Le constat est général, le Fouta est l’une des parties du Sénégal les plus oubliées alors que les fils et filles du Fouta ont travaillé dans presque tous les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir
Le 24 février 2019, le peuple sénégalais sera appelé aux urnes pour élire un nouveau Président de la République qui conduira les destinées de la nation durant les cinq prochaines années. C’est donc un moment historique et un enjeu fort dans la vie politique de notre pays. Au-delà d’être une tradition démocratique, l’élection présidentielle constitue également « la rencontre d’un homme avec son peuple ».
Dans un contexte d’émergence et de développement, la présidentielle de 2019 sera également une occasion pour les 5 candidats officiellement retenus de partager leurs programmes ou projets de société avec le peuple sénégalais. Ainsi comme dans toutes contrées du Sénégal, le Fouta en général et la région de Matam en particulier vivra au rythme de ces joutes électorales. En effet, les populations du Fouta ont toujours participé à cette vieille tradition démocratique de l’indépendance à nos jours.
Aujourd’hui la réalité est qu’il y a un gros fossé entre l’implication des populations du Fouta dans les affaires publiques à travers la politique et le développement économique du Fouta. Le constat est général, le Fouta est l’une des parties du Sénégal les plus oubliées alors que les fils et filles du Fouta ont travaillé dans presque tous les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir. Au 21ème siècle, il existe encore dans le Fouta des zones complétement enclavées. Le Fouta est toujours relégué au second plan : manque d’infrastructures routières et sanitaires, le chômage des jeunes et l’insécurité alimentaire entre autres. Le paradoxe est que le Fouta, par son électorat considérable, a toujours voté pour le parti au pouvoir.
Au lendemain de l’élection du Président Macky Sall à la magistrature suprême, les populations du Fouta avaient beaucoup d’espoir de voir enfin le bout du tunnel avec notamment la prise en compte des doléances dans les différents domaines précités. Malheureusement, tel n’est pas encore en cas même si quelques efforts ont été faits. Force est de reconnaitre que le Président Macky a eu le mérite de nommer certains fils du Fouta à des postes de responsabilité. Mais malheureusement la rivalité politique, les querelles claniques et partisanes entre les acteurs politiques eux-mêmes ont freiné l’élan de développement du Fouta. En effet, ils ont préféré défendre leurs propres intérêts que ceux des populations. Au Fouta, la politique a fini de diviser les familles et créer une grosse psychose au sein des populations. Il est aujourd’hui regrettable que certains acteurs politiques du Fouta attendent l’approche des élections pour se trouver dans le but de défendre leurs privilèges et leurs postes. Le Fouta a besoin des hommes et des femmes capables de porter la voix du développement et de l’émergence.
Au seuil de l’élection présidentielle où la campagne électorale se caractérise par l’abondance des discours captivants et un chapelet de promesses, les populations doivent enfin prendre leurs responsabilités et refuser que le Fouta soit considéré comme un « bétail électoral ». L’élection présidentielle est donc une occasion inouïe de faire entendre sa voix, sinon d’imposer son choix.
Yero Guissé Citoyen du Fouta
"LES SÉNÉGALAIS VEULENT UNE ALTERNATIVE GÉNÉRATIONNELLE"
Dans un mois, les Sénégalais se rendront aux urnes pour la présidentielle - De quoi découvrir avec intérêt le constat de Cheikh Ahmed Bamba Diagne qui a analysé les scrutins au pays de la Téranga de 1960 à 2016 - ENTRETIEN
Le Point Afrique |
Marie Lechapelays |
Publication 25/01/2019
orte longévité des hommes politiques, loi sur les parrainages contestée, suspicion d'instrumentalisation des institutions : l'élection présidentielle du 24 février prochain intervient dans un contexte particulier sur fond de bilan de la première phase du Plan Sénégal émergent, mais aussi de défiance des populations par rapport à la classe politique. Dans cet environnement, il est particulièrement intéressant de partager avec Cheikh Ahmed Bamba Diagne le fruit de son observation de 56 ans de vie citoyenne des Sénégalais à travers leur relation au droit de vote. Dans son livre Comment votent les Sénégalais ? Analyse du comportement de l'électeur de 1960 au 20 mars 2016 (L'Harmattan Sénégal, 2017), ce docteur en économie spécialisé dans les questions bancaires, monétaires et financières se sert des chiffres pour s'attaquer à un domaine qui le passionne : la politique. Pour offrir une analyse rigoureuse des stratégies de vote des Sénégalais, l'enseignant-chercheur a décortiqué dix élections présidentielles, douze législatives et trois référendums. De quoi lui permettre une analyse fine des réalités qui entourent le prochain scrutin présidentiel.
Le Point Afrique : Depuis l'indépendance, le taux de participation baisse progressivement. Comment l'expliquer ?
Cheikh Ahmed Bamba Diagne : Effectivement, le taux de participation est passé d'environ 95 % au temps du parti unique de Léopold Sédar Senghor à 55 % à l'élection présidentielle de 2012. Il existe toujours un devoir de citoyenneté au Sénégal, mais il concerne surtout les zones les plus reculées. C'est dans les villages éloignés de la capitale qu'on observe les taux de participation les plus élevés. Voter y est comme une religion. On va dans les bureaux de vote pour montrer qu'on est un bon Sénégalais qui s'intéresse à la vie du pays.
Mais dans la capitale et les centres urbains, les hommes politiques sont démythifiés. Les populations y étant plus informées, elles voient comment ceux-ci utilisent leur pouvoir et s'enrichissent. Il y a un véritable problème de confiance entre le peuple, les jeunes citadins notamment, et les politiciens. Cette année, les suspicions d'influence du pouvoir actuel sur le Conseil constitutionnel et sur la justice continuent de les décrédibiliser. Les électeurs sont découragés et ne veulent pas se déplacer pour choisir parmi des hommes qui sont « tous les mêmes ».
Les marabouts ont-ils toujours de l'influence sur le vote de leurs fidèles ?
Aujourd'hui, le Sénégalais fait la différence entre le plan spirituel et le plan temporel. Il peut suivre spirituellement un marabout, mais va souvent considérer que les questions politiques sont plutôt ses affaires. Cela dit, les marabouts ont longtemps donné des consignes de vote, et toujours en faveur du pouvoir en place, pour s'assurer des privilèges. Cela déplaît. Les chefs religieux comprennent qu'en se positionnant politiquement ils risquent de perdre leur autorité auprès de leurs fidèles et leur rôle extrêmement important de stabilisateur en cas de conflit. Si les candidats continuent à faire le tour des confréries, ils savent que ce n'est plus aussi payant.
Il y a plus de trois cents partis au Sénégal. Pensez-vous, comme Senghor, que la prolifération des partis politiques est un danger pour la démocratie sénégalaise ?
Ce n'est pas un problème tant que cela montre une aspiration démocratique. Mais ce qui existe beaucoup au Sénégal, c'est le « business politique » qui consiste à créer un parti pour proposer son soutien à tel ou tel candidat. Et si ce candidat est élu, devenir dans le pire des cas président d'un conseil d'administration. Parallèlement, cela permet aux principaux candidats de dire : « Regardez tous ces partis qui me soutiennent… » Problème : ces partis, personne ne les connaît ! Prenons l'exemple des vingt-sept candidats qui ont déposé leur dossier au Conseil constitutionnel pour la présidentielle de février. Demandez aux Sénégalais de vous en citer vingt, ils en seront incapables. Donc, ne parlons même pas quand plusieurs centaines se manifestent.
La loi du parrainage a été votée en avril 2018 pour limiter l'inflation de candidats aux élections présidentielles, après l'expérience des législatives de 2017 où les électeurs devaient choisir entre 47 listes. Cette loi est largement décriée, soupçonnée d'être une façon pour le président d'éliminer son opposition. Qu'est-ce qu'elle vous inspire ?
Le Sénégal a besoin d'un système pour limiter le nombre de candidats, c'est certain. Mais la loi qui a été votée l'an dernier relève, pour moi, d'une stratégie d'épuisement financier de la part de la coalition au pouvoir. Cette loi dit que pour se porter candidat, en plus de la caution de 30 millions de francs CFA (soit quelque 46 000 euros), il faut recueillir 0,8 % du corps électoral, soit environ 52 000 signatures, dans au moins sept des quatorze régions du pays. Dans les meetings sur l'ensemble du territoire, on a parlé de signatures achetées, etc. Tout cela coûte une fortune ! Ce n'est bien sûr pas un problème pour les grands partis, car leurs ténors sont à eux seuls plus riches que les partis indépendants comme le Pastef (Patriotes du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité) de Sonko. Pour les autres, c'est tout simplement intenable.
Ensuite, on voit que cette loi n'a pas été faite pour durer. Il faut comprendre que le fichier électoral est la base des parrainages. La machine qui les a vérifiés prenait en compte les numéros d'électeur et les noms. Jusque-là, le fichier électoral avait été tenu secret et n'était pas accessible aux candidats. Aujourd'hui, la loi prévoit que trente jours avant les élections, soit ce 24 janvier, le code d'accès au fichier électoral soit dévoilé à tous les candidats. Conséquence : à la prochaine présidentielle en 2024, avec un accès au fichier électoral, je pourrais tout à fait me présenter au Conseil constitutionnel avec les numéros d'électeur de Macky Sall et de chaque candidat de l'opposition, et prétendre que ce sont mes parrains. La loi n'a donc été prévue que pour l'élection de 2019. Ensuite, elle sera caduque. L'Assemblée nationale l'a votée, car elle était acquise à Macky Sall. C'est le résultat d'une démocratie à faible intensité.
Ousmane Sonko est un candidat qui fait parler de lui. Il plaît notamment beaucoup aux jeunes. Est-ce un homme politique d'un genre nouveau ?
Ousmane Sonko a compris, comme tous les Sénégalais, que ce sont les mêmes hommes politiques qui font la vie politique du Sénégal depuis 60 ans. Léopold Sédar Senghor était président de 1960 à 1980, mais il pourrait présider sans problème une réunion de la coalition Benno Bokk Yakaar. La seule personne qu'il ne connaîtrait pas, ce serait l'actuel président ! Sinon, il y retrouverait les mêmes personnes qu'à son époque : Ousmane Tanor Dieng, secrétaire général du Parti socialiste, est l'ancien conseiller diplomatique de Senghor ; Moustapha Niasse, président de l'Assemblée nationale, est l'ancien directeur de cabinet de Senghor ; Amath Dansokho (PIT) et Landing Savané (AJ/PADS), d'éternels opposants à Senghor... Vous imaginez l'image que ça donne de la politique aux électeurs !
En vérité, les Sénégalais veulent une alternative générationnelle. Ousmane Sonko est celui qui a un discours neuf et qui révèle la mauvaise gestion du pays. C'est pour cela qu'il fait peur aux politiciens historiques. Pour que ça évolue, il faut que les hommes évoluent. On ne peut pas continuer à dire que les problèmes viennent de la France, des États-Unis, etc., alors que ceux qui nous dirigent sont parmi les plus riches du monde. Un homme nouveau, un homme normal, certains se disent pourquoi pas. Cela dit, Ousmane Sonko demeure un outsider : son parti n'est pas très bien structuré et on ne peut pas évaluer son influence dans les territoires reculés, zones cruciales où les citoyens votent beaucoup.
Macky Sall fait une spectaculaire démonstration de force avec ces inaugurations à la chaîne de ces derniers mois…
Sur le plan matériel, il a un bilan à défendre, c'est clair ! Mais est-ce ce qui importe aux Sénégalais ? Pendant sa campagne en 2012, il a surtout parlé de choses immatérielles, de « gouvernance sobre et vertueuse ». Il avait compris que les Sénégalais voulaient que les hommes politiques soient comme eux, qu'ils arrêtent d'être des milliardaires intouchables. A-t-il réglé ce problème ? Je ne pense pas.
L'une des trois remarques vous avancez dans votre livre est que « le vote sénégalais n'est pas sincère, mais stratégique ». Expliquez-nous pour qu'on comprenne les stratégies de vote qui pourraient avoir cours cette année...
Au Sénégal, un président qui va au second tour perd les élections. Il doit donc faire en sorte de gagner dès le premier tour. Mais on ne peut pas gagner au premier tour avec des adversaires comme Karim Wade (PDS), Khalifa Sall (Taxawu Senegaal, dissident du Parti socialiste allié à celui de Macky Sall), Ousmane Sonko (Pastef) et Idrissa Seck (Rewmi). Cela fait trop d'adversaires solides. Il était nécessaire de prévenir d'éventuels dégâts au regard du fait que, lors des élections législatives de 2017, les coalitions de Khalifa Sall et de Karim Wade sont arrivées en deuxièle et 3e position. Aujourd'hui, ces deux hommes politiques ont vu leur candidature écartée par le Conseil constitutionnel. On peut en déduire ce qu'on veut. Une chose est sûre : le schéma en place joue en faveur de Macky Sall. Du coup, les électeurs de Khalifa Sall et de Karim Wade ont le choix entre deux possibilités :
– soit ils s'abstiennent. Comme Macky Sall a obtenu 49 % aux dernières législatives et que son électorat est sûr, si l'électorat national baisse, il va obtenir la majorité absolue au premier tour.
– soit ils votent pour Macky Sall, ce qui serait une manière de dégager le ciel de la présidentielle de 2024 pour leur candidat, étant entendu que selon la Constitution, un troisième mandat de Macky Sall est difficilement envisageable. Car, entrer dans une coalition cette année, c'est tout simplement prendre le risque d'éloigner encore la possibilité de voir leur candidat sur le siège présidentiel. En plus, comme leurs noms l'indiquent, les « karimistes » et les « khalifistes » soutiennent des hommes, non des projets de société. Entrer dans une coalition n'a pour eux aucun sens. Et puis, il ne faut pas oublier non plus la variable « Adboulaye Wade ». C'est une religion au niveau politique ici. À lui seul, il représente 300 000 à 400 000 voix. S'il soutient quelqu'un, il pourrait contraindre Macky Sall au second tour. Il a une machine politique bien rodée. Si Ousmane Sonko en bénéficie, par exemple, c'est certain, il y aura un second tour.
* Dans son livre "Pétrole et gaz au Sénégal. Chronique d'une spoliation", publié en janvier 2018, Ousmane Sonko accuse le président et son entourage de malversations dans la gestion des ressources naturelles du pays.
PAR ALASSANE KITANE
LETTRE OUVERTE À IDRISSA SECK
Vous n’êtes peut-être pas le meilleur, vous avez vos défauts, mais la nation a besoin de vous, elle a envie de compter sur vous, elle a besoin d’être persuadée
Monsieur Idrissa Seck, je ne suis ni un sympathisant, ni un militant de Rewmi, mais il y a une voix intérieure qui m’a fait injonction de vous adresser ce message. Je trahirais ma conscience morale ainsi que mon devoir citoyen si je manquais à cette obligation de vous exprimer ma modeste pensée sur la gravité de l’heure.
Je fais partie de ceux qui pensent que les grands hommes sont le produit de la rencontre heureuse de circonstances particulières et de la sagacité d’un engagement pour des idéaux qui transcendent leur égo. On ne vous pardonnerait pas de ne pas remplir cette mission qui est en train de s’incarner en vous sans que vous l’ayez peut-être cherché. Ce n’est pas une chance, c’est un SACERDOCE : d’autres fils de la nation sont en train d’être broyés par une machine politico-judiciaire, et la nation a le droit de compter sur vous pour assurer sa rédemption !
J’aurais été euphémiste si je vous disais que le peuple est angoissé et que le pays a grandement besoin d’un homme qui lui serve à la fois de confident et de guide. Aucune révolution ne s’est faite au monde sans le charisme et l’abnégation d’un homme d’envergure. Vous avez l’expérience et l’intelligence : alors prouvez-nous que vous avez la vertu nécessaire pour diriger ce pays !
Plusieurs tempêtes ont soufflé sur vous, mais par la grâce de Dieu et par votre endurance, vous êtes toujours là : c’est déjà un signe, un gage d’expérience et de stabilité mentale. Aucune élection ne s’est faite depuis 2000 sans une contribution significative de votre parti. C’est déjà bien, mais nous voulons plus et mieux.
2019 ne se fera pas sans vous, 2019 vous a donné rendez-vous, vous n’avez pas le droit de le rater ! C’est 2019 qui vous donne rendez-vous pour rencontrer un peuple meurtri et complètement déboussolé, mais parfaitement sage lorsqu’il s’agit de congédier un serviteur qui n’est pas ou n’est plus apte. Vous êtes présentement le doyen de l’opposition et heureusement que vous semblez l’avoir compris par les actes de noblesse que vous posez depuis quelques mois.
On a besoin d’être couvé, on a besoin d’être rassuré, on a besoin d’être protégé, on a besoin d’être dopé, on a besoin d’être aimé en tant que peuple désireux de former une patrie solidaire et riche. Vous n’êtes peut-être pas le meilleur, vous avez vos défauts, mais la nation a besoin de vous, elle a envie de compter sur vous, elle a besoin d’être persuadée.
Quand on incarne la nécessité d’une époque dans l’histoire d’un peuple, on n’appartient plus à sa famille ni à sa formation politique : on appartient à un peuple. C’est à vous de rassembler autour de cette nécessité : réhabiter la République, redonner espoir à la jeunesse, refonder notre justice, redonner une base nationale à notre économie, restituer à la politique sa noblesse.
Nous avons besoin d’hommes politiques capables de prendre de la hauteur, pas de président-souris qui creuse des trous partout, dans la Constitution, dans les lois et dans la justice. Nous avons besoin d’un président dont le premier discours commencera par « le jour où nous quitterons ce pouvoir… ». Il est temps d’avoir de l’ambition pour les générations futures, il est temps d’avoir des hommes d’honneur, c’est-à-dire qui sont plus soucieux de leur crédibilité après l’exercice du pouvoir que les délices que celui-ci peut leur procurer.
Vous le ferez et ce, non pas parce que vous le pouvez, mais parce que vous le devez : VOUS NOUS LE DEVEZ. Vous irez voir tout le monde, vous discuterez avec tout le monde, vous transcenderez les différends politiques qui vous opposent aux uns et aux autres. Vous devez vous réconcilier avec tout le monde pour être définitivement apte à incarner cette mission qui est vôtre. Nous avons besoin d’un homme politique ouvert à la critique et suffisamment intelligent pour transformer les critiques en lumière pour éclairer sa voie.