Reportage chez la nouvelle recrue du PSG, auprès des témoins qui l’ont côtoyé dans l’institut Diambars, son tremplin vers la gloire footballistique. Où il a laissé un souvenir au plus que parfait
RMC Sport |
Alexandre HERBINET |
Publication 01/10/2019
Sur les photos d'enfance, la fragilité du physique mesure le chemin parcouru. La brindille devenue roc qui ratisse-relance et ne s'arrête plus. Dans les yeux des témoins, la fierté du regard mesure la trace laissée. Le petit gamin devenu grand joueur qui de son passé n'a rien oublié. Pour mieux saisir les notes de la partition jouée par Idrissa Gueye il y a deux semaines, cet air envoûtant entonné sur la pelouse du Parc qui a enchanté l'Europe face au Real Madrid en ouverture de la Ligue des champions (3-0), il faut se rendre chez lui, au Sénégal. Direction Dakar puis la Petite-Côte, au sud-est de la capitale sénégalaise. Saly, institut Diambars. Là où s'ouvre la malle aux souvenirs. Plonger la main au fond et remonter il y a seize ans, fin 2003. Les débuts de l'institut consacré aux jeunes footballeurs fondé par les anciens joueurs Saer Seck, Bernard Lama, Patrick Vieira et Jimmy Adjovi-Boco.
"Il n’avait pas tapé dans l’œil de tout le monde"
Aujourd'hui, il s'étend sur de beaux synthétiques et de belles installations modernes. A l'époque, rien à voir. Une auberge comme local provisoire. Des terrains en terre ou en sable. Au milieu de tout ça, deux premières promotions de seize joueurs, les 1989 et les 1990, détectés dans des matches de quartier organisés pour l'occasion et des "navétanes", ces rencontres et tournois interquartiers qui passionnent les Sénégalais. Chez les 89, un bout de bonhomme de tout juste quatorze piges venu du quartier de la Medina, à Dakar, et qui a dû lutter pour convaincre après plusieurs essais. Question de physique, on va y revenir. "On l’a recruté sur les tests, raconte Jimmy Adjovi-Boco. Il n’avait pas tapé dans l’œil de tout le monde. Il était petit, chétif. Mais plusieurs d'entre nous décelaient quelques qualités et il ne pouvait pas ne pas faire partie des premières recrues."
"Il ne pensait qu’à ça: foot, foot, foot, foot. Si on ne l’arrêtait pas, il jouait tout la nuit"
L'ancien international béninois lâche un grand sourire: "De toute manière, Saer, Bernard et moi, qui étions là pour le recrutement final, on ne l’aurait jamais laissé passer". "Quelques qualités", donc. Mais encore? "C’était un joueur qui voyait avant de recevoir le ballon, qui avait déjà cette science, cette connaissance du jeu, poursuit Jimmy Adjovi-Boco. Il n’était pas le plus grand ou le plus fort mais il a pu compenser par d’autres qualités: l’intelligence et l’agressivité dans le bon sens du terme sur le porteur du ballon." La base est là. L'envie aussi. "Il ne pensait qu’à ça: foot, foot, foot, foot, se souvient Ababacar Tabane, ancien coach à Diambars resté proche du milieu parisien. Il voulait jouer, peu importe à quel poste. Si on ne l’arrêtait pas, il jouait tout la nuit, aucun problème. Il fallait qu’il se dépense, qu’il coure partout."
Il y a la caisse. Il manque le coffre. Il en souffre mais va s'en servir. "Il était petit mais ça l’a rendu grand, lance Ibrahima Sohko, proche ami d’enfance qui a joué à Diambars avec lui et vit avec sa famille depuis plusieurs années dans le quartier populaire dakarois d'Ouakam, où est né Patrice Evra. Quand on était dans la chambre, il pouvait pleurer parce qu’on jouait contre des grands et qu’on ne l’avait pas fait jouer. C’est ce qui a fait sa grinta, la hargne qu’il a quand il joue. C’est pour montrer aux grands qu’il est aussi fort qu’eux." "Il jouait défenseur central mais ça posait un problème par rapport à sa taille et il a dû changer de poste, enchaîne Ababacar Tabane. Au début, oui, il a eu un complexe par rapport à sa taille. Les autres étaient plus grands, plus rapides, plus puissants, et lui voulait toujours grandir. (Rire.) Mais tu ne le sentais pas en retrait par rapport aux autres. Il n'y allait pas en reculant même face aux plus costauds. Avec le mental de compétiteur qu’il avait, il n’allait pas lâcher. Jamais. Il a toujours voulu montrer que sa taille ne l’empêchait pas d’être bon."
"Je n’arrête pas de lui dire que c’est le gendre idéal"
On comprend bien volontiers les éloges de la "famille" Diambars, comme ils la nomment tous. Mais avec Gana, l'un de ses trois premiers fils à signer un contrat professionnel avec notamment Pape Souaré (lui aussi à Lille), l'éloge vire à la mention très bien. Les mêmes mots en boucle: humilité, travail, bien éduqué, généreux dans l'effort. "Je ne l’ai jamais vu tricher sur un terrain, pointe Makhtar Mbour, qui a partagé sa chambre pendant plusieurs années à Diambars et aujourd'hui directeur administratif de l'institut. C’est quelqu’un qui finit les matches lessivé." Sans jamais se plaindre ni jouer au provocateur auprès de la hiérarchie. "Dans son comportement de tous les jours, son respect envers les coachs et l'organisation, on n’avait aucun souci avec ce garçon, confirme Ababacar Tabane. On n’a jamais eu de retour négatif des professeurs pour dire que ça n’allait pas au niveau comportemental ou quoi que ce soit. Il était le premier à venir vers toi et à demander des conseils. Ça donne envie de l’accompagner." "Je n’arrête pas de lui dire que c’est le gendre idéal, s'en amuse Jimmy Adjovi-Boco. C’était un adolescent plutôt calme. Quelqu’un de réservé, posé, intelligent. Un sage avant tous les autres. (Sourire.)"
Mais Gana l'ambianceur, qu'on peut voir à l'oeuvre en sélection et sur les réseaux sociaux, était déjà là lui aussi. "C’était loin d’être un jeune renfermé sur lui-même, c'est aussi un chambreur, rappelle le cofondateur de l’institut Diambars. Rare sont ceux qui m’ont chambré mais lui l’a déjà fait publiquement! (Rires.)" "Il était perturbateur, agité, il bougeait beaucoup, avoue Makhtar Mbour. Il aimait animer le groupe et c’est ce qui se traduit en équipe nationale avec ses pas de danse. Il garde toujours cette joie de vivre." A l'époque, il évitait juste de se faire remarquer. "On savait qu’il le faisait de temps en temps mais enfermé dans sa chambre car il y avait des horaires à respecter, sourit Ababacar Tabane. Maintenant, il se lâche beaucoup plus." "C’est son vrai visage, conclut Ibrahima Sokho. Celui qu'on connaît, le Idrissa taquin. Il rigole tout le temps. Il aime bien mettre la musique, l’ambiance, sans pression."
Même les bancs de l'école, pas toujours la passion première d'un ado épris de ballon rond même si les dirigeants de Diambars insistent tout autant sur cette partie du cursus des apprentis, ne lui font pas peur. "Il était plus bon footballeur que bon élève mais il avait quand même de bonnes notes", se souvient son ex-coloc à l’institut. "Il était l’un des cinq meilleurs de sa classe chaque année, précise son ami d’enfance. Il captait vite les choses. Il a compris tôt qu’il fallait utiliser tout ce qu’on lui donnait de bien pour sa carrière, les études, l’entraînement, toutes les petites choses." La clé se trouve là. L'ambition. L'envie de tout croquer devant soi et de tout faire pour atteindre l'objectif. "Il se levait et il se couchait avec cette envie de réussir", témoigne Makhtar Mbour. "Il m’en parlait sérieusement, raconte Ibrahima Sokho. Il me disait tout le temps: 'Il faut qu’on réussisse, qu’on bosse bien pour atteindre ça'. Il avait tout le temps ça en tête. Il voulait jouer la Coupe du monde, la Ligue des champions, les gros matches. Être sous les projecteurs et flamber, comme tout joueur en fait. Il a toujours senti qu’il pouvait rivaliser avec les meilleurs avec le travail."
"Il essayait de tirer en mettant la main comme Beckham pour l’imiter au maximum"
"C'est un joueur qui a eu très vite des ambitions, appuie Jimmy Adjovi-Boco. Avant de partir de l’institut, en 2006, il avait dit dans une interview qu’il voulait jouer pour son pays et gagner une Coupe du monde." "Il a toujours cru qu’il serait professionnel et souhaité évoluer dans un grand club pour montrer à tout le monde qu’il était capable de réussir", complète Ababacar Tabane. Il ne rêve alors pas du PSG, pas encore qatari, mais du club qui a fait mal au Parc en mars dernier. D'un futur Parisien, aussi. "On parlait des équipes dans lesquelles on voulait jouer. Lui, c’était plus Manchester United car son idole était David Beckham", lance Makhtar Mbour. Précision signée Ibrahima Sokho: "Il essayait même de tirer en mettant la main comme lui pour l’imiter au maximum". La première étape européenne sera lilloise. Mais avant cela, il y aura quelques tournées, qui le verront déjà passer par le Nord. Pour Diambars, la scène sénégalaise se révèle vite "un peu trop facile" (Jimmy Adjovi-Boco). Se tester au haut niveau dans l'optique de faire carrière se fera donc en Europe. Douche froide pour commencer.
"On restait dans les chambres à pleurer et se poser des questions"
"Notre première tournée, on prenait des 5-0 ou 6-0 contre toutes les équipes, se rappelle le cofondateur de Diambars. Beaucoup se sont dit qu’ils étaient loin d’atteindre le professionnalisme." "On était découragés, confirme Makhtar Mbour. On restait dans les chambres à pleurer et se poser des questions: 'On a quinze ans, eux aussi, ils nous battent 5-0, on n’a aucune chance de réussir dans le foot'. On s'est rendu compte qu'il y avait du chemin à faire. Mais les gens nous ont encouragé. Et l’année suivante, il n’y avait plus un tel écart." Il ne fera que s'amenuiser. "Quand il revenait de ces tournées, ça motivait davantage Idrissa, explique l’ancien coach de l’institut. Il restait dans son coin et il travaillait." Capitaine de son équipe à Diambars, Gueye est repéré par Lille lors d'un tournoi amical au domaine de Luchin, siège et centre d'entraînement du LOSC, en septembre 2007. "Je ne suis pas venu en vacances mais pour trouver un club", lance-t-il alors au micro de LOSC TV. Il signe dans le club nordiste en juin 2008 après de nouveaux tests et sur les conseils insistants de Saer Seck auprès des dirigeants lillois alors que seul Pape Souaré avait d’abord été retenu. Nouveau défi à relever. Petit obstacle en plus: cette fois, il fait froid. "Mais quand on a envie de réussir quelque part, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, on réussit, lance son ancien coloc. Il s’est mis ça dans la tête et il a travaillé."
"Il a commencé avec la CFA, se souvient Ababacar Tabane. Il avait un an de plus que Pape Souaré mais ce dernier a commencé à s’entraîner avec les pros avant lui. Mais il n’a pas lâché. Il savait qu’il allait y arriver. Quand je venais le voir, il me disait: 'Je vais aller avec la première'." "Ça a été très compliqué car il passait dans un autre monde, rappelle Jimmy Adjovi-Boco. A l’institut, il faisait partie des meilleurs. Là, il était dans un monde où si vous n’êtes pas bon, on ne s’occupe pas de savoir qui vous êtes. Il a eu des moments difficiles car des gens se sont posés des questions sur lui. Mais il avait une telle force de caractère qu'il a surmonté ces phases et ça l’a forgé. A un moment, des problèmes de santé auraient pu l’empêcher d’aller plus loin. Mais ça n’a pas été long. Il a une faculté à se remobiliser et à croire en lui, cette force interne qu’on a senti dès le départ. Il sait ce qu’il veut faire et où il veut aller."
"Quand il est au Sénégal, il me demande qui on doit aider ou comment faire mieux"
Rudi Garcia le lance en Ligue 1 et en Ligue Europa en 2010, quelques mois après l'avoir essayé en Coupe de France. La sélection sénégalaise arrive en 2011, année du doublé Coupe-championnat avec Lille. Il y aura la Premier League, Aston Villa en 2015, Everton en 2016, puis Paris et ses rêves de grandeur européenne l'été dernier après une finale (perdue de CAN). Il a disputé la Coupe du monde, les JO, et maintenant cette Ligue des champions où il a martyrisé le prestigieux Real Madrid. Mais le gamin de Saly est resté le même. Il n'a rien oublié, surtout, et reste disponible "n'importe quand" (Ababacar Tabane) pour les siens, sa famille comme ses anciens compagnons de l'aventure Diambars. Gana aime ça. Il en a besoin, même. "Il passe dès qu’il peut, explique Ibrahima Sokho. Même s’il a une heure de temps avant d’aller en sélection ou de rentrer en club, il vient voir ses proches. Sa famille d'accueil lilloise, par exemple, il les invite tout le temps. Récemment, ils étaient au stade pour le suivre. Il les considère comme des parents car c’est un peu le rôle qu’ils avaient à l’époque. Tu vois la personne qu'il est: il garde ces valeurs-là. Quand il est au Sénégal, il me demande qui on doit aider ou comment faire mieux. C’est tout le temps le partage, le partage, le partage... C’est une bonne personne, un gars sympa, calme, gentil, humble, respectueux, mais qui peut être taquin avec ses camarades. On passe de très bons moments quand il vient en vacances."
Des périodes où il n'hésite pas à prendre son temps pour répondre aux questions des enfants élèves de l'institut Diambars et leur prodiguer ses précieux conseils. "Ce n’est pas un modèle mais LE modèle pour les jeunes, que ce soit côté trajectoire sportive, discipline ou comportement, affirme Makhtar Mbour. Et son désir est de transmettre à la jeune génération cette envie de réussir et d’aller plus loin." "Pour moi aussi, c’est LE modèle, insiste Jimmy Adjovi-Boco. Il a dans son comportement tout ce que l’on veut mettre en avant à l’institut. C’est un joueur intelligent, respectueux, qui a des valeurs, qui aide son prochain, qui met toujours l’intérêt de l’équipe en avant. Toutes ces valeurs de solidarité, d’abnégation, de travail qu’on met en avant à Diambars, il les incarne à la perfection." En wolof, diambars signifie "guerriers". "Au sens noble du terme, comme le samouraï, avec toutes ses valeurs d’honneur, de combativité, de loyauté", précise le cofondateur de l'institut. "Ça lui correspond bien", sourit Makhtar Mbour.
Face au Real, les sabres étaient ses jambes. Tout sauf un feu de paille à écouter ceux qui l'ont vu éclore. A 30 ans, le milieu est arrivé à maturité. "Il défend toujours en avançant, analyse Jimmy Adjovi-Boco. C’est un joueur qui lit les trajectoires, qui anticipe, un joueur moderne qui en plus de ses qualités défensives a des qualités techniques et de vision de jeu. Il aime casser les lignes, donner et redemander dans l’espace. En plus, aujourd’hui, il frappe au but, ce qu’il faisait beaucoup moins à Diambars ou à Lille. C’est vraiment un joueur complet. Il a fait tout ce qu’il fallait pour avoir le droit et le bonheur de jouer dans un grand club. Il a atteint un niveau assez incroyable dans tous les comportements du jeu mais il y a longtemps que je disais à des entraîneurs comme Arsène Wenger ou autres que c’était un joueur qu’il fallait regarder. Il avait des stats qui prouvaient ce que je disais, qui ressemblaient à celles de N’Golo Kanté. Pour moi, il est à son niveau."
"La tête sur les épaules, d'une simplicité exceptionnelle"
Makhtar Mbour explique qu'il a "fait les bons choix aux bon moments" et pense qu'il serait "encore meilleur" si Diambars avait déjà disposé de synthétiques à l'époque. Ababacar Tabane affirme que ce "vrai guerrier" sait "encaisser" les critiques, garde "la tête sur les épaules, d'une simplicité exceptionnelle" et qu'il "ne va pas se plaindre s'il n'a pas de temps de jeu" car "si ça ne marche pas, ce n'est pas pour autant qu'il va bouder" mais plutôt "continuer à bosser car il croit en lui", comme en fin de saison dernière avec Everton malgré son transfert avorté au PSG. Et pour Ibrahima Sokho, ce "bosseur", qu'il n'a "jamais vu douter", "peut encore progresser". Sur un mur devant la maison de la famille, à Ouakam, où les amis et les voisins viennent voir ses matches, les inscriptions à la gloire de Gana ont fleuri. Elles sont loin, les photos d'enfance. Et si proches.
LA FIFA A-T-ELLE VRAIMENT TRUQUÉ LE PRIX THE BEST ?
L'élection pour le meilleur joueur FIFA de l'année 2019 a eu son lot de polémiques. Et les zones d'ombre subsistent. On a mené l'enquête
So Foot |
ROBIN RICHARDOT |
Publication 01/10/2019
Un capitaine nicaraguayen qui assure ne pas avoir voté, un sélectionneur soudanais qui accuse la FIFA d'avoir changé son trio de tête, une Fédération égyptienne en colère de voir deux de ses votants rayés de la liste des participants. L'élection pour le meilleur joueur FIFA de l'année 2019 a eu son lot de polémiques. Et les zones d'ombre subsistent. On a mené l'enquête.
Voilà de quoi réveiller les conspirationnistes du football. Mardi soir, au lendemain de la cérémonie The Best, qui a vu Lionel Messi couronné meilleur joueur de 2019, Juan Barrera balance une bombe sur Twitter. « Je n’ai jamais voté pour les prix The Best 2019. Toute information sur mon vote est fausse. Merci » , écrit le capitaine du Nicaragua.
Pourtant, son nom apparaît bien sur la liste récapitulative officielle des votants, rendue publique par la FIFA. Le premier joueur sur « sa » liste : Lionel Messi. L’Argentin récupère ainsi cinq points précieux pour décrocher en fin de compte le trophée. Des zones d’ombre qui rappellent certaines étrangetés relevées lors du Ballon d’or 2018. Il n’en fallait pas plus aux réseaux sociaux pour s’exciter : et si le vote avait été truqué par la FIFA elle-même ?
Des votes nicaraguayens bien coordonnés
C’est ce qu’on pourrait croire en écoutant Juan Barrera donner sa version des faits sur ABC. « Je suis surpris de voir mon nom dans la liste des capitaines qui ont voté pour Messi alors que cette année, je n’ai même pas voté, soutient le Nicaraguayen. La FIFA affirme qu’elle m’a envoyé un lien pour voter à mon adresse mail, mais je n’ai jamais rien reçu, et c’est pour cela que je n’ai pas pu voter. » Pour appuyer les propos de son attaquant, le club du Real Esteli FC a publié un communiqué officiel peu de temps après. « Notre joueur est préoccupé face à cette situation parce que l’on a utilisé son nom pour un vote auquel il n’a aucunement participé » , peut-on lire. Pourtant, la FIFA dispose d'un document prouvant le vote du capitaine, avec sa signature.
Autre étrangeté : selon les documents officiels, les Nicaraguayens (qui n’avaient pas voté pour The Best 2018) étaient étrangement sur la même longueur d’ondes pour cette édition 2019. Juan Barrera a désigné Lionel Messi, Sadio Mané et Cristiano Ronaldo (dans l’ordre) comme meilleurs joueurs. Une sélection identique et dans le même ordre que celle de son sélectionneur, Henry Duarte. Mais ça ne s’arrête pas là. Chez les entraîneurs, Juan Barrera a misé sur Jürgen Klopp, Marcelo Gallardo et Pep Guardiola. Bis repetita pour Henry Duarte... Et idem chez les Nicaraguayennes. La capitaine Karerine Pereira et la sélectionneuse Elna Dixon ont fait les mêmes choix dans les deux catégories équivalentes chez les femmes. Une simple coïncidence ? Mouais... De quoi, surtout, accentuer les soupçons après les déclarations de Juan Barrera.
Un vote soudanais dupliqué
Le Nicaraguayen n’est pas le seul à contester son vote. Le sélectionneur du Soudan, Zdravko Logarusic, aurait lui aussi eu le malheur de voir ses votes changés dans la liste officielle partagée par la FIFA. Son trio Salah-Mané-Mbappé se serait transformé en Messi-Van Dijk-Mané. Une photo de son vote initial a été partagé sur les réseaux sociaux par un compte au nom de l’entraîneur. Il faut cependant se montrer prudent : le profil vient tout juste d’être créé en septembre 2019, n’a tweeté qu’une seule fois et ne compte que deux abonnements pour neuf abonnés. Contacté à plusieurs reprises, le sélectionneur ne nous a jamais répondu pour confirmer qu'il était bien l'auteur de la photo. Il n’empêche que tous les éléments sur la feuille (signature et écriture) concordent avec le scan officiel transmis par la FIFA. Tous sauf les croix pour le choix des joueurs, donc.
Quelle image est la bonne ? Laquelle a été trafiquée ? Difficile à dire. Sur la photo transmise par la FIFA, les croix numériques étrangement mal centrées dans les cases interpellent, ainsi que les blancs à la place de « Mané deuxième » et « Mbappé troisième » (soit les choix du vote défendu par Zdravko Logarusic). Contactée par téléphone, la FIFA n'a pas souhaité commenter. Mais l’image relayée par les réseaux sociaux ne semble pas moins trompeuse. On croit distinguer les traces d’un vote Messi-Van Dijk-Mané mal effacées.
Des votes égyptiens refusés
Un dernier cas reste à éclaircir : les votes égyptiens. Alors que la plupart des pays ont le droit à trois représentants pour participer aux élections (le capitaine de la sélection, le sélectionneur et un journaliste), un seul vote égyptien apparaît sur la liste officielle de la FIFA, celui du journaliste Hany Danial. Pourtant l’année dernière, l’Égypte avait bien eu trois votants différents. La Fédération des Pharaons demande donc des comptes à la FIFA, car elle assure que les votes du sélectionneur, Shawki Ghareeb, et du capitaine, Ahmed Elmohammady, plaçaient Mohammed Salah (quatrième au classement final) en tête. Et la Fédération égyptienne maintient avoir envoyé le vote de l’Égypte à la FIFA le 15 août, soit quatre jours avant l’expiration du délai.
Pour sa défense, la FIFA rappelle que la procédure des votes pour chaque prix a été gérée et surveillée par PricewatherhouseCoopers (entreprise spécialisée dans les missions d’audit et d’expertise comptable), en Suisse. « Lors de la vérification des votes de l’Égypte le 15 août, il a été noté que les signatures étaient simplement les noms des votants en lettres majuscules et ne semblaient donc pas valides (pas authentiques) ; que les formulaires n’avaient pas été signés par le Secrétaire général ce qui est obligatoire » , précise l’instance de football par mail. La FIFA déroule ensuite sa version des faits. Le bureau du président de la Fédération égyptienne a été contacté pour reconfirmer les votes du capitaine et du sélectionneur. « Selon le bureau de vote de la FIFA, surveillé par PwC, la Fédération égyptienne a reçu deux rappels pour transmettre des formulaires correctement remplis le 19 août. Elle n’a renvoyé une réponse que le 21 août. » Un retard qui s’explique notamment par les bouleversements de l’été au sein de la Fédé des Pharaons, leur président Hani Abou Rida ayant présenté sa démission après la débâcle de la CAN (élimination en 8esde finale). Le nouveau comité de la Fédération égyptienne n’a pris ses fonctions que le 20 août. Un jour de délai qui a donc coûté 10 points à Mohammed Salah.
TIGO SÉNÉGAL DEVIENT FREE SÉNÉGAL
L'opérateur téléphonique français donne son nom au deuxième opérateur de téléphonie mobile du pays, racheté en avril 2018 par le consortium Saga Africa Holdings Limited
Jeune Afrique |
Théau Monnet |
Publication 01/10/2019
Tigo, le deuxième opérateur mobile du Sénégal avec 25 % de parts de marché, change de nom pour devenir Free Sénégal. Cette évolution évoquée en juin dernier par Jeune Afrique Business +, a été confirmée ce mardi par Mamadou Mbengue, le directeur général de Tigo/Free Sénégal, lors de la célébration des 20 ans de la marque.
L’opérateur porte désormais le même nom que son « grand frère » français Free, fondé et dirigé par le milliardaire français Xavier Niel, dont l’introduction sur le marché de la téléphonie mobile en France, en 2012, avait bousculé le marché en tirant les prix vers le bas.
Avec ce changement de nom, Free Sénégal annonce que son réseau 4g+ est opérationnel à Dakar et dans les grandes villes du pays, rejoignant ainsi le leader Orange Sénégal, qui détient, selon l’Autorité de régulation, environ 53% des parts du marché. En troisième position, Expresso détient 21 % des parts de marché.
Cette évolution avait été amorcée en avril 2018, lorsque l’opérateur luxembourgeois Millicom a cédé Tigo Sénégal à Saga Africa Holdings Limited, un consortium formé par Yerim Sow, Xavier Niel et Hassanein Hiridjee. Cela après l’épisode d’une vente de l’opérateur à la plateforme de transfert d’argent Wari, qui avait finalement été annulée par Millicom au profit de Saga Africa Holdings.
Il s’agira par ailleurs d’une première sur le continent, où Free n’était pas représenté jusqu’à présent. Dans l’océan Indien toutefois, Xavier Niel s’est associé au rachat des opérations mobiles d’Outremer Telecom à Mayotte, et à la Réunion aux côtés d’Hassanein Hiridjee, où la marque Free est utilisée.
Aux Comores enfin, Niel opère aussi en tandem avec Hassanein Hiridjee, sous l’enseigne Telma Comores.
"C'ÉTAIT ELLE. JE LE SAVAIS SANS PARVENIR À L'EXPLIQUER"
Pour interpréter les personnages d’« Atlantique », son nouveau film, en salle le 2 octobre, la réalisatrice franco-sénégalaise a recruté des acteurs novices, qu’elle a trouvés au hasard dans les rues de Dakar et de sa banlieue
Le Monde Afrique |
Valentin Pérez |
Publication 01/10/2019
Fin 2017, avec l’aide de sa directrice de casting, Bahijja El Amrani, la réalisatrice Mati Diop se met à la recherche de jeunes figures qui pourront donner corps aux personnages qu’elle a imaginés dans le scénario de son film Atlantique. Ada, une adolescente amoureuse mariée de force à un homme qu’elle n’aime pas ; Souleiman, le garçon qu’elle désire et qui, un beau jour, disparaît ; Mariama, Dior et Fanta, les amies qui l’épaulent ; ou encore Issa, un jeune policier auquel elle sera confrontée…
« J’ai voulu que les comédiens soient en phase avec le contexte social de leurs personnages, explique Mati Diop. Pour moi, c’est une exigence morale : je me sens responsable vis-à-vis des personnes dont je prétends représenter les réalités. Je ne veux pas les trahir. »Ainsi, c’est sur un chantier qu’elle a rencontré Ibrahima Traoré et qu’elle l’a convaincu d’incarner Souleiman, un travailleur précaire et un amour fantôme qui hante le film.
Exercices de mise en confiance
« De la même façon, j’ai rencontré Nicole Sougou dans un bar où elle est serveuse et Aminata Kane dans une boîte de nuit », un univers nocturne familier à leurs personnages (respectivement Dior et Fanta). « Mais, à deux mois du début du tournage, manquait encore la perle qui pourrait interpréter Ada, l’héroïne. » Un jour, en repérage à Thiaroye, en banlieue dakaroise, Diop remarque dans la rue une jeune femme, Mama Sané, et l’aborde. Puis la revoit à plusieurs reprises. « C’était elle. Je le savais sans parvenir à l’expliquer, comme s’il y avait quelque chose de l’ordre du destin. »Pour convaincre les parents de la débutante, d’abord sceptiques, de laisser leur fille se prêter au tournage, un ami de son frère, sensible au cinéma, a joué les intermédiaires.
Toute cette troupe de novices de 18 à 25 ans s’est rassemblée dans un théâtre quelques jours avant le premier clap : exercices de mise en confiance, initiations pour vaincre sa timidité face caméra, jeux de mise en espace… Puis il a fallu passer à l’action. « Le plus difficile a été de faire comprendre à des acteurs aussi jeunes que des dialogues recèlent parfois un sous-texte, des doubles sens. D’autant que, s’ils comprennent le français, je ne parle pas le wolof dans lequel ils jouaient », confie Mati Diop.
C’est au Festival de Cannes, où le film a été présenté en Sélection officielle avant de repartir auréolé du Grand Prix, que toute la bande s’est recomposée après sept mois de montage. « C’était un moment magnifique. Nous étions dans la chambre de l’hôtel avec les filles. Une montagne de vêtements sur le lit. Mama s’endormait à côté des fringues et les autres revêtaient en s’extasiant tout ce qu’elles pouvaient essayer. Je tenais à ce que ces jeunes acteurs soient mis en valeur au maximum. » Au point que la réalisatrice, totalement dévouée à son équipe, a monté les marches à l’improviste, sans avoir pris le temps pour sa part de passer par la case coiffure et maquillage.