"Après 48 jours de vie", Sophie et Adja, des jumelles siamoises nées à l'hôpital de Pikine, dans la banlieue de Dakar, ont été séparées "avec succès", affirme le service chargé de la communication de l'hôpital Albert Royer.
Les deux filles étaient liées par le sternum, le péricarde, c'est-à-dire l'enveloppe du cœur, et principalement par les foies, selon les responsables de cet hôpital situé dans l'enceinte du Centre hospitalier national universitaire de Fann, l'un des plus grands hôpitaux du Sénégal, se trouvant à Dakar.
"C'est une opération d'une extrême précision, effectuée pour la première fois à Albert Royer au terme d'une procédure préparatoire de plusieurs semaines", est-il écrit dans le communiqué.
PAR DAMIEN GLEZ
DISNEY A-T-IL VOLÉ À L'AFRIQUE L'EXPRESSION "HAKUNA MATATA" ?
Peut-on s’approprier une combinaison de noms communs pour en faire une marque déposée ? Walt Disney s’est réservé l’expression « hakuna matata », mais une pétition s’insurge
Jeune Afrique |
Damien Glez |
Publication 20/12/2018
Au moment même où l’on envisage la restitution à l’Afrique d’œuvres d’arts mal acquises pendant la période coloniale, des voix déplorent des composantes culturelles africaines piégées par les blockbusters américains. Si personne ne s’est offusqué, il y a quelques mois, du passage à la moulinette de clichés afro-esthétiques dans le long-métrage Black panther – bien au contraire – , une pétition dénonce le verrouillage partiel d’expressions directement puisées dans les langues nationales du continent. C’est parce que la nouvelle version de l’afrophile Roi Lion s’annonce sur les écrans occidentaux que les plus vigilants des observateurs se souviennent d’un bien curieux dépôt de marque.
En 1994, Walt Disney tentait de s’accaparer l’expression « hakuna matata » par le biais des offices de protection de la propriété intellectuelle. Quand bien même ces mots constituent une phrase kiswahili générique et non une invention des parents de Mickey Mouse, le géant du divertissement obtenait gain de cause, en 2003, par une protection valable sur le territoire américain. Si la chanson du film prétend qu’il n’y a « pas de problème » et que « tout va bien », c’est bien à de sinistres ennuis judiciaires que s’exposerait un restaurateur américain qui souhaiterait nommer son établissement en référence à la formule fredonnée par les personnages Timon et Pumbaa.
« Arrêter le dépôt de marque sur le langage africain »
Il y a quelques jours, l’activiste zimbabwéo-canadien Shelton Mpala tirait donc la sonnette d’alarme en initiant une pétition appelant à « arrêter le dépôt de marque sur le langage africain ». Mis en ligne sur le site change.org, ce manifeste contre l’appropriation culturelle a déjà réuni près de 75 000 signatures. Il n’est pas sûr que ce cri du cœur émeuve Disney, tant la franchise « Roi Lion » rapporte des royalties jalousement empochées, grâce à la diffusion du film, aux produits dérivés ou encore à la comédie musicale adaptée du film.
Il faut dire que la société de production est coutumière de l’aspiration culturelle gourmande. En 1996, le fantôme de l’écrivain français Victor Hugo aurait-il aimé voir son roman « Notre-Dame de Paris » mué en « bossu de Notre-Dame » dessiné ? Les groupies de Disney affirment que les contes comme « Blanche-Neige » n’ont pas un auteur homologué et qu’une culture vieillissante survit notamment grâce à cette lumière cinématographique américaine. Et Le Roi Lion, a-t-il au moins boosté le tourisme en Afrique ?
POURQUOI L’ARRIVEE DE MBAYE DIONE DERANGE LE «SOVIET» DES TRAVAILLEURS…
A l’évidence, les braves travailleurs du Crédit Mutuel du Sénégal (CMS) ignorent encore que l’ère des « Soviets » ou du socialisme autogestionnaire de la Yougoslavie de Josip Broz Tito (l’un des fondateurs du Mouvement des Non-Alignés pour ceux qui ne le sauraient pas) est révolue. Voilà en effet de braves messieurs et dames qui prétendent s’auto-administrer, à tout le moins choisir leur propre directeur général et même exiger la fin d’une administration provisoire à la mise en place de laquelle leur comportement ne serait pas tout à fait étranger ! Car si cet établissement leader des Services financiers décentralisés (SFD), autrement dit de la microfinance, de notre pays a été placé sous administration provisoire c’est bien à cause des fautes de gestion, pour dire le moins, de quelques-uns de ses dirigeants maison. Lesquels, par leur manière de gérer, ont mis ce fleuron en péril. N’eussent été la vigilance des autorités et la rigueur de la Commission bancaire de la BCEAO basée à Abidjan, le CMS aurait d’ailleurs déjà déposé le bilan mettant sur la paille des dizaines de milliers de sociétaires. En effet, la forme mutualiste de l’établissement fait que tous les titulaires de comptes sont considérés comme des actionnaires qui participent donc aux organes délibérants. Une organisation assez originale et complexe donc.
Toujours est-il que, créé par des Français, le Crédit Mutuel du Sénégal a connu un développement fulgurant surtout dans les régions de l’intérieur du pays où, faute de réseau bancaire, fonctionnaires servant en brousse et opérateurs économiques locaux aux faibles moyens l’ont adopté tout de suite. Maisil doit surtout son expansion et sa croissance au défunt directeur général, Mamadou Touré, artisan de la sénégalisation de la structure. C’est sous son égide que le CMS a acquis de la visibilité avec des agences partout — 219 à ce jour sur l’étendue du territoire national —, ce qui en fait le plus grand réseau de notre pays avec celui de La Poste — et un afflux de la clientèle. C’est sous sa direction aussi qu’a été créée la banque du groupe, la BIMAO (Banque des institutions mutualistes d’Afrique de l’Ouest).
Cette création était devenue nécessaire dans la mesure où le CMS, de par sa nature même, ne pouvait pas accorder des crédits au-delà d’un certain montant. De ce fait, certains clients, devenus gros ou dont les affaires se développaient, étaient obligés de le quitter à un moment donné pour se tourner vers les banques classiques, seules à même de pouvoir répondre à leurs besoins pour certains montants. Bref, le CMS était un très bel outil qu’enviaient bien des établissements bancaires en raison de l’étendue de son réseau. Comme nous l’avons indiqué, du fait de fautes de gestion, la Commission bancaire a décidé de le placer sous administration provisoire pour en particulier sauver les dépôts des clients.
L’Etat lui-même, le président Macky Sall en tête, s’est beaucoup investi pour sauver cette réussite sénégalaise en matière de micro-finance et aussi de banque. Un instrument qui joue non seulement un rôle économique important mais aussi a une fonction sociale indiscutable en permettant d’irriguer financièrement le pays profond et de faire accéder des couches défavorisées à l’épargne et aux produits financiers. Un canal, aussi, utilisé par l’Etat pour distribuer des aides sociales. Autant de choses qui ont fait que, de Dakar aux bords de la lagune Ebrié, on s’est mobilisé pour sauver le CMS dont la disparition, encore une fois, entraînerait des conséquences sociales dramatiques. Un risque systémique.
Le banquier professionnel Mbaye Dione à la rescousse
Pendant que l’Etat se démène pour sauver ce SFD, que font donc ses travailleurs ? Ils multiplient les mouvements d’humeur, les AG, les ports de brassards rouges, demandent le paiement de primes —pour un établissement placé en état de coma artificiel ! —, passent leur temps à réclamer le départ des administrateurs provisoires nommés à la tête de leur structure. Nul ne trouve grâce à leurs yeux. Pour eux, le dirigeant idéal, ce serait quelqu’un issu de la promotion interne. Or, ce sont justement de cadres maison qui ont mis la boîte dans la situation où elle se trouve…
Après des années d’administration provisoire, le bout du tunnel est entrevu même si la Commission bancaire estime qu’il y a encore des choses à faire. C’est dans ce contexte que le président de la République, que le sauvetage du CMS tient à cœur, a fait appel à un grand banquier professionnel, un excellent cadre qui a fait ses preuves dans deux banques, dont la SGBS de la belle époque — où il dirigeait un département stratégique — pour lui confier les rênes de l’établissement. Objectif : non seulement le redresser mais encore en faire une vraie banque capable de rivaliser avec les meilleures de la place et la préparer à affronter la révolution du numérique. Mais voilà que plutôt que d’accueillir à bras ouverts ce sauveur—qui laisse un poste de DGA au Crédit International, une banque à capitaux libanais —, les preux « Soviets » du CMS déclenchent un tir de barrage médiatique. Curieuse façon de souhaiter la bienvenue à un urgentiste ! Que reproche-t-on donc à M. Mbaye Dione, car c’est le nom du futur administrateur provisoire en attendant d’en être le directeur général.
D’être un « politicien » ! Mais cela, c’est un secret de Polichinelle puisqu’il est de notoriété publique que M. Dione, en plus d’être une figure de proue de l’Alliance des Forces de Progrès(AFP), dont il a d’ailleurs dirigé le mouvement des jeunes, est aussi le maire de Ngoundiane et vice-président de l’Association des maires du Sénégal (AMS). Malgré cette casquette de politicien, aussi bien les Français de la Générale que les Libanais du Crédit international— des gens qui ne sont pas des enfants de chœur en ce sens qu’ils ne badinent pas avec leurs intérêts, croyez-moi — lui ont fait une confiance totale, n’hésitant pas à le promouvoir à des postes de responsabilité. Car l’homme sait faire la part des choses entre la politique et son travail en plus d’être un bourreau de travail — on n’en connaît pas beaucoup, les directeurs généraux qui arrivent à leur bureau à 7h et quittent après le crépuscule—,sans oublier d’être très compétent, bien sûr. L’autre chose que les travailleurs du CMS reprochent à leur futur administrateur provisoire — en attendant de passer DG si Dieu le veut—?Une grotesque affaire de détournement de deniers de la mairie de Ngoundiane sur laquelle la justice s’est prononcée en rendant une ordonnance de non lieu. Une affaire montée de toutes pièces par les adversaires politiques du maire Mbaye Dione et que nous avions dénoncée en son temps…
Pour dire que, plutôt que de se lancer dans des combats donquichottesques, les travailleurs du Crédit Mutuel du Sénégal gagneraient à faire corps avec leur nouveau dirigeant pour relever avec lui les nombreux défis auxquels leur entreprise est confrontée. Ce qui suppose des sacrifices de leur part plutôt que de se lancer dans une fuite en avant faite de revendications irréalistes. Car s’il advenait que leur établissement mette la clef sous le paillasson, les seuls perdants, ce serait eux. Nous sommes sûrs d’ailleurs que la majorité des employés du CMS n’aspire qu’à travailler et ne souhaite que le sauvetage de leur outil de travail. Ils ont donc intérêt à se méfier de ceux dont les ambitions de diriger ce fleuron qui a encore de beaux restes — 150 milliards de francs de dépôts — ont été contrariées par la nomination d’un futur directeur général banquier professionnel. Avec Mbaye Dione, nous sommes sûrs que le Crédit Mutuel du Sénégal va pouvoir relever de nouveaux challenges exaltants et boxer bientôt dans la cour des plus grands établissements financiers… Nos vœux de succès l’accompagnent, bien sûr !
L’OPPOSITION DENONCE DES CHOIX DOUTEUX, LE POUVOIR PARLE DE «GROS FAUX-DEBAT»
Cooptation de sept membres de la société civile au conseil constitutionnel
La cooptation de sept membres de la Société Civile pour suivre le processus de vérification des parrainages alimente, du côté de l’Opposition, les craintes d’une dérive partisane du Conseil constitutionnel. Mais, du côté du pouvoir, l’on soutient que l’Opposition anime un gros faux débat…
Pour permettre au Conseil Constitutionnel de mieux vérifier les parrainages déposés par les candidats à la candidature de la présidence de la République, le président de la République a, par décret présidentiel, coopté sept membres de la société civile il y a deux semaines. Il s’agit de Waldiodio Ndiaye, coordonnateur « Sunu élection », Pr Babacar Guèye président du Collectif des organisations de la Société civile, Moundiaye Cissé de l’ONG 3D, Abbé Alphonse Seck, Directeur exécutif de Caritas Sénégal, Mazide Ndiaye du Pacte, Maïmouna Dieng de la Plateforme des acteurs non étatiques et Rokhaya Gassama du Cosef. Un choix « douteux dans un climat de suspicion » selon Pape Medoune Sow, coordonnateur du pôle parrainage du Grand Parti. Selon ce membre du parti de Malick Gakou, il aurait mieux valu qu’on demande aux membres de la société civile de choisir à leur niveau des représentants devant aller travailler avec le Conseil constitutionnel au lieu de laisser le soin au chef de l’Etat de nommer qui il veut. D’après Pape Médoune Sow, depuis la cooptation de ces sept personnes, certains de leurs collègues de la société civile s’insurgent contre le choix porté sur elles Donc, tout montre, selon lui, que les gens du pouvoir sont en train de faire du n’importe quoi. « On demande un ministre de l’Intérieur neutre, ils mettent qui ils veulent. Au niveau également de la vérification des signatures, ils décident aussi tout seuls de ceux qu’il faut prendre. Au finish, les gens vont se dire : est-ce que réellement ces gens veulent des élections libres et transparentes ?
Compte tenu de cette situation, ils n’ont qu’à prendre leurs responsabilités par rapport à tout ce qui adviendra dans le futur », estime le responsable du Grand Parti. Cheikh Aliou Bèye, secrétaire national chargé de la Vie et de la massification de Pastef, et coordonnateur départemental de cette formation à Pikine, doute aussi de la fiabilité de la vérification des parrainages. Parce que, confie-t-il, « comme nous le savons tous, personne n’est neutre au Sénégal ». Raison pour laquelle, le responsable politique à Diamaguène Sicap Mbao demande la présence d’un de leurs responsables à la vérification des parrainages. Pour cause, dit-il, « nous n’avons pas confiance au pouvoir en place. »
Poursuivant, M. Bèye accuse les gens de la majorité présidentielle de vouloir « faire de la mascarade du genre de ce qu’a montré Mimi Touré au premier jour du dépôt des dossiers de candidatures lorsqu’on lui avait permis d’être au premier rang devant des hommes. C’est pourquoi, nous nous sommes dit qu’ils n’ont qu’à faire tout ce qu’ils veulent mais pourvu qu’un de nos représentants soit présent à la vérification. Il faut que toute l’Opposition soit représentée au moment où on ouvre les plis comme ça on est sécurisé. Parce que nous, au niveau du Pastef, on est tellement régulier que même si le ciel tombait, nos signatures ne pourraient être entachées d’aucune irrégularité. Nous avons fait les vérifications et nous avons toutes les preuves que nos signatures sont authentiques. Et la seule chose qui me fera tomber d’accord sur la vérification de ces parrainages, c’est notre présence. »
Me Amadou Sall Pds : « Le Conseil Constitutionnel a pris des agents de la présidence de la République et du ministère de l’Intérieur pour la vérification des parrainages »
Du côté du Parti démocratique sénégalais (Pds), on remet aussi en cause le mode de nomination des représentants de la société civile au Conseil constitutionnel. Me El Hadj Amadou Sall voudrait aujourd’hui que le niveau de la démocratie sénégalaise soit tel qu’on ne puisse plus se permettre de nommer de cette façon-là. Il faudrait, selon lui, que les nominations dans ce genre d’instances soit plus démocratique pour permettre une composition plus plurielle. « En réalité, c’est le président de la République qui nomme tout le monde. Même le président de l’Assemblée nationale n’a qu’un pouvoir de désignation. Il désigne un certain nombre de personnes qu’il propose au président de la République qui choisit. Il faudrait revoir tout ça. Parce que la démocratie sénégalaise a évolué de telle sorte qu’il ne doit plus y avoir ce genre de choses. C’est cela qui fait que les gens n’ont plus confiance au Conseil Constitutionnel. Il faudrait tirer les leçons de l’Histoire. Chaque fois, on dit qu’on n’a pas confiance. Etsi on veut que le Conseil Constitutionnel soit un organe de régulation, il faudrait que les Sénégalais aient confiance en lui. Nous, au Pds, nous n’avons pas confiance au Conseil Constitutionnel à la fois par sa désignation et le mode de composition de ses membres », déplore le responsable politique du Pds.
Poursuivant, l’ancien ministre de la Justice sous le président Wade soutient que le Conseil Constitutionnel n’a pas de compétences techniques pour vérifier les parrainages. En plus, il n’a pas dit comment il va faire pour contrôler. Pire, selon Me Amadou Sall, leurs responsables ont découvert que le Conseil Constitutionnel a pris des agents de la présidence de la République et du ministère de l’Intérieur pour la vérification des parrainages. « Comment peut-on faire confiance à la présidence de la République dans ces conditions ? Si le Conseil avait lancé un appel d’offres ou à candidatures, on aurait pu comprendre et c’est ce qui fait que la suspicion est déjà là. Nous n’avons pas confiance. Absolument pas!
L’élection présidentielle est une affaire politique. Elle n’est pas juridique. Nous, nous sommes dans des catégories politiques. Et tout doit se régler politiquement. Le processus même qui aboutit à l’élection présidentielle est politique. Il n’est pas technique. Donc, quel que soit ce que le Conseil fait, nous nous en tenons aux catégories politiques. Parce que nous craignons que le Conseil ait un agenda calqué sur l’agenda du politique », informe le partisan du président Abdoulaye Wade.
Pape Maël Thiam APR : « L’Opposition cherche des arguments pour expliquer son éventuelle défaite »
Bien évidemment, la position est autre au niveau de l’administrateur de l’Alliance pour la République (APR). Selon Pape Maël Thiam, toutes ces supputations autour des parrainages et ces commentaires sur le processus électoral pourtant adopté « en accord avec l’Opposition », le font penser aux dires de ces derniers qui affirmaient que Macky Sall n’irait même pas au deuxième tour. Déjà, il y a, selon lui, un aveu de contradiction de la part de l’opposition. D’après le vice-président du Haut Conseil des Collectivités territoriales (Hcct), l’Opposition a « sûrement fait le constat de la persistance des Sénégalais à plébisciter et à accompagner le président de la République, ce qui a été démontré par le résultat de la collecte des signatures qui donne un chiffre nettement supérieur à nos objectifs de départ. Ces deux combinés font que l’Opposition cherche des arguments pour expliquer éventuellement sa défaite si elle est battue ».
D’après l’administrateur de l’APR, « on risque, si on suit l’Opposition, de ne pas faire fonctionner les institutions de la République. Nous assistons à une mauvaise foi de l’opposition qui dit au premier échelon qu’elle ne veut pas d’un processus électoral. Deuxième niveau, elle dit qu’elle n’a pas confiance au ministre de l’Intérieur. Troisième niveau, elle n’a pas confiance au Conseil Constitutionnel. Quatrième niveau, elle n’a pas confiance à ses propres mandataires. Cinquième niveau, elle n’a pas confiance à ceux-là qui sont de la société civile et dont elle ne manque pourtant pas parfois de louer parfois les services. En fin de compte, l’Opposition veut qu’on lui affecte l’organisation du scrutin. Ce qui n’est pas de son ressort », ironise le responsable apériste qui pense que « ceci est une expression de candidats impréparés face à une échéance qui vient à grande vitesse ». « Dépourvus de programme, ils se permettent d’attiser l’adhésion du peuple. Je pense que l’Opposition parle de gros faux débat », raille en conclusion Pape Maël Thiam.
L’IGE CHARGE LES FINANCES ET DEDOUANE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
Affaire de l’étudiant Fallou Sène tué par balle à l’université Gaston Berger de Saint-Louis
L’Inspection générale d’Etat (Ige) innocente le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, notamment la Direction des bourses, et accuse les services du ministère de l’Economie et des Finances, comme étant indirectement responsables du crime abject commis sur l’étudiant Fallou Sène. Ce dernier a été atteint par balle lors d’affrontements entre des forces gendarmes et des étudiants de l’Université Gaston Berger de Saint Louis (Ugb) il y a sept mois.
La conclusion du rapport de l’Inspection générale d’Etat (Ige) est tombée comme une balle dans la tête. Du genre de celle qu’avait reçue l’étudiant Fallou Sène, le 14 mai dernier ! Alors que tout le monde parlait d’une chaine de responsabilités dans cette affaire de meurtre, les enquêteurs de l’Ige n’auraient vu qu’un seul maillon défaillant danstoute la chaine de responsabilité qui a conduit à la mort par balle de cet étudiant de Saint Louis lors d’affrontements entre les forces de l’ordre et des étudiants de l’université Gaston Berger de Saint Louis (Ugb). Ces derniers réclamaient le paiement de leurs bourses.
Selon les résultats du rapport, seuls les services du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan seraient indirectement responsables de la mort de Fallou Sène !
Pour rappel, c’est parce que leurs bourses tardaient à être payées et qu’on voulait les empêcher de se restaurer gratuitement, qu’il y a eu des affrontements avec les gendarmes au cours desquelles l’étudiant a été mortellement atteint par balle. C’est aussi « la Direction du Budget de la tutelle qui n’a pas communiqué à temps certaines informations au niveau de la Direction des bourses et au niveau de Ecobank », a-t-on noté dans le rapport qui indique que cette négligence a entrainé des retards dans le paiement des bourses et poussé les étudiants à manifester pour réclamer le paiement de leur allocation d’études. Selon l’enquête de l’IGe, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de même que la Direction des bourses n’auraient aucune responsabilité dans cette affaire tragique. Commentaire de Mary Teuw Niane : « le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a aujourd’hui l’esprit tranquille » dans la mesure où son département n’aurait « aucune responsabilité dans ce qui est arrivé ». « Je voulais souligner que la Direction des bourses particulièrement, et tous les autres services du ministère qui ont été impliqués dans le processus des bourses, ont fait correctement leur travail comme d’ailleurs l’a indiqué le rapport de l’Ige qui nous a été remis ce jour-ci », s’est-il réjoui en direct sur la Rfm (Radio futurs médias) qui a donné l’information et qui dit détenir le rapport en exclusivité.
Et le Pr Niane de préciser : « C’est un dossier tragique qui est au niveau de la justice. C’est la mort d’un étudiant. Le plan Sénégal émergent (Pse) met dans son axe 2 le capital humain, donc c’est une perte énorme pour le pays que de perdre un étudiant. Mais les questions relevant de la justice, elle a son temps et il faut que chacun laisse à la justice le soin de faire son travail en toute autonomie ». Après sept mois d’enquête, l’Inspection générale d’Etat (Ige) rend ainsi un rapport qui dédouane le ministère de l’Enseignement supérieur et la Direction des bourses pour accuser les services du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan pour négligence dans le paiement des allocations d’études des étudiants. Ce qui a conduit les étudiants de l’UGB en particulier à une manifestation s’étant soldée par la mort de l’étudiant diourbellois Fallou Sène.
BOUGANE GUÈYE, HOMME DE L'ANNÉE SELON HSF
L'ONG Horizon Sans Frontières (HSF) annonce avoir décerné le titre d’ « Homme de l’année » au président du groupe de presse D-media pour son «engagement » et son « soutien » aux migrants
L’organisation internationale de défense, d’orientation et d’intégration de migrants Horizon Sans Frontières (HSF), dans un communiqué dont APA a reçu copie jeudi, annonce avoir décerné le titre d’ « Homme de l’année » au Sénégalais Bougane Guèye Dany, président du groupe de presse D-media.
Premier ressortissant d’un Etat au sud du Sahara à recevoir pareille distinction, Bougane Dany Guèye doit ce titre, selon Horizon Sans Frontières, grâce, surtout, à son «engagement » et son « soutien » aux migrants.
En effet, la structure venant en aide aux migrants, rappelle que M. Guèye disait que « nous sommes tous responsables » lors de la crise des migrants en Lybie pour non seulement tirer la sonnette d’alarme mais aussi pour appeler à la responsabilité des dirigeants du continent face à cette jeunesse en quête d’un avenir digne.
En outre, souligne Horizon Sans Frontières, lors de « la persécution des Rohingyas », minorité musulmane de la Birmanie, Bougane Guèye Dany avait remis « un chèque de 30 millions F CFA à l’Organisation des nations unies (Onu) en guise de soutien ».
De plus, en mars 2018, il avait effectué un déplacement à Madrid (Espagne) pour partager la tristesse de la diaspora sénégalaise à la suite du décès de Mame Mbaye Ndiaye et Ousseynou Mbaye.
Enfin, Horizon Sans Frontières informe qu’ « à l’occasion de la journée mondiale du Migrant célébrée le 18 décembre dernier, Bougane Guèye est venu assister, de façon inopinée, à la conférence de presse de HSF pour qui, c’est « une démarche inédite et un soutien de taille à la diaspora ».
Le groupe de presse que dirige Bougane Guèye Dany comprend notamment une télévision (Sen TV) et une radio (Zik FM). Self made man, M. Guèye qui est aussi à la tête de Dakor, une grande agence de communication, s’est récemment lancé dans la politique en mettant sur pied son mouvement« Geum Sa Bopp » (croire en soi, en langue wolof).
L’ancien journaliste est candidat à la candidature pour l’élection présidentielle du 24 février 2019.
LE CALVAIRE DES ÉTUDIANTS ENVOYÉS DANS LE PRIVÉ
Logement, nourriture, soins à leur charge, les 40 000 étudiants orientés dans le privé faute de place dans le public accumulent les difficultés financières et administratives parce que l’État tarde à s'acquitter de leurs frais de scolarité
Jeune Afrique |
Manon Laplace |
Publication 20/12/2018
Elimane rêvait d’être géographe. Aliou montrait une appétence pour les maths et la physique, Khadija pour les lettres modernes. Autant de projets écartés malgré eux au moment de leur orientation post-bac. Eux, ce sont les 40 000 étudiants sénégalais, envoyés dans les écoles privées faute de places dans le public. Surnommés les « para-publics » ou « les Macky famine », ils subissent un statut d’étudiant du privé qu’ils n’ont pas choisi et qui leur ferme l’accès aux restaurants et logements universitaires ainsi qu’aux bourses ou à une mutuelle étudiante.
Et si cela ne suffisait pas, les établissements privés accueillant ces étudiants ont décidé le 15 octobre dernier de leur suspendre l’accès aux cours pour la troisième fois depuis 2017. L’État, qui a négocié en 2012 des tarifs préférentiels avec les écoles privées tout en s’engageant à apporter 400 000 francs CFA par an (environ 610 euros) et par étudiants durant les trois premières années de leurs cursus, a en effet accumulé une dette de 16 milliards de francs CFA auprès des établissements privés. En réaction, les « para-publics » ont manifesté parfois violemment dans les rues de Dakar en novembre.
Pour désamorcer la grogne, le ministre de l’Enseignement supérieur, Mary Teuw Niane, a annoncé le décaissement de trois milliards de francs CFA et promis le même montant à venir. Mais le problème demeure. Pour le constater, Jeune Afrique est allé à la rencontre de ces laissés-pour-compte de l’enseignement supérieur sénégalais afin de recueillir leur témoignages.
« Je suis bloquée en première année »
Khadija, 21 ans, étudiante en journalisme et communication à l’Institut supérieur d’entrepreneurship et de gestion (ISEG)
« J’ai toujours eu de bonnes notes en langues, du coup je voulais intégrer l’université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar et étudier les lettres modernes. Faute de place, je me suis inscrite dans le privé. C’était ça ou rien. Mais en ce moment je n’ai pas cours car on attend que l’État paye ses dettes à l’école. Ce n’est pas la première fois, les arrêts de cours m’ont déjà fait perdre un an, je suis censée être en deuxième année mais je reste bloquée en première. »
« Au début de l’année je m’étais arrangée pour loger à l’Ucad, mais nous étions six par chambre, les conditions étaient trop difficiles. J’ai de la famille à Ngor, je suis donc allée vivre chez mon oncle. Mais c’est assez loin de mon école, du coup je paye 400 francs tous les jours pour le bus. On n’a pas non plus de restaurants universitaires, les repas sont à nos frais. Du coup je paye le petit-déjeuner et je ne mange pas le midi, j’attends de sortir de l’école à 16h30 pour rentrer et manger. On doit déjà payer 60 000 francs CFA par an pour le matériel : des tablettes qu’on nous impose. Ce sont des frais pour lesquels je me débrouille, avec l’aide de mon frère. C’est pareil quand je suis malade, les étudiants du public ont une sécurité sociale. Pas moi, je suis asthmatique mais comme je ne peux pas me faire rembourser mes médicaments, parfois, je renonce à aller me faire soigner. Pour toutes ces dépenses, je suis obligée de travailler dans la restauration pendant les vacances. C’est plus difficile de se concentrer sur l’école, mais je n’ai pas le choix.”
« Je paie dix fois plus cher qu’un étudiant du public pour me nourrir »
Aliou Baldé, 26 ans, étudiant en génie civil à l’École Supérieure, Electricité, Bâtiments, Travaux Publics (ESEBAT) et représentant des étudiants du privé.
« L’accès aux restaurants universitaires ne figure pas dans les conventions qui nous concernent. Quand un étudiant de l’Ucad paie 50 francs pour son petit-déjeuner et 100 francs pour le déjeuner et le dîner, je paie entre 2 000 et 3 000 francs par jour pour me nourrir. C’est dix fois plus cher qu’un étudiant du public ! Comme je n’ai pas non plus accès à un logement universitaire, je loue une chambre que je partage avec deux amis. Ça me coûte 45 000 francs CFA par mois. Je dois également payer l’uniforme imposé par mon école et qui coûte 50 000 francs CFA. Pour financer tout cela, je suis obligé d’aller travailler sur des chantiers les week-ends et pendant les vacances. Je travaille beaucoup durant les grandes vacances, cela me permet de gagner jusqu’à 200 000 ou 250 000 francs CFA, et de financer une partie de mon année scolaire. J’ai rarement un jour de congé, l’État ne solde pas sa dette, et nous payons les pots cassés. J’aurais dû être diplômé l’an dernier mais, à cause des différents renvois on a manqué trop de cours et j’ai moi aussi perdu un an. Ça représente des frais supplémentaires. J’attends de reprendre les cours, mais cette situation pousse beaucoup d’étudiants à abandonner les cours. »
« Nos demandes concernent en priorité la prise en charge médicale, l’accès aux restaurants et aux logements universitaires publics, pour tous les étudiants de Ziguinchor, Saint-Louis, Thiès ou Dakar. Mais nos demandent restent pour l’instant sans réponse. Nous avons rencontré le ministre, Mary Teuw Niane, trois fois l’an dernier. Il a reçu nos revendications, mais aucun point n’a encore été satisfait. Aujourd’hui, tout ce que nous pouvons faire c’est manifester, car les autorités n’entendent pas la voix pacifique. Les audiences et les rencontres n’ont servi à rien. Nous sommes obligés d’être dans la rue, de recevoir les lacrymogènes auxquels nous répondons par des jets des pierres. À la dernière manifestation il y a eu des violences, car nous bloquions la circulation sur les principales voies de Dakar. Mais c’est le seul moyen de nous faire entendre. »
« Nous voulons être traités comme les autres étudiants »
Elimane Diouf, 24 ans, étudiant en Gestion des ressources humaines à l’ISEG
« Quand je suis arrivé à Dakar l’année dernière, je voulais étudier la géographie. Ça n’a pas été possible car il n’y avait plus de place. Mais je ne regrette pas la formation professionnelle, c’est une bonne chose. Le problème, c’est de ne pas pouvoir suivre les cours, et de n’avoir pas les mêmes droits que les autres étudiants. On n’a pas de bourses, pas d’accès aux restaurants universitaires. Il faut se débrouiller pour manger. Moi, je ne suis pas de Dakar, mes parents m’envoient un peu d’argent parfois, mais ils ont peu de moyens, ils ne peuvent pas prendre en charge mes études. Du coup, je donne des cours à des jeunes, ça me rapporte au maximum 30 000 francs par mois. Je n’ai pas osé en parler à mes parents car j’aimerais être capable de me débrouiller tout seul. »
J’ai la chance de d’avoir obtenu une chambre à l’Université Cheikh Anta Diop, financée par l’amicale de Gossas, mon village d’origine. Je dois quand même verser une caution. Mon école est assez loin du campus, j’ai dû acheter un vélo pour faire le trajet tous les jours, le car rapide me coûtait 200 francs par jour, c’était trop cher.
Ce qui est dur, c’est d’être déconsidéré par rapports aux autres étudiants. Nous voulons être traités comme les autres. Ce sont des gens avec qui nous étions en classe, nous avons passé les mêmes examens, avons obtenu le même bac. C’est injuste qu’eux aient droit à une éducation de qualité, au logement, à la restauration, aux soins quand on doit se débrouiller pour tout. Pourquoi cette discrimination ? »
QUI PARLE DE TRANSPARENCE?
Mazide Ndiaye dément ceux qui accusent la société civile d’être du côté de l’opposition - Il a rappelé que son rôle n’est ni d’être avec l’opposition ni avec le pouvoir.
Le doute sur la transparence du fichier électoral persiste. A quelques mois de la Présidentielle, la société civile réclame le contenu de ce document.
«Le fichier électoral est déjà audité, mais il n’est pas transparent. Il faut que les gens s’assurent que ce qu’on nous dit est réel.» C’est l’avis de Mazide Ndiaye. Le président du Groupe de recherche et d’appui-conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec) fonde son avis sur la non publication du fichier électoral.
«D’autres parts, il y a que quand vous dites amenez 1 ou 0,8% du fichier, il faut que les gens sachent 0,8% de combien. Ce combien-là, c’est dans le fichier électoral. Alors, il est tout à fait légitime que l’opposition veuille voir ce qu’il y a dans le fichier», a plaidé M. Ndiaye. Il s’exprimait hier au forum des partis politiques organisé par le Gradec, en collaboration avec Osiwa.
Mazide Ndiaye dément ceux qui accusent la société civile d’être du côté de l’opposition. Il a rappelé que son rôle n’est ni d’être avec l’opposition ni avec le pouvoir. «Mais il se trouve que certaines décisions prises par le gouvernement sont critiquables. Et dans ce cas-là, on les critique. C’est dans ces cas qu’on dit qu’on est encagoulé, mais quand le gouvernement fait de bonnes choses et qu’on l’approuve, il ne dit pas cela. Nous restons droits dans nos bottes.
Ce qui est immoral, inacceptable, illégal, nous allons le dire», avertit-il. La Dge se dit déterminée à organiser «un scrutin libre, transparent et démocratique»
Ayant pris part à l’ouverture officielle du forum, Bernard Casimir Demba Cissé a réaffirmé l’engagement et la détermination de la Direction générale des élections (Dge) à organiser «un scrutin libre, transparent et démocratique à l’effet de permettre l’expression libre de la seule véritable souveraineté, celle du Peuple sénégalais». «Notre engagement pour ce Peuple demeure inoxydable», a dit le directeur de la Formation et de la communication à la Dge.
Bernard Casimir Demba Cissé se veut par ailleurs rassurant vis-à-vis de ceux qui accusent, doutent et lancent des «suspicions tous azimuts» à la Dge. «Nous, nous sommes à pied d’œuvre ; nous, nous travaillons. Le processus est devenu irréversible et le corps électoral déjà convoqué depuis le 7 novembre dernier pour aller aux urnes le dimanche 24 février 2019. Notre quotidien, nous administration électorale, est à la préparation matérielle du scrutin. Depuis le jeudi 13 décembre dernier, nous avons démarré la mise en place du matériel électoral.»
AMADOU LAMINE SALL VEUT UN VRAI MUSEE POUR SENGHOR
Il y a dix-sept ans que disparaissait le poète-Président Léopold Sédar Senghor. Plus que jamais, sa pensée reste actuelle et l’un de ses héritiers, le poète Amadou Lamine Sall, ne cesse de le répéter. Dans cet entretien, il interroge l’héritage du fils de Basile Diogoye.
Qu’est-ce qu’on peut retenir du combat que menait le Président Senghor pour la revalorisation et la promotion des valeurs et cultures noires, dix-sept ans après sa mort ?
Léopold Sédar Senghor fut un précurseur fondamental, incontournable. Bien sûr, il ne fut pas le seul. Il y a aussi l’immense Cheikh Anta Diop. Mais Senghor, c’est le poète, l’humaniste, le penseur, avant l’homme d’Etat. S’il a été ce qu’il a été, c’est que le poète et l’humaniste en lui précédaient tout. Les concepts de Négritude, de civilisation de l’universel, de métissage ont tissé sa légende. Il suffit de retourner dans les années 60, 70 à 80, et de regarder ce qu’était le visage de notre pays. Tout y était discipline, respect, travail, érudition, dignité, ouverture, probité, humilité. Il ne faut pas non plus oublier que Senghor, comme 1er chef d’Etat, n’a pas seulement bâti une République. Il est allé au-delà, en bâtissant une Nation. C’est un fait rare en Afrique où nous assistons à tant de guerres tribales, j’ajouterai de coups d’Etat également. Rappelons-le, c’est important ! Senghor disait que dans un pays où les officiers et sous-officiers lisaient le latin et le grec, il ne pouvait pas y avoir de coup d’Etat militaire. «Ce sont de petits soldats, des caporaux, qui font des coups d’Etat.» Vrai ou faux, le Sénégal continue sa marche vers la lumière. Cet homme était considérable de par sa vision, son érudition, sa conduite des hommes, son humilité face à son Peuple, son rayonnement intellectuel qui a fasciné le monde. Sa poésie reste un hymne à la femme et à l’homme noir. Il parlait pour les Noirs de toutes les couleurs. Africain parmi les Africains, Sénégalais parmi les Sénégalais, Sérère parmi les Sérères, Wolof parmi les Wolofs, Toucouleur et Peuls parmi les Toucouleurs et les Peuls, Diola parmi les Diolas, citoyen du monde parmi les citoyens du monde, il a amplifié et porté très loin le nom du Sénégal. Chrétien minoritaire parmi les musulmans, ces derniers l’ont aimé et élu près de 20 ans. Veilleur et ami respectueux de toutes les confréries religieuses, il fut protégé par tous les khalifes dont les noms nous honorent encore aujourd’hui. Oui, Senghor n’est pas dans la vallée. Il est au sommet de la montagne. Il est en nous. Il nous précède de par sa pensée et par ce que fut sa vision.
En plus du Musée Léopold Sédar Senghor, qu’est-ce qui a été fait et qui immortalise sa pensée ?
Il faut saluer l’érection de sa maison en musée. Pour ma part, je préfère «Maison Senghor» à «Musée Senghor». Ce n’est pas un musée. C’est sa maison, là où il vivait avec sa famille. Humblement et discrètement. Musée pour musée, ce n’est pas un musée. Il faut plutôt étudier comment créer un vrai «musée Senghor» où serait exposée toute son œuvre littéraire : livres, manuscrits, lettres, notes, sans oublier sa propre collection d’œuvres d’art. Son conseiller et ami du nom de Gérard Bosio conserve en France un nombre impressionnant d’objets qui peuvent remplir un musée Senghor. Il se bat pour concrétiser ce projet, mais n’y arrive pas. Il a même souhaité voir ouvrir une «Salle Senghor» au sein du Musée des civilisations noires qui vient d’être inauguré. Je ne sais pas ce que vaut une telle proposition et sa validation ou non par le Président Macky Sall si attentif à ce qui touche Senghor, je puis en témoigner, et par son ministre de la Culture conquérant, mais vigilant. Notre ami Hamady Bocoum qui dirige le Mcn aura aussi prudemment, mais fermement son mot de veilleur sur les missions du grand temple noir. Au-delà de Senghor, nous pourrions y ajouter une «Salle Cheikh Anta Diop» où serait célébrée l’œuvre du grand homme. J’y vois un raccourci pour rendre hommage à deux grands hommes de notre pays et de notre continent, parmi d’autres, sans avoir à leur consacrer des musées individuels, faute de moyens. Voilà une bouteille à la mer ! Laissons-là au grès des vents pour les vingt années à venir ! Quand on est Senghor, point n’est besoin d’être immortalisé par une pierre.
En voyageant de par le monde, en donnant des récitals de sa poésie et des conférences sur son œuvre et sa pensée, je me suis rendu compte combien il était célébré du Liban jusqu’au Canada. C’est impressionnant ! Il y a longtemps que cet homme ne nous appartient plus. Ce qui immortalise sa pensée, pour répondre précisément à votre question, c’est son message d’humaniste, de métis, de poète, d’homme d’Etat éclairé, visionnaire, bâtisseur d’hommes avant d’être bâtisseur de pierres. C’est tout cela l’éclat de Senghor.
Sa pensée est-elle toujours actuelle ?
Non seulement sa pensée est actuelle, mais elle devance le nouveau siècle qui commence pour un homme qui appartient au siècle dernier. Plus que jamais, la Négritude est actuelle. Elle sera actuelle tant qu’un homme noir se réveillera quelque part sur la terre. La civilisation de l’universel dont il parlait a précédé ce que l’on a appelé beaucoup plus tard la «globalisation» ou «mondialisation».
Le métissage culturel qu’il appelait de tous ses vœux est l’avenir de notre monde. Les Etats-Unis d’Amérique sont nés de cette immense et belle rencontre d’immigrés venus de tous les continents sur son sol chercher à travailler, à boire, à manger, à vivre dignement. C’est cela qui fait leur puissance, c’est-à-dire cette masse d’intelligence et d’humanités diverses qui, ensemble, en conjuguant leur race, leur savoir-faire, leur savoir-être, leur beauté, leur âme, ont bâti ce grand pays au cœur du monde. Les Etats-Unis sont un miracle et résument ce dont Senghor rêvait, vivre ensemble, mais différents. Oui, c’est bien un fils du Sénégal, de l’Afrique, un Sérère serviteur des Peuls et des Toucouleurs, qui fait encore et pour longtemps encore aimer notre pays et faire respecter et louer la «pensée noire». Je tairai l’Académie française qui l’a accueilli en célébrant enfin et pour la première fois non pas un Africain, un homme noir, mais surtout une voix de poète, une pensée puissante à la rencontre de tous les hommes. Bref, un homme dont les générations futures, très loin dans le temps, se demanderont s’il a vraiment existé. C’est cet homme que jeune poète, j’ai rencontré et aimé. Il me l’a bien rendu en me donnant la meilleure des armes pour vivre : lire, écrire, créer des œuvres de beauté, partager, aimer son prochain, apprendre avant tout à être humble et à savoir que c’est «arrivé au sommet de la montagne que l’on commence enfin à monter».
En publiant son rapport annuel sur la liberté d’expression dans le monde, l’Ong Article 19 se dit préoccupée par la situation du Sénégal en cette veille de Présidentielle. Selon elle, il y a une baisse de liberté dans l’espace civique liée aux répressions de marches et de manifestations. Article 19 tire ainsi la sonnette d’alarme.
L’Ong Article 19 a publié hier son rapport annuel sur la liberté d’expression à travers le monde. Ce travail basé sur cinq domaines, à savoir la liberté des médias, l’espace civique, la liberté numérique, la protection et la transparence, montre une baisse de la liberté d’expression au cours des trois dernières années et une baisse continue depuis 10 ans. Selon le document partagé hier, «78 journalistes et 312 défenseurs des droits de l’Homme ont été tués. 226 journalistes ont été emprisonnés dont 194 d’entre eux pour complot contre l’Etat. 97% de journalistes incarcérés sont des reporters locaux. En moyenne, 90% des crimes physiques commis contre les journalistes restent impunis».
Ainsi, il ressort du rapport que 48 pays ont enregistré une baisse générale de la liberté d’expression entre 2014 et 2017. Une baisse relative, selon Fatou Jagne Senghor, qui présentait le rapport, à «l’effondrement de la liberté des médias à travers le monde et à une augmentation de l’intimidation des journalistes, y compris des attaques verbales et physiques». Au niveau africain, le pays où la liberté d’expression est plus menacée est le Burundi avec un indice de baisse estimé à 54%. Une situation qui s’explique, d’après la directrice régionale de Article 19, par la situation politique que traverse ce pays. Mais le Sénégal n’est pas exempt de tout reproche.
Selon le rapport, la liberté d’expression a beaucoup chuté au niveau de l’espace civique du fait des répressions de marches et de manifestations d’étudiants. Le Sénégal a aussi régressé à cause du Code de la presse voté ces temps-ci. Selon Mme Senghor, ce Code est un fourre-tout et constitue un danger. «Alors, pourquoi le pays devrait garder cette loi si le Président rassure qu’il n’emprisonnera pas de journalistes durant son magistère», se demande-t-elle. Pour Fatou Jagne Senghor, même si on ne met pas des journalistes en prison, on peut s’en servir un jour. Ce qui l’amène ainsi à dire que ce Code ne doit pas être promulgué, en ce sens qu’il constitue une intimidation pour les journalistes. «Cette loi est contraire aux lois internationales, dit-elle. Il y a des délits de presse qui ne sont plus en phase avec les normes internationales telles que la diffamation», remarque la directrice régionale qui estime que «les peines civiles suffisent comme sanctions».
Par ailleurs, les membres de l’Ong Article 19 se disent préoccupés par la sécurité sociale en cette approche de l’élection présidentielle.
Selon Fatou Jagne Senghor, «il y a une rupture de dialogue qui inquiète». «L’Etat nous inquiète et le service public ne joue pas son rôle», précisent-elle avant d’ajouter qu’«il y a un risque de tensions». En Gambie, le rapport indique en revanche une très grande avancée de la liberté d’expression depuis 2017, coïncidant avec l’avènement de Adama Barro. Presqu’une évidence si on sait que ce pays sortait d’une dictature sanglante d’une vingtaine d’années. «Sous le règne de son ancien Président, Yahya Jammeh, la couverture des sujets sensibles entraînent des arrestations arbitraires ou des enlèvements. Plusieurs journalistes se sont exilés. Mais les médias précédemment fermés ont ouvert leurs portes, y compris The Daily News qui avait fermé depuis 2012», a souligné le rapport.