Le président Macky Sall a déclaré mercredi que l’interdiction de l’homosexualité au Sénégal relevait de la spécificité culturelle de son pays, en présence du premier ministre canadien Justin Trudeau, qui a «brièvement» évoqué le sujet avec lui
Le président Macky Sall a déclaré mercredi que l’interdiction de l’homosexualité au Sénégal relevait de la spécificité culturelle de son pays et n’avait «rien à voir» avec l’homophobie, en présence du premier ministre canadien Justin Trudeau, qui a «brièvement» évoqué le sujet avec lui.
«Je suis toujours à la défense des droits de la personne et j’amène toujours ces enjeux-là partout où je vais», a dit lors d’un point presse commun à Dakar M. Trudeau, connu pour son engagement en la matière. «Le président Macky Sall connaît très bien mes perspectives là-dessus et on en a parlé brièvement», a-t-il ajouté.
Il a mis en contrepoint le fait que le Sénégal est, selon lui, «un leader en matière de démocratie, en termes de valeurs, on a tous du travail à faire encore».
M. Sall a confirmé que la question, sensible dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, avait été abordée lors de leurs entretiens.
«Seulement, les lois de notre pays obéissent à des normes qui sont le condensé de nos valeurs de culture et de civilisation», a-t-il dit. «Cela n’a rien à voir avec l’homophobie. Ceux qui ont une orientation sexuelle de leur choix ne font pas l’objet d’exclusion», a-t-il insisté.
Apostrophé par une journaliste qui lui demandait en quoi des lois interdisant l’homosexualité ne relevaient pas de l’homophobie, M. Sall s’est gardé d’expliquer.
Mais il a laissé la porte ouverte à une évolution.
«On ne peut pas non plus demander au Sénégal de dire: "Demain, on légalise l’homosexualité, et, demain, c’est la gay parade, etc."», a-t-il ajouté, en référence aux Gay pride ou «marches des fiertés» organisées dans d’autres régions du monde.
«Ça, ce n’est pas possible parce que notre société ne l’accepte pas. La société, elle va évoluer, ça prendra le temps que ça prendra», a dit le président sénégalais.
«On ne peut pas avoir de vision globale du monde où tous les pays pensent la même chose et font la même chose», a-t-il ajouté. «Chaque pays a son propre métabolisme», a-t-il insisté.
La loi sénégalaise punit de peines d’un à cinq ans d’emprisonnement les actes homosexuels. Le Code pénal parle «d’acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe».
M. Sall, dont le pays est souvent cité en exemple d’État de droit en Afrique, a toujours invoqué les spécificités du Sénégal pour refuser une dépénalisation de l’homosexualité.
Plus de la moitié des pays d’Afrique subsaharienne - 28 sur 49 - disposent de législations interdisant ou réprimant l’homosexualité, parfois passible de la peine de mort.
QUEL EST LE SARR LE PLUS CHER DU FOOTBALL ?
Sarr est un nom répandu dans l’univers du foot, aucun de ceux qui le portent pour les plus exposés sont de la même famille. On connait la plupart voire tous, car ils évoluent en Ligue 1 ou y étaient encore jusqu’à peu
Sarr est un nom répandu dans l’univers du foot, aucun de ceux qui le portent pour les plus exposés sont de la même famille. On connait la plupart voire tous, car ils évoluent en Ligue 1 ou y étaient encore jusqu’à peu. L’OM a Bouna, ailier reconverti latéral droit, il est le plus âgé du plateau. Inversement, Ismaïla anciennement rennais, désormais à Watford, et Malang, défenseur à l’OGC Nice sont les plus jeunes. Entre tous ces mêmes patronymes, lequel est estimé le plus cher sur le mercato ?
Ismaïla a la plus forte valorisation marchande chez les Sarr
Ismaïla, sans trop de surprise eu égard à la fraîcheur de ses 21 printemps et à son positionnement sur le terrain. Celui pour qui son club de Londres a investi 30 millions d’euros l’été dernier est donné à 27 M€ par la plateforme Transfermarkt, mais plus significativement à presque 60 millions d’euros, du côté du Centre international d’étude du sport, en Suisse.
Bouna, d’ailier à latéral de l’OM
Anciennement, le Marseillais Bouna campait le même poste d’ailier, dévoreur de couloir. Mais sous les ordres de Rudi Garcia, il a reculé d’un cran, au poste de latéral droit. Celui qui réfléchit encore au choix de sa sélection (il peut tout à la fois défendre les couleurs de la France, du Sénégal ou de la Guinée) est valorisé à 8 millions par Transfermarkt et de 10 à 15 du côté de l’Observatoire du football.
Entre Bouna et Malang, les estimations sont proches
Entre Ismaïla et Bouna se glisse Malang, défenseur que couve l’OGC Nice. A 21 ans, il s’est stabilisé dans l’axe de la charnière du GYM. Il est un joueur à fort potentiel marchand, sauf qu’il ne lui reste qu’un an et demi (jusqu’en 2021) de contrat en club, avec pour conséquence de diminuer sa cote, présentement estimée entre la dizaine et la quinzaine de millions d’euros. Non loin de Nice, à Nîmes, joue Sidy Sarr. Milieu de terrain axial, il vaut de 2 à 3 millions d’euros sur le marché des transferts.
Naby et Adama évoluent aux échelons inférieurs en Angleterre et en France
Enfin, les plus modestes et moins connus, Naby et Adama. Le premier défend les couleurs de Charlton Athletic en Championship anglais, l’autre celles du Paris FC en Ligue 2. Ils ont une valorisation proche du demi-million sur le mercato.
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LA POLITIQUE SÉCURITAIRE DE MACKY EST ERRATIQUE
EXCLSUIF SENEPLUS - Nos forces de l'ordre sont acculés - Le Sénégal n'a toujours pas de plan national de lutte contre la délinquance - Faut-il fusionner la police et la gendarmerie ? NOUS ALLONS EN PARLER AVEC BOUBACAR SADIO
Viols, meurtres, vols... Un jour ne passe sans que des cas de violence ne barrent la Une des journaux. Comment expliquer cette insécurité quasi quotidienne qui a fini d'installer la psychose au sein de la population ? La police est-elle en sous effectif ? Quid des moyens nécessaires au maintien de l'ordre ?
Serigne Saliou Guèye accueille pour ce premier numéro de notre tranche "Nous allons en parler", le commissaire Boubacar Sadio. Très connu pour son expertise dans le domaine de la sécurité, il analyse les raisons de ce pique de violence et préconise des pistes de solution.
CONFLIT DIPLOMATIQUE SUR LA LIGNE PARIS-DAKAR
Le feuilleton de l’interminable agenda de réalisation du TER a pris une nouvelle dimension avec les derniers propos de l’ambassadeur de France au Sénégal, le week-end dernier, au micro de RFM
Le feuilleton de l’interminable agenda de réalisation du Train express régional (TER) a pris une nouvelle dimension avec les derniers propos de l’ambassadeur de France au Sénégal. Interrogé à ce sujet dimanche dernier dans l’émission «Grand Jury» sur la radio Rfm, Philippe Lalliot avait répondu :
«(…) En avril, je ne pense pas qu’il puisse y avoir une mise en service commerciale du Ter. C’est en tout cas ce que me disent les entreprises françaises. Tout au plus, il peut y avoir des tests… » Ce qui est certain, c’est que cette infrastructure lourde sera une réalité, mais quand ? «Les Sénégalais verront le Ter circuler, mais ils devront attendre avant de pouvoir l’utiliser. Il faut encore attendre pour que le train roule à plein régime. (Il y a ) un système billeterie pour convoyer 100 000 personnes par jour. C’est de l’équipement informatique assez important… », avait expliqué le diplomate français.
Cette sortie a soulevé l’ire de la présidence de la République qui a fait monter au créneau Me Oumar Youm, ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement pour répondre aux allégations de M. Lalliot. Dans une note diplomatique adressée par canal diplomatique à son homologue français Jean-Baptiste Jebbari, secrétaire d’Etat en charge des Transports, il dénonce des «sorties maladroites et graves» considérées comme «des attitudes dommageables à un partenariat fondé sur le respect et la confiance », selon les extraits publiés par le quotidien L’Observateur.
Tenant à «manifester carrément le désagrément du ministère et de tout le gouvernement », Me Youm fustige l’immixtion de la France dans les relations contractuelles que le Sénégal a établies avec des entreprises privées (françaises) pour la mise en œuvre du Train express régional. A ses yeux, le Haut-représentant de la République Française au Sénégal «semble privilégier les intérêts des entreprises françaises qui (…) font peu cas du droit contractuel et des préoccupations des populations sénégalaises.»
L’entreprise Eiffage (ou Senac SA) a été chargée d’exécuter une grande partie des travaux du Train express régional. C’est elle-même qui gère l’autoroute à péage baptisée «Autoroute de l’avenir».
Il faut rappeler qu’en début décembre 2019, Me Oumar Youm, déjà dans les colonnes de L’Observateur, avait affirmé : «normalement, en avril 2020, on sera dans la phase effective de mise en service commerciale du Ter. » Mais auparavant : «A partir de décembre 2019, nous serons dans une phase de préparation de l’exploitation», cette étape «va prendre peut-être 4 à 5 mois en fonction des diligences qui doivent être apportées à cette préparation.»
Prudent, il avait néanmoins laissé la porte ouverte à ce que ce délai ne puisse être respecté : «un projet d’une telle envergure, avec ses implications technologies, ses exigences de sécurité, pose souvent des problèmes dans l’exécution, et, en raison de sa complexité, peut avoir un effet sur les délais. »
A l’instar de l’ambassadeur Lalliot, Me Youm avait pointé les mêmes facteurs pouvant retarder la mise en service du Ter: plan du transport, temps des trajets, fréquence et ponctualité des trains, recrutement et formation du personnel, mise en place des normes de sécurité et de sûreté sur toutes les lignes…
Inauguré en janvier 2019 par le chef de l’Etat, à quelques jours de l’élection présidentielle de février, le Train express régional a coûté jusqu’ici 700 milliards de francs Cfa, selon le ministre Youm. Et «peut-être que ça va augmenter», avait-il ajouté. D’autres sources non officielles chiffrent les investissements à plus de 1000 milliards de francs Cfa.
L'ABANDON DU FCFA MENACÉ PAR LA VOLTE-FACE DU NIGERIA ?
Après la demande du Nigeria de reporter le lancement de l’Eco au-delà de juillet 2020, les craintes de l’économiste togolais Kako Nubukpo vis-à-vis de l'adoption de la nouvelle monnaie «par manque de convergence» s’avèrent fondées
Sputnik France |
Christine H. Gueye |
Publication 12/02/2020
Après la demande du Nigeria de reporter le lancement de l’ECO au-delà de juillet 2020, les craintes de l’économiste togolais Kako Nubukpo vis-à-vis de l'adoption de la nouvelle monnaie «par manque de convergence» s’avèrent fondées. Invité de Sputnik France, il a annoncé la tenue d’états généraux de l’ECO à Lomé du 28 au 30 avril prochain.
C’est par le biais de son compte Twitter que la présidence du Nigeria a annoncé ce lundi 10 février son désir de reporter le lancement de l’ECO, la nouvelle monnaie de l’Afrique de l’Ouest. «La position du Nigeria sur l’ECO est que les critères de convergence (entre États) n'ont pas été atteints par la majorité des pays devant adopter cette monnaie commune. Il doit par conséquent y avoir un report du lancement de la monnaie unique», précise la présidence nigériane dans ce tweet.
Cette annonce est intervenue à la clôture de la 33e session ordinaire de l’Union africaine à Addis-Abeba, dans la capitale éthiopienne. Même si aucune information n’a filtré pour l’instant sur les raisons de cette sortie «en solo» du Nigeria, qui devra encore être entérinée par les cinq autres États membres de la zone monétaire ouest-africaine (ZMOA) lors de leur prochaine réunion à Abuja, vendredi 14 février, voire lors de la réunion au sommet de la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) qui regroupe en plus des six, huit États francophones additionnels, elle semble indiquer une lutte d’influence entre pays anglophones et francophones de la zone pour savoir quelle direction définitive va prendre l’ECO, selon la plupart des observateurs.
En effet, il aura fallu près de trente ans de débats, en raison notamment de politiques monétaires très disparates dans la zone mais aussi du poids économique du Nigeria (75% du PIB global), pour que les dirigeants des quinze pays membres de la Cedeao parviennent, dans un communiqué en date du 29 juin 2019, à annoncer un lancement de l’ECO dès juillet 2020. Mais le 21 décembre dernier, les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), semblant vouloir couper l’herbe sous le pied des anglophones, annonçaient, par l’intermédiaire du président Alassane Ouattara, leur décision de remplacer leur monnaie commune, le franc CFA, par l'ECO.
Ces pays ne représentent toutefois pas la totalité de la zone franc, qui comprend, en plus de l’UEMOA, les six membres de la Communauté économique des États de l’Afrique du centre (CEMAC) et les Comores. Ce sont donc les seuls États de l’UEMOA qui ont signifié, par cette décision, qu’ils étaient prêts à rompre les liens de plus en plus controversés avec la France, l’ancienne puissance coloniale. Celle-ci accueillait jusqu’alors la moitié de leurs réserves de changes contre la garantie de la convertibilité de leur franc CFA avec l'euro et siégeait dans leurs instances de décision.
Répondant aux critiques des militants anti-CFA vis-à-vis de ce qu’ils dénoncent comme une manœuvre pour substituer le franc CFA à l’ECO, à l’instar d’ailleurs des reproches des pays anglophones de la Cedeao à l’égard du Président ivoirien, l’économiste togolais Kako Nubukpo s’est expliqué sur les raisons pour lesquelles il a tenu à saluer un «moment historique». Invité de Sputnik France le 5 février dernier, lors d’un passage à Paris à l’occasion de la sortie de son livre L’urgence africaine, il en a également profité pour rappeler toutes les précautions d’usage en ce qui concerne l’avènement de l’ECO, insistant sur le fait qu’une monnaie est un «fait social total». D’où la nécessité, selon lui, d’organiser sans tarder des états généraux pour réfléchir à l’avènement de l’ECO, qu’il a prévu de tenir à Lomé du 28 au 30 avril prochain.
Se voulant rassurant à l’égard de la jeunesse africaine dont il a salué à plusieurs reprises le militantisme, voire le tropisme en faveur d’une plus grande indépendance du continent, le théoricien du concept de la «servitude monétaire» en zone franc, aux côtés d’autres éminents économistes et sociologues francophones comme Martial Ze Belinga, son ami d’enfance, le Sénégalais Demba Moussa Dembélé ou l’opposant ivoirien Mamadou Koulibaly –auxquels il a tenu à rendre hommage– ainsi qu’à l’altermondialiste malienne Aminata Traoré, grâce à qui un ouvrage collectif avait pu voir le jour en 2016, il a commencé par réaffirmer sa conviction dans la nécessité de sortir du franc CFA.
«Je sais que certaines personnes n’ont pas compris mes propos préliminaires, mais qu’elles se rassurent: nous sommes dans le même combat. Celui de la libération monétaire en Afrique dans sa totalité. Seulement, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ou bien prendre la proie pour l’ombre. C’est-à-dire qu’il faut que nous soyons sérieux dans nos déclarations et encore plus dans notre manière d’agir», a déclaré Kako Nubukpo au micro de Sputnik France.
«Pas de revirement ni de changement de cap, donc, en ce qui me concerne!», a martelé le doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université de Lomé qui, après avoir été ministre chargé de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques dans son (2013-2015), avait été nommé directeur de la Francophonie économique et numérique au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Un poste dont il a été suspendu en décembre 2017 à cause de son «incapacitéàrespecter son droit de réserve», selon l’OIF, à la suite de la publication d’une tribune qui s’intitulait déjà, de façon prophétique: «Franc CFA: les propos de M. Macron sont déshonorants pour les dirigeants africains!».
«Quand on est responsable, on doit faire les choses de façon raisonnable et expliquer ce que l’on fait (pour ne pas créer des mouvements de panique, ndlr). C’est pourquoi j’ai pris l’initiative d’organiser les états généraux de l’ECO du 28 au 30 avril 2020 à Lomé, pour que nous puissions réfléchir ensemble au format optimal de la mise en place de l’ECO. Les différentes commissions de l’UEMOA et de la Cedeao, ainsi que les banques centrales de la zone y réfléchissent déjà, bien sûr, mais elles ne rendent pas publiques leurs réflexions. Alors que là, nous allons associer des chercheurs, des citoyens pour que tout un chacun puisse s’approprier cette nouvelle monnaie appelée ECO qui est une excellente chose. Mais ne perdons jamais de vue que la monnaie est un fait social total!», a-t-il ajouté.
Aux origines du combat contre le franc CFA
C’est lors de son passage à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), dont le siège est à Dakar, au début de sa carrière, que le déclic par rapport au franc CFA s’est produit, notamment par rapport à la dépendance coloniale qu’il perpétue.
«À la BCEAO, j’ai eu à évaluer l’efficacité de notre politique monétaire et j’ai vu que les instruments de cette politique n’avaient aucun impact sur les variables macroéconomiques comme la croissance et l’inflation. C’est à partir de là que j’ai commencé à m’intéresser aux paradoxes de la politique monétaire en zone franc. C’est comme une pelote: quand vous tirez le fil, tout se déroule! À partir de là, j’ai conceptualisé la notion de servitude volontaire de la politique monétaire qui s’applique à l’ensemble des 14 États de la zone franc», se souvient-il.
D’où les quatre difficultés majeures ou «nuisances» résultant de cette politique monétaire qui tuent, selon lui, toute velléité d’émergence dans la zone franc.
«La première difficulté, c’est que nous n’échangeons pas entre nous! Il y a seulement 15% de part d’échanges intracommunautaires dans notre zone contre 60% en zone euro. Or, une monnaie, c’est fait pour échanger. La deuxième, c’est que le franc CFA est rattaché à l’une des monnaies les plus fortes au monde, l’euro, et que cela grève notre compétitivité. L’impact du taux de change (fixe) est déterminant comme, par exemple, dans le secteur du coton dans lequel j’ai beaucoup travaillé. Pour moi, un franc CFA fort est une taxe sur les exportations et une subvention sur les importations. Troisièmement, les économies de la zone franc sont très peu financées avec, de surcroît, des taux d’intérêt à deux chiffres tandis que dans la zone euro, les taux d’intérêt sont de l’ordre de 1%. Enfin, il n’y a aucune préoccupation de croissance car le seul objectif de nos banques centrales est la stabilité des prix avec une inflation à 2%!», explique-t-il.
Un chemin semé d’embûches
Sur la décision d’abandonner le nom de franc CFA pour adopter celui de l’ECO, telle qu’annoncée par Alassane Ouattara à Abidjan le 21 décembre dernier aux côtés d’Emmanuel Macron, il insiste sur la «dimension symbolique» de cette annonce. Car malgré les nombreuses critiques sur les réseaux sociaux dénonçant au contraire une «inféodation», Kako Nubukpo estime quant à lui que quelque chose s’est passé. «Ce n’est pas rien que l’on annonce la fin du franc CFA. Cela signifie qu’on lève un tabou en matière monétaire!», argue-t-il, se référant à la flopée d’articles qui ont fleuri dans la presse à ce propos.
«Pour moi, ce changement de nom renvoie à l‘idée de la monnaie comme institution et non comme marchandise. En fait, c’est comme si en changeant le nom de la monnaie, vous changiez d’identité ou que vous annonciez que vous changez de politique monétaire. Exactement comme cela s’est passé au moment du passage du reichsmark au deutschemark, en Allemagne. Ceux qui ont fait cette annonce à Abidjan ne mesurent peut-être pas bien tout ce qui va se passer en matière de changement institutionnel», clame Kako Nubukpo.
Quant aux critiques émises par les pays anglophones de la ZMOA, il reconnaît que ce qu’Alassane Ouattara et Emmanuel Macron ont annoncé le 21 décembre à Abidjan, ce n’est pas ce qui figure dans le communiqué de la Cedeao du 29 juin 2019. En effet, il y est notamment spécifié que l’ECO sera régi par un régime de change flexible et qu’il y aura un ciblage de l’inflation en matière de politique monétaire. «Or, à Abidjan, on a annoncé que l’ECO resterait attaché à l’euro en taux de change fixe et que l’on ne changerait pas de politique monétaire!», dénonce-t-il.
«C’est là où je me suis insurgé en réclamant une période transitoire et que, de surcroît, le calendrier précis pour cette période transitoire soit spécifié. Le fonds de ma critique sur le CFA est économique. Je ne peux donc pas me satisfaire d’un simple changement de nom s’il ne s’accompagne pas d’un changement de politique monétaire», martèle-t-il à l’attention de ceux qui pourraient encore avoir des doutes.
Pour lui, toutefois, le plus important c’est dans la manière dont on annonce les changements en ce qui concerne l’abandon d’une monnaie. «Car il est indispensable de ne pas saper à l’avance la confiance dans cette monnaie», affirme-t-il. Or, s’il faut aller vite en annonçant les changements, la lenteur, paradoxalement, est requise en ce qui concerne leur réalisation.
C’est d’autant plus vrai dans la Cedeao, insiste-t-il, qu’il existe une grande diversité d’architectures institutionnelles. Avec en outre deux droits des affaires, l’Ohada et la common law, qu’il va falloir harmoniser. Ainsi que, note-t-il, l’existence de nombreuses commissions bancaires qui vont devoir être régularisées avant toute émission d’une nouvelle monnaie.
«Il va falloir du temps pour fabriquer puis substituer les billets ECO aux billets en francs CFA qui restent actuellement en circulation. Il faudra aussi s’assurer qu’il n’y aura pas de faux billets ECO en provenance du Nigeria notamment. Et que tout le monde a bien compris comment les choses vont fonctionner. Or, nous avons des banques centrales qui ne fonctionnent pas du tout de la même façon. Par exemple, dans la zone franc, elles sont calquées sur le modèle de la Banque centrale européenne (BCE). Au Ghana, la banque centrale est complètements liée à un régime de change flottant tandis qu’au Nigeria, c’est au dollar puisque le Nigeria est essentiellement un pays exportateur de pétrole», prévient-il.
Urgences africaines
Malgré un passage à l’université d’Oxford, ce grand admirateur de Sylvanus Olympio –le premier Président du Togo qui voulait déjà sortir de la zone France et doter son pays d’une monnaie– n’a jamais voulu tourner le dos à la France où il fait toutes ses études. En 2016, il a notamment accepté d’entrer au conseil scientifique de l’Agence française de développement (AFD).
Il reste, par ailleurs, affilié au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (le Cirad) et chercheur associé au CERI, le centre de recherche de Sciences Po Paris. Ce qui ne l’empêche pas de critiquer l’attitude souvent arrogante des Français en Afrique qui se comportent en terrain conquis même s’il refuse que l’on dise que son livre* est un pamphlet contre la France.
«Ce n’est pas un pamphlet (contre la France) mais un appel à l’Afrique pour qu’elle prenne en main son destin à divers niveaux d’analyses. Je dénonce l’incapacité de notre continent à atteindre une prospérité partagée malgré tous les efforts. C’est vrai qu’on a parfois l’impression que la période coloniale n’est pas terminée (par rapport à certaines attitudes que l’on nous donne à voir!). Les Américains, les Russes, les Chinois, les Allemands, eux, se comportent différemment et, en tout cas, ne donnent pas l’impression d’être en terrain conquis quand ils viennent en Afrique!», affirme son auteur au micro de Sputnik France.
Enfin, en tant qu’aîné vis-à-vis de militants et penseurs anti-CFA, plus jeunes, comme Makhoudia Diouf, Nathalie Yamb ou bien Kemi Sema, dont la plupart se réclament d’ailleurs de lui, il reconnaît avec humilité que par sa formation et les responsabilités qu’il a eu à occuper en tant que ministre togolais, «j’ai surtout eu tendance à m’intéresser aux aspects techniques et économiques (dans le débat sur le franc CFA) et, donc, à lire la relation monétaire sous ce prisme», dit-il. Alors qu’au contraire, la génération qui vient a plutôt tendance à mettre ses arguments au service de l’indépendance africaine. «Ce que je comprends très bien!», ajoute-t-il.
«Concernant Kemi Seba, je ne crois pas qu’il ait commis un délit d’opinion. Et je ne crois pas non plus qu’il aurait dû être emprisonné! Certes, il a brûlé un billet de 5.000 francs CFA, mais si vous saviez les milliards que l’on gaspille… Le plus important, pour moi, c’est que notre jeunesse s’exprime avec toute sa fougue, sa rage et son idéal. Nous, les aînés, notre rôle c’est de les encadrer autant que faire se peut, en transmettant le témoin et en étant dans le dialogue permanent», déclare Kako Nubuko avec toute la conviction qui le caractérise.
"JUSTIN TRUDEAU COMMET TOUTES LES ERREURS DES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX EN AFRIQUE"
Le premier ministre canadien complète un voyage en Afrique pour courtiser le vote des pays africains pour l’obtention par son pays d’un siège au Conseil de sécurité de l’Onu. Trop peu, trop tard ?
Sputnik France |
Jérôme Blanchet-Gravel |
Publication 12/02/2020
Justin Trudeau complète un voyage en Afrique pour courtiser le vote des pays africains en vue de l’obtention par le Canada d’un siège au Conseil de sécurité de l’Onu. Trop peu, trop tard? Dans tous les cas, pour les deux experts interrogés par Sputnik, le Canada commet une erreur stratégique en brillant par son absence sur ce continent d’avenir.
Le Premier ministre canadien s’est lancé dans une courte opération de séduction de l’Afrique. Après avoir séjourné en Éthiopie où il a rencontré son Premier ministre, Abiy Ahmed, Justin Trudeau se rendra cette semaine au Sénégal. Le 9 février dernier, à l’occasion du 33e sommet de l’Union africaine, Trudeau a aussi rencontré des chefs d’État africains parmi lesquels le Président du Nigeria, Muhammadu Buhari, et le Président de Madagascar, Andry Rajoelina.
«Ces visites seront axées sur les opportunités et la prospérité économiques, les changements climatiques, la démocratie et l’égalité des sexes. Elles offriront l’occasion de renforcer nos relations», annonçait Justin Trudeau par communiqué.
Au-delà de ce discours officiel, le but du voyage est surtout de courtiser les pays africains en vue de la prochaine élection de deux sièges non permanents du Conseil de sécurité de l’Onu. Durant sa première campagne électorale de 2015, Trudeau avait promis aux Canadiens qu’il parviendrait à obtenir un siège au Conseil, gage à venir, selon lui, de la valeur de sa politique étrangère. Le Canada a occupé six fois un siège au Conseil de sécurité depuis les années 1940, mais son dernier mandat remonte déjà à 1999-2000.
Pour Jocelyn Coulon, ex-conseiller du ministre canadien des Affaires étrangères Stéphane Dion (2016-2017), Justin Trudeau entreprend beaucoup trop tard ses démarches. M.Coulon publiera dans quelques semaines un livre sur le Conseil de sécurité de l’Onu.
«Sous les ex-Premiers ministres Brian Mulroney et Jean Chrétien, le Canada avait mené des campagnes du début à la fin. Ils étaient quotidiennement impliqués pour promouvoir la candidature du Canada au Conseil de sécurité. Trudeau a seulement commencé à se mobiliser à l’automne dernier en nommant à sa place deux envoyés spéciaux, l’ex-Premier ministre canadien Joe Clark et l’ex-Premier ministre québécois Jean Charest. C’était déjà mauvais signe», souligne M.Coulon à notre micro.
Pour ce chercheur de l’université de Montréal, l’absence du Canada en Afrique explique l’accueil plutôt timide de ses dirigeants face à Justin Trudeau. Depuis le gouvernement conservateur de Stephen Harper (2006-2015), le Canada a plutôt choisi de concentrer ses efforts en Amérique latine et en Chine. Les ambassades du Canada en Amérique latine sont effectivement considérées comme très actives depuis cette période: elles s’emploient notamment à défendre les intérêts des minières canadiennes, selon certains experts.
«Justin Trudeau a au moins pu rencontrer une demi-douzaine de chefs d’État en Éthiopie. En revanche, il n’a pas été invité à prononcer un discours devant l’Union africaine, alors que les chefs d’État étrangers reçoivent habituellement une invitation. [...] Au temps de Stephen Harper, le Canada a décidé de se tourner vers l’Amérique latine et l’Asie, mais il s’agit d’un calcul à court terme qui ne se révélera pas très visionnaire», estime le chercheur.
Expert français en économie politique africaine, Loup Viallet relativise le désengagement du Canada en Afrique. Selon lui, le Canada demeure une petite puissance, autrement dit un pays privé des moyens d’une implication soutenue. Rédacteur du blog Questions africaines, il écrit régulièrement dans Les Échos, Mondafrique, Les Yeux du Monde et Conflits.
«L’Afrique n’a jamais été un partenaire majeur du Canada. [...] Toutefois, certaines puissances tentent d’acheter le vote des pays africains pour faire valoir leurs intérêts au sein des organisations internationales comme l’Onu. Il s’agit d’une sorte de marchandage. Le Canada n’a pas vraiment de poids réel à l’international. Trudeau ne cherche donc pas à régler des conflits, à régler le problème de la désertification et à s’intégrer au jeu géopolitique: il cherche à conforter son discours sur le monde», observe M.Viallet en entrevue avec Sputnik.
Pour Jocelyn Coulon, «en n’offrant rien de concret» à ce continent, le Canada renonce même au multilatéralisme, principe phare de la politique étrangère des Libéraux canadiens dans l’Histoire.
«Contrairement à l’Allemagne et la Russie qui ont fait de vrais efforts pour se rapprocher de l’Afrique, le Canada n’a que des beaux discours à lui offrir. Par exemple, la question de l’égalité des sexes ne relève pas du Conseil de sécurité... Le Conseil s’occupe des questions liées à la paix et la guerre. Le Canada ne doit pas s’étonner de ne pas peser dans la balance s’il n’envoie pas de soldats dans les opérations de paix de l’Onu», déplore-t-il.
Pour courtiser l’Éthiopie, Trudeau a suggéré qu’un accord d’investissement avec elle puisse éventuellement être mis sur la table. Cet accord prendrait notamment la forme de nouveaux investissements canadiens dans ce pays de la Corne de l’Afrique.
Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, est considéré comme l’un des dirigeants les plus influents en Afrique. En 2019, il a remporté le prix Nobel de la paix et figurait parmi les 100 personnalités les plus influentes au monde selon le Time Magazine. Malgré tout, Loup Viallet estime que l’opération séduction du Canada ne suffira pas à compenser son manque d’engagement concret:
«Justin Trudeau fait toutes les erreurs des dirigeants occidentaux en Afrique. Le Premier ministre canadien continue de voir les pays africains comme des États avec lesquels on peut marchander. [...] Le Premier ministre canadien ne cherche pas à développer une vraie relation économique et diplomatique avec l’Afrique. Ce continent est vu comme un comptoir. Justin Trudeau s’adresse à l’Afrique pour faire de la communication et servir son image», tranche Loup Viallet.
Le Canada parviendra-t-il à décrocher le siège convoité? Les chances sont minces pour ces deux experts.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
CHINE, L’EMPIRE DU MILIEU À LA MARGE DU MONDE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le traitement du Wuhan et des malades, apparaît de plus en plus, comme le symptôme d’un mal plus grand : face à la détresse de l’autre, la protection de ses acquis est le réflexe le plus commun -INVENTAIRE DES IDOLES
L’épidémie du Coronavirus repose des questions philosophiques sur l’altérité, l’exigence d’hospitalité, l’attitude à adopter face aux malades, la question du don, du soin, de l’empathie. Avec la mise en quarantaine de la Chine, les enjeux sont nombreux sur nos devoirs en humanité. Se pose inexorablement la question de l’individualisme dans un ensemble au destin plus que jamais relié. Chronique.
A la lecture de différents articles - infos, analyses, réactions, décisions - sur l’épidémie virale qui touche la Chine, on ne manque pas d’être frappé par une chose : le peu de compassion, voire de soutien réel, qu’une bonne partie du monde témoigne à l’endroit du géant asiatique. Si l’on peut tout à fait comprendre le principe de précaution, les mesures sanitaires drastiques - d’abord intérieures à la Chine du reste - la mise en quarantaine préventive, l’isolement et ses conséquences plurielles notamment économiques, il reste dans la narration générale un sentiment qui n’est pas très loin de l’abandon à son propre sort. Symbole de ces réactions et situations propres aux moments de crise, la vidéo du nourrisson mis en isolement et qui communique avec ses parents à travers la vitre de sa chambre, porte en elle une grande violence. Un précipité du divorce à contre-cœur à plus grande échelle, qui loge le problème à un niveau philosophique sur nos devoirs en humanité face à la souffrance. Pour les proches, comme pour les anonymes. Si on a pu recenser, en France notamment, un regain du racisme anti-asiatique, ou des articles culturalistes sur un sort qui serait « mérité » pour la Chine du fait de ses croyances, c’est en termes plus sournois que s’exprime l’impression d’un égoïsme géographique, d’une fuite en avant, d’un rejet physique qui mise sur la chance d’être épargné par le miracle du bon vent. Une attitude de fermeture qui coche toutes les cases de la panique et de ce qu’elle réveille souvent : les plus bas instincts de la peur.
Personne n’appelle à considérer la Chine comme une victime devant laquelle il faut s’apitoyer ou se sacrifier. Il y a bien des choses à reprocher à ce pays et à ses dirigeants. Plusieurs articles honnêtes ont d’ailleurs fait part de cette tentation chinoise de contrôler l’information au risque de l’étouffer, et de la remplacer par le mensonge officiel d’Etat. La presse a même fait état, à la suite du décès du médecin Li Wenliang – premier lanceur d’alerte, décédé depuis et devenu symbole – de ces méthodes inhérentes à la gouvernance chinoise. Plusieurs scientifiques ont régulièrement alerté, depuis le SRAS, et lors de l’épidémie d’Ebola, de la nécessité de repenser la relation avec la nature et la consommation de certains animaux, joignant la problématique écologique à celle de la santé publique. L’opinion publique chinoise s’est elle-même véhémentement indignée du retard accusé par les autorités du pays pour prendre la réelle mesure du phénomène. L’idée n’est pas donc d’absoudre la Chine. Après ces comptes et ces mécomptes, demeure pourtant, malgré tout, la question de la solidarité internationale, qui dépasse la seule donnée des moyens : comment aider la Chine humainement, comme symbole de nous-mêmes ? Une nécessité d’autant plus urgente que, dans un monde de plus en plus relié et interdépendant, la santé publique est le premier rappel de la porosité des frontières et du lien naturel des populations. On pourra objecter, et à raison, que la Chine a déjà reçu la proposition d’aide de pays occidentaux, les USA en tête, et qu’elle oppose une fin de non-recevoir non sans une certaine fierté. Mais l’enjeu est bien plus important : comment faire monde par l’empathie qui ne verse ni dans le pathos, ni dans la posture ? C’est sur ce plan, qu’il me semble que la province du Wuhan est hors du monde, et qu’on la force à y rester.
Sans rien oublier de l’arrière-plan des guerres géopolitiques, des batailles économiques et des querelles d’influence, où l’ogre chinois est un protagoniste de choix, on a vu peu de dons, mais aussi simplement très peu d’expressions d’une quelconque forme de compassion générale s’éprendre du monde. La province du Wuhan est seulement perçue comme l’épicentre d’où est partie la maladie ; assez peu comme le lieu d’un drame humain presqu’à huis-clos. Très peu victime, mais bourreau pour un monde lâcheur. La Chine paraît seule, payant sans doute la rançon d’être un pays puissant, fonçant sur les prébendes des maîtres historiques du monde, ayant déjoué nombre de pronostics sur le cheminement économique propice vers le développement, et jugé donc suffisamment forte pour endiguer toute seule son épidémie. Une telle mégarde de la perception, sur l’histoire récente d’un pays perçu comme agresseur, néo-colonisateur, responsable de l’accélération de la crise environnementale ; un pays de capitalisme sauvage et peu démocratique, avec le carnage de la politique de l’enfant unique et ses terribles conséquences, conduit à des instincts grégaires ; tout cela en effet fait oublier tout bonnement que nul n’a intérêt à ce que la Chine s’effondre. Qu’être le responsable en partie de son malheur n’en fait pas moins une victime. Qu’elle s’est hissée avec bien des tares à un rang de poumon du monde ; que dans sa chute, le fracas peut être plus contagieux que le virus. Dans un monde où les périls s’annoncent, migratoires, identitaires et climatiques, avec déjà les effets insensés du productivisme capitaliste, il y a lieu de se servir d’un tel épisode pour non seulement repenser un modèle condamné, mais surtout, une critique du libéralisme qui met en son cœur, non seulement l’Homme, mais surtout, l’honneur d’affronter la souffrance de l’autre. Un universel, en somme, une humanité plus sensible à la tourmente.
Dans cette perspective philosophique, comment justement, face à de telles maladies, où nos principes, nos solidarités, sont questionnés, parfois mis à rude épreuve, se pose la question de l’altérité ? Comment réagir face au malade, quelle est la « common decency » (décence ordinaire) Orwellienne à adopter, pour satisfaire à la fois les principes de sécurité et le devoir d’hospitalité ? Que retenir du docteur Rieux de Camus, dans La Peste, sur le don de soi et l’amitié dans la résistance ? Quelle résonnance, dans un monde qui ne cesse de réclamer la fin de l’individualisme, donner au sacrifice et surtout, qui est prêt encore à y consentir ? Les critiques de la mondialisation ne pêchent-elles pas tout simplement, parce que sa pérennité fait écho à notre nature profonde ? Plus d’un siècle que l’offre d’utopie du capitalisme est plus attrayante que celles des alternatives, concoctées pourtant par les plus lumineux esprits de ce monde. Qu’en tirer comme enseignements ? Le don, la réciprocité, le soin, le care peuvent fournir des clefs de lecture, voire des solutions. En sociologie, d’importantes productions, ont depuis des années, pris à bras le corps le problème, sans résultat probant. Plus les crises abondent, plus les élites semblent impuissantes, les belles idées prisonnières de la lutte des classes.
L’impression d’une dérobade générale qui s’est saisie du monde face à la souffrance chinoise s’affirme d’elle-même. Et cela vaut pour tous les autres territoires, où la maladie porte en elle une forme de honte. Le rejet signifie au malade sa faute voire sa culpabilité. La globalisation en faisant le fameux village planétaire n’a semble-t-il dressé que des ponts techniques, des passerelles utilitaires, qui ne filtrent que les capitaux, les profits, les bonnes nouvelles, toutes choses qui ne prennent rien de la détresse du monde. On boit goulument le bonheur à plusieurs ; on absorbe la potence seul. Plus que la circulation des biens et des êtres, c’est la circulation des sentiments et de la bienveillance qui semble impossible. Les bastions regroupés dans le grand ensemble du monde, deviennent des cloisons rivales, parfois en conflit, qui ne communiquent que le flux économique, parfois les virtualités, bien souvent leur lot de postures et d’impostures.
Dans les familles canadiennes, quand il faut quitter la table des convives, il est de coutume de dire dans une belle expression « il est temps de prendre un peu de souci » pour signifier la fin de la parenthèse de plaisir. C’est à cela qu’il faut peut-être s’atteler, prendre un peu de la douleur de la Chine et du Wuhan. Ni par héroïsme, ni par posture. Assumer même de ne pas forcément pouvoir y arriver. C’est toujours difficile de traduire une intuition ou une impression, mais le traitement du Wuhan et des malades, apparaît de plus en plus, comme le symptôme d’un mal plus grand : face à la détresse de l’autre, la protection de ses acquis est le réflexe le plus commun. Et ce de façon universelle. Le protectionnisme est à la fois un sentiment naturel et capitalistique. Un instinct vital et un égoïsme agressif. C’est une curiosité, une de fois de plus, qui montre qu’in fine, face à tous les défis du monde, surtout l’idéologie libérale du chiffre, le premier ennemi c’est soi-même. Cela explique peut-être, notre impuissance à la vaincre parce cela requiert une désaliénation de soi-même, de nous-mêmes. Plus que du cœur, de la solidarité, le changement exige une grandeur d’âme.