COMME LE PROFESSEUR PENDA MBOW, J'AI MAL POUR MON PAYS !
EXCLUSIF SENEPLUS - Je prends peur de ce que nous projetons en terme de basculement social et historique. Nous avons rendez-vous avec ce qu'il y a de plus intelligent mais aussi de plus monstrueux. A nous de choisir !
Le Professeur Penda Mbow fait une remarque sur laquelle il me semble opportun de s'arrêter, pour notre gouverne, pour la transmission du savoir, la stabilité et la cohésion sociale de notre pays, pour observer, analyser et déclencher le déclic porteur d'espoir et de transformation nécessaires à la jeunesse et pour l'avenir du vivre-ensemble et du développement de notre pays.
"Une certaine forme de régression du débat intellectuel et le terrorisme verbal finit par s’incruster : s’y instaurent des germes d’inquisition d’autodafé et peut-être, un jour on exigera tout simplement la fermeture de l’Université. Ceux qui se sont arrogés le droit à la ‘réflexion’, ironisent sur tout, désacralisent tout, condamnent et refusent que l’on exerce l’esprit critique", dit-elle dans un beau texte publié par seneplus.com et repris par maderpost.com.
Comme elle, j'ai mal et prends peur de ce que nous sommes devenus, de ce que nous projetons peut-être en terme de basculement social et historique. Attention !
Ne brûlons pas le pays en allant ignorer qu'il n'y a pas d'homme assez ignorant pour savoir que quand sonne une cloche, elle sonne pour lui. Nous aurions envie de nous taper dessus, pour savoir peut-être quel funeste plaisir on en tirerait qu'on ne procéderait pas autrement. S'il s'avère que la révolution digitale a accéléré le processus transformationnel des sociétés, il n'est pas dit que c'est par le mauvais bout qu'elles l'ont pris. Nous avons rendez-vous avec ce qu'il y a de plus intelligent mais aussi de plus vénal et monstrueux. A nous de choisir et d'en pleurer de joie ou alors d'en rire à en mourir de regrets !
APPEL AU REPORT DE LA MISE EN PLACE DE L'ÉCO
En dépit des promesses faites par les chefs d’Etats des pays de la CEDEAO, nous restons convaincus qu’il est utopique de croire que cette monnaie puisse voir le jour en 2020 dans de bonnes conditions - COMMUNIQUÉ DU COLLECTIF SORTIR DU FCFA
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du Collectif sortir du FCFA, daté du 17 septembre 2019, appelant à reporter l'échéance de la mise en place de l'Éco, future monnaie unique de la CEDEAO.
"Depuis quelques jours, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer l’Eco, la future monnaie commune de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest). Selon ses détracteurs, elle serait une copie conforme du franc CFA.
Nous sommes d’un autre avis. Au contraire, la création de cette monnaie unique pourrait être un événement politique majeur vers une intégration des économies de nos différents pays et porterait un coup fatal au franc CFA. Par conséquent, nous apportons notre soutien total à ce projet malgré les nombreuses imperfections qu’il pourrait comporter.
Toutefois, nous avons de sérieux doutes sur la capacité de nos dirigeants à créer une monnaie communautaire dans un délai si bref. En dépit des promesses faites par les chefs d’Etats des pays de la CEDEAO, nous restons convaincus qu’il est utopique de croire que cette monnaie puisse voir le jour en 2020 dans de bonnes conditions. Aucune stratégie, aucune feuille de route sensée et aucun Chef d’Etat au sein de la CEDEAO n’incarne suffisamment ce projet pour qu’il puisse aboutir si rapidement.
En outre, 2020 sera une année électorale dans nombre de pays de la CEDEAO, c’est le cas au Togo, au Niger et en Côte d’Ivoire. Il est difficilement concevable que ces Chefs d’Etats puissent s’engager dans un chantier d’une telle ampleur au vu de leur faible niveau de popularité dans leur pays respectif.
La précipitation imposée par ce délai irréaliste risque de bâcler la mise en place d’une monnaie unique au sein de la CEDEAO. Nous demandons donc solennellement à nos dirigeants de reporter ce projet ambitieux et salutaire et de proposer un calendrier qui permette d’associer les populations et la société civile aux débats nécessaires à la mise en application de l’Eco".
"LES CINQ QUALITÉS ESSENTIELLES D'UN JOURNALISTE..."
D’aucuns lui reprochent son renoncement au journalisme. Lui est d’avis que ces derniers ne devraient pas. Homme politique et journaliste ne riment pas bien. Allier les deux serait irresponsable, pense Abdou Latif Coulibaly
Les jeunes journalistes regrettent de ne plus le compter parmi leurs collègues. D’aucuns lui reprochent son renoncement à ce métier. Lui est d’avis que ces derniers ne devraient pas. Homme politique et journaliste ne riment pas bien. Allier les deux serait irresponsable, pense Abdou Latif Coulibaly. Brillant journaliste, il a su marquer diverses générations à travers ses écrits. Humble, il reste convaincu que ce ne sont pas ses opinions qui ont marqué les gens, ce sont plutôt les faits. C’est aux jeunes donc de prendre la relève et de faire ce qu’il faisait. Invité de Grand’Place de le week-end sur Enqête, il partage son expérience et se prononce sur l’actualité.
Comment êtes-vous arrivé dans le journalisme ?
Il ne serait pas exact de ma part de dire que je suis arrivé dans le journalisme par hasard. J’y suis arrivé après un long processus de maturation d’une vocation. Quand j’ai eu 7 ans, mon père était, dans notre village, l’un des premiers chefs de famille à acheter ce qu’on appelait un transistor. Il trônait sur le bahut, dans le salon, et il y avait des séances d’écoute collective. J’ai toujours été particulièrement fasciné par les moments où passaient les bulletins d’informations.
Je ne parlais nécessairement pas français. A l’époque, deux voix m’avaient marqué : celles de Clédor Diagne et d’Ousseynou Seck. Ils étaient chargés des bulletins d’information en wolof. A l’époque, il n’y avait pas de reportage en wolof. Donc, Clédor Diagne et Ousseynou Seck étaient chargés de traduire en wolof les conducteurs des éditions en français. Les écouter me passionnait. Quand je suis allé à l’école, j’ai commencé à comprendre certaines choses. Je n’ai jamais cessé d’écouter la radio. Paradoxalement, je n’ai pas eu envie d’être un professionnel de la radio, quand je suis arrivé à l’école de journalisme. Cela s’explique peut-être par mon cursus.
J’étais un jeune étudiant, maitrisard de droit, donc j’avais déjà commencé à réfléchir et à écrire. J’estimais que l’école de journalisme était pour moi le lieu privilégié pour apprendre à écrire un article de presse. Ce n’est pas parce qu’on a une maitrise quelque part qu’on sache forcément comment faire cela. Ce n’est pas évident. Le summum de mes envies, laquelle probablement faisait naître une vocation en moi, était le reportage sur le football. Je me rappelle de reportages de très grands reporters, en l’occurrence Alassane Ndiaye ‘’Allou’’, Pathé Fall Dièye et Magib Sène et, plus tard, quand j’étais au lycée, Abdoulaye Diaw et Issa Thiomby. Ce dernier était un reporter à Radio-Kaolack. J’allais au stade de Kaolack qui fut plus tard baptisé ‘’stade Lamine Guèye’’, pour voir les reporters dans la cabine. J’étais toujours curieux et regardais la cabine où ils étaient installés. Le seul fait de les voir était pour moi quelque chose d’extraordinaire.
Si la vocation est née chez vous assez tôt, pourquoi n’avez-vous pas fait le concours d’entrée au Cesti après le Bac ?
Vous savez, j’ai fait mon Bac au lycée de Kaolack. Les samedis, il y avait des procès à Kaolack. Il m’arrivait souvent d’aller au tribunal. Je garde toujours le souvenir d’un avocat dont les plaidoiries étaient tellement plaisantes pour moi. Il s’appelait Oumar Diop. Il avait été également affecté à Kaolack un jeune procureur très élégant dans le port, le verbe facile. Ce dernier s’appelait Djibril Camara. Il est plus tard devenu procureur général de la Cour suprême. Ce sont des choses qui ont fait qu’en ayant mon Bac, j’ai voulu aller à l’université pour faire droit. Je ne sais pas si c’est un concours de circonstances, mais mon grand frère était également à la faculté des Sciences juridiques. Quand il venait lors de ses vacances, il parlait de droit. Finalement, je crois que cela a été une bonne option pour moi. J’ai eu une maitrise en droit public, avec pour option Relations internationales. C’est après cela que j’ai fait le concours du Cesti.
Qu’est-ce qui vous a décidé à cet instant-là, sachant que vous vouliez devenir avocat et que vous pouviez tenter l’examen d’entrée au barreau ?
En moi était née quelque part une envie et une vocation de faire du journalisme. Si je n’étais journaliste et que j’avais réussi le concours d’entrée à l’Enam (Ndlr : Ecole nationale d’administration et de magistrature devenue Ena), je serais devenu diplomate. Si ce n’était pas cela, je serais devenu avocat. Ce sont les trois métiers qui m’ont vraiment passionné dans ma vie de jeune étudiant. Le seul concours que j’ai fait est celui d’entrée à l’école de journalisme, en janvier 1981. En octobre 1982, nous étions trois admis. Il y avait une consœur qui avait fait des études d’économie et qui avait par la suite travaillé au ‘’Soleil’’, Marie-Louise Benga.
Il y avait un autre qui n’a jamais fait du journalisme, il a passé deux semaines à l’école avant de la quitter. Il s’appelait Cheikh et avait réussi dans la boulangerie. Il faut savoir que l’année où on a fait la maitrise coïncide avec celle où l’Etat du Sénégal expérimentait le projet ‘’maitrisard-entrepreneur’’. Cheikh avait fait droit public comme moi et nous avions, ensemble, fait le concours, mais il était déjà chef d’entreprise grâce à ce projet. Je peux dire que moi, je suis entré dans la profession en 1982. J’ai terminé mon cursus deux ans après, soit en 1984, et je suis entré dans le métier. J’ai d’abord fait un stage extraordinaire de 6 mois à l’Agence de presse sénégalaise (Aps).
J’y avais trouvé d’excellents encadreurs dont Saliou Traoré, paix à son âme, Mamadou Amath et Ibrahima Bakhoum. J’y ai passé mes trois mois de vacances et mes encadreurs avaient beaucoup de sympathie pour moi. C’était une grande chance pour moi. Ils m’ont alors réadmis pour trois mois. J’alliais ainsi études et stage. Je ne regrette pas de l’avoir fait. L’agence de presse est extrêmement formatrice. Elle prépare le journaliste à donner de l’information. A l’agence, il n’y a ni commentaire ni opinion. On ne reste donc que sur les faits. Cela a été une formidable école pour moi. Je ne suis pas sûr que j’aurais pu être le journaliste que je suis devenu - si tant est que j’ai été un bon journaliste - si je n’avais pas fait l’agence. L’agence permet au journaliste de comprendre l’essentiel d’une information et surtout sa valeur. Pour cela, je dis merci à mes maîtres que j’ai toujours envie de citer.
Pourquoi la presse écrite et pas la radio ou la télévision ?
A l’école, quand il a fallu faire des options, je me rappelle que Martin Faye, qui était notre professeur de radio, m’avait suggéré de faire radio. Il l’avait dit et insistait comme d’ailleurs un autre de nos professeurs, Babacar Fall. Ce dernier nous avait en télévision. Mais j’étais très, très loin de ces deux supports là. Je venais de la faculté de Droit avec une maitrise. Donc, j’avais déjà beaucoup écrit. J’avais le sentiment d’avoir été fait pour la presse écrite.
Il y avait également des devanciers qui m’avaient beaucoup impressionné dont Ibrahima Fall, Ndiaga Sylla, Sidy Gaye que je connaissais à travers les médias. Il y avait mon cousin Cherif El Valid Sèye, Abdallah Faye ; nous venions du même patelin. J’avais fait presse écrite et Chérif ne m’avait pas lâché. On a été ensemble au ‘’Soleil’’. Il y avait donc plusieurs facteurs qui m’ont conforté dans mon option. J’avais raison de la faire. Je me suis beaucoup épanoui dans la presse écrite. Mais j’ai vraiment appris la presse écrite dans le groupe Sud Communication. J’y ai eu des maîtres extraordinaires que je ne cesserai jamais de citer, particulièrement Babacar Touré, Abdoulaye Ndiaga Sylla, encore Ibrahima Bakhoum, Ibrahima Fall, Sidy Gaye. C’était une bande extraordinaire.
J’ai participé à la création de Sud. Babacar Sine était le directeur du Cesti à l’époque et avait beaucoup de sympathie pour moi. Il a pensé que je pouvais faire des études doctorales. Il avait choisi quelques personnes pour leur donner des bourses. Il s’agit de Momar Seyni Ndiaye, paix à son âme, Mamadou Koumé, Cheikh Tidiane Gadio et moi-même. Les deux premiers étaient en France, Cheikh Tidiane Gadio aux Usa et moi au Canada. Nous bénéficiions de bourses acquises par Babacar Sine. Après ma thèse de doctorat, je suis revenu parce que les Canadiens avaient déjà programmé la relève des assistants techniques au Cesti. J’étais embauché au Cesti en 1989 comme vacataire, en entendant de soutenir ma thèse. Après ma soutenance, je suis revenu et je suis resté au Cesti pendant 8 ans en tant qu’assistant, puis maître-assistant. J’ai démissionné après. Je suis parti au groupe Sud où j’ai dirigé le département de développement entrepreneurial.
C’est là où était conçu le projet Sud Fm. J’y ai pris une grande part sous la direction de Babacar Touré. Le projet de l’école a suivi. J’y ai pris part. Entre-temps, on a fait un gros projet de télévision. On voulait l’ouvrir à Dakar, mais on n’avait pas la licence. C’était en 1997. On l’avait finalement ouvert en France. Elle a marché pendant un an. Il y a eu après l’alternance et il nous était promis une licence. On a attendu en vain pour des raisons que j’ai suffisamment expliquées dans mon livre ‘’Une alternance piégée, un opposant au pouvoir’’. Il était sans nul doute écrit quelque part que Sud ne ferait pas fonctionner une télévision de 2000 à maintenant. Beaucoup de gens se demandent pourquoi on ne l’a pas fait. Je me dis que c’est dû à un concours de circonstances et la volonté de Dieu n’y était pas. J’ai exercé ma profession pendant presque 30 ans. Ce métier m’a tout donné.
Avez-vous un regret, un souhait que vous auriez voulu accomplir en tant que journaliste et qui ne l’a pas été ?
Oui, j’ai un regret, celui de n’avoir pas produit un manuel sur la pratique journalistique, comme l’ont fait beaucoup d’enseignants journalistes qui ont eu la chance d’avoir exercé à l’université ou dans des écoles supérieures. Je pense que le Sénégal a eu beaucoup de grands journalistes en radio, en télévision et en presse écrite, des années 1960 jusqu’à maintenant. Malheureusement, je pense que les autres comme moi avons failli à un devoir. Nous n’avons pas écrit. J’ai publié énormément d’articles, professer un peu partout le journalisme, mais je n’ai malheureusement pas écrit. J’espère que les jeunes vont combler ce vide. Il est toujours important de parler de son expérience de journaliste. Cela peut toujours servir. N’avoir pas produit de manuel est un de mes plus grands regrets, d’autant plus que j’ai écrit beaucoup de bouquins.
Aujourd’hui, le regret de la jeune garde est que vous ayez renoncé à ce métier. Certains, à la limite, vous en veulent.
Ils ont tort. La loi, dans le secteur privé, prévoit la retraite à 55 ans. Si j’étais dans un secteur privé, j’aurais pu prendre ma retraite et partir. J’ai quitté le journalisme à l’âge de 57 ans. Quand je partais, j’étais le seul de ma génération qui était encore dans une rédaction. Même les générations venues après moi n’étaient plus dans les rédactions. Je ne sais pas pourquoi les gens pensent que des journalistes, qui étaient sans aucun doute plus brillants que moi et qui avaient choisi de devenir conseillers quelque part ou d’être encartés dans des directions, avaient ce droit là et moi non.
On ne leur en a pas voulu. Je ne sais donc pas pourquoi moi qui ai quitté à 57 ans, presque 58 ans, on me fait le reproche. Je ne comprends pas. Je me dis qu’ils le font peut-être parce que je suis à la lumière du jour, je suis ministre. Je suis tenté de croire que les Sénégalais sont convaincus que le journaliste ne peut être que dans un rôle subalterne et qu’il n’a pas droit à entrer dans un gouvernement et y exercer. Cela est un grand complexe pour moi. Il y a un journaliste qui écrit pour dire ‘’les hommes de communication de Macky Sall’’. Le journaliste ne fait pas dans la communication. Il fait de l’information. Un journaliste n’est pas nécessairement apte à gérer un service de communication. On écrit ces choses-là pour nous flinguer. A la limite, on nous reproche d’avoir fait de la politique. J’ai écrit des articles quand j’étais journaliste. J’ai fait une école de journalisme et quand je suis sorti, j’ai fait mon travail. Si, après mon départ, on en parle autant, c’est peut-être parce que j’ai laissé une place qui n’est pas occupée aujourd’hui.
N’est-ce pas parce que les grands, les doyens, ont déserté les rédactions que les jeunes ne sont pas aussi bien encadrés qu’auparavant ?
J’ai été recruté à l’université en 1991. J’ai continué mon cursus pour d’autres diplômes. J’aurais pu rester à l’université. Je ne suis pas nécessairement plus idiot que ceux qui sont devenus professeurs d’université après leur doctorat. Tel que je me suis engagé en journalisme, dans l’écriture d’enquêtes et autres, j’aurais pu le faire avec un peu d’organisation pour devenir professeur titulaire aujourd’hui. J’ai choisi de démissionner, de partir faire autre chose. J’ai tout le temps suivi mon instinct, ma volonté et ma liberté. Quand j’ai quitté le Cesti, on ne m’en a pas fait le reproche. J’étais pourtant titulaire de l’enseignement de la presse écrite en 3e année avec Mamadou Koumé. J’étais chargé de tout ce qui est production de textes d’informations majeures donc l’enquête et le reportage.
Je l’ai enseigné pendant 15 ans. J’ai donné ma part. Mais aujourd’hui, certains vont même jusqu’à me reprocher mes livres en comparaison avec ce que je fais aujourd’hui. Je leur dit non. Il y avait des journalistes qui étaient en même temps responsables politiques. Je ne l’ai jamais été. Il y avait des journalistes qui n’avaient peut-être pas de carte de militant quelque part, mais qui étaient de la Ld, d’Aj, du Rnd, du Ps, etc. Moi, je n’en étais jamais un. J’ai été un journaliste pur et dur, sans appartenance politique. Je n’ai jamais fait de confusion.
Quand j’ai fait l’option politique, j’ai définitivement quitté le journalisme. Il ne faut pas qu’on s’attende à ce que moi, Latif Coulibaly, que je sois dans un gouvernement et continue d’être un journaliste. Ce serait irresponsable de ma part. Soit on respecte l’option dans laquelle on est, soit on ne se respecte pas. Je ne vais pas le faire. J’ai une conception du journalisme qui ne souffre pas d’équivoque. Un journaliste, c’est quelqu’un qui est dans une salle de rédaction de manière permanente ou occasionnelle. L’essentiel, c’est juste qu’il gagne la majeure partie de ses revenus dans l’exercice de ce métier. C’est ce que dit la loi sénégalaise. Je ne peux pas être et journaliste et autre chose.
J’ai été strictement journaliste. Aujourd’hui, je ne le suis plus. Les gens s’imaginent parfois qu’appartenir à un gouvernement est nécessairement être un renégat. Il y a des hommes politiques, dans ce pays, dont personne ne doute de leur patriotisme, qui sont d’authentiques communistes et qui ont beaucoup contribué à l’avènement de la démocratie dans notre pays. Il y a parmi eux Amath Dansokho. Il a été dans le gouvernement d’Abdou Diouf, d’Abdoulaye Wade et de Macky Sall. Il y a également Abdoulaye Bathily qui a été dans le gouvernement de Diouf, de Wade et de Macky Sall.
Est-ce que pour autant ceux qui n’ont été dans aucun gouvernement peuvent dire qu’ils sont plus patriotes que ces gens ? Je ne le crois pas. Je me dis même que personne n’a contribué plus qu’eux à l’avènement et la consolidation de la démocratie dans ce pays. Servir à un moment dans un gouvernement ou ne pas le faire n’empêche pas d’être un authentique patriote. Les gens ont une lecture biaisée des choses. Si j’ai du respect pour des hommes politiques dans ce pays, c’est pour ces deux personnes là.
Maguette Thiam ou encore Sémou Pathé Guèye, d’authentiques patriotes. A chaque étape de la vie d’une nation, il y a des situations politiques dans lesquelles des gens peuvent apporter leur concours dans la limite de leurs moyens, sans pour autant être des renégats ou autres.
A votre avis, quelles sont les qualités que doit avoir un journaliste ?
Pour moi, sans aucune prétention, il y a 5 qualités qu’un journaliste doit nécessairement avoir. Il doit avoir la capacité de marquer une distance. Cela lui permet de garder sa capacité d’organiser son doute professionnel raisonnable. Face à toute information, un journaliste doit faire preuve d’un doute raisonnable. Il doit avoir de l’empathie. Cela lui permettra de considérer l’être sur lequel il dit des choses à la même dignité que lui ainsi que ses parents, amis et proches. Un journaliste doit être capable de logique.
Sans cela, on ne peut rien faire de cohérent. Il faut la pousser jusqu’à la logique dialectique. Cela permet au journaliste de relativiser fondamentalement les choses et savoir que rien n’est absolu. Quelqu’un peut même avoir détourné des deniers publics, mais il ne peut y avoir quelque chose d’absolu dans le jugement qu’on porte contre lui. C’est la raison pour laquelle, c’est fondamental, que la loi prévoit des circonstances atténuantes ou justificatives de certains délits et crimes. Un journaliste doit avoir de la culture générale. Un journaliste sans cela, je ne peux pas le nommer. La cinquième qualité, et qui est la plus essentielle pour moi, est l’humilité. J’avais un professeur au Canada, là où j’ai fait mes premiers pas de journaliste d’investigation, qui nous disait qu’après la parution d’un article, quand deux cents personnes applaudissent, restez humbles pour comprendre qu’il y en a trois mille à côté qui ne sont pas d’accord.
De la même manière, si les gens vous attaquent parce que vous avez écrit un papier, sachez qu’il y a plusieurs autres qui sont avec vous. Sachez donc que vous n’aurez jamais l’unanimité. Comprenez qu’ils ont le droit de vous attaquer ou de vous acclamer, mais soyez honnêtes tout le temps quand vous écrivez. Restez humbles. Dès qu’un journaliste finit d’écrire, il faut voir si vous trouvez ces cinq qualités. Il y avait quelqu’un que j’ai formé et qui m’était très proche. Un jour, il a écrit un papier et en corrigeant, j’ai enlevé le nom de la personne et j’ai mis celui de son père. On avait des relations qui me le permettaient. Je lui ai renvoyé le papier et après lecture, il est venu me voir. Je lui ai dit qu’il faut qu’il comprenne que la personne dont il parle dans son papier a de la famille. Je lui ai dit que la réaction de cette dernière serait pareille à la sienne. Je lui expliqué qu’il y avait des mots dont il n’avait pas besoin. Aujourd’hui, relis-t-on les papiers ? Je ne sais pas. Je n’ai pas envie de porter un jugement de valeur sur ce qui se fait.
Ce manque de rigueur dans la correction ne serait-elle pas liée au fait qu’il n’y a plus de doyens dans les rédactions ?
Non, ceux qui doivent faire ce travail sont les directeurs de publication, les rédacteurs en chef, les secrétaires de rédaction qui sont des professionnels confirmés, et les chefs de desk. Il n’y a presque plus de secrétaire de rédaction. Après, ce que vous appelez les doyens dans une rédaction, ce sont les responsables que je viens de citer. Ceux qui sont dans le métier et à des postes de responsabilité sont les doyens. Ils doivent l’être du point de vue de la pratique professionnelle, de maitrise du métier. On peut en discuter. Je suppose que ceux qui sont directeurs de publication, chefs de desk ne le sont pas que de nom. Moi, Latif, je ne compte pas le nombre de fois où j’ai ramassé mon papier au fond de la poubelle. Mes encadreurs les plus gentils dont Abdoulaye Ndiaga Sylla qui était plus qu’avenant, quand je venais, il essayait de m’expliquer les problèmes dans mes papiers. D’autres me disaient cru les choses. A la limite, on en est blessé. C’est cela qu’il faut.
Comment, de manière générale, appréciez-vous le niveau de la presse ?
Il ne faut pas verser dans cette forme d’angélisme du passé en se disant que ce qui se faisait avant était bien meilleur. La pratique reflète l’époque. On ne peut pas le nier. Je suis quand même sûr qu’on peut mieux faire. On ne peut se perdre dans une comparaison. Ce qu’on faisait, le fait-on aujourd’hui ? Certainement non. Quand on regarde la télévision, il y a deux confusions majeures qui sont faites. On ne peut plus distinguer les ‘’talk-show’’.
On ne peut plus comprendre ce qu’est un sitcom, un magazine à vocation d’informations ou les entertainments c’est-à-dire les jeux. Tous les gens qui interviennent à la télévision sont des éditorialistes. Parfois, on discute d’un sujet et au préalable l’on ne voit même pas l’information. Il faut aller la chercher, alors qu’un magazine d’informations a des règles. On m’a une fois invité sur une chaine de télévision. Je venais de publier un livre que le journaliste qui m’interrogeait n’a pas lu. Avant, je voyais Sada Kâne ou Makhili Gassama, qui faisaient des émissions sur le livre, mais ils les lisaient. Les gens vous invitent pour vous parler de vos écrits passés. Aujourd’hui, il y a des gens qui partent d’une information non fondée pour expliquer des choses. Quelqu’un m’a appelé, un jour, pour me demander de réagir sur les ‘’révélations’’ d’untel. Or, ce n’était pas une révélation, mais une affirmation ou affabulation. Rien n’était avéré dans ce que M. X avait dit. Les réseaux sociaux aidant, les choses sont devenues plus catastrophiques. Quand on faisait le journalisme, on nous critiquait. Acceptons les critiques et avançons.
Vous êtes le porte-parole de la présidence de la République et Seydou Guèye le chargé de la communication. N’y a-t-il pas un flou entre les deux postes ?
Non, moi, je suis porte-parole de la présidence. Quand il y a quelque chose, le président m’appelle et me dit sa position ou on la définit ensemble. Je les relaie sur ses instructions. Par contre, Seydou Guèye gère les médias et travaillent sur la communication du président de la République. Je suis une partie de ce qu’il fait. Même dans les institutions ou organisations, il y a un porte-parole et un chargé de communication. Il faut le comprendre comme ça. Il n’y a aucun flou. Aujourd’hui, il y a une telle corruption des mots que les choses ne signifient plus ce qu’ils signifiaient. On a l’impression que les expressions originelles, telles qu’elles ont été formulées, ne signifient plus la même chose. C’est un problème.
En tant que membre du staff de communication du président, que répondez-vous à ceux qui lui reprochent de ne pas avoir une communication claire, depuis qu’il est arrivé au pouvoir ?
Ce n’est pas juste. Le gouvernement du Sénégal est l’un des rares au monde avec une réunion institutionnelle rigoureusement établie. Il n’y a jamais une faillite. Cette réunion est prévue dans la Constitution. Tous les mercredis, le gouvernement dit aux Sénégalais ce qu’il a fait et ce qu’il compte faire. Il y a un service public de l’information, tant du point de vue des médias électroniques, radios ou le quotidien ‘’Le Soleil’’ qui donnent systématiquement les positions du gouvernement, les politiques, etc. Même les journaux, télévisions et radios privés comme le vôtre, exposent tous les jours les positions du gouvernement.
En revanche, au fond, la première responsabilité d’un gouvernement est de donner l’information et non pas de faire de la communication. D’ailleurs, dans certaines démocraties, il est reproché aux gouvernements de faire de la communication. Cette dernière est considérée comme de la cosmétique dans certaines démocraties avancées. C’est l’information qui est fondamentale. Le communiqué du Conseil des ministres est une mine d’informations sur l’action du gouvernement. Cette façon de créer une dynamique certaine, de donner une adhésion aux actions du gouvernement n’est pas toujours à la hauteur de ce que cela aurait dû être. Ce n’est pas spécifique à celui du Sénégal. Dans tous les pays où les médias sont actifs, ces difficultés se posent.
Car, dès que le gouvernement parle, il y a une suspicion quelque part. Il y a un complexe qui est très développé chez nous. C’est celui de l’opposition. (Il sourit) Moi-même j’en étais victime. Ce n’est même pas un complexe, mais c’est une complicité. On verra rarement un journaliste sénégalais critiquer l’opposition, à moins que cela soit flagrant. On verra rarement un journaliste sénégalais aller chercher la position contradictoire par rapport à la déclaration d’un leader politique de l’opposition. Si vous lisez mon ouvrage sur Me Sèye, je ne sais pas si ce sont des pages de contrition, mais ce sont des pages d’aveux sur comment nous les journalistes sénégalais avions traité l’affaire Me Sèye. Le dernier évènement qui s’est passé chez nous, l’affaire des fers avec la Turquie. C’était très facile pour un journaliste de vérifier l’information. Le gouvernement n’avait même pas besoin de faire une sortie. La presse aurait pu se procurer le contrat. Certains l’ont d’ailleurs fait. C’est simple. Il m’est arrivé, un jour, de faire un papier extrêmement critique sur la Ld. Abdoulaye Bathily est mon ami et il m’avait après invité à un diner.
Quand je suis arrivé, j’y ai trouvé des membres du parti et du Bureau politique. Quand je les ai salués, je me suis rendu compte que certains avec qui j’avais un commerce très agréable, m’ont à peine répondu. J’ai alors compris que l’opposition prenait les journalistes pour des acquis. Cela est né d’une histoire parce que le pouvoir politique, à l’époque, prenait les journalistes de la presse privée comme des opposants patentés. Il les avait nommés d’ailleurs ‘’une certaine presse’’. Je me rappelle d’un discours très violent d’Abdou Diouf sur une certaine presse. Il y avait comme une sorte d’alliance objective entre l’opposition et la presse. L’opposition cherchait à accéder aux media, on leur offrait les colonnes des pages. Les journalistes voulaient accéder aux autorités pour avoir l’information, ils n’avaient pas d’affinités avec ceux qui devaient leur donner l’information. Donc, ils étaient ostracisés. Cela fait partie de mes autocritiques.
Les choses ont changé aujourd’hui. La preuve, je suis porte-parole de la présidence et je suis avec vous. Le pouvoir vient vers vous maintenant.
Aujourd’hui, quand même, on reproche au président de ne parler qu’aux médias étrangers…
Dans certaines démocraties avancées, les hommes politiques partagent une doctrine qui me semble logique et cohérente. Ceux-ci ont, d’un commun accord, majorité comme opposition, décidé de ne jamais évoquer à l’extérieur de leurs frontières nationales des questions prégnantes dans le débat national, surtout quand elles sont polémiques ou très sensible. Cette règle traduit une certaine sagesse démocratique. Maintenant, on peut considérer qu’elle n’est pas absolue, cette règle. Il peut arriver, comme c’est souvent le cas chez nous en Afrique, que des chefs d’Etat en viennent, quand ils sont en visite à l’étranger, à évoquer, devant des journalistes, des sujets domestiques ayant ou susceptibles d’avoir des prolongements à l’extérieur.
Il faut savoir relativiser. Concernant notre pays, il faut d’abord noter que la communication de l’Etat n’est pas faite dans sa totalité par le président de la République. Il en assure, dans certaines circonstances, sa part. Le cas échéant, il intervient sur des sujets exceptionnels. C’était le cas quand, dernièrement à Paris, il s’est prononcé à l’étranger sur la grâce de l’ancien maire de Dakar. Pour moi, ç’aurait été peut-être plus heureux d’éviter parfois les sujets domestiques trop polémiques dans des interviews express, comme celles que les journalistes arrachent parfois dans des conférences internationales aux dirigeants d’Etat.
Cela dit, je ne crois pas qu’il y ait une règle immuable qui puisse interdire à un chef d’Etat de se prononcer une question d’intérêt national, parce qu’il est à l’étranger. Si nous tenons à en faire une règle, il faut que tout le monde soit concerné, majorité et opposition qui ne se prive pas pour aller porter le débat national à l’étranger et sur des questions domestiques très sensibles. En parlant de ces questions en interne, on produit plus d’impact dans notre opinion nationale. C’est mon opinion. Si cela se fait sur Rfm, Sud Fm ou Radio-Sénégal et ailleurs, les Sénégalais qui sont concernés seraient les premiers à être informés. Et tant mieux ! Cela n’a pas toujours été le cas au Sénégal. C’est une pratique courante chez nous en Afrique, depuis l’aube des indépendances. Le Sénégal n’a jamais fait exception à cette règle. Et cela laisse parfois, quelque part, le sentiment qu’on parle d’abord aux autres avant de s’adresser à son peuple.
En tout état de cause, je me suis toujours questionné sur une telle pratique. Hier, exerçant comme journaliste, je ne trouvais pas cela très pertinent. Je n’ai pas changé d’avis, aujourd’hui. Ce sont des pratiques qui existent. Mais cela ne signifie nullement que nos chefs d’Etat parlent d’abord aux autres avant de s’adresser à leurs peuples. Pour certaines déclarations qui ont pu être faites et qui ont été par la suite critiquées, elles n’ont pas été délivrées avec l’intention nourrie de parler aux autres d’abord. Elles procèdent souvent de concours de circonstances particulières.
Comment expliquer aux Sénégalais qu’il y avait, au départ, une intention de faire cette déclaration à Paris ?
Pour cette déclaration, j’étais tranquillement ici à Dakar, quand un des journalistes de la station (Rfi) m’a appelé pour me dire qu’il veut interviewer le président. Je lui ai répondu que le président était à Biarritz, qu’il lui plaise d’entrer en contact avec le ministre Seydou Guèye qui pourrait étudier avec lui la possibilité de réaliser cette interview sollicitée. C’est vous dire que cette interview du président avec Rfi n’était pas préparée à l’avance pour servir de support, en vue de faire une déclaration sur une question domestique. Ce n’était donc pas quelque chose de planifié, préparé, voulu et organisé.
Vous avez été ministre de la Culture. Que pensez-vous du débat soulevé actuellement sur une partie de l’histoire du Sénégal ?
Je trouve l’attitude d’Iba Der Thiam, qui a présenté ses excuses et promis de changer les choses, extraordinaire. C’est celle d’un intellectuel, d’un scientifique. Un scientifique n’est jamais absolu dans ce qu’il dit ou fait. Il est toujours relatif. C’est comme cela que la science avance. Son attitude ne me surprend guère. On parle de 5 volumes. Maintenant, que deux ou trois faits puissent être contestés, je le comprends, c’est cela le propre de la science sociale. L’écriture de l’histoire est toujours sujette à des discussions, voire à des fortes polémiques. C’est pour cela que les historiens prennent toutes les précautions nécessaires.
Il n’empêche, il peut arriver que sur une question précise, qu’il puisse y a voir des interprétations différentes dans la relation des faits. Dans les publications scientifiques, il arrive qu’on note des mentions erratum ou errata. Cela peut porter sur une question de fond ou de forme. L’histoire n’est pas figée. Elle n’est pas non plus, je crois, une connaissance mathématique. Sa vocation, c’est d’assurer une transmission à travers les âges. C’est d’autant plus problématique au Sénégal que les sources ne sont rarement pas des documents écrits au départ. Chaque transmission est une interprétation précise d’un fait. Professeur Iba Der Thiam est un brillant scientifique. Il a fait ce qu’il avait à faire, en rectifiant ce qui devait l’être. Je crois qu’on pourrait peut-être clore le débat ici.
Il n’est pas clos, puisqu’il est prévu une marche et d’aucuns demandent le départ du Pr. Iba Der Thiam.
Les gens ont le droit de manifester. Si on manifeste pour ce qui a été écrit par erreur et rectifié ensuite, c’est un droit pour ceux qui manifestent, mais il me semble que la question est réglée. Maintenant, si on manifeste parce qu’on n’a jamais été d’accord que le professeur Iba Der Thiam dirige la commission, ça c’est une autre chose. Dans tous les cas, Iba Der a toutes les qualités pour diriger cette commission. N’oublions pas qu’il a fait partie du comité international de rédaction mis en place par l’Unesco sur l’’’Histoire générale de l’Afrique’’. Iba Der Thiam est une fierté scientifique pour le pays.
Qu’est-ce qui vous le plus marqué dans votre passage au ministère de la Culture ?
Tout m’a marqué à la Culture. J’étais à une position privilégiée permettant d’observer le processus de création et de fabrication d’une esthétique nationale qui n’a pas démarré aujourd’hui, mais en 1960 avec des symboles marquants comme l’école de Dakar, les Tapisseries de Thiès, Mudra Afrique, etc. Elles ont été créées par Léopold Sédar Senghor. Il y a eu une continuité, même si on a pu noter un fléchissement marquant, quand Senghor a quitté le pouvoir. Abdoulaye Wade a relancé la machine et Macky Sall a repris la balle au bond avec le Musée des civilisations noires. Il y a une volonté et une politique d’Etat, officielle, de recenser et d’organiser le patrimoine matériel et immatériel du Sénégal, en vue de le mettre à la disposition de l’humanité. Comme disait Senghor, c’est la part du Sénégal au banquet de l’universel. Il y a des acquis qu’il faut non seulement préserver, mais également fructifier. L’Etat est l’acteur principal, dans ce domaine. J’ai bon espoir que cela se fera. Dans cette volonté, figure l’annonce de la mise en place de la Maison de la cinématographie à Dakar, la construction du Mémorial de Gorée, tout ce qui contribuera à la confirmation de l’identité sénégalaise.
Et alors, ce débat autour du voile à l’Institution Sainte Jeanne d’Arc ?
Ceux qui ont lancé ce débat ont peut-être raison de le faire. Le sujet est cependant délicat. La question, si délicate soit-elle, peut être sereinement abordée, en ayant toujours en vue les réalités internes avec lesquelles il faut compter. Les discussions n’échappent pas forcément à des connotations idéologiques. Je pense qu’il n’est pas toujours utile, même si on n’y échappe pas, d’importer d’ailleurs des débats fortement idéologiques chez nous.
Il en est sans aucun doute ainsi avec ce débat ouvert sur la liberté pour chacun de choisir son orientation sexuelle. On est en plein dedans. Mais est-il toujours utile de déplacer ces débats de société fortement idéologiques chez nous et qu’ils prennent autant de place ? Je ne peux pas répondre à la question. Il nous faut faire attention, quel que soit le bord où on se situe. Il faut avoir le courage de dire qu’il y a une dimension fortement confessionnelle dans ce débat. Placer la question sous l’angle du droit ou d’un texte réglementaire risque de réduire le la portée du débat et se méprendre sur son sens. Cela va au-delà de cette question juridique et la dépasse totalement. Je comprends d’ailleurs cette réserve observée par certaines autorités religieuses, à la fois du côté chrétien et musulman.
Parlons maintenant de vos lectures. Y a-t-il un livre qui vous a particulièrement marqué ?
J’ai beaucoup lu. ‘’Une si longue lettre’’ de Mariama Bâ m’a parlé. Je n’ai jamais vécu dans une famille polygame. Mon père était un marabout, mais dans notre maison, il n’y avait que ma mère. Cela va au-delà d’une simple question de polygamie. Ce livre questionne fondamentalement notre société. ‘’L’alchimiste’’ de Paulo Coelho m’a beaucoup parlé. Peut-être que c’est mon origine. Tous les romans du XIXe siècle en France et au Sénégal m’ont marqué. Les romans post indépendance, comme ‘’L’aventure ambiguë’’, ‘’Nini, mulâtresse du Sénégal’’, ‘’La grève des battu’’, ‘’Amkoulel, l’enfant peulh’’, m’ont beaucoup marqué. Quand j’ai lu ‘’L’aventure ambiguë’’ pour la première fois, je ne l’ai pas compris. C’est plus tard que je l’ai compris. J’adore les livres politiques et les biographies.
Il y a un livre-interview d’Assane II et d’un journaliste français. Quand ce dernier lui parle de la corruption à Casa, il lui rétorque que lui, ce qui l’inquiète, c’est la petite corruption dans les communes et qui empêche le citoyen ordinaire, qui n’a aucun lien, ni relation ailleurs, de bénéficier de son certificat de naissance, de disposer d’un lopin de terre qui devait lui être attribué. J’en parle parce que j’ai constaté dans des villages, des communes dont la mienne, des systèmes d’attribution de terrains où des autorités administratives et de hauts fonctionnaires disposent des terrains. Parfois, on parle de très grand livre à cause de l’histoire qui y est évoquée, mais parfois il y a des livres sur lesquels on tombe et qui sont d’une sensibilité, d’une importance particulière dans la vie de nos sociétés. C’est le livre de Mariama Ba.
Parlant de lecture, je dirais que tous les livres sont utiles.
Aujourd’hui, ceux qui me reprochent d’être parti, ce ne sont pas mes opinions, mais les faits. Je me dis que si on me reproche de n’avoir pas continué le métier de journalisme, c’est parce que je l’ai bien fait. Les opinions exprimées sont éphémères. Mais les faits, on s’en souvient. On me reproche de ne pas écrire ce que nous avons fait comme mal gouvernance. Je réponds toujours que si on en a fait, c’est aux journalistes de faire leur travail d’investigation.
Enquêtiez-vous vraiment à l’époque ou on vous donnait juste des documents à exploiter ?
J’ai entendu ce débat-là ; il est ridicule. Le journaliste, quand il écrit, il a au moins besoin des documents, ne serait-ce que pour se protéger juridiquement. Maintenant, si vous n’êtes pas dépositaire ou détenteur de ce document, il faut bien que quelqu’un vous le livre. C’est même débile de sortir un tel raisonnement. Un document est une dynamique d’ensemble et ne peut pas argumenter un livre. Quand j’écrivais mon livre sur Me Sèye, je suis parti en Gambie deux fois. J’y ai passé à chacun de mes voyages 15 jours. J’y suis allé pour rencontrer un barman qui avait accueilli les assassins qui y étaient pour acheter un véhicule. Je prenais les ‘’taxis-brousses’’ avec le barman pour repartir dans toutes les zones où les assassins étaient passés. Un document peut faire un article, mais pas un livre. Encore qu’on ne donne pas un document à quelqu’un en qui on n’a pas confiance.
Quels sont les films qui vous ont marqué dans votre jeunesse ?
J’aimais les films cow-boys. Il y a deux films qui m’ont marqué, quand j’étais jeune. Il y a ‘’Elga’’ qui était un film où on montrait le processus nu d’accouchement d’une femme. On était au lycée à l’époque, mais on entendait à peine parler de grossesse. C’était la première fois qu’on découvrait cela. Cela nous marquait à la fois positivement et négativement. L’autre, c’est ‘’Les oiseaux vont mourir au Pérou’’. C’était un film à la limite de la pornographie et de l’érotisme. Il passionnait beaucoup les jeunes. L’autre film est de Jean-Louis Trintignant, ‘’Il pleut sur Santiago’’ et il parlait de la révolution chilienne. C’était extraordinaire.
LA POLICE SÉNÉGALAISE EST-ELLE 4È EN TERMES DE PERFORMANCES SUR LE CONTINENT ?
« Le Sénégal a la 4ème meilleure police d’Afrique », écrit le site d’informations Seneweb, dans un article daté du 12 septembre 2019 - Est-ce exact ? Africa Check a interrogé les chiffres
Africa Check |
Valdez Onanina |
Publication 17/09/2019
« Le Sénégal a la 4ème meilleure police d’Afrique », écrit le site d’informations Seneweb, dans un article daté du 12 septembre 2019.
« La police sénégalaise est classée 4eme meilleure police d’Afrique en termes de performance. Notre pays se positionne derrière le Botswana, le Rwanda et l’Algérie, informe le Bureau des relations publiques de ce corps de sécurité », précise Seneweb qui indique que « ce classement, qui concerne 30 pays, vient d’être établi par l’indice national de la sécurité intérieure, d’après la même source ».
D’autres médias comme Senenews et Vibe Radio ont publié la même information.
« Le classement date de 2017 »
« L’information date de 2017. Nous l’avons juste remise en valeur sur notre page Facebook », a réagi l’adjudant Moustapha Ba, du Bureau des relations publiques de la police nationale du Sénégal, contacté par Africa Check.
En effet, sur sa page Facebook, le Bureau des relations publiques de la police sénégalaise publiait cette information le 12 septembre 2019, précisant : « Meilleure police d’Afrique (2017) ».
« Indice national de la sécurité intérieure » ?
Africa Check n’a pas trouvé des documents relatifs à l’« indice national de la sécurité intérieure » mentionné par la police sénégalaise dans sa publication sur Facebook.
Nous avons demandé au Bureau des relations publiques de la police nationale du Sénégal des précisions à ce sujet mais nous n’avons toujours pas obtenu de réponse. Cet article va être actualisé si la police sénégalaise réagit.
Indice mondial de la sécurité intérieure et de la police
L’indice mondial de la sécurité intérieure et de la police ne devrait pas être perçu comme une mesure du niveau de « sécurité interne » dans les pays, est-il souligné à la page 6 du document. Mais il mesure précisément, à travers 16 indicateurs, la capacité de la police et d’autres services de sécurité à répondre aux questions de sécurité interne dans 127 pays.
Les 16 indicateurs portent sur 4 domaines qui sont : la capacité, les procédures, la légitimité et les résultats. Parmi les indicateurs, on trouve la perception de la sécurité publique, la corruption, entre autres.
Le Sénégal à l’indice mondial de la sécurité intérieure et de la police
Sur 127 pays figurant dans ce classement, le Sénégal arrive à la 68e place.
Seuls 29 pays africains sont présents dans ce classement et le Sénégal est le 4e à y figurer par ordre de performance, après le Botswana (47e), le Rwanda (50e) et l’Algérie (58e).
Fonteh Akum, chercheur à l’Institut d’Etudes de sécurité (ISS), a indiqué à Africa Check ne pas connaître un classement « sérieux » sur la performance des polices mis à part l’indice mondial de la sécurité intérieure et de la police.
« Il y a d’autres classements sur Internet qui ne sont toutefois pas fiables », a répondu l’expert.
Conclusion : l’information est trompeuse
Plusieurs médias sénégalais ont relayé, en septembre 2019, que « le Sénégal a la 4ème meilleure police d’Afrique », citant le Bureau des relations publiques de la police nationale du Sénégal.
Une publication faite sur Facebook par cette entité de la police sénégalaise indique, en effet, que le Sénégal possède la quatrième meilleure police d’Afrique, mais précise que ce classement date de 2017 et est tiré de l’« indice national de la sécurité intérieure ».
Au cours de nos recherches, nous n’avons pas trouvé l’indice auquel se réfère le Bureau des relations publiques de la police nationale du Sénégal.
Toutefois, le Sénégal est bien le quatrième pays africain, en termes de performance, à figurer à l’indice mondial de la sécurité intérieure et de la police, établi en 2016.
Par conséquent, nous estimons trompeuse cette information relayée par certains médias.
"MANDELA A ÉCHOUÉ, LE FCFA N'A PAS D'AVENIR ET JE NE CROIS PAS À L'ÉCO EN 2020"
L’économiste Chérif Salif Sy que d’aucuns présentent comme l’héritier de Samir Amin, s’est prêté au jeu des questions-réponses avec Financial Afrik - ENTRETIEN
Financial Afrik |
Ibrahima jr Dia |
Publication 17/09/2019
Ancien Conseiller Technique du Président de la république du Sénégal, chargé des questions économiques, avec rang de Ministre, secrétaire général de l’Association des Chercheurs Sénégalais (ACS), secrétaire général de l’Association Sénégalaise des Économistes (ASE), membre du CODESRIA et directeur du Forum du Tiers-Monde, Chérif Salif Sy est formel : «ce sont les chefs d’états de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, eux -même qui ont décrété en 1983 , que le FCFA n’avait pas d’avenir ». Invité par le MEDES (Mouvement des entreprises du Sénégal) à débattre de la question, le 12 septembre, en marge de la 19ème session annuelle de l’organisation patronale, l’enseignant et chercheur a également émis des réserves quant à l’entrée en vigueur de la monnaie unique, l’Eco, dès 2020. Celui que d’aucuns présentent comme l’héritier de Samir Amin s’est prêté au jeu des questions-réponses avec Financial Afrik.
M. Sy, quel regard, l’économiste que vous êtes porte-t-il sur le rejet des migrants africains par les sud-africains ?
Je crois que le problème de l’Afrique du Sud est un problème très complexe. Il y a une insuffisance de l’éducation relativement à la prise en main de cette population jeune après 1994. Les séquelles liées à l’Apartheid sont encore vives. De plus, il y a une incapacité manifeste de l’économie du pays, comme du reste, la plupart des économies du monde, à donner du travail à sa jeunesse.
On peut considérer qu’il y a un échec relatif, en tout cas sur ces questions. Il faut aussi parler de sujets qu’on ne veut pas aborder. Je me rends au moins deux fois par an en Afrique du sud. Ce que je remarque d’emblée, c’est la hargne de la jeunesse, son impatience et ses frustrations. En résumé, la jeunesse sud-africaine est très mécontente de la gestion du Congrès national africain (ANC).
Personnellement, il m’arrive de discuter là-bas, de l’avenant à la constitution très favorable aux Blancs, que le premier gouvernement de Nelson Mandela, avait signé et qu’on n’évoque jamais dans les débats. J’ai écouté des jeunes et notamment des chefs d’entreprises sur le sujet.
Mandela s’était engagé aussi à donner 30% des terres à la majorité noire. Le résultat est décevant puisque, sur 25 millions d’hectares, seuls 2 millions seulement, ont été distribués à 1,3 million de noirs. Lorsque Mandela a pris le pouvoir, 82% des terres étaient entre les mains de fermiers blancs contre 80% aujourd’hui.
Personnellement, je pense que Mandela voulait bien faire les choses mais 25 ans après, force est de le constater, le résultat a été plus que décevant pour les sud-africains. Très honnêtement, c’est un échec. Là-bas, on ne le pardonne ni à Nelson Mandela ni à ses successeurs.
A cela s’ajoute d’autres ingrédients explosifs. Johannesburg a le taux d’assassinat le plus élevé au monde avec New York. Le taux de chômage de 45 %, n’est pas soutenable.
Maintenant , celui qui a fait exploser la situation, c’est le nouveau maire de Johannesburg qui appartient à l’opposition et qui n’a pas arrêté de dire qu’il voulait «foutre dehors» les émigrés noirs . Voilà un ensemble d’ingrédients à intégrer pour comprendre comment ce pays est en train de se déchirer. Cela laisse quand même des traces profondes, qui ne vont pas s’effacer du jour au lendemain. Les plaies sont profondes. Il y a une succession de frustrations liées à la pauvreté mais aussi au manque d’éducation civique. Une autre chose de surprenant est que l’Afrique du Sud, a, avec la Tunisie et le Sénégal, les ratios les plus élevés par rapport au PIB pour l’investissement dans l’éducation (respectivement, 6,2%, 6,7% et 6,2%). Manifestement, cela ne profite pas la population noire. Voilà où nous en sommes aujourd’hui.
Et malheureusement, comme toujours, les Etats africains ont une façon de réagir qui ne donne pas suffisamment de satisfaction. Je ne pense pas, personnellement, que la bonne réaction soit simplement de rappeler son ambassadeur ou d’affréter un avion pour ses ressortissants. Il faut certes les mettre à l’abri. Au delà, il faut lancer des discussions sérieuses avec le gouvernement Sud-Africains parce que le problème est récurrent. Il existait déjà sous l’Apartheid, durant les présidences de Mandela, Thabo Mbeki et Zouma. On le voit aujourd’hui avec Cyril Ramaphosa. Le problème est profond.
Ces émeutes n’illustrent-elles pas les difficultés à venir de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) ou de l’intégration africaine ?
Cela peut avoir un effet négatif, l’Afrique du Sud étant, avec ses capacités financières, parmi les économies qui se portent le mieux sur le continent. Cela se traduit par une prétention à être un leader sur le continent au niveau de l’Union Africaine ou à celui des Nations-Unies où Pretoria ambitionne de siéger au nom du continent. Les réactions des leaders sud-africains sont claires. Dès la création de la zone de libre-échange et la décision d’établir le siège à Accra (Ghana), ils ont organisé une grande réunion de concertation. Cela veut dire que l’Etat sud-africain accorde une attention particulière à la veille stratégique et à la prospective. Cependant, toutes ces ambitions de leadership s’avèreraient inutiles si rien n’est fait pour apaiser la situation dans le pays et rassurer les autres pays du continent. Les événements à caractère xénophobe qu’on y vit depuis quelques jours sont entrain de semer le doute concernant la crédibilité du gouvernement sud-africain. Comment prétendre au leadership sur le continent si on n’arrive pas à gérer ces problèmes sociaux.
Donc, je pense qu’en plus de sécuriser dans les meilleurs délais les ressortissants africains, les gouvernements de leur pays devaient immédiatement appeler à une réunion spéciale de l’Union Africaine élargie aux Nations Unies et à d’autres observateurs.
Parlons d’émergence : d’une manière générale n’est–on pas amené à considérer que les émergences africaines sont en échecs ?
Je n’en suis pas sûr ! Vous savez, il y a une sorte de reflux dans la propagande liée à l’émergence. Je crois que c’est surtout cela. Mais quand vous allez par-ci, par-là, il y a quelques travaux, des projets d’infrastructures. Le grand problème reste la mobilisation des ressources. Construire le développement fait appel à des ressources extérieures mais aussi et surtout, internes. Malheureusement nos pays ont une grande faiblesse dans la mobilisation des ressources internes. Dans tous les pays africains, on a cette impression d’une sorte de stagnation sur l’avancement dans la mise en œuvre de certains projets. L’émergence n’est pas un but objectif. Le vrai objectif c’est le développement.
On ne peut seulement avoir pour ambition de sortir la tête de l’eau. Il faut carrément sortir de l’eau. C’est ça le défi. Il faut, par conséquent, prendre l’émergence comme une étape de mise à niveau, pour que le développement et la compétition aient un sens. C’est une étape dans les réformes structurelles, qui est déterminante pour le développement économique et social.
Malheureusement, le constat, nous l’avons sous les yeux, les choses bougent lentement. Le FMI et la Banque Mondiale ne cessent, depuis quasiment un an, d’attirer l’attention des autres pays nourrissant cette prétention à l’émergence sur leur niveau d’endettement, même si pour certains d’entre eux, l’endettement reste relativement viable, autrement les agences de notation n’engageraient pas leur crédibilité en «annonçant la bonne nouvelle» aux investisseurs.
L’endettement est catastrophique surtout lorsqu’il touche le secteur privé national. Si on reconstitue dans un pays le stock de la dette intérieure, les entreprises ne pourront plus travailler, ni recruter. Et cela aura pour conséquence, l’augmentation du chômage. Je crois que ce sont des choses sur lesquelles il faut des concertations larges. Bref, le constat est là. L’on remarque le blocage des processus de l’émergence dans beaucoup de pays africains.
L’économiste français et Prix Nobel Thomas Piketty vient de publier un essai où il replace l’idéologie au centre de l’économie.Est-ce à dire que les idéologies ne sont pas mortes ?
Il ne peut exister une constitution sociale sans idéologie, ni de processus de légitimation, c’est impossible. Ceux qui déclarent qu’il n’y a pas d’idéologie, sont pour le statu quo, c’est-à-dire le règne de l’idéologie dominante à coup sûr. Donc, proclamer la mort de l’idéologie, c’est aussi faire de l’idéologie. Mais le problème n’est pas qu’un problème d’idéologie. Il y a aussi les dogmes érigés en lois de l’Economie et qui n’en sont pas. Au final, cela fait une série d’orthodoxies qu’on impose à des Etats. Et, fondamentalement, ces dogmes qui orientent la marche du monde depuis plus de quatre siècles ont été dénoncés dès le lendemain de la proclamation d’Adam Smith avec l’histoire de la «main invisible» dont on parle souvent. Notamment, la «théorie de l’équilibre général qui oriente l’économie conventionnelle». Jusqu’ici, on continue de la mettre à mal. C’est impossible, cela ne peut pas exister. Les derniers critiques proviennent des libéraux.
Et vous avez vu le mouvement des grands patrons aux USA, il y a deux semaines. C’est inédit dans l’histoire économique sous le capitalisme ! Des patrons qui disent «jusqu’ici, nous avons fonctionné sur le bonheur des actionnaires et le profit, il faut que cela cesse». Je pense qu’il faut que l’économie se penche surtout à toutes les parties prenantes pour que vraiment l’homme se réalise dans sa société.
En grande Bretagne, il y a une fédération de grandes organisations et un mouvement vaste de la société civile demandant qu’on repense l’économie, qu’on la réoriente vers l’économie réelle, sur la base d’une réflexion fondée sur ce qui est possible en économie. Le troisième niveau de répercussion de ces dogmes, orthodoxie libérale et néolibérale, réside au niveau de l’enseignement de l’économie.
L’enseignement a vécu 35 ans de blocage parce que c’est parti d’une révolte des étudiants qui disaient que ce qu’on leur professait en économie ne correspondait absolument pas à l’économie réelle. Apparemment, l’on peut dire que la cause est entendue puisque dans tous les pays, il y a une véritable réorientation de l’enseignement de l’économie. Il y a des raisons d’espérer mais ce n’est pas gagné. Les hommes d’entreprises et les patrons vont continuer à avoir le réflexe conservateur, surtout lorsqu’ils ne veulent pas perdre le contrôle sur la société.
Donc c’est des résistances qu’il faut organiser pour agir véritablement sur les inégalités dont traite Piketty ?
Mais, il faut dire que Piketty a approfondi son étude économique. Et c’est cela qu’on attend d’un scientifique. Son premier livre avait porté essentiellement sur les grandes économies. Dans son deuxième livre que je n’ai pas encore lu à part les extraits diffusés, il y a une prise en compte plus large des effets des inégalités sur les autres parties du monde. Et je crois que c’est très positif. Mais, il est clair que les inégalités sont un grand problème et tous les gouvernements doivent aujourd’hui s’engager dans leur forte réduction.
Dans un contexte où le FCFA est au cœur des débats entre spécialistes et économistes, êtes-vous pour son remplacement ?
Ecoutez ! Dès lors que les chefs d’Etat ont décidé dès 1983, avec la jeune CEDEAO, de créer la monnaie de l’espace communautaire, la fin du Franc CFA était décrétée. Mais de cette signature à la mise en œuvre d’une monnaie de la CEDEAO, il y a beaucoup de réformes, de discussions et de débats.
Quels sont les obstacles à cette monnaie de la CEDEAO ?
Nous sommes encore en présence d’Etats faibles, vulnérables, faillis. Certains parlent même de non-Etat. D’autre part, nos économies ne sont pas au même niveau de développement entre elles ; à peine certaines d’entre elles s’engagent dans l’industrialisation qui est fondamentale, ensuite il va falloir gérer les dissymétries entre économies dans le lancement de cette monnaie. Je ne suis pas sûr par ailleurs que la monnaie Eco soit prête en 2020. L’avenir nous dire ce qu’il en sera. Je soutiens néanmoins l’initiative depuis le début.
Certains économistes soutiennent que le Franc CFA a plus d’avantages que d’inconvénients. Votre commentaire ?
Non, ce sont des points de vue. Même si c’était vrai, certains inconvénients peuvent être extrêmement lourds, si bien qu’ils pèsent plus les avantages. Prenons un seul désavantage : lorsque dans les pays des différentes régions du monde, il est rare de trouver des taux d’intérêts dépassant 6% pour l’entreprise, dans notre espace monétaire, les prêts accordés au secteur privé oscillent entre 18 et 22%. C’est intenable. Il n’y a pas une région au monde où le secteur privé peut jouer un quelconque rôle avec un niveau si élevé de taux d’intérêt et de coût d’accès aux ressources.
Il est vrai que la zone Franc CFA nous a aidé à continuer à rester ensemble et à prendre en charge l’idéal de l’intégration. Mais le résultat est là. Au tout début du Franc CFA, on parlait de l’objectif du renforcement du commerce intrarégional. L’on doit constater qu’il est quasiment bloqué depuis que la monnaie existe. Bref, le Franc CFA a des avantages et des inconvénients considérables. À mon avis, il faut tirer toutes les leçons de la gestion de cette monnaie. Au passage, je dirais que le Franc CFA a permis à nos agents économiques et banques centrales d’avoir une expertise certaine qu’il faut capitaliser en vue de la monnaie commune de la CEDEAO.
Quels sont, vos pronostics quant à l’entrée en vigueur de l’Eco en 2020 ?
Non, encore une fois, je n’y crois pas à moins que l’on fasse ce qu’Alassane Ouattara a dit et, avec lui, d’autres chefs d’Etat. Les pays de l’UEMOA, étant beaucoup plus en phase entre eux, sont plus à même d’aller vers l’implémentation de la nouvelle monnaie. Il faut commencer par ce bloc. Cela ne veut pas dire comme nous l’entendons que c’est le franc CFA qui va continuer en prenant un autre nom ; c’est impossible pour la bonne raison que nous sommes dans la CEDEAO. Les autres rejoindraient par la suite, c’est dans l’ordre du possible. Il faudra regarder ce qui se passe dans le monde. On n’attend plus que tout le monde soit au même niveau. Il faut s’engager en entreprenant des actions. On se trompera, on se corriger mais on avancera. Je crois que c’est ce qu’il faut faire.
par l'éditorialiste de seneplus, penda mbow
J’AI MAL POUR LE SÉNÉGAL !
EXCLUSIF SENEPLUS - S’il y a différentes écoles de pensée, c’est parce que le débat a toujours existé en Islam - Notre société devient tellement intolérante qu’on se demande s’il est nécessaire de partager
Je suis bien malheureuse car je vois dans mon pays, une certaine forme de régression du débat intellectuel et le terrorisme verbal finit par s’incruster : s’y instaurent des germes d’inquisition d’autodafé et peut être, un jour on exigera tout simplement la fermeture de l’Université. Ceux qui se sont arrogés le droit à la ‘réflexion’, ironisent sur tout, désacralisent tout, condamnent et refusent que l’on exerce l’esprit critique. Je voudrais à l’endroit d’iman Kanté et tous les autres objecteurs de conscience, rappeler ceci :
Que pendant plus de 30 ans, j’ai enseigné l’histoire du moyen musulman (de la naissance du Prophète à la chute de Constantinople en 1453) et Occidental ; d’ailleurs certains parmi ceux qui parlent ont été mes étudiants. La connaissance de ces disciplines, voire une certaine érudition que je revendique, m’ont ouverte à des distinctions dans des Universités prestigieuses comme Uppsala en Suède et Cluj en Roumanie où je donnai souvent des conférences. S’il y a une seule chose dont le bon Dieu m’a gratifiée depuis mon enfance, c’est la facilité d’accès au savoir et à la connaissance. J’ai choisi le Moyen-âge parce que j’ai horreur de la banalité.
Je n’ai jamais été étudiante du département d’Arabe même s’il m‘arrivait d’y suivre des cours ou d’entreprendre des traductions de textes pour mes recherches avec des professeurs comme Mamadou Ndiaye. Par contre, j’ai toujours étudié l’Arabe y compris en France, aux Etats-Unis et à l’Institut Bourguiba de Tunis.
S’il existe différentes écoles de pensée (dogmatique, rationalisante, des mutakkalimum, des muta’zilites et que sais je encore) et écoles juridiques (hanbalite shaféite, malikite, hanéfite…), c’est parce que le débat a toujours existé en Islam et les démarches différenciées, surtout dans l’Islam des origines, selon la conception de Hichem Djaït. Plusieurs penseurs musulmans comme Mouhamed Arkoun, Mouhamed Talbi, voire Souleymane Bachir Diagne ont prôné l’ouverture, mais hélas beaucoup à travers une pensée chétive, pauvre, veulent nous maintenir dans une forme d’obscurantisme… Pourtant l’Islam a connu sa période de philosophie critique.
Je ne changerai jamais, car un esprit éclairé, une fois que sa ‘religion’ est faite, peut approfondir ses idées, s’interroger. Mais le fond de sa pensée demeure.
Je prendrai le temps nécessaire pour revenir sur le débat concernant le voile, car je le dois à la femme sénégalaise. La nécessité de pratiquer sa religion ne signifie pas renoncer à son moi profond, notre identité de négro-africaine. Sans nous dénier, le fait de nous habiller décemment ne nous oblige pas à nous transformer en femme du désert d’Arabie, en Iranienne ou Afghane.
Je n’ai pas la prétention d’être exégète, mais dans mes lectures, j’ai rencontré Ghazzali, Suyuti, Imam Malik (je consultai souvent la Muwatta à l’Institut Islamique ainsi que la Muddawana de Shahnun), Ibn Arabi, etc. J’ai de quoi entretenir une conversation sur la pensée Islamique. Ma bibliothèque fait plus de 3000 ouvrages dans différentes langues et plus de la moitié porte sur l’Islam. Mieux, chaque matin que Dieu fait, je lis des passages du Saint Coran et pas en Français ou en Anglais. Il faut éviter de tout désacraliser, une société a aussi besoin de s’appuyer sur des icônes solides et des mythes fondateurs.
Je rappelle aussi que ma conception de l’ouverture, du dialogue religieux est reconnue à travers des invitations dans différentes conférences internationales, à des Instituts, mais aussi par le fait d’avoir reçu le prix Jean Paul II pour la paix.
Notre société devient tellement intolérante et anti-intellectuelle qu’on se demande s’il est nécessaire de partager et de débattre. Tout le monde finira par se taire, mais je viens de lire dans la revue Books du bon usage de l’esprit critique, que c’est dans les moments de crise que les sociétés produisent les meilleures réflexions. Espérons qu’il en soit ainsi pour notre cher Sénégal.
Le candidat conservateur Kais Saïed et l'homme d'affaires emprisonné Nabil Karoui sont qualifiés pour le second tour de la présidentielle tunisienne, avec respectivement 18,4 % et 15,6 % des voix, selon les résultats officiels rendus publics mardi.
Les résultats officiels dévoilés mardi 17 semptembre en Tunisie ont confirmé l'étonnant duel du second tour de la présidentielle entre le conservateur Kais Saïed et le magnat controversé des médias Nabil Karoui, actuellement en prison.
Kais Saïed, un universitaire de 61 ans sans parti ni structure, entré en toute discrétion sur la scène politique, recueille 18,4 % des voix, d'après les chiffres de l'Isie, l'instance électorale. Il devance l'homme d'affaires emprisonné Nabil Karoui, qui recueille 15,6 % des suffrages.
Sept millions d'électeurs étaient appelés dimanche à départager 26 candidats pour le premier tour de ce scrutin, qui s'est déroulé sur fond de crise économique et sociale et dans un contexte de rejet des élites politiques traditionnelles.