À TOUBA : LE KHALIFE GÉNÉRAL FAIT PASSER LA DOT DE 16 000 FCFA À 26 000 FCFA
Le Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké a pris une décision de taille.
En recevant une délégation de religieux, il a fait annoncer, par la dahira Moukhadimatoul Khadma, le passage de la dot pour les mariages d’un montant de 16 000 F CFA à 26 000 F CFA, soit une hausse de 10 000 F CFA.
Une hausse qui s’explique par le fait que le montant précédent a été fixé du temps de Serigne Fallou Mbacké, Khalife général des mourides de 1945 à 1968.
Plus d’un demi-siècle plus tard, l’inflation est telle qu’une telle hausse est largement justifiée selon le porte-parole du jour : « Cela obéit parfaitement aux préceptes de l’Islam par rapport aux clauses du mariage.
Ce qu’on pouvait acheter il y a cinquante ans avec 16 000 F CFA, on ne peut plus l’acheter aujourd’hui avec la même somme. Quand le Khalife a consulté ses relais sur ces questions, il est arrivé à une telle décision sur cette question qui appartient à tous les musulmans.
Car la dot a été instituée pour permettre à la future épouse de pouvoir s’offrir quelque chose de symbolique... »