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25 juillet 2025
par Sokhna Fatou Sy Mansour Sarr
L’HÉRITAGE DE MANDELA FACE À LA XÉNOPHOBIE SUD-AFRICAINE
Il ne suffit pas de raconter l'héritage de Mandela à la jeunesse sud-africaine, il faut le lui enseigner afin qu’il traverse les âges - Le pays a, au-delà du devoir de mémoire, un devoir d’éterniser cet héritage sans la moindre tâche !
Sokhna Fatou Sy Mansour Sarr |
Publication 25/09/2019
La xénophobie en Afrique du Sud, serait-elle devenue cyclique ou pire, une ritournelle dont usent certains sud-africains pour exprimer leur désespoir face au chômage, au bas niveau de vie ou même simplement à la pauvreté endémique dans les « townships » ? Depuis 2008, de pareilles tensions se répètent de manière pernicieuse dans cette société arc-en-ciel. Quand le ministre sud-africain de la Police Bheki Cele, croit que les actes posés par ses concitoyens sont plus criminels que xénophobes, le Nigéria lui, pose un acte à enjeu diplomatique en faisant rapatrier des centaines de ses ressortissants dont les commerces et autres activités ont été vandalisés par les émeutiers. En réalité, quelle que soit la nature des actes, les immigrés noirs ne se sentent plus en sécurité en Afrique du Sud.
Partout, on a tendance à rappeler à l’Afrique du Sud qu’il y a à peine 25 ans tout le continent la soutenait pour qu’elle sorte de l’Apartheid. Il y a à peine 25 ans, beaucoup d’artistes musiciens chantaient pour la libération de Mandela et de son peuple opprimé. Aujourd’hui, à peine 25 ans après la fin de l’Apartheid, on boycotte des rencontres inscrites dans l’agenda continental parce qu’elles se tiennent en Afrique du Sud «devenue » xénophobe. L’on pose la question en écarquillant les yeux : est-ce bien le pays de Nelson Mandela ? Pour des raisons économiques, dit-on, les sud-africains ne supportent plus la présence des immigrés qui, pourtant hier seulement se sont battus à leur côté pour le respect de leurs droits fondamentaux et de leur dignité humaine.
En 25 ans, seraient-ils devenus amnésiques, ou sont-ils simplement ingrats au point de ne vouloir partager leur émergence économique, qui attire leurs voisins ? Qu’ont-ils vraiment fait de l’héritage de Nelson Mandela qui, pour permettre cette émergence économique a pardonné et commencé à travailler dès la fin de l’Apartheid, évitant ainsi des représailles sur le « blanc » oppresseur.
N’était-il pas suffisamment panafricain, Nelson Mandela, pour que son héritage si humain prenne le dessus sur le mal être de la jeunesse ? Ou bien les sud-africains d’aujourd’hui pensent que le panafricanisme est plus une idéologie politico-culturelle et moins une intégration socio-économique?
Liberté, démocratie, pauvreté !
Essayant de trouver des réponses à toutes ces interrogations, je me suis rappelée l’Afrique du Sud, la terre de Mandela, pays arc-en-ciel, a aussi et surtout la particularité d’être une société post-conflit dans laquelle, 25 ans après tout est en pleine reconstitution. Ce conflit a laissé des traces, que dis-je ? Plutôt des stigmates à impact considérable dans les lendemains de ce pays. Rappelons juste une chose, la guerre et les conflits armés en général causent des pertes physiques, économiques, culturelles et cultuelles mais aussi et surtout des dégâts sur le plan mental des principales composantes de la société. Gustave Le Bon disait à propos des premières conséquences de la guerre mondiale « La sombre catastrophe dont l'Europe est le théâtre n'atteint pas seulement l'existence matérielle des peuples, mais encore leurs pensées. Beaucoup d'illusions tenues pour des certitudes s'évanouissent. Des théories, jadis sans prestige, deviennent des vérités éclatantes. Le bloc des traditions se désagrège. D'antiques assises de la vie sociale s'effondrent. Tout a changé ou va changer… *
Ce dérèglement de la société qu’a décrit Gustave Le Bon, entraîne plusieurs conséquences que l'on peut mesurer sur l'organisation familiale, économique, politique et, qui nécessitent des stratégies efficaces de consolidation de la paix acquise. En Afrique du Sud, le « Pardon » développé comme nouveau véhicule du vivre ensemble par Nelson Mandela et Desmond Tutu à travers les CVR*, est l’une des stratégies de consolidation de la paix qui y a facilité une transition sociétale. D’une oppression des noirs on est arrivé à leur liberté suivie d’une égalité de toutes les (races/ethnies) composantes de cette société. Cette nouvelle conception d’une Afrique-du-Sud multi-race dans le respect des droits de tous, a évité un cycle de conflits armés à tour de force dirigeante. Ce qui pourtant, était craint ou attendu par les blancs si on s’en réfère aux chiffres. En effet, après l'élection du président Mandela en 1994, «entre 100.000 et 300.000 sud-africains blancs auraient quitté leur pays»*. Selon l'Institut Sud-africain de Relations Raciales, entre 1995 et 2005 environ 841.000 sud-africains blancs ont aussi quitté le pays*, même si ces derniers départs sont considérés comme du «brain-drain», il n'est pas injuste de penser que la peur de représailles a poussé les blancs à l'exile.
Malgré ces départs, conséquences de la réorganisation d’une société post-conflit, l’Afrique du Sud a réussi sa transition politique. Du moins, jusqu’à l’ère Zuma (déboires : mœurs et corruption). C’est un pays libre et démocratique malgré certaines crises internes à l’ANC parti au pouvoir. L’ANC est arrivé au pouvoir à la suite d’élections libres qui ont enregistré la participation des noirs qui faisaient ainsi valoir leurs droits civils et politiques pour la première fois. L’ère de la liberté venait ainsi de souffler. La démocratie aussi s’est installée dans ce pays où désormais on respecte le Pacte International sur les droits Civils et Politiques des Nations-Unies (PIDCP). Mais, cette transition politique et sociétale n’est pas suivie par un équilibre économique.
La force économique aurait transitée des mains blanches vers l’élite politique noire serait-on tenté de dire. En effet, en accédant au pouvoir, l’ANC avait bien planifié des stratégies de redistribution économique qui n’ont pas été mises en œuvres en même temps que celles politiques. Le pays, avec ses ressources minières (or, diamant, etc.) a rapidement ouvert son économie à une industrialisation massive et étrangère. Ne laissant pas le temps de redistribuer les richesses longtemps inégalitaires. Et la croissance économique s’y aussi installée dans le même temps. En témoigne sa présence dans les BRICS ainsi que son entrée dans le G20. Paradoxalement, au lieu de relever le niveau de vie des peuples noirs des « township », cet envol économique les a maintenus dans une pauvreté qui n’a cessé de se creuser. La nouvelle liberté politique a entrainé une libéralisation économique dont ne profitent pas les nouveaux hommes libres. Car, sur le plan économique, les opprimés d’hier restent toujours pauvres n’arrivant pas à relever leur niveau de vie, chose qu’ils croyaient automatique avec l’acquisition de leur liberté humaine et dignité fondamentale. Ce que nous nommons déception économique des sud-africains noirs des townships ne serait pas la seule désillusion postapartheid. Il y a aussi la présence des immigrés venant d’autres pays africains qui, à la recherche d’emploi sont allés là où ils en ont trouvé. Ces immigrés, attirés par la nouvelle industrialisation et la liberté du pays arc-en-ciel, s’y sont installés, occupant les emplois dans les usines, carrières, transports, commerce, etc. Pendant ce temps, les nouveaux hommes libres tendant vers une évolution sociétale, poursuivent des études auxquelles ils ont désormais accès à tous les niveaux (l’éducation étant obligatoire jusqu’à 16ans). N’est-ce-pas Mandela disait : « l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde » !
Mais, la relation étude-emploi n’étant pas toujours linéaire en Afrique, au bout de leurs études, les postes qui correspondent à leurs profils sont occupés par la nouvelle élite politique noire ou par les « expatriés » des multinationales qui ont pris en « otage » l’économie sud-africaine. Ce manque d’emploi est une frustration/déception supplémentaire postapartheid. Ceux de ces nouveaux hommes libres qui n’ont ni les moyens ni la chance de faire des études, n’ont moins encore accès aux terres cultivables. Ces dernières étant toujours exploitées par des blancs (projet d’expropriation des blancs constituant moins de 10% de la population détenant les ¾ de terres exploitables, par le nouveau président Cyril Ramaphosa*) qui emploient la main-d’œuvre la moins couteuse : les immigrés. Ce qui enferme les jeunes sud-africains dans une tour d’insécurité économique dans leur propre pays. C’est à leurs yeux un Apartheid économique dont les oppresseurs les plus probables sont les immigrés qu’ils voient développer et réussir des activités qui leur sont inaccessibles chez eux.
Les réorganisations politico-économiques postapartheid impactent directement la société qui malgré l’émergence, traverse beaucoup de difficultés dont les plus notoires sont :
le taux de chômage qui aurait atteint les 29% au deuxième semestre de 2019*,
le taux de prévalence du VIH Sida qui était à 12,6% en 2017*,
l’éduction : dans le classement OCDE 2015 des systèmes éducatifs l’Afrique du Sud est à la 75ème place sur 76* etc.
C’est cet ensemble non exhaustif de facteurs post-conflit qui affectent directement la jeunesse sud-africaine.
La liberté, la démocratie seraient une nouvelle réalité sud-africaine au même titre que l’industrialisation, l’investissement étranger et l’immigration. En parallèle, la pauvreté y est notoire voire endémique et vécue par les jeunes noirs des zones défavorisées qui font en sus face, à la maladie et au chômage. Toutes ces difficultés qui résument le triptyque liberté, démocratie, pauvreté seraient à l’évidence la source des vagues de soulèvement à caractère xénophobe des jeunes qui exigent un changement immédiat de leur situation. La question que l’on se pose maintenant est : est-ce que la jeunesse sud-africaine qui croit que toute son opportunité et sa sécurité économique lui sont usurpées, est consciente de l’héritage de Mandela ?
Un héritage humanitaire à rudes épreuves socio-économiques !
Dans presque tous les pays africains on rencontre les difficultés existentielles auxquelles fait face la jeunesse sud-africaine. Loin de la défendre, j’essaie de la comprendre. Ces jeunes dont certains seraient nés après l’Apartheid. L’héritage de Nelson Mandela, aussi beau et humanitaire soit-il, leur a été raconté même s’ils ont le devoir de le conserver. Autant ils se sentent envahis, autant d’autres peuples se sentent envahis par leurs voisins qu’ils accusent de les dépouiller en amassant de l’argent qu’ils réinvestissent dans leurs pays d’origines. Et à y regarder de très près, ces immigrés font le travail que les nationaux se refusent de faire ou ne peuvent faire en raison d’études au-dessus de ces emplois (même s’il n y a pas de sot métier) ou d’inaccessibilité aux terres exploitables. A Dakar, certaines communautés de pays voisins qui y vivent, sont indexées comme ayant la mainmise sur le commerce de quartier « boutigou- cafék meew yi » et sur celui des fruits ainsi que d’autres types d’activités que les sénégalais ne font pas toujours. Et pour ces mêmes raisons nos frères émigrés en hexagone souffrent du racisme.
Le mal de la jeunesse sud-africaine est bien partagé par d’autres peuples. Mais la société sud-africaine garde les traces de violences inhumaines qui sont facilement ravivées par l’étincelle du désarroi économique. C’est presque à l’image du conflit opposant agriculteur et éleveur dans toutes les sociétés mais qui est exacerbé depuis le début de l’année au Burkina-Faso et au Mali, comme si d’autres raisons en seraient la cause dans ces pays. Les problèmes des jeunes en Afrique du Sud, on les retrouve dans tous les pays africains, mais il y a d’autres facteurs qui les enflamment dans ce pays post-conflit. Et le Rwanda alors, ne sort- il pas de conflit, s’interroge-ton. A la différence que le Rwanda semble avoir réussi la transition économique pendant que la démocratie resterait à la traîne ! Ce qui confirme la difficulté à reconstruire une société post-conflit.
Toutefois, aucune difficulté ne justifie encore moins n’excuse ce qui s’est passé en Afrique du Sud. Les images insoutenables de massacres, rappellent un passé douloureux que nous croyions avoir enterré avec le pardon national après Apartheid. Ces actes, qu’ils soient criminels ou xénophobes convoquent directement l’héritage de Nelson Mandela qui a largement dépassé les frontières. Et c’est peut-être là où se trouve le nœud du problème. L’acte posé par Nelson Mandela, a toujours été magnifié comme un acte noble et humainement grand. Ce qui n’est pas faux. Mais n’est-il-pas temps de d’apprécier cet acte non pas seulement sur le plan humanitaire, mais le plan scientifique. Ne faudrait-il pas étudier la scientificité du pardon dans l’acquisition d’une paix définitive. Si 25 ans après apartheid, des images inhumaines refont surface en Afrique du Sud malgré un héritage aussi important, il faut peut-être prendre le pardon dans sa valeur la plus scientifique et l’enseigner aux générations postapartheid comme une donne sociologique qui permet de ne point dépasser la limite face à son prochain quel que soit le différend qui vous oppose. Si Mandela a pardonné et fait pardonner, c’est qu’il avait compris que, sans cet acte les opprimés pourraient se venger des oppresseurs. Si ce scénario s’était présenté, non seulement il n’aurait pas gouverné, mais le pays ne sortirait jamais d’un cycle de conflit. Et l’émergence économique qui a attiré les immigrés ne pourrait pas être atteinte en raison de conflits cycliques. Alors, avec le Mgr Desmond Tutu, ils ont permis, par le biais des commissions vérité et réconciliation, d’accepter la réalité des faits et de les pardonner pour avancer ensemble. Ce pardon, même s’il est un acte humain, humanitaire, il est devenu stratégique et scientifique. D’ailleurs, beaucoup de société-post conflit reprennent l’initiative pour consolider la paix acquise. C’est une méthodologie de consolidation de la paix que l’on retrouve partout. Ce qui pourrait asseoir une hypothèse de sa scientificité quand on sait que la naissance d’une théorie scientifique peut commencer avec l’observation d’un fait réel suivie du cercle d’analyse, d’expérimentation, de développement d’hypothèses, de prédictions jusqu’à la naissance d’une science qui est toujours une nouvelle source de recherche. L’héritage de Nelson Mandela ne nourrit pas la jeunesse sud-africaine mais il pourrait développer des valeurs humainement au-dessus des armes qui ôtent des vies. Il ne suffit pas de la lui raconter il faut le lui enseigner afin qu’il traverse les âges quelles que soit les difficultés.
Il y a un fascinant parallélisme entre Mandela (18 juillet 1918-05 décembre 2013) et Kalachnikov (10 novembre 1919-23 décembre 2013). Mikhaïl Kalachnikov a inventé l'arme éponyme plus connue sous l’appellation AK 47, le fusil d'assaut préféré dans les rebellions et autres guérillas, qui a facilité tant de violence et souffrance humaine. Quant à Mandela, il est le héraut du pardon, il ne l'a pas inventé mais il a promu la magnificence du mot dans un domaine jusqu'alors inexploité comme tel, la gestion du post-conflit. Ces deux hommes ont partagé le même siècle, ont presque eu la même longévité et ont laissé des héritages aux générations futures. Il appartient à ces générations de choisir lequel des legs perpétrer.
Il faut juste rappeler que l'invention de Kalachnikov tend à éliminer des êtres humains et facilite le développement de la guerre là où la trouvaille de Mandela tend à rapprocher les êtres humains par ceux qu'ils ont le plus en commun, l'humanité ! Les Sud-africains ont, au-delà du devoir de mémoire un devoir d’éterniser l’héritage de Mandela sans la moindre tâche !
Sokhna Fatou Sy Mansour Sarr est Ingénieure Documentaliste en droits de l’homme, CEO SAPED SARL, Membre du Mouvement des Jeunes Madibaristes
Twitter @SokhnaMansour
* G. LE BON, Premières Conséquences de la guerre 1916: transformation mentale des peuples, Québec, 2006, p.8
*CVR : Commission de la Vérité et de la Réconciliation
* SAIRR (South African Institute of races relations), rapport 2008, In P. MALET, « En Afrique du Sud, les blancs n'ont plus d'avenir », Slate.FR, Monde, 2009 p. 3
* F. X. FAUVELLE-AYMAR, Histoire de l'Afrique du Sud, Paris, Le Seuil 2006, in L. BUCAILLE, Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud: Une mutation politique et sociale, coll. Politique Etrangère, février 2007, p.323
QUAND MASSALIKUL JINAAN VIENT NOUS RAPPELER L’ÉVIDENCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Peut-on trouver meilleure âme unificatrice que Cheikh Ahmadou Bamba qui a montré de la dignité, du courage, du mépris vis-à-vis de l’administration coloniale quand le commun des nègres pensait que ceux-ci étaient des êtres supérieurs ?
Les images ridicules des chefs d’Etat africains défilant à l’Assemblée générale des Nations Unies, après avoir gaspillé l’argent du contribuable pour s’y rendre et prononcer des discours que personne n’écoute ou ne prête attention, remettent chaque année au goût du jour la lancinante question de l’unité africaine.
Les plus actifs sur cette problématique de l’unité sont ceux qu’on appelle les Kémites afrocentristes, en général des disciples extrémistes de Cheikh Anta Diop, dont les principaux chefs de file en Afrique sont Coovi Rekhmiré Gomez, Doumbi Fakoli, Mbog Bassong et dans une moindre mesure Niousséré Kalala Omotunde.
Etant les plus actifs sur la problématique de l’unité africaine, ils sont ceux qui ont le plus réfléchis sur la question et le principal obstacle qu’ils voient à la matérialisation de celle-ci est la religion. Les autres ne voient surtout que les avantages d’un marché unique africain, une monnaie unique africaine, dans un espace sécurisé par une armée africaine, sans se poser trop de questions.
L’intervention du Vatican pour dénouer une petite affaire dans une école privée sénégalaise devrait alerter plus d’un. Auparavant, des colonnes de jihadistes mus par une idéologie moyenâgeuse venue d’Orient ensanglantent le continent d’Est en Ouest et l’étau se resserre d’année en année.
En d’autres termes, une Afrique unie peut être déstabilisée à tout moment par les gardiens autoproclamés des temples religieux qui y font florès.
Aussi, les Kémites, forts de l’étude des textes égyptiens qui démontrent sans conteste que toutes les religions monothéistes tirent leur source en Afrique, en étant dérivés des religions, osirienne, akhenatonienne et sabéenne, ont décidé non pas de se les réapproprier, mais de les rejeter purement et simplement. Ils ont décidé de retourner à la religion originelle assise sur le culte des anciens et un code de vertu dénommé la Maat, qui comprend 42 principes desquels l’Ancien Testament en a retenu 10. Le Bénin leur a octroyé un espace où ils ont construit le temple de base de ce qui serait pour eux la future religion africaine.
Toutefois, en procédant ainsi, on pourrait dire qu’ils foulent aux pieds un enseignement capital de Cheikh Anta Diop qui veut que la nature ne revienne jamais au même point dans son processus d’évolution. Comme il dit, elle crée le chat et avance, mais elle ne revient jamais pour recréer le chat, parce que les conditions exceptionnelles qui ont présidé à la création de cette espèce ont une probabilité quasi nulle de se reproduire.
Au fond, les Kémites cherchaient pour le continent une âme unificatrice qui transcende les religions importées comme ils disent, mais on peut dire en se référant à leur maître, qu’ils proposent des solutions inopérantes pour un bon diagnostic.
L’âme unificatrice d’un peuple, c’est ce qui est niché au plus profond de notre être, de notre inconscient collectif et qui nous unit. C’est le ressort qui nous évite la désintégration et qui nous donne l’énergie de rebondir lorsque nous sommes au fond des abîmes.
Il en est du peuple comme il en est de la matière. Ils ont tous les deux besoin d’une force suffisamment puissante qui réunit et maintient soudés tous les composants en perpétuel mouvement d’interactions. Au niveau de la matière, c’est la force dite forte qui joue ce rôle pour les particules subatomiques et son pendant au niveau des peuples est ce qu’on pourrait appeler l’âme unificatrice.
Cette âme unificatrice est consubstantielle de la spiritualité qui unifie notre vie harmonieuse et équilibrée, et notre raison d’espérer en une vie meilleure dans ce monde et dans l’autre. Et de ce point de vue, l’Afrique est le seul continent où on ne vogue pas en général sur des spiritualités d’essence interne ou adaptées au plan interne. L’Afrique a transmis au reste du monde les bases du monothéisme, mais celles-ci apparaissent aujourd’hui pour bon nombre d’africains comme l’Obélisque de Louxor soustraite du patrimoine Egyptien par Napoléon, pour être fixée à la place de la Concorde à Paris.
Conscients de ces faiblesses, des leaders africains, surtout chrétiens, vont proposer des formes de syncrétisme religieux. Et le kimbanguisme plus particulièrement, est le courant religieux qui est allé le plus loin dans cette recherche d’appropriation, puisque Simon Kimbanga est présenté comme une réincarnation de Jésus et Kamba devient la terre d’élection de ses adeptes, en lieu et place de Jérusalem.
Toutefois, ces courants religieux présentaient une grande faiblesse, dès lors qu’ils excluaient au moins, la moitié des croyants africains, notamment les musulmans qui ne pouvaient s’y retrouver.
Cheikh Ahmadou Bamba, un mystique sénégalais qui fut déporté en 1895, à l’âge de 40 ans dans la zone forestière du Gabon, pendant 8 ans environ, délivre quant à lui un message unificateur et porteur de progrès. Peu de temps après l’exil du Gabon, il est envoyé pour un second exil de 4 ans en Mauritanie et passera les dernières années de sa vie terrestre, en résidence surveillée, pendant 20 années environ. Il fait l’unanimité sur sa piété, son humilité, sa sagesse, son nationalisme et son détachement des choses terrestres.
L’Administrateur du Cercle de Diourbel de 1913 à 1915, écrit à son propos dans un rapport du 22 Octobre 1915, destiné au Gouverneur Général :
«Ce Cheikh Ahmadou Bamba détient certes, une puissance innée dont la raison ne parvient pas à saisir la source et expliquer la capacité de forcer la sympathie. La soumission des hommes envers lui est extraordinaire, leur amour pour lui les rend inconditionnels. Il semble qu’il détienne une lumière prophétique et un secret divin semblables à ce que nous lisons dans l’histoire des prophètes et de leurs peuples.
Celui-là se distingue toutefois par une pureté de cœur, par une bonté, une grandeur d’âme et un amour du bien aussi bien pour l’ami que pour l’ennemi ; qualités pour lesquelles ses prédécesseurs l’auraient envié quelques grands que fussent leurs vertus, leur piété et leur prestige.
Les plus injustes des hommes et les plus ignorants des réalités humaines sont ceux qui avaient porté contre lui de fausses accusations, consistant à lui prêter l’ambition du pouvoir temporel. Je sais que les prophètes et les saints qui ont mené une guerre sainte, l’ont faite sans disposer de la moitié de la force dont dispose ce Cheikh».
Dans deux énigmatiques textes, l’un dédié à la Vierge Marie et l’autre, trouvé sur sa sainte poitrine au moment de son retour à Dieu, il nous apprend que Jésus et Mouhammed (PSE) sont d’une même lumière, qui s’adapte au contexte et à l’environnement, et il en est le dépositaire.
On peut en conséquence se suffire de l’Afrique pour sentir la présence divine, dès lors que nous sommes nous aussi dotés d’une maison sacrée de Dieu à Touba, où repose le dépositaire de la lumière de Jésus et du Prophète de l’Islam.
Cheikh Ahmadou Bamba nous demande ensuite d’être vertueux, solidaires et d’avoir foi en lui, parce qu’écrit-il dans son livre d’exil, «quelqu’un du nombre de ses pairs n’existe pas dans les deux mondes», ce qui doit être évident pour tout musulman qui voit en lui la lumière du Prophète de l’Islam et pour tout chrétien qui voit en lui celle de Jésus. Aussi, armés de la foi que nous avons en lui, nous sommes fondés de revendiquer sur terre la place qu’il occupe au Royaume des cieux, parce qu’il est sans aucun doute incomparable à la plupart de ceux dont on nous conte l’histoire et qui sont dans bien de cas des légendes de sagesse auxquelles nous croyons.
Il n’invoque pas la miséricorde divine exclusivement pour ceux qui croient en lui, mais il le fait pour toute la création, même pour l’homme blanc malgré tout ce qu’il lui a fait endurer. Il écrira ainsi : «O Seigneur de l’Univers ! O toi qui te situes au-dessus de tout esprit de revanche, accorde ta miséricorde à l’ensemble des créatures, ô toi qui peux diriger les égarés ! », «Fais de moi un objet de félicité pour les blancs comme pour les noirs », «O Seigneur, fais que toute l’humanité obtienne des avantages à travers ma personne, ô Toi le Riche ».
A vrai dire, il est difficile d’exhiber dans l’histoire de l’humanité des personnages qui ont autant de soucis pour la créature humaine, détentrice par essence du souffle divin. En fait, Cheikh Ahmadou Bamba a atteint un niveau de perfection qui fait affluer vers lui les attributs divins, comme la clémence et la miséricorde.
C’est ce niveau de perfection qui fait de lui « le livre de Dieu », le dépositaire de la sagesse, de la vertu et de la piété, la référence. Aussi écrira-t-il : «Je suis le Livre de Dieu dont une partie fut transmise aux messagers, quiconque ne m’a jamais vu n’a point encore vu ce livre en entier ».
Il faut briser les chaînes, lever le voile qui nous empêche de voir. Partout en Afrique, les hommes et les femmes sont entourés de richesses, mais croupissent dans la misère. Ils n’en sortent le plus souvent que par des initiatives extérieures.
L’homme noir est inhibé depuis la naissance par la perception d’une sorte de damnation qui relèverait même selon certains écrits d’un châtiment divin, mais Cheikh Ahmadou Bamba a définitivement tué ces perceptions anesthésiantes ancrées dans notre inconscient collectif depuis la nuit des temps, tant par les civilisations occidentales qu’arabes, à qui on a tout donné.
Nous n’avons rien à envier aux autres peuples. Tout est à notre portée. Il suffit de regarder dans la bonne direction et puiser dans la meilleure source, pour renouer avec notre passé glorieux, parce que faut-il le rappeler, de la préhistoire à la l’aube de la modernité, la civilisation qu’on est censé nous avoir apportée a essaimé de l’Afrique au reste du monde.
Peut-on trouver meilleure âme unificatrice que cet être exceptionnel, pacifique, qui a montré de la dignité, du courage, voire du mépris vis-à-vis de l’administration coloniale quand le commun des nègres pensait que ceux-ci étaient des êtres supérieurs, vivant dans les profondeurs des mers. Il a atteint la perfection et a indiqué la voie à suivre, notamment le culte du travail et des valeurs, quand l’Occident se demande ce que l’homme est venu faire sur terre et que le monde arabo-musulman est identifié à tort ou à raison à la violence aveugle.
Si ce n’est le complexe auquel on veut éternellement nous assujettir, peut-on trouver une meilleure force, une meilleure âme unificatrice, qui transcende l’ethnie, la religion et que sais-je encore ?
Toutefois, si Cheikh Ahmadou Bamba constitue l’âme unificatrice naturelle du peuple noir, la voie pour celui-ci serait non pas le mouridisme, qui dans sa compréhension intrinsèque est l’islam originel auquel on ne saurait inviter les chrétiens, mais plutôt la Voie Baye Fall dépouillée de ses gangues, dans laquelle tout le monde pourrait se retrouver.
Voilà pourquoi les intellectuels devraient davantage s’intéresser à cette voie, aider à tracer des perspectives dans le sens de son universalisation ou tout au moins de son extension à toute l’Afrique, en donnant corps aux paroles sacrées de Cheikh Ahmadou Bamba qui veut qu’on travaille pour l’au-delà comme si on devait mourir demain et pour ce bas-monde comme si on ne devait jamais mourir. Cheikh Ibra Fall, le précurseur de la Voie Baye Fall, poussera ce culte du travail jusqu’à déclarer, je cite : il est humiliant de s’agenouiller pour prier Dieu de nous accorder ce que nous pouvons nous-mêmes gagner à la sueur de notre front. Si Dieu récompense les paroles (prières) plutôt que les actes (travail), que je perde alors le fruit d’une vie laborieuse au service de mon Cheikh (Cheikh Ahmadou Bamba) et de la collectivité mouride.
Ceci est à l’opposé du capitalisme occidental dont la devise est d’accumuler pour accumuler, juste pour être le meilleur et le plus fort. Cette logique qui gouverne le monde ne cesse de générer la violence et conduit vers l’apocalypse.
Sogue Diarisso est ingénieur statisticien, économiste, ancien directeur de la prévision et des études économiques (Sénégal), ancien directeur de la recherche et de la statistique (BCEAO), auteur de « l’Afrique, Moïse et le monothéisme », L’Harmattan.
AFFAIRE NDIAGA DIOUF : LE PROCÈS ENCORE REPORTÉ
Barthélémy Dias, le maire de Mermoz – Sacré Cœur devra prendre son mal en patience. L’audience du procès en appel du meurtre de Ndiaga Diouf est reportée au 16 octobre prochain.
Barthélémy Dias, le maire de Mermoz – Sacré Cœur devra prendre son mal en patience. L’audience du procès en appel du meurtre de Ndiaga Diouf est reportée au 16 octobre prochain. Le mis en cause dénonce un « procès politique » lié à son compagnonnage avec Khalifa Sall, l’ex-maire de Dakar.
« C’est un procès qui est renvoyé pour une énième fois parce que toutes les parties ne sont pas prenantes malheureusement à ce procès. Je le dis et le répète, je ne me suis pas auto-agressé. Donc, je pense que toutes les parties qui ont été convoquées à ce procès doivent prendre sur eux la responsabilité de venir répondre à la justice sénégalaise, et qu’on puisse vider ce dossier. Je le répète, c’est un dossier malheureux, et je veux que les Sénégalais sachent que c’est moi qui ai interjeté appel pour que le droit puisse être dit parce qu’il s’agit d’une agression contre ma personne. »
Ndiaga Diouf a été tué en décembre 2011 lors de l’attaque de la Mairie de Mermoz – Sacré Cœur par des nervis envoyés par des responsables du Parti démocratique sénégalais (PDS), alors au pouvoir.
Condamné en première instance à 2 ans de prison dont 6 mois ferme et à payer avec ses co-inculpés 25 millions F CFA à la famille de feu Ndiaga Diouf, Barthélémy Dias a interjeté appel.
UN BOUTIQUIER ATTEINT PAR BALLE
Des individus fortement armés ont fait irruption dans le quartier de Lyndiane dans la commune de Ziguinchor hier nuit aux environs de 2 heures du matin.
Des individus fortement armés ont fait irruption dans le quartier de Lyndiane dans la commune de Ziguinchor hier nuit aux environs de 2 heures du matin. Ils se sont attaqués à une commerce dont le tenancier a été atteint par balle avant de voir sa boutique dévalisée par les assaillants. Atteint grièvement, il a été évacué au service des urgences de l’hopital régional de Ziguinchor.
D’après les premières constations, une forte somme d’argent dont le montant n’a pas été dévoilé a été emporté par les assaillants avant de s’évaporer dans la nature. Une plainte est déposée à la gendarmerie de la localité et une enquête est ouverte. Cette attaque à main armée intervient au moment où les coupures d’électricité font rage dans la capitale sud du pays.
par Cheikh Tidiane Gadio
L'AFRICAIN DU SIÈCLE
Qui aura, plus que Cheikh Anta Diop, contribuer au réarmement des peuples par son combat de remise sur ses pieds d'une histoire de l'humanité, habituée à marcher sur la tête à cause des falsifications que les vainqueurs du moment y avaient introduites ?
Le texte ci-dessous a été précédemment publié en décembre 1999 dans Sud Quotidien.
À l'heure où les faiseurs d'opinion de la toute puissante Amérique ont choisi pour l'Amérique (et implicitement pour le reste du monde) le scientifique Einstein comme étant la figure la plus marquante et la plus essentielle de ce grand siècle finissant, les Africains se doivent, eux aussi, d'exercer leur devoir de mémoire et de fidélité en désignant librement leur "Africain du siècle".
Si le choix pour les Américains a semblé pénible entre...Ghandi et Einstein, il le sera tout autant pour l'Afrique tant le choix est large parmi tous ces nombreux martyrs et héros de notre résistance à l'oppression et à l'humiliation intellectuelle ou politique. Ces héros étaient surtout remarquables dans leurs sacrifices pour un continent devenu le continent par excellence des espoirs étranglés, des rendez-vous manqués, des énergies dévoyées, des générations hypothéquées et pour parler comme David Diop "des promesses mutilées".
Ainsi contextualisé, tout observateur lucide des péripéties de l'Afrique dans ce siècle de lumière, d'avancées grandioses, mais aussi de tragédies massives et d'holocaustes, concèdera que l'Africain du siècle devra être un homme ou une femme qui, plus que tous les autres, s'est nettement distingué dans le combat pour restaurer et revitaliser la fibre morale de nos peuples. Une telle fibre, profondément malmenée par l'esclavage et le colonialisme, est absolument essentielle à tout acte de dignité et toute œuvre de renaissance. Cette fibre réparée devient alors le socle et la condition sine qua-non de ce que des intellectuels africains ont brillamment appelé "la reprise par les Africains de l'initiative historique".
En effet, perdre "l'initiative historique" permet à l'autre de vous définir comme ne s'en sont pas privées du reste l'anthropologie et l'ethnologie occidentales. Perdre "l'initiative historique" rend opaque votre mémoire de vos origines, vous fait oublier et douter de vos succès du passé, vous paralyse et vous fait vaciller aujourd'hui et fatalement vous désarme pour demain. L'Africain d'aujourd'hui souffre assurément de toutes ces conséquences de la perte de "l'initiative historique".
Parmi toutes les personnalités africaines de ce siècle (ceux "at home ou abroad" (en Afrique ou dans la Diaspora), selon la belle formule de Marcus Garvey): aussi bien ceux qui ont donné leur vie pour la Renaissance négro-africaine (Lumumba, Cabral, Malcom X, Martin Luther King Jr., Samora Machel, Boganda, Ruben Um Nyobe, Ernest Ouandié, Osandé Ofana, Josiah Tongogara, Steve Biko, Walter Rodney, Thomas Sankara...), que ceux qui ont consacré chaque seconde de leur vie au triomphe d'une Afrique forte, souveraine et réunifiée (Dubois, Garvey, Padmore, Nkrumah), que ceux qui ont accepté d'incarner jusqu'au martyre le profond sanglot de l'Afrique-mère (Nelson Mandela, Walter Sisulu, Diallo Telly), que ceux qui ont tenté d'incarner une certaine vision de l'Afrique (Senghor, Houphouet, Sékou Touré, Modibo Keita, Selassié, Kenyatta, Nyéréré), que ceux qui se sont distingués dans les tranchées du combat intellectuel et militant sans merci (Damas, Césaire, Lamine Senghor, Garan Kouyaté, Tovalou Quénum, Etienne Léro, David Diop, Alioune Diop, Fanon, Mamadou Dia, Abdoulaye Ly, Théophile Obenga...), que toutes ces femmes, symboles forts et attachants (Winnie Mandela, Aliin Sitoye Diatta, Gracia Machel, Mariéma Ba), un intellectuel panafricaniste, nationaliste africain radical, scientifique de stature mondiale nous a semblé se détacher nettement pour avoir le mieux symbolisé l'entreprise colossale de réconciliation des Africains avec l'initiative historique. Et il est, pour nos générations, notre "Africain du siècle". Et il s'appelait Cheikh Anta Diop.
Pr. Cheikh Anta Diop est indiscutablement un héros des peuples noirs et africains. L'année de ma naissance, vêtu de son seul courage et armé de sa redoutable puissance de frappe intellectuelle, il était devant son jury de la Sorbonne pour introduire la plus grande rupture épistémologique de ce siècle qui est la thèse sur l'antériorité des civilisations nègres et le caractère négro-africain de la civilisation égyptienne.
Ni Einstein, ni Ghandi, ni à vrai dire Nelson Mandela (que je classerai sans réticence deuxième sur ma liste, ex-aequo avec Dr. Martin Luther King) n'ont accompli une œuvre aussi capitale à la reconquête - par la race noire et les peuples africains - de ce sens de la continuité historique et de cette conscience de l'urgence de la reprise de l'initiative historique. Si comme le prêche le frère Thabo Mbeki, le 21ème siècle sera le siècle de l’Afrique et donc de la Renaissance africaine, je n'ai aucun doute qu'il sera alors le siècle du triomphe intellectuel et politique de Cheikh Anta Diop.
Que l'on revisite la liste proposée plus haut, qu'on l'amende à volonté, qu'on y ajoute ou retire des noms, je demanderai cependant à nos anciens, à nos ainés, à ma génération et à celle qui nous suit, en cas de désaccord, de nous proposer un autre membre de ce groupe de prestigieux Africains (du continent ou de la diaspora). Un membre qui aura, plus que Cheikh Anta Diop, contribuer au réarmement moral des peuples noirs et africains par son combat titanesque de restauration de l'identité négro-africaine et de remise sur ses pieds d'une histoire de l'humanité, avant lui, habituée à marcher sur la tête à cause des falsifications que les vainqueurs du moment y avaient massivement introduites.
Ni les misérables salaires d'une université africaine, encore moins l'excuse d'un matériel de recherches inadapté ou désuet n'ont eu raison de la féroce volonté de Cheikh Anta Diop de revisiter et de contribuer aux différents corps des sciences humaines, sociales et exactes. Que ces thèses et découvertes aient vieilli ça et là, ou exigent une urgente rénovation, interpelle au fond plus les Africains contemporains et ceux du siècle prochain que Cheikh Anta Diop à qui l'on peut appliquer sans hésiter le "Gacce Ngalama" des Wolof ("mission accomplie").
Si un Américain, interviewé dans les rues de New York a pu proposer que la thèse centrale de la théorie de la relativité d'Einstein c'est "qu'au fond tout est relatif", refusons de le suivre tout en acceptant à notre tour de "relativiser" le choix porté par les Américains sur Einstein, pour brandir notre Africain du siècle (et peut-être même carrément notre homme du siècle), le regretté et éminent professeur Cheikh Anta Diop : physicien, historien, linguiste, ethno-anthropologue, philosophe, politologue et soldat émérite de la cause noire et africaine.
Et comme on veut nous contraindre à accepter que le 1er janvier 2000 n'inaugure pas la dernière année du 2ème millénaire, mais bien le début du troisième (alors que, en toute relativité, les Hindous ont eux célébré l'an 2000 il y' a ...500 ans et que les musulmans attendront 600 ans), déclarons le prochain siècle quel qu'en soit le repère : le siècle du triomphe des idées et des idéaux de Cheikh Anta Diop.
Pr. Diop est incontestablement "l'Africain du 20ème siècle" qui nous a le plus armés pour les batailles et les victoires du siècle qui meurt et du siècle qui s'enfante laborieusement, sous nos yeux, dans la douleur et l'espoir d'un rendez-vous réussi avec la Renaissance africaine.
par Cheikh Tidiane Gadio
DU DÉBAT ENTRE BORIS ET BACHIR
EXCLUSIF SENEPLUS - La relance dans le futur de la pensée de Cheikh Anta devra beaucoup à ces deux sommités - Ils ont appris à leurs compatriotes et partisans à comprendre les vertus salutaires d’une polémique quand elle est saine, argumentée
Des amis qui avaient gardé un bon souvenir de l’article que j’avais dédié à Cheikh Anta DIOP au tournant du 20ème siècle (« CHEIKH ANTA DIOP, L’AFRICAIN DU 20ÈME SIÈCLE » publié dans Sud-Quotidien en décembre 1999) m’ont plusieurs fois demandé voire sommé de le republier comme « contribution » au débat et échanges vigoureux qui ont récemment opposé les éminents intellectuels que sont Boubacar Boris Diop et Souleymane Bachir Diagne.
Notons que certains ont vite simplifié ce débat stimulant par la simple mais énigmatique formule : « le débat Boris/Bachir » !
Tout le monde aura remarqué la grande affection et l’estime profonde que la quasi-unanimité des contributeurs au débat ont affichées simultanément pour « Boris et Bachir » ou pour « Bachir et Boris ». La fine subtilité du penchant pour l’un ou pour l’autre ne se lisant parfois que dans la chronologie de la citation de leurs noms.
À mon humble avis, le grand vainqueur de cet échange intellectuel de haute facture, c’est sans conteste le peuple sénégalais et les peuples africains plus généralement puisque leurs fils et leurs filles ont enfin décidé de défier leur propre torpeur et inhibition pour aller à l’assaut de la « pseudo-mondialisation intellectuelle ». Une telle « mondialisation-marchandisation-dévalorisation-nivellement » a abouti au silence des intellectuels (surtout africains) en prétendant harmoniser toutes nos spécificités pour les réduire à une somme nulle qui nous empêche de nous exprimer, voire même d’exister dans notre identité propre.
Or donc, après l’ère combative de Cheikh Anta, Nkrumah, Dubois, Padmore, Césaire, Alioune Diop, Fanon, Jacques Roumain, Abdoulaye Ly, Amadou M. Mbow, Ki-Zerbo, Senghor-Dia, Amilcar Cabral, Mandela, John Henrik Clarke, Van Sertima, Cheikh Hamidou Kane, Amadou Hampâté Ba, Jeanne Martin Cissé, Aoua Keita, Annette Mbaye, Rose Bass, Rosa Park, Maya Angelou, Toni Morrison, Mariama Ba, Aminata Sow Fall, Aram Fall, Martin L. King-Malcom X, Amady Aly Dieng, Obenga, Ngugi wa Thiong’o, Pathé Diagne, Samir Amin, Iba Der Thiam, Walter Rodney, Hountondji, Molefi Asante, Doudou Sine, Sémou Pathé, Edem Kodjo, Alpha et Adama Konaré, Aminata Traoré, Mamoussé Diagne, Hamidou Dia, et tant d’autres géants politico-intellectuels du continent et de la Diaspora, l’Afrique est entrée dans une sorte de transition, une ère du « unfinished business » où tout propos sur notre combat intellectuel ou politique visant à refonder une pensée de notre action et à relancer notre émancipation et notre Renaissance est perçu comme « répétitif », « dépassé », « nostalgique » voire même « fanatique ». On a donc aujourd’hui absolument raison de se révolter contre un tel paradigme car tous les défis de l’Afrique de leur époque et de notre époque sont restés intacts et toujours étalés en surnombre sur la table de l’histoire contemporaine !
Le deuxième vainqueur de ce grand débat, c’est certainement Cheikh Anta Diop lui-même, puisque l’intelligentsia africaine surprise dans son état de somnolence actuelle par le vigoureux débat Boris/Bachir, a vite retrouvé ses sensations, une nouvelle jeunesse, une nouvelle vigueur, celle des années « de braises et d’engagement pour des causes ». Cette intelligentsia a vite repris sa plume pour commenter la pensée politique visionnaire et l’immense œuvre scientifique et intellectuelle du savant cheikh Anta Diop appelé par beaucoup et sans aucune exagération « le Pharaon du savoir » ou « le dernier Pharaon », ceci dans un élan de gratitude pour les grands bâtisseurs négro-africains de l’antiquité pharaonique.
J’y ajouterai pour ma part - et sans hésiter - que Cheikh Anta Diop de par sa pensée et son œuvre est le héraut inégalé et le précurseur incontesté du Mouvement de la Renaissance africaine de notre époque. Ce Mouvement, on le sait, est le seul à pouvoir lancer le siècle des lumières en Afrique : « Armez vous de sciences jusqu’aux dents ! », nous avait légué le maître ! Une façon de nous exhorter à ne délaisser aucun domaine du savoir aux autres et d’être toujours « meilleur parmi les meilleurs » !
Enfin les autres grands vainqueurs de cet échange mémorable et respectable sont bien sûr les deux protagonistes « Boris/Bachir », « Bachir/Boris » devenus presque un binôme ! En plus d’être auréolés du respect et de l’admiration renouvelés de leurs compatriotes africains et de leurs partisans, ils ont aussi appris à ces mêmes compatriotes et partisans à comprendre les vertus salutaires d’une polémique quand elle est saine, bien intentionnée, argumentée et substantielle.
Étant un militant panafricaniste d’obédience Cheikh Anta, Nkrumah, Garvey assumé, il serait un exploit de ne pas deviner ma sensibilité dans ce débat. Toutefois, parent de l’un, ami de l’autre, mais plus fondamentalement frère et admirateur de ces deux sommités intellectuelles, j’ai fait le choix de l’apaisement et du dépassement au plus vite entre ces deux esprits puissants qui ont incontestablement honoré l’Afrique pendant toute leur carrière du reste « still in progress ». Nous leur souhaitons de se sentir fiers et honorés tous les deux d’être –par cet échange- davantage associés, d’une façon ou d’une autre, au nom de l’illustre savant Cheikh Anta Diop.
Victime de campagnes périodiques de dénigrements intellectuels, de calomnies pseudo-scientifiques, persécuté dans son propre pays au plan politique et injustement marginalisé au plan académique, Cheikh Anta est en définitive mort « relativement jeune » à l’âge de 63 ans. Il avait été murmuré à l’époque qu’il avait sûrement succombé suite à un épuisement et un stress lourd permanent, comme on dit « mort à la tâche ! », car il s’était dépensé sans compter pour NOUS dans le seul but de rendre aux Africains leur dignité et de les doter des armes leur permettant de renouer avec « l’initiative historique ». Pour cette raison majeure, Cheikh Anta, son combat, sa vision et son œuvre avaient besoin de ce choc des titans pour rebondir, 33 ans après sa disparition prématurée.
Assurément la relance dans le futur proche de la pensée et du combat de Cheikh Anta devra beaucoup à Boris et à Bachir. Au total donc, gratitude, affection et respect pour Boris/Bachir.
Quant à nous qui avons choisi sans ambages notre camp, renouvelons notre serment de fidélité, de perpétuation-approfondissement et surtout de mise en œuvre de l’œuvre colossale de l’Africain du siècle (passé) voire de l’homme du siècle : l’illustre Professeur Cheikh Anta Diop, logé pour l’éternité dans nos cœurs, nos prières et nos espérances.
Cheikh Tidiane Gadio est président de l’Institut Panafricain de Stratégies (IPS), député, ancien ME/MAE.
NDLR - Le texte ci-dessus est un prélude à l'article intitulé : "Cheikh Anta Diop, l'africain du siècle", publié 20 ans plus tôt par Cheikh Tidiane Gadio dans Sud quotidien et dont SenePlus fait le relais dans le contexte du débat mettant aux prises Boubacar Boris Diop et Souleymane Bachir Diagne.
TRUMP A BIEN DEMANDÉ AU PRÉSIDENT UKRAINIEN D'ENQUÊTER SUR BIDEN
La Maison-Blanche a publié ce mercredi, la transcription de l'appel entre le président américain et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky
Donald Trump a bien demandé à son homologue ukrainien d'enquêter sur son rival Joe Biden, selon la transcription d'un appel téléphonique entre les deux dirigeants rendue publique mercredi 25 septembre par la Maison-Blanche.
« On parle beaucoup du fils de Biden et du fait que Biden ait arrêté l'enquête et beaucoup de gens veulent en savoir plus sur le sujet, donc cela serait formidable si vous pouviez vous pencher dessus », dit-il à Volodymyr Zelensky lors de cet échange le 25 juillet. Donald Trump propose à cette occasion à son homologue ukrainien de travailler en coopération avec son avocat Rudy Giuliani et avec le ministre américain de la Justice Bill Barr.
Mardi, la Chambre américaine des représentants, à majorité démocrate, a ouvert une enquête pour «impeachment» à l’encontre de Donald Trump, première étape d’une procédure de destitution contre le président des États-Unis, qu’elle accuse d’abus de pouvoir.
La Chambre examine si Donald Trump a cherché à obtenir l’aide de l’Ukraine pour obtenir des informations susceptibles de nuire à Joe Biden. «Le président doit rendre des comptes. Personne n’est au-dessus de la loi», avait déclaré la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi.
Après la publication des échanges, Donald Trump a ré-affirmé mercredi ne pas avoir exercé "la moindre pression" sur l’Ukraine : "C’est probablement la plus grande chasse aux sorcières de l’histoire américaine. C’est une honte."
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
AMILO, LANGUE DE V.I.P DU KEBETU
EXCLUSIF SENEPLUS - Impertinente, les crocs affûtés, les idées non moins engageantes, elle s’est fait une réputation de dure-à-cuire qui, avec ses 36.000 followers, anime les débats de l’oiseau bleu, couleur Sénégal - INVENTAIRE DES IDOLES
« Kebetueuse » est son surnom sur Twitter. Elle a à son actif plusieurs « clashs » sur le réseau de l’oiseau bleu où son parlé cru dérange. Une prise de bec notamment avec l’ancien ministre El Hadj Hamidou Kassé qui avait perdu ses nerfs. Sur cette nouvelle scène des clivages politiques et sociaux, Aminata Lo de son vrai nom, est une actrice qui donne à voir la vie virtuelle sénégalaise, ses sens et ses contresens. Rencontre et portrait d’une femme de son temps, vraie et clivante.
Elle a tenu à prévenir d’emblée : « Je n’aime pas les choses carrées et solennelles ». La voix qui lâche cette mise au point est claire, énergique et chaleureuse. A l’autre bout du fil, pendant un bref entretien, on ne devine presque rien de ce qui a fait la renommée de cette jeune femme d’une trentaine d’années sur Twitter. Forte en gueule, râleuse, impertinente, belliqueuse, les crocs affûtés, les idées non moins engageantes, et la plume vive, elle s’est fait en quelques années une réputation de dure-à-cuire qui, avec son pseudo sans équivoque Kebetueuse, ses 36.000 followers, ses 250000 tweets, ses coups de becs, anime les débats et autres jacasseries de l’oiseau bleu, couleur Sénégal.
Sur son goût pour la légèreté, l’impertinence, elle reprend presque à son compte le mot de Desproges « on peut rire de tout, absolument tout. Oui trop de sérieux m’indispose, j’aime le style décontracté ». Cet empressement à rire n’est-il pas une manière de cacher une sensibilité ? On ne le saura. Rien pourtant ne destinait cette adolescente dynamique, pépite de l’école Saldia – groupe scolaire coté de la capitale sénégalaise dont elle honora les couleurs en génie en herbes – à incarner un franc-parler aux limites de l’insolence, qui déchire souvent les convenances sénégalaises de la pudeur. Porte-étendard du groupe lors du concours Gëstu, compétition en génie en herbes entre écoles privées, cette responsabilité lui apprend, confie-t-elle, à « défendre ses idées ». La même hargne revit sur twitter. Jadis en 140 caractères, comme aujourd’hui en 280, elle promène sa curiosité sur tous les sujets, sociétaux comme internationaux, avec un sens du contrepied et une radicale quête de la vérité, qu’elle dit tenir de ses jeunes années.
Twitter, scène politique annexe
Pour qui consacre un peu de temps à Twitter, il est facile de noter que le réseau social, plus que les autres, s’invite régulièrement dans la presse où il oriente voire domine l’agenda. Ce qu’il est maintenant convenu d’appeler des clashs ou des buzz, finissent par garnir les colonnes des journaux. Rares sont désormais les articles qui ne mentionnent pas, ou n’intègrent pas, des tweets pour illustrer ou donner à voir la source de leurs billets. Twitter et ses captures d’écran, dans la spontanéité, sont devenus des pièces à convictions dans les rapides procès d’humeur et d’opinions qui font le lit et la lie du réseau social. C’est d’ailleurs cette rapidité à gazouiller « la spontanéité et surtout le melting pot » du réseau, qui ont séduit Amilo, surnom de celle qui se nomme Aminata Lo à l’état civil. Elle correspondait à son tempérament à fleur de peau, elle qui ne s’alourdit pas de protocoles, de bienséances et autres salamalecs. Ce côté direct, sans détour, permet de donner une force aux messages, que ni les lourdeurs voyantes de Facebook, ni les images toilettées d’Instagram n’offrent. Deux réseaux sur lesquels elle ne traine pas beaucoup, aucun compte Facebook et des visites rares sur Instagram, qui obtient un peu de ses faveurs car elle a un faible pour la photographie.
Dans le long entretien qu’elle nous accorde, que vous retrouverez sur cet espace, elle donne l’impression d’un poil à gratter insensible aux remarques « Vous savez les gens ont leur opinion sur moi, qu’ils tachent de la garder pour eux. Si ceux qui pensent du mal de moi savaient exactement ce que je pense d’eux, ils en diraient davantage... ». Grinçante et grincheuse, avec son visage poupon, ses joues potelées, et une grande douceur dans le regard, celle qui assume ses contradictions et « reconnaît ses erreurs » n’est pas souvent « d’accord avec elle-même », concède-t-elle. Quand on l’interroge sur Twitter en tant que repaire préférentiel d’une jeunesse dakaroise favorisée, reléguant par conséquent les classes populaires, elle botte en touche et se rebelle : « En quoi la jeunesse dakaroise est-elle favorisée ? ». On sent qu’on a froissé une de ses convictions. Elle reprend, philosophe : « Twitter est juste une petite représentation, un échantillon de la jeunesse sénégalaise ». Cette tendance à dépolitiser les sujets suit toute la trame de l’entretien, où sa radicalité ne se convertit pas toujours en combat réel, mais s’incarne dans le virtuel. Pour la politique, elle n’ambitionne rien d’autre que sa position de « critiqueur », même si son vœu est de voir plus de jeunes se mobiliser « en se dotant d’une culture énorme, en conscientisant les plus jeunes et en s’engageant politiquement pour assurer la relève ». Sur ses occupations, comment elle gagne sa vie, on ne saura rien, elle oppose un déconcertant droit à la discrétion. Twitter sert ses « coups de gueule », rien d’autre, elle n’aime ni l’affichage, ni dévoiler son coin d’intimité. Par protection, par fuite ? On ne se risquera pas à l’interpréter. Faut-il pour autant ne s’arrêter qu’à la surface de ce qu’elle dit ? Pas vraiment. Quand on creuse, ce qu’elle donne à voir c’est une pensée articulée, avec ses forces et ses faiblesses, qui jette un regard désenchanté sur le Sénégal et son devenir. Dès que l’enjeu de la discussion n’engage plus sa personnalité intime, elle est loquace et combative.
La repolitisation par le numérique
L’essor de Twitter, dont le Sénégal est un des hubs continentaux dynamiques, ne doit rien au hasard. Très vite, l’oiseau bleu a trouvé ses aises, avec ses codes, son langage, ses meetings, ses acteurs. Dans le nouveau langage numérique qui a été le canal de l’afro-optimisme 2.0, le réseau social est apparu comme le médium idéal pour changer la narration sur l’Afrique. Il ne fallait plus, pour les instigateurs de la nouvelle narration prophétique, que s’adjoindre les leaders d’opinions, les activistes, les pionniers du web, pour leur confier les relais du nouveau récit. Coïncidence ou presque, au même moment, l’exaspération face à la politique a conduit nombre de jeunes citadins à préférer les assemblées virtuelles, les forums civils, pour enchâsser la repolitisation dans une nouvelle dépolitisation, autour du moteur numérique. Parmi les acteurs les plus notables de cette bascule, le réseau des africtivistes, assemblée de blogueurs fondée par Anna Gueye. Ils sont devenus les interlocuteurs favoris de nombres d’ONG, de financiers, qui promeuvent, à travers leurs relais, le vœu de démocratisation. Si Amilo n’est pas toujours tendre avec les blogueurs de ce réseau, cible récurrente de son acrimonie, elle leur doit pourtant l’éclosion de cette sphère numérique, où la voix d’une minorité détourne des lourds problèmes sociaux au profit du mirage technologique. Elle leur reconnaît toutefois une utilité.
Les politiques ne sont ainsi plus les prescripteurs des influences. Les activistes, à l’aise dans le micro-blogging, soutenus par des forces étrangères, sont devenus les vrais influenceurs. Le terme d’influence, du reste, est presque devenu une injure tant il désigne cette nouvelle vulgate de l’apparence et des gloires faciles. A la question de savoir si elle se considère comme une influenceuse, elle se dérobe. « En ce qui me concerne, certes j’ai beaucoup d’abonnés et je suis très suivie, suivre au vrai sens du terme,mais, tempère-t-elle, une personne peut avoir de nombreux « likes » ou « RT » sans pour autant que ce qu’elle dit importe ». Elle n’a rien fait pour être suivie, et le fait que ses tweets déclenchent les polémiques, éclairent sur les clans qui s’affrontent dans des logiques qu’il nous est difficile de déchiffrer, n’est que purement fortuit. D’ailleurs affirme-t-elle ne rien connaître de ce mot d’influence qu’elle récuse. Sur la saturation dans le virtuel et le mirage du numérique, elle se veut lucide et fustige l’abrutissement qu’accélère le réseau « c’est tellement rageux de voir que ceux qui de manière générale représentent l’avenir ne s’intéressent que particulièrement à de faux débats et futilités ». Sur l’existence de batailles rangées en « clans » sur le réseau, elle prétend l’avoir démasqué et fait des threads dessus. Ce qu’elle donne à voir, c’est un usage du réseau conscient, addictif, mais lucide.
Une jeune femme énergique et radicale
Mais là où son propos est le plus dur, c’est contre Macky Sall et son régime. Elle peint la présidence de l’ancien maire de Fatick en pouvoir abusif, antidémocratique, et en veut pour preuve l’instrumentalisation de la justice pour abattre des opposants. Elle partage ce combat avec Guy Marius Sagna, dont elle aime le panache. Politiquement, Amilo n’est engagée dans aucun parti mais son intérêt pour la question vient de loin. Elle a voté pour la première fois en 2007, pour Cheikh Bamba Dieye qu’elle trouvait « constant, posé, cultivé et bagarreur quand il le faut. Toujours dans des combats de principes d’où sa cohérence à laquelle elle s’identifie beaucoup. »
Cette jeune inconditionnelle de Fatou Diome, qui puise ses références autant Lady Diana que Marilyn Monroe ou encore Coumba Gawlo Seck, voyage éclectiquement d’un sujet à l’autre, grande lectrice, amatrice de scrabble, de natation, et de photographies. De ces passions ou occupations, se dessine le portrait en pointillé d’un goût pour l’esthétique et pour la vérité, qu’elle tient de valeurs familiales précocement transmises. Pour expliquer l’origine de cette liberté de ton, elle lève un coin de voile sur l’héritage familial « J'ai grandi dans une famille où il n'y a pas de norme hiérarchique, la plus petite personne a le droit de s'exprimer librement, de faire ses choix de vie...d'aucuns me reprochent ma liberté de ton ce que je leur concède, mais il est nécessaire qu'ils sachent que leur morale n'est pas mienne ». La verdeur de son propos déplaît beaucoup. Elle choque mais ne s’en émeut guère. Un acteur majeur de la twittosphère sénégalaise confie ainsi « son inconfort » à parler d’elle : « du temps où il voyait ses tweets il les trouvait très violents ». Chez d’autres, ce langage ne passe tout simplement pas : elle collectionne les blocages de ceux qui la trouvent effrontée, impolie, radicale, s’empressant pour qualifier ses tweets de recourir à l’expression « d’excessifs donc insignifiants » pour la disqualifier. A l’image d’officiels de la république, comme l’ancien ministre et porte-parole de la présidence El Hadj Hamidou Kassé qui s’était emporté contre elle dans un échange où il l’avait traitée de « guenon ».
L’impolitesse, une tare rédhibitoire ?
Ses tweets clivent. D’autres prennent sa défense : Fary Ndao, géologue et animateur populaire et apprécié de la twittosphère sénégalaise, résume ainsi le personnage : « Je dirais que Amilo, alias Kébétueuse, est la voix irrévérencieuse nécessaire à tout débat public. Sa force est sa cohérence, rarement mise à mal, au fil de ses différentes interventions. Je désapprouve, du fait de mon caractère personnel sans doute, sa véhémence quasi systématique, car cela détourne parfois l'attention de l'auditoire du cœur de son propos avec lequel j'ai par ailleurs de larges convergences de vue. Mais je défends cette liberté de ton » Même son de cloche du côté d’un retraité de twitter qui a échangé souvent avec elle et qui décrit une personne « entière, impulsive, qui aime la confrontation, qui la cherche. Parfois, ce n’est même pas sérieux au fond mais ça alimente son besoin d’adversité. Elle a un besoin permanent de subversion. » Plus loin, il confie aussi « elle cache son côté humain, c’est la personne qui prend bien soin de ses proches, les aide, les soutient. » Ces témoignages donnent crédit à cet adage : l’excès est une preuve d’authenticité. On a pu percevoir que ce tempérament forgé cache sans doute une fragilité, et qu’elle s’empresse de rire ou de s’emporter, pour peut-être éviter de pleurer. L’insolence du propos n’a elle rien de nouveau. Dans les communautés sénégalaises de femmes, leboues par exemple, l’insulte n’était pas une vulgarité mais un élément du langage, qui signait d’ailleurs la liberté des femmes. La crudité voire la cruauté du propos faisait partie d’une grammaire du dialogue qui parachevait le pouvoir matriarcal.
Des contradictions et une fibre politique
A force de se consacrer à ses coups de becs sur twitter, on oublierait presque que Amilo écrit régulièrement, sur un espace, medium, auquel elle a pris goût. Elle y communique ses états d’âmes et ses écrits ambitieux, bien suivis. Une chose demeure quand on lit ce blog, espace annexe où elle gratifie ses lecteurs de ses opinions - dont un récent reportage sur le basket -, on est ému par sa franchise, sa bravoure, la fragilité de ses certitudes. Sur twitter comme dans l’entretien, à coup de mots salés, elle tire le portrait d’une démocratie inexistante qu’elle déplore. Sa parole ne n’arrête pas là, elle s’indigne contre l’homosexualité, « interdit par l’islam point », et identifie Wally Seck comme la source de propagation du mal. Le propos est clair, net, sans détour. Elle n’en démord pas, et se fait le porte-voix du rejet dominant dans la société qu’elle adosse tout bonnement à l’injonction islamique. Même tonalité de la critique quand il s’agit de l’exhibition religieuse, elle fait une distinction entre la religion pure et les croyants impurs dont elle fustige les manifestations tapageuses. Sur l’émigration et le désir d’ailleurs qui touche la majorité des jeunes, elle pointe les responsabilités locales, l’horizon miné. Elle ne se laisse pas bercer par la responsabilité de la France dans le malheur sénégalais. Pour elle « les discours sur la décolonisation émanent directement d’une certaine élite occidentalisée vivant le plus souvent en occident. Leurs discours sont souvent vains face à des jeunes sans perspective d’avenir dans leur propre pays (chômage, manque d’éducation…) » Son espoir ? « Que la jeunesse se politise, intègre les partis pour gagner en expérience, faire la politique autrement en évitant les mensonges, les promesses, le populisme, être proche et à l’écoute des populations » Sur la décolonisation « Ce n’est pas mon combat et ça ne le sera pas ; très honnêtement je ne les suis même pas. La décolonisation elle s’est faite en 1960 et pour cela je suis parfaitement en phase avec Fatou Diome quand elle demande qu’on arrête la victimisation». Sur le féminisme « mal compris par les femmes et les hommes sénégalais dans leur globalité. C’est vraiment compliqué. Je suis plutôt pour le women empower women. Que toutes femmes s’unissent et on fera ensemble de belles choses ». Presque d’un programme politique.
Mélange de progressisme et de conservatisme, propos parfois contradictoires, la pensée d’Amilo a cependant l’avantage d’être sans fards, et fraîche. Non aseptisée, critiquable, elle permet toutefois le débat. C’est cette fibre, perçue dans un moment où la virtualité fait partie des enjeux dans la quête politique, qui a motivé ce portrait. C’est une possibilité du débat qu’elle offre, avec toutes les scories inhérentes : la cacophonie, les invectives. C’est le prix à payer dans un pays, où l’injonction au « respect » est l’étouffoir des dissidences, donc de la diversité des opinions. L’impolitesse est bienvenue, c’est un moyen de résistance, à condition qu’elle ne soit pas seule et qu’elle soit une posture.
Mine de rien, on en a fait du chemin avec Amilo. Celle qui récusait les solennités, qui n’aimait pas le sérieux du monde, devient pourtant et à notre grand bonheur, sérieuse, battante. La fibre qui se dessine chez cette jeune femme est politique, affective, dure et sociale. Où tout cela mènera notre petite idole ? On ne le sait. C’est une femme de son temps qui respire le vent de l’époque et en recrache les particules fines, tantôt parfumées, tantôt malodorantes. Une langue de V.I.P, verte, chatoyante, chaleureuse avec ses papilles parsemées de venin.
78% des fonctionnaires sont des enseignants, selon le rapport rendu public hier mardi, 24 septembre, par la Coalition des organisations en synergie pour la défense (COSYDEP). Lequel porte sur « le système de rémunération de la Fonction publique : Appropriation et Positionnement »
Il s’agit, décline Souleymane Diallo, Secrétaire général national du SELS par ailleurs vice-président de la COSYDEP, face à la presse, de « savoir les non-dits dans le cadre d’une bonne préparation de ses négociations avec le gouvernement. Parce qu’un dialogue social de qualité doit également se baser sur la connaissance. Nous n’avons pas d’inquiétudes mais nous avons affaire avec l’Etat qui est bien outillé et a commandité cette étude-là. Il est important, en tant que partenaires sociaux, de nous capaciter et d’avoir l’ensemble des informations relatives à la question pour aller vers des négociations gagnant-gagnant avec le gouvernement. »
Enseignant-chercheur, El Hadji Mounirou Ndiaye abonde dans le même sens : « Nous sommes là pour nous l’approprier, entre la société civile, les enseignants et l’Etat, pour voir ensemble comment nous allons interpréter ce rapport, lire entre les lignes et anticiper sur les sujets qui peuvent poser des problèmes, les obstacles pour la résolution de ces problèmes. »
LES MISES EN GARDE DU BÂTONNIER
Les sorties intempestives des avocats dans les médias déplaisent au plus haut point le bâtonnier de l’ordre des avocats, Me Pape Leyti Ndiaye
Les sorties intempestives des avocats dans les médias déplaisent au plus haut point le bâtonnier de l’ordre des avocats, Me Pape Leyti Ndiaye. Il a fait un communiqué pour mettre en garde ses confrères qui s’aventureraient à se prêter à ce jeu avec la presse. Mieux, le bâtonnier a même menacé de les traduire en conseil de discipline. « Ces derniers temps, l’Ordre a constaté avec regret des interventions désordonnées et peu reluisantes de quelques-uns de ses membres dans les médias généralement sur des affaires pendantes ou en voie de l’être devant les cours et tribunaux », a indiqué le bâtonnier dans le communiqué.
Selon lui, ces interventions médiatiques constituent souvent, voire toujours, des infractions aux dispositions de leur règlement intérieur. Ainsi, il pense que les avocats doivent être les premières sentinelles du respect scrupuleux de leurs règles professionnelles. Sur ce, il appelle ses confrères à prendre compte les dispositions de l’article 26 du règlement intérieur et les invite à s’y conformer.