MACRON OUVRE UNE PREMIÈRE DISCUSSION AVEC LES DIASPORAS AFRICAINES
Pour la première fois, après quatre siècles d’une histoire franco-africaine écrite le plus souvent au profit d’une seule partie, les diasporas africaines étaient reçues à la présidence française pour un échange avec le chef de l’Etat
Le Monde |
Cyril Bensimon |
Publication 11/07/2019
Emmanuel Macron a réitéré sa volonté d’ouvrir « une nouvelle page » dans la relation entre la France et l’Afrique lors de l’échange avec un public de près de 400 personnes.
A écouter les discussions des invités pénétrant la cour d’honneur, observer leurs visages fiers et les tenues parfois trop apprêtées pour l’occasion, il régnait, jeudi 11 juillet, une atmosphère d’aboutissement à l’Elysée, le sentiment qu’un moment longuement attendu était enfin arrivé. Pour la première fois, après quatre siècles d’une histoire franco-africaine écrite le plus souvent au profit d’une seule partie, les diasporas africaines étaient reçues à la présidence française pour un échange avec le chef de l’Etat.
Epaulé par un président du Ghana rendu populaire par ses discours volontaristes – cette fois, Nana Akufo-Addo a prié l’assistance d’oublier une fois pour toute la venue du père Noël pour développer le continent –, Emmanuel Macron a réitéré sa volonté d’ouvrir « une nouvelle page » dans la relation entre la France et l’Afrique. Lors des deux heures d’échange avec un public de près de 400 personnes, dans lequel se retrouvaient une bonne partie des figures noires les plus connues de France, le président a jugé que pour la progression des pays africains, « les diasporas ont un rôle essentiel. Elles connaissent les codes, les accès. Elles sont nos meilleurs ambassadeurs pour dire comment la France, l’Europe et l’Afrique peuvent mieux travailler ensemble ».
La place des diasporas dans la société
Les ressortissants africains installés en France, leurs enfants, les binationaux jouent déjà bien souvent ce rôle de passerelle entre les deux continents. Mais, pour cette première réception à l’Elysée, derrière les propos incitatifs et valorisants des deux présidents, planait en permanence la question de la place laissée à ces diasporas dans la société française. Interpellé à plusieurs reprises sur les problèmes de visibilité et d’opportunités offertes, Emmanuel Macron a expliqué qu’il croyait davantage en la promotion de personnalités modèles qui permettent de « casser les barrières », telle la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, que dans « la discrimination positive ».
En écho, le président ghanéen a eu ces mots à l’endroit de tous les membres de la diaspora : « Le destin de tous les Noirs à travers le monde est lié à l‘Afrique. Si le statut de l’Afrique s’améliore, alors votre statut s’améliorera. »
A l’issue des échanges, Joan Sanga, un jeune entrepreneur originaire du Cameroun, se disait satisfait que « des choses vraies et crues [aient] été dites » et que « la France et l’Afrique [ont] besoin de ce franc-parler pour donner une nouvelle impulsion à leurs relations. »
Eisa, Ornella et Brandy, eux, laissaient poindre une déception. A eux trois, ces étudiants ont à peine l’âge des indépendances africaines et « c’est ce qui se passe en France qui nous intéresse vraiment. Les questions du commerce avec l’Afrique, du franc CFA, de la souveraineté ne nous touchent pas directement. Ce que l’on veut, c’est que l’on trouve des solutions à la discrimination qui nous touche au quotidien ». Acerbe, une observatrice ghanéenne jugeait que toute cette journée était finalement « très french. Beaucoup de mots et peu de solutions ». Emmanuel Macron a promis d’autres rendez-vous.
VIDEO
FIN DE PARCOURS POUR LES BAREAS
Solide et appliquée, la Tunisie a logiquement pris le meilleur sur Madagascar ce jeudi (3-0). Les Aigles de Carthage rejoignent les demi-finales de la Coupe d'Afrique des Nations, où ils affronteront le Sénégal
France Football |
Mehdi Arhab |
Publication 11/07/2019
Tandis que la Tunisie espérait bien arracher une première victoire dans cette CAN et rallier le dernier carré, Madagascar, de son côté, avait des rêves plein la tête et nourrissait, logiquement, d'immenses ambitions au regard de son parcours historique pour sa première parmi les grands du continent. Mais voilà, les Malgaches ont vite été rattrapés par la réalité. Les Aigles de Carthage, eux, se sont réveillés, sonnant enfin la charge. Et si les ouailles de Nicolas Dupuis répondaient présent dans le premier quart d'heure animé, les troupes d'Alain Giresse déroulaient, doucement mais sûrement, leur partition la plus aboutie depuis leur entrée en lice. Alors que les présences entre les lignes de Youssef Msakni et Wahbi Khazri apportaient de la fluidité et de la consistance à l'animation offensive tunisienne, Ferjani Sassi, lui, allumait la première mèche. Mais sa frappe fuyait le cadre (13e). Les prémices d'une domination sans partage.
Msakni, encore lui, faisait vivre un calvaire à l'arrière-garde adverse, en se faufilant moult fois dans la surface. Le capitaine tunisien aurait même pu obtenir un penalty, mais l'arbitre ne bronchait pas (35e). Quelques instants auparavant, c'est Khazri, sur un amour de coup franc, qui obligeait le gardien des Barea, Melvin Adrien, à s'employer splendidement, en détournant le cuir sur sa barre transversale (32e). La domination tunisienne se faisant de plus en plus pressante - en témoignent la reprise de Taha Khenissi (41e) et la frappe puissante de Ghaylen Chaaleli (42e), Madagascar, asphyxié et assiégé, pliait, mais ne rompait pas. Du moins, pas encore...
Une Tunisie à sa main, enfin
Parce qu'au retour des vestiaires, les Tunisiens continuaient sur leur lancée. Alerté par Yassine Meriah, Khazri pensait enfin trouver la faille et montrer la marche à suivre à ses partenaires. Mais le Stéphanois, en position de hors-jeu, voyait son but être invalidé (46e). Ce n'était que partie remise, puisque Sassi, bien aidé par le malheureux Thomas Fontaine, plantait enfin le pion libérateur (1-0, 52e). Acculés, les Malgaches ne parvenaient plus à ressortir de leur camp, peinant à trouver des circuits de relance énergiques. Et derrière, la Tunisie ne tardait pas à punir de nouveau les errements adverses. Bien servi par son capitaine, Khazri tentait sa chance. Mais le portier adverse veillait au grain. Néanmoins, Msakni, dans la foulée de cette parade, reprenait la sphère et l'expédiait au fond des filets (60e).
Le break était fait et la Tunisie, affamée, manquait même l'opportunité de plier l'affaire pour de bon. Oussama Haddadi, d'abord, sur un face-à-face (81e) et Naïm Sliti, d'une frappe lointaine (90e), loupaient le coche. Qu'importe, puisque ce même Sliti parachevait le joli succès des siens d'un astucieux piqué du pied droit (3-0, 90e + 3). Emballé, c'est pesé. Sérieuse et appliquée, la Tunisie s'est enfin offerte une promenade de santé et se lance, définitivement, dans sa CAN. Il était temps, direz-vous. Prochain col à gravir dimanche, face à l'ogre sénégalais, dans la première demi-finale des Aigles de Carthage depuis leur succès en 2004. Madagascar peut, quant à lui, sortir la tête haute.
L'HUMEUR DU DOYEN, PAR ALYMANA BATHILY
ZLECA ET ECO, LE MARCHÉ ET LA MONNAIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Comment accumuler des richesses quand vous acheter tout en Europe, aux Etats-Unis et en Asie ? Que vous payez avec une monnaie contrôlée par la France ou les USA ou l’Union Européenne ?
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 11/07/2019
Nous autres Africains avons tellement été abusés, pendant si longtemps que nous ne nous attendons plus à rien de bon. Venant du reste du monde comme de nos propres dirigeants. A chaque annonce, nous nous demandons : « que nous préparent-ils encore ? A quelle sauce vont-ils nous manger cette fois ? » Nous en devenons cyniques. C’est pourquoi l’opinion africaine n’apprécie pas à sa juste mesure l’avènement de la Zone de Libre-échange Continentale dite ZLECA ou AFCFTA, selon les acronymes en français et en anglais. De même, l’opinion en Afrique de l’Ouest n’a pas apprécié à sa juste mesure le projet de lancement de la monnaie unique pour tous les pays de la CEDEAO en 2020.
Ces deux initiatives posent pourtant les fondements de toute souveraineté : le marché unique et la monnaie commune. Kwame Nkrumah préconisait à l’époque la « conquête » du « royaume politique » et que « tout le reste sera donné de surcroit ». Il entendait par là que le combat pour l’indépendance politique et pour la souveraineté nationale était primordial. Aujourd’hui on dirait : « le marché et la monnaie d’abord ».
Comment en effet accumuler des richesses quand vous acheter tout en Europe, aux Etats-Unis et en Asie ? Que vous payez avec une monnaie contrôlée par la France ou les USA ou l’Union Européenne ?
La ZLECA ne vise rien moins que de créer la plus grande zone monétaire du monde. Pour 54 pays, 1.2 milliards de personnes, 3000 milliards de dollar de produit intérieur brut (PIB). Il ne s’agit pas bien sûr d’échanger des cacahuètes contre des fèves de café ni d’exporter des véhicules de troisième main « venant de France » du Sénégal vers…l’Ethiopie ou encore de la friperie made in USA de Banjul vers la RDC.
Pas de place pour les « opérateurs économiques» pour importer des produits industriels de Chine ou d’Allemagne au Sénégal ou au Mali par exemple pour les réexporter vers le Nigeria et l’Afrique. Il s’agit de fabriquer véritablement en Afrique des produits et marchandises.Puis de les exporter sur le marché commun, de Dakar à Djibouti. De Tunis au Cap. De créer ainsi en Afrique une richesse qui reste en Afrique.
Des critiques « de gauche » nous disent que la ZLECA est une construction capitaliste qui renforcera la mainmise du « libéralisme globalisé » sur l’Afrique. Peut-être ! Mais est-ce s’opposer au libéralisme, que de laisser l’Afrique se découper en comptoirs spécialisés du commerce international ? Mais c’est seulement un projet qui a été formellement lancé dimanche dernier à Niamey au Niger par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine. Il reste à le réaliser, ce projet. Et il y a du boulot pour les années à venir.
Quant à l’Eco (On aurait pu trouver une appellation plus « roots » non ?), elle nous permettra du coup de dépasser l’ère du CFA et des micros monnaies nationales : Dalassi, Naira, Cedi etc...
Là encore, les spécialistes nous mettent en garde : les différends pays pourront-ils vraiment respecter toujours le même taux de change, contrôler les prix, maintenir la masse monétaire en circulation aux niveaux prescrits ? Inquiétudes fondées de spécialistes avertis sans doute ! Là encore, pour avancer encore faut-il se mettre debout et mettre un pas après l’autre !
L’Eco n’est une recette miracle, il ne suffit de le créer pour que le sous-développement, la mauvaise gouvernance, la stagnation économique et culturelle ainsi que tous les maux qui affectent nos pays disparaissent.
La création de l’Eco à partir de 2020 n’est qu’un premier pas vers la solution de tous ces maux, un pas décisif certes mais pas suffisant.
Déjà un premier obstacle se dresse sur la voie vers la réalisation de la monnaie unique de la CEDEAO, c’est la réticence des présidents francophones, Macky Sall et Alassane Ouattara en tête, à abandonner leur bon vieux FCFA.
Retrouvez désormais chaque semaine sur SenePlus, le billet de notre éditorialiste, Alymana Bathily
L'ALGÉRIE BAT LA CÔTE D'IVOIRE AU BOUT DU SUSPENSE
Il a fallu attendre la séance de tirs au but pour que se décide l'issue du quart de finale de la CAN-2019 entre l'Algérie et la Côte d'Ivoire. Et à ce petit jeu, ce sont lesFennecs qui ont fini par l'emporter (1-1, 4-3 tab)
Il a fallu attendre la séance de tirs au but pour que se décide l'issue du quart de finale de la CAN-2019 entre l'Algérie et la Côte d'Ivoire. Et à ce petit jeu, ce sont lesFennecs qui ont fini par l'emporter (1-1, 4-3 tab). Sofiane Feghouli avait ouvert le score à la 20e minute, mais Jonathan Kodjia a répliqué à la 62e pour les Éléphants.
Dans un stade de Suez très clairsemé mais largement acquis à la cause des "Verts", ce sont bien les Éléphants qui se montrent les plus dangereux en début de partie. Dès la première frappe du match, Max-Alain Gradel trouve le poteau droit (5e). Puis, un peu plus tard, Zaha crochète son vis-à-vis et part côté droit. Il adresse un centre devant le but. La défense est battue mais Gradel ne peut reprendre (7e).
Dangereux, la Côte d'Ivoire l'est également sur coup de pied arrêté, notamment via les corners de Gradel. Après qu'un de ces derniers est repoussé par la défense, Bagayoko récupère et perce côté droit. Le défenseur, Serge Kanon, resté haut, est à la réception du centre mais ça passe à côté (17e). En 20 minutes, les Ivoiriens se sont montrés bien plus fringants que dans le reste de la CAN tandis que jamais les Algériens n'avaient été aussi inquiétés.
Mais les Fennecs ont de la ressource. Sur une longue ouverture, Bounedjah harcèle la défense permettant au Rennais Bensebaini de récupérer le ballon et d'adresser un centre. Sofiane Feghouli le reprend et trompe le gardien (1 à 0, 22e).
Au spectacle succède un duel physique
Commence alors un nouveau match. Les Algériens se contentent désormais d'attendre leurs adversaires pour mieux les contrer. Le match devient aussi beaucoup plus heurté. Les esprits s'échauffent, à l'image de cette altercation entre Bensebaini et Zaha. L'arbitre sort un carton jaune pour les deux joueurs pour les calmer. Le duel physique est intense, le latéral Atal, stoppé d'un tacle viril mais correct de Kanon est contraint de sortir, mal retombé sur sa clavicule.
Au retour des vestiaires, l'attaquant algérien Bounedjah, lancé seul dans la profondeur, est fauché par Gbohouo. Penalty. Le joueur d'Al Sadd au Qatar tente de se faire justice lui-même mais il enlève trop sa frappe qui termine sur la transversale (47e).
Les Algériens vont le regretter quand, sur une contre-attaque, Zaha, lancé dans un slalom dans la défense, parvient à glisser pour Jonathan Kodja. L'ancien Caennais décroche une frappe puissante que Mbohli ne parvient pas à détourner (1-1, 62e)
Au bout du suspens
L'égalisation a le mérite de réveiller les deux équipes qui délaissent le duel physique pour un match emballant. Bounedjah, lancé dans la profondeur, se présente face à Gbohouo mais le portier ivoirien remporte le duel (65e). Quelques minutes plus tard, l'attaquant algérien décale Mahrez dont la frappe trompe le gardien. Mais Bagayoko, le dernier des Éléphants, repousse in extremis (69e ). Malgré l'entrée du feu follet Ounas, les Fennecs ne trouvent pas la faille.
Les Ivoiriens ne sont pas en reste. Zaha et Gradel sont intenables. Le Toulousain se dégage de son vis-à-vis pour servir Zaha mais ce dernier reprend du tibia et le ballon s'envole dans les tribunes (78e).
Une fin de match crispante
Dans une fin de match très crispée, où Bounedjah a été remplacé par Slimani au bord des larmes (78e), les prolongations n'ont rien donné malgré une occasion en or manquée par le nouvel entrant. Reste alors les tirs au but.
Sur son banc, le cœur de Belmadi aura fait des montagnes russes. Il croyait qu'avec l'arrêt de M'bolhi sur le tir de Wilfried Bony, le plus était fait. Il se trompait. Belaili, héros du match, rate son tir qui trouve le poteau. Le choc est immense. L'Algérie retient son souffle jusqu'au poteau ivoirien pour une délivrance, synonyme de miracle et de revanche...et de pleurs par Belmadi.
Normalement, El Hadj, c’est celui qui va accomplir le pèlerinage, au moment où il l’accomplit. Celui qui revient des lieux saints n’est plus El Hadj. Mais, au Sénégal, le titre confère une nouvelle noblesse
Aladji. Ass. Adja. Adjaratou. C’est le moment des boubous blancs immaculés et des vœux pieux. L’aboutissement d’une vie pour un bon musulman. Le pèlerinage à La Mecque, un des cinq piliers de l’Islam, n’est pas offert à tous les croyants. Le voyage coûte les yeux de la tête, mais on en revient auréolé du titre tant envié d’El Hadj ou d’Adja. Encore un paradoxe sahélien. Normalement, El Hadj, c’est celui qui va accomplir le pèlerinage, au moment où il l’accomplit. Celui qui revient des lieux saints n’est plus El Hadj. Mais, au Sénégal, le titre confère une nouvelle noblesse.
De retour de La Mecque, le Sénégalais, aidé en cela par son entourage, inaugure une nouvelle vie. Il a toujours à sa portée les attributs de son pèlerinage : djellaba, chapelet, tête cerclée de la couronne du pèlerin, moustache finement ciselée et quelques dents en or. Celui-là est assurément un « yakhbourey » qui ne sent plus la terre qui la supporte. Il est au paradis… sur terre. Bienheureux El Hadj au titre ronflant et à la piété douteuse. Car si sacrifier à ses obligations devient une raison de parader, comment doivent être les Mecquois ?
PAR Cheikh Ahmed Bamba Diagne
VERS LA FIN DU FCFA ?
Sujet particulièrement passionnel, le débat sur le franc CFA entraîne dans son sillage bon nombre de fantasmes et contre-vérités. Mais qu'en est-il réellement à l'heure où l'Afrique de l'Ouest s'apprête à lancer l'éco, sa monnaie commune ?
The conversation.com |
Cheikh Ahmed Bamba Diagne |
Publication 11/07/2019
Le débat sur le franc CFA est régulièrement remis au goût du jour, soit par les hommes politiques soit par les intellectuels du continent. Cette monnaie suscite des débats passionnés, des proclamations politiques aussi simplistes que péremptoires. De quoi s'agit-il, en réalité, lorsqu'on parle du franc CFA ?
Mais la zone n'est pas seulement un système de change, elle est aussi une zone de coopération économique (Uemoa, Cemac). Le système de change des pays africains de la zone franc comportait traditionnellement trois caractères.
Le premier avait trait au régime de convertibilité : entre les pays de la zone franc, le principe était celui d'une totale liberté des changes, tandis qu'à l'égard de l'extérieur la réglementation des changes était identique. Le taux de change entre la France et les pays de la zone franc était fixe ; autrement dit, le taux de change des pays membres de la zone à l'égard du reste du monde était défini par l'intermédiaire du taux de change du franc français. Pour assurer la fixité du change et la convertibilité, les réserves monétaires étaient « mises en commun » ; les pays africains devaient détenir leurs réserves monétaires en francs et la France garantissait la valeur des monnaies africaines par rapport au franc. Cet arrangement se concrétisait par l'existence d'un « compte d'opérations » ouvert par le Trésor français aux trois instituts d'émission africain et malgache, en charge de la politique monétaire, qui y déposaient leurs réserves. Le compte d'opérations peut, en principe, devenir débiteur de façon illimitée. Aujourd'hui, les réserves sont égales à 50 % de leurs avoirs extérieurs nets.
Les avoirs extérieurs nets que les pays de l'Uemoa (Union économique et monétaire d'Afrique de l'Ouest) ont dans le compte d'opérations se montent à 2 709 milliards de FCFA, soit 4,1 milliards d'euros ou encore 4,7 milliards de dollars. Cette somme équivaut au tiers du bénéfice du groupe Total, la troisième plus grande entreprise française, ou à 0,18 % du PIB de la France.
Les amères leçons du Mali et de la Guinée
Il faut apprendre des erreurs des autres : le Mali a eu une douloureuse expérience monétaire qui a duré vingt-deux ans (1962-1984). À sa sortie de la zone CFA en 1962, le Mali avait mené une politique monétaire expansionniste ayant abouti à la dévaluation en 1967 du franc malien, suivie d'un coup d'État une année plus tard.
La Guinée-Conakry, plus grande et plus riche en ressources naturelles que le Sénégal, a depuis 1960 sa propre monnaie. Elle pèse 7 milliards, là où le Sénégal pèse 16 milliards de dollars. Quel est l'effet du franc guinéen sur son développement ? Le débat est ailleurs.
Pourquoi devons-nous snober, dans le court et le moyen terme, la matérialisation de la monnaie unique dans l'espace Cedeao (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest) ?
L'Uemoa – qui rassemble huit pays (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) – pèse 58,966 milliards de FCFA, soit 102,2 milliards de dollars (l'équivalent de 22 % du PIB nigérian). La Côte d'Ivoire, qui représente 35,2 % de l'économie de la zone Uemoa, n'a jamais partagé la gouvernance de la Banque centrale. La politique monétaire de la zone répond plus au besoin de la Côte d'Ivoire que le reste des pays membres de l'Uemoa.
Alors qu'en sera-t-il d'une future monnaie de la Cedeao – l'éco – où le Nigeria représente à lui seul 73,1 % et les 14 pays restants 26,9 % ? c'est dire qu'il y a de fortes chances que la satisfaction des besoins du Nigeria devienne la préoccupation majeure de la politique monétaire au sein de la zone éco.
Tirer les leçons de zone euro
Certains pays n'ont pas les mêmes intérêts que le Nigeria. Par exemple, si l'augmentation du baril du pétrole arrange ce dernier, elle dérange d'autres pays non producteurs de pétrole. On voit nettement que ces États n'ont pas les mêmes intérêts. Dès lors, comment peuvent-ils partager la même monnaie ?
L'exemple des difficultés de la zone euro doit nous servir de leçon. La Grèce en crise a déprécié la monnaie européenne et rendu l'économie allemande très compétitive. L'Allemagne étant une économie exportatrice, plus l'euro est faible mieux son économie se porte.
En 2017, l'activiste et président de l'ONG Urgences panafricanistes Kémi Séba avait brûlé un billet de 5 000 FCFA. Son geste provocateur avait relancé le débat sur cette monnaie.
Dans la zone Uemoa, la stabilité monétaire est une réalité : l'inflation a toujours été maîtrisée depuis la dévaluation du franc CFA de 1994, contrairement aux autres pays de la Cedeao (Nigeria, Ghana…) qui connaissent des inflations de plus de 10 %. Cette stabilité monétaire a permis à la zone Uemoa de mettre en place des politiques économiques dans le long terme avec un faible décalage entre les scénarios pessimistes et optimistes.
La zone monétaire la plus stable au monde
Depuis 2011, les pays de la zone Uemoa sont rentrés dans une dynamique de croissance soutenue encore plus intéressante. Pourquoi quitter, alors, une zone stable, qui nous permet d'avoir une croissance économique soutenue qui avoisine les 7 %, au moment où l'Afrique affiche son taux de croissance le plus faible depuis vingt-cinq ans (1,6 %), pour rejoindre une zone chroniquement instable du fait du poids du PIB du Nigeria, qui dépend aux trois quarts du pétrole ? Comme le pétrole est très volatile et l'économie nigériane ne dépend que de cette ressource naturelle, on doit s'attendre à une monnaie très instable pour les pays de la Cedeao.
Bien que la monnaie puisse être considérée comme un instrument de développement, le ciblage d'inflation – politique monétaire qui vise à fixer des objectifs d'inflation sur une période donnée – reste, par expérience, la stratégie de politique monétaire dominante – ce qu'on appelle la « mission hiérarchique ». Seule la Réserve fédérale américaine (FED) a une mission duale, à savoir : stabiliser les prix et chercher la croissance économique.
La zone Uemoa est aujourd'hui la zone monétaire la plus stable au monde. Elle a surtout besoin de mettre en place une économie de transformation des ressources en améliorant le climat des affaires pour créer davantage de valeur ajoutée et lutter, par conséquent, contre le chômage.
Cheikh Ahmed Bamba Diagne est directeur scientifique du Laboratoire de recherche économique et monétaire (Larem), à l'université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.
par Raymond Joseph
LES "DEEPFAKES" MENACENT LA CONFIANCE DU PUBLIC DANS LES FAITS
Les nouvelles technologies facilitent la manipulation des vidéos et rend les résultats factices plus convaincants. Mais à quel point devriez-vous vous en préoccuper ?
Africa Check |
Raymond Joseph |
Publication 11/07/2019
Les nouvelles technologies facilitent la manipulation des vidéos et rend les résultats factices plus convaincants et plus susceptibles d’être partagés en ligne.
Mais à quel point les experts sont-ils inquiets et à quel point devriez-vous vous en préoccuper ?
Sur un ton sinistre, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, se vante dans une vidéo en ligne où il souligne que « quiconque contrôle les données contrôle l’avenir ».
Dans une autre vidéo, l’ancien président américain Barack Obama qualifie son successeur, Donald Trump, d’ « incompétent total et parfait »
Les deux vidéos sont fausses. Elles ont été conçues pour mettre en évidence les dangers que représentent de fausses vidéos mettant en scène des personnes bien connues qui disent et font des choses scandaleuses.
Bienvenue dans le monde des deepfakes – une fusion entre « apprentissage approfondi (à l’aide d’algorithmes) » et « faux » – qui utilise l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle pour créer de fausses vidéos.
Du monde du porno au Pentagone
Les deepfakes ont attiré l’attention du public pour la première fois en 2018. Mais, ils ont leur origine – comme pas mal de technologies couramment utilisées, telles que le commerce électronique, la diffusion en direct et les caméras vidéo – dans le monde trouble de la pornographie.
Une recherche basique sur les deepfakes sur Internet ainsi que les noms de célébrités comme Daisy Ridley, Emma Watson, Taylor Swift ou Katy Perry renvoient à de multiples liens vers une grande variété de sites Web sur la pornographie avec des femmes célèbres s’adonnant prétendument à des actes sexuels.
Le deepfake à usage pornographique, a initialement fait son apparition sur Internet en 2017. Depuis lors, la publication d’un logiciel libre a rendu relativement facile pour n’importe qui la falsification de vidéos.
Mais ce n’est pas seulement la vidéo qui peut être modifiée : un outil développé par un groupe de scientifiques peut modifier le dialogue dans une vidéo, simplement en éditant un script.
Le gouvernement des États-Unis est tellement préoccupé par les implications pour la sécurité nationale que le comité du renseignement de la Chambre des représentants a récemment tenu des auditions sur le deepfake, alors que le département de la Défense des États-Unis a intensifié ses efforts pour les combattre.
L’émergence des deepfakes a déclenché une « course aux armements » parmi les chercheurs et les techniciens, pour créer des outils permettant de lutter contre les fausses vidéos.
Les chercheurs en intelligence artificielle dépassés
Mais de nombreux chercheurs de haut niveau en intelligence artificielle se disent dépassés.
Hany Farid, professeur en sciences informatiques à l’Université de Californie à Berkeley, a déclaré au Washington Post que les chercheurs « restent à la traîne, principalement parce que nous sommes si peu nombreux ». « Probablement à hauteur de 100 contre 1 », a-t-il précisé.
Farid dirige des recherches pour développer un outil biométrique qui cartographie les données faciales. Cela inclut les particularités qui sont propres à chaque individu, comme la manière dont il bouge la tête, le corps et les mains tout en parlant. Mais c’est un travail qui prend du temps.
Bien que les deepfakes ne représentent pas encore un problème majeur, Farid a précisé que ce n’est « qu’une question de temps » avant qu’ils ne soient largement déployés en politique.
« Si vous regardez… à quel point ces fausses vidéos sont sophistiquées, convaincantes et fascinantes, ce n’est qu’une question de temps. Si ce n’est pas 2020 [les élections américaines], alors ce sera les élections suivantes ».
Mais il a dit qu’un problème plus important est la question de la confiance. « Que se passe-t-il lorsque nous entrons dans un avenir où nous ne croyons tout simplement pas à ce que nous lisons, entendons ou voyons en ligne ? Comment pouvons-nous avoir une démocratie, comment pouvons-nous nous mettre d’accord sur les faits de base de ce qui se passe dans le monde » ?
D’autres experts appellent à la prudence
L’équipe de Farid n’est que l’une des nombreuses à travers le monde travaillant à créer des outils de lutte contre les deepfakes, même si la technologie utilisée pour les fabriquer continue de s’améliorer.
Claire Wardle, responsable de la recherche chez First Draft News, une organisation visant à relever les défis liés à la confiance et à la vérité à l’ère numérique, a déclaré qu’elle n’était pas encore trop préoccupée par les deepfakes.
« Peut-être que je suis naïve, mais ce n’est pas ce qui m’inquiète du tout », écrit-elle dans un blogpour Niemann Labs.
« Les universitaires et les experts s’accordent sur le fait que nous sommes à environ quatre ans du niveau de sophistication qui pourrait causer de véritables dommages et qu’il existe actuellement une course aux armes pour la production d’outils permettant de détecter efficacement ce type de contenu ».
Ce dont elle a dit être « très inquiète », c’est « la diffusion à dose homéopathique dans la société de mèmes hyper partisans qui entraînent la division ».
« Je suis particulièrement inquiète car la plupart de ces contenus sont partagés dans des espaces fermés ou éphémères, tels que des groupes Facebook ou WhatsApp, SnapChat ou Instagram Stories. Alors que nous passons plus de temps dans ces types d’espaces en ligne, habités par nos amis les plus proches et notre famille, je pense que nous sommes encore plus sensibles à ces messages émotionnels, visuellement démesurés ».
Une escalade de la guerre de l’information
Ben Nimmo, chercheur principal en défense de l’information au Digital Forensic Research Lab à Atlantic Council, s’est fait l’écho de l’opinion de Claire Wardle. Il était à l’avant-garde des initiatives ayant abouti à démasquer l’implication russe dans les élections américaines.
« Pour le moment, nous n’avons pas vu de deepfakes utilisés », a-t-il déclaré dans une récente interview par courrier électronique.
« Le gouvernement russe a utilisé beaucoup d’imitations superficielles, comme des images manipulées, qui ont été démasquées. Les deepfakes seraient une nouvelle escalade de la guerre de l’information. Ce n’est probablement qu’une question de temps ».
Mais les deepfakes représentent néanmoins un risque, car ils pourraient amener les journalistes à commettre des erreurs, a-t-il averti.
« Les journalistes doivent être conscients du problème des deepfakes et toujours rechercher des sources qui corroborent », a-t-il déclaré.
« En fin de compte, cependant, ils devront développer une relation plus étroite avec les plateformes technologiques, qui possèdent la meilleure expertise technique et qui ont tout intérêt à ne pas se laisser submerger par du faux ».
Les journalistes doivent retourner à l’essentiel
Kyle Findlay, qui a joué un rôle clé dans l’identification des robots Twitter qui ont contribué à semer la tension raciale en Afrique du Sud, a déclaré à Africa Check : « Pour l’instant, les deepfakes contiennent des schémas statistiques qui les rendent identifiables par des machines. Avec le temps, ceux-ci pourraient être lissés par les fabricants ».
Il a déclaré que la guerre contre les deepfakes « se transformerait en une course aux armes. Au fur et à mesure que les outils de détection apparaîtront, ils seront contournés ».
« Nous devrons peut-être fournir aux journalistes des outils d’identification automatisée de la provenance des images, tels que les plug-ins que vous utilisez pour la recherche d’images inversées, afin de retracer automatiquement le circuit de partage de tous les médias jusqu’à leurs sources ».
Mais les réponses ne sont finalement pas uniquement techniques, il ne s’agit que de retourner au bon vieux journalisme.
« Traitez tout avec suspicion. Concentrez-vous sur les noms en lesquels vous avez confiance et insistez sur les traces visibles reliant les contenus que vous visualisez à ces sources fiables ».
WILFRID LAURIANO DO REGO, NOUVEAU COORDONNATEUR DU CPA DE MACRON
Le Béninois a été choisi pour succéder à Jules-Armand Aniambossou au poste de coordonnateur du Conseil présidentiel pour l'Afrique. Cinq nouveaux membres intègrent le CPA, dont le président souhaite qu'il joue un rôle accru auprès des diasporas africaines
Jeune Afrique |
Benjamin Roger |
Publication 11/07/2019
Un Béninois succède à un autre à la tête du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA). Selon nos informations, Wilfrid Lauriano do Rego a été choisi par le président français Emmanuel Macron pour remplacer Jules-Armand Aniambossou au poste de coordonnateur du CPA. Le poste était vacant depuis la nomination de « JAA », ami de longue date du chef de l’État, au poste d’ambassadeur de France en Ouganda.
Wilfrid Lauriano do Rego, 59 ans, est consultant et membre du conseil d’administration de KPMG France. Spécialisé dans le domaine des énergies renouvelables, ce diplômé de l’université de Dakar et de l’ESCP a fait carrière dans le conseil en fusion-acquisition, en particulier dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures. Sa nomination sera officialisée ce jeudi après-midi, à l’occasion de la grande rencontre avec les diasporas africaines organisée à l’Élysée par Emmanuel Macron en présence de son homologue ghanéen Nana Akufo-Addo.
Se rapprocher des diasporas africaines
Outre ce nouveau coordonnateur, cinq nouveaux membres font leur entrée au CPA. Il s’agit d’Aché Coelo, sociologue et réalisatrice franco-tchadienne de 33 ans, de Mbaye Diallo, professeur des universités sénégalais de 38 ans, de Patrick Fandio, journaliste d’origine camerounaise de 44 ans, de Florelle Manda, journaliste d’origine congolaise et sénégalaise de 39 ans, et de Bourry Ndao, entrepreneuse sénégalaise de 41 ans. Ils remplaceront Elisabeth Gomis et Karim Sy, appelés respectivement à de nouvelles fonctions au sein de la saison culturelle « Africa 2020 » et de l’initiative « Digital Africa ».
Ce remaniement au sein du CPA, dont on assure à l’Élysée qu’il est « naturel » puisque « cette structure a toujours été appelée à évoluer », a pour objectif de servir l’ambition d’Emmanuel Macron de s’appuyer davantage sur les diasporas africaines pour construire une « nouvelle relation » entre la France et les pays africains. « Le CPA a été créé pour concevoir et mettre en œuvre le discours de Ouagadougou en 2017. Cela reste un enjeu central, mais nous souhaitons aussi construire une relation privilégiée avec les diasporas établies en France », explique-t-on à l’Élysée.
Ce CPA reconfiguré est également appelé à jouer un rôle dans la préparation de deux grandes échéances à venir en France en 2020 : le sommet Afrique-France, qui se tiendra en juin à Paris et Bordeaux, et la saison des cultures africaines « Africa 2020 », qui aura lieu de juin à décembre à travers tout le territoire français.