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14 août 2025
par Michel Lobe Ewane
LE FCFA EST DÉJÀ DÉVALUÉ
Le franc CFA (du moins celui d’Afrique centrale) est devenu une monnaie de singe - Le système CFA est non seulement en train d’asphyxier les économies de la zone, mais il impose de nouvelles contraintes
Forbes Afrique |
Michel Lobe Ewane |
Publication 29/06/2019
Me voici à Abidjan en provenance de Douala. Un plaisir renouvelé d’être ici, la « capitale » de l’Afrique francophone, où je me sens chez moi. Comme souvent, j’ai sur moi quelques francs CFA d’Afrique centrale et je suis dirigé au bureau de change de l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny. Je voudrais un peu de cash en CFA d’Afrique de l’Ouest. À ma grande surprise, le taux de change appliqué est de 20 % ! Inimaginable ! Trouvant ce taux excessif, je décide d’aller faire le change en ville. Eh bien ! En ville, aucun bureau de change, aucune banque, aucun cambiste « informel » n’accepte de prendre les CFA d’Afrique centrale. « Si nous les prenons, personne ne les rachètera, ça ne sort pas ! » m’entends-je dire partout, alors que je manifeste mon étonnement. Le chauffeur de mon taxi me conseille alors d’essayer à Treichville, le quartier populaire d’Abidjan où on trouve tout.
Las ! Le seul agent de change « informel » qui accepte de prendre mes CFA d’Afrique centrale a prévenu le taximan : « C’est compliqué : je peux changer… mais à 30 %. » Les bras m’en tombent. Je dois rendre les armes. Et je décide de retourner, désespéré, à l’aéroport pour changer à 20 %.
Conclusion provisoire de cette péripétie : le franc CFA (du moins celui d’Afrique centrale) est devenu une monnaie de singe. En réalité, il est désormais dévalué au sens propre comme au sens figuré. Un euro s’échange aujourd’hui à plus de 740 francs CFA, au lieu de 656, le taux normal. Celui d’Afrique de l’Ouest résiste encore : mais pour combien de temps ?
Si à un niveau individuel cette monnaie est devenue un problème, pour les entreprises et les banques elle est tout simplement devenue un obstacle objectif pour la conduite des affaires. Des différents points qui obscurcissent le climat des affaires dans notre environnement économique, la monnaie figure désormais parmi les plus importants.
La liste est longue des handicaps qui se dressent sur le chemin des acteurs économiques en Afrique centrale : pénurie de devises, hausse importante des taux de change, sanctions dures contre les banques qui enfreignent la réglementation sévère des changes, menace de dévaluation. Les transferts d’argent par les opérateurs tels que Western Union, MoneyGram ou WorldRemit sont devenus incertains. Les virements bancaires vers ou en provenance de l’étranger prennent des semaines, voire des mois, pour être positionnés.
Le système CFA est non seulement en train d’asphyxier les économies de la zone, mais il impose de nouvelles contraintes. Pour un expert avec qui j’ai discuté de la question, il s’agit d’une véritable sanction contre les dirigeants et la nomenklatura d’Afrique centrale qui se sont enrichis en fonctionnant depuis des décennies en marge des règles et ont pris en otage les économies de leurs pays.
C’est paradoxalement la France qui est, avec la BEAC – Banque des États de l’Afrique centrale –, à la manœuvre pour imposer de nouvelles règles. Cellesci sont résumées dans un projet d’amendement aux statuts de la zone franc CEMAC « afin d’apporter de meilleurs mécanismes d’intervention en cas de détérioration des positions extérieures ». En clair, pour faire face au problème de la rareté des réserves en devises de la zone ou, pour être plus précis, le niveau de réserves nécessaires pour assurer la parité franc CFA/euro. Sans entrer dans les détails techniques, selon cette réforme, le taux de couverture de l’émission monétaire, c’est-à-dire le rapport entre les avoirs extérieurs de la BEAC et ses engagements, devra être de cinq mois : pour cela, chaque pays devra céder à la Banque centrale commune le produit de ses exportations à hauteur d’une couverture de cinq mois. Les pays de la zone pourront-ils se soumettre à cette discipline alors que la France a, dans les faits, renoncé à assurer sa garantie monétaire ? La CEDEAO, pendant ce temps, avance à grands pas dans son projet de monnaie unique.
VIDEO
LE CAMEROUN ET LE GHANA SE NEUTRALISENT
Les deux favoris du groupe F n'ont pu se départager, ce samedi, et se quittent sur un décevant 0-0. Le Ghana, avec deux points, sera dans l'obligation de gagner face à la Guinée-Bissau
France Football |
Mehdi Arhab |
Publication 29/06/2019
Mis en échec par le Bénin pour son entrée en lice dans la compétition, le Ghana avait tout intérêt à battre le Cameroun, champion d'Afrique en titre, ce samedi soir, pour se refaire la cerise. Bien conscients de la besogne qui les attendait, les Ghanéens entamaient ce choc pied au plancher. Face à des Lions Indomptables quelque peu timorés, Thomas Partey était le premier à allumer les cages d'André Onana, mais ce dernier n'accrochait pas le cadre (9e). Christian Atsu suivait le pas, en tentant sa chance de loin, sans succès (12e). Ce dernier, resté à terre après sa tentative et bien malheureux, cédait sa place quelques minutes plus tard. Malgré ce premier quart d'heure intéressant, les Black Stars ne parvenaient pas à concrétiser leurs temps forts, en témoigne Jordan Ayew, trop court pour bien reprendre une galette d'Abdul Rahman Baba (29e).
Bien trop peu pour inquiéter les ouailles de Clarence Seedorf, qui reprenaient peu à peu du poil de la bête. Dans le sillage d'un excellent Christian Bassogog, le Cameroun remettait le pied sur le ballon. D'une superbe aile de pigeon, le meilleur joueur de la dernière CAN lançait Karl Toko-Ekambi, mais l'ancien Angevin voyait Jonathan Mensah revenir à toute allure (32e). Sur le corner qui suivait, Jean-Armel Kana-Biyik s'essayait, en vain (33e). Il fallait attendre la fin du premier acte pour voir le premier mouvement collectif de qualité dans cette rencontre. Bassogog, sur le côté gauche, combinait avec Toko-Ekambi, lequel lui remettait en retrait. Le pensionnaire du championnat d'Espagne envoyait alors une praline, obligeant Ofori à étaler ses talents sur sa ligne (42e).
Wakaso et Kwabena ont tout tenté
Au sortir des vestiaires, les Ghanéens reprenaient leur marche en avant. Wakaso, d'abord, sur une frappe peu ambitieuse, se livrait à un concours de tir aux pigeons (48e). Mais juste derrière, ce même Wakaso donnait quelques sueurs froides à Onana (55e). Le Cameroun resserrait les lignes, en essayant d'éteindre l'incendie. Seul Bassogog, à un quart d'heure de la fin du match, se distinguait sur une frappe puissante contrée par Mensah (76e). Kwabena, entré en jeu à quelques minutes du terme, enflammait l'arrière-garde camerounaise à la faveur d'un missile venu attraper la barre transversale du bien heureux Onana (89e). 0-0, score final. À l'instar des Mauritaniens et Angolais ce samedi après-midi, les vingt-deux acteurs présents sur le pré ont été incapables de faire trembler les filets. Les Camerounais, eux, s'affirment en tête du groupe F. Le Ghana, lui, devra l'emporter face à la Guinée-Bissau pour accrocher le wagon des huitièmes de finale.
par Mame Gor Ngom
AU KHALIFE JEAN...
Dans notre religion qu'est le journalisme, Jean fait partie des Khalife les plus dévoués, les plus respectés - Nous autres, avons des raisons d'avoir peur - Nous avons peur - Mais debout pour Jean et contre toutes les dérives
Quand j'ai commencé à lire le post de Jean Meissa Diop, je n'imaginais nullement pas qu'il parlait de lui-même en dépit de la première personne du singulier utilisée.
Je pensais plutôt à ces textes originaux du doyen qui a le talent d'user "d'attaques" qui sortent de l'ordinaire. Pourtant, c'est lui. C'est gravissime. Un choc.
Dans notre religion qu'est le journalisme, Jean fait partie des Khalife les plus dévoués, les plus pondérés, les plus respectés, les plus humbles, les plus accessibles. Il a inspiré et guidé de nombreux talibés qui font figure de référence partout.
Jean defoul kéne dara.
Nous autres, avons des raisons d'avoir peur. Nous avons peur. Mais debout pour Jean et contre toutes les dérives.
POURQUOI L'ÉTAT VEUT RÉAJUSTER LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVES
Le réajustement attendu ce dimanche à l'Assemblée s’explique, selon les services de l’Etat, par les contrecoups découlant d’un probable choc pétrolier potentiellement, mais également par le Brexit et ses corollaires
Le ministre des Finances et du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo, fera face aux députés, demain dimanche, 30 juin, pour l’examen du Projet de loi n°10 /2019 portant Loi de finances rectificative (LFR) pour l’année 2019.
Un réajustement qui s’explique, selon les services de l’Etat, repris par Le Soleil, par les contrecoups découlant d’un probable choc pétrolier potentiellement « redoutable » pour notre économie encore très dépendante des énergies fossiles (pétrole et gaz, entre autres), de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. S’y ajoute, sur le plan externe, le Brexit, avec le scénario de plus en plus probable d’une séparation sans accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE). Ce qui ne serait pas sans conséquences « négatives » sur la politique d’aide publique au développement de ces deux (2) partenaires du Sénégal.
Sur le plan interne, à noter l’ambition de l’Etat d’améliorer les recettes budgétaires, qui vont permettre de générer plus de cent (100) milliards de CFA pour résorber la baisse des recettes fiscales. Toutefois, la note d’informations relève que le resserrement de l’équipe gouvernementale, la suppression du poste de Premier ministre ont des conséquences sur le Budget de l’Etat.
En outre, au regard de la conjoncture économique internationale et de ses incertitudes, il s’avère opportun, souligne l’Etat, d’anticiper les chocs et d’observer une certaine prudence dans la mobilisation des investissements publics financés par des emprunts externes (les prêts-projets).
MONNAIE UNIQUE DE LA CEDEAO, SYMBOLE FORT OU PARI RISQUÉ ?
“Ce serait se lancer dans le vide”, selon Ndongo Samba Sylla, économiste - “Il s’agit là d’un choix politique”, avec “les conséquences à subir par les générations futures”, estime pour sa part Abdourahmane Sarr, ancien expert monétaire au FMI
Créer dès 2020 une monnaie commune aux pays d’Afrique de l’Ouest et, pour certains d’entre eux, tourner la page d’un franc CFA aux accents coloniaux, aurait une portée symbolique forte.
Mais ce choix, soumis samedi aux dirigeants de l’organisation intergouvernementale régionale, la Cédéao, réunis en sommet à Abuja, paraît précipité et aurait des conséquences incertaines, qui pèseront pendant des décennies, selon des experts.
“Ce serait se lancer dans le vide”, estime Ndongo Samba Sylla, économiste à Dakar de la fondation Rosa Luxembourg.
Comme pour l’euro, “il s’agit là d’un choix politique”, avec “les conséquences à subir par les générations futures”, estime pour sa part Abdourahmane Sarr, ancien expert monétaire au Fonds monétaire international (FMI) et fondateur du Centre d‘étude pour le financement du développement local (Cefdel), basé à Dakar.
Pour les militants panafricanistes, la sortie de la zone CFA, monnaie de 8 des 15 pays de la Cédéao, serait la concrétisation d’un vieux rêve.
Mais la monnaie imaginée depuis une trentaine d’années par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, “ne constitue pas la meilleure voie à suivre”, selon M. Sylla.
Inconvénients congénitaux
Lors de leur sommet, les chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao pourront s’appuyer sur les conclusions de travaux préparatoires adoptées le 18 juin à Abidjan.
Symboliquement, la Cédéao a dégagé un “consensus” sur le nom de la future monnaie, l‘éco, préféré à afri et kola.
Ils ont également opté pour un “régime de change flexible” par rapport aux monnaies internationales, assorti d’une politique monétaire centrée sur la maîtrise de l’inflation.
Mais ils ont aussi souligné que les pays de la Cédéao devraient redoubler d’efforts s’ils veulent lancer une monnaie commune en 2020, comme décidé par la Cédéao, notant qu’aucun de ses 15 Etats membres ne respecte les “critères de convergences” retenus, proches de ceux qui avaient présidé à la création de l’euro il y a une vingtaine d’années.
Le respect de ces critères – inflation, déficit budgétaire… – est pourtant une “condition sine qua non pour la création d’une union monétaire crédible”, ont averti les experts et ministres réunis il y a dix jours dans la capitale économique ivoirienne.
Des deux choses, l’une
Abdourahmane Sarr estime que les dirigeants ouest-africains devront trancher : soit reporter l‘échéance, soit renoncer au régime de change flexible qui leur est proposé.
Selon lui, les huit pays qui utilisent le franc, dont la parité avec l’euro est fixe, “n’ont pas d’intérêt économique à entrer dans une monnaie Cédéao si cette dernière ne doit à court terme que refléter un panier de monnaies” de référence, ce qui reviendrait à élargir la zone CFA.
Pas plus qu’ils ne gagneraient à intégrer “à moyen terme une monnaie flexible qui ne refléterait pas leurs fondamentaux, ni leurs orientations économiques et politiques divergentes”.
Même s’il peut à terme fluctuer, l‘éco “aurait les mêmes inconvénients congénitaux que l’euro, dominé par l’Allemagne et ne correspondant pas à la monnaie qu’il faut pour le Grèce par exemple”, souligne l’ancien expert du FMI.
Le Nigeria en patron ?
Les études montrent le peu d’intégration à ce stade des économies de ces 15 pays : échanges commerciaux intrazone de l’ordre de 10%, faible mobilité des travailleurs, infrastructures déficientes et manque de spécialisation des secteurs de production, notamment.
Une monnaie unique n’est pas une priorité, affirme Andrew S. Nevin, économiste en chef au cabinet PWC Afrique de l’Ouest, basé à Lagos. Selon lui, “la possibilité de faire des échanges entre les pays, chacun dans sa propre monnaie, est plus importante”, en plus du développement des infrastructures.
En outre, la future zone monétaire serait dominée par le Nigeria, pays pétrolier représentant les deux tiers du PIB de la région et la moitié de sa population. “On voit mal le Nigeria accepter d‘être dans une union monétaire dont il ne serait pas le patron”, souligne Ndongo Samba Sylla.
La politique monétaire s’alignera probablement sur les besoins du Nigeria, qui risquent de ne pas être “synchrones” avec ceux des autres pays, selon le chercheur de la fondation Rosa Luxembourg.
Incapables de jouer sur les taux d’intérêt ou de dévaluer leur monnaie, et en l’absence de mécanismes de solidarité budgétaire entre pays riches et en crise, ces derniers n’auraient pas d’autres choix en cas de choc internes ou externe que de mener des politiques d’austérité, selon M. Sylla.
Côté politique, le Nigeria semble avoir levé ses réserves à l‘égard de la monnaie unique. Mais il exige toujours des pays de la zone franc un “plan de divorce” vis-à-vis du Trésor français où les pays de la zone franc ont l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change.
LE SYNPICS S'INDIGNE DE LA DESCENTE DE LA DIC CHEZ JEAN MEÏSSA DIOP
Bamba Kassé, Secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse, actuellement au Caire, qualifie « d’agression » l'acte. Selon lui, ces éléments supposés appartenir à la police, ont violé la loi
Le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics) réagit à la descente de la Division des investigations criminelles (Dic) chez le journaliste Jean Meïssa Diop. Bamba Kassé, Secrétaire général du Synpics, actuellement au Caire, la qualifie ni plus ni moins « d’agression ». Selon, lui, ces éléments, supposés appartenir à la police, ont violé la loi. « Même celui qui leur a donné l’ordre de fouiller chez Jean Meïssa Diop n’est pas au-dessus de la loi », a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « Il faudrait que l’on comprenne que ce pays à des règles. Nous ne sommes pas dans une jungle. Jamais un journaliste n’a refusé de déférer à une convocation de la police ».
Pour le SG du Synpics, rien ne justifie cette descente dans l’intimité d’une personne, de surcroit un journaliste, fût-il coupable.
par Jean-Baptiste Placca
LA CAF, QUESTION D'IMAGE...
L’enjeu, pour la Confédération africaine de football, est qu’elle sache devenir meilleure, et ne pas juste se contenter de donner l’impression d’être meilleure. C'est fondamentalement ce que la CAF doit aux peuples africains
L’enjeu, pour la Confédération africaine de football, est qu’elle sache devenir meilleure, et ne pas juste se contenter de donner l’impression d’être meilleure. C'est fondamentalement ce que la CAF doit aux peuples africains.
Magali Lagrange : A la CAN, la fête continentale du football, en Egypte, c’est pratiquement la moitié des pays du continent qui est représentée, depuis le 21 juin, et pour un mois. D’où cette impression que l’Afrique toute entière est en fête. Cependant, qualifier, comme vous le faites, ce simple événement sportif comme étant « un des rares moments de consensus national dans la plupart des Etats » ne revient-il pas à prêter au football plus de vertu qu’il n’en a, ou ne devrait en avoir ?
Bien au contraire, la CAN a davantage encore de vertu que celles qu’on lui prête. Interrogerez un Africain de n’importe quelle nationalité, et il vous répondra que quelle que soit l’hostilité qu’il peut nourrir vis-à-vis des dirigeants en place dans son pays, jamais il ne pourrait désirer autre chose que la victoire pour son équipe nationale. Jamais vous ne verrez un footballeur d’un groupe ethnique refuser de jouer avec un coéquipier d’un groupe que l’on présumerait hostile. Mieux, tous soutiennent la sélection dans une ferveur à peu près identique, et souffrent de la même façon, lorsque leur équipe nationale est défaite.
Au fond, c’est précisément la capacité à souffrir pour son pays, lorsque celui-ci subit une épreuve, et la capacité à se retrouver dans une joie débordante, lorsque l’équipe nationale, par exemple, remporte une victoire éclatante, qui est la meilleure définition de l’attachement à sa patrie.
D’aucuns vous diront que ce n’est, là, que de la récupération politique, une manipulation visant à transformer le sport en une sorte d’opium du peuple…
C’est, hélas, la lecture idéologique que font ceux qui n’imaginent pas que des populations puissent aimer naturellement le football ou, plus largement, le sport. Savez-vous pourquoi les gens, en Afrique, sont si attachés au football ? Ce n’est pas en raison d’un quelconque fanatisme de commande, mais simplement parce que c’est le lieu où les talents, lorsqu’ils sont réels, peuvent s’épanouir et s’apprécier, donc, être jugés directement par le public lui-même.
Dans les concours, les résultats peuvent être manipulés, et les meilleurs peuvent être injustement recalés, sans que l’opinion puisse apprécier les fondements de leur élimination. Dans une élection, une commission électorale indélicate peut proclamer vainqueur un candidat qui n’est pas celui choisi par le peuple dans les urnes. Dans l’entreprise, un élément de valeur peut végéter longtemps, parce qu’il est écrasé par un supérieur hiérarchique veule, ou parce qu’il est maintenu sous l’éteignoir d’un malicieux plafond de verre. Un bon écrivain peut ne jamais être édité. Même un très bon musicien peut ne jamais voir son talent parvenir jusqu’à l’oreille du public.
Mais sur les stades, les spectateurs sont présents pour juger par eux-mêmes. Et le plus mesquin des arbitres ne peut enchaîner des décisions injustes au point de travestir la réalité du jeu, sans risquer de se faire lyncher par les spectateurs. Un bon joueur de foot éblouit d’emblée le public, et le plus féroce des entraîneurs ne peut durablement étouffer un Mbappé, un Mo Salah sans que ce dernier aille voir ailleurs, où son talent finira par éclater au grand jour... Bref, le sport est un des rares domaines dans lesquels les Africains savent que leur talent ou celui de leurs enfants peut être apprécié et reconnu, sans devoir se soumettre au pouvoir discrétionnaire d’un politique, d’un chef d’entreprise ou d’un sous-chef complexé, qui ne rêverait que d’écraser les autres.
C’est là, et pas ailleurs, qu’il faut chercher l’explication à l’engouement des Africains pour un événement comme la CAN.
Il n’empêche que la fête de la CAN a été quelque peu gâchée, cette année, par les déboires judiciaires du président de la CAF…
Le président de la CAF a été entendu dans une affaire de marchés d’équipements enlevés à une entreprise pour être confiés à un autre fournisseur. Et un employé licencié de la CAF aurait produit des documents tendant à prouver que cela a été une occasion de corruption, favorisée par le président Ahmad Ahmad. Ce dernier a expliqué, dès que cette affaire a été éventée, que la décision incriminée avait été prise par un comité comprenant plusieurs membres. C’est d’ailleurs à cette occasion que l’on a su que celui qui se faisait le propagateur de ces nouvelles venait d’être licencié. Et c’est là, tout le problème.
Pourquoi serait-ce un problème ?
Parce que, pendant des décennies, alors que la CAF était réputée minée par la corruption, le Whistleblower d’aujourd’hui a prospéré dans ce système, sans broncher. Et voilà qu’il se découvre lanceur d’alertes, juste après son licenciement. C’est pour le moins troublant. Difficile de s’en tenir à ce seul témoignage, dans cette seule affaire, pour décréter que tous les enfers sont déchaînés, et qu’un édifice jusque-là vertueux serait subitement en danger.
L’on croyait savoir, au contraire, que cette direction nouvelle aurait engagé des réformes visant à réduire le discrédit pesant sur une institution passablement… discréditée. Si même elle avait été viscéralement corrompue, la nouvelle direction de la CAF n’a pas eu le temps de le montrer. Comment faire croire à l’opinion qu’une audition dont est, du reste, sorti libre le président de la CAF serait le signal d’un pourrissement sans nom ? A la Fifa, à l’UEFA, à la Conmebol (la Confédération sud-américaine de football) comme à la CAF, les scandales de corruption étaient, jusqu’à il y a peu, la règle. Il faut juste éviter de tomber dans le piège qui consisterait à laisser penser que c’est aujourd’hui que la CAF basculerait dans la corruption, alors qu’elle tenterait plutôt d’en sortir.
L’enjeu, pour cette institution qui procure tant de bonheur aux peuples africains, est qu’elle sache devenir meilleure, et ne pas juste se contenter de donner l’impression d’être meilleure.
UNE NOUVELLE ROUTE MIGRATOIRE
Délaissant l’Europe, de plus en plus de migrants d’Afrique veulent gagner les États-Unis par un voyage dangereux, à pied via l’Amérique latine. Certains se résignent et demandent l’asile au Brésil ou à l’Équateur, d’autres meurent sur leur chemin
France 24 |
Henrique VALADARES |
Publication 29/06/2019
En mai 2018, des pêcheurs ont secouru un petit navire fortement endommagé à la dérive près des côtes. À bord de ce catamaran de 12 mètres, ils ont découvert 25 migrants, originaires du Sénégal, du Nigéria, de la Guinée, de la Sierre Leone et du Cap Vert, et deux passeurs, tous vivants.
Selon les autorités, les hommes âgés de 19 à 35 ans seraient restés trente-cinq jours à la dérive, dont une partie sans eau ni nourriture, buvant de l’eau de mer ou de l’urine. Un voyage entamé dans l’espoir de trouver un "meilleur avenir", selon le site d’informations G1.
La scène aurait pu se passer sur la Méditerranée, mais le bateau venant du Cap Vert a été retrouvé au Brésil, après 3 000 km de traversée de l’Atlantique. "Après trente-cinq jours dans ces conditions-là, il est vraiment incroyable que personne ne soit mort", a affirmé un policier brésilien au Guardian.
De plus en plus de migrants subsahariens choisissent la traversée de l’Atlantique pour gagner les États-Unis, via l’Amérique latine, en provenance de la République démocratique du Congo, de l’Angola, du Cameroun, du Nigeria, du Rwanda, entre autres.
Une hausse "dramatique" du nombre de migrants subsahariens
Selon la police américaine aux frontières, la hausse du nombre de migrants africains à la frontière avec le Mexique est "dramatique". Dans un communiqué, l’Agence américaine de protection des frontières et des douanes (CBP) a affirmé avoir arrêté plus de 500 personnes provenant du continent africain depuis le 30 mai 2019. Toutes tentant d’atteindre la ville texane de Del Rio.
Les chiffres sont nettement inférieurs aux quelque 440000 migrants arrêtés aux frontières américaines, majoritairement issus d’Amérique latine. Mais désormais, "c’est une tendance et ça va s’intensifier", explique à France 24 Hannah DeAngelis, à la tête du programme d’accueil des immigrants et des réfugiés de l’ONG américaine Catholic Charities à Portland, dans l’État du Maine.
"Cela pose problème, puisque c’est un chemin très dangereux", ajoute Luisa Feline Freier, professeure à l’université du Pacifique, à Lima, spécialiste en politiques d’immigration et des réfugiés en Amérique Latine, interrogée par France 24.
Un périple "dangereux" débutant au Brésil
Leur périple commence souvent au Brésil, où "ils arrivent par avion", raconte à France 24 Bernardo Laferté, coordinateur général du Comité brésilien national pour les réfugiés (Conare), organe du ministère brésilien de la Justice. "Certains arrivent aussi par des bateaux de toutes sortes, surtout commerciaux", poursuit-il.
"Les demandeurs d’asile subsahariens dans ce cas ont souvent plus de moyens et paient plus souvent des passeurs", explique Luisa Feline Freier. "Souvent, ce ne sont pas des villageois pauvres, comme les Centraméricains, mais des gens qui ont une certaine aisance et qui ont poursuivi des études."
Profitant du manque de contrôle dans la région amazonienne, ils n’hésitent pas à continuer leur périple vers les États-Unis. "Ils le font surtout par des endroits où il n’y a pas de poste-frontière", continue Bernardo Laferté. "On ne sait pas exactement combien ils sont."
Passant par l’Amazonie, ils gagnent le Pérou, puis l’Équateur et la Colombie – par bus, voiture ou souvent à pied –, "un voyage qui peut durer jusqu’à six mois", décrit Hannah DeAngelis.
"Je pensais qu’on allait tous mourir" sur le chemin
Tous ceux qui ont survécu racontent un voyage périlleux pendant lequel ils doivent faire face à des attaques de gangs armées, à des conditions d’hygiènes déplorables, au manque d’eau potable, de nourriture, à l’absence d’accès aux soins, ainsi qu’à une faune dangereuse. "Je pensais qu’on allait tous mourir", a raconté un autre migrant au bimensuel américain The New Republic.
"Il est bien évidemment impossible de savoir combien meurent sur leur chemin, mais une chose est sûre : le nombre est très élevé", explique Luisa Feline Freier, qui a interrogé de nombreux migrants dans ses recherches.
Le Brésil, premier concerné par la vague et nouvelle terre promise ?
"Les pays d’Amérique latine deviennent juste une étape pour certains, mais d’autres finissent par y rester et profitent de leurs lois souples en matière d’immigration", analyse Luisa Feline Freier de l'université du Pacifique. Selon les spécialistes, le Brésil est le premier pays concerné.
Cette ouverture des pays d’Amérique du Sud doit se poursuivre, selon le HCR : "Il est important que le Brésil continue à recevoir et à accueillir, comme il l’a toujours fait, avec un système qui marche très bien et qui fait tout pour que les accueillis soient intégrés à la population", explique à France 24 Luiz Fernando Godinho, porte-parole de l’antenne brésilienne.
Le temps d’analyse des demandes est également un atout pour ceux qui fuient leur pays : "entre six mois et un an, selon les situations", affirme le responsable onusien. Soit un avantage par rapport aux États-Unis, où cela peut prendre jusqu’à six ans.
Les autorités "ne parlent pas d’immigration africaine"
Mais les autorités ne semblent pas préparées à faire face à cette vague, notamment côté brésilien. "Les gouvernements ne parlent absolument pas de l’immigration africaine", confirme Luisa Freier.
Dans son communiqué, le CBP américain indique que cette nouvelle réalité rajoute un "défi à la crise humanitaire", car ces populations ont "des différences culturelles et linguistiques".
Côté brésilien, personne ne semble vouloir réaliser l’ampleur du phénomène. "Je dois revérifier, nous nous sommes surtout occupés des Vénézuéliens", s’étonne Bernardo Laferté lorsque France 24 cite les chiffres du Comité brésilien national pour les réfugiés, dont il est lui-même le coordinateur.
La Police fédérale brésilienne, en charge de l’immigration générale, n’a pas répondu à nos questions.
Fuyant la xénophobie européenne, les migrants doivent affronter le racisme sud-américain
"Le monde n’est pas une mer de roses", comme dit un proverbe brésilien : une fois sur place, les migrants doivent faire face "au racisme, qui est très fort", selon Luisa Feline Freier. "Les prises de paroles racistes du président Jair Bolsonaro en sont un exemple", lance la chercheuse. "Les pays latino-américains pensent très peu à l’immigration africaine. Leurs lois, souples, sont en réalité destinées à favoriser l’immigration européenne et blanche, comme c’est le cas en Argentine et au Brésil."
En mai 2018, les 25 migrants africains à bord du catamaran avaient demandé l’asile au Brésil. Quant aux deux passeurs, ils ont été arrêtés pour transport illicite de personnes, après cette traversée dangereuse et inédite, qui pourrait avoir ouvert la voie.
AUDIO
LAMB, L'ACTU BRÛLANTE PAR KHADIM SAMB
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