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10 septembre 2025
PAR ELGAS
NOTION DE RESPONSABILITÉ
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 – On est dans une commode résignation, invoquant l’absence de moyens pour justifier le laisser-aller - Le pouvoir recourt aux valeurs nationales, en expliquant l’incidence de la fortune, pour se dérober à son attentisme
#Enjeux2019 - C’est devenu le jeu favori d’à-peu-près tout le monde, d’accabler les hommes politiques. Ils seraient tous corrompus, déconnectés, frappés de cécité et entretiendraient un entre-soi où se partage la fortune du pays. Ce regard systématique, qui rassemble le simple citoyen, le journaliste, l’intellectuel et bien d’autres producteurs d’informations, a du vrai, c’est sûr. Mais à le marteler à l’excès, il perd de sa justesse et devient un propos de gare, qui n’aura ni portée, ni signifiance. C’est du reste la critique que les politiques esquivent le plus facilement, tant elle est imprécise et faite d’imprécations. L’enjeu d’une élection ne doit se limiter à la question de l’arithmétique, à la durée du mandat, aux batailles de chiffres, voire même aux idées, toutes vertueuses soient-elles. Il doit inclure la capacité à transformer une société et cela n’est ni le fait des seuls gouvernants, ni des seuls experts. Il requiert un travail d’ensemble sur l’évaluation des valeurs nationales et leur capacité à en engendrer le résultat souhaité.
Force est de constater que dans ce registre, rien n’a jamais été aussi flou. Ce que veulent les sénégalais reste assez peu mesurable, et ce qu’ils donnent à voir, par exemple les idées les plus populaires, est parfois en antagonisme frontal avec ce qu’ils souhaitent. Plus simplement ce qu’ils disent diffèrent de ce qu’ils font. Il suffit pour en avoir le cœur net d’interroger une notion, celle de la responsabilité, au gré du temps, des pouvoirs, par le prisme des valeurs sacrées, pour voir que nous manquons terriblement dans nos dispositifs actuels de bienveillance d’ensemble et de solidarité organisée.
Cela est d’autant plus préoccupant que régulièrement les notions d’hospitalité, de chaleur humaine, les vertus d’entraide, toute cette architecture communautaire est vantée comme le rempart contre les exclusions et l’amortissement des chocs de la pauvreté. C’est même devenu un fétiche d’analyse, sans que l’analyste précisément ne se donne la peine d’aller vérifier le fond de l’affaire. Ansoumana Dione, dont je suis et soutiens le combat pour une dignité des handicapés, a pointé les failles d’un système de prise en charge et de soin des malades. Aux sources d’un tel manquement, l’absence de sentiment de responsabilité. Qui est responsable des malades mentaux ? Des enfants talibés ? A échelle plus familiale, que doit-on à l’enfant que l’on met au monde ? Quelle est la part dévolue à la société, à l’Etat, à l’éducation ? Et plus radicalement, que risque-ton si on manque à sa responsabilité d’assurer les fondements d’une société à travers l’élémentaire solidarité ?
- Des questions sans réponses -
Adressées au pouvoir, ces questions restent sans réponses. On est très vite, dans une commode résignation, invoquant l’absence de moyens pour justifier le laisser-aller et l’impuissance générale. Le pouvoir recourt aussi aux valeurs nationales, en expliquant l’incidence de la fortune, la baraka, pour se dérober à son attentisme. Dans les familles, sentiment différent mais toujours aussi fataliste : la responsabilité reste un domaine opaque sur lequel on n’aurait pas prise et dont il faudrait laisser les rênes au destin.
La responsabilité d’une situation, d’un être, d’un devenir, reste ainsi le parent pauvre, que ne se renvoient même pas - dans une guéguerre - politique et citoyens, mais qu’ils ont simplement admis. La responsabilité reste pourtant l’essence d’une gestion, avec la reddition de compte, l’évaluation. Elle permet de garder à un niveau d’alerte maximale les individus en charge d’une mission, pour qu’ils la remplissent sous peine d’être sanctionnés. C’est ce sens de la dévotion, de l’intégrité, qu’il manque dans l’honneur politique et dans la société. Le péril des incivilités urbaines est un autre exemple de populations peu concernées, parce que l’idéal commun, le bien public, par déficit de compréhension, restent une illusion pour beaucoup.
La notion de responsabilité doit émerger par le bas par conséquent. Elle pourrait être le cœur d’une rupture franche dans les pratiques. La politique seule ne peut la mettre en route. Elle doit être le fait d’une pensée théorisée dans toutes sphères de la société. L’université pourrait, en concertation avec les associations, impulser cette dynamique qui participe d’une transformation de la dynamique sociale. Il est assez dommage que quelques années après les assises nationales, beaucoup d’idées se soient évanouies dans la nature. Il est certain qu’il en faudrait d’autres, plus urgentes.
L’articulation entre la pauvreté, le déterminisme culturel, et l’absence de connaissance des droits, a créé un espace d’immobilisme. L’Etat, de plus en plus dépendant des marchés, est faible et sans prérogative. Les familles, prises dans le tourbillon d’une vie difficile, deviennent réceptives à des compétitions humaines plus féroces qui font vaciller le pacte social. Les castes/classes deviennent des refuges et le socle national est pris en étau dans la jungle d’une survie. Les élections restent ainsi un moment politique assez négligeable au final, car le plus important semble être dans le quotidien d’une pratique sociale qui montre les aptitudes des populations à mieux exécuter leurs devoirs pour mieux exiger des droits. Le déplacement de la politique du champ électoral au champ social et sociétal, est une des transitions en cours dans le monde dont il faut souhaiter des répercussions au Sénégal.
Elgas est journaliste, chercheur et écrivain. Son premier roman, "Un Dieu et des mœurs", a été publié en 2015 par Présence africaine. Né en 1988 à Saint-Louis, et ayant grandi à Ziguinchor, il est diplômé de communication et de science politique et, depuis peu, titulaire d'un doctorat en sociologie. Depuis deux ans, Elgas publie sur SenePlus.com une chronique hebdomadaire : "Inventaire des idoles".
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, BACARY DOMINGO MANÉ
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MACKY VEUT VENDRE L’IMAGE D’UN CANDIDAT ZÉRO STRESS
EXCLUSIF SENEPLUS - Après la danse, le président sortant s’est livré à un petit jogging à Fatick - Dans ce duel à mort avec ses concurrents au fauteuil, il va se surpasser, donner des coups et en recevoir
Bacar Domingo Mané de SenePlus |
Publication 17/02/2019
Après la danse, le jogging… électoral ! Le candidat Macky Sall fait feu de tout bois pour séduire les électeurs. Le choix de la mise en scène sportive, dans sa ville natale (Fatick) vise à prouver qu’il est en forme, bien portant et dynamique. Qu’il aborde cette campagne électorale avec zéro stress, en dépit des attaques de ses concurrents. Et ne se fait aucun doute sur l’issue heureuse du scrutin du 24 février.
Parcourir le Sénégal profond pendant 21 jours ; avoir dans les jambes 504 heures de convois, de caravanes, de meetings et de visites de proximité ; serrer des milliers de mains ; sourire à ces visages dont les micro-expressions en disent long sur le climat mental des électeurs ; prononcer des centaines de discours dans le but de convaincre les indécis et les votants critiques ; prendre des engagements ambitieux…Il faut avoir du «coffre» et respirer la santé pour y arriver. Comme a tenté de le prouver Macky Sall, ce samedi à Fatick, à travers une mise en scène sportive réussie.
Le candidat de Benno Bokk Yakaar (BBY) ne cesse d’étonner son monde. Après la danse, le président sortant s’est livré à un petit jogging à Fatick, sur le chemin du stade Massène Sène où il devait présider le meeting de campagne de la coalition BBY, pour la présidentielle du 24 février prochain.
Ce petit jogging, de quelques centaines de mètres, est un coup de pub politique pour paraître en forme et dynamique auprès des électeurs. Le candidat à la présidentielle qui a visiblement perdu quelques kilogrammes, a besoin de montrer qu’il se sent bien dans sa peau.
Macky a voulu ainsi ouvrir les portes de son jardin secret aux électeurs pour leur prouver que le président sortant s’adonne, chez lui, à des activités sportives. Dans le but de créer une ambiance d’empathie dont les dividendes se transformeront en bulletins de vote le 24 février prochain.
Le choix d’être dans un habit léger (comparé aux costumes ou grands boubous) vise à exhiber les métamorphoses d’un corps qui avait pris de l’embonpoint. Mais surtout qu’il est un homme de terrain, dynamique et combatif. La mise en scène de cette pratique sportive est comme pour narguer ses concurrents au fauteuil présidentiel, en se lançant dans une publicité comparative qui ne dit pas son nom : je suis plus en forme que vous !
C’est aussi une manière de renvoyer l’image d’un candidat qui bat campagne avec zéro stress, en dépit des attaques de ses concurrents et de celles du «Pape » du Sopi. Macky veut montrer qu’il est serein et ne se fait aucun doute sur l’issue heureuse du scrutin du 24 février prochain.
Nous sommes dans la dimension symbolique de la communication politique avec ce «numéro» qu’il a choisi de «jouer» à Fatick, sa terre natale. Comme s’il pouvait tout se permettre ici parce qu’il est protégé par les dieux. L’ancrage atténue toute forme de critique relative à la désacralisation du corps du président de la République. Au royaume de l’enfance, l’on peut se permettre de défricher des lopins de liberté. Comme lorsqu’il se met à pousser les forces de sécurité pour se frayer un passage à l’entame de son jogging.
En effet, le sport fonctionne comme une sorte de métaphore de la politique, parce qu’il renvoie à l’effort physique, au combat, au dépassement de soi, au duel etc. Macky montre, à travers cette mise en scène sportive, que la politique est une course de fond, qui demande de l’endurance et de l’abnégation. Dans ce duel à mort avec ses concurrents au fauteuil, il va se surpasser, donner des coups et en recevoir, car le politique, à l’image du sportif, doit savoir encaisser et se surpasser.
La course à pied, comme l’explique Michaël Atali, c’est «la capacité d’aller au-delà de ses limites, le travail, la régularité… »
Mais quel est la pertinence de ce mode de communication (mise en scène sportive) par Macky Sall, si, parmi les adversaires, il y a plus jeune que lui ? L’offre unique de vente du candidat SonkoPrésident, c’est sa jeunesse. Peut-il lui nier un quelconque dynamisme ?
Le souci de susciter ce vent de sympathie chez les électeurs est indéniable. Macky Sall cherche à casser l’image du héros (celui qui prend ses distances, inaccessible) avec ses pas de danse, son jogging et ses traits d’humour. Le «Niangal» apprend à se départir de son masque.
EXCLUSIF SENEPLUS - L’appel de Wade, la possibilité ou non d’un holdup up électoral, la préservation de la stabilité du pays et autres questions sont débattues dans toutes les sphères de la société
Ababacar Sadikh Sall et Lamarana Diallo |
Publication 17/02/2019
Suite aux violences de Tambacounda soldées par deux morts, les questions autour de la présidentielle sont sur toutes les lèvres. L’appel de Wade, la possibilité ou non d’un holdup électoral, la préservation de la stabilité du pays et autres questions sont débattues dans toutes les sphères de la société. Face à la caméra de www.seneplus, des sénégalais ont pris la parole pour donner leurs points de vues.
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DONNER UN NOUVEAU VISAGE À SÉDHIOU
EXCLUSIF SENEPLUS - Les étudiants de la région de Sédhiou regroupés autour du Mouvement Servir Sédhiou ont décidé de s’impliquer dans la gestion de leur ville natale
Youssouf Ba et Lamarana Diallo |
Publication 17/02/2019
Les étudiants de la région de Sédhiou regroupés autour du Mouvement Servir Sédhiou ont décidé de s’impliquer dans la gestion de leur ville natale. Décus de la capacité des pouvoirs publics à impulser le développement de leur terroir, Cheikh Ahmadou Bambo Badji et ses camarades veulent changer la donne en s’engageant dans une politique active.
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DIANO BI AVEC ALIOUNE TINE
L'ancien directeur régional d’Amnesty international pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre et expert indépendant de l’Onu chargé des droits de l’homme au Mali, fait le tour de l'actualité au micro de Maodo Faye, dans l'émission dominicale en Wolof
Alioune Tine est au micro de Maodo Faye dans l'émission dominicale "Diano-bi" (Wolof) sur Sud FM.
PAR MOUMINY CAMARA
L'AFFICHE ÉLECTORALE DE SONKO
En s’érigeant en candidat pourfendeur d’un mal systémique, un tel positionnement par valeurs permet de reconquérir les citoyens déçus qui écumaient les partis traditionnels depuis plus de trois décennies
Dans cette affiche électorale, il y a une double construction visuelle et scriptuaire: l’une est liée à la fraicheur de profil du candidat dans l’échiquier politique sénégalais et prise en charge par certains constituants iconiques; l’autre traduit par le message linguistique, donne à lire le positionnement politique du candidat de la Coalition Sonko Président, qui s’est autoproclamé contempteur d’un système.
Sur le plan iconique, le candidat du parti PASTEF est donné à voir à dans une vue de face (plan rapproché taille) inséré dans un décor marin à l’arrière-plan qu’il surplombe telle une élevation céleste. Il est vêtu d’un costume sombre (bleu nuit) au-dessus d’une chemise blanche et une cravate unie qui contribuent à magnifier l’homme politique, à accentuer sa prestance. La tenue est ici protocolaire puisque le style est sobre sans fantaisie ni extravagance et la personnalité politique du candidat prend toute sa valeur.
Le candidat esquisse un sourire discret atténué par un regard retranché derrière une paire de lunettes et une gestuelle des mains croisées qui lui confèrent un air calme sérieux. La ligne horizontale qui reflète le niveau de l’océan teint d’un bleu éclairci derrière le candidat renforce cette impression de calme. Si les lunettes contribuent à peaufiner le style du candidat, cet accessoire visuel dépasse un simple effet de style mais constitue une volonté d’édulcorer une image qui lui colle à la peau et souvent décrite par ses adversaires: celle d’un “blanc bec” au parcours politique vierge et aux ailes frêles pour supporter le poids d’une nation comme le Sénégal. Patrick François dans son ouvrage Le marketing politique. Stratégies d’élection et de réélection (L’Harmattan, 2013) écrit: “Les lunettes contribuent incontestablement au style. Elles peuvent donner soit un air intellectuel, sérieux ou branché en fonction du positionnement du candidat ou de la candidate […] Ainsi, un jeune politicien à qui l’on reproche de manquer d’expérience pour une fonction de haut niveau aura tendance à porter des lunettes qui donneront une image sérieuse susceptible de contribuer à une certaine forme de maturité.” (162)
Un cadrage vertical est choisi dans cette affiche électorale qui présente le candidat dans l’axe du regard comme si, de façon épiphanique, il faisait une apparition en contre plongée au 1er plan. Ce choix de cadrage vertical hormis le fait d’être plus chaleureux que le cadrage horizontal, donne une impression de proximité avec le candidat qui semble projeter son regard dans celui du citoyen.
Cette symétrie des regards nous met en face d’un candidat autant regardant que regardé. Cette dialectique du regard instaure du même coup un subtil jeu de miroir qui permet une identification mutuelle entre le candidat et le citoyen. Une telle identification par le jeu des regards engendre une adhésion-fusion forte au point de faire du vote pour le candidat non pas un acte individuel banal mais plutôt un acte collectif transcrit par un dédoublement déictique «je » et verbal « voter » (« JE VOTE ET JE FAIS VOTER. Sonko Président »). La présence du spécimen du bulletin de vote du Pastef en bas et à droite de l’affiche complète le parcours visuel.
Sur le plan linguistique, l’affiche comporte à deux types de slogans: un slogan de positionnement situé en haut et à droite de l’affiche “Présidentielle 2019. JOTNA. LI NEP BOKK, NEPP JOT CI” (“Il est temps que le bien commun puisse profiter à tout le monde”) et donne le ton de projet politique qui fustige “la piètre qualité de l’élite politique et les faibles performances dans la gouvernance d’Etat”(Ousmane Sonko, Solutions. Pour un Sénégal nouveau. p. 13).
Il s’agit d’un positionnement par valeurs écrit en lettres capitales en guise d’impératif catégorique qui opère une rupture temporelle nette entre le passé et le présent. Du reste, cette rupture entre le passé et le présent est suggérée par l’idée d’évolution matérialisée par la présence de lignes obliques (du bas vers le haut) sur les deux dernières lettres du concept JOTNA. En s’érigeant en candidat pourfendeur d’un mal systémique, un tel positionnement par valeurs permet de reconquérir les citoyens déçus qui écumaient les partis traditionnels depuis plus de trois décennies.
Le slogan de secondaire est quant à lui localisé en bas de l’affiche “L’avenir, c’est maintenant!” conforte cette idée de rupture paradigmatique dans la praxis politique avec un jeune candidat qui propose “Un SURSAUT patriotique salvateur” (Solutions. Pour un Sénégal nouveau. p.13)
Encore une fois, l’analyse de cette affiche n’est pas exhaustive- elle est ramassée- pour éviter qu’elle ne rebute ou lasse par sa longueur. Rendez-vous est pris pour la prochaine affiche.
PAR JEAN-BAPTISTE PLACCA
AUTANT DE BOMBES À RETARDEMENT...
C’est un dangereux pari pris sur l’avenir que de miser sur une passivité ad vitam aeternam des peuples africains - Un jour ou l’autre arrive l’injustice de trop, et ce peut être meurtrier
C’est un dangereux pari sur l'avenir que de miser sur le fait que l’Afrique peut tout supporter, et qu’à toutes les offenses, les peuples réagiront toujours avec une stoïque résilience...
Du dernier sommet de l’Union africaine, Emmerson Mnangagwa est rentré « conforté », dit-on, tandis que Félix Tshisekedi, lui, se serait senti « légitimé par ses pairs ». Tel autre chef d’Etat en difficulté serait revenu d’Addis-Abeba « ragaillardi » par l’onction de ses homologues. Ne devrait-on pas, finalement, se réjouir de ce que cette organisation apaise les tensions et pacifie plutôt facilement des situations a priori conflictuelles ?
Si seulement c’était cela, la réalité ! Quelle douce illusion que de penser que l’indifférence bienveillante de ses pairs peut être une onction suffisante pour faire oublier, au Zimbabwe, les violentes répressions qui ont marqué les grèves du mois dernier ! Et comment espérer que cette victoire du candidat Tshisekedi, tombée du ciel en RDC et aussitôt rejetée par l’UA elle-même, pourrait ne pas rester en travers de la gorge de ces millions de Congolais qui croyaient réellement au changement, en choisissant ce Fayulu qu’ils connaissaient si peu, mais qui, à leurs yeux, présentait l’avantage d’être combattu et par le pouvoir et par l’alliance Tshisekedi-Khamere ? Voir les sommets de l’UA servir à absoudre des chefs d’Etat en mal de légitimité pour des fautes commises contre leurs propres peuples nous ramène à l’époque, morose, où l’OUA faisait office de syndicat des chefs d’Etat. C’était au temps du parti unique où, quand on votait, tous votaient dans le même sens. Les choses étaient alors d’une limpidité sans équivoque. Il n’y avait pas d’élection frauduleuse à légitimer, et l’Afrique n’avait pas à se mentir à elle-même, au-delà de ces tristes évidences.
Quelle différence avec aujourd’hui ?
C’est d’abord ce mensonge qui consiste à faire croire aux populations qu’elles ont le choix, alors que leurs choix sont systématiquement violés, avec ce que cela peut générer de frustrations et de sentiments d’injustice. Et les injustices, ici, sont autant de bombes à retardement. Pour le reste, l’Union africaine n’a aucune légitimité pour légitimer des dirigeants, en lieu et place de leurs peuples. Si elle doit se mêler de ces questions, autant que ce soit pour se tenir du côté de la vérité, sans fléchir.
Cheikh Anta Diop, lors d’une conférence en 1984 à Niamey, soutenait que l’Afrique, sur les questions controversées, dans quelque domaine que ce soit, devrait, par son investigation intellectuelle, trouver sa propre vérité et s’y tenir, y compris par des mesures conservatoires, jusqu’à ce que tout le monde joue le même jeu, jusqu’à ce que l’on sache que la supercherie est finie, et que l’on n’a plus affaire à de nouveaux-nés.
L’Union africaine a failli, en ne se tenant pas à sa courageuse vérité première.
Félix Tshisekedi continuera donc d’être reçu comme un chef d’Etat normal, à travers le continent, et même au-delà.
Et Martin Fayulu, lui, continuera à crier dans le désert, jusqu’à extinction de sa voix. Il n’est pas le premier opposant à avoir le sentiment de s’être ainsi fait voler sa victoire. Avec une Union africaine tergiversant autant, l’on peut craindre qu’il ne soit, hélas, pas le dernier !
Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU salue néanmoins « un vent d’espoir », qui soufflerait sur le continent…
Les victoires douteuses ou frauduleuses ne sont porteuses d’aucun espoir. C’est une vaine certitude que de croire que l’Afrique peut tout supporter, que l’on peut tout faire avaler au peuple, et qu’à toutes les offenses, il réagira toujours avec une stoïque résilience. Avec tous les mensonges que l’Afrique s’administre elle-même, elle n’a pas besoin que d’autres viennent, en plus, la conforter dans le recul, la flatter dans ses lacunes.
C’est un dangereux pari pris sur l’avenir que de miser sur une passivité ad vitam aeternamdes peuples africains. Un jour ou l’autre arrive l’injustice de trop, et ce peut être meurtrier.
A la tribune de ce 32e sommet de l’Union africaine, le président de la Fifa a annoncé que le continent va pouvoir passer des éternelles promesses aux réalités concrètes. N’est-ce pas là un vrai message d’espoir ?
Oui. Mais, pour passer aux succès concrets, les peuples ont besoin de leadership, et il n’en est point, sans des leaders dignes de confiance. Chaque peuple, pour se transcender, a besoin de dirigeants qui inspirent le respect, dont la parole porte, motive et mobilise.
Cette semaine sur RFI, un écrivain israélien, parlant de David Ben Gourion, déclarait qu’il était « le de Gaulle israélien ». L’Afrique a une ardente soif de leadership visionnaire ! Observez finement les Etats africains. Ceux qui s’en sortent le mieux sont, comme par hasard, aussi ceux qui ont su générer leur « de Gaulle », leur « Ben Gourion », et même un, par génération.
Les « Ben Gourion » et les « de Gaulle » savent devoir des comptes à leurs peuples, et non à une assurance contractée auprès d’officines étrangères, qui s’avèrent, au final, de véritables assurances contre l’incompétence et la trahison.
"LA GAUCHE A RENONCÉ À DÉFENDRE SES IDÉES"
Pour l’universitaire Rama Salla Dieng, la gauche sénégalaise, absente de la présidentielle du 24 février, paie ses compromissions successives avec les libéraux - ENTRETIEN
Le Monde Afrique |
Courba Kane |
Publication 17/02/2019
Pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal, le Parti socialiste (PS) ne présentera pas de candidat au scrutin présidentiel du 24 février. Au pouvoir de 1960 à 2000, sous Léopold Sédar Senghor puis Abdou Diouf, le PS dirigé par Ousmane Tanor Dieng soutient la coalition du président sortant Macky Sall.
Rama Salla Dieng, maîtresse de conférences au Centre d’études africaines de l’université d’Edimbourgh, au Royaume-Uni, analyse les raisons de l’échec de la gauche sénégalaise.
L’absence de candidature socialiste à la présidentielle est-elle une surprise ?
Rama Salla Dieng Oui. Cependant, c’est le résultat d’un long processus dont le tournant se situe en 2000 avec l’élection d’Abdoulaye Wade. Jusqu’à cette date, l’échiquier politique sénégalais était polarisé entre libéraux et socialistes. C’est sous les mandats d’Abdou Diouf [de 1981 à 2000], président pourtant socialiste, que les programmes d’ajustements structurels du FMI seront appliqués, le franc CFA dévalué. Puis arrive Abdoulaye Wade en 2000. Il contribue à brouiller encore plus ces lignes traditionnelles en impulsant une politique sociale alors qu’il est un libéral. Le chantre du « sopi » [« changement » en wolof], son projet de transformation sociale, accroît l’intervention de l’Etat dans l’économie en subventionnant l’agriculture et l’énergie.
De la même manière, Macky Sall, lui-même ancien socialiste converti au libéralisme, a mâtiné son programme de mesures sociales comme l’octroi de bourses aux familles les plus pauvres. Ces années sont marquées par des luttes internes dans les partis de gauche : au PS, au Rassemblement national démocratique et à l’And-Jëf [Parti africain pour la démocratie et le socialisme]. La fragmentation de la gauche politique est parachevée avec la participation de certaines de ses figures comme Mamadou Diop Decroix, Amath Dansokho, Djibo Ka ou Abdoulaye Bathily aux gouvernements d’ouverture menés par des premiers ministres libéraux.
Récemment, deux autres figures socialistes, Aissata Tall Sall et Khalifa Sall, ont rallié des candidats libéraux à la présidentielle, Macky Sall et Idrissa Seck. Le clivage droite-gauche est-il toujours pertinent ?
Ces ralliements brouillent encore un peu plus la scène politique. Depuis 20 ans, la gauche ne propose pas de projet. Elle collabore avec les libéraux. Dans les centres urbains, les élites, traditionnellement socialistes, cèdent aux sirènes du parti au pouvoir. On perçoit aussi cette tendance au niveau local. Dans le cadre de mes recherches dans les régions de Louga et de Saint-Louis, j’ai constaté ce phénomène de transhumance chez nombre de maires et de leaders religieux. Toutefois, ce serait une erreur de résumer la gauche à ses dinosaures politiques. Mieux vaut parler de « gauches ».
La gauche a-t-elle renoncé à défendre ses idées, ses valeurs ?
Oui. La gauche historique, de l’indépendance aux années 1990, était contestataire. Ses leaders ont participé aux luttes sociales, à Mai 68, et beaucoup ont été emprisonnés, ont survécu dans la clandestinité avant l’instauration du multipartisme intégral en 1981. Des leaders comme Landing Savané ou Abdoulaye Bathily ont combattu dans des partis qui prônaient le respect des libertés individuelles et la lutte contre les inégalités. Dans les années 1980, ils ont dénoncé les politiques d’ajustements structurels imposées par les institutions internationales qui fragilisaient les plus pauvres de la société. Cette gauche-là s’est d’ailleurs alliée à d’autres gauches africaines ou à l’international pour mener le combat. Mais depuis la fin des années 1990, les partis de gauche réagissent peu aux attaques contre les libertés individuelles.
Où se déroule la bataille des idées ?
Elle se déroule surtout en dehors du champ politique. Les syndicats continuent de l’incarner, mais d’autres acteurs s’en sont saisis ces dernières années. Les débats ont pris place dans la société civile, dans des mouvements religieux, qui attirent de plus en plus les jeunes, à l’université notamment, dans des mouvements citoyens qui ont un rôle de vigie, et de manière très significative sur les réseaux sociaux. Certains abstentionnistes choisissent d’investir ces poches de résistance qui incarnent pour eux l’espoir. Il faut y voir une quête de sens et comprendre que les idées progressistes ne sont l’apanage ni de la gauche ni de la droite.
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OBJECTION AVEC FATOU SARR SOW
La présidente du Caucus des femmes leaders est l'invité de Baye Oumar Guèye
L’ancien chef de l’Etat et président du parti démocratique sénégalais effectue un séjour de deux jours sur invitation du Président guinéen.
Abdoulaye Wade a quitté Dakar à bord d’un jet privé mis à sa disposition par le milliardaire guinéen Ousmane Yéra. Il a été accueilli à l’aéroport de Conakry par Alpha Condé.
Selon nos sources, le président guinéen cherche à convaincre le pape du Sopi de surseoir à son projet de perturber le scrutin présidentiel du 24 février au Sénégal. Les deux hommes auraient même dînés ce samedi soir.