SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
18 juillet 2025
ADAMA GAYE SOUS MANDAT DE DÉPÔT
Interpellé lundi pour "écrits contraires aux bonnes moeurs" et "offense au chef de l’Etat", le journaliste-consultant a été entendu ce mercredi par le doyen des juges
Le journaliste-consultant, Adama Gaye, a été inculpé et placé, ce mercredi, sous mandat de dépôt par le Doyen des juges, pour ‘’offense au chef de l’Etat’’ et ’’atteinte à la sûreté intérieure’’, rapporte la Radio Futurs médias (RFM).
Interpellé lundi pour "écrits contraires aux bonnes moeurs" et "offense au chef de l’Etat", a été entendu ce mercredi par le doyen des juges.
Adama Gaye avait été arrêté lundi par la Division des investigations criminelles (DIC) sur ordre du procureur de la République, avant d’être placé en garde à vue après son audition.
Il a ensuite fait l’objet d’un retour de parquet mardi et a passé sa deuxième nuit en prison.
Le ministre de la Justice dit assumer "totalement" sa responsabilité dans cette affaire, ajoutant que la justice "n’autorisera plus quiconque, quel que soit son statut, de fouler aux pieds, par ses paroles ou ses actes, les fondamentaux de la République".
Adama Gaye est notamment poursuivi pour des "posts" publiés sur sa page Facebook, des commentaires jugés offensants pour le président de la République ou sa famille.
QUAND REAGAN TENAIT DES PROPOS RACISTES À PROPOS DES AFRICAINS
L'ancien président américain a décrit les délégués africains à l'ONU comme des "singes" en 1971, alors qu'il était gouverneur de la Californie
Il a fait ce commentaire raciste au téléphone à Richard Nixon, alors président des USA, qui avait la manie d'enregistrer tous ses appels téléphoniques.
Le gouverneur était furieux que les délégués africains à l'ONU ne se soient pas rangés du côté des États-Unis lors d'un vote visant à reconnaître la Chine et à expulser Taïwan.
Après le vote, les membres de la délégation tanzanienne ont commencé à danser à l'Assemblée générale des Nations Unies.
Lorsque M. Reagan a appelé M. Nixon le lendemain, il a demandé s'il avait regardé le vote à la télévision.
Il a poursuit en disant : "Voir ces singes, ces singes de ces pays africains, bon sang, ils sont encore mal à l'aise avec des chaussures !"
M. Nixon en a rigolé.
L'enregistrement a été "déterré" par Tim Naftali, professeur agrégé d'histoire à l'Université de New York, qui avait dirigé la Nixon Presidential Library, qui a conservé toutes les bandes audio enregistrées par M. Nixon, de 2007 à 2011.
Dans son article publié dans The Atlantic, Naftali explique que l'échange raciste a été retiré de la conversation enregistrée lorsqu'il a été publié en 2000 par les Archives nationales pour des raisons de confidentialité.
M. Reagan était encore en vie à l'époque.
Naftali souligne qu'à la suite d'une ordonnance du tribunal, les enregistrements ont fait l'objet d'une révision.
"La mort de Reagan, en 2004, a éliminé les problèmes de confidentialité. L'an dernier, en tant que chercheur, j'ai demandé que les conversations concernant Ronald Reagan soient réexaminées et, il y a deux semaines, les Archives nationales ont publié en ligne des versions complètes des conversations d'octobre 1971 concernant Reagan."
Selon Naftali, M. Reagan avait appelé M. Nixon pour le presser de se retirer de l'ONU, mais dans le discours du président, il dit que les "plaintes de M. Reagan contre les Africains sont devenues le principal sujet de l'appel".
Dans un récit de la conversation à son secrétaire d'État, M. Nixon dit : "Il a vu ces cannibales... ces cannibales à la télévision hier soir, et il dit : "Jésus, ils ne portaient même pas de chaussures, et ici les États-Unis vont soumettre leur sort à cela", et ainsi de suite...".
Naftali affirme que l'enregistrement permet de mieux comprendre le soutien de M. Reagan à la Rhodésie et l'Afrique du Sud qui ont pratiqué l'apartheid plus tard dans les années 1970.
POURQUOI LE MAILLOT D'IDRISSA GUEYE EST-IL FLOQUÉ "GANA" ?
Pourquoi le milieu a-t-il choisi « Gana », nom qu'il avait déjà dans le dos à Everton, alors qu'il a commencé sa carrière avec des maillots floqués « Gueye » ?
La nouvelle recrue du club parisien Idrissa Gueye portera le numéro 27 qui sera floqué de son deuxième prénom, Gana.
Au Paris Saint-Germain, le 27 a désormais un nouveau propriétaire, Idrissa Gueye, fraîche recrue, qui vient de s'engager jusqu'en 2023. Le Sénégalais portera donc ce numéro, auparavant adopté par Moussa Diaby, transféré le mois dernier au Bayer Leverkusen, et par Javier Pastore, parti à l'AS Rome durant l'été 2018.
Pourquoi le milieu a-t-il choisi « Gana », nom qu'il avait déjà dans le dos à Everton? Comme l'a repéré RMC, Gana est le deuxième prénom du joueur. Ce dernier a expliqué dans une interview au Liverpool Echo en décembre 2016 qu'il lui a été donné par son père en hommage à son grand-père.
« Une marque de respect pour mon grand-père »
Toujours en 2016, lorqu'il venait de débuter avec les Toffees, Gueye a approfondi ses explications au quotidien britannique The Guardian : « Cela m'a été transmis comme une marque de respect pour mon grand-père, même s'il n'a jamais aimé le football. Mon père jouait et mes deux frères aînés jouaient, mais mon grand-père non, il ne s'intéressait pas du tout au foot. J'ai toujours vécu pour le football, tout le monde au Sénégal adore le football, à l'exception de mon grand-père! »
Le Sénégalais a pourtant commencé sa carrière avec des maillots floqués « Gueye » jusqu'en 2014. C'est lors de sa dernière saison avec le LOSC (2010-2015) que le joueur s'est fait appeler « Gana ».
Dele Alli avait aussi changé de flocage
En 2016, c'était le joueur de Tottenham Dele Alli qui avait décidé de changer de nom sur son maillot. L'international anglais avait opté pour une tunique floquée de son prénom « Dele ». Dans le même genre, le Lyonnais Memphis Depay floque aussi ses maillots de son prénom. Alors que d'autres préfèrent s'afficher avec leur surnom comme « Kun Agüero » - Kun étant le surnom que ses grands-parents ont donné au joueur argentin dans son enfance. Sans oublier le Mexicain Javier Hernandez qui floque ses maillots de son surnom: « Chicharito ».
par Fary Ndao
L'ARBITRAIRE COMME ARME POLITIQUE
À quel moment n’arrive-t-on pas à distinguer la condamnation sociale des propos d'Adama Gaye de la pénalisation arbitraire de ses mêmes propos par un ministre zélé sur la base de lois floues ?
Donc dans ce pays où des gens du pouvoir ont traité sans conséquence aucune Ousmane Sonko de domeram et Guy Marius Sagna de fils de pute, l’humoriste zélé qui nous sert de Ministre de la Justice met ceux qui insultent Macky Sall en prison pour «offense»? PR rek mo fi am dignité ?
Yakham Mbaye et Cissé Lo passent leur temps à insulter des pères de famille et il faudrait que tous les autres se terrent comme des rats car on menace les gens avec « Il faut respecter les institutions sinon au gnouf ». Qui définit le curseur du respect ? Un Ministre partisan !
À quel moment n’arrive t-on pas à distinguer la condamnation sociale des propos de M.Gaye de la pénalisation arbitraire de ses propos par un Ministre inculte et zélé sur la base de lois floues. C’est donc au Gouvernement de définir les bonnes moeurs ? L’offense ?
Laissons la société faire son travail de régulation. Si M.Gaye insulte, ceux qui n’insultent pas le dédaigneront, ne le liront plus. S’il diffame, les avocats de Macky Sall peuvent l’attaquer en Justice. Toute autre démarche judiciaire sur la base de lois floues est arbitraire !
Quand Wade a traité Macky Sall d’esclave et sa lignée familiale d’anthropophage, tout le monde lui est tombé dessus. La sanction sociale a été nette, sans équivoque, transpartisane. Fallait-il pour autant aller cueillir Wade chez lui à 06 heures du matin pour l’embarquer au nom de « l’offense au chef de l’Etat » ? Ç’aurait été arbitraire et excessif.
Défendre ce principe de non judiciarisation automatique et arbitraire des propos des uns et des autres sur la base de l’appréciation d’un Procureur soumis à un Ministre partisan encarté politiquement, c’est refuser que demain on vienne vous cueillir pour n’importe quelle parole !
Mais bref, continuons à croire que la morale est le droit et que c’est à des gens partisans prétextant le «ReSpEct des InsTiTuTioNs» de définir, avec leur feeling du moment, les propos qui sont pénalement répréhensibles, surtout quand lesdits propos sont ceux de leurs adversaires.
"JE ME CONSIDÈRE COMME UN PRISONNIER D'OPINION"
Adama Gaye se défend des accusations de « diffusion d’écrits contraires aux bonnes mœurs » et d’« offense au chef de l’Etat », qui lui valent son arrestation
Ancien journaliste, Adama Gaye a régulièrement mis en cause le président et son frère, Aliou Sall, dans le dossier de la gestion des hydrocarbures.
Un ancien journaliste devenu un virulent critique du pouvoir du président Macky Sall a été placé en garde à vue, lundi, puis déféré devant le parquet, mardi 30 juillet, pour « diffusion d’écrits contraires aux bonnes mœurs »et « offense au chef de l’Etat », a-t-on appris auprès de son avocat.
Se présentant comme un militant pour la « justice, la transparence et le progrès », après avoir été journaliste dans plusieurs médias, Adama Gaye est l’auteur de plusieurs articles dans la presse sénégalaise et sur les réseaux sociaux dénonçant la mauvaise gestion, selon lui, par les autorités sénégalaises du pétrole et du gaz au Sénégal, dont l’exploitation à grande échelle devrait débuter en 2021-2022.
Il a été interpellé lundi matin à Dakar par la Division des investigations criminelles (DIC, police judiciaire), qui lui reproche la « diffusion d’écrits contraires aux bonnes mœurs » et l’accuse d’« offense au chef de l’Etat », a indiqué à l’AFP son avocat, Me Cheikh Khouraissy Ba.
Selon la presse locale, il est poursuivi à la suite de récents posts sur Facebook sur la vie privée du chef de l’Etat sénégalais. Le procureur dispose d’un délai de quatre jours à compter de lundi soir pour décider d’une éventuelle inculpation.
« Prisonnier d’opinion »
« Je me considère comme un prisonnier d’opinion, un détenu politique retenu pour ses écrits basés sur des faits précis, des questions vitales par rapport à la souveraineté nationale du Sénégal, notamment la gestion des hydrocarbures », a déclaré mardi à l’AFP Adama Gaye, en présence de son avocat.
Adama Gaye, auteur en 2006 de l’essai Chine-Afrique : le dragon et l’autruche, a ces derniers mois régulièrement mis en cause le président Macky Sall et son frère Aliou Sall dans le dossier de la gestion des hydrocarbures qui agite depuis deux mois la classe politique et les médias du pays.
Aliou Sall a démissionné fin juin de la présidence de la Caisse des dépôts et consignations sénégalaise (CDC) après avoir été épinglé dans un reportage de la BBC sur les conditions d’attribution de marchés publics pour la prospection et l’exploitation de champs off-shore à Petro-Tim, une société de l’homme d’affaires australo-roumain Frank Timis. Aliou Sall, qui a ensuite travaillé pour cette société, a démenti tout conflit d’intérêts.
par Malick Sy
DE L'AFFAIRE ADAMA GAYE
Lorsque nous proférons des injures, attentons à la vie privée ou incitons à la haine, nous cessons d'exprimer une opinion. Nous commettons un délit
Le 19 avril dernier, j'alertais déjà, suite justement à un article signé Adama Gaye -La mégère Macky a parlé- sur les risques pour notre démocratie, d'entrer dans l’escalade de certains propos qui ne sauraient relever de la simple liberté d'expression. J'ai le plus grand respect pour mon confrère Adama Gaye et lui exprime ma plus profonde et sincère solidarité dans les moments si difficiles qu'il traverse. Je souhaite vivement qu’il se sorte très rapidement de cette douloureuse épreuve judiciaire. J’en appelle à la Justice sénégalaise à ne pas démolir ce brillant journaliste. La Nation a besoin de femmes et d’hommes d’excellence comme Adama Gaye. La presse sénégalaise et continentale dont il est depuis de si nombreuses années, l’un des serviteurs les plus éminents, méritent cet esprit libre.
Cela dit, le petit entre soi médiacratique ne nous exonère de l'exigence de vérité. Il faut bien à un moment qu'on se dise les choses. Nous passons notre temps à décrire la vie des autres sans jamais essayer de la vivre, pour comprendre comment nos écrits, nos images et nos propos peuvent briser une carrière et comment en quelques mots et quelques clics, nous pouvons éparpiller la crédibilité d'honnêtes concitoyens, ternir leur réputation et saccager des vies que certains ont mis des années à construire. Nous devons nous faire à l’idée que la liberté d'expression n'est absolue nulle part dans le monde. Lorsque nous proférons des injures, attentons à la vie privée ou incitons à la haine, nous cessons d'exprimer une opinion. Nous commettons un délit. Ce n'est pas une invite à une sorte d'autocensure préventive, ni une leçon d'éthique journalistique, mais juste une opinion pour nous éviter de chroniquer les procès de nos propres confrères.
Je vous soumets la publication, telle quelle, de l'article que j'ai publié en avril dernier et qui m'avait valu un cinglant droit de réponse d'Adama Gaye intitulé "Cher Malick Sy, avec votre permission…"
INSULTER LE PRÉSIDENT, C'EST OUTRAGER LE SÉNÉGAL
Mégère”, “dictateur aux c… molles”, illégitime type avec des copeaux qui lui servent de neurones…”, et j'en passe et des meilleurs. En lisant ces mots d'une violence rare signés Adama Gaye dans une tribune d’une toute aussi rare brutalité intitulée “La mégère Macky a parlé ! ”, ma réaction soudaine a été de m'interroger sur les raisons explicatives d'un tel abaissement et d'un tel déchaînement de haine. Je me garderai bien de donner des leçons ou de m'ériger en procureur pour jeter l'opprobre médiatique sur un grand intellectuel et une aussi grande figure du journalisme comme vous. Je n'en ai ni l'intention, ni la légitimité et encore moins les moyens.
Mais en tant que citoyen et confrère, je suis en droit de m'indigner face aux attaques obscènes et injurieuses contre le président de la République. J'ai trop longtemps hésiter avant de me résoudre à reprendre au tout début de mon papier, les citations contenues dans votre contribution, car je crois que l'institution présidentielle mérite le respect de chaque citoyen sénégalais.
Quand les injures, les insultes, les calomnies et les allusions de bas de ceinture prennent le pas sur le débat intellectuel, nous fragilisons notre démocratie. Chaque citoyen de surcroît journaliste, peut critiquer la gouvernance de Macky Sall, mais le respect dû à la fonction de chef de l'État s'impose à tous. Et parce qu'il incarne le Sénégal, insulter l'incarnation de la Nation que les Sénégalais se sont constitutionnellement choisis, c'est outrager le pays. C'est inexcusable et inacceptable d’offenser le peuple du Sénégal.
L'excès et la violence obscène de votre diatribe contre l'institution présidentielle est aussi une atteinte à la dignité de la personne de Macky Sall, qui est aussi un mari et un père de famille. Et nous devons tous nous faire à l'obligation qu'on ne peut tout dire ou tout écrire, pour je ne sais quelle raison. Parce qu’absolument rien ne justifie un tel déferlement de haine sur un homme, fut-il un adversaire politique.
Certains pourraient grandement s'étonner de me voir défendre Macky Sall, mais c'est la sacralité de l'institution que nous nous devons de protéger.
Depuis bientôt sept ans que je jette un regard critique sur la gouvernance de Macky Sall. Ma dernière publication intitulée “Macky II, le risque pour le Sénégal de prendre encore 5 ans ferme” est la preuve que je n'ai jamais cherché et n'essaie surtout pas d'entrer dans les bonnes grâces de son régime. J'ai arbitrairement été affecté et maintenu à Tambacounda depuis un septennat pour des raisons purement politiciennes, mais j'ai toujours refusé la compromission et la pratique révérencielle et utilitaire du journalisme. Histoire de rester en exacte coïncidence avec une certaine idée de l'éthique de notre métier mais aussi et surtout parce qu’aucune promotion, aucune prébende ne mérite qu'on brade sa conscience.
Mais je n'accepte pas de me satisfaire des outrances attentatoires à la dignité et la personnalité de n'importe quel concitoyen, y compris celles du président de la République. Quel qu'il soit.
M. Gaye, vous avez visiblement fait de votre anti-mackysme un engagement politique. Vue votre expérience, adossée à votre immense talent de journaliste, vous auriez pu opter pour la commodité et le confort en vous rapprochant du Président de la République. Mais vous avez fait le choix de vous mettre en situation de contre pouvoir. Votre posture mérite respect et considération parce qu'elle est exemplaire et courageuse. A chacun son combat. Et je pense humblement que le vôtre ne devrait pas se livrer dans l'arène de la diatribe vulgaire mais dans la fabrique de ces penseurs libres qui manquent si cruellement à notre pays.
Malick Sy est journaliste
PAR Birane DIOP
DÉMOCRATIE TORPILLÉE
Le pouvoir en place nounou du peuple sous un contrat à durée déterminée muselle les citoyens du fait de leurs désaccords vis-à-vis de la gestion des affaires publiques - Indignons-nous !
Le Sénégal, grand pays de l’Afrique de l’Ouest était adulé par ces voisins du fait de son exemplarité en matière de démocratie avec en toile de fond la liberté d’expression couchée sur le préambule de sa constitution. Aujourd’hui, à l’aune du monde nouveau, le pays de Mbaye Diack, de Sidy Lamine Niass, est devenu la risée du monde à l’heure où les jeunes sont en croisade contre la défaite de la pensée parce qu’ils veulent parler, débattre sans ambages sur les questions du XXIe siècle : bonne gouvernance, conscientisation politique, écologie. Comme le dit Edwy Plenel « Sans privilège de naissance, de fortune ou de diplôme, chaque citoyen devrait pouvoir s’exprimer, se prononcer, s’engager » sans se soucier de l’épée de Damoclès.
Malheureusement, cette démocratie qui profite à tous après des années d’âpres luttes menées par la gauche d’alors, les mouvements syndicaux, la société civile est de nos jours torpillée. Ceci dit, le Sénégal vit l’autoritarisme dans toute sa splendeur. Le pouvoir en place nounou du peuple sous un contrat à durée déterminée muselle les citoyens du fait de leurs désaccords vis-à-vis de la gestion des affaires publiques. Pourtant, les citoyens quelles que soient leurs appartenances ont le droit de challenger les dirigeants politiques à fortiori ceux qui exercent le pouvoir. C’est le minimum dans une République.
J’embraie pour évoquer la détention arbitraire de l’activiste Guy Marius Sagna. Il m’est parfois arrivé d’être en total désaccord avec certains combats de Guy. Mais, cela ne va pas m’empêcher d’apporter mon soutien sans équivoque à ce soldat, ce défenseur des petites gens, ce père de famille. En fait, face à une justice à deux balles, nul ne doit se résigner dans les cachots de l’omerta. Le plus grand danger qui puisse arriver à un Etat de droit, c’est qu’il n’y ait ni débats d’idées, ni effervescence. De ce fait, admettre cette félonie, c’est saper ce bien commun qu’est la démocratie.
Bref, accepter les arrestations arbitraires d’un Etat Orwellien, c’est accepter sans scrupule la défaite de la démocratie in fine de la liberté d’expression, lit du salut collectif. Indignons-nous !
PAR Elhadji Ibrahima THIAM
AFROPHOBIE
Qui pouvait imaginer que l’Afrique du Sud pour lequel l’ensemble du continent s’est mobilisé pour mettre un terme à la ségrégation raciale qui étouffait ses fils, allait se transformer en un véritable enfer pour les communautés africaines sur son sol ?
En mi-juillet, deux dates, à deux jours d’intervalles, ont amené le monde à replonger dans l’un des épisodes les plus sombres de notre histoire contemporaine : l’Apartheid. En effet, le 16 juillet, le monde apprenait la disparition du chanteur sud-africain Johnny Clegg à l’âge de 66 ans. Musicien engagé, auteur d’énormes tubes dans les années 1980 parmi lesquels le célèbre « Asimbonanga » dédié à Nelson Mandela, celui qui était appelé le « Zoulou blanc » incarnait, avec ses chansons, la résistance à l’Apartheid, puis la réconciliation. Et le 18 juillet, la planète célébrait la naissance de Madiba qui aurait eu 101 ans. Ces deux événements ont donc remis au goût du jour cette politique de ségrégation raciale officialisée à grand renfort de lois et de règlements, à partir de 1948, par le Parti national Afrikaners et qui ne prit fin officiellement qu’avec les premières élections multiraciales, en 1994, qui portèrent l’Anc et sa figure historique, Nelson Mandela, au pouvoir.
Un quart de siècle plus tard, la Nation Arc-en-ciel peine à se départir des démons de son passé de pays clivant et d’intolérance. Cette fois-ci, les soubresauts n’ont pas pour noms « tensions raciales », mais plutôt « xénophobie » à l’endroit de la diaspora africaine. L’Afrique du Sud est régulièrement le théâtre de violences xénophobes. Ce phénomène revient chaque année, surtout en période électorale, comme lors des élections générales du 8 mai dernier. Et elle fait parfois beaucoup de victimes. C’est le cas des 64 morts de 2015, suite à cette incroyable déclaration du roi Zoulou, Goodwill Zwelithini, qualifiant les communautés étrangères africaines établies dans le pays de « cafards ». Le terme « cafard » rappelle le génocide rwandais. La radio « Mille collines », porte-voix des Hutus, l’utilisait pour nommer les Tutsis dédaigneusement appelés « Ignezi », qui veut dire « cafard » en langue kinyarwanda.
« Les étrangers deviennent un argument de campagne et leur sort est entre les mains des hommes politiques et des chefs traditionnels sud-africains qui peuvent provoquer, en un rien de temps, de véritables chasse-à-l’homme », informait la radio Rfi dans un grand reportage consacré à la xénophobie en Afrique du sud diffusé en fin juin et intitulé « L’enfer des diasporas africaines ». Le président sud-africain Cyril Ramaphosa, en janvier dernier, lors du lancement de sa campagne électoral, s’était aussi laissé aller lorsqu’il dénonça l’envahissement de son pays par la diaspora africaine. Même s’il était revenu sur ses propos. Toujours est-il que cette « haine » des Sud-Africains envers les migrants du continent est une réalité. Le philosophe Achille Bembé l’appelle « afrophobie ».
Preuve de cette profonde tendance xénophobe qui s’est emparée du pays, un parti politique a participé aux dernières élections générales avec comme idée forte de son programme l’expulsion systématique de tous les étrangers au motif qu’ils s’accaparent du travail des nationaux. Un discours cher aux nationalistes de tout acabit. Mais, même le Front national, devenu Rassemblement national de Marine Le Pen, en France, ou la Ligue du Nord de Matteo Salvini, en Italie, n’expriment pas si ouvertement leur aversion des étrangers.
Qui pouvait imaginer que l’Afrique du Sud, un pays pour lequel l’ensemble du continent s’est mobilisé pour mettre un terme à la ségrégation raciale qui étouffait ses fils, allait se transformer en un véritable enfer pour les communautés africaines vivant sur son sol ?
Peut-être que les Sud-Africains ont la mémoire courte ou peut-être le travail de mémoire qui aurait dû être fait en direction de la jeune génération ne l’a pas été ou pas assez suffisamment. Et pourtant, dans son autobiographie « Un long chemin vers la liberté », Nelson Mandela est largement revenu sur le soutien ô combien important qu’il a obtenu des pays africains lorsque, à partir de 1960, l’Anc a décidé d’abandonner sa stratégie de résistance pacifique pour épouser la lutte armée à travers sa branche militaire Umkhonto We Sizwe (Fer de lance de la nation). Il raconte alors son périple qui le mena, à partir de février 1962, au Botswana qui s’appelait alors Bechuanaland, au Soudan, au Ghana, en Ethiopie, en Egypte, en Tunisie, en Algérie, au Mali, en Guinée, en Sierra Léone, au Liberia, au Maroc et au Sénégal. Et partout, il a eu une oreille attentive et un appui financier ou diplomatique. Par exemple, en Tunisie, Habib Bourguiba remit à Nelson Mandela 5000 dollars. Au Liberia, le président Tubman lui donna 5000 dollars pour l’achat d’armes et 400 dollars comme argent de poche. En Guinée, Sékou Touré lui offrit 5000 dollars. Au Sénégal, Senghor procura à Nelson Mandela et à Walter Sisulu des passeports diplomatiques et leur paya le voyage en avion de Dakar à Londres. Dans son livre, Nelson Mandela dit avoir beaucoup aimé « son bref séjour » à Dakar et écrit ceci : « J’ai été frappé par la grâce et l’élégance des femmes sénégalaises vêtues de robes flottantes et la tête recouverte d’un ruban. Les Sénégalais sont beaux et la société montre comment des éléments très disparates – Français, Africains, [musulmans] – peuvent se mêler pour former une culture unique et distincte ». Les xénophobes sud-africains devraient lire ce passage et y méditer profondément.
«JE TROUVE QUE LE PROMOTEUR A CENTRALISÉ TOUT SUR LUI»
Doudou Diagne Diecko, sur la faible affluence lors du combat Modou-Eumeu
Chose assez rare, le combat Modou LoEumeu Sène n’a pas drainé du monde, dimanche dernier. Pourtant l’occasion était belle pour une affiche si populaire et qui s’est tenue dans un grand stade comme celui de Léopold Senghor. Une situation déplorée par le président de l’Association des amateurs de lutte, Doudou Diagne Diecko,qui accuse le promoteur, Tapha Diop,d’avoir organisé en solo.
Attendiez-vous à voir Modou Lô battre par Ko Eumeu Sène ?
Les deux lutteurs ont eu la même stratégie qui consiste à privilégier la bagarre avec l’intime conviction pour chacun de mettre Ko l’autre. Modou Lô a bien étudié son adversaire. Tout le monde disait que les cinq premières minutes seront à l’avantage de Eumeu. Mais on disait aussi qu’au-delà des cinq minutes, Eumeu n’est plus maître du jeu. Eumeu Sène devait chercher à privilégier le corps-à-corps. On connait la suite avec son crochet gauche esquivé par Modou Lo qui a enchainé par deux uppercuts. Le Ko était inévitable pour Eumeu.
La violence de ce Ko a fait débat. D’aucuns redoutent de voir un lutteur perdre la vie un jour…
Combien de joueurs ont perdu la vie au cours d’un match ? Y’en a beaucoup. Y’a d’autres exemples. Je ne trouve pas pertinente la proposition de faire porter des gants aux lutteurs. Personne ne peut échapper à son destin. C’est un faux débat. Qu’on arrête. On parle de lutte avec frappe. La bagarre n’est qu’un moyen pour trouver une faille.
Votre avis sur les deux lutteurs ?
J‘avais dit que même s’il perdait contre Balla Gaye 2, Modou Lô restera Modou Lô. C’est un lutteur technique, courageux et qui incarne beaucoup de personnalité. C’est quelqu’un qui est concentré au maximum au cours de ses combats. Il ne néglige aucun détail. Quant à Eumeu Sène, il devrait revoir son entourage. C’est un lutteur qui est trop introverti et c‘est un défaut qu’il devrait corriger. Si c’est fait, cela lui permettrait de bénéficier des conseils des autres pour se remettre à l’endroit.
Comment entrevoyez-vous leur avenir dans l’arène ?
Eumeu Sène pourrait croiser Tapha Tine ou Bombardier. Modou Lô pourrait aussi s’expliquer avec Bombardier qui l’avait battu. Il pourrait aussi prendre Tapha Tine.
Seriez-vous de ceux qui militent pour des retrouvailles entre Modou Lô et Balla Gaye 2 ?
C’est à Modou Lô que revient le dernier mot de croiser ou pas Balla Gaye 2 qui l’a battu à deux reprises. La balle est dans son camp.
Militez-vous pour l’organisation d’un tournoi entre l’actuel «Roi des arènes» et ses prédécesseurs qui sont toujours en activité ?
Il y avait des promoteurs qui s’étaient engagés à organiser ce genre de tournoi. Mais Eumeu Sène avait soutenu qu’il ne souhaite plus rencontrer Balla Gaye 2. Maintenant qu’il a subi une défaite, il se pourrait qu’il change d’avis. Mais en fait, la mise en place de ce tournoi dépend des promoteurs et des lutteurs.
En tant président des amateurs, comment expliquez-vous la faible affluence notée au stade Senghor pour un combat aussi populaire ?
Il n’y a pas eu une forte affluence au stade parce qu’il n’y a pas eu assez de communication autour de l’évènement. Le combat n’a pas été vendu comme il se doit. Il n’y a pas eu assez de promotion autour d’une telle affiche. Je trouve que le promoteur (Tapha Diop) a centralisé tout sur lui. Il n’a pas associé les autres acteurs de la lutte dans l’organisation dudit combat. Il devait y associer les managers, les amateurs, etc. Ces acteurs constituent des supports pour la lutte. Si tu les écartes, tu n’auras pas ce que tu vises.
La cherté des billets n’estelle pas l’autre cause du manque d’affluence ?
Disons le vrai problème est que tu ne peux pas vendre à une personne un billet pour l’annexe loge et que tu lui demandes d’aller s’installer en tribune couverte. On ne pas payer son billet à 50 mille francs pour la loge présidentielle après on te demande de te mettre à l’annexe loge. Tu ne peux pas attendre jusqu’à mercredi pour dire que tu décides de vendre des billets à 75 mille francs après avoir initialement annoncé 50 mille francs. C’est ce qui a fait que beaucoup se sont dit qu’il valait mieux se rendre au Cng pour se procurer un billet de 2500 francs que de sortir 75 mille de sa poche pour acheter un billet. Il y a aussi le fait qu’il y a eu une fausse information qui a circulé disant que le combat est annulé. Cela a fait que plusieurs personnes ne se sont pas rendues au stade. D’ailleurs, j‘ai éclairci la lanterne des gens qui m’ont contacté par téléphone me demandant du bien-fondé de cette information le jour du combat. Enfin, il y a une lenteur dans la vente des billets qui a fait que beaucoup de supporteurs ont boudé le combat en rentrant chez eux. Et là, j’avais demandé l’ouverture de plusieurs guichets pour éviter un tel couac. Mais en vain
En dehors du manque d’affluence, il y a eu quand même une bonne organisation surtout au niveau de la sécurité…
C’est l’occasion de féliciter les Forces de l’ordre qui ont assuré la sécurité lors du combat. Les amateurs sont rentrés chez eux en toute quiétude. J’adresse aussi mes vives félicitations à l’arbitre qui a sauvé la vie à Eumeu Sène en lui apportant les premiers secours. Il mérite d’être félicité, encouragé et même décoré. Les autres arbitres devraient s’inspirer de son exemple. C’est très important.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
VOYAGE AU BOUT DES KALOUNAYES
EXCLUSIF SENEPLUS - L’aspiration à mieux vivre est le moteur essentiel de l’espoir, elle défie toutes les résignations. Il n’y a point de fatalité, nul génie que l’apprentissage et la familiarisation ne puissent s’approprier - LE RETOUR À COUBANAO
À midi dans les bols du déjeuner à Coubanao, seule l’huile de palme venait mettre un peu de couleur dans la monotonie et le règne du riz blanc. Plus rarement, on apercevait d’autres condiments, ou alors d’autres sauces à base de feuilles, qui ne s’enrichissaient que très rarement de viande ou de poisson. Le bol semblait ainsi, souvent, être un tableau épuré où le riz s’étalait au creux, en quantité modeste, et que plusieurs mains venaient grignoter.
Chez quelques rares familles, plus chanceuses, on voyait plus de couleurs, plus de poissons, souvent des tilapias racornis, voire du bœuf. Le reste du village lui, ne s’autorisait ce luxe que lors de quelques fêtes ou occasions spéciales, pendant lesquelles le festin offrait menus variés, diversité des ingrédients et abondance. Cependant ces jours trop rares ne faisaient, las, que souligner l’habitude des bols monochromes, sur la majeure partie de l’année.
Non pas que Coubanao manquât de bétail, d’élevage, de fruits. Il manquait un peu de légumes certes, du poisson aussi à cause du manque de rivières, mais le village regorgeait d’offrandes comestibles. La viande, malgré la profusion des cheptels, était pourtant un produit de fête. On pouvait la dégoter soit à la chasse, soit auprès des éleveurs qui consentaient – parfois seulement – à abattre leurs trésors et à vendre à des prix onéreux leurs pièces de boucherie, souvent à des occasions bien choisies.
Les éleveurs tenaient à leurs bêtes. Si la viande manquait, les bœufs et les vaches, eux, se dandinaient et ruminaient, narquois, leur repas aux yeux des carnivores humains. Seul leur lait, prisé, était commercialisé plus abondamment. Il était recueilli dans des traites savantes, expédié vers la ville, convoyé par des cyclistes de fortune qui remorquaient sur leur porte-charge les précieux fûts en métal qui contenaient l’or blanc du village. Ils pédalaient ensuite dans l’argile, longtemps, faisant quotidiennement le tour des Kalounayes, circuit dont dépendait cette petite économie.
Sans doute était-ce le pacte négocié avec les vaches : donner leur lait pour préserver leur vie. La viande était donc ainsi devenue à Coubanao un produit rare et couteux malgré la surpopulation de bovins. C’était bien curieux et bien drôle de voir cette cohabitation, alourdie de secrètes envies de chaque part, entre les humains et les bêtes. Les chasseurs, autres protagonistes, contournaient ce face-à-face, et offraient parfois leurs trouvailles au gré de leur fortune. Souvent bredouilles, ils ramenaient les bons jours des lapins sauvages, des biches, des porcs-épics. Et alors, sur la place centrale du village une boucherie improvisée prenait forme, on accourrait s’arracher les meilleurs morceaux. Mais à ce jeu, les plus riches raflaient la mise, et ainsi toujours point de démocratie de la viande.
Si la pénurie de viande frappait indistinctement tout le village, seuls les enfants filous, qui draguaient la forêt avec moins de pudeurs, arrivaient à avoir leurs rations de viande. Ils chassaient des écureuils, des rats palmistes, aidés par des chiens véloces et dégourdis. Ils s’offraient ainsi, à l’abri des regards réprobateurs, à l’ombre des arbres, des barbecues et autres grillades clandestines. Je fus de ces expéditions, pendant lesquelles à quatre ou cinq, nous nous disséminions dans un grand périmètre de la forêt. On se postait à différents endroits, pour traquer les trous susceptibles d’abriter des rongeurs. Quand un de nous flairait un bon coup, nous avions nos techniques pour communiquer. Des cris, aux intonations différentes, pour signifier aux autres là où il fallait se retrouver. A ce petit langage codé, Agustu était le plus fort. Sa voix portait. Quand avec notre chien Totala, il avait la certitude de toucher à la cible, il nous appelait ; sa voix claire, puissante, dominait alors le ciel, pour nous indiquer son emplacement. En quelques minutes, nous trouvions le point de ralliement, précisé par notre GPS vocal. On s’affairait alors à surveiller, à quadriller le périmètre, à le boucler, prêts à donner un coup de main à notre chien s’il galérait dans la course-poursuite. Et nous passions à table. Je cachais dans mes poches des oignons, Capitaine avait des allumettes, et le tour était joué. Totala se régalait avec la tête des rongeurs. Et nous rentrions rassasiés.
Mais notre bonheur de mômes ne changeait rien à l’affaire. Le régime alimentaire qui dominait à Coubanao à midi était comme une réplique de la vie, de ses récurrences, de ses traditions, de l’enchainement monocorde des jours. Coubanao avait son calendrier, ses savoirs, ses valeurs, ses héritages, ses traditions et la vie s’écoulait dans le respect de ces éléments de la nature. Elle en devenait identique, une ritournelle qui ne sacrifiait à aucune joie, ou aucun génie local. Sans que cela tienne de la résignation, encore moins du manque d’ambition, les populations acceptaient de subir ou de cohabiter avec le destin, comme convaincues, qu’il y avait dans cette sagesse, un équilibre à préserver. La nature était comme un Dieu auquel il fallait faire allégeance, dans un avatar originel de l’écologie. Il y aurait sans doute un mérite à étudier cela, à confesser le parti-pris de vivre la vie comme elle vient, sans œillères racistes ni célébration outrancière de la vertu locale…
Je notais, à mesure que je m’établissais dans le village, que les valeurs et les traditions ne signifiaient pas la même chose pour tout le monde. Que l’argent, les classes sociales, les positions hiérarchiques, donnaient aux bols de midi des tons et des couleurs différentes. Les privilèges économiques, s’affranchissent de l’unité affichée, et chez certains l’argent avait fait pénétrer le droit de trahir la communauté tout en se présentant comme ses défenseurs.
Lénifiant mais suave, le discours sur les valeurs était calibré pour les pauvres, dont il sublimait les privations en les transformant en martyre grandiose. L’argent faisait éclater le mensonge de l’unité, car avec lui les droits devenaient grands, les devoirs négligeables, l’impunité tolérable. On le voyait dans ces bols de midi plus colorés que convoitaient les pauvres. Les pauvres, et je le voyais, je le vis encore récemment, payaient le tribut et le coût des valeurs, vernis qui les tient à distance de rêve ; les riches eux, s’habillent de valeurs pour cacher leur trahison.
A Coubanao, je fis partie des privilégiés. Nous ne manquions de rien. Ainsi, les nombreuses fois où je fus convié chez Agustu, j’appris banalement les privilèges sans mérites dont j’étais couvert. J’appris par conséquent, sans démagogie et sans culpabilité, ces inégalités sociales internes, grandes absentes des débats continentaux occupés à voir le continent comme une terre de malheur uniforme, alors que nombre de gens y vivent très bien, voire dans l’indécence. Le mérite du brassage, je le découvrais à Coubanao, n’est pas de niveler les avoirs, mais d’obliger à une lucidité pour créer une classe populaire médiane, majoritaire, qui puisse vivre dignement. Un idéal socialiste en somme, qui préfère à l’identité l’affinité de classe, pour la quête commune.
Un jour où nous manquions de poisson, Agustu, Capitaine et moi jurâmes d’en ramener à ma mère. Pour ce faire nous nous attelâmes à remonter avec nos petites pattes tous les villages en longeant le fleuve, pour trouver des tilapias. La mission s’annonçait rude et risquée. Quatre villages plus tard, plus de dix kilomètres, toujours rien. Epuisés, les semelles colorées par la poussière, nous trouvâmes à Djoubour, au bord du désespoir, un pêcheur qui tenait sept petits poissons qu’il nous céda au prix fort. Nous rentrâmes sous les vivats de ma mère et déjeunâmes ensemble. Depuis ce jour, Agustu et Capitaine, mangeaient régulièrement à la maison. L’huile fascinait Agustu. Ce gras, qui humectait ses lèvres, le rendait extatique. Pierre Desproges m’apprendra plus tard que « les aspirations des pauvres ne sont pas très éloignées des réalités des riches ». L’aspiration à mieux vivre est le moteur essentiel de l’espoir, elle défie toutes les résignations. Il n’y a point de fatalité, nul génie que l’apprentissage et la familiarisation ne puissent s’approprier. Point de pacte de race que ne puisse faire éclater l’argent.