SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
14 août 2025
par Tierno Monénembo
PARLEZ-VOUS LINGALA ?
Nos langues, avant les transports et la santé, subissent de plein fouet l'effet désastreux de notre colossal retard scientifique - Modernisons nos langues et tout le reste suivra
Le Point Afrique |
Tierno Monénembo |
Publication 15/06/2019
Le paradoxe de la question linguistique africaine saute aux yeux. D'un côté, nous ne pouvons éternellement penser et créer dans les langues imposées par le colonisateur. De l'autre, nous ne pouvons, dans l'immédiat, nous passer de l'anglais, du français et du portugais. En effet, nos langues, avant les transports et la santé, subissent de plein fouet l'effet désastreux de notre colossal retard scientifique et technique. Le fait est là, frustrant, mais incontournable : le prodigieux essor des idées et des techniques modernes issues de la Renaissance a été essentiellement consigné dans les langues européennes. Il nous faudra donc beaucoup de temps, beaucoup d'énergie, un gigantesque sursaut politique et intellectuel, pour résoudre des équations du second degré en kikongo, expérimenter de la thermodynamique en ibo ou discuter d'épistémologie en kissi ou en gourmantché. Et pourtant, il nous faudra bien y arriver un jour, quitte à assécher les mers et à déplacer les montagnes. Nos langues disparaîtraient sinon, et nous avec, en tant que principe historique et culturel.
Deux écueils nous semblent aujourd'hui insurmontables : l'extrême diversité de nos dialectes et leur maigre lexique scientifique et technique. Au fond, cette diversité n'est pas plus grande qu'en Europe ou en Asie, et le mythe d'un cloisonnement étanche entre eux ne correspond à aucune réalité tangible.
L'heure du sursaut
Je fus agréablement surpris, il y a quelques années sur une plage de Durban, de constater que les uns en lingala, les autres en zoulou, Congolais et Sud-africains pouvaient parfaitement communiquer. Et dernièrement, en suivant une télévision soudanaise, j'ai presque tout compris de la langue peule de ce pays. On ne le dit pas suffisamment, mais le poular, le sérère, le ouolof, le balanto et le diola sont des langues cousines, issues d'une seule et unique langue : le wakourou, parlée au Tékrour vers le XIe siècle. Le soninké, le soussou, le malinké, le bambara, le sénoufo proviennent, eux, du wagara, la langue de l'empire du Ghana. Pas besoin de lire Saussure ou Pâthé Dieng pour comprendre que de l'ashanti au baoulé, en passant par l'agni et le fanti, les langues akans ne sont pas plus éloignées les unes des autres que ne le sont l'italien et le portugais, le catalan et le roumain. Bref, même dans les forêts les plus profondes (où la circulation des idées et des hommes s'avère particulièrement difficile), les langues africaines tissent le fil d'un seul un même continuum. Les Guérés de Côte d'Ivoire parlent la même langue que les Manos de Guinée et du Libéria ; de même les Yakoubas, les Bétés et les Didas (Côte d'Ivoire) et les Konos et Guerzés (Guinée) ressortent de la même aire linguistique.
Quant au lexique, rien ne nous empêche de l'enrichir, sinon l'incurable paresse politique des manitous qui nous gouvernent. Nos politiques linguistiques – quand elles existent ! – sont mal pensées et mal conduites. Par exemple, la Guinée, le Mali et le Sénégal qui partagent deux des grandes langues d'Afrique de l'Ouest (le peul et le mandingue) ne se sont jamais rapprochés pour former des maîtres et éditer des manuels communs dans ces deux langues.
Une question brûlante d'actualité
Sur ce sujet-là comme sur celui de l'alimentation (évoqué ici la semaine dernière), une vision régionale, voire panafricaine, s'impose. L'Union africaine (qui a enfin officialisé le swahili, mais où le yoruba et le haoussa, le peul et le mandingue, le lingala et le berbère ne sont toujours pas admis) doit d'urgence créer un institut africain des langues où des linguistes de très haut niveau pourraient travailler à leur réunification et à leur ouverture aux concepts modernes en s'inspirant de la structure de l'anglais, du français, du russe ou de l'allemand. Après tout, c'est en puisant abondamment dans le grec et le latin, l'hébreu et l'arabe que ces langues-là ont acquis le dynamisme qui est le leur aujourd'hui.
Modernisons nos langues et tout le reste suivra : les routes, les ponts, les idées et les mœurs !
par Cheikh Tidiane Dieye
VOUS AVEZ RÉPONDU À L'APPEL DE LA PATRIE
Le monde entier a vu un président qui bat et gaze son peuple pour protéger son frère accusé de corruption - Il a vu qu'en plus de son recul économique, le Sénégal à aussi perdu sa place de modéle démocratique
Un grand merci au peuple sénégalais. Vous avez été des milliers à vous lever, au Sénégal comme dans la diaspora, pour dénoncer la corruption de notre République et exiger une gestion transparente et équitable de nos ressources pétrolières et gazières.
Je dénonce avec force l'interdiction de la manifestation par le Préfet de Dakar. Une fois encore, l'autorité à violé les droits constitutionnels du Peuple sénégalais sous le prétexte fallacieux de risques de troubles à l'ordre public.
Le monde entier a vu la repression policière contre les manifestants pacifiques, preuve évidente du despotisme repoussant qui tentent de s'installer au Sénégal.
Le monde entier a vu un Président de le République qui bat et gaze son peuple pour protéger son frère accusé de corruption
Le monde entier a vu que la vitrine démocratique est craquelée, brisée. Il a vu qu'en plus de son recul économique, le Sénégal à aussi perdu sa place de modéle démocratique depuis qu'un clan s'est emparé du pouvoir avec ses réseaux de clients et courtisans locaux et ses parrains étrangers.
Mais le monde a aussi vu un peuple debout et digne, des hommes et des femmes prêts à se battre dans l'intérêt des generations actuelles et futures.
Le 14 juin 2019 n'est que le point de départ d'une longue marche, une lutte pacifique mais déterminée, pour que les ressources naturelles dont Dieu dans sa Miséricorde infinie a gratifié notre pays, ne soit pas une malédiction provoquée par des dirigeants boulimiques et sans compassion.
Nous vous reviendrons dans les meilleurs délais pour partager les prochaines actions dès que la Plateforme "Aar Li Nu Bokk" #SunuPetrole# aura choisi ses prochaines actions.
"CRIMINALISER LE VIOL, C'EST ALLER AU-DELÀ DES INDIGNATIONS"
La ministre de la Femme, Ndèye Saly Diop Dieng, aborde plusieurs sujets dont la criminalisation du viol et de la pédophilie, le premier Sommet africain sur les mutilations génitales féminines et le mariage d’enfants, leur retrait de la rue…
Les meurtres de Coumba Yade et de Bineta Camara, encore frais dans les esprits, ont provoqué, Mme la ministre, une vive émotion dans l’opinion publique. Qu’est-ce que votre département fait pour lutter contre les récurrentes violences faites aux femmes et aux filles ?
« Vous me donnez, à nouveau, l’occasion de prier pour le repos de leurs âmes et de présenter encore une fois mes condoléances aux familles éplorées. Ces actes ignobles et inhumains sont à condamner vigoureusement. Il faut que cela cesse. Nous avons élaboré le premier « Plan d’action national 2017-2021 de lutte contre les Violences basées sur le genre (Vbg) et la Promotion des droits humains » en 2017 avec l’appui des partenaires du programme conjoint. Ce document-cadre, dont la mise en œuvre est sous-tendue par une approche multisectorielle et holistique, a été élaboré dans le but d’éradiquer les Vbg, conformément aux engagements internationaux et régionaux auxquels a souscrit notre pays, et à la volonté du chef de l’État d’optimiser le potentiel des femmes et des jeunes filles pour en faire des actrices majeures de l’émergence en 2035 ». La femme et l’enfant sont au cœur des initiatives entreprises dans le but de promouvoir un développement harmonieux.
Pour intensifier les actions gouvernementales en matière de prévention et de prise en charge des Vbg, en particulier des violences faites aux femmes et aux filles, il a été procédé, le 29 mai 2019, à la restructuration du Comité technique national pour la lutte contre les violences basées sur le genre et la promotion des droits humains. Ce mécanisme permet de disposer d’outils de pilotage national pour suivre la réalisation des politiques et programmes de lutte contre ce fléau. En d’autres termes, il se veut un cadre fédérateur des différents acteurs pour garantir une meilleure communication, un renforcement de la coordination des interventions afin de répondre plus efficacement aux alertes et de mieux protéger les communautés, de briser les cycles de violences et donc d’améliorer les conditions de vie des concitoyennes, notamment les plus vulnérables.
Dans la même dynamique de renforcement du dispositif de coordination des interventions, des comités régionaux de lutte contre les Vbg ont été mis en place sous l’autorité des gouverneurs de région. Ils disposent tous de plans d’actions respectifs élaborés sur la base de leurs réalités socioculturelles et des enjeux locaux identifiés. La recrudescence des violences faites aux femmes et aux filles notée ces derniers temps justifie le bien-fondé et le renforcement d’un tel dispositif. En sus, nous avons le soutien du président de la République qui a dédié son mandat 2019-2024 aux femmes et aux jeunes filles. C’est dans cette perspective que s’inscrit sa décision d’instruire le Garde des sceaux, ministre de la Justice, de préparer un projet de loi visant la criminalisation du viol et de la pédophile.
Le chef de l’Etat a également pris la décision de tenir en août 2019 un Conseil présidentiel sur la sécurité des personnes et des biens. C’est pourquoi mon département a initié un processus participatif et inclusif de réflexion et d’actions sur ces questions avec, pour finalité, l’élaboration d’un document de contribution au Conseil présidentiel, sous l’égide du Comité technique national de lutte contre les violences basées sur le genre et la promotion des droits humains.
A cet effet, la première étape de cette initiative est la tenue d’une session extraordinaire dudit comité que je préside ce matin (aujourd’hui, Ndlr) avec comme point d’orgue le début de la synthèse des mémorandums et propositions émanant du mouvement associatif féminin dont il me plaît encore une fois de saluer le dynamisme et l’engagement pour l’amélioration de la condition féminine vers l’autonomisation des femmes et des filles. »
Lors de la cérémonie de la levée des couleurs du 3 juin 2019, le chef de l’Etat a instruit le ministre de la Justice de préparer un projet de loi visant la criminalisation du viol et de la pédophile. Quelle lecture en faites-vous ?
« La déclaration du 3 juin dernier du président de la République est entrée dans l’histoire. Il a réitéré son engagement ferme pour le respect des droits humains de la femme, conformément à l’adhésion résolue de l’Etat aux instruments juridiques internationaux et régionaux protecteurs des droits de l’Homme en général et des droits de la Femme en particulier. Cette initiative salutaire de criminaliser le viol et la pédophilie constitue, en outre, une réponse positive aux nombreuses voix citoyennes qui se sont mobilisées à travers des marches et des campagnes de communication dans les réseaux sociaux pour condamner de tels actes. Au nom des femmes, des filles et des enfants, je voudrais dire merci au président de la République, Macky Sall, pour cette décision de haute portée. Criminaliser le viol et la pédophilie, c’est aller au-delà de l’indignation. »
Comment comptez-vous pallier le manque de données statistiques sur la problématique des violences basées sur le genre et garantir un meilleur suivi des indicateurs ?
« A l’interne, nous sommes en train de mettre en place un dispositif fonctionnel à travers un service des statistiques sociales dont les missions prendront en charge particulièrement ce volet. »
L’autonomisation économique des femmes est une de vos préoccupations majeures. Qu’est-ce qui est entrepris pour y parvenir ?
« Mon département travaille sur la stratégie nationale pour l’autonomisation économique des femmes et des filles dans une perspective de s’aligner sur les grandes orientations du plan d’actions prioritaires de la phase 2 du Plan Sénégal émergent. Une innovation majeure est envisagée avec l’émergence d’un entrepreneuriat féminin structurant avec des unités économiques de taille intermédiaire positionnées sur les chaînes de valeurs agricoles. Il s’agira également de renforcer les centres départementaux d’assistance et de formation pour les femmes avec de nouvelles missions susceptibles d’accompagner leurs initiatives en limitant les contraintes et limites qui freinent généralement le développement d’un entrepreneuriat endogène et pérenne. Au plan social, l’accompagnement des femmes et des filles victimes de violence pour assurer leur réinsertion socio-économique va bénéficier d’un programme de soutien avec la participation de nos partenaires. Enfin, au plan sanitaire, une synergie d’actions entre parties prenantes et un renforcement du dispositif de prise en charge des femmes atteintes de maladies comme le cancer du col de l’utérus, la futile obstétricale, le Sida, et j’en passe, seront parmi les priorités afin de soulager la souffrance des femmes touchées. »
Pouvez-vous nous faire le bilan de l’opération de retrait des enfants de la rue ?
« La directive du chef de l’Etat du 22 juin 2016 a été suivie d’une campagne de retrait qui a connu deux phases. La première s’est déroulée de juin 2016 à mai 2017 avec, à l’actif, le retrait d’un effectif de 1585 enfants, principalement dans le département de Dakar. La seconde opération, en 2018, a concerné 362 enfants dont 165 ont connu un retour en famille au Sénégal, et les autres dans les pays limitrophes dans le cadre d’une coopération bilatérale.
En termes d’enseignements provisoires tirés des deux opérations précitées, il faut souligner la non-opposition des familles religieuses, l’engagement des guides spirituels qui ont été sensibilisés, l’opinion publique favorable et le soutien des animateurs d’émissions religieuses dans les médias. Nous allons proposer au sein du gouvernement un plan d’actions basé sur l’information et la sensibilisation des familles et des parents sur leur responsabilité et un partenariat solide avec l’ensemble des parties prenantes pour marcher ensemble et aller dans la même direction : le maintien des enfants dans des structures de formation et de socialisation qui leur garantissent un développement harmonieux vers une vie citoyenne, épanouie et responsable. Dans ce même cadre, nous poursuivrons les efforts d’amélioration de l’image de l’enfant dans les médias avec les différentes initiatives déjà lancées en relation avec les acteurs de la communication. »
Quelles sont les réalisations de votre département en matière de prise en charge de la petite enfance ?
Depuis 2004, le gouvernement du Sénégal s’est doté d’une Politique nationale de développement intégré de la petite enfance (Pndipe) pour une meilleure prise en charge de cette couche. Cette politique, mise en œuvre par l’Agence nationale de la petite enfance et de la case des tout-petits (Anpectp), a permis de faire progresser considérablement le taux brut de préscolarisation qui est passé de 2,7 % en 2000 à 17,80 % en 2018.
Ainsi, il s’agira, pour les acteurs de la petite enfance, de poursuivre ces efforts en s’inscrivant dans la perspective indiquée par le président de la République à travers la deuxième directive issue du Conseil présidentiel sur les Assises nationales de l’Education et de la Formation qui recommande de « généraliser la prise en charge de la petite enfance ». A cet effet, 419 animateurs polyvalents ont été formés et recrutés dans la fonction publique.
Pour renforcer et améliorer l’environnement des apprentissages précoces, le gouvernement a construit 51 cases des tout-petits et réhabilité 28 structures Dipe sur toute l’étendue du territoire national durant la période de 2014 à 2018. Il s’y ajoute la mise en œuvre du projet « connecter les tout-petits » avec l’équipement de 200 salles multimédias permettant ainsi de faire bénéficier à 16515 enfants un apprentissage précoce à travers les Tice.
Par ailleurs, nous allons vers le lancement du projet Investir dans les premières années pour le développement humain au Sénégal après la mise en place de l’Unité de gestion du projet en cours. Cet important projet, d’un coût global de 75 millions de dollars, est financé par la Banque mondiale. Il comprend, entre autres composantes, la nutrition et la stimulation précoce de l’enfant au cours des 1 000 premiers jours ; l’apprentissage précoce de qualité et la protection de l’enfance et le renforcement des systèmes. »
La célébration du 30ème anniversaire de la Convention sur le Droit des enfants est un moment fort dans l’agenda de la prise en charge de cette couche. Comment impacte-t-elle véritablement le vécu des enfants ?
« Adopté le 20 novembre 1989, la Convention relative aux droits de l’enfant (Cde) a permis de transformer la vie de millions d’enfants en encourageant les gouvernements à modifier leurs lois et politiques et à réaliser des investissements afin que plus d’enfants puissent bénéficier des soins et de l’alimentation nécessaires à leur survie et à leur développement.
En contribuant à renforcer les dispositifs visant à les protéger de la violence et de l’exploitation, la Cde a également conduit à faire reculer le nombre d’enfants forcés de quitter l’école, d’effectuer des tâches dangereuses ou de se marier. Enfin, elle a permis à un plus grand nombre d’enfants de faire entendre leur voix et de participer à la société.
Mais, en dépit de ces progrès, la Cde n’est pas appliquée partout, ni connue ou comprise de tous. Aujourd’hui encore, un trop grand nombre d’enfants sont victimes de discrimination, d’abus, d’exploitation, de négligence, de conflits, de violences, etc., autant de souffrances qui leur volent leur enfance. Cet anniversaire sera l’occasion de rappeler l’urgence et l’importance de mettre en œuvre la Cde en ce XXIe siècle. »
Qu’en est-il de la 29ème édition de la Journée de l’enfant africain (Jea) ?
« Notre pays commémore, le 16 juin de chaque année, la Jea, en souvenir des enfants massacrés à Soweto, en Afrique du Sud. Cette activité marque le lancement officiel de la Semaine nationale de l’enfant (Sne) instituée en 1988 pour intensifier la réflexion autour des problématiques de protection de l’enfance. Le thème de commémoration de ces évènements est défini par l’organe investi du suivi de la mise en œuvre de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (Cadbe), à savoir le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (Caedbe). Cette année, la 29ème édition de la Jea et la 31ème édition de la Sne auront pour thème : « L’action humanitaire en Afrique : les droits de l’enfant d’abord ». Diverses activités sont prévues durant cette semaine avec l’ensemble des intervenants du secteur. La Sne sera mise à profit pour notamment doter le Centre Guinddi de kits d’identification permettant de retracer et de documenter le passage des enfants grâce au soutien du bureau de Dakar du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme. Ce nouveau dispositif viendra renforcer les acquis à travers le numéro vert 116 qui permet à toute personne (majeure ou mineure) de signaler les actes de maltraitance et toutes les formes d’abus et d’exploitations contre les enfants. Ce sera aussi l’occasion de poursuivre le processus de répertoire des « daara » qui a été déroulé dans la région de Dakar et à Touba. »
Quelles sont les actions entreprises par votre ministère dans la lutte contre le mariage d’enfants ?
« Plusieurs initiatives ont été lancées pour mettre fin à cette pratique parce que cette question se situe au premier rang des préoccupations de notre ministère. C’est pourquoi, nous avons lancé, en juin 2016, la campagne pour mettre fin au mariage des enfants et tenu, en octobre 2017, une rencontre de haut niveau sur la question. L’installation, en juin 2018, du cadre de concertation sur le mariage d’enfants regroupant les structures concernées au sein du gouvernement, des organisations de la société civile, de la coopération bilatérale et des partenaires techniques et financiers, témoigne de la responsabilité avec laquelle le gouvernement traite ce problème.
Dans la continuité des efforts fournis, mon département compte organiser, en partenariat avec le Ministère en charge de la Femme et de l’Enfance de la Gambie, le 1er Sommet africain sur les mutilations génitales féminines et le mariage d’enfants. Cette rencontre marquera également la commémoration de la Jea et le lancement de la Sne. »
Justement, les gouvernements sénégalais et gambien organisent le premier Sommet africain sur les mutilations génitales féminines et le mariage d’enfants à Dakar. Quels enjeux comporte un tel évènement ?
« Ce Sommet représente, pour le Sénégal, la Gambie et toute l’Afrique une occasion de renforcer la dynamique continentale d’actions harmonisées et concrètes pour mettre fin aux mutilations génitales féminines et au mariage d’enfants. Il faut agir ensemble et dans la même direction pour que les actions aient un impact pouvant mettre fin à ces fléaux. Au-delà du plaidoyer, il s’agira de mobiliser toutes les couches concernées pour éradiquer ces pratiques qui freinent le développement du continent. C’est pourquoi les délégations des pays participants au sommet sont formées de personnalités de toutes les couches sociales. L’objectif étant de traduire en actions l’engagement des États, des leaders religieux, des chefs traditionnels, des médias, des organisations de la société civile, y compris des jeunes et des femmes qui s’activent à mettre fin aux mutilations génitales féminines et au mariage d’enfants en Afrique d’ici à 2030. Plus de 17 pays africains ont confirmé leur participation au sommet qui compte réunir plus de 500 personnes. Ce sommet devrait aboutir à un plan d’actions continental pour mettre fin au mariage d’enfants. »
En 2018, vous aviez initié « le week-end social ». Allez-vous poursuivre cette initiative et l’étendre à tout le territoire national ?
« Cette initiative est en cohérence avec la mission que le président de la République nous a assignée. Le succès qu’elle a connu auprès des populations est un motif supplémentaire pour passer à l’étape supérieure. Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Cette initiative a été un vœu ardent du chef de l’État qui, en déclarant 2018 année sociale, nous avait instruits d’aller vers les populations et de leur apporter les soutiens dont elles ont besoin et cela sans exclusive.
Dans ce cadre, il y a eu le programme d’animation socio-économique et de dialogue avec les comités consultatifs des femmes déroulés dans 141 communes avec à la clé le financement de 1777 unités économiques au bénéfice de 123000 femmes pour une enveloppe globale de plus de 1,4 milliard de FCfa à travers le Fonds national de crédit femme et le Fonds national de promotion à l’entrepreneuriat féminin en collaboration avec la Der-Fjet les systèmes financiers décentralisés.
Les week-ends sociaux s’inscrivaient dans la même perspective d’autonomisation des femmes et des groupes vulnérables à travers des appuis au plan sanitaire et social avec les consultations médicales, les kits de matériels d’allègement, les financements de projets, etc. Bien entendu, nous comptons suivre cette direction qui m’a été fixée par le chef de l’État avec la prochaine visite que j’effectuerai dans les régions de Sédhiou et de Kolda à la fin de ce mois. »
Jean-Baptiste Placca
À QUOI JOUENT LES IVOIRIENS ?
Le pays a beau se mentir, il ne pourra faire l'économie d'une courageuse introspection pour comprendre comment la nation-modèle de Félix Houphouët-Boigny, en tout juste un quart de siècle, a perdu ses repères et perd régulièrement pied
La Côte d'Ivoire a beau se mentir, elle ne pourra faire l'économie d'une courageuse introspection pour comprendre pourquoi et comment la nation-modèle de Félix Houphouët-Boigny, en tout juste un quart de siècle, a perdu ses repères et perd régulièrement pied. À force de se faire peur, les Ivoiriens avancent dangereusement vers le pire…
En Côte d’Ivoire, le mot xénophobie a resurgi dans le débat national. Et les lieutenants des leaders politiques se le jettent à la figure, dans une ambiance qui rappelle, dites-vous, le climat qui précède les heures les plus sombres de l’histoire récente du pays. Faut-il s’en inquiéter?
Il faut s’en inquiéter, parce que ce mot apparaît dans un contexte de non-dits lourds de sous-entendus. Hélas, ces trente dernières années, ce terme, tel un oiseau de mauvais augure, est apparu comme en prélude à la descente aux enfers de la patrie de Félix Houphouët-Boigny. Régulièrement. À nouveau les uns et les autres se renvoient les accusations de xénophobie par médias interposés, telle une sentence définitive d’excommunication. Et tous donnent l’impression de s’être d’ores et déjà fait à l’idée que le pire est certain. L’on n’en est que plus malheureux pour la Côte d’Ivoire, tant le niveau du débat politique semble d’une médiocrité désespérante. C’est à qui frapperait le plus bas. Il ne s’agit pas de convaincre, non ! Mais, plutôt, de parvenir à discréditer le plus possible les autres. Il ne s’agit pas d’expliquer et de s’expliquer sur les faits. Nullement ! Mais, plutôt, de détourner le débat sur toujours plus de futilités.
Aussi, lorsqu’un ancien chef d’État laisse entendre que, sous couvert d’orpaillage clandestin, on ferait entrer des étrangers dans le pays, dans le but d’organiser une fraude à l’identité ivoirienne, dans la perspective de la présidentielle de l’année prochaine, personne ne s’interroge sur ce qu’il peut y avoir de vrai dans de telles affirmations. Un porte-parole préfère n’y voir que « l’instrumentalisation de la haine de l’étranger », et des menaces supposées pour « l’unité nationale ». Ainsi posé, le débat évacue les interrogations sur la véracité des faits, donc, sur le fond.
En même temps, l’on ne peut pas perdre de vue que de telles accusations, surtout dans la bouche du père du concept de l’ivoirité, rappelle une certaine xénophobie…
La question de la xénophobie vient naturellement à l’esprit. Et les Ivoiriens, mieux que quiconque, savent dans quels engrenages l’on s’engouffre, lorsque les problèmes sont posés de la sorte. Mais, si l’on en est encore là, aujourd’hui, c’est aussi parce que ce pays, ces huit dernières années, s’est ostensiblement voilé la face sur ce qui l’a fait passer d’un coup d’État à des élections calamiteuses, puis d’une rébellion à de nouvelles élections calamiteuses, et enfin à une des guerres les plus foudroyantes qu’ait connue l’Afrique de l’Ouest indépendante. O ! Il y a bien eu une Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation, mais, même les plus généreux se bornent à la qualifier de « belle coquille vide ».
La Côte d’Ivoire faisait naguère, avec le Sénégal, figure d’exception dans cette sous-région fragilisée par tous les travers de la mauvaise nation : coups d’État à la chaîne, guerres civiles, rébellions et autres sécessions. Du point de vue du pire, en moins de deux décennies, la Côte d'Ivoire s’est largement rattrapée.
Il y a tout de même eu quelques belles années de mieux-être économique, ces derniers temps…
L’illusion ultime est de croire que cela peut suffire à faire oublier les blessures profondes faites dans la chair d’une nation. Le leadership véritable, à la fin de la guerre, n’imposait-il pas de s’interroger de manière plus courageuse sur ce qui a conduit la nation-modèle au fond du précipice ? Au lieu de cela, Alassane Ouattara, secondé par Henri Konan Bédié (son Nyerere, disait-il) s’est contenté de déporter à La Haye Laurent Gbagbo. Deux ennemis intimes qui se trouvent une victime expiatoire pour faire oublier qu’ils étaient les deux principaux comptables du passif national, cela peut marcher quelques années, auprès d’une partie de la population. Gbagbo n’aura été, pour Ouattara et Konan Bédié, que le plus petit dénominateur commun, l’espace de quelque huit petites années. C’est fini ! Retour aux antipathies anciennes. Ce sera plus violent, hélas !
L’on n’oublie pas que les partisans de Bédié, à l’époque de leur précédente guerre, estimaient que Ouattara était Burkinabè, au moins en partie. Et l’ivoirité tenait aussi un peu des résidus de la colère de Bédié contre le Burkinabè – non, le Voltaïque – qui avait failli le priver de ce fauteuil pour lequel il avait fait le dos rond dans l’ombre du Vieux, pendant une bonne douzaine d’années.
Il y a donc quelque relent de xénophobie dans tout ce que l’on entend…
Il y a quelque relent de xénophobie partout. Et d’ailleurs, dans le cafouillage actuel, c’est une ancienne porte-parole du gouvernement ivoirien, Affousy Bamba, qui prend la défense de Konan Bédié, en dénonçant le régime Ouattara comme étant à la base de la fraude sur la nationalité. Pour elle, c’est au RHDP que l’on retrouve, je cite : « Le sectarisme, la xénophobie, le tribalisme à son état primaire ».
Par Modou Mamoune FAYE
JE LIS, DONC JE SUIS !
Nous qui avons connu un parcours scolaire plus poussé que nos parents devons être plus exigeants envers nos enfants en ce qui concerne la lecture et la fréquentation assidue des bibliothèques
Il y a une dizaine d’années, dans le cadre d’un documentaire audiovisuel sur les 50 ans d’indépendance du Sénégal, nous avions rencontré chez lui, au centre-ville de Dakar, Bara Diouf, l’ancien directeur général du quotidien « Le Soleil ». Pendant des heures, nous avions discuté des évolutions politique, culturel, social et surtout médiatique de notre pays. Malgré son âge avancé, le doyen, comme on l’appelait dans le milieu de la presse, était toujours alerte et tout aussi enthousiaste de partager son vécu, ses connaissances et sa joie de vivre. Nous avons consigné ces précieux « Mémoires » dans un support vidéo devenu, après son décès, un véritable legs, un patrimoine national pour les générations futures et surtout les journalistes que nous sommes.
Dans le cadre sympathique et convivial de sa demeure, entouré de son épouse et de sa fille cadette qui était alors une adolescente, il avait tenu, entre autres sujets, à nous parler d’une question qui lui tenait à cœur : la baisse du niveau intellectuel des jeunes sénégalais. Et lorsque nous lui avions demandé la cause de ce phénomène qui prend de plus en plus des allures alarmantes, il nous avait répondu ceci : « Lisez ! Vous ne lisez pas beaucoup. Replongez-vous dans la lecture, tout est dans les livres. Lisez tout : les livres d’auteurs sénégalais, ivoiriens, français. Le drame de votre génération est que vous ne lisez pas assez et bon nombre de jeunes ne connaissent même pas l’histoire de leur pays. Ce conseil s’adresse à tout le monde, mais surtout aux journalistes, car ils sont l’écho de la nation. Et quand on joue ce rôle, on doit savoir décrypter les bruits qui proviennent de cette nation ».
Une décennie plus tard, les mots de Bara Diouf résonnent encore fortement dans nos oreilles. Et le doyen avait bien raison de lancer ce cri d’alerte, lui qui était un amoureux des belles Lettres et qui constatait, avec peine, la baisse du niveau intellectuel de ses jeunes compatriotes que des pédagogues s’échinent à corriger depuis des années. Une étude nationale sur les « Performances scolaires des élèves âgés entre 9 et 16 ans », réalisée par le Laboratoire de recherches sur les transformations économiques et sociales (Lartes-Ifan), démontrait d’ailleurs, en 2016, que les enfants de cette tranche d’âge n’avaient réussi des tests de lecture qu’à hauteur de 16 %. Les résultats étaient de 20 % pour les mathématiques et 22 % pour la culture générale.
Face à cette situation déplorable, les responsabilités sont, bien sûr, partagées entre l’Etat qui a en charge l’élaboration du système éducatif national, les enseignants qui l’appliquent et les parents dont le rôle est de surveiller l’évolution du parcours académique de leurs enfants. Cependant, ces trois parties se rejettent constamment la balle, campant chacune sur sa position et croyant mordicus qu’elle remplit correctement sa mission. Et si on appliquait la recette de Bara Diouf en poussant nos enfants à lire des romans, des recueils de poésie et de nouvelles, des revues scientifiques, au lieu d’avoir toujours les yeux rivés sur leur téléphone portable et leurs jeux vidéo ? Il n’y a rien de mieux que la lecture pour muscler nos neurones, surtout pour des cerveaux en pleine croissance comme ceux des enfants et des adolescents. « La lecture est un éveil de l’âme et du cœur. Une jouissance de la pensée et des sentiments », disait justement l’écrivain canadien Michel Bouthot.
En lisant, nous forgeons notre esprit critique « par la confrontation entre les idées ou les idéologies ». Je lis, donc je suis, sommes-nous tenté d’écrire ! Mais, comment lire dans un monde où l’écrit a tendance à être de plus en plus supplanté par la force de l’image qui envahit tout notre univers ? Que lire face à toute une panoplie de documents qui circulent sur le réseau Internet et dont l’authenticité est parfois difficile à vérifier, tellement les pratiques manipulatoires font florès ? A notre humble avis, la meilleure façon d’inciter les jeunes à la lecture est de les orienter vers les bibliothèques. Malheureusement, il n’en existe presque plus dans notre environnement immédiat.
Dans une précédente chronique consacrée à l’inexistence d’une Bibliothèque nationale au Sénégal, nous déplorions cette absence d’infrastructures culturelles dans nos quartiers et communes, au moment où les salles de spectacles et les boîtes de nuit sont remplies de jeunes et d’ados en quête de sensations fortes. Nos parents dont la plupart n’avaient pas fréquenté l’école française nous encourageaient pourtant à nous abonner aux rares bibliothèques qui existaient à Dakar et dans les autres régions. Cela nous avait permis d’avoir des « moments intimes » avec les classiques de la littérature africaine et des livres d’auteurs étrangers. Des lectures qui, plus tard, ont orienté nos choix de vie, façonné nos itinéraires personnels et guidé nos carrières professionnelles. Alors, nous qui avons connu un parcours scolaire plus poussé que nos parents devons être plus exigeants envers nos enfants en ce qui concerne la lecture et la fréquentation assidue des bibliothèques. Face à tous les périls qui nous guettent, il y va de l’avenir de notre nation qui aborde un grand tournant de son Histoire et, en même temps, est au carrefour de tous les espoirs…
30 ANS AU SERVICE DES CULTURES URBAINES
Docta embellit nos villes grâce au dynamisme de son art. Pionnier du graffiti au Sénégal, l’homme est, aujourd’hui, l’une des figures les plus emblématiques de cette discipline.
Depuis 30 ans, Docta embellit nos villes grâce au dynamisme de son art. Pionnier du graffiti au Sénégal, l’homme est, aujourd’hui, l’une des figures les plus emblématiques de cette discipline. En plus d’être artiste, le graffeur est aussi un activiste très engagé dans la sensibilisation de ses concitoyens. L’Institut français de Dakar célèbre les trente ans de la trajectoire artistique d’Amadou Lamine Ngom à l’état civil, à travers une exposition rétrospective intitulée  Bitti Biir Ê (Extérioriser l’intérieur) à découvrir jusqu’au 31 août à la galerie Le Manège.
Dans la cour pavée de la Galerie Le Manège, Docta a les airs d’une star de reggae. Avec ses dreadlocks bien enveloppés dans une sorte de turban noir, baskets de même couleur, vêtu d’un grand boubou au couleur bleu nuit, il fait, sans arrêt, les dizaines de pas séparant la salle d’exposition de l’enceinte de l’édifice. En attendant le vernissage de son exposition « Bitti Biir » (Extérioriser l’intérieur), qui célèbre ses 30 ans de création, l’artiste essaye tant bien que mal de noyer le stress découlant des jours et nuits qu’il a passés pour monter ce travail que le public piaffe d’impatience de découvrir.
PROMOTION DES CULTURES URBAINES
Depuis 30 ans, Amadou Lamine Ngom à l’état civil s’est consacré au « street art », pour ne pas dire l’art de rue. A force d’abnégation, il est devenu, aujourd’hui, l’un des graffeurs les plus emblématiques du continent. Docta peint les murs et embellit les quartiers et les rues de son pays. Le message de son art, à travers les couleurs et les formes, est une invitation à la conscience citoyenne, au respect des valeurs, une sensibilisation aux enjeux environnementaux… En célébrant, l’homme, l’Institut français Léopold Sédar Senghor de Dakar a voulu rendre hommage à un pionnier du graffiti dont l’art inonde les rues et remplit les âmes, souvent stressées, de splendeur. Le travail de Docta parle un langage simpliste, ordinaire et accessible même aux profanes. Il s’adresse aux passants et aux sans domicile fixe (Sdf). Avec des messages parfois universels fixés soit à partir d’une toile de jute, soit sur des murs d’édifices publics, les fresques de celui qui a contribué « à l’émergence d’une école africaine de graffiti en créant plusieurs festivals et événements sur le continent », véhiculent une énergie positive en embellissant les murs et les corps. Cette exposition est le reflet d’une partie de sa riche expérience partagée entre ses voyages et ses rencontres. Ceux-ci lui ont permis de façonner l’artiste qu’il est devenu au fil des années. « En trente ans de carrière, j’ai beaucoup appris au cours de mes voyages et des gens que j’ai rencontrés. Ces personnes m’ont fait grandir et comprendre que la vie peut atteindre un niveau extraordinaire par le travail, le partage et la sagesse », soutient-il. C’est à force de côtoyer son monde qu’il a appris à démystifier beaucoup de choses. « Bitti Biir » replonge en partie « dans le long parcours du graffeur dans la promotion de l’art visuel et des cultures urbaines, du graffiti des rues de la Médina, de la banlieue et des villes sénégalaises ».
Artiste bourré de générosité.
La carrière de Docta se résume jusqu’ici au partage. Le graffeur a contribué à la formation de trois générations d’artistes dans son domaine. « Bitti Biir » est sa première exposition individuelle en 30 ans de carrière. Depuis ses débuts dans ce milieu, il n’a jamais voulu faire une exposition individuelle, choisissant de toujours partager ses exhibitions avec ses pairs afin de contribuer à leur formation et promotion. D’ailleurs, c’est aussi tout le sens de ces nombreux festivals et initiatives visant à développer et à faire connaitre le graffiti. Après la mise en place, en 1994, de son association « Doxandem squad », il crée en 2010 le Festigraff. Lequel est considéré comme le premier Festival de graffiti en Afrique ayant pour mission première de partager des savoirs, les techniques et la conception que chacun peut avoir de cet art. Un an plus tard, en 2011, Docta innove encore avec le « Festival Graff et Santé », mais cette fois-ci avec comme objectif de sensibiliser les populations sénégalaises via le graffiti sur des questions de santé publique. Né en 1975 dans le populeux quartier de la Médina de Dakar, Amadou Lamine Ngom est un homme passionné. Déjà tout petit, il gribouillait des visages anonymes.
LA MUSIQUE AU DEBUT…
De ces représentations pittoresques, s’est forcé le talent d’un jeune qui, au début, ne savait pas où il voulait exactement aller. « Le graffiti est venu avec le hiphop. On chantait et dansait. On a appris ce métier à travers les bouquins pour finir par devenir des professionnels », raconte-t-il. L’artiste s’est essayé d’abord à la musique. A ses débuts, la musique était un support par lequel Docta voulait s’exprimait. « On a eu un album qu’on a jamais voulu sortir. On a fait aussi des singles », laisse entendre celui qui a commencé la musique avec le groupe Mediclan (Clan de la Médina). Aujourd’hui, il a tourné cette page musicale pour se consacrer entièrement à sa passion : le graffiti. Néanmoins, avec sa structure, il continue de coacher des artistes afin de les aider à améliorer leur visuel. Docta, c’est aussi un activiste, membre du mouvement de contestation pacifique sénégalais « Y’en a marre ». Son engagement vient de ce qu’il vit tous les jours dans la rue. Mais aussi des figures historiques comme Nelson Mandela, Aline Sitoé Diatta, Thomas Sankara, Kwame Nkrumah apparaissant dans certaines de ses œuvres. « Ce sont des leaders dans leur domaine qui se sont sacrifiés pour leur population. Nous nous retrouvons dans leur idéologie. C’est donc normal qu’il soit des références pour la nouvelle génération. Je cherche, à travers mon travail, à les faire vivre de manière éternelle », expliquet-il. Amadou Lamine Ngom se sert de son art, qui a pris désormais, selon lui, une place dans la société, pour conscientiser ses concitoyens autour des questions essentielles allant de la santé à l’environnement, en passant par l’éducation et la politique. Dans son désir de communiquer pour changer les choses, Docta a vu son langage envahir la rue grâce à la force de son art. Si l’impact de son travail par rapport à la conscience citoyenne est difficile à évaluer, il a toutefois le mérite de faire rêver les esprits et de continuer à embellir nos cités. L’exposition « Bitti Biir » (Extérioriser l’intérieur) est à découvrir jusqu’au 31 août à la galerie Le Manège de l’Institut français de Dakar.
Par Badiallo dit Boucounta BA
AYEZ L’HONNEUR SUPRÊME DE RÉUSSIR CE CHALLENGE AU PAYS DES PYRAMIDES
Après la cérémonie de remise du drapeau national, présidée par le chef de l’Etat, vous devez être très motivés pour envisager de dominer, du début à la fin, vos adversaires et terminer en apothéose là-bas.
Badiallo dit Boucounta BA |
Publication 15/06/2019
Après la cérémonie de remise du drapeau national, présidée par le chef de l’Etat, vous devez être très motivés pour envisager de dominer, du début à la fin, vos adversaires et terminer en apothéose là-bas.
Lions de la Téranga, toujours prêts à répondre à l’appel du devoir, vous avez quitté Alicante, en compagnie de votre coach et de son staff, et rejoint l’Egypte où, à partir du 21 juin, vous participerez, avec d’autres sélections nationales (23), à la Can 2019. Après la cérémonie de remise du drapeau national, présidée par le chef de l’Etat, vous devez être très motivés pour envisager de dominer, du début à la fin, vos adversaires et terminer en apothéose là-bas.
En réalité, les qualités physiques et mentales, grâce auxquelles vous serez en mesure de réussir ce challenge, qui se résumera à surclasser tous vos devanciers et à faire en sorte que le rêve collectif et merveilleux de vos compatriotes se réalise enfin, ne vous manquent pas. Je n’ignore pas non plus qu’une préparation bien programmée, un budget conséquent pour vous garantir d’excellentes conditions de séjour, un encadrement adapté à la situation et l’enthousiasme consécutif à la victoire historique de Sadio Mané en finale de la Ligue des champions, ainsi que le cumul des autres succès que vous avez obtenus cette saison, constitueront également des motifs d’encouragement dans la Tanière. Au moment où l’esprit de vos infatigables supporters est tourné vers cette compétition, la plus prestigieuse en Afrique, j’ai aussitôt pensé à vos aînés, en particulier à ceux-là qui ont déjà eu le mérite d’être, pour le même but, nos ambassadeurs au pays des pyramides. C’était en 1986, au Caire plus précisément, où ils jouèrent dans le même groupe que l’Egypte. Ils y avaient démontré qu’ils avaient une réelle capacité à se surpasser, après avoir été requinqués par l’hymne national. D’ailleurs, je profite de l’occasion pour rehausser à nouveau notre attachement à cet hymne, étant entendu qu’il fera toujours vibrer notre fibre patriotique et, sous toutes les latitudes, nous galvanisera toujours.
A ce propos, je spécifie d’abord que l’un des thèmes de cette composition musicale, liée à notre représentation nationale, est l’enracinement dans nos valeurs. Du coup, je dis fièrement que nous avions déjà pris conscience que nos ancêtres, parmi lesquels des héros et de vénérables marabouts, nous inspireraient à tout moment. Ils sont demeurés, avant même le magistère du président de la République qui a construit la Nation et écrit lui-même l’hymne, des références pour nous en ce qui concerne l’honneur, la bravoure, la foi en Dieu, le culte du travail, etc. Nous continuerons de tirer grandement profit de ce legs précieux, si nous nous efforçons de ne pas rendre problématique sa préservation, malgré les avatars de la vie et notre choix délibéré de nous ouvrir aussi aux autres. Fort de cela, je me plais à rappeler ici et maintenant une aventure extraordinaire qu’a vécue cette sélection-là, composée de joueurs professionnels et locaux, aussi talentueux les uns que les autres. Une telle synthèse, une belle symphonie à mes yeux, avait suscité, en son temps, l’admiration des férus du ballon rond.
Le vendredi 7 mars de cette année-là, en début d’après-midi, ces grands joueurs, ou les compagnons de la vedette de l’équipe à l’époque que fut feu Jules Bocandé, gagnèrent leur premier match. Un match d’ouverture contre le pays hôte, au Stade international du Caire, devant près de 100 000 spectateurs. Alors, nous commençâmes à espérer remporter la Coupe pour la première fois. Mais, cet élan populaire et l’euphorie ne durèrent pas longtemps.
En effet, nous ne pûmes pas nous qualifier pour l’étape suivante, malgré un doute savamment entretenu pendant des heures, à cause de la différence des buts marqués, favorable, au finish, à l’Egypte et à la Côte d’Ivoire. Nos joueurs eux-mêmes, qui étaient si conquérants, n’avaient pas imaginé qu’ils pouvaient subir ce sort. Face à cet état de fait, je suis d’accord qu’il faut toujours prendre soin d’informer, à temps, nos participants à une compétition pareille sur ces éventuels cas de figure. Evidemment, un certain pragmatisme et, en plus, une adhésion constante au sursaut, remarqué chez les masses laborieuses, les apprenants et les autres Sénégalais lors de notre troisième participation à une Can après une assez longue absence, ne m’autorisent pas à m’attarder sur les problèmes extra-sportifs que l’on évoqua ça et là, pour justifier en vain une désespérance. Je retiens plutôt que la loi du football, le sport roi qui apparaît comme le domaine par excellence du fairplay, avait été implacable à notre égard en ces circonstances-là. Je présume que l’on a dû vous raconter, Lions de mon pays, cet épisode mémorable de l’histoire de notre football. Aussi, je reste persuadé que vous voudrez relever bientôt un défi majeur sur le sol égyptien où vos aînés-là avaient été éliminés sans pour autant démériter et où d’autres se rendirent pour la Can 2006 et terminèrent en demi-finale. J’avais même décidé de revenir largement sur l’épopée de notre équipe nationale, qui se déroula à la Can au Mali et par la suite au Mondial en Corée du Sud/Japon, en vue de vous inciter toujours à aller jusqu’au bout. Celle-ci était formée presqu’en totalité par des professionnels, tous dévoués à la tâche, à l’instar de votre coach à qui revenait le brassard de capitaine.
Puis, j’ai considéré que, en tant que protagoniste, ce dernier serait mieux placé que moi pour vous en parler avec maestria et passion ou que vous pourriez déjà en savoir beaucoup. Je me contente donc de vous exhorter à vous montrer, au pays des pharaons, disposés à vous mouvoir impérialement de part et d’autre sur l’étendue de la pelouse, à le faire sans cesse à chaque match. Certes, les duels sur le terrain seront forcément rudes pour vous et les autres. Cependant, je ne doute pas que votre patriotisme et votre engagement total seront des armes redoutées qui vous permettront valablement de créer les conditions d’accomplir, sans bavure, votre exaltante mission.
Sur cette lancée, vous prendrez des initiatives audacieuses, en vue d’assiéger, sans répit, le camp adverse. Toutefois, nous ne pourrons être rassurés et, en même temps, ravis que lorsque nous aurons la certitude que vous vous fixerez résolument comme objectif la victoire finale. Seule cette conquête, convoitée depuis au moins une dizaine de lustres par notre peuple, vous amènera ipso facto à couronner l’ensemble des efforts que vos aînés (1) ont fournis durant nos participations à une Can et à d’autres joutes sur le plan international.
Dans ce cas, vous aurez surtout, pour le présent et pour l’avenir, l’honneur suprême d’être les premiers à propulser si loin et si haut notre football dans le continent. Que le soutien infaillible de vos compatriotes, là où ils puissent se trouver, soit déjà pour vous, Lions du Sénégal, l’élément catalyseur qui vous donne l’envie immodérée d’arriver à cette fin sur les bords du Nil. 1. J’ai une pensée pieuse pour certains d’entre eux disparus et pour nos regrettables entraîneurs, comme feu Bruno Metsu, qui tint les rênes de cette glorieuse équipe nationale de 20002, et feu Mawade Wade dont l’expertise fut reconnue par tout le monde sportif.
Badiallo dit Boucounta BA est formateur de professeurs et d’inspecteurs du moyen/secondaire, ancien Chef du Département de Langues romanes à la Fastef/Ucad
PAR M. SARR
POUR L’HONNEUR DU SÉNÉGAL...
En choisissant de mâter et d’étouffer par la force toutes les voix discordantes, le président de la République divise les Sénégalais, au lieu de les rassembler tel que le lui impose sa charge de « père de la Nation »
Certes, il y avait un mémorable 23 juin 2011. Pour les férus de date, désormais, il y a le vendredi 14 juin 2019. Cette date est entrée dans la mémoire collective. Pour cause, une partie du peuple regroupée dans la plateforme «Aar Linu Bokk » a assiégé, contre vents et marées, la mythique Place de la Nation ou Obélisque pour un rassemblement d’information et de sensibilisation, suite à la diffusion d’un reportage par la chaine britannique BBC intitulé : « Un scandale à 10 milliards » sur l’octroi de licences de pétrole à Pétrotim et faisant état de faits de corruption impliquant le frère du président de la République.
A la surprise générale, le préfet de Dakar a interdit la manifestation pour des motifs de : «Menaces réelles de troubles à l’ordre public», « risques d’infiltration» et tutti quanti. Joignant le geste à la parole, le préfet a inondé la place de l’Obélisque de policiers armés jusqu’aux dents pour casser du manifestants. Mais, le refus du l’autorité administrative n’a ni entamé la mobilisation, ni la détermination de la Plate- forme « Aar Linu Bokk » dont l’appel a été plus que entendu par les citoyens, en majorité par les jeunes.
Face à ces positions antagonistes, le risque de confrontation était inévitable. Conséquence, on a eu droit, hélas, à des scènes de violences, de guérilla urbaine, de gaz lacrymogènes, de rues en flammes avec leurs lots de blessés, d’arrestations et de désagréments...
Du déjà vu, certes. En 2011. Mais, l’on croyait que ces images étaient du passé. En démocratie comme dans tout autre domaine : « Qui n’avance pas recule». Surtout qu’un des leaders de la révolte de 2011 contre le 3e mandat de Abdoulaye Wade, Macky Sall, en l’occurrence, est au pouvoir depuis 2012. Il vient d’être confortablement réélu le 24 février dernier. Dans son premier discours après sa réélection, le président de la République promettait de «décrypter le message des 42% » qui ont voté contre lui. Manifestement, Macky Sall n’a pas encore compris pourquoi, près de la moitié du pays lui a tourné le dos. En choisissant de mâter et d’étouffer par la force toutes les voix discordantes, le président de la République divise les Sénégalais, au lieu de les rassembler tel que le lui impose sa charge de « père de la Nation ».
Le bon sens recommande que la manifestation soit autorisée et encadrée. Mais hélas... Au lieu de réparer les lignes de fractures ethniques, religieuses apparues lors de la campagne électorale, Macky Sall continue de braquer contre lui des compatriotes qui ont comme lui le patriotisme bandoulière.
L’affaire Pétrotim n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. La transparence sur la gestion de nos ressources naturelles que réclame la Plateforme « Aar Linu Bokk » n’est pas la mer à boire. Le président Macky Sall peut aisément accéder à cette demande à condition d’être à équidistance des parties et de laisser la justice faire son travail. Il eu va de l’honneur du Sénégal et de la démocratie.
LES DÉTAILS LA PLAINTE D’ALIOUNE SALL
Saisine du médiateur interne de BBC depuis le 10 juin
Bien avant l’appel à témoin et l’auto-saisine du Procureur de la République, Me Moustapha Dieng, conseil d’Alioune Sall, a saisi le 10 Juin, le médiateur interne de la Bbc dans l’affaire du scandale présumé des 10 milliards de dollars, évoquée par la journaliste Mayeni Jones.
Le reportage de la Bbc News Afrique diffusé le dimanche 02 juin 2019, intitulé : «Un scandale à 10 milliards de dollars», présenté par la journaliste Mayeni Jones, continue de faire couler de l’encre et de la salive. Depuis le 10 Juin, Me Mouhamadou Moustapha Dieng, avocat d’Alioune Sall a saisi par plainte le médiateur interne de la chaîne Bbc News Afrique. Relevant que le « reportage a été réalisé en violation manifeste des règles éthiques et déontologiques qui encadrent l’exercice du journalisme », Me Dieng estime que « plusieurs passages revêtent un caractère diffamatoire qui portent atteinte à l’honneur et à la considération » de son client.
Le principe du contradictoire a été manifestement violé, car l’auteur a sciemment et sérieusement tronqué le document écrit portant les réponses de Monsieur Aliou Sall à ses interpellations, note Me Dieng. Le frère du Président Sall, relève son conseil, est accusé, d’avoir usé des liens familiaux avec le chef de l’Etat pour faire bénéficier à l’homme d’affaire roumain Frank Timis de contrats de recherches et de partage de production de pétrole et de gaz dans notre pays en contrepartie d’actions dans les sociétés de ce dernier d’une valeur de 03 millions de dollars.
Le reportage a aussi fait état d’un salaire de 25 000 dollars américains par mois pendant cinq ans versés par l’entreprise de Monsieur Frank Timis. Frank Timis aurait par ailleurs fait un versement de 250 000 dollars américains viré dans le compte de Agritrans, la société de Monsieur Aliou Sall. Estimant que ces accusations sont loin de la réalité, Me Dieng reproche à Mayeni Jones d’avoir « omis de procéder à un recoupement rigoureux de ses sources, de s’être précipitée à donner la parole à des accusateurs intéressés et en prenant soin de ne pas laisser entendre la voix de la personne incriminée dans le reportage ».
L’ACCORD AVEC TIMIS SIGNE TROIS MOIS AVANT LA PRESTATION DE SERMENT DE MACKY SALL
Evoquant quelques détails du dossier, Me Dieng rappelle « que Timis corporation a obtenu l’accord du gouvernement du Sénégal pour l’octroi des permis pétroliers Saint-Louis Offshore Profond et Cayar Offshore Profond dès le 17 janvier 2012, soit près de trois mois avant la prestation de serment de Macky Sall, frère de Monsieur Aliou Sall. En vertu du principe constitutionnel relatif à la continuité de l’Etat, ce dernier n’a fait qu’approuver, entre autres décrets, une décision déjà prise par son prédécesseur. C’est d’ailleurs durant cette période transitoire que les décrets 2012-596 et 2012-597 portant approbation desdits contrats ont été naturellement signés par le nouveau Chef de l’Etat. Il est donc établi que Monsieur Aliou Sall n’a pas été à la base de l’octroi de contrats de concession à Timis Corporation.
Monsieur Aliou Sall n’a jamais intercédé en faveur de Monsieur Frank Timis en contrepartie de l’octroi d’actions d’une valeur de 3 000 000 de dollars américains dans les sociétés de Monsieur Frank Timis. Les 25 000 dollars dont fait par ailleurs état Madame Mayeni Jones dans ce reportage résultent de salaires régulièrement perçus par Monsieur Aliou Sall en sa qualité de chef du bureau de représentation d’une société présente au Sénégal.
Aucun conflit d’intérêt ni aucune violation de la loi ne peut donc être reproché à Monsieur Aliou Sall. Nous tenons à préciser qu’un tel salaire pour une telle fonction est en deçà des rémunérations versées dans le secteur pétrolier à l’époque de sa nomination».
Pour ce qui est du virement de 250 000 dollars américains allégué, Me Dieng argue que cette affirmation ne repose sur aucun fondement sérieux. «Sur cet aspect très important du reportage, Madame Mayeni Jones a fait fi de la version de Monsieur Aliou Sall contenue dans un document écrit transmis à la journaliste par le cabinet d’avocats Shillings de Londres.
La journaliste Madame Mayeni Jones dit détenir la preuve de la corruption d’un mail échangé entre British pétrolium (Bp) et Monsieur Franck Timis au travers duquel ce dernier aurait ré- clamé 250 000 dollars au titre des impôts à payer au Sénégal. C’est sur la base de cet e-mail qui ne concernerait en rien Monsieur Aliou Sall que la journaliste a voulu asseoir l’effectivité de la remise d’une telle somme, ce qui ne résulte que de son imagination fertile. Il n’y a jamais eu un transfert de 250 000 dollars américains effectué par Monsieur Frank Timis dans les comptes de la société Agritrans.
L’exposé des faits ci-dessus indique selon notre point de vue, que la journaliste Madame Mayeni Jones a méconnu les règles élémentaires de son métier, et a violé les principes éthiques et déontologiques essentiels pourtant consacrés par le code de diffusion de l’Ofcom ».
Tant de motifs qui font conclure au conseil qu’une enquête doit être diligentée sur tous les détails évoqués.
par Thierno Alassane Sall
L'ITIE CAUTIONNE L'OPACITÉ
Il est aujourd’hui urgent pour l’ITIE de mettre à jour son évaluation des politiques du secteur minier au Sénégal au risque de continuer à cautionner les pratiques de corruption et d’obstruction à la justice du régime de Macky Sall
Le 8 mai 2018, l’ITIE déclarait que « le Sénégal avait fait des progrès satisfaisants » pour remplir les normes de l’ITIE, faisant du Sénégal le premier pays africain à recevoir une telle appréciation. A cette occasion le conseil d’administration de l’ITIE avait « félicité le gouvernement du Sénégal et les membres du groupe multipartite pour les progrès réalisés dans l’amélioration de la transparence et la redevabilité dans les industries extractives et leur utilisation du processus de l’ITIE afin de mener les réformes et générer un débat public vibrant. » Le débat public sur le secteur du pétrole et du gaz au Sénégal a certes été très vibrant durant ces sept dernières années mais il est en porte-à-faux avec l’évaluation de l’ITIE.
Le reportage de la BBC du 03 juin 2019 intitulé « The US$ 10 billion energy scandal » (Un scandale à 10 milliards de Dollar) illustre le manque de transparence et les soupçons graves de corruption qui entourent le président Macky Sall, sa famille et des ministres Sénégalais dans la gestion du secteur pétrolier et gazier au Sénégal. L’ITIE n’était pas sans ignorer la multitude de scandales qui ont secoué ce secteur durant ces dernières années et qui ont été largement relayés par la presse sénégalaise et une partie de la presse internationale notamment durant la dernière période d’évaluation de l’ITIE, y compris :
J’ai démissionné de mon poste de ministre de l’Energie le 02 mai 2017 suite à mon refus de signer la cession des parts de Timis Corporation à la British Petroleum et une licence d’exploration et d’exploitation en faveur de Total qui était classée cinquième parmi les offres reçus sur le bloc de Rufisque.
Monsieur Abdoul Mbaye, ancien Premier Ministre, a déclaré publiquement à plusieurs reprises que la licence accordée à Timis Corporation l’a été sur la base d’un faux rapport de présentation au Conseil des Ministres sur les capacités techniques et financières de l’entreprise. Il a saisi le procureur de la République ainsi que le Président de la République en février 2018.
La compagnie Tullow Oil a saisi le gouvernement du Sénégal pour une plainte s’étant sentie laissée à la suite de l’attribution de la licence à Timis Corporation sur deux blocs sur lesquels elle était en négociation avancée avec les institutions publiques concernées.
Le président Macky Sall a refusé de rendre public un rapport de l’Inspection Générale d’Etat (IGE) qui établit clairement que Timis Corporation n’avait pas les compétences requises pour bénéficier d’une licence et avait toutes les caractéristiques d’un spéculateur. Des lanceurs d’alerte ont publié ce rapport qui est facilement disponible sur internet.
Plusieurs journalistes d’investigation (Baba Aidara, Adama Gaye etc.), des acteurs politiques (Mamadou Lamine Diallo, Ousmane Sonko etc.), des activistes (notamment Petroteam Monde) ont documenté et dénoncé ces scandales sur la base d’informations fournies par leurs sources et des lanceurs d’alerte.
Il est dès lors évident que l’ITIE a failli à ses devoirs basiques de « due diligence » en ne reflétant pas ce contexte et ses affaires dans son évaluation. Ces manquements ont un impact direct sur l’opinion publique nationale et internationale et la redevabilité des acteurs du secteur et celle du gouvernement envers le peuple sénégalais. Par exemple, le Président Macky Sall et ses ministres ont à plusieurs reprises cité le satisfecit de l’ITIE pour preuve de la transparence du secteur et pour justifier leur refus de déclencher des actions judiciaires, y compris après le documentaire de la BBC.
Nous ne remettons aucunement en cause la bonne foi de l’ITIE qui peut être abusée, encore moins l’importance de sa mission. Cependant, il est important de noter les faiblesses méthodologiques qui limitent la capacité de l’ITIE à mesurer le vrai degré de transparence et de redevabilité dans les industries extractives :
La publication de documents n’est pas synonyme de transparence : l’évaluation de l’ITIE se base en grande partie sur la publication de documents légaux et d’informations tels que les contrats pétroliers et gaziers pour apprécier le niveau de transparence du secteur minier. En quoi la publication de contrats frauduleux contraires aux lois et aux intérêts des pays est-elle gage de transparence et de redevabilité ? Cette erreur fondamentale de l’ITIE vient du fait qu’elle ignore totalement le processus amont de sélection des compagnies où les risques de corruption sont les plus élevés. En évaluant les pays sur cette base étroite, l’ITIE cautionne de fait tout le processus légal et administratif sans l’évaluer en profondeur.
L’ancrage sur des institutions fermées et contrôlées nuit à la participation inclusive : l’évaluation de l’ITIE se base également sur les travaux et les rapports d’activité d’un groupe multipartite qui inclut gouvernements et entreprises pétrolières et exige la participation de la société civile. Dans les pays où les institutions sont faibles et le pouvoir concentré autour de quelques mains, ces mécanismes aboutissent souvent à des organes fermés et contrôlés par un petit nombre d’intérêts. En outre, comme indiqué plus haut l’ITIE n’a utilisé aucun des éléments mis dans l’espace public par la société civile plus large (journalistes, partis politiques) et des lanceurs d’alerte.
Il est aujourd’hui urgent pour l’ITIE de mettre à jour son évaluation des politiques du secteur minier au Sénégal au risque de continuer à cautionner les pratiques opaques, de corruption et d’obstruction à la justice du régime du président Macky Sall. Cette mise à jour devrait être menée par des experts crédibles et indépendants dans des délais courts et acceptables. Il en va de la redevabilité de l’ITIE envers les citoyens des pays membres de l’initiative et à la communauté internationale. Pour le Sénégal les enjeux sont fondamentaux : renforcer notre justice et notre démocratie, s’assurer que les ressources naturelles bénéficient aux citoyens et poser les bases de notre développement.
Pour la même raison de transparence qui participe à la noblesse de la mission de l’ITIE, nous rendrons cette lettre publique en osant espérer qu’elle contribuera à améliorer votre évaluation et vos appuis aux politiques publiques pour le bénéfice des populations au Sénégal et dans le monde.